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,opO000000000000000000000000UVUO H1STOIRE DES RELATIONS RUSSO -ROININES PAR N. IORGA Professeur it l'Université de Buearest, membre tie l'Aeadeinip Roumania député. JASSY Edition du journal Neamul Rominesc" 1917 coc0000000.o...000r000.00000lgogoop000poy00000000voop000000000 oneoenol000000t 0000000000 0000 on00000 00.00000 V0000000 0000 r a 0(0000000000000000000000000000000 0 .04100060000G0000430.20000400000000 O O 0 0 0 t 0 o . . . 0- 00'A

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H1STOIREDES

RELATIONS RUSSO -ROININES

PAR

N. IORGAProfesseur it l'Université de Buearest,

membre tie l'Aeadeinip Roumania député.

JASSY

Edition du journal Neamul Rominesc"1917

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lliatoire des Relations Russo-Roumaines

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HISTOIREDES

RELATIONS RUSSO.ROUMAINES

PAR

N. IORGAProfesseur a l'Universite-de Bucarest,

membre de l'Académie Roumaine, député.

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CHAP1TRE I.

Premieres formes de la communautérusso-roumaine

Un -parti politique autrichien qui s'appuiedans ses visées soi-disant nationales" surla difference de race peut-etre, de dialectecertainement mais pas de langue, d'esprit,de traditions politiques et d'aspirations pb-pulaires entre les Petits-Russiens, sujetsen_ partie A l'Autriche, et entre leurs freresde la Grande-Russie, pretend étendre les fron-tieres d'une Ukraine future, Etat russe créécontre I'idée russe et l'avenir russe, jusqu'auxCarpathes et au Danube. II se plait A fairedes Daces une peuplade slave, alors qu'onpent attribuer un caractere slave A certainsdes Sarmates qui habitaient cette Transyl-vanie, toute pleine de noms geographiquesslaves, d'une grande ancienneté. II dénie Al'infiltration latine dans ces regions, puis A laconquete et A la colonisation officielles ro-maines le grand caractere profondement_trans-formateur qu'elles ont certainement eu. II

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voit dans les Antes et les Vénédes, qui oc-cuperent d'une maniere transitoire, jusqu'à cequ'ils purent s'ouvrir un large chemin versla Péninsule des Balcans, leur future patrie,ce territoire carpathu-danubien, ces vrais etseuls possesseurs durables, qui auraient donneau pays entier un autre aspect national, dontserait derivée, d'une maniere certaine, et sansaucune interruption, la population ruthenequ'on rencontre en masses dans la Bucovine.et dans certaines parties de la Bessarabie sep-tentrionale. Les Roumains ne seraient yentasque plus tard, comme des patres vagabondset y-a-t-il jamais eu de vrais vagabonds par miles patres ? et auraient pris la place de leursprédécesseurs qui gardent nécessairement tousleurs droits sur des pays qu'ils n'auraient e-vacués qu'incompletement. C'est prodder d'unemaniere bien malhabile dans une ceuvre pure-ment politique, a la realisation de laquelle plusd'une fois, et surtout depuis 1914, on a conviéles Roumains eux-mernes.

Du reste ces theories sont complétementcontrouvées. Et ce n'est pas un autre intéretpolitique qui les repousse, mais seulement laWrite des faits, constatée, il est vrai, par uneméthode qui n'est pas celle de M. lirouchevskiet de ses éleves et amis de Galicie.

Les anciens Daces, cornme leurs congéneres,les Getes, établis sur les rives cremes du

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Danube, alors que leurs freres occupaient sur-tout la citadelle transylvaine, étaient desThraces, et, s'il y a des similitudes entrel'aspect physique, le vetement, l'habitation,ies occupations économiques et les tendancesartistiques des Ruthenes et entre celles desRoumains, descendants de ces ancetres thra-ces, il taut en chercher l'explication clans cesang thrace lui-meme qui coule dans les vei-nes de ces Slaves occidentaux, comrne, dureste, dans celui des Serbes et des Bulgares.L'influence romaine, qui a completement de-nationalise Daces et Getes en leur pretant unlangage latin, ne peut pas etre traitée commeun incident quelconque dans une continuitéde vie slave stir ce territoire ; on peut ad-mettre seulement qu'elle n'a atteint que fai-blement ces Thraces, ces Daces d'au-delàdes frontieres", auxquels les Ruthenes doi-vent en partie leur existence. Il est bien vrai-que les Antes et les Vénedes ont hab;té cesparages, oft ils ont laissé un tres grand nombrede traces, dans le langage des Roumainsd'aujourd'hui aussi bien que dans la no-inenclature géographique des districts quis'étendent aussi bien stir la Bucovine etle Nord de la Bessarabie que sur la partievoisine de la Moldavie, jusque dans la proxi-mite de Jassy; mais ils furent, apres leurmigrations vers le Sud, des le VI-e siecle,completement remplacés par des elements

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- 4 -de race thraco-latine, qui conserverent dansles villages dont le nom finit en -eitqll'ancienne désinance petit-russiene en -ovcerqu'ils adopterent, du reste, comme suffixe-propre, souvent ajouté a des radicaux d'origine indigene.

Nous ne croyons pas a la possibilité d'unEtat ukranien", dont le nom bizarre, se rattachant a l'épopée de paysans et d'aventu-riers pillards des Cosaques, montre bien lecaractere ambigu et mal assure de la choseelle-même qu'il cherche a recouvrir. Mais lesRusses resteront toujours les voisins desRoumains et les Roumains ne cesseront jamais-d'are les voisins des Russes. Sur nombrede points il n'y a pas seulement voisinage,.il y a cohabitation. S'imaginer qu'on arriverajamais sur un de ces territoires a raliserl'unité ethnographique, l'homogenéité de lapopulation en faisant entrer les uns, de boagre ou de force, dans la forme nationale desautres est une illusion, non seulement vaine,mais aussi malfaisante. Un long passé leprouve et, si un grand nombre de Russes sesont perdus avant le X1V-e siecle dans lamasse roumaine, du Old de cette Moldavieseptentrionale, si, apres l'annexion de la Mtcovine moldave, roumaine, a l'Autriche, en1775, un nombre tout aussi grand de Roumains, surtout entre le Pruth et le Ceremu

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(Czeremos), se sont confondus dans le tor-rent de l'invasion galicienne provoquée etfavorisée constamment par l'Etat, dans ses,etrangzs combinaisons d'ethnographie politi-Ape, le temps est presque passe oft ces trans-figurations ethniques a la minute étaient en-core possibles. II ne faut pas seulement seresigner, des deux cafes, a des relations ré-ciproques, mais a chercher plutOt dans leursincérité et leur intimité un element (12 resis-tance contre l'envahisseur magyar dans leMarmoros ou allemand et juif dans laBucovineet de collaboration fraternelle danscette vaste ceuvre de civilisation qui com-mence a p2irie dans ces belles et fertiles e-gions. Or, pour arriver a ce but, il faut a-bandonner ces theories exchisivistes dont lafausseté historique n'est égalée que par leursconsequences pratiques defavorables aux deuxnations.

Jusqu'au IX-e siecle les Roumains et lesRusses nous ne dirons pas : les Russesd'Occident, car il n'y avait pas encore cettedistinction, qui ne fut créée que par la con-quete tatare et son influence multilatéraleeurent une organisation politique de toutpoint pareille et ressemblant a celle desSlaves de l'Occident des Balcans, de la raceserbo-croate, ainsi qu'à cella des anciens ha-bitants de la Pannonie. Des Voévodes condui-saient les villages vivant d'un vie patriarcale,

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entre des individus qui arivaient du memeancetre et fondateur. Its se reunissaient sett-lement pour l'ceuvre de defense ou pour des.incursions dans le voisinage, pour des raidspouvant rapporter gloire et butin. Du resteces Voevodes eux-memes n'étaient, ainsi quele montre leur nom lui-meme, que des ch fsguerriers, les fonctions pacifiques du juge,du collecteur de la dime pour les besoins dela communaute étant confiées au cneze, dontle nom,) recouvrant les memes attributions,se rencontre, a travers les distinctions natio-nales, des rivages de l'Adriatique jusqu'attloin dans la steppe de l'Europe orientale..Les Magyars eux-memes, quald ils vinr nts'établir dans cette Pannome dont ils absor-berent la population primitive slave, et plustard dans la Transylvanie, berceau de larace roumaine, échangerent leur premiere or-ganisation de migrations pillardes contre cesysteme de cnezes et de Voévodes; on saitque le saint roi Etienne, de creation aposto-lique romaine, avait commence par etre lesimple Voevode Vojk (le nom se rencontreaussi bien chez les Slaves que chez les Rou-mains).

Sauf les Croates, soumis A l'influence d'uneautre propagande, qui partait de l'évech&conquerant de Salzbourg et des Sieges épis-copaux de l'Adriatique, Slaves et Roumains.furent gagnés par l'Eglise orientale de Con-

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stantinople. L'hierarchie byzantine, qui chassaaussi de Bulgarie, a la fin du IX-eles agents du pontife romain, ajouta éga-lement ces regions a ses dépendances, lesRoumains ayant chi sacrifier leurS anc'ennes.traditions ecclésiastiques qui les rattachaientl'Illyricum.

L'instrument dont se servit la NouvelleRome lut l'Eglise bulgare, de langue slaveere& par la propagande, qui avait commence-en Moravie, des deux apôtresm Cyrille etMéthode, des Slaves du hinterland de Sa-lonique. II ne faut pas croire cependant quedes distinctions nationales eussent existe pourles initiateurs et meme pour leurscomme St. Clements dont la Bulgarie natio-nale d'aujourd'hui veut faire le fondateur de'sa vie spirituelle. En dehors de l'Eglise, quine pouvait etre qu'écuinenique, employantles langues nationales seulement dans descas d'extreme impossibilité, comme des hum-bles servantes de la propagande, ils ne con-naissaient que l'Empire, l'Empire eterncl etunique, quelle que füt l'origine de ceux quien portaient le sceptre ou en défendaient lesaigles.

Les pays habités par les Roumains del'autre cOté de l'Ernpire, en Mésie, en Ma-cedoine, en Thessalie, en 8pire, étaielt desprovinces de Byzance; la rive gauche elle-meme était theoriquement une terre d'Empire

siecle

disciples,

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-le nom de l'empereur, Impärat, se trouveencore au milieu des contes populaires rou-mains, de la pensée politique meme de larace. Les Bulgares, plus tard les Serbes,ie pouvaient pas meme penser X fonder tut

autre Empire, sur d'autres bases, ayant tineautre legitimité et des tendances différentes ;ils voulaient l'Empire, et non pour leur na-tion, mais pur cette nation seule. C'est pour-luor des pâtres valaques révoltés, Pierre,Asen, Joannice, purent f ,nder plus tard, vers1200, un Empire s'appuyant sur la popula-tion bulgare, adoptant les traditions politi--ques de l'ancienne Bulgarie de Krourn et deSimeon, sans lui imprimer aucun caracter6national, sans essayer mem un partage dedroit et d'influence entre les nationalités quiavaient contribué a la former.

Lorsque les Russes de Kiev, d'abord sim-_ples écumeurs de la Mer Noire, entrerent a-vec Constantinople, le brillant, l'éblouissantTzarigrade, nville des empereurs"dans desrelations pacifiques, de plus en plus intimes,ils lui emprunterent, en metre temps que lerite d'Orient pour lour Eglise, la conceptiond'etat imperiale. Comme Voevodes, Grands-Voévodes, leurs chefs n'étaient pas en dehorsde Byzance, mais, au méme titre que lesSlaves des Balcans et les Roumains eux-memes, dans la spliere ideate de Byzanceelle-meme. Ce n'était pas une abdication,

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tni meme une humiliation, mais bien la seulernamere par laquelle une possession de ter-.ritoire pouvait obtenir la legitimation poli-lique.

Or vers l'an mille Constantinople était ar-rivez a fixer un rang officiel, en so us-or-dre, A 1 empereur" bulgare, du reste allie ala famille des Césars byzantins. Elle alla plusJoin : cette fondation politique barbare clansJe v isinage pouvait récéler encore des dan-gers pour l'avenir ; l'idéal de l'unité réellesur issait A cette époque aussi bien clanla R me pontificale que da )s le By-zance des empereurs. Pour détruire 1 sband s bulg res qui entouraient encore cetrOne --de vassalité on fit venir les Ru ses deIcev, qui s'empresserent d'accourir, commeides s'mples auxilia'res payés par le t ésorimpér'al et avides du supplement represen épar le, butin. Vainqueur de ces defenseursde l'Etat" de Preslav,. Sviatoslav svmmob--lisa sur cette terre balcanique qu'il hesifaitA rendre au legnime possesseur qui ét itson seigneur de Con tantinople. II fut assrgeidans Slistrie, dont il avait fait sa résidenc ,et cela signifiait que le r vage roumain d'en-face était sous ses ordres, ce qui lui etait,de fait, nécessaire pour ses communications,A travers les chemins hantés par les Petché-ni.gues. avec son ancienne patrie. Force enf in4ie partir, apres une longue resistance, il em-

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-portait avec lui des coutumes inconnues cherles siens, des institutions qui n'étaient pluscelles des Varegues scandinaves, créateursde ce duché tie Kiev, des barols balcaniques,affublés du nom bulgare de boTars, des clercs.habitués A célébrer en langage slave, des ar-tistes appartenant A ce monde byzantin qu'ilavait dil abandonner. S'il fut tue en chemin,.oar les barbares touraniens de la steppe, cetheritage fut conserve par son peuple.

Mats ces formes, ces conceptions politiques,.ces pratiques culturales avaient envahi de-puis longtemps le monde roumain lui-merne.On y avait toujours reconnu, invoqué etservi l'empereur legitime, même A travers-l'usurpation passagere des intrus bulgares.L'Eglise byzantine avait été toujours accep-tee dans ses rites aussi bien que dans sonhierarchie. Les premiers parmi ces paysans,du Danube" s'éta:ent peat-Etre déji ornés.du litre touranien de bolars, emprunt6 auxBillgares.

De cette façon l'ancienne continuite patri-arcale, de civilisation primitive, entre Russeset Roumains se poursuivait, en se complétantet en se compliquant d'autres influences,sous cette forme supérieure des emprunts.byzantins, faits directement A Constantinople-ou par le moyen de l'intermédiaire, de l'imitateur grossier qui fut le Bulgare.

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Cela dura encore pendant deux siecles,.jusqu'à l'invasion tatare.

Le violent flux des Mongols, qui ne futarreté ni par la barriere des Carpathes,ni par la ligne de separation du Danube,penetrant jusqu'aux rivages de l'Adriatiqueet aux confins du vaste monde germanique,submergea -aussi bien les Russes que les,Roumains. Les deux nations firent parteégalement du nouvel Empire asiatique eta-bli sur des bases empruntées a la Chine-millénaire. Si les cnezes russes, ramperenta la Horde" pour y porter leur argent. leurscadeaux, parfois meme leur tete coupable, unNoga, un Toktai, les chefs impériaux eux-memes de cette Horde, établirent lair residence sur la rive roumaine du Danube, d'oitils pouvaient contrôler les mouvements desEtats balcaniques, oil ils intervenaient sou-vent pour épouser des princesses de Byzanceou pour imposer des Tzars" de leur racea Trnovo. Et, si les Russes ont emprunté acette domination qui dura plus d'un siecleune conception nouvelle de l'Etat, tout umnpuvel ordre de l'administration et des finances et cette tendance de transposer le-centre de gravité de leur vie politique vers.l'Orient, de Kiev a Moscou, si ittat en sor-tit transfigure a la mongole, les Roumains,qui avaient encore vers 1330 1a domination

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-directe des Tatars dans le grand port duDniester, Cetatea-Aln, l'Akkerman des Khans,et dans certaines parties orientates de leurterritoire, en hériterent leur regime douan er

ainsi que des termes tatars le prouventsuffisamment,certains elements du droit pe-nal et merne, peut-etre, des idées politiques.Sans compter l'institution de l'esclavage a-vec ces Tziganes, ces Tatära§i (Petits-Tatars),importés par l'invasion de Dschinguiz-Khan,qui les avait recueillis dans l'Hindo stanpour en faire les armuriers, les artisans etles musiciens ambulants de la conquete.

Pendant ce laps de temps la vie russefibre s'était refugiée vers l'Ouest, nu 1 at en-da.t l'influence et aussi l'arnbition, les ten-dances conquérantes du royaume apostoliquede Hongrie, vassal du Saint-Siege, lin royau-me de la Russie Rouge se form a'nsi,_d'apres le modele magyar et ayant parfois asa tete des princes allies, apparen es auxArpadiens. Halicz florissalt a une époque ouon ne parlait pas encore de Lvov (L mberget de Krakov (Cracovie), et Byzance entre

-tenait des relations avec cette nouvel e royau-te dont l'orthodoxie résistait, opinit'itre et pre-servatrice de l'indépendance, aux assauts dela propagancte catholique au service deJa Hongrie.

Or ce royaume détenait les sources duDniester, du Séreth et du Pruth. 11 devait

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tendre fatalement vers la domination de ceDanube, dont le nom retentissait dans l'an-cienne Chanson d'Igor. 11 y eut sans douteun moment, que n'eclairent pas leS chroni-ques ou les documents, oh une nouvelleunite orthodoxe russo-roumaine semblatt de-voir s'établir entre les pretentions tatares del Est et la menace hongroise er l'Ouest.

Alors la Lithuanie palenne, puis la Polognecatholique, sub-germanique intervinrent pourfaire tourner a leur profit le proces de de-composition qui touchait a sa fin. Ce nfut dorenavant que par le moyen de cettePologne, confondue avec la Lithuanie, absor-b& sous le rapport politique aussi, que lesdeux nations parent se connaltre et s'influencer sans pouvoir se soutenir.

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CHAPITRE II

Premieres relations politiques entreles Roumains et les Russes ; échanges

de civilisation.

Apres l'annexion de la Galicie par Casi-mir-le-Grand, les Russes occidentaux cher-cherent A créer de nouvelles fondations po-litiques, de nouveaux foyers de civilisationpour leur race. Car le nouveau regime ne-ressemblait guere en fa;t de tolerance A l'an-cien regime lithuanien, qui respectait proton-dement une vie culturale plus ancienne, A la-quelle il avait emprunté autant de concep-tions et de formes d'organisation que lesOttomans en emprunterent plus tard aumonde byzantin vaincu et annexe'. Les Po-lonais apportaient avec eux le rite cathoLqueet les traditions latines de l'Occident, aux-quels ils entendaient soumettre peu A peu-ces nouveaux sujets, dfiment dépouilles Lieleur propre heritage spirituel, ainsi que de ladomination territoriale dont ils avaient he-rite.

On voit ainsi vers 1360 un membre de lalamille nombreuse et puissante des Koria-tovitsch, des Lithuaniens d'ancienne souche,ainsi qua le montre leur nom, probablementdes parents des Olgerd et des Keystuth, quicede aux sollicitations du grand roi de lion-

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.grie, Louis, si, du reste, les propositionsne vinrent pas de sa part meme et qui,,se mettant A la tete d'un groupe importantd'émigrés russes, vient coloniser cette region41u Marmoros, entre la Galicie, dont il étaitoriginaire, et la Transylvanie du roi, qui étaitjusqu'A ce moment habitée seulement par desRoumains, vivant dans des villages dissémi-nés par les vallons des Carpathes sous Pautorite patriarcale de leurs cnezes et Voévo-ties. Le duc Theodore Koriatovitsch, ami duTOi Louis, ne quitta jamais ce nouvel établis-sement, qui prospéra, pouvant s'appuyer bien-tot aussi sur une organisation ecclésiastiquepropre, l'éveché de Munkács (en roumain.Muncaciu). A côte, les Roumains conservaientleur situation séparée, garantie par des pri-vileges formels, leurs families voévodalesklonnant des guerriers et des nobles, des che-valiers att royaume de Hongrie dont ils dé-pendalent. Et enfin dans le cloitre de St. Mi-,chel aupres du village de Peri ils avaient unabbe de leur race, dont les pouvoirs épisco-paux avaient été creés par up diplôme dttTatriarche de Constantinople, établissant cettestauropygie roumaine, pour le Marmoros lui-même et pour les provinces hongroises voi-sines, parmi lesquelles tout le cote Nord-Est-de la Transylvanie.

Depuis lors, pendant plus de cinq centsans, les deux populations vécurent ensemble,

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les Russes plutôt du We de la Ga lic'e, lesRournains bordant de leurs villages la fron-tiere transylvaine, les uns et les autres nejouaient aucun rOle important dans les vines,Munkács elle-meme, Hust, Szigeth, TecsO, quiétaient de fondation teutonique parfois et abri-taient des colons hongrois pour la plupart. Cettecohabitation pacifique n'excluait pas une c n-currence bien 'naturelle: si les Russes cher-cherent a s emparer de la grande abbaye 6-piscopale de Ped et y arriverent parfois, desle XV-e siecle, lorsqu'e'le avait déjà dechu,des Roumains furent pendant le siec e sui-vant les maitres de 1 éveché de Mun Acs, oula conquete de Michel-le Brave, prince de Va-Iachie, établit, en 1599 ou 1600, un m 'nevenu de Tismana, le fameux monastere del'Olténie.

Mais le Marmoros n'etait rien de uqu'une province hongroise,,n'ayant que 1 u-tonomie comprise dans les diplômes des r isqui n'était pas capable, -dans les circonstan-ces données, d'un développement prop e IIen fut bien autrement en ce qui concerne laMoldavie voisine.

Des 1340 les troupes du roi Louis avaientcommence a débarrasser des restes de la do-mination tatare k pays de riches pAtures etde forets vierges, parsemées de rares etablis-sements ruraux, clui s'etend a l'Est des Car-

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pathes de Transylvanie, au-delA des etablis-sements formes depuis des siecles pour lesSzekler magyars, gardiens de cette frontierepresque toulours menacée. Des châteaux fu-rent bâtis dans la montagne, les anciens cen-tres hongrois pres des mines de sel d'Ocnarecurent comme une nouvelle vie apres l'ap-parition des guerriers envoyés pour etendrela foi chretienne et l'autorité du roi. Pourmaintenir dans l'obeissance de ce nouveaumaitre &ranger les paysans roumains qui ha-bitaient entre ces montagnes et la ligne duSéreth on crut pouvoir employer, A une 6-poque oil les chefs militaires de cette raceavaient fourni, en Hongrie meme, A la Cou-ronne ses meilleurs défenseurs, des Voévodesd'outre-monts. Un Dragos, venu du Marmo-ros, et son fils qui portait le nom de Sasul.(le Saxon") s'établirent ainsi, comme sim-ples capitaines gouvernant au nom du roi,Baia, ancienne colonie iJe Saxons employés

l'exploitation des mines d'argent, sur lariviere de la Moldova. La nouvelle pro-vince s'appelait dans Je langage des indige-nes, qui, comme les Slaves, s'orientaient d'a-pres les rivieres seules, le pays de la Mo1-,dova, la Moldavie (cL la Moldau tchéque).

Une nouvelle immigration roumaine donna?un- autre caractere A cette Moldavie. Vaffluxde la population russe dans le Marmoro&avait amené de profonds changements dans

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cette province; un esprit d'initiative et d'a-venture animait maintenant les chefs desvillages, auxquels venait d'être révélée lapossl bilité rémunératrice des colonisations.Le Voévode Bogdan, depuis longtemps ha-bitué A la rebellion, réunit autour de lui ungroupe d'aventuriers et s'en alla, sans autrepermission que celle qu'il avait demandéeson propre courage, dans cette nouvelle pro-vince roumaine a peine délivrée des Tatars,pour y fonder, sur les ruines de la provinceliongroise, tres facile A détruire, surtout pardes congéneres mieux doués, un nouvel Etatrournain (vers 1360).

II y avait delà dans les montagnes de laValachie des le commencement de ce XIV-esiecle une principauté de tout le pays rou-main", creation nationale spontanée, fondéesur !a base de l'ancienne idée impériale ro-fnaine qui survivait dans le peuple A l'Em-pire détruit, par la reunion des Voévodatsexistant sur la rive droite et la rive gauchede l'Olt. Cette premiere Roumanieu, ayantpour capitale Arges, dans la montagne, de-vait s'étendre vers l'Est jusqu'A la frontiereethnique des habitations de la race. La nou-velle Moldavie l'en empecha, car elle de-vait durer, vaincre et conquérir.

La Valachie, plus ancienne, Malt orientéece qui concerne ses Pnstitutions superieu-

res, 11 langue de l'2glise et de l'Etat, le style

A

ten

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.de la chancellerie, d'apres ces Etats slavesd'au-delà du Danube qui avaient continuejusqu'à ce moment la grande tradition deByzance. Elle avait des borars; le prince,-Grand-Voevode dans son titre ofiiciel domn,,,dominus", pour les siens, était entoured'une Cour ofi ii y avait le logothete, leyestiaire, le comes (comis"), le stratege, le,dvornic (dvor, cour" ; c'était le comessacri palatii, le majordome); on chantaitdans l'eglise la messe en slavon et les d:-plômes étaient délivrés dans une forme quiiie différait en rien de celle qui était em-ployee pour. les Tzars de Trnovo on pourles Krals serbes ; des moines balcaniquesCevaient, avec le concours des princes, lespremiers couvents de langue slavone, a Vo-dita et a Tismana. Quant a la Moldavie, a-pres avoir passé sans doute par une phase

ainsi qu'on pouvait l'attendre de lapart de fondateurs venus de Hongrie, ellefut gagnée aussi a ces formes slavones, maiscette fois ce ne fut plus par l'intermeiiaireserbo-bulgare, qui agissait cependant aussi,yenant de la Valachie vois4te.

Bientôt rancienne Russie Rouge paruts'etre rélugiée sur ce nouveau territoire, etcela sans rencontrer, comme dans 10 Mar-moros, les formes étrangeres imposées partine autorité supérieure.

11 n'y avait de ce côte-:ci comme _premiere

(aline,

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assise que la tradition ,populaire, dans ledomaine de l'Etat, de l'Eglise, de la société;il fallait bien la respecter, mais elle ne con-tenait pas d'inspiration pour les beso:nsnouveaux d'une vie politique dement orga-nisee. Tout fut emprunté done A cette an-cienne civilisation russe qui avait passe sansaucun changement de Kiev A Halicz. Si lespremiers moines lettres vinrent de Valanie,de l'école du Serbo-Grec Nicodeme, ils neparvinrent pas A coiquérir l'organisationeccisiastique moldave par le premier é equede Cetatea-AllA puis de Suceava, Joseph,.qu'en se rattachant au Siege russe de Ha-licz. Une tentative polonaise d'.ntroduirdans la principauté le rite catholique, parla propagande des Dominicains et es-Franciscains, qui réussirent A fonder et 1faire accepter par le prince Latzco, fils de-Bogdan, l'eveché catholique de Sereth, sebrisa contre la resistance du pw s. Lafemme de ce Voévode, qui ne conseniit pas-A changer de religion, parait avoir été unedescendante des cnèzes de la Russie RougeUne autre femme, Marguerite ou Mupta,probablement fille de Latzco, se distinguapar l'appui permanent accordé aux Freres.Precheurs, mais elle n'arriva qu'A leur faireaccorder des revenus par son fils, le princePierre, tout aussi ferme dans son orthodoxieque l'avaient été, malgré leurs demonstrations

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atholiques, inspirées par la crainte de laPologne, ses prédécesseurs.

On n'a pas d'actes éaits de la part deBogdan ou de Latzco. Les- plus .anciens desprivileges moldaves qui nous aient été con-serves sont dtis a Roman, frere de Pierredont il a été question ci-dessus. Ifs ne sont,dans le titre du prince, dans les formules de-donation, dans les particularités dialectales,qui contiennent des Lernents empruntés auparler populaire des Petits-Russiens, dansleur aspect calligraphique lui-méme, que fareproduction des diplômes accordés par lesKoriatovitsch de Galicie.

Et ce n'est pas toat. L'hierarchle civile-variCe et precise qu'on retrouve dans laValache manque dans cette autre princi-pante. 11 faut attendre que le mouvement decivilisation cormnencé dans les- couvents pro-duise son infiuence sur la vie politique pour.avoir sous Alexandre-1,!--Bon, fits de Roman,et prince pendant bien trente ans, a partirdu commencement d'un nouveau siecle, un>ordre permanent des dignitaires du pays..Sous ses prédécesseurs cet ordre est suppleCpar la confusion qui a toujours régriC. dansJa Galicie, oil on était seulement, a la lithua-.nienne, noble, c'est-A-dire guerrier.

Arretons-nous un moment aux noms eux-Tni.lmes. Si celui de Bogdan se rencontre4ilans les Balcans aussi, Latzco est un nom

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petit-russien et Roman _rest tout aussi bien,alors que ceux de Pierre et d'Etienne, autrfrere, rappelent les saints protecteurs de laHongrie, dont une des provinces avait eté le-berceau de la nouvelle dynastic. Parmi les.boTars aussi les noms russes ne manquentguere. Et, lorsqu'il s'agit de les caractériserpar leur lieu d'origine, par leur bien-fondsc'est la forme de la chanceller;e de Haliczqui est employee pour rnarquer la derivation._

II y eut me'me quElqiie chose de plus. Oaessaya a la mart de Latzco, qui ne laissaitpas d'héritier mile, d'un dtablisscm..nt dy-nastique rune en Moldavie.

On ne saura probablement jarnais ce qu'il-en fut de ce regnc moldave du cneze YourgKoriatovitsch que ;es anciennes hstes despr:nces, co.is:svees et commerno. ees dans leséglises, ne voulurent pas admettre parmi les.maltres légitimes du pays. On peut poursuivre les événemeats de sa v;e dans les chro-niques russes de Lithuanie. En Moldavie ilfut appelé par les bolars, et on a pu soup-conner qu',Is furent determines a cet acte-par la craM:e du catholicisme polonais; oma cru qu'il avait epouse une- fille de Latzcobien qu'on ne puisse citer aucune preuvedocumentaire ; au contra;re soa nom auraitfigure dans les listes mentionnees plus hautsi un mariage l'avait rattache a la dynastie

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legitime. 11 parait avoir peri dans une ré-volte ; on montralt deux siecies phis tard auxvoyageurs etrangers pres de la ville de 13firladun tombeau qui aurait Cté le s'en,s'il tauten croire le témo'gnage de Stryikowski, lechroniqueur polonais, qui a bien pu commettreune cortfusijn. Un diplome de lui accoraun combattant con're les Tatars sur le Dniestern'est qu'une falsificat:on pour laquelle on aemploye les actes authentiques de la chan-cellerie des Koriatovitsch.

Pendant quelque temps la Lithuanie, ré-unie A la Pologne par le mariage du cnezeJagello avec Hedvige, heribere, par sa mere,du grand rol Casitnir, conserva tout son he-ritage politique, qui était en grande partierusse. Elle put esoérer meme, apres la mortde Jagello, devenu prince_ chi-ellen Vladislav,s'élever A une nouvelie. et glorieus2 indépen-dan e, ornée tie la couronne royale que legrand-prince Witold demanda a son allié,,l'empereur S.gismund, et qu'il fut sur le point-d'obtenir. Les traditions lithuaniennes vi-

aient aussi dans la carriere d'aventures deSvidrigaIlo, parent du meme Viadislav. MaisdejA sous le second Vladislav, et surtout sousCasimir, son frere, la Pologne latine et ca-tholique commenca son oeuvre opiniAtre desubstitution.

On sait que la Lithuanie ne fut absorbéeconstitutionnellement qu'en 1568, et encore

A

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sous Alexandre, un des His de Casimir, elleparut avoir un regain de vie, jusqu'à ce quece prince herita par la mort de son frereJean-Albert de la couronne de Pologne aussi,Mais Ce n'et2it là qu'une survivance formelleA une mission historique qui etait bien finie, etpour toujours. Ce qui existait cepcndant, par-ce qu'il n'y avait pas de puist.ance capablede la détruire, c'etait la vie populaire, lavie reltieuse, la vie nat:onale di peuplerusse, et cela bien que ses ancicaS r.:],..fs, lescnezes, eussent passe bient3t dans- les rangsde i'aristocratie polongise, autour a'une Courqui fut armee, au XVI-e et au XVII-e s:ecles,par tout le prestige d'intellectualité et d'art-de la Renaissance occidentale, venue d'Italie.

L'époque était bien finie oil la Moldavienaissante empruntait A la civilisation ortho-doxe, plus ancienne, de catte Russie de Ha-licz. Sous Alexandre-le-Bon et, apres desannees de troubles affrepx, sous son grandpetit-fils et successeur Etienne (1457-1504),la nouvelIe principauté eut un ordre des di-gn:taires décalqué d'apres celui de Byzance.

aussi par des relations directes, entre leSiege métropolitain de Suceava et celui duPatriarche écumenique de Constantinople etentre Jean VIII, ernpereur constantinopolitain,qui, revenant d'Occident, traversa la Molda-vie, et Alexandre lui-m8me, donna aux ,Voe-

qui,

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vodes et seigneurs" une concept ionim-pértale de leur pouvoir qui les amena A s'in-tituler autocrates". Tout en gardant Vancienstyle diplomatique, elle n'avait plus besoind'emprunter A la Russie occidentale les scri-bes de ses nombreux diplômes. Un art cal-ligraphique original surgit dans les écolesdes clottres moldaves et aussi dans la chan-cellerie princiere qui remplaga l'ancienne écri-ture menue et ramassée par des lignes plus.élégantes, dans lesquelles commence A paraitreune influence occidentale. Ces cloltres ont servide modeles A ceux qui vegéterent dans descondifons moins favorables en Galicie, enPodolie, dans la Russie polonaise; des ma-nuscrits venus de Moldavie s'y retrouveut denos jours. L'art byzantin, dans la reliure, dansla sculpture des objets d'église, dans la bro--dee des parements, est directernent em-prunté A Byzance et subit sur ce nouveauterrain des influences qui lui donnent unnouvel aspect, dont commencent A peine As'intéresser les historiens de la civilisation.'Si, plus tard, le travail materiel est dil, nonplus seulement aux moines roumains, maisaux orfevres de Lemberg et aussi aux bro-deuses grecques de Constantinople, les dessinseux-tnemes sont strictement d'apres la tradi-tion qui venait de s'etablir en Moldavie. Onaura enfin A Lemberg meme, vers le milieudu XVI-e siecle, grace A la piéte libérale du

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Crétois Constantin Corniacte, grand-douanierde Moldavie, une église valaqueu, c'est-A-dire moldave, dont la peinture elle-metne&al due A des maitres venus de Moldaviecette eglise fut, du reste, l'objet de soinscontinuels de la part de tous les princes quiregnerent a Suceava, pwis A Jassy : ils luifirent don de clothes et de tout ce qui pou-vait servir au service divin; ils releverentses murs ébranlés et ne manquerent jamaisde lui servir une irnportante pension. Laconfraternité stauropygiale de cette vileétait soutenue exclusivement par ces patronsQuelquefois des prétendants moldaves exe-cutes par ordre du xoi de Pologne, pour obéiraux injonctions du Sultan, trouverent leurplace de repos dans cette église.

L'hierarchie moldave était arrivee, du restejouer envers les églises russes desorgawisées

le rOle qu'avait joué jadis envers l'Eglisede Moldavie en plein travail d'organisationl'Eglise rtisge de Halicz. Un document polo-pais reconnait formellement que les pretresgaliciens venaient habituellement demanderleur consecration aux éveques moldaves. Plustard ce fut A Jassy qu e reunit, en 1594,le synode destine A contrebalancer les succesdela pt opagande des Jesuites parmi les Russes.de Pologne.

L'Etat moldave avait compris, depuis ses

;.

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commencements, une population petit-rus-sienne, qui s'était confondue cependant avecla majorité des habitants de la principauté.Partie de Baia, zette pr.ncipauté s'était crabord&endue vers l'Est, englobant tour a tour lesvines, de creation allemande et arrnénienne,comme Lemberg ellc-meme, de Sereth et deSuceava, qui avaient merle jusque IA, sansdoute, une existence autonorne. Efle descenditbientOt le cours du Sereth et du Pruth pourarriver, vers 1390 encore, sur les bords dela Mer Noire. "La frontiere orientale était versla meme époque le Dniester, et les paysdeserts" de la Bessarab:e méridionale d'au-jourd'hui devenaient l'apanage des boTarsrnoldaves.

Mais le pays n'étalt pas encore contenudans les limites naturelles capable; d'etre de-fendues contre un retour offensif des puis-sances dont les Voévodes avaient employe ledéclin ou le désarroi momentane pour étendred'une maniere si rapide unique dans l'his-toire des colonisat:ons politiques leur do-maine. II y avait au Nord tine porte ouverte

l'étranger, c'est-à- dire au roi de Pologneaux tendances envahissantes. Pour avoir lecours supérieur du Pruth et du Dniesterii aurait fallu pouvoir entretenir des garni-sons, non seulement dans les forteresses deHotin (Choczim pour les Pol9nais), de Chmie-low, de Tetina, pres de la vale actuelle

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de Czernowitz, mais aussi dans les centresde commerce, plus importants, de Kolornea etde Sniatyn.

Ce fut pour le prince Pierre le grand pro--bleme militaire et politique que cette acqui-sition des regions qui portent le nom deSzepenik (en roumain Sipinti), de Pocutie(Angie") et de Hal;cz elle-meme. L'histoiredes contrats qui réglerent le sort de cettemarche moldave ne pent pas etre retracéed ans les bornes restremtes de cette expositionsommaire. Pour avoir ces tcrritoires,leVoevodeemploya le moment Olt la possession polo-naise dans le Sud de la Galicie était encoremai assurée. Dans ce vacuum de dominationil fit pétretrer l'expansion naturelle de saprincipaute. Pour le roi de Pologne, qui de.-vait tenir a sauvegarder son prestige, il nepouvait pas etre qu stion d'une simple cess:on;celui qui désira:t avoir le terrain contesté etdispute devait faire acte de vassalité et, enplus, cacher sous une forme quelconque sonagrandissement Le systeme Int employe aussipar l'empereur Stistnond abdiquaentre les mains de son ami et défenseurFrederic de Zoltern ses droits sur la Marchedu Brandebourg : preter une somme d'argentau suzerain, recevoir la province, qui étaitde fait vendue, comme gage et n'insister ja-mais sur un paiement qui n'était guere dansdes intentions de l'emprunteur non plus. Pierre

lorsqu'il

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compta done a jagello, auquel il fit hommagedans ce seul but,et pas comme au succes-seur legitime du roi Louis de Hongrie, sort,ancien souverain,une somme de 3.000 rou-bles d'argent. En échange il eut le droit d'oc-cuper le territoire de Halcz et se mit aus-sit& en possession de cette region de Sze-penik, pour que son successeur Alexandreeat la Pocutie entiere.

Si la Pocutie fat restee entre les mains deses successeurs, la ,proportion de la popula-tion russe dans l'Etat moldave eat eté parrop grande pour pouvoir etre absorbee.Mais, st Etienne-le-Grand reprit vers la finde ses jours Kolomea et Sniatyn, restituéesau rot de Pologne par les fils indignes d A-lexandre, dans leurs querelles interminables,le fils d'Etienne lui-meme, Bogdan, ne sutpas m'eux conserver cet important heritage :11 le sacrifia au vain espoir d'une alliance a-vec Elisabeth, fille du roi Casimir, et, mal-gre tous ses efforts, il n'eut ni la terre, nila dame. Le district de Szepenik resta seulincorpore A la Moldavie et il fut plus tardenglobe, avec d'autres regionS, dans l'acqui-sition autrichienne de 1775 qui prit le nomde Bucovine.

Mais de ce Ole l'expansion roumaine étaitdepuis longtemps completement victorieuseL'élément russe n'existait plus, dans qrcelques-

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,dizaines d'années, que comme un lointainsouvenir, entre déjA dans la légende, qui par-fait du solitaire fatzco, fondateur d'Itcani presde Suceava, a l'époque oü fut créée laprincipauté moldave. Et meme les migrations-des pâtres moldaves, suivant, vers le Nord,la ligne des Carpathes, avaient pénétré tresloin clans :e terrltoire galicien lui-meme, oftles noms roumains de nombre de pics Icsrappellent encore a notre souvenir. Les Hou--tzoules actuels, portant un norn d'origine évi-dernmtnt roumaine (Hutul articulé donne commeradical Hilt, qu'll faut rapprocher de Mot, nomde la population roumaine de l'adest de ITransylvanie), ont, sans cloute, du sang mol-clave dans leurs veines, b:en qu'ils parlent unAialeLte petit-rlissien.

Mais, au momnt meme oft les princesmoldaves du XV-e et du XVI-e sleec se fai-saient suivre an retour de leurs incurs:onsdans les distrlcts voisins de la Pologne pardc nombreux paysans ruthenes, qui venaient

-volontiers habiter une terre libre, sous anmaitre de leur propre rite oriental, des pro-priétaires polonais attira:ent par des privile-ges extraordinairement favorables des milliersde Roumains, surtout des pres, qui aban-donnaient leurs occupations antérieures, surdes terres qu'il fallait défricher pour l'agri-culture. Reste-t-il encore quelque chose de.ces villages de colonisation valaque" ? Pas

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plus que des villages de transplantationnithene créés par Etienne-le-Grand, Bogdanet son autre fils Pierre Rares (t 1546). 11 yavait comme un mouvement de compensation,qui permettait aux deux Etats d'arriver etdes frontieres plus nettes sans qu'une desraces qui habitaient les territoires limitropheseilt perdu quelque chose dans sa proportion.envers l'autre.

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CHAPITRE III

Communauté russo-roumaine d'ac-tivité militaire aventurière. Cosaques

du Dniéper et leurs relationsavec les Roumains.

Des le commencement du XVI-e si&le,.Roumains et Russes occidentaux, sujets dela Pologne, eurent Poccasion de combattreensemble, par les larges chemins de l'aven-ture, contre l'ennemi commun de leur religion,chrétienne, le Turc, et surtout contre son auxi-liaire, infatigable A la proie de chaque année, leTatar de la Horde, qui détenait alors, aprèsla catastrophe de l'Empire des anciens Khans,non seulement ce refuge qui fut la Crimée,le Pérécop", mais aussi ces champs deserts'qui s'étendaient, dangereux pour le mar-chand et le voyageur, jusqu'au Dniester mol-(lave.

Bien avant la direction qui fut impriméeA la Russie moscovite vers ce Tzarigradequi n'entrait nullement dans ses considéra-tions d'avenir, lorsque la Pologne était encorela voisine de la Moldavie A l'Orient, la pre-miere collaboration militaire entre Russes etRoumains prit le chemin rimunérateur deraventure.

La Moscovie, dont nous présenterons plus.

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tard les premieres relations avec les Rou-mains de Moldavie, avait sliffisamment af-faire pour écarter définitivement des pcsses-sions du grand-prince les Tatars de Cannet d'Astrakhan et pour empecher la Pologne,héritiere des pretentions lithuaniennes, qui,venant de l'Occident, essayait de refaire Ason profit Pancienne unite russe. La Pologneelle-melne cherchait A vivre en bonnes rela-tions avec le Sultan, dont elle savait bien nepas pouvoir briser l'essor et qu'elle étaitbien contente de tenir loin de ses propresfrontieres. Cependant les Tatars devaient etreempêchés de poursuivre leur ceuvre journa-liere de pillage, et leur exemple nlontrditA ceux qui seraient capables de prendresur eux cette Cache le profit qu'ils pouvaienten tirer, contre l'ennemi et, parfois, contreles amis aussi.

L'oppression catholique des Polonais, A la-quelle se réunissait Pinfluence d'un regimesocial tres lourd pour le paysan serf, qui é-tait dans ces regions presqu'exclusivementrusse, chassa dans ce desert, sillonné parles incursions des paens, un grand nombrede jeunes gars et de guerriers d'un Age mirqui entendaient se rendre profitable cet exil.Des Polonais même, poursuivis pour desdélits et des crimes, chercherent un refugedans leur communauté, qui formait un vraiordre de chevaliers brigands, Des Roumains,

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venant surtout de Moldavie, accoururent pourparticiper au butin. Les cataractes du Dnie-per leur offraient une invincible défenw con-ire la revanche tatare et leurs iles pouvaientservir de point de depart aussi bien pourdes raids dans la steppe que pour des en-treprises de pirates dans la Mer Noire etjusqu'k ces cOtes de l'Asie qu'ils cpnnurentplus tard. II y eut ainsi entre des nations enfer-inees dans les bornes de leurs Etats un grou-pe nombreux de combattants redoutés quin'eurent d'autres lois que les ordres indiscu-tes d leurs chefs. Ils s'appelaient Kosaks,Cosaques, done, en langage tatar: vagabonds,exiles, outlaws, un peu de tout cela, etils ne voulaient guere etre autte chose.

II leur fallait un maitre, et ils ne-l'auraientpas trouve facilement dans leur bande elle-meme. Mais les seigneurs russes voisins, a-vides d'une gloire aventuriere que Ia pru-dence calcutatrice des VAS de Pologne.yes dans Ya doctrine d'Etat de Machiavel,n'était pas capable de leur dormer, se mon-traient assez disposes A jouer ce role. Le grandchef fut d'abord un noble de campagne, Eus-tacfie ou Ostaphii Dachkovitsch, qui sut don-ner aux châteaux de Tscherkask, de Kaniev,repaires de ses gens, le caractere de forteres-ses inexpugnables. II n'était pas un inconnuen Moldavie, oft Etienne-le-Grand lui-memecut, d'un bout cle son regne rautre, manie

éle-

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* partir avec les bandits tatars, et, lorsquele danger menagait de ce cede, le --capitainedes Cosaques trouvait un abri assure del'autre ceité du Dniester.

Mais, apres Eustache, celui qui eut le co:n--mandement supreme fut un descendant memeAu vaillant prince moldave. Etienne avail marietine de ses filles, Marie, a un noble de Petite,Russie, Sangusko, le seigneur deWisznitz, et de.ce mariage naquirent les deux Wiszniewieckidont l'histoire consigne les hauls faits guer-iiers dans la premiere moitié du XVI-e siecle.Démetre ou Mitro devint a la tete des Co-saques une vrie puissance politique qui nes'inquiétait pas trop des ordres du roi dePologne dont il pretendait etre resté le sujetloyal ; la Moscovie l'attendait les bras ou-verts A ses moments d'impatience et de re-Nolte et, -en outre, il n'oublia pas un momentsa descendance princiere, des Voevodes dela Muldavie.. Lorsque, en 1564, l'occasionse présenta d'élever des prétentions sur le tittlemolclave, ou un aventurier grec, soudoyer del'Empereur, Jean Hemel*, dit le Despote, a,vait remplacé violemment le dernier repre-entant de la lignée de l'ancetre Etienne, A-

lexandre Läpusneanu, il s'empressa de sepresenter, avec quelques centaines de com-pagnons, devant ses futurs sujets, qui l'avaientappelé, de leurs vceux mitre l'usurpateur.

ffiais, comme il avait tardé un peu, les.

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Moldaves s'étaient déjh donne un prince deleur race, sans mélange de sang &ranger,.Etienne Tomsa, et, dans le conflit avec cenouveau Voévode, Wiszniewiecki fut battu..abandonné par les siens et pris, dans lameule de foin oh il s'était cache, chez des.paysans. Tomsa l'envoya a Constantinople-pour témoigner de sa victoire et de sa fi-délité en meme temps, et pendant des jourson vit ce malheureux, digne, par son courage,d'un meilleur sort, agoniser dans les crocs-de fer qui retenaient son corps sanglant.

Les Cosaques cependant ne negligerent pas-dorénavant cette Moldavie dont ils venaientde découvrir les riches plaines et les villesflorissantes. Ils Pauraient meme fait que les-Moldaves eux-memes, continuellement occu-pés a se donner de nouveaux princes, se se-raient empresses de les faire revenir. II y eut,sans doute, des Cosaques aussi dans Parméepolonaise qui en 1569 entourait Bogdan fils,d'Alexandre Läpusneanu, lorsqu'il espera pou-voir regagner par la force ce sceptre mol-dave que les Turcs venaient de lui arracherpour le vendre a un de leurs anciens clients,ce Jean qui devait mériter le surnom deTerrible'. Jean lui-meme en fit son princi-pal appui lorsque, menace du sort de son,prédécesseur, II recourut aux armes pour semaintenir, contre les Tatars aussi bien quecontre les janissaires redoutés du Pacha Tschi-

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gala. Il fit frapper une rnonnale d'airainpour payer ces auxiliaires précieux, qui ac-coururent sous les ordres de leur HetmanSvierchevski car on avait renoncé it cher-cher des capitaines parmi la noblesse fussede Pologne, et cette milice &armee, qui,appréciait hautement le grand courage, lemépris absolu pour la mort qui distinguaientle Voevode rebelle, l'accompagnerent dans sesincursions sous les murs des cites turques4du Danube et du Dniester, Akkerman, Kilia,'Bender, et, lorsqu'il livra dans les environsde Cahul, au village de Ro§cani, dans les,,déserts" sans eau de la Bessarabie rnéridio-nale, son dernier combat, ils ne partagerentpas la trahison des baars et se sacrifierentpour celui auquel ils avaient engage leurhonneur. Sous les yeux de ceux qui survé-curent au desastre, Jean, introduit d'abordtraitreusement dans la tente du commandantOrc, ext le corps &chit-6 par quatre bha-meaux.

Les Cosaques ne voulurent jamais croirei la mort de ce brillant héros d'aventure. Ilsreconnurent comme le prince jean, legitime,héritier de la Moldavie", tout exile de Ian-gage moldave qui artivait dans leur setsclzdu Dnieper pour demander qu'on appuyatses droits. 11 y cut d'abord, a la tete<de leur troupe hardie, un fean-le-Crépu(Cretul), puis un Jean dit Fer-a-cheval", car

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ee beau jeune homme aux longs theveux etau regard dorninant brisait facilement leg.thorceaux de fer qui tombaient entre ses.Mains. Avec le concours de ces bons cams,-racks dévoués celui qu'on -appelait jusqu'a-!ors Nicoara le Valaque" devint a Jassy le-prince lean par la grace de aeu, et onpouvait voir a ses Crites pendant son regne-de quelques mois, soutenu par la victoire, le-Hetman des Cosaques, Chalk, son general et-conseiller.

Jean dut quitter le pays; les Turcs le pour-suivirent de leur vengeance dans sa retrale.en Pologne, et le roi Etienne Bathory, quiavait appris en "rransylvanie, dont il avaitetele prince, qtre, pour se servir des Turck.il ne faut jamais contrarier leurs caprices, lefit saisir, icier en prison et executer stir la)place publique de Lemberg. Cet homme quisut _rester jusqu'à ses derniers momehts urtbrave, accepta de daigneusement son sort ifPrit la parole pour dénoncer aux assistants-la politique peu chretienne et nullementchevaleresque d'un Souverain si puissant, quiaurait dt1 plutôt prendre sur lui la tache glo-rieuse d'un chef de croisade et, apres avoirfini ce beau discours, qui fit colder les lar-mes sut les grosses moustaches de !mint-aventuriet present, il donna des instructions.A son frere le bourreau pour que son- ceu-Arre soit accomplie de la maniere la plus con-

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venable. Son corps flit depose avec- les hon-neurs this A un Voevode dans l'éghse mot-dave de cette ville de Lemberg, toute pleinede marchands moldaves ou venant de Mol-davie.

On n'oublia pas dans la steppe ce rudeguerrier, mais ce qu'on se rappelait le minxc'etait cette Moldavie aux beaux paysageset aux richesses inépuisables, chemin qui 0-raissait devoir mener aux contrées du Sultan,renplies du butin de deux siecles couronnesde victoires. S'il n'y avait plus personnequi osat se presenter comme celui dont toutle monde avait vu tomber la belle tete fiere,on suscita d'autres heritiers legitimes" dutaine tnoldave. Pendant les deux regnes dupaisible prince Pierre-le-Boiteux et memeSous celui qui le remplaca un moment, Jean-le-Saxon (Sasul), les bandes cosaques enva-hirent de nouveau le pays, mais pas cotruneennemis, car ils prétendaient seulement réta-Mir Pordre legal de la succession des princes,derange par l'usurpation des Tures. 11 y eutainsi apres t574 A quatre ou cinq reprisesdes Voévodes par la grace du Heiman et deses compagnons : un prince Alexandre, quise saisit du pouvoir pour quelqbes jours, unprince tonstantin, qui fut moins heureux, etd'autres encore. A la fin meme de ce si&Ieon vit les guerriers du Dnieper installer a

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Jassy un prince Pierre, d'assez belles allures,qui affirmait hautement etre le frere de Bog-dan, le second fils d'Alexandre Upusneanuqui, considéré comme mort A Constantinople,aurait trouvé un refuge aupres de cesbonnes gens, compatissantes pour les infor-tunes des princes en exil, que sont les Ni-soves" de la steppe; il gouverna au mil;eude ces auxiliaires pendant quelqu s semairlesen 1594 pour subir ensuite, dans la captiviféturque, le sort atroce de son prédécesseurcomme prince et allié des Cosaques, hi/froWiszniewiecki. 11 faut ajouter cependant queles Cosaques commengaient déjA, sous 'in-fluence impérieuse du roi Etienne et de sondisciple le Chancelier et Hetman Jean Za-moyski, A se faire a une discipline, garnie desubsides, qui les mettait parfois a la disposition du royaume, quand on ne voulait pas,

Varsovie, prendre la responsabilité et lesrisques d'une rupture avec les Turcs.

On commengait cependant A voir ces sol-dats de l'aventure sous un autre aspect aussi,qui, celui-là, n'avait rien de dynastique. Enennemis permanents des Turcs, ils se pre-sentaient a l'occasion des- grandes foires quise tenaient dans les villes-frontières occupéesdepuis longtemps par les jan:ssaires et yfaisaient, légalement, pour ainsi dire, un richebutin, sans regarder de pres si parmi lesvictimes se trouvaient ou non des pauvres

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-pays4ns moldaves accourus pour réaliser leurprofit. Le pillage de la petite ville d'Orheiu-montra, du reste, qu'ils ne distinguaient pasles frontieres, car elle se trouvait sur les ter-ns du prince moldave lui-même.

II y avait encore parmi les Cosaques des.Moldaves de pure race. Ceux qui les con-duisaient apres 1590 étaient Nalévaico, unRusse, mais aussi Lobodä, dont le nom estincontestablement roumain. A cette époque les,exhortations du Pape Clement VIII, les inté-rets de l'Empereur Rodolphe, auquel le Sul-ian venait de declarer la guerre, les ambitionsdémesurées du faible prince de TransylvanieSigismond Báthory amenerent la formation-d'une vraie ligue chretienne pour la ruine del'Empire Ottoman par une croisade qui de-vait employer toutes les forces disponiblesen Orient. Michel-le-Brave, prince dR Vala-chie, et ses contemporains moldaves, Aaronet Etienne Razvan, furent gagnés a la bonnecause de la revanche, qui devait rétablir pourla Maison d'Autriche l'ancign Empire deConstantinople. On n'avait pas, bien entendu,,oublié l'admirable mince des Cosaques. Ilsrecurent de Prigue un beau drapeau a l'aiglebicéphale des Habsbourg, et du Pape des-emissaires spéciaux, de langue slave, appor-4ant, avec des exhortations, des subsides dontl'éloquence etait encore plus persuasive. Au.

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Mclment oa, en 1594, les Tatars, dont rip-Vas lon avait &é a nouveau déclanchée par les.Tutcs, leurs metres, apparaissaient pres deJassy et dans les vallées du Marmoros hon-grois, les capitaines cosaques offraient leuralliance, plus ou moins désintéressée, au princeAaron, et on vit leur belle infanterie, rompueA toutes les difficultés de la guerre contrles Turco-Tatars, combattre a Calugärenipour la defense de la Valachie envahie parle Vizir Sinan. Ils furent les compagnons pre-cieux de Michel a la conquete de la Transyl-vanie en 1599 et ils ne ie quitterent qu'att,mothent oil il dut abandonner lui-meme sowarmee vaincue. Ils revinrent cependant sousles drapeaux roumains pour participer a larevanche.

Mais déjà leur caractere national s'etaitunifié. Hs ne contenaient plus d'autres ele-ments que les Petits-Russiens, et, se rappro-chant des souffrances et dtt &sir de vengeancedes paysans opprimes, leurs congéneres, Hsse préparaient pour une autre mission histo-rique que le combat A dote des Roumains.contre les appétits des Infideles, leurs voisins.

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CHAPITRE IV

Commmiaute culturale orthodoxe entreRusses et Roumains.

Les relations cuiturales entre Russes et Row-mains étaient devenues fres étroites dans la-seconde moitie du XVI-e siecle surtout, lors-que la nationalité des Petits-Russiens parais-salt devoir disparaitre sous l'afflux conquérant-de l'influence polonaise. Les monasteres des.deux pays entretenaient sans doute des re-lations suivies, est impossible de connal-tre dans le detail a l'aide des rnatériauxinsuffisants dont on dispose aujourd'hui. Mais.ce ne fut pas, certainement, par hasard quele Métropolite démissionnaire de MoldavieMardarius trouva un asile dans le couventde Drohobycz en Galicie, oil on le retrouveen milieu d'une comrnunaute monacale russe:11 y aura trouvé de ces !lyres liturgiques qui;des le commencement de ce siecle, avalen1 etCimprimes en Valachie, non seulement pourl'usage des eglises routhaines des deux Prift-tipautés et des Slaves transdanubient, mais

ussi pour celui de ces autres provinces, voi-sines, de l'orthodoxie russe.

IF a été (MO pule du synode anti-unionNteterm jass'y en 1594. Un certain nombre des-évkibes russeg y AsSistait, et sa mission était,Iu reste, uniquement celle de raffermir la foi

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orientale dans ces districts de l'ancienne Rus-s.e Rouge ; la Moldavie représentait cependantun dernier asile, un appui assure, un encou-ragement dans la lutte contre les fésultes.Elle Ctait devenue par les circonstances elles-mernes, sans aucune ambition de dominer, le

.centre de cette resistance confessionnelle au-tour de laquelle se formait la conscience na-tionale de tout un peuple. Et il ne faut pasoublier non plus que ce fut par cette memeMoldavie, qui entretenait des relations hiérar-chiques tres Ctroites avec le Siege patrfarcalde Constantinople, qu'arriverent en Pologneces émissaires grecs, que la surveillance jésuiteparvenait a decouvrir pour la persecution etparfois meme pour le châtiment et auxquelson dolt ce regain de fanatisme religieux quifut l'atmosphere morale meme dans laquellegerma l'idée russe. Nicephore le didascale,qui avait éte aussi quelque temps vicaire pa-triarcal, fut l'hOte du prince moldave avantd'echouer dans tine prison de Pologne, ofi ilexpia cruellement ses intrigues. Lorsque lePatriarche byzantin prémie II alla créer A Mos-con un nouveau Siege patriarcal pour lesRusses du Grand-Prince, il traversa les paysroumains, ou il avait trouvé toujours deshommages et des subsides, et la signaturedu Metropolite moldave .Georges Movilä setrouve sous l'acte solennel de la nouvelle,création. Plus tard enfin, c'est a une invita-

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tion du prince de Jassy, Radu Mihnea, q e-céda ce Patriarche de Jerusalem Théophanequi fut pendant quelques annees le conseiller-et le directeur spirituel de l'Eglise des Rus-ses occidentaux. Jerémie, eveque de Pé lag nieet de Prilep, fht l'hOte de Michel-le-Brave eten 1603 il avait été nommé eveque des Rou-mains du Marmoros par le prince valaqueRadu erban, conquérant de la Transylvanieavant d-z trouver un asile en Russie 1 Plus tardencore, le cer bre théologien grec Mete ius leSyrigue fut éveque de BrAila sous BasleLupu, avant de s'adresser, avec ses comp -gnons d'études, PaIsius Ligarides, un graprédicateur, et le didascale Arsene, de j s ythi Tzar orthodoxe. Des le mil'eu du XV -esiecle, du reste, c'est a Jassy que le grard-prince de Moscou demanda la traduction s'a-vone, faite par l'eveque de Roman Macart sauteur d'une importante chronique dans cet elangue, du recueil de lois byzantines dii aMathieu Vlastaris (Blastares)2.

1 Voy. Silviu Dragomir, Contributiohs aux re-lations de l'Eglise rountaine avec la Russie au XV II-esi&le, dans les Mniales de l'Académie Rou-maine", année 1912 ; résumé dans le Bulletinfrancais de la section historique", I, p. 94. lha.dveque de Munkács, Pétronius, assiste, en 1600,au synode qui règle les affaires hierarehiques ela Moldavie.

3 Ibid.

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La dynastie des Movilä, qui occupa lelrône moldave, et parfois le frOne valaque

pendant tine treutaine d'années, favorisa..5urtout les Polonais, sous Je rapport politiqueaussi Nen que sous le rapport religieux. Lesvicaires pontificaux, les éveques in partibus,

targuaient des témoignages de respectaccordés par le prince Jérémie, créateur de lapuissance .de sa Maison, a l'Eglise catholique,dans sa Capita le meme de Suceava, ou iivenait de contribuer a l'érection d'une chapelle.S,meon, frere de Jérémie et son successeur,-était le mari d'une Hongroise, qui porte dansdes actes officiels meme son nom &rangerde MaTgit (Marguerite), avant de devenir lanonne orthodoxe Melanie. Gabriel, fits de Si-Tnéon, apres avoir fini son court regne va-laque, épousa en Transylvanie, oü ii vints'etablir, la fIle d'un riche noble magyar, Ca-tholique ou réformée. Les principales relationsde la famille étaient en Pologne, oa elle passade longues années d'exil, et Jérémie y avaitacquis tine terre étendue, celle de Uscie, oft-on retrouve souvent les siens.

Ce fut cPpendant un de ces Movila, le pro-pre fils de Simeon et de cette Magyare, Pierre(1597-1647), qu'on appelait en Moldavie dudiminutif Petrascu, qui était ciestine a releverl'Eglise orthodoxe de Russie et a la consojiderpour todjours, a lui donner la force suffir-sante pour gagner Moscou elle-meme,. me-

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mac& a son tour par les efforts opiniAtresde la propagande jesuite. Pour comprendrece fait, il faut tenir compte du séjour dessiens en Galicie pendant les années de mal-heur et se rappeler l'image de cette ville deLvov A la fin du XVI-e et au commence-ment du XVII-e siecles, qui abritait, aupresdes nombreux Juifs, Arméniens, Allemands etPolonais, qui en étaient les principaux mar-chands, des Moldaves, des Valaques memes,venus en quete d'affaires, avec leurs chariotsde marchand:ses orientates, des botars echap-pés au massacre de leur parti ou aux perse-cutions d'un nouveau prince, des conspira-teurs qui préparaient sous l'egide du roi dePologne un nouveau regne, des princes fu-yards memes, des veuves de Voévodes quiplcuraient leurs marls executes par ordre dece roi, des jeunes pretendants et les princesses,leurs soeurs, ainsi que la nuée de Grecs etcle Levantins, de Crete, de Chypre, de Rhodes,qui vivait dans lent proximiti et sous leurpatronage. 11 y avait done tout un milieu or-thodoxe dans lequel Pierre passa les prerni-ires =lees de sa vie.

11 espera pendant longtemps pouvoir re-cueillir l'heritage moldave de son pere, et onconnalt tres bien les efforts qu'il fit dans cesens aupres des puissants de Constantinople,qui appréeiaient cependant les cadeaux, plusimportants, des princes en fonctions. Via mo-

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ment vint oil ses illusions disparurent. Lejeune Voévode Petrascu devint l'humble moinePierre. Un monastere moldave n'aurait pas pitabriter son orguell rentré, son ame brisée parla defaite, son renoncement, avide d'unenouvelle activité conquérante; celui qui avaitvoulu etre prince n'avait plus de place dans lepays retenu par un autre. De l'autre côté duDniester, le rejeton des 31ovila avait des amis.et des parents memes, car les trois filles deJereinie avaient été mariées dans ces richesfamilies d'origine russe qui entretenaient desrelations fréquentes avec la Moldavie, et uned'entre elles avait épouse un Wiszniewiecki,ayant dans ses veines le sang de l'anciennedynastic moldave. Pierre prit l'habit dans lecélebre couvent de Pétschersca pres de Kiev.Et, grace au puissant appui de ses protec-teurs, il arriva k_etre bientôt le chef memede cette Eglise russe danS les Etats du roide Pologne, un chef assez riche d'argent etde parenté pour pouvoir opposer victorieu-sement aux moments de danger son autorite-personnelle aux menaces qui visaient son Siegearchiepiscopal.

11 n'y a pas de Russe cultivé qui ne con-naisse la grande 'oeuvre culturale accomplie aKiev par ce prélat qui moutiit avant d'avoiratteint un age avancé, ceuvre sans laquelleon ne pourrait pas s'expliquer la renaissancerusse du XV11-e siecle elle-meme, dans la Mos-

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covie du Tzar aussi bien que dans ces dis-tricts polonais soumis A sa crosse. 11 reforma,son dere, sur les bases de stricte ortho-doxie, de conservation du dogme immuableet du rite ancien, qu'avait consolidées l'actioitdes agents venus de Constantinople et deJerusalem ; il fut fondateur d'école et créateurd'imprimerie. Les produits de ses presses, debeaux livres au type lisible pour des lecteurshabitués aux manuscrits, se rencontrent d'unbout -A l'autre de l'orthodoxie, au Nord duDanube au moins, et ses coreligionnaires ap-prirent leur catechisme d'apres l' puscule qu'ifit corriger par des théologiens grecs et ad p-ter par le synode de Jassy, en 1642.

Car il n'oublia jamais sa patrie, qu'il v'sitameme quelquefois, en cachette, pour ver' fierl'administration des biens-fonds qu'il y conser-vait. Ce synode de Jassy fut tenu sous la pro-tection du riche prince regnant, Basile Lupuqui s'enorgueillissait de jouer sous ce rap-port aussi le r6le imperial que lui attribu-aient ses panégyristes et gu'il remplit en ef-fet par les dons faits A l'Eglise de Constan-tinople et par la discipline qu'il rétablit dansson sein et contrOla séverement ; il fut plusimportant par ses consequences culturales,pour le resserrement des liens entre Russeset Roumains,que par la purification du dogme,qu'il devait realiser. Comme A l'assemblee de1694, les évEques des deux nations se ren-

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_ 50 -contrerent et échangerent leurs vues sur laconduite qu'il fallait suivre /pour pouvoir ré-sister aux doctrines hétérodoxes qui venaient,non seulement de la Txansylvanie des prin-ces calvins en mal de prosélytisme, maisaussi de Constantinople elle-même, oil le Pa-triarche Cyril le Lucaris s'était jeté, pour sau-ver son Eglise, et surtout sa nation grecque,cl'une influence catholique, qui était aussiinfluence levantine, d'esprit et de langue la-tine, dans les bras de la Réfcrme. Mais sur-tout ils se demanderent un concours reel-proque pour orner leurs Eglis s de ces 616-ments de culture supérieure qui avaient aidejusqu'ici les progres de leurs adversaires.

II y eut bientôt une imprimerie moldave aJassy, qui emprunta a Kiev, non seulementle format de ses publications, le modele deses frontispices, mais aussi les caracteres ty-pographiques. Une école de slavon fut ou-verte, ayant aussi des cours de grec ancien,set, si, en fait de connaissances classiques, ily avait A Jassy quelqu'un probablementle logothOe Eustratius capable de traduire,-dans un style qui ressemble au français(l'Amyot, la riche phrase d'Hérodote, il fallutque des maitres russes s'établissent dans laCapitale moldave pour y former des élèvesscapables de renouveler l'emploi dans -les do-cuments de cette ancienne forme solennelledu slavon qui avait &é abandonnée, par ne-

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cessité, au profit de la fatigue vulgaire. On,Connatt les noms de ces professeurs, commeSophronius Potschatzici, qui furent des dem;formes par Pierre Movilg, Et, comme, a. lameme époque, le zele pieux du prince en-trichissait Jassy de nouveaux monuments re-iligieux, d'un luxe dans les ornements in-,connu ipsqu'alors, Basile Lupu fit venir pourles images sacrées des artistes russes qui a-vaient suivi les lecons des peintres de l'Oc-cident.

Des le regne de Miron Barnowski, apres162O, le Métropolite Barlaam avait été chargé.cle chercher en Russie, chez le Tzar, que ceprince intitulait : frere d'armes dans le com-bat pour la foi orthodoxe", de ces peintrestrico'nes, d'une nouvelle et meilleure facon.uls lui étaient n¢cessaires pour les fondationsde s,a piété inlassable, le couvent de Drago-nirna, dil plutOt au zele de son arche-veque, Anaslase Crhnca, un grand calligrapheet miniaturiste de son époque , et les,4glises de l'Assomption, de S. Oeorges, de.S. Jean-le-Nouveau, dont deux sont connuessous les noms de Barnowski, 4 Jassy, deB4rtiova, dans les environs cie cette Capitale,Alors que IA tpaisieme dolt Nrct, la pimpleInaison de pri4res, bade cepenclant en pierres,<le Toporauti, dans la Bucovine actuelle. Onme les eut pas, celte fois, les artistes pitsce-Nites, mais en 1636 Basile Lupu lui-meune

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faisait executer des ic6nes pour les ease&des Trois Hierarques et de Golia par lemaitre Nazaire, de Moscou, et, en les reclamant, ii faisait cadeau au Tzar d'un cheval.arabe. En 1638 le prince s'occupait aussid'ceuvres de scUlpture, pour la premiere des.églises citees, qu'il avait commandées A Moscou, et il fit venir A Jassy les peintres SidorPospélco et Jacques Gavrilov, puis Delco-Yakovlev et Proca Nekitine, A un moment oftles images moscovites étaient des'rees aussipar le prince valaque Mathieu. Le Tzar devenait ainsi un des bienfaiteurs des fondations de Basile 1. La Russie moscovite restituait ainsi A la Moldavie un ancien empruntcar il ne Rouvait pas y avoir A la fin dusiecle precedent de peintres d'église d'urtstyle plus pur dans le respect destraditions,et plus vivant dans l'emploi des elements priA la Renaissance que ceux auxquels on doitles inimitables fresques de Sucevita, fondation.de cette meme famille des Movila.

Celui qui présida A cette belle ceuvre deculture religieuse, le Métropolite Barlaam,auteur d'un recueil de preches pour les dimanches et les grandes fetes, était le filsd'un paysan du côté de Putna; ii suivait dans.son travail fecond une direction qui Etait de

Silvio Dragomir, loc. cit., p. 24.

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puis longtemps celle de l'Eglise roumaineelle-tame, dans ses différentes provinces, deMoldavie aussi bien que de Valachie et deTransylvanie. Bien que chargé de missions

l'étranger chez les nouveaux Cosaquesde Bogdan Chmielnicki aussi s'étaitforme' uniquement A l'école patriarcale de cescouvents de la montagne, Secul, Neamt, quiconservaient le mieux, et d'une maniere pluscomplete, les anciennes traditions. Mais il estivident que le modele suivi par lui danstoute son activité est le grand archeveque deKiev, qui avait pour lui aussi le prestige par-ticulier de l'ancienne dynastie moldave, dontii faisait partie. Du reste, Barlaam avait visité,ainsi qu'il a été dit, la Moscovie elle-meme,et/ lorsqu'il se décida a publier sa traductionen roumain de l'Explication des 8vangi1es,

demanda l'appui du Tzar 1

Ce courant se perpétua en Moldavie pen-'dant tout le dix-septieme siecle. La Valachie,gouvernée par le bon vieux prince pieux quifut Mathieu Basarab, ne tarda pas A se sou-mettre aux memes influences. ll y eut de cecôté aussi une culture religieuse aux memescaracteres dominants: rétablissement du sla-von dans les diplOmes princiers, meme

l'aide des formulaires en deux langues dont

1 Ibid., p. 26.

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el a été conserve, ou des recueils demots, de vrais dictionnaires, comme celuiqui est dit au moine Mardarius de Coziarenouvellement par de nouvelles editions du,trésor des livres liturgiques en slavon ; crea-tion d'imprimeries princieres; voire meme uncommencement d'activité littéraire profane,.an moins par des traductions (on a, en Va-lachie, celle de l'Imitttion de Jesus-Christ"et de Barlaam et Joasaph"), mais en se ral-liant au mouvement general de la cultureslavone ressuscitée et en ignorant en ce quiconcerne au moins cette Valachie l'essorfatal de la littérature en langue vulgaire, quidevait, cependant, preparer elle seule l'avenirnatic nal.

La principauté valaque, qui compta commeéveques nombre de personnages pieux et ac-tifs, ne peut presenter aucun type ressemblant

celui du Métropolite moldave Barlaam. Legrand lettré a la Cour simple, mais non dénuéed'ambition, du prince Mathieu est le propre-beau frere de celui-ci, le frere de la princess&Helene, UdriVe (ce qui, selon lui-meme, au-rait signifié : Oreste) INrasturel. On ne connait-pas les circonstances dans lesquelles il par-fit son education, mais II n'était pas seule-ment un bon conraisseur du slavon, mai unvrai Russe en ce qui concerne le style de sestraductions pédantes et de ses prefaces gran-

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diloquentes. Son aspect littéraire suffirait pourfaire voir l'étendue et la profondeur de l'in-fluence qu'exercait sur les pays roumains cefrere exile qui était Pierre Movi15, dont ona, en échange, des notices intimes rédfgeesen roumain.

On a attribué une origine galicienne auvrai successeur de Barlaam sur le trône ar-hiépiscopal de Moldavie, Dosithée, d'abord,endant quelques années, éveque de Roman.e nom de sa mere, Misira, parait indiquer

aussi une descendance arménienne, qui indi-querait la meme direction. 11 connaissait par-faitement le slavon et avait dans son stylede traducteur du grec, du slavon, du po-lonais des particularités qui paraissent avoirune saveur étrangere. Le latin ne lui étaitpas inconnu, ce latin que les clercs d'Orientdédaignaient comme dangereux pour leurconscience. 11 pade des paysages de Russie,du couvent de Pétschersca A Kiev, comrne_les ayant visités lui-meme. L'influence gall-cienne, russe est visible dans son ceuvre en-tiere, qui est une des plus gralides et durables.chez les Roumains. 11 n'y a pas jusqu'à l'im-pression de ses écrits qui ne soit en relation.avec cette influence determinante. thre partiede ces ouvrages, qui ne pouvaient pas etred'abord imprimés en Moldavie, oil Pancienneimprimerie de Basile Lupu et de Barlaamavait disparu au cours des luttes civiles apres

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la chute de Basile Lupu, dut paraitrz a Ou-niev, dans la Russie polonaise, oil les moinesavaient établi une bonne typographie en Ca-racteres cyrilliques. Lorsqu'enfin, plus tard,il eut la joie, longtemps attendue, de pouvoirlake imprimer ses livres en Moldavie meme,'11 demanda en Russie, cette fois au Patriarchelz le Moscou lul-meme et au Tzar, en 1679,les elements de sa fondation typographique,qui se maintint et s'enrichit meme, sous desformes différentes, apres sa mort. En 1691,il dut quitter la Moldavie avec les armées duTOI Jean Sobieski, qu'il avait saluees au nom.de l'avenir moldave, et sa retraite a Stryi, puis:41 Zolkiew, le maintint jusqu'à la fin de sesjours, en 1694, au milieu des Russes de Po-logne. 11 n'avait pas oublié non plus le Tzar<fans sa détresse, et il lui demanda par lettrQlie vouloir bien faire quelque chose pourapaiser la tempete de sa misere". Dans cetexil il avait completement abandonné son ac-tivité comme écrivain roumairi et il s'appli-quait a donner des versions slavones desLettres de Saint-fgnace le Théophore, des Corn-mentaires de Simeon de Thessalonique et desOraisons de Saint Jean Chrysostômel. Unneveu de Dosithee, qui invoquait aussi des\parents de Lemberg, comme le nomme Cy-

1 Silvio Dragomir, loc. cit., pp. 27-28.

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riaque Papara : PachOme Ispanowski, arriva a'etre plus tard eveque de Voroneje 1.

Telle fut, dans son ensemble, l'ceuvre ac-complie par le Moklave Pierre Movill, et elledevait régénérer plus tard la vie hierarchiquede la Russie moscovite elle-même. Un bonconnaisseur de cette Russie, Anatole Leroy-Beaulieu, ecrivait ce qui suit : ,Ne pouvant,comme a la guerre ou dans l'administration, yemployer des &rangers, Pierre-le-Grand seservit pour la reforme de l'Eglise, de Petits-Russiens élevés a. l'Académie de Kiev, sousl'influence de l'Europe" 2.

Ni la Moldavie avait donne des lettrésa la Russie ; tel ce Pamva Bérinde, dont lenom rappelle celui d'un ancien prétendant au-trône, a l'époque d'Etienne-le-Grand, Berin-deiu (ce nom de famille se rencontre encore-en Roumanie).

Mais celui qui profita le plus, dans la se-conde moitié du siecle, a la culture lequenaissante de la Russie moscovite fut Id Spa--tar Nicolas Milescu.

Originaire du district de Vasluiu, d'unefamille noble, mais assez mediocre, il a dilsuivre les lecons d'Eustratius et des maitresslavons du couvent des Trois Hiérarques.Mais il les dépassa de beaucoup. Capable de

1 Ibid., p. 29.a Revue des deux momies, XLIV, p. 11.

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traduire avec la meme facilité du grec et dtrslavon, connaissant aussi- le latin et memeturc, ii avait, ce qui manquait aux autres.Iettres de Moldavie, des connaissances thêo-logiques sérieuses, un discernement stir dans .les questions controversées du dogme et unintéret special pour cé mélange de traditions,archaques, de superstitions naves, d'arithme-tique et de divination chancelante en ce quiconcerne la nature, qui était pour ces pays,

et pour la Russie elle-meme a cetteépoque la seule et vraie science.

Mais ii avait aussi des ambitions d'uneautre espece, et elles étaient dangereuses. Ser-vit-il seulement, ainsi que le pretend la chro-nique, la cause d'une prince, contre l'autre,qui conserva le pouvoir et se jeta vengeurcontre les adherents de son rival ? Ou bien,grace a un secret de famille qui ne nous estpas connu, eut-il pour sa propre personnedes visées sur le treme moldave ? On seraitdispose a incliner vers cette seconde hypo--these, car le chatiment qui lui fut inflige parle prince Etienne, fils de Basile Lupu, futcette mutilation du nez qui n'atteignait guereque ceux qui par cette difformation étaientdésormais incapables de se presenter décem-ment devant le peuple comme ses maitres..

Ce jeune et riche seigneur, confident d'E-tienne jusqu'alors, qui émerveillait les bourgeois de Jassy par la splendeur du harna

le

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chement de ses chevaux et des carrosses attelés selon l'estiquetfe princiere, cluitta pourtoujours son pays. 11 n'en était pas, du reste,,a son premier voyage. Des 1-657 il avait ac .compagné en Occident Georges Etienne,prince exile de Moldavie, et il parait avoiremploye ses loisirs aupres de ce dernier danssa retraite de Stettin en Poméranie pour don-ner une traduction roumaine des Ecritures,d'apres le texte grec, traduction dont on vi-ent de decouvrir le manuscrit. On le retrouvea Stockholm, ofi il fut consulté par- l'ambas-sadeur de France sur les differences entre ledogme oriental et celui des Occidentaux, enrelation avec la grande querelle des jansé-nistes, ce qui lui fournit l'occasion de rédigerun petit écrit de théologie au titre symbo-lique. Louis XIV lui-même recut cet émissaire de son malheureux cousin" moldave '.

Apres sa mutilation, Nicolas Milescu, leSpatar de jadis se rendit en Russie, a Mos-cou, sous le regne du Tzar Alexis, dont itfut d'abord le translateur au bureau desambassadeurs". Plus tard une mission lui futconfiée en Chine, dans le grand KitaI" in-.cormu et mystérieux. II en revint rapportantun écrit qui est tout um livre de descrip-tion geographique riche et precise, ce livre

1 Voy. nos Relations entre la France et les.Roumains", Jassy, 1917, pp. 41-42.

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ui fut ensuite traduit en grec, a l'accasion4z1u séjour quo fit le traducteur a Moscou,par le diacre Chrysanthe Notaras, alors simpleAesservant de cette Eglise de Jerusalem dontii allait etre le Patriarche et un des plusbrillants parmi les chefs de l'Orient orthe-

-rioxe.Neculce, boiar moldave, qui passa, apres

1711, plusieurs années en Russie, comme 6-pave de la guerre perdue par le Tzar Pierrecontre les Tures, raconte volontiers qu'au re-tour, apres un séjour de deux au trois ans"dans l'Extreme Orient, Milescu fut dépouillépar les boiars, administrateurs de l'Empire lelendemain de fa mort d'Alexis, des brillantscadeaux qu'il rapportait : un vase tout pleinde pierres précieuses, tin diamant de la gros--seur d'un aeuf de colombe", et qu'on le di-rigea, en exile, vers cette Sibérie dont il é-tait revenu en explorateur heureux. Mais lejeune empereur Pierre, averti de la misere-dans laquelle il se trouvait, aurait demandéaux sénateurs : oil est mon maitre, celui quia été mon premier précepteur ? Faites - levenir sans retard." II l'accueillit joyeusement,lui fit rendre son avoir et racheta pour leTrésor imperial le gros diamant des Chinois,qui aurait été payé quatre-vingt bourses deducats. De plus, Pierre lui aurait fait la fa-veur de couper de sa propre main la barbede celui qui avait garde jusqu'alors ce signe

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principal de la dignite orientale. Neculce nese trompait pas, sans doute, lorsqu'il icrivaitI la fin de sa notice : Et le Camus vécutjusque pendant le second rtgne en Molda-vie du prince Michel Racovitä, et ce ne futqu'à ce moment qu'il mourut. Et l'Empereurlui fit grand honneur a sa mort, et le regret-ta beaucoup, car il était bien utile a cette é-poque. Ledit Camus laissa apres lui desifils et des petits-fils, et certains d'entre euxarriverent a etre polcovnics dans l'armée ;car il s'était mule la-bas, épousant une Mos-covite. Et trois fils de son frere le suivirent,quittant la Moldavie, et ils s'établirent au-pres de leur oncle, et ils eurent leur grace dela part de l'Empire, et y moururent."

De fait, Nicolas Milescu, en dehors de sesmérites d'explorateur, que tel Allemand, pri-senté par M. Bruckner, lui a disputes, estdigne d'attention, dans le développement dela civilisation russe, par la version slave qu'ildonna des anciens livres de la science* by-zantine, opuscules traitant des signes pre-curseurS des événements ou du role cluejouent les Sibylles dans la marche du sorthumain. ll est possible que ce labeur ducompilateur moldave ait profité d'abord al'enseignement dont le futur Pierre-le-Gran&fut l'objet.

A ce moment la lettre moscovite, d'une

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4)elle coupure ronde, était employee, non seu-lement en Moldavie, mais aussi dans la Valachie voisine, oft l'i:euvre du typographeitait remplie par un tpoine originaire de 11-berie, dans le Caucase, Anthime, qui, reve.nant du Mont-Athos, s'etait établi sous laprotection du grand patron de la culture o-rientale, jusqu'a Tiflis, en Georgie, et auxmonasteres de la Syrie et de l'Arabie chré-tienne , le riche prince éclairé qui fut Con-stantin Brâncoveanu (1688-1714). Dans sapersonnalité complexe d'artiste 1 apportaitparmi les Roumains des elements empruntésaussi bien a Byzance, qui survivait stir laliontagne Sainte, qu'à l'heritage de l'anciennecivilisation arménienne, a laquelle se ratta-ehait son Ibérie. Mais ce connaisseur du vieuxslavon pouvait bien avoir aussi d'autres liensavec IA Moscovie que cet emprunt de ca-racteres typographiques. On vient de retrou-ver dans une bibliotheque de Kiev, qui'conserve aussi un portrait inédit de prémie

un manuscrit admirablement his-lode." de miniatures par ce moine qui de-vint supérietir (in couvent de Snagov, puistkveque cle Râmnic et enfin Métropolite dcValachl. En tout Pas, il fut un des agptade la politique chretiennea dans le pays,travaillant en 1711 pour les Russes, et pour4es Impériaux antrichiens en 1716, ce qui

Movilg,

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-- es -amena sa destitution, suiviepar une mortmystérieuse, entre les mains des Tures..

Mais ceci nous mene A ['exposition de cesrelations politiques des Roumains avec laMoscovie qui commencent déj4 avec ['épo-que d'Etienne-le-Grand.

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CHAP1TRE V

Premieres relations entre la Moldavieet la Russie moscovite.

La premiere femme d'Etienne-le-Grand a-vait &é une princesse de Kiev, Evdokia, sceur,dit la chronique officielle, du Tzar Simeon,c'est-à-dire de ce cneze kievien que le moineannaliste a cru pouvoir orner du titre desanciens empereurs de Byzance. Elle précédadans le château princier de Suceava cetteComnene de Mangoup en Crimée, Marie, quiest représentée sur le rideau de brocart des-tine a recouvrir sa tombe avec les aigles i m-périales de Trébizonde sur les vetements.Evdokia elle-méme apparaissait sur les mursde l'église de St. Nicolas, pres de la demeuredes Voévodes : une pale figure triste, auxtraits durs, dénues de tout element de beauté ;une longue robe ornee de fleurs la recouvre

Sa presence sur le trône moldave fut trescourte; elle descendit bientôt dans son torn-beau du monastere de Putna. De ce mariageparatt avoir éte née tine fille, Helene ou 0-lena, qui allait devenir l'épouse d'un princemoscovite, de l'héritier meme du grand-princeIvan Vassiliévitsch.

Des envoyés d'Ivan arriverent a Suceavapour recevoir la fiancee du prince. Es rap-porterent avec eux aussi la premiere chroni-

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que de cette Moldavie désormais alliée, qu'ortfit entrer aussitôt dans le recueil des anna-les russes,la génealogie de la princesse s'a-joutant ainsi a celle de la famille regnanteMoscou. C'est une forme précieuse pour les.recherches que ce chapitre intercalé dans uneceuvre historique étrangere.

Helene n'eut pas de jours heureux dans sanouvelle patrie. Mere d'un fils, Démétrius,qui devait etre le successeur de son pere,elle rencontra une puissante rivale dans laseconde femme du vieux prince, cette Sophiequ'une ambassade solennelle était allée cher-cher en Italie aupres du Pape, devenu leprotecteur des derniers Paleologues impériauxen exil. Cette femme renforcait de ses droitsa la Couronne de Constantinople des pre-tentions que les grands-princes se plaisaient

trer de la Bible elle-meme, du Livre desRois, et des chronographes byzantins qui, par-dessus la conquete turque de l'Empire d'O-rient, venaient aboutir a leur regne mosco-vite. Elle finit par vaincre dans cette lutteopiniatre. Le mari d'Hélene etant mort, laquestion de l'héritage se posait avec un ca-ractere immédiat; or ce fut Basile, le fits dela Grecque de Byzance, qui remporta la vic-toire. Le petit Demetrius disparut dans latourmente, et sa mere elle-meme Filth dessouffrances de la prison, apres avoir peut-etreten flute ambitieuse du dominateur Etienne,

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reve de conduire l'Empire sous le nom deson enfant.

Des relations politiques furent aussi de-termine:Is par ce lien de famille. La questionde l'avenir des Russes occidentaux s'etaitdép posée de nouveau a la fin de ce XV-esiecle. Le prince lithuanien de la lignée desJagellon, avant et apres son avenement commerot de Pologne, prétendait représenter, a l'en-contre de c. Tzar de la stepp-, a demi Mon-gol, la légaimité de dom;nation sur les Pe-tits-Russiens. Une guerre éclata, qui fut pourla Moscovie, non seulement un grand empe-chement, mais aussi, a un certain moment,un grand danger. L'attitude d'Etenne, dontles possessions bordaient a l'Occident Van-den heritage lithuanien, ne pouvait pas etreindifférente aux deux parties.

Alexandre, le roi de Pologne, le souponna,comrne ancien ennemi acharne de son fre.reet prédécesseur Jean-Albert, qui avait envahi,en 1497, la Moldavie, d'être l'allié du Tzar.Lorsque, en 1501, Etienne envoya vers Mos-cou un ambassadeur, son bolar $andru, celui-citut empeche de passer par les Etats du roi.Cependant Etienne prétendait l'avoir charged'une seule mission, en dehors de la pro-testation contre le traitement infligé a sonpetit-fils : demander au Moscovite ,qu'il seréunisse aux princes chretiens contre les Infl-

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,cleles", s'il ne, veut pas voir les Moldavesmarcher contre lui aux cetés des Polonais.

Ce combat contre les Turcs pour le main-lien de ses front:el es, puis pour la recupe-ration des portes du 1.3as Danube et de la MerNoire, -A l'crnbouchure du Dniester : Kilia et-Cetatea- Alb5 (Moncastro, Akkerman), fut lapensée dirigeante clz.ns la politique, prudem-ment calculee et soutenue avec tine inlassable,energie, du plus grind parmi les princes rou-mins. Mais ce ne f ut, que par les plus grandsefforts d'un esprit supérieur qu'il réussit Apouvo;r transmettre A son Ms Bogdan l'hé-ritage moldave, accru meme par la conqnête,de la Pocutie pendant longtemps disputee. IIsuivait attent;vement les demarches d'ivan, etlin voyageur, Herberstein, affirme qu'il s'é-inerveillad, lui, le sage, en le voyant arriverpar la ruse seule A des buts qu'il ne pouvaitpas atteindre lui-meme en gardant, nuit etjour, l'épée au poing, la lisiere de ses Etats.

Les longs combats d'Etienne lierent cepen-=dant indissolublement A la Moldavie l'ideeides croisades, en ce qui concerne la possi-bilité de la réaliser en Orient. Une trentained'années apres sa mort, un écrivain mosco-vite, dont, dans les circonstances ofi a été4crit cet opuscule, nous n'arrivons pas aretrouver le nom, s'adressait, dans son espoir'fervent de voir commencer la guerre contraIles Infideles, a ce prince Pierre Raref, fits.

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cl'Etienne et successeur de son frere Bogdan,.qui s'était fait connaitre par ses démelés enTransylvanie, dont il ambitionnait la possession entiere (il en domina, a un certain mo-ment, presqu'un tiers), et par son contlit delongues annees avec la Pologne pour la Pocutie,.de nouveau- perdue par les Moldaves. LeVoevode de Suceava devait se mettre a latete de la coalition chrétienne destinée a chas-ser les Tures d'Europe. 11 se borna cependant,_en homme avisé qui avait été déjà chasseede son pays, en 1538, par l'intervention personnelle du Sultan Soliman-le-Magnifiq er a.envoyer du ravitaillement, contre quittance,sinon contre paiement, 1 l'Electeur de Bran-debourg, le Hohenzollern de Berlin, Joaquinqui avait mellé des contingents- allemandsde nouvelle croisade contre les janissairesde Pesth.

Deja vers la fin du XIV-e siecle des pelerins venus de Moscovie avaient traverse uncoin de la terre roumaine, du côté de Mon-castro, pour se rendre par Mer a Tzarigrade,y faire leurs devotions. Deux ou trois foisils mentionnent donc la Moldavie dans cesbrefs récits de voyages, Unties le plus sou-vent de tout intéret historique, dont M-me-de Khitrowo donnait, il y a quelque temps,.une version franoise. Des marchands les sui-virent peut-etre, Nen que la production des

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'deux pays flt presque la meme et qu'il y,eilt au milieu cette Pologne, le plus souvent en-nemie, du voisin de l'Est ou de celui de l'Ouest.

Mais le royaume devait rester ouvert depar les trailés ce meme commerce entre la.Moldavie et les pays du grand-prince quandses agents se présentaient avec des lettresde passage _de la part du Sultan redoute.Peut-etre fut-ce d'abord sous Soliman que cesgrands marchands" impériaux passerent leDniester pour aller, i travers la Pologne,chercher en terre russe des produits spéciaux,comme les fourrures, l'ivoire, les dents depoisson". Ils apportaient en échange des-épices et des vins d'Orient, qui furent rem-places plus tard par du bon vin valaque",c'est-a-dire moldave, de Cotnari ou surtoutd'Odobesti, ce yin moins cher qui était tresapprécié a Lemberg aussi. On connalt le nom{run de ces émissaires, qui, ayant reçu unesomme du Trésor ottoman, étaient chargesde faire les fournitures prescrites sans pott-voir demander un dedommagement : des do-cuments polonais mentionnent plus d'une foisAndré Chalkokondylas, Grec, qui portait lemom du chroniqueur athenien de la conquetelurque. El il eut des successeurs dans cettemploi jusque vers la fin de ce XV1-e siecle.

II parait bien que c'était le caradere qu'avaitiors de son séjour en Moscovie ce prince

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Jean, prétendant des lors au trône moldave,.qu'il occuPa plus tard grace aux Tures etqu'il conserva, contre leur volonté, grace auxCosaques. II y épousa la fille du cneze Ros-tovski, dont il eut un fils, Pierre. Arrive a.Etre établi sur .son Siege princier, jean trutpouvoir signer ses diplômes en ajoutant a.son propre nom celui d'un fils desire qu'iLn'avait pas vu depuis iongtemps. II envoyaMoscou l'eveque Esge de Radauti, Un clercsavant, de bonne école slavone, qui avaitcompile un corps de chroniques du pays,pour rammer celle qui devait partager main-tenant son trône, et leur enfant. Or Esge netrouva plus ni Pun ni l'autre: ils avaient ét&emportes par la peste. Et Jean, qui se con-solait, au milieu de ses combats, de leurattente, ne recut jatnais la nouvelle doulou-reuse de leur perte. Quand l'eveque revint,ii était déjà an les retrouver.

Cette brillante vile de Moscou n'était plus-inconnue pour les Roumains. Bogdan, filsd'Alexandre tapmeanu, qui, toujours de-sireux d'entretenir des relations avec les prin-ces ses voisins, jusqu'à celui de Prusse, Albertde Hohenzollern, n'aura pas manqué non plusde deputer quelque emissaire au Tzar, serefugia pour quelque temps aupres de ce der-nier. On prétendait ravoir vu a la Cour mos-covite, devenu, dans son malheur, aveugle,

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peut-etre, comme l'avait eté son pere, et foucomme lui.

Vers la fin du meme siecle, si le grand-prince moscovite n'entra pas dans cette liguechretienne qui devait briser la puissance desTures, au moment meme op on leur attribuaitle projet, menacant pour la Russie, d'essayernu canal du cOté du Volga, il y eut des re-lations étroites entre Michel-le-Brave, princede Valachie et, quelque temps, principal ac-teur de cette lutte, d-ins laquelle il consumases forces, et non seulement le prince Cons-tantin d'Ostrog, A la petite Cour duquel lepoete gr c Georges Palamede chanta les ex-ploits du héros valaque, mais aussi l'usur-pateur Boris Godounov. II es question dansles documents contempordins des émissairesqui fureht échanges eutre eux, érrissa'resparmi lesquels on rencontre ce Lucas de Chy-pre, grand calligraphe, qui fut éveque de Bu-z u, puis Métropolite, et qui remplissait cerole aussi en 1624, au nom du prince mol-dave Alexandre Coconul (I'Enfant ); marson ne peut pas connaitre d'une maniere plusprecise l'obj t des négociations. Or, Godou-nov &art Fen emi de la Pologne et Michelsoutenait les assauts du chancelier Zamoyskiqui devait etre la principale cause de sa ruine;on a dit même qu'il espérait porn oir devenirrol de Pologne, ainsi que l'avait été son pre-

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décesseur comme prince de Transylvanie, E-tienne Báthory, un grand roi; Pierre-le-Boiteuxavait bien été, malgré- son insuffisance, can-didat au meme trône. 11 comptait s'appuyerstir le mécontentement et les espérances descnezes russes, ainsi que sur les tendances Ala révolte de la population orthodoxe soumiseA la domination polonaise. Mais ce reve dis-parut dans sa catastrophe.

Au milieu des troubles intérieurs qui pre-cédérent l'établissernent de la dynastie desRomanov, la Moscovie ne porta aucun inter&A la longue rivalité sanglante qui ruina lesdeux pays roumains, entre les princes decreation polonaise et ceux qui devaient leurSiege A l'argent verse au Trésor turc. Mais,lorsque le Tzar Michel eat affermi son pou-voir, lorsque, grace au courant religieux initiépar Pierre Movila, Moscou eat surmontéaussi la grande crise confessionnelle de la pra-pagande jésuite, elle commenga A devenir lerefuge des membres, persecutes par les he-térodoxes, du dere roumain, dans les Etatsdu prince de Transylvanie, car leurs fre-res de Moldavie et de Valachie n'envo-yaient que rarement des moines mendiants Ala Cour de l'empereur orthodoxe, moins liberalsous ce rapport que des princes aussi richesque Basile Lupu et aussi secourables auxiglises que son contemporain valaque Ma-

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thieu Basarab. Mais les- eveques, les abbe's, lessimples hiéromonaques transylvains étaientarrives a etre connus a. Poutivla, la place oilon vérifiait les passeports des quémandeurs-et des refugles, et au bureau des ambas-sadeurs". Citons, apres ce Grec Jeremie, eve-que du Marmaros, en 1631, les trois envoyésdu Métropolite rou main de Balgrad (Alba-Julia), des moines du couvent de Prislop, en1629, et, un peu plus tard, l'eveque de Jeno-Ink!, dans le Banat, Longin, dependant direc-tement du Patriarche de Constantinople 1 Etii ne faut pas otplier que l'éveque Gennadius,chef de cette Eglise de Transylvanie, étaitoriginaire de Poutivla,

Oreste (lorest), Métropolitain des Romainsorthodoxesde Transylvanie, chasse, maltraité,<lépouille et menace de mort par le prince,George RalcOczy I-er, passa par la Moldavie, oCiii avait vécu jadis dans le couvent de Putna,et s'y fit délivrer une attestation pour aller sejeter ensuite aux pieds de Tzar. Et, jusqu'à afa fin du siecle, cette coutume se maintint.

Les petitionnaires étaient meme parfois ori-ginaires du Banat, comme Longin et Theo -dose, éveque de Versecz, accompagné en 1662par des moines de Vodita, par exemple. Eton vit plus d'une fois dans les rues de Moscoudes pretres de l'église de Saint Nicolas a Bra-4ov-Kronstadt, fondation des princes valaques,

Silviu Dragornir, loc. cit., p. 25.

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qui revinrent avec des parements et ties livres.d'église en slavon, qui se conservent encorei.

Ce n'est que bien rarement qu'ils se/ rencon-traient avec des moines moldaves et valaquesvenus seulement pour recueillir des aurneines,.comme l'archimandrite Benolt de Bucarest, del'église de- l'Ascension, qui voulait bâtir ijneéglise, en 1630, ou les hegournenes des couventsde S. Démetre et de la Trinité, un peu plus tard.

Celui qui représenta le mieux les tendancespolitiques de ces Roumains non-libres fut Sab-bas Brancovici, un Serbe de nation, frere dttcélebre avpnturier le despote Georges, maischef de l'Eglise roumaine orientale de la Bel-grade transylvaine, l'Alba-julia des lettrés.II fut assez habile pour obtenir, en 1668,une mission de la part du prince mane, Mi-chel Apaffy, qui, excite par son entourage-,devait bientôt decréter sa chute et son mar-tyre, mais ii avait en vue, non seulement lesinterets de son Eglise apauvrie et menaceemais aussi ces grands projets romantiquesde resurrection de la domination chrétienneorthodoxe en Orient, qui menerent son frereet conseiller a la Cour de BrAncoveanu,prince de Valachie et, au bout de son agi-tation, dans la prison dont ii ne sortit quepoor mourir. Les propositions faites par leMetropolite contenaient l'idee d'une revoltegenerale, comprenant les Roumains et aussi

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les Serbes et les Bulgares, appuyés d'une in-tervention russe sur le Danube. Sabbas officia-dans reglise de l'Assompt'on de Moscou,portant sur sa tete la tiare d'or offerte parle Tzar 1

Des visites comrne celle de l'éveque Sab-bas montrent mieux que tout argument eiuel'origine de la politique russe active dansParient balcanique n'est pas due seulementaux consequences de cette politique impéria-liste, byzantine, adoptée par les Tzars des lesiecle precedent. Deja par apres 1600 leMétropolite Mathieu de Myrrhe, en Asie Mi-neure, établi en Valachie comme supérieur ducloflie de Dealu, di reposait la tete du herosMichel, parlait du futur Empire de Constan-tinople en relation avec ces nations blon-des du Nord" qui devalent recueillir l'heri-tage de Michel, mort pour la chretienté,dont les louanges retentissaient dans leschants épiques des lettrés grecs de l'epoque,aussi bien que celui des Grecs.Toute une seriede prélats de Constantinople, de Jerusalem,d'Alexandrie s'adresserent au Tzar de la re-vanche et de la restauration byzantine. Desprélats serbes, des mo:nes vagabonds quiportaient le titre de Patriarches d'Ipec pre-naient le cheniin de la Moscovie, alors que

'' Zilviu Dragomir, loc. cit., p. 27.

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leurs prédécesseurs du XVI-e siecle avaientrecueilli les seules aumOnes de l'Empereur-catholique de ['Occident.

Une mission &sit ainsi imposée aux non--veaux empereurs d'Orient, mission wills tee--talent guere disposes A accepter. D'autant plus

devaient rencontrer devant eux dans leurchemin vers la Byzance des traditions, des le-gendes; des chants populaires un adversaireayant des droits plus anciens a la reconnais-sance de la grécité, qu'd avait sauvée danssa catastrophe, recueillie, réchauffee et restau-rée, a laquelle ii avait donne des livres pourses eglises et, pour ses chefs, les Patriarchesde Constantinople, les subsides qui avaientempeche la totale ruine financiere, donc po-litique aussi, de ce Siege venerable, et qui,tout dernierement, avait fait briller devant lesyeux enchantés de ces esclaves des Turcsl'épee miraculeuse de Michel. Et, en memetemps, il y avait un empechement materiel Al'expansion moscovite dans la direction duSud-Ouest d'abord un autre Etat, encoreassez fort pour ne pas pouvoir etre sup-plante, puis, a rencontre de cet Etat, un mouve-ment populaire employant les memes elementsnationaux pour une politique plus rémuneratriceet plus glor!euse dans sesrésultats immediats.

II s'agit, d'un cOté, des pays roumains, de['mare, de la Pologne et des Cosaques.

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qu'ils

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CHAPITRE VI

Les Roumains et les revolutionsde l'Ueraine.

Nous avons déjà pale de la richesse deBasile Lupu, de sa liberalité envers l'Eglise,du patronage accorde avec grandeur aux Pa-triarches de Constantinople, qu'il régentait asa guise, de l'aspect imperial sous lequel ilparaissait devant ce monde grec avide dedélivrance. Pour la_ Russie occidentale c'étaitun grand appui ; le couvent de nonnes bâtisur la rive du Dniester par sa fille Marie,épouse du prince russo-lithuanien Janus Rad-ziwill, fut le modele pour l'établissement quedevait fonder plus tard le Tzar Alexis. 11 fitbatir le second couvent de Pétschersca presde Kiev et celui de la Trinité, qui avait été&fruit par un incendie; ce n'est qu'apres cedon magnifique qu'Alexis envoya 1.500 pie-ces cl'or pour faire l'iconostase et les icénesC'est le diacre Pierre d'Alep, compagnon duPatriarche Macarius d'Antioche, qui donneces informations,ce diacre, qui &all blessé,ainsi que son maitre, par les attitudes altieresde ce Moldave au sang balcanique, aupresduquel le Tzar apparaissait comme le typememe de la mansuetude et de l'humanite.

Des 1649 le Patriarche de Jerusalem, Pa--

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ius, apparaissait A Moscou pour essayerd'un ligue orthodoxe entre Basile et le Tzar,qui s'y refusa 1 Des moines moscovites pa-raissent ensuite en Moldavie sous le princeGeorges Etienne, successeur de Basile Lupu,qu'il avait renverse avec le concours des Va-laques et d'un puissant contingent transyl-vain ; il est Wen possible qu'lls aient eté-clines d'une mission politique secrete. Maison sait par un document conternporain quedes émissaires du Tzar se present' rent de-vant le vieux prince Mathieu et que celui-ciref usa de donner une reponse A kurs pro-positions.

Ces relations politiques auraient été encore.plus étroites s'il n'y avait pas eu, A ce mo-ment, entre Moscovites et Roumains cette autreformation politique de religion orthodoxe etde nationalité russe, la bande pillarde desCosaques, organisée apres la victoire contreles maitres polonais exécres, contre les fer-miers juifs et les pretres catholiques, leursauxiliaires, dans des proportions qui auraientpu donner, avec d'autres chefs, une autrediscipline et aussi d'autres buts, un vrai Etat,réédition, diminuée comme role historique, del'ancienne Lithuanie.

Bogdan Chmielnicki avait commence par

I Silvia Dragomir, loc. eit., p. 26.

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etre un simple serf russe sur le domained'un propriétaire polonais; brutal et ivrogne,il aurait tud sa femme, et ses his furent éle-yes comme des louveteaux. Lorsqu'll eut unerm& de rebelles sous ses ordres, commechef d'une jacquerie avide du sang des op-presseurs, il s'adressa d'abord aux deux prin-ces roumains leur demandant de lui fournirleur appui pour la délivrance des Cosaques.orho-'oxes de la servitude des Juifs et desArméniens, ainsi que des misérables Polo-rnis". Or Mathieu avait d'autres soucis etBasile était le bon ami fidele de ces mêmesPolonais dont il s'agissait de détruire la li-gnde dans ces provinces russes. Les parentspolo lais des Movilä eurent un role principaldans les essais qu'on f:t pour réprimer larévolte, et les cruautés perpétrées par Wisz-niewiecki, le propre fits de la fille de Id-rémie, dont il portait le nom, sont restées cd-lebres. Son Ms avait demandé en mariagela fille cadette de Basile, Roxane. Des soldatsmoldaves combattaient sous ses ordres. Leprince de Moldavie ne voulait, de ce mou-vement paysan, rien autre chose que la per-spective de pouvoir s'étendre lui-même enRussie, si la Pologne venait a crouler sousle coups des Cosaques. Ce ne fut qu'alors,'knit Paul d'Alep, que Cmielnicki prit larésolution de s'aaresser au Tzar, dont ii a-

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vait redouté jusqu'alors la puissance, écrasantepour ses debuts encore mal assures].

Bientôt un conflit éclata entre le chef co-saque assure dans ses possessions, qui a-vaient pour centre Tschechrine, par le trait&de 1649, et le Moldave, fier et soupgonneux.Le pretexte fut l'opposition faite par Basileau projet d'union entre ladite Roxane et lepropre fils du Hetman, un barbare laid, auvisage marque de la petite vérole, cruel mémeavec les siens, qu'il depecait a coups d'épee,pour le moindre prétexte de mécoutentement.Une terrible invasion dévasta en 1650 les.districts moldaves de l'Est; le prince dtit secacher dans les profondeurs d'une forét, ofton voit encore la modeste église de bois.qu'il y érigea pour y faire ses devotions.Les églises, les monasteres furent seuls épar-gnes, mais les envahisseurs se saisirent, sansdoute, des biens deposes par les bolars etles marchands dans ces asiles qu'ils cro-yaient gardés par leur caractere sacré lui-male, Jassy n'était plus, a leur depart, qu'unmonceau de mines.

Force a faire sa paix avec le Hetman, Ba-sile envoya le Métropolite Barlaam a Tsche-chrine pour fixer les conditions d'un mariage

I Voy. notre etude sur 1'Ukraine et les IOW-mains, dans le ,,Bulletin" cite, année 19 15.

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qu'll ne pouvait plus eviler. Les nocos furentretardees, A force d'habileté, jusqu'en 1652,,lorsqu'une nouvelle et grande défaite des Po-lonais, A Beresteczko, montra que la situationn'etait plus A refsire; les Cosaques assiégeaientdéjà la forteresse du Kamiehiec-Podolski, enface du Hotin moldave. Au mois d'ao6t 1652Timochek, le fils de Bogdan, était A lampol,pres du Dniester, oil il fut reçu par des jeu-nes seigneurs de la Cour du futur beau-pere.Un peu plus loin, un des deux freres Canta-cuzene, qui descendaient des empereurs deByzance, se presenta pour le saluer. Apresavoir pris des gages contre une trahison dela part de Basile, le jeune Cosaque se dirigeavers Jassy, oft tous les boYars et une vraiepetite arm& de 8.000 hommes sortirent a sarencontre, aux sons de la musique -orientale,sous la conduite du Voevode lui-meme, et lescavaliers de Timochek, au nombre de troiscents, montés sur de petits chevaux de lasteppe, ornés d'or et de perles, defilerentpar les rues couvertes de poutres de chenede la Capitale moldave, oil on pouvait voirencore les traces de leur séjour en 1650.

INA un voyageur russe de la fin du XV1-esiecle, Tryphon Corobeinicov, avait visite',cette ville, oil il remarqua le palais, d'uneconstruction simple, de bois mele de pierre,

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du prince Aaron et l'eglise de Saint Nicolas,fondation d'Etienne-le-Grand, oil il entenditla messe. Depuis lors Jassy s'était embellieet agrandie : les deux grands couvents nou-veaux, bâtis par Basile lui-nieme, les TroisHA-argues, qui ont conserve jusqu'aujourd'huileur ancienne forme, et Golia, plusieurs foisrefaite, étincelaient de toutes leurs doruresdélicates. Aux anciens marchands, qui avaientle devoir de changer pour le Trésor du princeles monna'es au coin d:frerent apportées parles acheteurs d'origine diverse, s'étaient ajou-tés quelques Juifs, a la chasse desquels pro-céderent aussit6t ces hOtes qui leur porta-ient une rancune spéciale. Tel d'enire eux,comme le riche Yanaki, venait de l'Ucraineelle-meme, ayant échappe aux persécuteurs desa race, qui vengeaient d'anciennes et gravesinjures. Des négociants chrétiens aussi con-naissaient, non seulement la Russie polonaise,avec ses bourgs et ses foires, mais aussi laMoscovie: ils avaient parfois des privilegesdu Tzar, comme ce Nicolas, fits de Georges,Grec de nation, qui était admis, le 15 juillet1664, par un privilege solennel d'Alexis Mi-chailovitsch, A conduire ses affairee en Mos-covie, A y amener ses marchandises, deter-minées une fois pour toutes, qui seront aussipour l'usage de notre Chambre iinpérialeTM,sans payer aucun drolt de douane, ni sup-

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porter d'autres charges'. Et une deputationInoldave allait conclure même avec ce grandgotentat un traité permettant rechange deproduits entre les deux pays.

Pendant plusieurs jours tout le monde futen liesse a Jassy, a l'exception de ces pau--vres Israelites, caches craintivement dans leursmisdrables bourques. La musique jouait a laCour, de jour et de nu;t. Les repas se suc-,cedaient, et les danses aussi, a la moldave-et a la cosaque, et, lorsque ses musiciensucrainiens accordisent kurs instruments, on-vit la sombre figure renfrognee de Tirnocheklui-meme s'eclaircir dans u i sour're de con-tentement et de sa voix rude qu'on n'avaitpas encore entendue ii exprima navement,au bruit des canons qui tonnaient, des vceuxpour son pere, son beau-pere qui lui avaitadresse une parole amie", pour la liaison-entre les deux families'. Et les parents dutame, les bonnes commeres rustiques del'Ucraine, comme Haska Karpitzan, dont lemom a été conserve par l'histoire, se sentirentprises d'une grande emotion en vidant leslianaps de yin moidave et, tout en larmes,

1 L'original de ce privilege est conserve h laBibliotheque de l'Acadeime Roumaine. Nousrayons analyse dans notre Bul etin de la sectionIistorique da 1 A cademie Roumaine", I, memoirs.sur l'Ucraine moldave".Cf. le traité conclu avecle Metropolite Gedéon, dans nos Studii i docu'mute", J.V.

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trébuchant sur leurs pieds mal assures, ellesse vanterent bravement, en dépit des souriresde ce beau monde élevé A la mode de Cons-tantinople, d'etre venues pour un rapt" et

pouvoir rapporter dans leurs humbles de-meures la belle fille du riche Voevode Basile

Roxane vivait, plus ou moins heureuse,.dans ce milieu paysan, A Rachcov, sur larive opposée du Dniester, oh elle fit eleverune église de pierre selon les traditions del'architecture moldave; elle ne devait revenirdans son pays que plus tard comme veuveret elle n'y rencontra plus sa famine.

Georges ttienne, le logothete de Basiledont il a été question plus haut, avait surgicomme chef d'une révolte inattendue. Sonmaitre dut quitter la Moldavie, mais ii y re-vint bientet avec les Cosaques de ce gendre,..qui, malgre sa rudesse naturelle et son in-satiable cruauté, savait cependant observerles regles d'une loyauté primitive. Ses guer-riers regagnerent assez facilement le trôneVoevode déchii, et ils l'accompageront vo-lontiers, attires par l'espoir du butin, enValachie pour y accomplir l'ceuvre de yen-,geance. Mais A Finta la mésintelligence entreeux et les troupes moldaves amena un de-sastre. Montrez-nous", s'écriaient les Cosa-ques au milieu du desarrol general,l'attaque hardie de la cavalerie valaque, corn-

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fps& de jeunes borars Hales, montrez-nousde quel côté ii faut marcher, ou permettez,mous de creuser des tranchées selon notreccoutume". Timochek lui-meme avait perdu latete. line partie des ses soldats monterent,cheval et accompagnerent les Moldaves dansleur retralte précipitée. Les autres étaient endanger de tomber tous entre les mains desvainqueurs. Personne n'aurait cru", êcrit lechroniqueur Miron Costin, que les fantassinscosaques eussent pu s'echapper vivants. Maisii faut admirer l'esprit des Cosaques dans ladétresse. Apres la fuite de leurs chefs et dulietman lui-meme, ils éturent un capitaine(Ventre eux et formerent leur camp ferme,de sorte qu'ils purent se défendre jusqu'auxapproches de la nuit. Et pendant la nuit ilsallumerent des feux avec leurs chariots et lesbroussailles. Et its partirent tout seuls, en.ordre, sans cette forme du camp, a pied, et.arriverent a sortir tous, jusqu'au dernier, sansaucun encombre, jusqu'en Moldavie."

If n'y avait plus que quelques centainesde Cosaques dans la petite armee avec la-cquelle Basile essaya de se défendre contrele retour offensif de son rival ; Timochek4tait alle au-delà du Dniester pour deman-der a son pere conseil et appui. Basile dutbientOt chercher un asite chez sa fille,Rachcov.

Lorsque le fits du Hetman revint, avec une

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armee de 9.000 hommes, ii ne esqua plustine nouvelle bataille; son intention était seu-lement tie défendre l'ancienne Capitate mol-dave, Suceava, oü s'était refugiee sa belle-mere et le jeune Etienne, fits de Basile, avec-leurs riches trésors Apres dvoir pillé lesplendide convent de Dragoinirna, les Cosl-ques se renfermerent dans leurs tranchées .lls étaient considérés commie invincibles dansces positions, et le commandant des Polo-nais au service de Gebrges Etienne s'exprimade la sorte sur leur compte L'armée co-saque, si elle parvient a s'enterrer en creu-sant des tranchées tout autour, est invincible,.non seulement dans tine semblable place, sousles murs d'une forteresse, mais sur le bordd'un ruisseau quelconque".

Mais les provisions manquerent bientôt, carl'ennemi, plus nombreux, avait réussi a investircompietement les Cosaques. Ccs derniers furent-réduits à frire et manger les peaux des che-vaux crevés, leurs sandales de cuir et les raci-nes"; et nits élaient continuellement harasses.par leurs veilles et molestés par les canons".Timochek rept, pendant son reposde nu:t, un boulet dans le genou et en mou-rut trois joins plus tard. Les siens durentse rendre sous des conditions tres honora-bles, qui teur permettaient de se retirer enordre vers leur patrie tointaine. Leur malheurJut attribue par les indigenes a la profanation

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lui-ffeme

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des (sglises, qui ne trouverent plus gracecomme autrefois, devant leur avidité de gainLe vieux Chmielnicki, qui était arrive dejaA Kamieniec, abandonna toute intention d'in-tervenir, et Basile quata sa retraite de So-botov pour demander vainement l'aide desTatars et échouer bientôt dans la prisond'Etat de Constantinople, ou on crut Een citedfinira ses jours.

péjà en 1654 les Cosaques étaient deve-nus les vassaux du Tzar, dont le nom étaitcommémore dans leurs eglises, en attendantqu'ils eussent reconnu l'autorité religieuse-supreme du Patriarche de MOSCQU. Un traitésolennel vint regler ces relations nouvelles,en 1655. Le Hetman(qui ne pouvait pas ou-blier la mort de son fils, le seul qui fu ca-pable de lui succéder, l'autre, Georges, etantd'abord Stage A Constantinople, puis un mineinoffensif, se jeta de nouveau sur la Po-logne, lorsqu'elle essuya l'attaque téméraire dece prince de Transylvanie, Georges Rakóczy II,dont les soldats avaient ariene cependant lacatastrophe Suceava. 11 finit bientSt sesjours, atri contre tout le monde et contresoi-meme, en 1657, apres avoir ebloui sesvoisins de sa bravoure et de sa fortune.

De fait, il n'y avait plus, au moment desa mort, que cette grande Moscovie et son

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empereur", dont rautorite supreme venaitd'être reconnue jusqu'aux bords du Dnieper.Georges 8tienne lui-meme l'avait bien senti.A l'arrivée d'un moine russe qui portait des1ettres du Tzar, contenant. des offres poll-tiques,une demande de concours", sous laforme -d'etre", disait Alexis sous notre. maintra haute, celle d'un prince chreticn, et d'e-chapper au joug des Musulmans4, il réponditen envoyant, desl 656, des ambassadeurs solennels, ayant le &oft de conchae un trait&Ce furent le Métropolite Gédéon et le logo-thete Gregoire Neniul, qui portaient un petitcadeau de notre art". Le Patriarche d'An-tioche les aida dans leur mission. .

Les trait& qui tut en effet signé et juredans l'eglise de l'Assomption, au mois dejuin, contenait les conditions suivantes : laMoldavie aura des princes de sa .nation ; ellexentrera dans la possession des forteressesdu Danube et de Dniester, occupées par lesTures; des dons annuels remplaceront ran-den tribut qu'on servait aux Tufts ; le princenoldave pourra retenir ses relations avec lesTatars, qui sont une necessité pour son pays,du moment que la Bessarabie méridionale,le Boudschac, leur appartient. Mais le Tzarattendit ['apparition de ses troupes en Po-logne pour envoyer, de son cOte, a Jassy sesplenipotentiairesi.

I Silvia. Dragomir, loc. cit., pp. 26-27.

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Le 29 juin un traité de commerce futaccordé par le meme Tzar, pour per-mettre aux marchands de Moldavie de-faire leur commerce dans notre Empire russe,avec toute espece de marchanclises, librement,sans aucune prohibition et sans aucun dom-mage"I. Et, lorsque le mécontentement desTurcs pour sa participation kla campagne dePologne fit perdre a Georges Etienne ce treinegull, n'avait occupé que quatre ans a peine,il ne chercha pas urt appui en Pologne, oftBasile comptait encore nombre de parentst d'amis, mais bien a Moscou meme. 11

y fut regu honorablement, et on se rappela du-traité conclu au Kremlin et dfiment confirmépar les deux parties, dans lequel étaient po-sees, pour ainsi dire, les conditions de sarestauration 2 Ceci ne devait cependant ja--mais arriver, et le malheureux exile quittabientOt ce séjour moscovite pour s'établir aStettin, sur les terres allemandes du roi deSuede, oft il mourut, au bout de ses vains-efforts et de ses longues souffrances.

La débâcle des Cosaques continuait sousle faible successeur de Chmielnicki, le moinedéfroque Georges. Un parti sollicitait la pro-_

I lorga, Studii g Documente, lv, pp. 244-245,210. LXXX.

2 Hurmunki, X, p. v.

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tection du Khan des Tatars, un autre se je-tait littéralement aux pieds du roi dePologne, lui demandant une autonomie ga-ranhe en echange pour une liberté toujoursmenacée. Wychowski, qui avait visite la lgol-davie- dans la suite de Thnochek, remplacale jeune Chmielnicki, qui fut rappelé cepen-dant par ses adherents. Puis ce fut le tourd'un autre de ces hOtes de Basile Lupu en1655 : Thera, qui garda le pouvo'r jusqu'en1665, quand il dut prendre de nouveau lechemin qui menait en Moldavie.

Mais avant ce traité d'An lrussow, du 30juin 1667, entre Moscovites et Polonais, quireconnaissal la domination des premiers urtout le territoire,appartenant jadis aux C sa-ques, a l'Est de Dnieper, alors qu K ev de-vait appartenir encore au roi, les anc'ensguerriers du Hetman Bogdan se mellerent en-core, de temps en temps, dans les affaires-de la Moldavie, oft les appela'ent, commeleurs prédécesseurs du XVI-e siecle, 1 s Ni-soves, maintes sollicitations ,de la part desprinces en exil. Georges Etienne voulaitprendre une de leurs bandes a sa solde, et-Constantin, ancien princ de Vahch'e, comme-successeur du vieux Mathieu, obtint par leurconcours, pour quelques s...maines au moins,le trône de Jassy Comme le jeune Etiennefils de Basile, qui était arrive enfin a tenirdes Tures l'heritage de son pere, avait at-

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taqué Rachcov pour délivrer sa sceur Roxane,,ils marcherent contre lui sous le comman-dement d'un capitaine Kechko et du sccri-take grec, Stamatello ou Stamatenko. B.enque la partie fflt évidemment perdue, lesguerriers du Dnieper persisterent, jusqu'aubout, dans leur !I:solution de défendre Cons-tantin : ifs ne voulaient pas, disaient-ils, queleur gloire, leur honneur périsse". De sonMe, le prince vainqueur se garda bien de les-irriter par une poursuite plus énergique.

Ce fat aussi leur dernier voyage de Mol-davie. Le tour était venu pour les Moldaveseux-rnemes d'aller les relancer, comme auxili-aires des armées turques, dans leurs repairesCar, si les Polonais soutenaient l'ambition duHetman Sirko, les lures étaient les protec-teurs en titre de ce Dorochenko qui venait-de leur soumettre l'Ucraine entiere.

Dans les combats pour cette Ucraine quis'étaient livrés d'abord entre Tures et Po-lonais, les princes roumains, ne trouvant pas.l'appui suffisant aupres du roi catholique deVarsovie, eurent de nduveau l'occasion des'adresser A la puissance moscovite.

Apres le combat de Hotin et la victoire deJean Sobieski sur les forces ottomanes, leprince moldave Etienne Petriceicu et Cons-tantin *erban, prince de Valachie tous les

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deux alors des traltres" en exil depute-rent au Tzar le moine Theodore, du conventde St. Paul au Mont Athos, pour offrir depasser sous sa suzeraineté, quittant le jougde resclavage", a cause des grandes et In-suportables invasions et de plusieurs autresinjustices". lls demandaient l'envoi d'une par-tie des troupes moscovites contre les Tatars,l'autre (levant venir dans les Principautés poursoutenir les deux princes. Le Tzar fit preterserment a l'émissaire et ordonna au Voévodede Viatca, Jean Andréévitsch Chovanski, desecourir la Moldavie, alors que les Cosaques,ses vassaux, sous Romadanski de Bielgorode

-et sous Ivan Samo1lovitsch, se dirigeront contreDorochenco, qui était alors encore maitre de11.1craine. La soumission des Principautés étaitcependant acceptée, le 10 mars 1674, seule-ment sous la reserve de n'avoir pas fait déjàla soumission au roi de Pologne. Des ambas-sadeurs solennels, éveques et baars, auraienta venir pour conclure un traM forme!, maisles circonstances ne le permirent jamais 1

Suivant les traces de ce burgrave Parvuqui vers 1580 avait pénétré dans le pays co-saque jusqu'à Péréiaslavl, les troupes desprinces de Moldavie et de Valachie se diri-

1 Collection des traités de 1'Empire", W, pp. 591--494 ; Mitilineu, Colectiune, p.

9-12.71; D. A. Sturdza,

Acte fi documente, 1, pp.

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gerent, en 1677 et 1678, apres la conclusionde la paix polono-turque de Zurawna (1676),contre Tschechrine, defendue par les Cbsa-ques dependant du Tzar, sous Romadanowski.

Ces auxiliaires furent employes pour batirles forteresses destinées A Ofendre la nou-velle frontiere sur le Dnieper jusqu'en 1680-1681, quand fut signee la paix avec les Mos-covites, A Radzin. Cette paix, qui laissait Kievelle-meme au Tzar, donnait aNx Turcs ceschâteaux qui avaient vu tout aussi bien laturbulence des anciens Nisoves que les ex-ploits plus récents du Hetman - roi BogdanChmielnicki. Mais les populations qui y ha-bitaient, A Nimirov, A Sobotov, A Tzicounovca,étaient habituées depuis leur revolte couron-née de succes A une vie de liberté et de pri-vileges; leur imposer un maitre musulman, umsimple gouverneur pdien pouvait etre dange-reux. Or, comme le fres riche prince de Mol-davie, Duca, un natif de Roumélie, venaitd'arri ver, en 1681,A Constantinople pour ter-miner des affaires pendantes et racheter sondroit d'exploiter la principauté pour ses vastesentreprises de commerce, on pensa et il ypensa probablement lui-meme, dans Pinter&meme de ce commerce, A lui confier, contreargent et avec l'engagement d'un tribut, l'ad-ministration de ce territoire que l'énergie pleintd'Initiative du Vizir Achmed Keupreulf venaitd'ajouter A l'Empire. L'union de l'Ucraine A

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la Moldavie avait été déjà décidée vers la fin,de juin, et ce n'est qu'apres un mois que Ducafit son entree a Constantinople, oil l'attendaittin drapeau d'investiture de plus a cede desdeux qui symbolisaient le pouvoir sur la prin--cipauté de Moldavie. Reçu en audience parle* Sultan le 12 aotlt, il chevaucha en grandepompe, vetu d'un riche habit de brocartfourre de zibelines, a travers les rues de laCapita le ottomanc, et parmi ses conseillers quirecurent des cadcaux a cette occasion il yavait aussi huit I osaques, auxquels cependanton ne fit pas, comme aux boiars, 1-s hon-,neurs du vetement de cérémonie usuel clansces circonstances, le caftan.

De retour, le Hetman-prince, qui fit envoyer4 Constantinople le pauvre Gel rges Cluniel-nicki, s'occupa aussitôt d'organiser sa nou--velle possession. Un Grec, de l'espece deStatute Ho mentionné plus haut, jean Dragui-nitsch, fut établi comme vicaire, et apres quel--que temps les Cosaques purent saluer de leursacclamations le nouveau maitre, qui venaitIeur apporter la bonne nouvelle que la Portene voulait pas de tribut, mais seulementun concours militaire en cas de guerre.Il y eut aussi un banquet plantureux a Ni-gnirov, en odobre; Duca ne manqua pasde conserver l'administration antérieure, parles magistrats des villes, les polcovnics, lessotnics, les juges et les icrivains ott pissars

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(avec un pissar general"); il demandait seu-lement que les proces fussent jugés en der-niere instance A son Siege. de Jassy. Un palaislut MU pres du Dniester, a Tzicounovca, enlace de Soroca, et les agents princiers corn-mencerent une vaste exploitation agricole quele pays n'avait jamais connue, avec destroupeaux de moutons et de betes a. cornes,des ruches d'abeilles, des fabriques de biereet d'eau-de-vie. Des privileges tres étendusamenCrent la prompte colonisation de ce paysjusque fors presque desert. On attribuait memea cet habile administrateur l'intention de pas--ser, au moment du danger turc, en Ucraineet puis A Moscou meme".

En 1683 les Turcs assiégeaient Vienne.Parmi les troupes amenées par le prince deMoldavie dam, K camp turc 11 y avait aussides Cosaques, plusieurs poles". Un certainDorochine était resté pour garder la nouvelleprovince. Duca, bientOt prisonnier, au retour,des Polonais, ne devait plus jamais la re-voir : la bande de- Kunicki, nouveau Hetmanau service du roi Jean Sobieski, qui espéraitgagner, dans cette croisade, tout le pays jus-qu'au Danube, avait restitué a la Pologne ceterritoire oft la domination moldave n'avaitété qu'un incident passager. Kunicki fut ce-pendant remplacé par un Moldave, Mochila,et le titre de l'Ucraine resta dans les sceauxdes princes moldaves jusqu'en 1685.

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II faut rattacher aussi A cet incident, qui liemanque pas d'intéret, les membreuses kmi-grations des paysans moldaves, criblis d'im-pots, vers cette liberté" de l'Ucraine quiappelait sans cesse de nouveaux travailleurspour un sol d'une inépuisable richesse, Leschroniques l'affirment formellement, et peut-etre faut-il y voir la seule origine de cettenombreuse population roumaine qui occupenon seulement les bourgs de la rive gauchedu Dniester, comme DubAsari, mais aussi ungrand nombre de villages dans cette prov'ncedont Kherson est la capitate, jusqu'au Bougmeme.

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CHAPITRE VII

Pierre-le-Grand et les Roumains.

Des 1684 cependant la politique chretienneavait repris le dessus en Moldavie, ou EtiennePetriceicu avait kté établi par les Polonais Ala place de Duca. Le nouveau prince auraitpréféré cependant A ces catholiques les or-thodoxes de Moscou, et son émissaire A laCour du Tzar, le Kétropolite Dosithee lui-même, devait declarer qu'on ne croyait plusaux belles paroles des Polonais menteurs etcapricieux. Comme la peste sévissait en Mol-davie, on ne lui permit pas cependant tie dé-passer Poutivla 1

A eette 8poque Pierre-le-Grand était déjàTzar de Moscovie, Empereur russe, et il pre-nait sa part A la guerre de recuperation quel'Europe occidentAle, incitee par le Pape,avait commencée contre l'Empire turc en de-cadence.

Plus d'une fois, et d'une maniere essen-tielle, son action devait intéresser ces Rou-mains qui lui avaient donne le précepteur deson jeune Age Nicolas Milescu et au milieudesquels il devait trouver un -conseilkr et uncollaborateur de l'importance culturale de De-métrius Cantemir.

* gilviu Dragomir, loc. cit., p. 28.7

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Pierre-le-Grand fut-il l'initiateur de la po-IiEque qui sera toujours rattachée a son nomet dont le puissant souvenir amena le faus-saire qu'on a découvert, a fabriquer ce pre-tendu testament qui recommancle a ses suc-cesseurs la conquete de Constantinople ?A-t-il commence son regne, pendant long-temps incertain, menace d'intrigues militaireset civiles, de competitions dynastiques, parse poser un programme d'action envahissanteen Orient, auquei il aurait voué sa vie en-tiere? Faut-il faire dater de son époque, etde sa propre pens& meme, cette pousséevers les mers du Sud qui sera dorenavantun caractere principal de la politique mos-covite, devenue, par l'annexion de Kiev sur-tout, celle de la nation russe entiere ?

11 faut répondre résolument : -non. SansIa croisade contre les Turcs, commencée en1683, peut-etre n'aurait-il jamais combattucontre les janissaires du Sultan et sans rat-taque de Charles XII et ses complications po-lonaises ne serait-il jamais descendu dansces regions de Dnieper ou il rencontra, avecCharles XII en retraite, la trahison de Ma-zeppa et un kat de choses qui l'invitait aune nouvelle action du cOté de l'Empire ot-toman qu'il se faisait illusion de pouvoir dé-truire d'un seul coup. Car ce qui lui tenaitle plus A coeur c'était une autre conquête quecelle des territoites habités par ses freres or-

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thodoxes et wslavons" -du Danube et de faPéninsule des Balcans: la conquete du passéinoscovite lui-meme dans ce qu'il await dethéocratique ou de mongol, l'occidentalisationdans une forme germanique des provincesdisparates qui formaiont son Empire.

Pour diriger son attention de ce côté-ci il fallutl'intervention de ces nations meme envers les-<penes on lui attribue l'intention d'avoir voulules conquérir a tout prix et contre leur gre.Les espérances qui germerent dans les Ames-des sujets chrétiens du Sultan provoquerent-une orientation vers Vienne d'abord, parfoisaussi en ce qui concerne les Roumains-vers la Varsovie polonaise elle-meme et en--fin vers cette Moscovie restaurée qui teunis-sait a de précieux souvenirs du passé by-2antin de grandes espérances d'avenir.

Si le parti chrétien dans la Moldavie s'a-dressa apres la disparition de Duca a ces-niemes Polonais qui s'étaient saisis de la per-sonne du tyran pour l'envoyer a Lemberg,oil it mourut, le prince de Valachie, §erbanCantacuzene, qui ne se rappelait que tropJa grande tradition impériale represent& dans-son nom, apres avoir suivi tour a tour cesfignes politiques qui ont été fixées tout re--cemment par un beau mémoire de l'historienserbe lovan Radonitsch, trouva un chemin de.Moscou, qui ne fut pas, du reste, le dernier

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dans les errements imposes par sa situation,difficile. On a tine partie des pieces concer-nant Ia. mission a la Cour des Tzars Ivan etPierre du moine grec Esaie, venu du Mont-Athos, du convent de St. Paul, tout specia-lement lie a la Russie.

En 1688 il arrivait A Moscou pour solli-citer d'abord dans le sens d'une alliance or-thodoxe le Patriarche Joaquin, un ancien ami.Le Patriarche de Constantinople, Denis le Se-roglan, un client du Cantacuzene valaque, etson collegue d'Ipek, Arsene, l'ami des Autri-chiens, lui avaient donne des lettres de re-commandation.

La premiere partie de sa mission était compo-see des doleances contre le prince de Tran-sylvanie qui avait fait arreter un émissaire deSerban et qui permettait aux Impériaux depersécuter l'orthodoxie.

On a le traite conclu par Esaie, traité con-ditionnel, comme l'avait été celui jure par lesambasadeurs de Georges Etienne pour la Mol-davie.Au retour, le moine fut arreté par les Im,périaux a Kronstadt et mellé a Vienne ; &-byre par l'intervention de l'ambassadeur russe,il revint a Moscou, mais pour servir d'unemaniere clandestine ces Jesuites qui lui don-nerent -plus tard un vicariat episcopal de pro-pagande parmi les Roumains vivant sur lesconfins du Marmoros. Et l'agent moscovitequi se rendit a Bucarest y trouva un ' non-

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veau prince, Constantin Briincoveanu, qui-nl-lait guere dispose a jouer sur une seule carteson avenir et celul du pays.

Le préambule precede, du reste, par tindiplOrne confie au Grec Domentius de cetacte, qui porte la date du 28 décembre, men-tonne les ,souffrances du peuple chrétien devos regions', IL cause du ,joug paTen, destortures et des ruines, des oppressions etd'autres méfaits" dils aux Turcs et, a leursauxiliaires tatars. de sorte que l'tglise or-thodoxe chancelle". erban a demande a etredélivré de cette suzeraineté, devenue sl pe-sante, par des troupes moscovites envoyéesdans le Boudschac et par les bateaux duTzar qui paraitraient sur le Bas-Danube, laCrimee devant etre retenue par les Cosaquesdu Dnieper. Ces demandes ayant &é rappor-tees par Basile Vassilievitsch, ministre desAffaires Etrangeres, et par Alexis Galitzine,ce secours est promis solennellement. Maisl'attaque se dirigera seulement vers la Cri-mée et I I. Horde d'Akkerman" (de Bielo-grade), et méme des le milieu d'avril. Pen-dant ce temps, le Cantacuzene valaque devrase garder bien de conclure un traité de sou-mission avec ,d'autres ttats", ce qui si-gnifie : l'Empire ou la Pologne. Au lieu d'at-tendre cependant l'armée libératrice, ce seralui-meme qui,connaissant le chemin de Tsche-chrine, se rendra aux passages du Dnieper

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pour se réunir a la grande armee en marchecontre les Tatars de Crirnée. Aprês la vic-toire, qu'on espere, les troupes russes et va-!agues attaqueront le Boudschac. Le momentsera venu alors de signer le traité

11 parait bien que *erban, qui mourut A laconclure son traité définitif avec les.

Impériaux d'Occident, aurait préféré ralliance-allemande, avec les Habsbourg, a toute autresujetion chrétienne. II connaissait tres peu laMoscovie, et aucun agent des princes russesn'était venu solliciter son concours pour tineceuvre de conquete. Aucune tradition ne re-liait la Moldavie, et par consequent la Va-lachie d'autant moins, A la grande Russie del'Est. II a fallu denc que l'impulsion vint d'urtautre cede, de la part de quelqu'un qui, touten détestant la suzeraineté ottomane, aura iteu la meme repulsion envers les Allemands,propagateurs du catholicisme et destructeursde ces elements d'autonomie matérielle et mo-rale qui étaient lies aux anciennes orthodoxiesnationales.

On ne- se tromperait pas en attribuant ce-role A Georges Brancovitsch, dont derive, dtpreste, toute l'orientation de sa propre nation,serbe vers Moscou et la creation même-de cecourant serbo-slavon", qui est Al'origine de

I L'envoye avait apporte des montres d'or pourle Tzar.

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la renaissance serbe a la fin du XVII-e siecle,aiors que d'autres chefs de la nation, aVec leMétropolite Arsene a leur tete* livraient desmillers des Serbes a l'Autriche pour coloniserses terres désertes et défendre ses frontieresmenacées. On a vu plus haut ce qu'il fit, parle rnoyen de son frere et agent, le Metro-polite Sabbas, pour rapprocher de Moscou lesRaimains et, -en general, les fideles de Pan-cieitne loi, vivant en Transylvanie. Georges,qui se faisait nommer aussi, en roumain, Bran-coveinu, pour faire croire a un lien de parent6avec le neveu du prince erban, ConstantinBrâncoveanu, ou meme avec le prime Ma-thieu qui &all aussi un châtelain de Branco-veni, en Olténie, fut pendant longtemps, nonseuleinent l'agent, plus ou moins fidele, del'Empereur de Vienne a la Cour valaque, maisaussi le commensal du prince et de ses con-seilltrs. On a de la part de lui-meme tine con-venton formelle par laquelle 11 s'engageaitavec ce meme Constantin A souterdr les in-térets de la foi orientale et, lors des perse-cutions dirigées contre Sabbas, l'interventionde Serban porte le cachet eu meme zele ex-clusif pour l'orthodoxie qui consentait

contre le prince réforme Apaffy, avecl'cpposition catholique réfugiée a Constanti-nople. 11 faudrait, tout an plus, ajouter a cetteincitation venue du Balcan serbe une autrequi dirigea les regards du Tzar vers les re-

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a s'al-lier

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gions bulgares. Deux chefs de haidoucs, YouriStratintirovitsch et $avel Vladimirovitsch Dou-browski, avaient entretenu des--telätions avote Siege patriarcal de Moscou, avant la ri-voile gulls firent éclater a Trnovo en 1686.

Mats la mort prématurée de erban, la ro-litique pleine de reserve et de faux-fuyants lafroide expectative de Brancoveanu, héritier deson oncle, mirent fin a ces agissements. Etaussit8t, malgré la guerre, void que la pali-tique moscovite ne se pMoccupe du Sud Vence qui concerne ses tendances vers Azov et/a Met Noire.

On avait meme A cette Cour de Branco-venni, sans cesse travaillée par des iqtruesallemandes, turques et même polonaises etsoumise plutôt, grace aux etudes faites par lepuissant conseiller du nouveau prince qui futConstantin Cantacuzene, son oncle, ancienileve des écoles latines d'Italie, A des influ-daces occidentales, une repulsion marqute aregard de la personne du Czar. Un agentenvoyé par Auguste de Saxe en 1696 le ditexpressément : les Valaques ne regardert pasvolontiers, dans leurs plans d'avenir, de cecOte-li, le dominateur moseovite étant tin sei-gneur d'une discipline par trop severe (veinHerr von allzu strenger Disziplin"). Non qu'iseussent desire vivre dans une anarchie commecelle qui brisait les dernieres forces de la Po-logne, mais la Valachie, comme la Moldavie,

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itait, pour ainsl dire, tin pays d'Etatsa, ot;'cheque categorie soRiale await sa situation bienmarquee, et ces fiers nobles valaques, dispo.sant de terres &endues et ayant déjà la pre-rogative de se perpétuer dans les fonctions,n'enviaient guere le sort de ces boTars russesdont la carriere &aft exclusivement entre lesmains du maitre ayant le droit de les rejefefdans le néant.

Si plus tard, apres 1709, tin nouveau con--rant favorable A la Russie se dessine datts lesPrincipautes, il n'a pas une origine locale, n1meme, pour ainsi dire, une origine politique.Rien n'était arrive dans le développement duregne de Bancoveanu, domine par le soucf'unique d'un prudent opportunisme, ni pendantles regnes changeants qui lui correspondenten Moldavie, trop courts pour l'éclosion d'unepensée politique, en état de provoquer uneaction dirigée vers un changement de do-mination qui aurait allege les charges, relevésituation actuelle et garanti l'avenir. 11 y a-vait bien l'ancien sentiment chretien, le deskd'une commnauté permanente ayes les core-ligionnaires, mais cela ne suffisait pas pourgulls se cherchassent un patron, et surtoutdu cbté oil personne n'était venu les sollici-ter jusqu'alors.

II en était tout autrement sur cette terreroumaine non libre de la Transylvanie, oil de

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plus en plus une class intellectuelle, qui com-mencait a se former, le clerge a sa tete, s'im-patientait de l'esclavage. Les voyages a Mos-cou ou meme seulement jusqu'a Poutivla,d'oil on avait rapporté, vers 1640, un Me-tropolite, n'avaient pas -eu le seul résultatd'enrichir les églises. L'action des Branco-vitsch avait laissé des traces profondes dansle sOuvenir des contemporains, et les souf-frances de Sabbas, jeté en prison et maltraité,ne resterent pas stériles. Toute une generationse forma ayant ces spectacles sous les yeuxgeneration rebelle, animée de resprit de 1 a-venture, passionnee pour l'orthodoxie et é-blouie par la Moscou lointaine d'un autre Em-pereur. Ce fut a Brapv que naquit Théod reCorbea, écrivain et poete a ses heures, tra-ducteur des Psaumes, qu devint le chan-celier de Pierre-le-Grand pour le latin. Lapropagande des Jesuites, qui amen* rent l'u-sion de l'8glise roumaine de Transylvanieau Siege de Rome, tt les v'ol nces qui s'en-suivirent de la- part. des Imp 'eaux, de enusdes 1691 les maitres de la province, ne firentqu'accronre la force de ce mouvem nt.

Or un autre Corbea, David, était aide-de-camp de Michel Cantacuzene, Spatar,grand-général, du prince valaque, dont ce boiar-aussi était roncle du We maternel; il futemploye comme .un des principaux agentpour provoquer et entretenir la resistance

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contre rUnion. Et, au moment oil I'dppui de-rtglise russe était demandi pour cette °-position a 1'Union, dont la direction officielfe-était prise par la Valachie, Golovkine, minis-tre du Tzar, adressait ses premieres lettresaux ireres Cantacuzene.

A ce moment dejà, oft, dans la terrible ca-tastroplie qui avait atteint la Moldavie parsuite de cette guerre entre Tures et Polonalsqui ne paraissait plus devoir finir, des he-gournenes des grands monasteres anciens,Putna, Sucevita, des moines de RAFa, de Bi-sericani, de Humor, de Cosula et meme leurscollegues, valaques, de dozia, de Vinta-Voda se dirigeaient en suppliants vers laCour du Tzar, le Métropolite de Valachie,.Theodose, adressa un appel desespéré pourimplorer le secours de la plus grande Pais-Alice orthodoxe, dans les souffrances de ses,freres transylvains. En 1700 il invoquairdoncrésolument contre les Impériaux qui insul-talent et menagaient ces Valaques pour avoireu la hardiesse de se meler des affaires deleurs conationnaux le défenseur et l'abri, res-Ora ice et la joie de tout le peuple orthodoxe"

Deja sous le regne d'uti autre Capternirle frere ainé, Antochus, en 1'100, EmilienVosnitzine, le premier ambassadeur russe qui,partant d'Azov. se rendit a Constantinoplepar mer, traversa Jassy a son retour, comme-

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tat

IC des le début, tine relation nécessaire seft itablie entre l'amitie moldave et les espe-rances cusses d'arriver au Tzarigradeligendest. Et la chronique moldave sait aussile nom de celui qui resta aupres de la Portepour transformer l'armistice dans un traitepour trente ans, Tschéredarev2. Sous le princeConstantin Duca, successeur d'Antioehus, lecnke Détnetre Galitzine, ayant accompli Ason tour tine mission A Constantinople, levasur les fonts de bapteme un fils du prince,qui paya de son trOne cette liaison, ses en .nemis tui ayant attribué un sens politique,qu'elle n'avait probablement pas3. Comme 11avalt envoye du sel et du yin dans l'ancienpays des Cosaques, gouverne jadis par sonpere, dont il avait donc les instincts de mar-citand, on parla d'une entente avec Gall-tzine pour se réfugier de ce Ole (1703), Atles Tures se saisirent de sa personne 4. Plustard un de ses fils entra au service du Tzar,probablement celui que Galitzine se sentaitle devoir de protéger 5. Enfin, lorsque le TzarPierre se rendit, en 1709, au cours de sa

campagne de Pologne, A Zolkiew, ofi se con-:iervaient les ossements de Saint Jean le Nou-

' Neculce, pp. 267-8.Nicolas Costin, p. 44.

2 Neculce, p. 275; Nicolas Costin, pp. ,46-47.4 Nicolas Crostin, p. 48.

Neculce, p. 279.

des

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,

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vtau, pris -par Jean Sobieski a Suceava, Antiochus Cantemir, qui oecupait A te momentr,de nouveau, le trône moldave, eut l'intentioade lui députer le Ban Savin Zmuci14, un an-cien auxiliaire deKunicki, pour lui demanderla restitution de ces reliques

Mais le jour &all prochain ou/la defaitetle Pultava allait jeter Charles XII stir leterritoire turc pres de la forteresse de Ben-der, arrachee en, 1538 par Soliman-le-Ma-gnifique au Moldave Pierre Rarel, et les prin-ces de Moldavie durent prendre tine attitudetant soit peu franche a l'egard de tette nou-velle Puissance, rapidement envahissante, quis'approchait a coup de victoires de leursfrontieres et ne paraissait pas devoir s'y ar-rater.

Un autre motif, concernant spécialementles Moldaves, décida aussi Pierre-le-Granda risquer sa fortune stir les bords du Pruth.A cette époque", constate un chronNueur,beaucoup de Moldaves et de ,fils de bolars-allaient mériter des gages : les uns chez lesMoscovites, les autres chez les Poionais, ctr-tains chez Rakdczy et certains enfin chez It

-Suedois, pour lour gain2.°Le phis grand nombre de ces jeunes.

I Nicolas Costin, p. 53.2 Neculco, p. 273,

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soldats d'aventure avaient servi le roi So-bieski dans ses chevauchées contre les Turcs,,et une compagnie moldave, portant un uni-forme special, figure dans son armee. LesTenseignements ne manquent pas sur ces au-xiliaires roumains, dont une partie venait deValachie aussi. Dans l'armée de Charles XIIItn Valaque se fit remarquer, ce Sandu Col--tea, qui, pris par les Russes, passa quelquetemps en Siberie, oft il s'allia avec Miro-vitsch, un des captifs cosaques; il essaya des'échapper et, libéré a la fin de la guerre,il demanda de pouvoit quitter la Suede, oftil ne trouvait pas une eglise de son ritepour y faire la priere quotidienne.

Parmi les rangs des Russes il y avait unApostol chigheciu, ancien soldat de Sobieskidont on a conserve le contrat conclu avec.les officiers du Tzar, auxquels il promettaiteamener certains soldats, payés d'une sommefixe par mois 1 II faut citer aussi les deuxHajdau, parents d'Etienne Petriceicu, dont ils-conservaient le sabre dolt Michel Ganul, qui,ipousa la fille du rochmistrea polonais JeanLuc ou Lupa§co Murgulet, le Ban Savin, An-dronic Isar et d'autres2.

Comme des Suedois et Polonais avaient,cherché un refuge du cOte de Cernauti, le

1 Hasdeu, Archiva islorica, 1, pp. 83-84.2 Igrga, Basarabia noastra, p. 88.

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Tzar ne voulut pas tolerer leur skour danScette region limitrophe, oCi ils pouvaient com-biner des incursions. 11 donna l'ordre a sonbrigadier Cropotov, qui conduisait des trou-pes de cavalerie Legere, et a un des capitainesroumains de son armee, Constantin Turculet,ancien auxiliaire de Sobieski lui-meme, deles en chasser. lis s'acquitterent de leur

mais le prince regnant, Michel Racovita,accuse d'avoir averti -et favorisé les Mosco-vites, perdit le pouvoir. 11 avait cependantreussi a faire partir les auxiliaires moldavesdes Russes, qui avaient occupe les grandsconvents du Nord et la vallee, si importantedant les luttes actuelles, du Câmpulung mol-dave, oil, avant la paix de 1699,1es Polonaisetaient restés une dizaine d'années.

Pour le moment l'intervention du Khan,ennemi des igissements du roi de Suede, quiitait devenu de plus en plus un hOte incom-mode, empecha un conflit entre Turcs etRusses, que cherchait a écarter aussi, de touteson habileté et de toute son influence, le nou-veau prince moldave, Nicolas Maurocordato,ancien drogman de la Porte. La treve avecle Tzar fut prolongée pour trente ans aucommencement de l'année 1710. Maurocor-dato n'eut drautres déplaisirs que ceux quelui causait la presence turbulente, dans s4Capitate elle-meme, des COsaqtfes du HetmanMazeppa, qui venait de mourir, laissant sei

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soldats sous les ordres de Woinarbwski, deWotkawinski et surtout de celui qui fut sonsuccesseur, Philippe Orlik; des Polonais, etmime des Tatars, de la suite du Voivode deKiev, Joseph Potocki, y avaient aussi leursquartiers, qui contaient cher au pays. Les pil-lards et les insoumis ne furent, cependant,guere menages.

Mais la guerre contre le Tzar approchait.Tout un parti A Constantinople la desirait,espérant retablir l'ancienne &ire des arméesottomanes. Le Grand-Vizir pieux et pacifiqueNouman Keupreuli fut remplacé par un horn-me rude et violent, d'un temperament guer-rier, Baltadschi-Mohammed, originaire de larea, de la province" moldave de Hotin. LeKhan était déjà gagne A la cause. Un nou-veau prince moldave fut choisi par son in-fluence dans la personne, de tout point re-marquable, de Demetrius Cantemir, un sa-vant orientaliste, qui connaissait cependanttrop bien ces Turcs de decadence pourles aimer et d'autant moins croire A leuravenir. 11 feignit de prendre sur lui la mis-sion de preparer l'expédition vengeresse etde se saisir de la personne de BrAncoveanu,suspect d'avoir entretenu des relations avecle Tzar, par le moyen des moines vaga-bonds et surtout de ces marchands qui ye-naient, non seulement a Kilia sur le Danubeinférieur, mais aussi dans les villas et aux

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foires de la Valachie; il était suspect surtoutd'avoir des richesses qui auraient éte singu-litrement appreciées A Constantinople.

La decision de Cantemir fut pressée, A la suitede la rupture entre ses patrons et les Russes,par les pretentious des Turcs, qui, apres lui a-voir promis l'exemption de tribut, ne cessaientpas de lui demander, journellement, de l'ar-gent, des provisions et tout ce qui était lie-cessaire A l'expedition prochaine, par les dé-nonciations de Brancoveanu, qui chercliait Ase montrer plus fidele que celui qui devaitsurveiller et punir sa propre infidélité, et sur-tout par les conseils de ces jeunes nobles dela classe des onazils"descendants d'anciensboIars vivant A la campagne qui étaientrevenus de Pologrk, oil ils avaient combattupour le Tzar avec la certitude que cette non-velle force politique devra vaincre nécessai-rement il'Empire branlant des Sultans. Cesguerriers d'aventure, parmi lesquels se trou-vait le pere du futur prince Jean Callimachile nom de la famille, non grécisé encore,etait alors Calmgpl avaient, du reste, descamararies, comme Turculet et Chigheciu,comme Gregoire Ivanenco et son frere, quiétaient testes sous les drapeaux moscovites.Parmi le grands boYars eux-memes il y avaitdes chaleureux amis de la Russie : le HetmanAntiochus Jora, chef des troupes moldaves,dont le nombre avait été accru tout dernie-

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rement, et le Métropolib Gédéon, qui suivaitclans cette attitude la tradition de Barlaam.et Dosithée. Ce parti chrétien s'était adressémeme directement au Tzar, dénoncant lessentiments turcs du prince et lui offrant un.apport de 10.000 Roumains et les moyens,d'entretenir 15.000 autres soldats s'il est dis-pose a refaire la campagne de Jean Sobieski,se dirigeant avec une puissante armee contresce Boucischac tatar, qui avait amene aussiPetriceicu et Serban Cantacuzene a demanderle secours du Tzar 1.

On pretend, de bonne source, que Pierre-le-Grand lui-meme aurait envoyé -en Mel-davie, comme simple informateur probable-went, son médecin, le Grec Polykala. En toutcas, Demetrius ne tarda pas a députer des,emissaires aupres du ptiissant voisin, émis-saires avait pris la precaution d'annon-cEr aux Tures eux-memes ,comme des fidelesespions. Deux des anciens soldats du Tzarfurent charges de cette miss:on, dont le ca-ractere aparait par le seul choix fait dansleur personne: Elie Abka et Jean Mirescul,,dont le premier devait vivre en Russie, apresla catastrophe russe du Pruth, de longuesannées, aussi comme moine a Kiev, déchirepar le désir de revoir enfin sa patrie. BientOt

' Necu1ce, pp. 304-305.

gull

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apres un capitaine Procope eut meme lesw1eins-pouvoirs pour conclure un traite.

On a ce traité, signé le 13/24 avril 1711.1.e Tzar était dispose, se trouvant en guerre.avec les Infideles, violateurs d'un traité apeine conclu, A libérer ce bon peuple mol-,dave, ainsi que d'autres nations chrétienneszoumises a des souffrances barbares", ainsi<lire l'avait demande Demetrius lui-meme, quiavait soumis meme la forme complete del'acte a. signer. On rencontre dans les clauses,qui sont nombreuses et précises, ainsi qu'onpouvait rattendre d'un prince gi cultivé, cer-'Mines qui se rencontrent dans les traités an--térieurs entre Roumains et Moscovites : pro-Inesse de regagner pour la Moldavie lesforteresses occupées par les Tures, maintientin regime politique et financier, complete au-tonomie, gouvernement par une dynastic indi-gene, cooperation militaite, soutenue cependant,tcette fois, par le s2u1 Trésor imperial. Ondistingue cependant clairement, d'un bout al'autre, la conception dynastique et autocra-lique que s'était formee Cantemir de son pou--voir. A la condition de rester orthodoxe etlidele, il sera un_ souverain absolu, ayant lesvilles de sa principauté A sa disposition; lesmobles et tous les sujets de la Principauté deMoldavie seront soumis a ses ordres, sans

aucune opposition, sous aucun pretexte" ;les Cantemir heriteront de son pouvoir, jus

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qu'aux fils posthumes. La protection impériaIesera maintenue, meme si la Principautt devaitrevenir aux Turcs; en cas de (Waite, Deme-trius sera recu dans les Etats impériaux et ilobtiendra, non seulement des moyens de s'en-tretenir, mais aussi des proprietes et des pa-lais" équivalant A ce qu'il aurait abandonnéa Constantinople, et cela a Moscou meme 1.

Ce n'étaient cependant que des prélimi-naires ; Demetrius déclara les accepter dans-la forme de ce libellé et il députa dans cebut un nouvel ambassadeur, d'un rang plus.élevé, Etienne-Lucas ou Loucoulenco, qui étaitle beau-frere du Hetman Neculce le chroni-queur. Le traité solennel devait etre conchtjusqu'A la fin du mois de mai et publié seu-lement apres l'entrée des armées russes en.Moldavie. Pour tromper les Tures, on luidonna aussi une mission en Pologne, aupresdu Hetman Adam Sieniawski, qu'il s'a'gissaitde gagner A la cause du roi Stanislas, lacreature de Charles XII 2.

Cette fois cependant les intentions du princeavaient (10 supporter l'influence, determinant;du Conseil de ses boTars. 11 n'est plus ques-

1 Polnod sobranti zakonov, IV, p. 659 ; Mitilineu,oeuvr. cite, p. 74 ; Sturdza oeuvr. cite, p. 15 etsuiv.

2 Voy. la chronique d'Amira (Storia del sogglorno di Carlo XII in Turchia), parue, par nos,sans, it Bucarest et a Stockholm in 1905.

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ton seulement du maitre absolu et de saIlynastie. Les nobles ont pris, a leur tour,leurs tuesures de precaution : ils sont inamo-.Vibles, sauf le cas d'une culpabilité reconnuepar jugement; faut une sentence du Con-seil et, en plus, l'approbation du Métropo-'lite pour les punir ; toute la classe, jusqu'aux,mazils", sera épargneo par la dime et,,en échange, elle aura le droit de recueillir.celle des paysans non 4ibres; ii ne lui sera pas-fait de concurrence par l'immixtion dcs Mos-covites, comme fonctionnaires ou comme pro-priétaires terriens 1. Lucas revint avec une,citaine d'or et tine médaille pour le prince et-avec une proclamation qui devait etre COM-uuniquée plus tard au pays.

Passure par cet acte de soumission condi-lionnelle, Cantemir fit la méme chose que soniroisirt valaque, qui celui-la n'avait pas mémeconclu d'accord avec Pempereur, peut-etreson maitre futur. Brincoveanu avait arrêtét es troupes dans le camp d'Urlati ; Cantemirvassembla les siennes dans le voisinage irn-mediat de Jassy, pres du rnonastere de Fru-;masa.

Les Russes s'avancaient cependant, avantque les Turcs fussent parvenus au gué duDanube, a lsaccea. Le moment était venu

Necalee, p. 306.

Ot

l

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II fallait bien se declarer, en ce qui con-cerne le prince de Moldavie au moins. Procope.et un autre officier se rendirent aupres de Chi-rémétev, qui commandait les troupes du Tzara Mohilev, ils demanderent au nom de leurmaitre qu'une avant-garde moscovite viennese saisir de sa personne, pour se dégagerainsi de toute responsabilité envers les Turcs.Le 1-er juin n. st. ce petit corps de 3.000'hommes, accompagné par les 500 cavaliers.moldaves de Chigheciu, était a Zagarancea,.pres de Jassy, et la poursuite des Tures com-mencait. Demetrius était sorti a la rencontrede ses Mites, qu'il conduisit dans sa Capitaledeux jours plus tard.

A cette occasion enfin il fit sa déclarat:on,scellant désormais ses actes d'un nouveausceau 13tin, comme prince de Moldavie parla grace de Dieu". A ussitôt l'armée moldavecommenca a s'organiser, sur le compte duTrésor russe, qui offrait au simple soldatcinq roubles par mois, outre un assez im-portant paiement initial. Le peuple accourutsous les drapeaux, et les mazils" avides de-gloire en furent les officiers" 1.

Deja la proclamation de Demetrius Can-temir a ses Cveques, ses bolars, son annér

1 Voy. notre m&noire Charles X11, Pierre-leGrand et nos pays", dans les Annales de l'Aca--denlie Routnaine", XXXI.

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et A tous les habitants du pays de Moldavieavait ete affichée, annonçant l'arrivée del'armêe russe, qui se dirigeait vers le pontqui a eté construit au prix de notre sang".Le prince rappelait tout ce que l'ennemi dela Sainte Croix" avait perpétre aux dépensdu pays, des le moment ofi Bogdan fils.dttienne avait admis le payement d'un tribut -les incursions incessantes, l'occupation des for-teresses et de !cur rayon, les milliers d'ha-bitants trenes en esclavage, les outrages.ehontés, les efforts d'amener les princes et lesbdiars A la foi de les impôts accruset sans cesse renouvelés. Ii faut done s'unirau Tzar, comme ses compagnons d'armes, etse rendre aussitOt du cOte du Danube pourarreter l'assaut de la tyrannie et de l'inva-sion des Tures". Tous aux qui portent lenom de chretien" doivent le faire sans retard,sous peine de confiscation des biens, carfaut mettre sur pied une armee de 10.00(1',hommes. Le 15 juillet est le dernier termeCelui qui restera encore dans la clientele ot-tomane sera meme puni de mort. Et un me-nifeste, un universel", était rnentionné, quipromettait a la Moldavie libérée les forteressesqu'elle avait perdues 2.

Bientôt Chérémétev lui-meme passa le Dnies-

2 Hurmuzald, Supplement IX (pp. 454-455, no. ncxxxi). Dans une forme meilleure, avectraduetion, dans le nadmoire cite, pp. 100-102,126-127.

iL

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lislam,

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ter 1 Rachcov, ayant dans sa suite Dolgo-rouki et le Pagusan Sabbas, qui avait ne-gocié la révc les Yougo-slaves; il condui-salt une arme de 15.000 hommes. A son pas-sage par la Bessarabie, les mazils" de cettecontrée vinrent lui offrir leurs services. Le 6/17juin, Cantemir, accompagné par Lucas et Ne-culce, venait rencontrer le general rnoscoviteet lui offrir un cheval arabe. D'autres troupeSsuivirent, avec le general Janus. Et, avanttine son allie moldave eat pu soupconner l'ap-proche de ce redoutable potentat, Pierre lui-Tneme, conduit par les Moldaves Savin Zmu-cila et Paul Ruging, se présentait aux bard-kres de Jassy. A peine le Metropolite GeAeon eut-il le temps d'accourir pour asperger&eau bénite celui qui arrivait au nom duChrist libérateur.

Le Tzar se rendit aussitôt au Palais, ou,-un peu plus tard, la princesse Cassandre, fillede erban Cantacuzene, fit les honneurs deses appartements a Catherine, la compagnede Pierre. 11 visita le bain turc, d'anciennetondation, datant de la fin du seizieme siecle.Au retour, il trouva Cantemir au bas de l'es-caller. Ayant rep de sa part le baise-main,il ne se borna pas a lui rendre le baiser,sur le front, mats il lui montra dans un seulgeste sa puissance personnelle et politique,le levant en rait d'une seule main.

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Le lendemain, Pierre, accompagne de troist fficiers seulement, visita les églises de Jassy,4tant regu au son des cloches, au milieud'une grande affluence de peuple. 11 déclarareconnaitre dans l'édif ice de Golia, telle qu'elleitait A ce moment, une triple influence: po-lonaise c'est-A-dire occidentale, grecque etrusse nous dirions, d'un seul mot : byzan-tine. 11 y eut ensuite un grand banquet, qui-réunit aux princes, au chancelier Golovkineet aux généraux russes: Galitzine, Dolgoro-wki, Ronne, Weisbach, au secretaire Cha-limy, A Sabbas le Ragusan deux hOtes ori-entaux, dont l'un envoyé par Briincoveanu etl'autre qui avait déserté, dans la compagnie-de David Corbea, les drapeaux valaquespour s'offrir au Tzar : Constantin Castriote,qui paraissait se rappeler que ce now avaitété celui de l'Urdique Scanderbeg, et ThomasCantacuzene.

Pour ne pas s'arroger le droit d'ocuperla premiere place, Pierre y installa le chan-celier, qui", écrit la chronique moldave, .futle seul A observer le jeilne prescrit par-glise". 11 exigea que Cantemir prit la placesuivante et il n'occupa lui-meme que la troi-sieme; pour la seconde fois le prince baisala main du Tzar, qui l'embrassa paternelle-anent sur le front. Le premier verre fut levépar le Moldave, que son puissant allie re-nercia de la méme fagon. Thomas Canta-

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cuzene et son compagnon valaque se trou-vaient A la gauche de Pierre. Ce Souve,rain daigna verser lui-meme dans les verres.des boTars ces vins de Cotnari et d'Odobe§tiqui étaient la gloire du pays. Dans ses ap-partements, la princesse festoyait Catherine,.l'Imperatrice".

Le lendemain, le Métropolite Gédéon ac-cueillait le Tzar A l'église des Troz.s Hie-rarques, ota Pierre se rendit pour faire ses de-votions aux reliques de Sainte Parasceve; itrefusa d'occuper le siege princier et écoutacomme le plus humble des fideles l'office celé-bre a son intention. Cantemir vint retrouverson hôte qui s'était dérobe A son attentionIl hii fit passer en revue cette nouvelle ar-mee moldave. Puis ce fut le tour de la Me-tropole, bAtie par la femme du prince Duca,.de Golia, de Saint-Nicolas, l'eglise d'Etien-ne-le-Grand, restaurée, vers 1670, par An-toine Rosetti.

Avant de feter A son tour ses allies, dans-le camp de Tutora, sur le Pruth, Pierre you-lut arranger enfin ce différend qui avait se-pare jusqu'ici le prince, amateur du pouvoirabsolu, et ses boYars, qui, se rappelant lesanciennes coutumes, en étaient arrives A reverde républiques A la mode polonaise Non seu-lement Démetre, frere de Michel RacovitA, qui yétait naturellement intéresse, mais aussi le vieuxIordaki Rosetti s'opposerent opiniAtrement

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A la clause concernant la dynastie. Dieu seaest éternel", opposa-t41 aux al guments deGolovkine et du Ragusan. II fut arreté et di-Ile vers Kiev, oh il séjourna pendant longtemps comme traitre A son prince.

Le banquet pour le second aniversaire dela bataille de Pultava eut lieu au milieu de,l'armée; cinquante deux canons accompagnerent les prieres, dites par le Métropolite Ge-déon. On s'assit sur le rebord des tranchées.Le Tzar presidait; Cantemir etait entre Go-lovkine et Cheremetev ; quinze bolars setrouvaient parmi les invites. On servit duchampagne, et les Moldaves s'enivrerent. Toutle monde dormit A la belle étoile, parmi lestables couvertes encore des restes du festin.

Le lendemain fut publie le traite, sur lecontenu duquel on s'était entendu dans lecamp. A Jassy meme le clergé et la noblessese rassemblerent dans la petite eglise qui setrouvait au dessus de la porte du palais. Can-temir prit place dans son siege princier, ayantA ses cOtés le secrétaire Sabbas, qui devaitrendre compte A son maitre de la cérémonie.Les clauses furent lues une A une et admi-ses par l'assistance.

Pierre etait decide, A ce qu'il parait, A sediriger vers Focqani, pour exercer une pressionirresistible sur BrAncoveanu, encore chance-lant, et lui faire ouvrir le pays a ses armées;

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d'autant plus que la Moldavie n'était pas en-Etat, ainsi qull avait pu le constater, de nour-rir sa nomhreuse armee, alors que la Vala-chle avait eu -une récolte normale. Déjà legeneral Ronne avait &é dirigé, dans la corn-pagnie de Cropotov, avec ses Moldaves, et deThomas Cantacuzene, vers la forteresse deBrgi la, qu'il n'arriva cependant A occuper quela 14/25 juillet. Mais le prince valaque, in-dip& de la faveur dont jouissait ce Canta-cuzene qui ambitionnait son Siege, se Nitade retourner A TArgovi§te, l'ancienne Capi-tale du pays, avec la permission lies Turcs,auxquels il finit mais seulement apres leurvictoire par livrer ses provisions, qu'il avaitd'abord dirigees vers le camp moscovite IFAlciiu 1

Ceux-ci avaient passe déjà le Danube. 11lallut done leur livrer bataille dans des cir--constances absolument défavorables, sur le ri-vage du Pmth, A proximite du Boudschacdesert et sans eau, sur lequel s'étaient abat-tues, en plus, les sauterelles.

Deja les Tatars de l'avant-garde avaient-surpris, A la fin du mois de juin, les Mol-daves d'Ivarienco et les Valaques du capi-tame lene. En Moldavie meme, le baar LupuCostachi s'était retranche dans le couvent de

' Chronique roumaine de Radu Groceanu, éd.St. Grecianu, et Neculce, p. 320.

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Bursuci pour y attendre, et 11 fallut envoyerChigheciu pour essayer de l'en Mogen Ren-contrant les forces principales du Vizir, legeneral Janus rept l'ordre du Tzar de se re-tirer vers les quartiers de ce prince, a l'em-bouchure du Prutet. Démétrius Cantemir pritsur lui de retarder l'avance des ennernis; ilavait avec lui 2.000 des siens, un certainnombre de Cosaques de Dnieper et du Donet 4.000 Russes , forces insuffisantes pourpouvoir etre vraiment utiles a l'armee. Ungrand nombre parmi ceux qui formaient cettearriere-garde hardie tomberent sous lescoups des Tatars, qui se disperserent en pil-lant a travers cette pauvre Moldavie sansdefense.

On s'arreta, apres la reunion avec l'infan-terie du general Repnine, pour livrer le com-bat a Stänileqti, pres de la vile de Hu§i. LeTzar lui-meme considerait la situation commedésespérée, a cause du dispersement de sesforces et de la supériorité numérique desTurcs, qui disposaient aussi d'une bonne ar-tillerie. Neculce, le conseiller principal deCantemir, assure gull aurait voulu laisser lecommandement a Chérémétev et essayer deretourner dans ses Etats avec une escortede deux cents dragons et cent Moldaves",pax la Transylvanie et la Hongrie, ce dontl'aurait dissuade le prince moldave.

Le combat fut, de fait, une defensive de_

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-plusieurs jours, avec de grosses perks aucours de la retraite. Les Moldaves sortaient4:Iu camp fortifié pour provoquer les Tatarset ouvrir la vole ; leurs sacrifices fureut énor-mes, et ils les accepterent de bon cceur. llsamenaieut en plus de l'eau et des provisions,des troupeaux de betes, a l'armée. Cantemir,qui avait assisté a la victoite de Zenta, rem-portee par le prince Eugene sur le Sultan,recommandait tine poussée énergique contrele centre ennemi, représenté par les janis-saires. Le general Weidemann l'essaya, maisil tomba au milieu des siens. Meme apres clueles négociations, ouvertes par des propositionsrusses, qui contenaient la cession de paysjusqu'au Danube et des dédommagements pourles devastations des Tatars, eussent été ou-vertes, il dissuada le Tzar de conclure HU-vement cette paix défavorable.

Elle fut cependant acceptée, et CantemIrdut se considerer comme heureux d'avoirpii sauver sa propre personne, que les Turcsréclamaient hautement comme celle d'untraitre. A pres avoir visite une derniere foisJassy, déjà envahie par des bandes tur-co-tatares, et y avoir pris, avec sa femme,le sceptre d'argent du pays" qui- doit seirouver quelque part en Russie , il allarejoindre celui qui n'était plus dorenavant sonallié politique, mais bien son maitre et pa-tron.

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Le dernier parmi les chefs russes qui eva-cua la Moldavie fut Ronne, dont la maychese poursuivit par Cern AO et Hotin. Une partie<les Moldaves avaient accompagné leur prince;-d'autres se trouvaient dans l'armée du Tzar.A Galatz les envahisseurs avaient déterré-dans l'eglise de S. Georges le corps du Het-man Mazeppa, dont on volt encore les armes,l'aigle des Cosaques, sur la pierre qui re-couvrait jadis ses ossements. A leur suitevenait comme administrateur de la province

Jean, frere de Nicolas Mavrocordato. Son frere,qui lui succeda bientOt, n'eut pas de répitjusqu'au depart force de Charles XII, quiabandonna Bender apres le ,,kalabalik", l'é-chaufourrée qu'on sait, avec les Tatars et les'Tures, en 1714.

Demetrius Cantemir, escorté par deux centsdragons, fut établi d'abord, pour l'hiver", aKharckov, puis au-delà du Dnieper et du pays-des Cosaques, dans une place de refuge, uneslobodka" pres d'Azov, oinsi qu'il l'auraitdemandé lui-même", d'apres le conseil decertains des Moldaves qui connaissaient laplace comme étant commode"1. Bien fourni-de provisions on lui donnait", écrit Ne-culce, tant de vivres a lui et a tous les Mol-daves qu'ils n'arrivaient pas a les consumer",il obtint le domaine, compose de treize

' Neculee, p. an.

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villages, du general polonais Szydlowski, avecdes étangs, des moulins, des champs fertiles,des troupeaux, des ruches d'abeilles et deux

trois cents serfs pour chaque village, do-maine abandonné ensuite a son entourageSon prestige, assure le meme chroniqueur, étaitsupérieur a celui de lous les grands de laCour, qui en étaient arrives a le her. Les.Cosaques qui habitaient le pays protesterentaussi aupres d'Apraxine, gouverneur d'Az v,contre ce nouveau maitre, qui aurait desireformer dans cette region de Kharkov commeun nouveau pays"' autonome, colonise parses Moldaves. Apraxine lui-meme et son col-legue Chérémétev s'opposerent a la realisationde ce projet, jetant des doutes sur la cons-tance de Cantemir lui-meme dans son atta-chement a la cause chrétienne et objectantdangers qui pouvaient résulter de cet établis-sement d'une nation étrangere, a tendanceschangeantes, dans le voisinage meme d'Azov

peine conquise sur les Turcs. L'ancienprince moldave fut dedommage par mille,dvors" dans la province meme de Moscovie,avec cinquante villages et cinquante milleserfs en dependant et, en plus, deux bellesmaisons a Pétersbourg elle-meme ; six milleroubles devaient servir a l'entretien de la mai-son princiere.

En 1713 sa femme mourut, et il epousa laprincesse Anastasie, fille du feld-mariclia1

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Ivan Troubetzkot A cette époque il nvait et6déjà chargé d'organiser l'Académie Impéria lede Pétersbourg, d'apres le modele de celle deBerlin, pour laquelle il avait écrit en latinune riche Description de la Moldavie". CommePierre-le-Grand avait entrepris une expedition-tion en Perse, il l'accompagna en qualité deconseiller scientifique; mais il n'eut pas leloisir de rédiger ses notes, comme, du reste,il ne vécut pas assez pour publier sa grandeChronique des Moldo-Valaques", a laquelleil avaif travaillé aussi en Russie. La mort lesurprit encore leune en 1723.

Il avail déjà perdu dans son exil ses filsPierre et Jean. Un troisieme fils, Mathieu,marie a une comtesse, mourut dans les rangsde Parrnée en 1771. Constantin, capitaine dela Garde, dont la femme elan Anastasie, finede Dernetre Galitzine, s'était déjà éteint en1747, alors qu'un autre frere, le brigadier-Serge, était encore vivant vers 1780. De sesdeux filles, Marie (t 1720) et Smaragde (t1757), la premiere avait été demoiselle d'hon-neur de la Tzarine 1 Une autre Smaragde, dusecond ttariage (t 1761), fut l'épouse de Dé-metre Mikhalovitsch Galitzine.

Mais le plus célebre de ses enfants et leseul qui lérita de son grand talent d'écri-vain, de sa disposition extraordinaire a ap-

' Genealogia Cantacuzinitor, pp. 419-421.

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prendre les langues étrangeres fut Antiodus.11 représenta le Tzar, coinme arnbassadeur,Paris et a Londres et prit soin des editions enlangues occidentales de Pouvrage de son peresur l'Histoire de l'Etnpire Ottoman. Doued'un remarquable esprit d'obs;rvation, il é-crivit, d'apres les modeles français du dix-septieme siecle, des satires d'une haute en-vergure, dans lesquelles, tout de rneme, revit laRussie dePierre-le-Grand et de ses successeursimédiats, avec tous ses defauts et tous sesridicules. 11 peut etre considére COMM le vraifondateur de la litterature russe moderne,ainsi que Nicolas Milescu fut le premier corn-pilateur d'ouvrages scientifiques en Moscovie.

Thomas Cantacuzene fut plus heureux. Creegeneral des son arrivee ft Pétersbourg, avec desgages de cinq mile roubles par an, il avait sousses ordres un certa:n nornbre de villages, cor-respondant A ceux qu'il avait abandonnés, Puison luifit donner en 1718 pour habitationperrnanente ce bourg de Pereiaslavl, confis-que a la famille rebelle des Mirovitsch, qui a-vait vu au XVI-e siecle les troupes enoldavesde PArvu, venues pour punir les Cosaques deleers incursions 1. 11 mourut des 1721. Sonfils fut Cleve dans les traditions russes etservit, comme beaucoup d'autres reletonsprinciers de race étrangere, dans les armees

Neculce et Cen,!aLog Cantanzindor, pp.353-35.!

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*du Tzar; mais- ii ne survécut pas A son pere.Thomas avait été accompagne dans sa retraite

par le frere de sa femme Mathieu ,Herescu,s'étant made en Russie, fonda une fa-

vine assez hien connue. Son fits fut cepoete, tout aussi polyglotte qu'AntiochusCantemir, mais ayant tut talent inférieur

de son compatriote moldave, que la lit-férature russe connait sous le nom de Ole-zascov.

qui,

.celuiA

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CHAP1TRE VIII

Les Roumains et Ia Russie aprèsPierre-le-Grand.

Les Russes ne devaient revenir au milieudes- Roumains que dix-huit ans apres le de-part précipité de Pierre-le-Grand.

Cette nouvelle expedition russe en Mol-davie ne ressembla cependant guere A lapremiere, qui l'avait inspirée. Depuis l'appa-parition de Pierre A Jassy une nouvellegeneration de boYars s'était formée, qui ne-se rappelait que fro') bien la défaitePruth et qui n'esperait pas grand, chosed'une intervention chretienne, apres la faillitede tous les projets formes pour leur deli-vrance, en Orient aussi bien qu'en Occident...Ils cherchdent A s'arranger le mieux possible.avec les Turcs, qui paraissaient devoir resterpour toujours leurs maitres, de par tine fa-talité que personne n'aurait été en étai debriser.

II n'y avait pas non plus de princes qui-fussent capables de reprendre Pceuvre de ce-romantique convaincu qui avait été Deme-trius Cantemir, mort, du reste, lui-meme çnexil, avec un sentiment de profonde désillu-sion et d'abandon définitif. Nicolas Mauro-cordato, qui avait eu tant a souffrir A la suitede cette guerre de 1711, n'bsait pas meme

du

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MS

regarder du côté du Pruth, oil les Sarmates"latars étaient pour lui MI continuel objet d'ef-frol ; ce Phanariote timide en fait d'aventureset de guerres était, du reste, comme espritéclaire, comme traducteur du Theltre poll-tique" et comme penseuril écrivit un Deofficiisd grec convaincu, de son côté, quecet Empire ottoman pourrait durer indéfini-ent si seulement la lourde masse résistante,et-tit ranimée et conduite par l'intelligencegrecque, dont il était un des représentants.-Ce ne fut que Nen tard,- et sous le coup depersecutions malhabiles, que ce Phanar,plus turc dans nine que les Turcs eux-mé-yes, se convertit, mais seulement en partie,-et jamais d'une maniere bien sincere, au credoorthodoxe préché par la Russie. Et entre Ni-colas Maurocordato, d'un Ole, et, de l'autre,son neveu Gregoire Ghica, ancien drog-man de la Porte, sans aucune visée poll-tqt e et tout pret A s'enfuir dans le campottoman au premier mouvement des troupesruses sur la frontiere du Dniester, ou Mi-

chel RacovitA, malgré ses relations don-teuses avec les ambassadeurs russes de pas-sage par son pays, il n'y avait aucune dif--férence. Un systeme s'était déjà établi dontils se trouvaient bien : celui d'une pacifiquecarriere, bien déterminee, qui faisait passerles Fls des nobles families du Phanar desfonaions d'auxiliaires dans la chancellerie ot-

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tomane a celle d'interpretes pour pouvoir am-bitionner ensuite, comme supreme honneur,.le trône branlant de Moldavie ou de Valachie.

Parmi les vieux boTars ii y avait encoreles anciens émigrés en Russie, qui ne faisai-ent pas precisérnent l'eloge du payg ofi lesavait amenés leur mauvaise fortune. Ces cli-gnitaires fastueux de la Couronne moldave sitprestige jadis royal, ces riches propriétairesdisposant de dizaines de villages, ces sei-gneurs fiers, habitués A dire la vérite commereprésentants immuables du pays devant lesVoévodes qui se succédalent rapidement, s'é-talent sentis bien diminues dans les placesde refuge oA on les avait confines, enca-sernés", pour ainsi dire, sous la double sur-veillance de leur prince rtxile, aigri par lemalheur, et des olficiers memos du Tzar, quine menageaient pas leurs habitudes et leurs-caprices. Its se rappelaient le refus qui avaitété oppose A leur demande de rester A Kiev.pour pouvoir revenir dans notre patrie", deleur voyage A Kharkov sous l'aspect des-prisonnicrs de guerre, de leur vie mediocre,.continuellement torturée par la passion dou-loureuse du retour, de leur liberation tardive,sous la pression des Turcs, les anciens mat--tres 1. Certains d'entre eux, comme SanduSturza, comme le Vestiaire Luca, ancien ne=

1 Neculce, p. 338.

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gociateur du traité avec le Tzar, étalent re-venus depuis longtemps a leurs foyers. Ceuxqui resterent encore en Russie étalenf con-sidérés comme perdus pour leur patrie: urtAbgza, qui figurait parmi les riches boYarp.moldaves, échoua au cloftre de Petschersca"d'oli il envoyait des lettres qui nous ont étéconservées Dans les souvenirs de Neculce, laMoscovie, ou il prétendait avoirsouffert de l',, in-fidélité" de ses connaissances, on volt qu'ifnravait pas découvert un milieu social corres-pondant a ses gaits plus ratlines et surtout qu'it.n'y avait pas trouvé la libezté de sesmouvernents,l'oucaze étant nécessaire pour tout déplace-ment, difficilement accordé, et la grande Cour,frequentée par de nombreux dignitaires etconseillers qu'il avait revée il n'y a pas.meme ce qu'on trouve clans notre pays" ,mais bien une grande armee, qui englobaitles fits des nobles aussi, auxquels n'était ou-verte aucune autre carriere, de droit héréditairel.

La Moldavie venait de traverser toute unecrise provoquée par les révoltes des Tatars,puis par leur lent envahissement de territoiredu cede de la Bessarabie méridionale, Leprince Gregoire Ghica avait impose, gracea son influence aupres des Turcs, tine con-vention favorable au pays qui regagnait tine

i P. 838.

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partie de ses frontières usurpées. Personaene Ovait de revolutions et la dominationturque avait paru procurer meme un avan-tage, lorsque la nouvelle guerre russo-turqueeclata.

Elle fut portée d'abord sur un autre champde batailie ; il s'agissait de la conquete decette Crimée elle-meme, d'oit venatt le dangerperpetuel et les fréquentes incursions pillardes. Azov, perdue par le traité de Falciiu en1711, devait etre reconquise pour rout', ir laMer Noire aux vaisseaux du Tzar. Cect pa-raissait devoir etre le seul but de l'interven-lion russe darts une guerres qui, continuantcelles de 1683 et de 1716, devint avant toutun chapitre de la penetration autrichiennedans la Péninsule Balcanique, oft elle bri-guait ouvertement et hardiment l'héritage del'ancien Empire byzantin.

C'est seulement apres le mauvais succe,un vrai desastre , par lequel finit cette expe-dition de Crimée, que les regards des Russesse touruerent du Me de la Moldavie. Ne-culce, le chroniqueur roumain qui avait unintéret special pour les choses de Moscovie,dont il était a peine revenu, assure cepen-dant a deux reprises que les ministres duTzar demandaient formellement au Vizir, quivenait de passer en Bessarabie, la cessiondes deux Principautés jusqu'au Danube. Etil ajoute meme : Le Vizir _auralt accordé

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peut-etre cette frontiere du Danube, ainsiquo l'exigeaient les Moscovites, mais les ja-nissaires ne voulaient pas l'admettre I".

Les négociations qui s'étaient poursuivies.A Nimirov, dans Vancienne Ucraine moldave,ot au cours desquelles Ghica lui-meme avaita-mph les fonctions de médiateur servant lesinterets des Turcs, -ses maitres il essayameine, par son envoyé, le btirgrave de So-coca, Pierre Duca, de rompre l'alliance russo--autrichienne, amenant le Tzar A une paix se-parée, n'aboutirent pas cependant 2. Le ge-neral Mann ich essaya alors, en 1739, d'une

nouvelle expedition, qui, dirigée A travers laMoldavie, tie menagait plus seulement lesTatars, mais les Tures eux-memes.

En 1738 déjà les troupes du général étaientarrivées jusqu'A Rachcov, ancien apanage dela fille de Basile Lupu. Elles ne passerent pasencore le Dniester, et les Moldaves rassem-blerent, suivant l'ordre du Sultan, les muni-tions qu'avait abandonnées l'armée dans safetraite. Au printemps Miinnich parut de nou-veau A cette frontiere, avec tine armee impor--tante. Le séraskier turc chercha vainement Aempecher l'invasion ; dans plusieurs rencon-lres, les Tures furent battus A plate couture.te 19 aofit a. st. les Russes entraient dans

I P. 391.2 Voy. Hurtnuzaki, X, pp. viivm.

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cette forteresse de Hotin qui avait été arra-chée a la M oldavie, sous le prétexte d'une ex-pedition contre la Pologne, en 1713; la nouvelleforteresse, elevée dans le voishiage imniediat dusplendide ancien chateau moldave, datant derépoque de Pierre Rares, qui mire encore ses .hautes murailles, oil la brique encadre degrosses pierres, dans reau du Dniester, n'a-vait pas été en état de resister a la puissante-artillerie de rennemi. Le Pacha Koitschalc, quiavait fait la réeddition de Hotin, se trouvaitparmi les prisonniers.

Gregoire Ghica se retira devant xrarméerusse ; 11 évacua Jassy elle-merne, y laissantdeux lieutenants, dont l'uti était un Cantacu-zene, rordaki, de Deleni, et l'autre ce Sandi!.Sturza qui avait accortipagné, dans Sa jet"-nesse, jusqu'a Kiev au moins, Demetrius Can-temir. De l'autre Me, dans l'avant-garde deMiinnich, se trouviient les deux fils d'Antio-chus, frere de Démetre: Constantin, major, etDimitrasco, brigadier, qui revaient peut-etre dese voir xeplacés sur ce trOne moldave qui avaitété occupé tout a tour par leur ahcetre, leur pereet leur oncle paternel. Les quatre fils, déjà mai-tiones, de Demetrius,: Mathieu, Constantin, er-ban et Antiochus, étaient encore en bas age11 faut 4ire aussi que Pétersbourg abritaitmeme un pretendant A la couronne valaque,

I NecuIce, pp. 340, 408.

h.

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Constantin Cantacuzene, marl d'Anne Chéré--métev ; son pere, le prince Etienne, avait ett.execute par les Turcs en 1716, et Padu, frerede Constant:n, avait setvi la Maison d'Autri-che, qu'il se disposait a trahir au profit -du.roi de Prusse.

Le 2 septembre a. st., Constantin Cantemir,a la tele de ses troupes légeres, occupait Jassy.Et le Métropolite" Antoine, favorable auxchretiens, qu'il accompagna, du reste, comme-jadis son Rrédécesseur Dosithée, dans leur-retraite, et les caiinacams (lieutenants duprince) et- d'autres boTars qui étaient- presents-sortirent a sa rencontre, avec des moines etdes inarchands, hors de la vine, du côté dufambourg valaque, vers la colline de Copou,,et lui présenterent les clefs du .pays (sic) etles drapeaux des soldats indigenes; et ils serencontrerent joyeusement, et Farm& traversala ville de Jassy, étant conduite par les bolarsjusqu'au couvent de Frumoasa, oU dle pritsec logements

Le lendemain MUnnich lui-rpême arrivait avec-dix mile hommes,,et ii prit ses quartiers dansle palals même des princes, ofi II invitait auxrepas arrosés de doux yin hongrois" lea-chefs du pays. Les lieutenants 'princiers fu-rent confirmés dans !curs fonctions, avec letitre nouveau de grands senateurs". Ds a-

1 Ibid., p. 408.

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1."

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vaient dt1 signer au -nom du pays un traite quile soumettait it la Russie, interdisant toutesrelations avec ses ennemis. La Moldavie pre-.nait de lourds engagements : entretenir unearmee de 20.000 hommes pendant l'hiVer en-tier, et a savoir dans les villes, fournir 3.000-ouvriers pour la reparation des forteresses etle creusement des tranchees dont -avait éteentourée la Capitate tame, fournir ce quisera nécessaire aux hôpitaux militaires,- re-pondre sans retard tine somme de quatre-vingt-dix bourses d'argent, a 1.200 ducats labourse, et continuer a servir annuellement untribut de cent bourses. Les boYars avaient-accepté, en outre, bien volontiers s'ils nel'avaient pas propose eux-memes la.-pro-scription contre Gregoire Ghica et les siens ;s'ils ne reviendront pas dans le laps d'une armee,puis rexpuision pour toujours de tout Grecde nation, sauf les marchands, la livraison de-tout ce qui appartenait aux Turcs ou auxGrecs. Ils s'engageaient a servir sous les dra-peaux du Tzar, sans etre epargnes des, char-ges fiscales les dignitaires seuls etaientexemples du devoir militaire. On feta promet--Mit en échange de re pas leur imposer delonctionnaires russes I.

DimitraFo Cantemir poursuivit le prince

t Necuice, pp. 408-409; Mannstein, Aidmoires de_diffidnich.

;

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fuyard de cette Moldavie conquise jusqu'iFoc§ani, qu ii pilla sans scrupules, et il allameme monastere fondé par sa famine, Mirarpour se saisir de la personne d'un évequede Side qui devait etre bientôt le seul Greedans la série des éveques moldaves Nice-phore. Son frere Constantin travaillait en memetemps du cOte de Hqi. Le Hetman des Co-saques passa en Valachie jusqu'au bourg deCAmpina, pour prendre ensuite la vole deHongrie. Au mois d'octobre, le 13/24, Jassyfut evacuee, non sans avoir été devastee, lescemacams ayant été menés sous bonne gardedans le camp de Mtinnich. Car la paix venaitd'être conclue, par la mediation française.

Münnich ne sut guere garder la disciplineparmi ses troupes qui se retiraient. Le plusgrand nombre des habitants, dans les districtslimitrophes, furent pris et menes en esclavage,selon la coutume des Tatars. Les Cosaques,de leur côté, rentrant en Moldavie par ledefile de l'Oituz, se livrerent A un pillage en-regle, et ils durent etre escortes jusqu'aux fron-tieres par des troupes turques. Hotin fut gardéeencore quelque temps, et Ghica, revenuJassy, réussit A en prendre possession ; iigarde la forteresse jusqu'A ce qu'une nouvelleusurpation y rétablit les janissaires.

Le Métropolite Antoine, quittant definitive-ment le pays, passa par Kiev pour se rendred'abord A Tschernigov, un des anciens centres

,

a

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des Cosaques, puis A Bilgorode, en Moscovie.11 ne se soucia guerre, dans l'accomplissementde ses fonctions épiscopales, de l'excornmuni-cation qu'avait lancée solennellement contrelui k Patriarche de Constantinople, presse parle prince de Moldavie.

Quant aux fils d'Antiochus Canteinir, quiavaient espéré un moment pouvoir regagnerle trône moldave, Constantin, qui avait épouséen second mariage Nathalie Golovine, puis,aprel sa mort, Sophie Passicov, mourutcomme general en 1776; des 1758 son hereDirnitra;co, second-major, avait fini ses jours ;un autre frere, Jean, s'était établi dans lepays d'origine de sa famine. De cette bran--the des Cantemir il n'y avait plus en Russiequ'un troisieine Demetrius, fits du generalConstantin I.

li en resta aussi certaines relations religieu-ses. En dehors d'Antoine, devenu éveque russe,du neveu de Dosithee qui fut son colleguedans cette hierarchie etrangere, des relationstres etroites furent etablies A cette epoque memeentre le Siege de Roman, sous l'eveque Paceme(mot t A Kiev, en 1721) et la Russie religieuse, ouflorissait A ce moment un mouvement ascetiquequi produisit toute tine litterature nouvelle,dont St. Demetre de Rostov fut le principalreriesentant. Pres de l'ancien monastere de

1 Genealogtz Caniacuzini.or, p. 41P,

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Ileamt un hermitage fut fond& qui était can-{luit d'apres les normes habituelles en Russie.Ia maison de Pocrov, qui eut ses jours d'ac-tivité et de reputation.

Pendant trente ans il n'y eut plus guere derelations entre les Roumains et les Russes,ce qui montre bien le caractere exclusive-ment polaique et purernent accidentel descontacts de 1711 et de 1739, qui ont faitcependant parler si abondamment l'histoire.II n'y avait encore, de la part de ces der-n'ers, aucune tendance imperieuse vers leBosphore: on était content d'avoir la posses-sion d'Azov, récupérée, et ta possibilité d'en-voyer de vaisseaux, de guerre et de coin-merce,- dans les eaux de la Mer Noire; l'at-tention se portait, sous les Impératrices Anneet Elisabeth, sur d'autres objets que le par-tage nécessaire et prochain de l'Empire ot-toman en decadence. Quant aux Roumains,ils s'étaient habitues au reginie phanariote,qui, tout de meme, malgré les lourdes exi-geances continuelles des Tures, tâchait de semettre en regle avec les anciennes coutumeset témoignait d'un profond respect craintifenvers la classe ctoininante des-boiars.

Ni en Russie, ni en Moldavie on ne trouveaucun mémoire, aucune proposition tendanta rappeler ces moments passagers qui avaientété l'apparition de Pierre-le-Grand on de Mtin-

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nich sur la terre roumaine. Les membres d'uneseule et meme famille vivant d'un Me et del'autre du Dniester se separaient au point den'avoir plus aucune correspondance entre eux,et un Cantacuzene, un Cantemir, un Herescu,un Duca revenant des 8tats du Tzar auraitété considéré par les siens presque com leun étranger.

II y avait cependant d'autres Roum ins,vivant dans des circonstances bien différen s,sujets a un vrai esclavage, non seulement acause de leur nationalité, mais a cause dleur croyance religieuse meme, cet e an i-enne foi" de Uorthodoxie qui devait les rendresympathiques aux Russes. Dans leur d 'gra-dation sociale, dans leur exclusion p liti ue,clans la coercition brutale qu'ils sub'ssa'entpour se maintenir, dans cette forme hybr'clede l'Union avec l'Eglise romaine qui 1 uravait éte imposée mann militari par les Im-périaux autrichiens, au moment meme ouils avaient occupé, avec les Jésuites dansleurs bagages, ce pays de Transylvanie,ils cherchaient de toute la force de leur de-sespoir un appui, que ces Phanariotes deJassy et de Bucarest auraient craint de leuraccorder meme si leur propre situation a-vait éte mieux affermie.

Cet appui leur fut indique par leurs core-ligionnaires les Serbes, qui, nouveaux colo-

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nistes au caractere militaire, défenseurs ap-préciés des frontieres, jouissaient, dans leursprivileges étendus, d'une liberté religieuseabsolue et meme d'une autonomie dans.l'organisation hierarchique de leur orthodoxietraditionnelle. Serbes et Roumains v:vaient en-semble dans te Banat, delivré en 1718 de ladomination turque; ils étaient soumis assezsouvent A l'autorité du meme éveque, qui é-tait ordinairement un Serbe. De l'autre eôtede la riviere du M-iros, vers Gross-Wardein,l'Orad a-Mare des Roumains, des evequesvagabonds de même nation faisaient une con-c rr nce victorieuse aux hefs unis reconnuspar la Couronne, et,1 rsqu'on dut se résoudreenfin A créer un vicariat national uni pourles s uls Roumains, l'agitation serbe n'en con-tinua pas moins contre ce vicaire lui-merne.Les Serbes, forts de leurs droits intangibles,n'hésiterent pas A nouer des relations avecles Roumains de Transylvanie aussi et, alorsque les délegués de l'eglise de Saint Nicolasde Brasov se rendaient devant le Métropo-lite slave qu'ils préferaient A l'eveque rou-main uni, au renégat religieux et A l'usur-pateur, un éveque serbe, celui de Crouché-dol, Nicanor Mélentievitsch, venait presqu'of-ficiellement visiter cette 8glige restée fideleA la foi des ancetres.

Or les Serbes continuaient a maintenir la tra-dition de Georges Brancovitsch, qui était l'o-

10,

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tientation vers la ville sacrée de Moscou, resi-dence de l'Empereur chrétien de l'Orient. CetEmpereur leur envoyait des subsides pour leursSieges épiscopaux et leurs monasteres, et unmaitre d'école venu de Moscou avait pose lesfondements de cette école slavone" ou slavo-no-serbe" qui devait créer aussi une languelittéraire propre pour la nation, alors quel'Autriche entendait la soumettre seulementa cette culture germanique qu'elle representaiten Orient. Lorsque rceuvre de propagandereligieuse arriva a etre par trop genante, un.assez grand nombre de ces soldats a titrehéréclitaire quitterent les confins de la Hon-grie pour aller chercher en Russie meme d'au-tres domiciles, ou leur confession aurait étécelle des autres habitants et oft l'Etat memese posait comme but principal de la repre-senter et de l'étendre. De ce mouvement re-sulta, sur les territoires testes deserts a lasuite des longues guerres, la Nouvelle Serbiedu Duiéper, avec de vrais nouveaux Cosa-clues de provenance yougoslave. Les deputesreligieux de la Serbie autrichienne fréquen-talent sans cesse cette Cour impériale russe,A laquelle ils présentaient leurs doléances etdont ils attendaient meme une délivrance pro-chaine. Car il ne faut pas oublier qu'on aattribué a Pierre-le-Grand lui-meme l'intentionde se tourner, apres en avoir fini avec lesTurcs, vers la Transylvanie et la Hongrie

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rneme pour réaliser le grand tat orthodoxe,Teedition de Byzance, dont plus d'un lettrérusse revait dans ses pensées d'avenir 1

Deja vers 1700 les h3bitants orthodoxescl'Hermannstadt-Sibiiu, dont les Autrichieustrent la Capitate de la Transylvanie, s'étaient-adressés au Tzar pour pouvoir Mir une église<le leur confession. Les voyages en Russie.des pretres de l'église de Brapv continuaient.Un de ces pretres, Eustatius, qui se faisaitnommer, selon la coutume russe, Vassilievitsch,Jaissa dans la Capitate russe, la Stolitza",ainsi que la nommaient ordinairement les Rou-mains, son f.ls pour y apprendre le slavon,-et ce jeune écolier devint un des premierscodificateurs de la langue roumaine, tout en,itant l'organisateur, apres 1760, de l'enseigne-rnent roumain dans les centres orthodoxes, Dé-metre Eustatiévitsch, le premier parmi lesRoumains, si on ne compte pas UdriVe Nas--turel, qui rept une education exclusivementrusse. On a de lui aussi des traductions de-différents ouvrages. Le vieux pretre avait rap-porte les dons habituels, qui permirertt deréparer et d'agrandir son église, ainsi que lefait voir Iliscription nouvelle du frontispice,qui porte le nom de la Tzarine Elisabeth, fine{le Pierre-le-Grand.

I Cf. nos Ales et fragw-e 1,s, I.

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Mais apres 1740 on ne se borne plusdemander seulement de l'argent, des livres etdes parements d'église. Le troisieme des Cve-ques roumains unis fut un temperament hardiet chaleureux, pret A alter jusqu'au inartyrepour défendre ce qu'il savait hien etre sondroll et son devoir. Jean Innocent Micu, dit Kleinsimple Ills de serf, s'érigea en repr'sentantde sa nation enhere et il rappela energiquement, sans discontinuer, aux fonctionnairesdenués d'initiative et surtout A la Cour deVienne elle-meme la principale condition,parmi celles dont on avaii fall dépenthe cettereunion des Roumains A l'Eglise catholique .l'égalisation politique et sociale avec les au-tres habitants de cette Transylvanie do it ils.n'étaient pas seulement les habitants les plusnombreux, les plus laborieux et les plus de-voiles, mais aussi les plus anciens. Bafoué,empeche de parler, menace par ses adver-saires nationaux, il allait 'etre arreté A Vienne,ou il s'était rendu sans ordre, lorsqu'il sedirigea vers Rome, oil il ne trouva ni justiceni meme entretien, mais seulement un abripour sa vie brisée, qui se prolongea encore,opiniAlre, au milieu de toute espece de mi-seres et de souffrances, pendant vingt ans.

Sa disparition fut 1 e signal d'un immensemouvement d'indignation de la part des paysans roumains, qui demandaient Ieur eve-que". Un moine bosniaque, Bessarion Sara,

b

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iraversa la province, acclamé comma un saintpar ces pauvres gens, qui ne comprenaientpas un seul mot A sa propaganda rustiqued'illettre. Radu ou Rodolphe Cantacuzene a-Nait fait venir de Russie son frere Constantin,

ils avaient machine, avec le Patriarcheserbe lui-même, un grand complot destineA rendre A l'orthodoxie son ancienne va-1eur politique, et non seulement dans lesEtats du Sultan paTen, mais aussi dans.ceux de l'Etnpereur. catholique. Sara? futarrte et disparut. Constantin Cantacuzene,'mins avisé que son frere a l'heure oft le.complot fut découvert, entra dans la prisond'Etat de Gratz, avec son secrétaire, le petitbol'ar Vlad Botplescu de MAIAiesti, qui avaitété d'abord celui de l'Eglise métropolitaineserbe. D'autres mecontents échapperent aux.agents de l'Autriche, et parmi eux ce NicolasBalomir, un clerc influent, qui avait revetu desdignites importantes, ou ce prétre Jean d'Aciliu, ce Nicodeme de Belgrade, qu'on retrouveen Russie a ce moment décisif pour le sort'de l'Eglise roumaine orthodoxe en Transyl.-vanie,

Des petitions venant de cette province de-mandaient a ce puissant protecteur tout indiquela nomination d'un &Nue serbe pour les or-.thodoxes roumains; ii s'agissait peut-étre déjàde Gennadius Vassilievitsch, exarque de ala-vonie: Une intervention russe a Vienne ne

-et

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nianqua pas d'effet, au moment ou les deuxCours étaient intimement alliées. Le décret-autrichien du 7 novembre 1750, confirme le11 decembre suivant, était une legon de to-lérance faite aux autorités persecutrices : itpromettait une nouvelle delimitation officielleentre les territoires qui revenaient aux deuxhierarchies, mais ne zreait rien en principe,car il reconnaissait seulement l'existence des.Eglises non unies de Sibiiu, de Brarv et deFag5ras (Fogaras), sans rien decider sur le-point, capital, de la fondation d'un nouveteveché orthodoxe.

Ce qui signifiait que les masses populaires,profondément mécontentes et agitOes sanscesse par les Serbes, allaient continuer cestroubles qui exaspéraient l'officiatité autri-chienne et terrorisaient dans leurs châteauxles nobles hongrois, propriétaires de ces serfs.Ce fut en vain que la Cour déclara nette-*inent, en 1756, que les Serbes n'ont rien avoir en Transylvanie, leurs privileges netouchant pas cette province ; le MétropoliteNenadovitsch ne se donna pas pour battu;il persista dans sa lutte opiniatre, qui ne ré-ussit qu'a délivrer ces vieux croyants" rou-mains- d'un joug sans les soumettre cepen-dant a. int autre,. Au commencement de laguerre de Sept ans, oft rien n'était plus re-douté clue de nouveaux troubles populaires,

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il rnenaga hardiment d'une emigration gene-,rale en Russie.

De nouveau, d'apres le conseil du pretreJean maintenant Ivan Abramovitsch, re-venu dans sa patrie, l'eveque serbe fut de-mandé formellernent, par écrit, en 1758, 5.l'Impératrice 8lisabeth, patronne de l'ortho-doxie; cette fols cependant on ne plaiddt plusseulement en faveur de Phierarchie serbe:le nouveau chef religieux devait etre nomm6par la Tzarine elle-merne et dépendre aussidu synode russe. Comme temoignage de leurreconnaissance, les pétitionnaires s'offraient afournir a la Russie un regiment de hussardsde leur race 1 Cette petition fut saisie parles Serbes et present& a la Cour de Vienne,et, bien que celle-ci filt decide3,, it maintenirune certaine tolerance et meme a accorderaux Roumains non-unis un éveque autonomela révolte des paysans se ralluma, en 1759,avec une violence extraordinaire, sous la con-duite d'un chef audacieux, le pretre Sophro-nius, du village de Cioara, qui arriva a etreun veritable prince revolutionnaire de sanation.

II fallut bien procéder, des 1761, en mémetemps que les troupes intervenaient enfin &ler-giquement pour rétablir l'ordre, a l'installation

I Silviuminaire

Dragomir, dans l'Annuaire" du Se-de Sibiiu et dans la Revista Teologidi, DI.

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de CO éveque depuis longtemps promis. Cefut le Serbe Denis Novakovitsch, ui vaitadministré jusqu'alors ce bizarre diocese serbede Hongrie qui réunissait leg Ratzsa de Budeet les colonistes des champs de Maks".Mais, comme des mesures avaient éte rrisescontre Sophronius, trop dangereux pour jouirde la grace qu'on lui avait accordée au corn-rnencement, l'irritation des paysaus continua.bes lettres mystérieuses venues de la part deeet apôtre, qui s'était refugle en Valachie,l'entretenaient, le transformant meme dans unevraie révolte sociale, puisqu'il était questionde détruire le servage maudit 1 Des relationssecretes-se poursuivaient entre les paysans etces exiles qui s'étaient établis dans le paysroumain voisin, sans rompre les anciennesattaches avec la Russie de quelques-uns par-mis eux.

En 1768 un appel révolutionnaire était dis-tribué par les villes et les villages de Tran-sylvanie, au nom de l'orthodoxie persécutée ;l'histoire y était presentee avecune passion vengeresse, et 4a figure meme durnartyre Klein n'était'pas épargnee, comme é-tant, tout de merne, pour l'agitateur, insepa-

1 Notre ouvrage Sate fi preoti In Ardeal, passimCf. notre Histoire des Roumains de Transyl-vanie et de Hongrie",H.

de l'Uniou

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sable de cette Union profane, qu'otl abhorrait.On affirmait hautement les anciennes rela-tions hiérarchiques avec les Principautés, eton n'oubliait pas non plus le chapitre decombats du bon prophete Sophronius. Mais,-en ce qui concerne l'avenir, il ne peut y a-voir qu'un unique espoir. Deja dans la Po-logne, oft les orthodoxes s'efforcent de se-couer le joug catholique, brillent les sabres"ibérateurs des Russes. Le 'reps" sera con-sume lit-bas, et plus tard les memes vien-ront prendre leur collation du soir" dans,cette Transylvanie opprimée 1

Et cette piece était jugée comme digned'être conservée par un pretre roumain duBanat, Michel Popovici, qui vint a son touradmirer les splendeurs de la Stolitza", avecses parades militaires, sa Cour imposante,ses statues et ses musées, choses absolu-ment nouvelles pour ce visiteur, qui s'em-pressa de les mettre par écrit 2.

II faut attribuer sans doute a ce grandznouvement religieux sincere l'interventionrusse en Pologne sous la nouvelle 1mi:46ra--trice Catherine II. Et, si, provoquant uneonflit avec la Turquie, que- le parti de la

I Noy. notre brochure aur le voyage du pretreMichel Popovici ; tirage a part du journal nTri-buna" d'Arad,

2 Ibid.

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guerre a Constantinople omit ete le sealdesirer, ii eut des consequences extremementimportantes pour les Principautés elles-memesii faut l'attribuer- a ces moines refugiés deTransylvanie, Li ces exileS aigris par la per-secution. Un certain Damascene etait hégou-mene d'Arges lorsque la guerre éclata, et oThle vit Li la tete des troupes russes qui en-trerent A Bucarest a Vieros, pres de Pitesti,le supérieur était Soplaronius lui-même. Pourla seconde fois ce fut donc par les souffran-ces, ía revolte et les esperances de la Tran-sylvanie que la Russie ornbattante entrait errrelations avec- les pays roil/twins du Danube.

Personne dans les Principautes memes n'a-vait demandé l'appui de la Tzarine. Les prin-ces phanariotes du moment étaient parmi les=Wears, et ils étaient animés des idées dela philosophie" philanthropique et réforma-trice de l'Occident. Les deux Callimachi,..Jean et son fits, Gregoire, Moldaves d'ori-gine, furent des maitres modestes et doux ;leur contemporain Gregoire Alexandre Ghicaavait des visees supérieures en ce qui con-.cerne l'administration. Si, des le commencement de la, guerre, ii y cut néanmoinsparti russe° a Jassy et A Bucarest, la Russieelle-merne l'avait créé, prévoyant tine guerrefatale.

II faut tenir compte du fait que ce majorNazaire Karazine qui devait occuper Bucatest

à-

un.

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sans combat avait paru en Valachie quelques;>'mois auparavant et qu'il avait visite l'hégou-mene d'Arge§, aupres duquel ii resta, feignantd'être malade, pendant longtemps ; l'hégou-mene fut, d'apres le propre témoignage de laChronique des Cantacuzene, celui qui lui recommanda de ne sladresser a nul autre qu'auxchefs de la famille A ce moment, PArvu, Grand--Ban, et Michel, Trésorier. Le prince Ale-xandre Ghica, le jeune petit-fils de Gregoire ILfit venir a Bucarest cet émissaire, dont il avaitdécouyert les menées, et le sauVa de la poursuite des Turcs. Ce fut a ce dernier momentavant de partir, que le major eut tine entrevueavec PArvu, qu'il réussit A-gagner et auquetit confia des manifestes imprimés, qui devaienteetre distribués aux Serbes et aux Bulgares.Ceci arriva au commencement du printempsde l'année 1768.

La guerre éclata blentôt, et Gregoire GhicasIII vint remplacer son jeune et inexperient ne-velt. 11 conlia la charge de chef de la miliceParvu Cantacuzene, ce qui donnait a ce dernierle moyen d'être encore plus utile aux Russes.,Travesti en moine, Karazine &all de nouveau.revenu A Argeq, et il alla avec l'hegoumeneporter A Parvu une lettre de l'Impératrice, datee'du 19 janvier a. st. 1769.

Le borar valaque y était présenté commecelui qui aurait desire sauver sa patrie etcelle de tous les voisins chrétiens de la mau-

it

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{lite sujetion turque". L'idée slave" avaitdéjà gagné de l'influence sur les cercles of-ficiels on avait déjà ekroumain des viesde Pierre-le-Grand et meme des chroniques-russes, non slavones'alet l'Impératrice par-lait dpnc d'une nation stavone" dont la di-tivrance se prépare_ par la guerre qui vientd'eclater. PArvu devait conduire dans leursefforts tous ces orthodoxes, ces Slavons quise trouvent sous la domination de la Turquie",gagnant ainsi la reconnaissance de ceux quilui devront leur salut. Lui envoyant une croixd'or, Catherine fill promettait. si l'entreprisen'aboutissait pas, un asile assure dans ses Etats.Le manifeste qui était attaché A cette missiveconcernait, comme nations slavones ortho-doxes vivant sous ia domination turque", leshabitants de la Cara-Valachie, de la Valachieproprement dite, de la Bulgarie, de la Bosnie,de l'Hérzégovine, de la Macedoine, de l'Alba-nie et d'autres provinces turques". Selon lalhéorie officielle, toutes ces nations seraient,,venues de Russie,dont leur nom meme deSlavons". En cette qualité nouvelle, aussibien qu'en celle d'orthodoxes, on leur deman-dait, non seulement de preparer des provi-sions, mais d'organiser une insurrection gene-late 1. PArvu répondit, au mois de mai, ren-

" Vq. Revista Istor(cd, I, pp. 12-20.1,,) Genealogia Cantacuzinilor, p.156 et suiy.

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seignant, en meme temps, le feld-marechalAlexandre Galitzine, sur l'état des Tures et lesmoyens qu'on pourrait employer pour accom-plk l'ceuvre de délivrance et insistant sur lesexces inouTs commis par des soldats ottomansau milieu des Roumains; plus tard if réunitA ses instantes prieres de secours l'intervention par écrit des éveques de la Valachie, quiavaient déja écrit, -en janvier, au prince Rep-nine a Varsovie. II indiquait comme une ceuvre nécessaire la conquete de Beaila. II fautsignaler que les chefs de Itglise valaque par-laient aussi des espérances formées par les-Bulgares, les Serbes, les nations d'Albanie, deMacedoine, de Thrace et de Grece" et fai-saient etrevoir une prospérité inouie pour leurpatrie délivrée, digne de devenk alors l'objetd'admiration de l'Europe 1.

En Moklavie, le Métropolite était le seulentretenir des relations avec le commandant-des armées russes Alexandre Galittine, quile remerciait, le 21 juillet, pour les souhaitsdont il avait accompagné son arrivee sousles murs de Hotin. Une simple lettre, dureste, destinée a I'assurer de ses sym-pathies personnelles et de la recompensequi attendra son dévouement, sans envoyeraucune proclamation et recommander aucun

Gene-logia Cantacuzinilor, p. 437 et ea .;spécialement p. 441.

'

A

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mouvement. Sil y eut des volontaires molda-yes, comme le capitaine Elie de Läpuqna etla plupart des Arnautes de la garde du princeGregoire Callimachi, tul ne s'etait preoccupede mettre en branle le mécotatentement deshabitants contre les extorsions incessantes deleurs metres tures.

Callimachi, dont la fidélité paraissalt dou--tense et qui, en tout cas, n'avait pas répondupar ses services a l'attente de ces derniers,perdit le trône et dans quelques semaines satete -etait exposée a Constantinople comme-celle d'un trallre et d'un transgresseur desordres du Sultan. Des le mois de juillet levieux Constantin Maurocordato, presque a-Neugle, avait été nomme prince de Moldavie,mais ii ne passe que quelques semainesJassy. La retraite des Turcs ramena a Galatz,oit ii devait recevoir dans un combat cetteblessure a la tete, a laquelle ii succomba danssa Capitale meme comme prisonnier.

A la suite d'une patrouille de Cosaques'command& par Jean Sächdate, un Roumain deTransylvanie 1, les Russes des généraux Elmptet Prozorovski entrerent a Jassy en septem-bre, regus par le Métropolite a une grande;distance de la ville dont il apportait les clefs.iI avait meme implore leur approche, car lestroupes se tenalent encore a Botopni, pour

1 Arhiva romtineascd, I, p. 132.

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empecher les ravages des trainards turcs ettatars. Ce prélat, Gabriel, était le propre oncle4du prince Callimachi et ses agissements aussi.avaient pu compromettre ce dernier ; ancienéveque de Salonique, il avait vecu dans unmilieu oft rien n'était au-dessus des inté-sets de la foi orthodoxe. Les troupes defile-rent par les rues de Jassy, le sabre au clair,accompagnant les représentants du pays, quiallerent aussitôt preter A la Métropolie le ser-ment A l'Impératrice et A son heritier, dontl'armée venait défendre et soutenir la foichretienne qui soupire sous le joug des ma-hométans". Pour montrer qu'il ne s'agissaitpas d'un passage, mais bien d'une prise enpossession, les districts durent envoyer desactes en regle, contenant ce même sermentprété par chaque vile et village. Une statis-tique generale fut ordonnée, le dere en tete.Des prix fixes furent établis pour les den-rées. La garnison de la Capitale, car les deuxgénéraux revinrent dans leurs quartiers,fut confiée-d'abord A un polcovnie du nom

, de Horvat le nom paratt indiquer un Rou-main ou un Slave de Hongrie, puis auvieux general de Stoffeln, qui succomba, auprintemps, a la peste. Le commandement setrouvait A Miroslava, sur une des collinesenvironnantes. L'administration civile étaitcomposee, en 1770, du Metropolite, du Vornic

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Jean Sturza et d'un des fils de Jean Neculce,Alexandre.

Pour la nouvelle organisation de la Prin -cipauté une commision, compose2 du chef del'Eglise moldave et de deux boiars de pre-miere classe, devait se presenter devant l'im-pératrice elle-meme, qui s'était reserve ladecision. De fait on envoya a Pétersbourbl'eveque de Hu§i seulement, Innocent, accom-pagné des supérieurs de Solca, le chroniqueuret compilateur Barthelemy Mazareanu, et deMoldovita, Benoit ; les boiars avaient cho'siJean (lanakaki) Milo (Millot), Fran ais d'ori-gine, et Jean Paladi, boiar qui avait fait desetudes et qui avait des livres latins classiquesdans sa bibliotheque. Lupu Bals, dont on avaitvoulu vénérer le grand Age, s'excusa II causede la longueur du chemin 1 Leurs lettres decréance étaient adressées comme a la nouvelleSouveraine du pays, &Eyre de la servitudedes barbares impies" 2

A ce moment les troupes russes se trou-vaient déjà a Bucarest. On avait commenced'abord par la formation de détachements devolontaires. Puis des émissaires furent envoyésa Focsani pour avertir les commandants rus-ses que les Tures se préparent a les atta-quer par surprise. Aussittit un corps d'expé-

t Arhiva romdtzeascd, I, pp. 146, 152.2 Ibid., pp. 152-157.

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ditions fut improvise: il contenait settlement700 volontaires roumains et albanais, sou-tenus par vingt-quatre Cosaques : le com-mandant fut Elie le Moldave, aux côtes du-quel chevauchait l'hégoumene d'Arge, cettefois encore principal organisateur du corn-plot ; au lieu de drapeaux il y avait deuxdraps Wanes lies A des perches. PArvu Can-tacuzene les accueillit aux sons de toutes lescloches, avec 200 Arnautes de la garde va-laque ; la population de la vine, dressee dansce sens par le ineme, se jeta sur les Turespresents dans la ville, dont le nombre se se-rait elevé a 5.000 hommes, mais qui n'at-endaient guere cette surprise de la part de

leurs fideles sujets. 300 soldats resisterentseuls devant le palais du prince pendanttoute la nuit ; on en trouva soixante sur laplace. La residence princiere fut visitée parles envahisseurs et par la foule avide debutinl ; quant au prince, qui n'avait rien faitpour empecher ce coup de theatre, on le de-couvrit", d'apres sa propre demande, dans lemagazin d'un marchand, au khan de Serban-VodN. Apres quelques jours il fut envoyé auquartier du comte Roumientzov, commandant-supreme; son jeune fils, son frere Mathieu,Alexandre, le fils du prince Jean Maurocor-

1 Voy. les excuses de Piirvn enverspp. 445-447.

lloumien-taov, Oenealogia Cantacuzinilor,

11

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clato il allait etre Voévode lui aussi etfinir ses jours en Russie, le Postelnic Ven-tura et les deux médecins de la Cour, desGrecs, formaient la sitite du prisonnier. Lesbolars se hdterent de prendre, pour ne pasetre compromis dans l'aventure, le cheminqui menait en Transylvanie, chez les Impé-riaux.

La conduite des affaires restait exclusi-vement entre les mains de Paine des Can-tacuzene, qui fut réduit a employer saute-ment des boIars de seconde et de troisiemeclasse. Damascene et Sophronius ne quitterentpas non plus Bucarest, oil était venu s'éta-blir aussi l'eveque de Buzau. L'eveque deRdmnic, Gregoire, qui avait accompagné jadisde sa recommandation les exiles transylvainsqui se rendaient en Russie, faisait partie ausside ce petit grolipe qui avait le courage desoutenir ouvertement la politique de l'ortho-doxie.

Quant au Métropolite, qui portait le memenom de Gregoire, il fut mis, le 11 no-vembre, a la tete de la deputation valaque quidevait presenter a Pétersbourg les v091.1X dela nation; il était assiste de deux prélats,l'un Roumain, l'autre Grec, qui devaient etretour A tour éveques de Râmnic, Césaire etPhilarete; les bolars étaient représentés par le,descendant du prince Constantin Branco-veanu, Nicolas, seigneur tres riche et d'une

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grande influence, et par Michel Cantacuzene,lrere et, des le_ debut, complice de PArvu

Les deux delegations arrhrerent apres.avoir visite le general Rournientzov dansla Capitale russe au mois de mars 1770

Imais Jean Paladi &all mort en chemin 2). Aujour fixé pour leur audience solennelle, le di-manche des Rameaux (28 mars), ils furentinenes au Palais dans quatre voitures de gala,fattelées de six chevaux et garnies de laquais.en grand uniforme. Le vice-chancelier, comtcPanine, originaire des Pagnini de Lucques,les recut et les fit conduire par le maréchal.de la Cour a l'église, oi l'Impératrice elle-meme assistait au service divin. Suiv t Ia ré-.ception dans la salle du trône, Catherine-attendant debout ses nouveaux fideles rou-

D'un cote étaient ranges les ministres.et les hauts dignitaires, de l'autre les dame&-d'honneur, S'étant places séparément, d'aprtsJeur pays d'origine, les délégués s'inclinerentprofondément devant la Souveraine de leur

gt l'eveque de Husi, un beau parleur,qui avait discute avec le pretre du Banat,soutenant la these contraire a l'hierarchie

Genealogia Cantacuzinilor, p. 170 et suiv.; Nea-Jnul Românesc liferdr, 1911, p. 146 et suiy.

2 L'itinóraire des Moldaves, dans l'Arhfinz ro-miineascei, I, p. 250 et suiv. Dimitrapo CanteinirgLesJestoya it Kiev (p. 253).

mains.

-choix,

t.

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serbe, présenta les hominages de la Moldavie;le Métropolite valaque suivit avec sa harangue:au nom du second pays roumain 1.

De fait, les envoyés étalentsharges de faireconnattre toutes les souffrances, les crainte&et les espérances de cette nation souventéprouv6e par le malheur. 11 était question dudanger qui menacait A cause des forteresses.retenues encore par les Tures, Bender etBräila, du droit qu'avait la Moldavie a seréannexer le territoire usurpe par les Tures,.des impôts qui pesaient sur les marchands,des abus et des exces this A certains soldatsde passage en Moldavie, qui prennent sans.aucune forme tout ce qu'ils rencontrent enchemin, bétail et autres choses", plus qu'il neleur serait nécessaire, des volontaires et des-Cosaques qui font que les pauvres doiventquitter leurs chaumi&es pour s'abriter dans.les forks; le Métropolite aurait désir rega-gner les reliques, emportées de Pologne parson prédécesseur Dosithée, de Saint )ean leNouveau. Les veuves des boTars demandaient

cette femme qui détenait le pouvoir supreme d'être exemptées de toute servitude-envers l'armée libératrice et de pouvoirdresser directement, dans leurs besoins auSiege imperial 2.

Ibid., I, p. 197 et suiv.2 Ibid., p. 158 et suiv.

s'a-

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La mission moldave présenta done, en detors du vmu principal, que leur pays soitcompris dans le nombre des autres esclaveset sujets de Sa Majesté" 1, tout un programmepolitique et social pour l'avenir de cettepatrie, a laquelle Catherine II avait daignéfaire des promesses solennelles, par seslettres du 16 décembre a. st., imprimées,ensuite et publiées, en janvier, dans tonsles districts. II devait y avoir seulernentun comae administratif aristocratique", corn-rosé de douze boYars, dont six auraient

s'occuper des finances ; les fonctions degouverneurs, de juges, de pereepteurs d'im-pots seraient réservées a cette meme classe;les rejetons de la noblesse auraient le droit{le se former dans des situations a la Cour;l'election devrait donner des fonctionnairespour un an ou pour trois ans; de nouvellesAois, seraient redigées, en tenant compte des.institutions impériales de Byzance..et des con-times non ecrites du pays ; certains des droits,des anciens princes : investiture des bolars, per-,ception des clroits régaliens, commandmentde l'armée, qui sera désormais composée deRusses, passeront au général imperial quiaura sa residence a Jassy et qui servira d'in-termediaire avec la Cour 1 On rappelait qu'etv

1

:2P. 198.Ibid., pp. 202-205.

-a

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J66

dehors de quantités enormes de provisionscette pauvre Moldavip visitée par les, Tureset les Tatars avait clejà donne 4.500 soldatset on ajoutait pourrait bien en fournir12.000 autres et payer de son Trésor 8.000rsoldats russesl.

Quant aux Valaques, ils débutaient par l&demande formelle de l'annexion, sans y ad-joindre au moil's des conditions d'autonomie.que notre pays soit réuni aux provinces.dominees par le- tres-puissant Empire deRussie et qu'on ne le laisse pas, a la con-clusion de la paix, retomber clans la sujetionityrannique des Agarenes". II y aura tout sim-plement, a la place de l'anarchie, due aux em-pietements desTutcs, les lois et les etablis-sements de la Russie, sans y rien changer".Le systeme des finances et des douanes seracelui de la Russie, -tout en conservant pourquelque temps l'ancienne dime des produitsles convents garderont leurs proprietts, mais.le pays tera soumis sous le rapport religieux

l'autorité du Saint Synode. On se contente,.en échange, en ce qui concerne les bolars.eux-memes, du privilege d'être officiers, dans"'armee de 20.000 hommes qu'ils s'offrentlever,- de fournir Ia moitie du nombre des.juges, d'etre alleges du poids ecrasant de lensdettes envers des créanciers pour la phipart

I Ibid., pp. 209, 210.

qu'elle

A

k

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&rangers, de conserver leurs privileges et dejouir de la grAce impériale", de garder leursesclaves tziganes, de pouvoir voyager libre-ment en Russte_et, pour le pays, d'avoir desAcademies de sciences, d'arts et de langues"..Comme Petrvu Cantacuzene venait de tomberdans un combat livré aux Tures pres duconvent de Comana, on proposait un comitéde gouvernement compose de douze membres,dont quatre auraient la direction supreme,sous le contrôle du general commandant encheP. On ajoutait des dénonciations passion-nees contre les perfides" qui ne doiventpas etre admis au service imperial, contreles hégoumenes d'Arge et de Viero, qui negardent pas leur dignité de membres du clergeet s'abaissent A des faits absolument incon-venants, rassemblant des volontaires, accrois-sant leurs bandes et s'en servant pour leursintérets particuliers, se vengeant avec achar-nement contre leurs ennemis, commentant desinjustices dignes des brigands et pliant, auplus grand déshonneur et A la plus grandehonte de leur mission comme moines" 2. Lesémissaires s'efforcerent plus tard de compro-mettre la personne, dangereuse pour lenrs es-pérances ambitieuses, de celui qui avait étéleur prince 3. Ils auraient -desire pour se

' Ibid., p. 210 et suiv.2 Genealogia Cantacuzinilor, p. 459.3 P. 465 et suiv.

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recommander a leurs compatriotes qu'onconfrmSt par une proclamation de l'Impéra-trice le succes de le6r mission 1.

Catherine 11 fit répondre dans ces pro -pres termes :, S. M. l'Impératrice accepte avecsa bienveillance spéciale de Monarque enversla population moldave et valaque, leur soumis-sion et leur serment de fidélité et gracieusementpromet A tous les habitants en general et a.chacun en particulier, comme a des chrétiensA'une merne foi religieuse, de conserver les deuxPrincipautés, la Moldavie et la Valachie, sous-tons les rapports, selon leurs anciens Otablis-sements. La tres-gracieuse Souveraine desirese convaincre que, de leur cOté, ils se ren-dront dignes toujours, conformément a leur(levoir, de la protection et de la defense deson sceptre, montrant tm zele fidele, en rem-plissant leur serment et en accroissant selonleur moyens restreints les forces de ses ar-mes contre celui qui a violé la paix et estl'ennemi de son Empire et de tous les chré-liens 2."

Suivit le baise-main de la part des mem-bres de ces deux delegations. Puis, par lemoyen du drogman Krouta, qui avait établiles premiers rapports avec le Métropolitemoldave, l'Imperatrice parla A Michel Canta-

1

2Ibid., pp. 479-481.Genealogia Cantacizzlnilor, pp. 183-184.

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cuzene, le consolant de la mort de son-frere, dont les merites pour la cause chit-tienne seront recompenses, dans la personnedu survivant. Les délégués parurent aussidevant le GrandDuc héritier, Age de treileans, qui répéta une formule d'assurances Ilet r égard.

Les visites aux ministres occuperent le joursuivant ; on visita les deux Tschernichev,Orlov, Bezemski, le Hetman Razoumovski,Panine, le feld-maréchal Galitzine 1 Les mem-bres du clergé prirent part le 4 avril au ser-vice divin dans le monastere de St. AlexandreNewski pour assister ensuite, le_ lundi desPaques, I la messe dans l'église meme de laCour. kis s'émerveillerent, le 11 en, entendantle bruit du canon qui armoncait l'ouverturede la navigation sur la Neva. Le 15, le pretremontra a scs collegues les appartements duPalais : les joyaux de la couronne, la grandesalle qui avait les murs et les portes recouvertsde miroirs et les poeles dorés, et une autre.salle oft on voit le portrait de l'EmpereurPierre et toute la bataille de Pultava et lescombats contre les Suedois et plusieurs autresévénements qui se sont passes sur le con-tinent, et de meme les bataiiles sur mer, avecla flotte des vaisseaux; tout cela se trouve-sur les murs, mais en tissus, et non en pein-

1 Ibid., pp. 183-184.

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ture, travaille avec un grand art indicibleaUn autre jour, ii y eut visite des jardins im-périaux et de l'orangerie, oa on admira les.oiseaux rares et les animaux, ainsi que l'hor-loge au mécanisme ingénieux et la tablequi sert d'elle-même, puis aussi visite de laresidence d'été, de la Kunstkammera avec lastatue de Pierre-le-Grand et la bibliothe-que impériale, de la maison simple du grandEmpereur, du monastere Nati par Elisabeth,.sa fille, du palais de Peterhof.

Les clercs roumains officierent aussi dansl'église de Kazan, le jour de la naissance del'Impératrice ; a la reception qui suivit assis-tait aussi le prince de Valachie prisonnier,qui était traité avec les plus grands égards,.Mat loge dans un hotel propre et entretenuaux frais de la Cour 1, et dont le fils avaitite reçu dans le corps des cadets : ii devaitetre envoyé ensuite, comme conseiller indigene,.sous les dehors de médiateur, A Farm& deRoumientzov. Les Mites roumains assisterent-A la benediction de la Neva, au lancementd'un nouveau vaisseau de guerre, muni desoixante-six canons, A l'action de graces pourla victoire de la flotte russe en Morée. Ghiaet l'eveque de Hu§i, ainsi que hes hegou-menes, furent ipvités aussi au banquet donna-par Catherine le jour du nom de son fils,

Noe Actes et fragments, IT, pp. 25-26.1

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la fin de juin. II y eut une audition musicale, of, on chanta en français et en italien ,des jeunes fines, et surtout, écrit le pieuxmoine de So lca, une jeune fille qui avaitune voix si admirable qu'on ne pourraitpas en faire suffisamment l'eloge." L'été dePétersbourg. avec ses longs jours qu'inter-rompt A peine -tine nuit lumineuse, furentaussi un sujet d'admiration pour ces &ran-gers : du 15 mai jusqu'au 8 juillet", ajoute lememe, le ciel &ant tres serein et tres pur,on n'observa plus d'étoiles au ciel car, il n'yavait meme plus de nuit".

Ce ne fut que dans la seconde moitie dece mois que partirent les Roumains : d'abordreveque avec Millo, puis le prince Ohica,enfin les hégoumenes aussi, que l'Impératrice,d'apres l'intervention des pretres de la Cour,Tatichtschev et le confesseur Jean, avait corn-blés de dons pour les monasteres 1. Jusqu'aubout l'influent ministre Panine avait été leurprotecteur chaleureux, comme si lltalien a-vait découvert dans ces Valaques et Mol-daves perdus parmi les sujets slaves duSultan des lointains freres de race.

Deja avant leur retour une victoire aVaitete gagnée contre les Turcs et les Tatars le

, Arhiva romdneasal, I, pp. 250-262. Cf. suedp. 232 et suiv.

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1-er aollt n. st. A Carta!, pits de la place meme,ofi Pierre-le-Grand avait subi sa Mahe 1, maisles troupes commandées par le boYar Em-manuel Giani, dont on venzit de faire unprince de Valachie, menacaient Bucarest elle-Wine. Les chefs du parti russe, un Bal,un Vatatzes, l'eveque de Buzki, s'étaient re-tires A Jassy avec les troupes du generalZamétine, appele par Roumientzov pour pren-Are part A la bataille decisive; un troisierneCantacuzene, Raducanu, combattit, A la tetedes volontaires valaques, dans cette bataille. Levieux bcifar Panä Filipescu avait cherche unrefuge dans les montagnes; il se réunit A soncollegue Nicolas Dudescu pour venir aussiaupres des Russes en Moldavie. Giani futinvite par les adversaires politiques eux-mernes A prendre possession de la Capitalepour empecher les exces de la soldatesqueottomane 2.

Mais dans quelques semaines les Russesdu general Goudovitsch chasserent A Craiova-ce vassal du Sultan. Le gouvernement desdouze botars, ayant, le 13/25 novernbre, A sa

.tete Michel Cantacuzene, commença aussitestA fonctionner. De son cOte, RAclucanu Can-

-tacuzene rassembla tout un regiment de bus-sards volontaires, des deux provinces, aux-twels il rêunit meme des Roumains de Tran-

1 Cf. ibid., p. 225 et suiv.2 Genealovia Caniacurinilor, p. 184 et suiv.

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sylvanie, et mit a la disposition de Rou-mientzov ces troupes, qui se distinguerentpar un bravoure extraordinaire, sauvant sousSilistrie, en 1773, a un moment de supremedanger, une aile de l'armée russe cernée parl'ennerni et reprenant, en outre, toute ?arta-lerie perdue'. Bientet, Patiomkine conquit aussiles cinq districts de l'Olténie, établissant dansCraiova une administration de quatre bolars:un Geanoglu, un PrAscoveanu, vieux bdiarprétendant au trOne plus tard, qui regut alors letitre de Grand-Ban, un Argetoianu et un Jianu 2

Mais on savait déjà pendant l'été de cettememe année, 1770, lorsque les délegués n'a-vaient pas encore quitté Pétersbourg, que legrand projet d'annexion des Principautés avaitété abandonné, a cause de la situation gene-rale européenne. Le représentant de Frederic11 le dit expressément dans son rapport du19 juin : sans crainte de me compromettre,je crois pouvoir assurer que l'Impératrice n'estnullement intentionnée de faire de la Moldavieet de la Valachie des provinces russiennes. Sielle voudrait les soustraire a la dominationturque, ce serait dans l'intention d'en fairetine espece de Puissance intermediaire. Cette

1 Ibid., pp. 187-188. II mourut d'un accident dethasse au cours de la guerre (pp. 189-190).

2 Ibid., pp. 189-190; Actes et fragrnents,11, pp.29-30,

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Trincesse a été dans l'dée que la Maisond'Autriche serait intérieurernent bien aise devoir, sans qu'il ILli en coOte la moindre peine,diminuer les forces d'un voisin qui lui a étési souvent dangereux et qu'elle ne pouvaitpas prendre ombrage de ce mediocre princequ'on lui subsistue 1" Panine assurait memeque l'intention d'annexer ces provinces n'avaitjamais exist& Celui qui devait jouer ce roleavait été déjà trouvé et peut-etre avait-il contri-bué par ses conseils a donner ce biais a la po-Moque russe: c'était Gregoire Ghica lui-meme,-qui espérait plus tard pouvoir réunir a sespossessions, qu'il aurait gouvernées commaprince a vie, les forteresses de Hotin et deBender, arrachées enfin aux Turcs, avec toutle territoire qui -en dépendait 2.

Mais l'Europe politique, l'envieuse Autricheen tete, était déja intervenue. Toute especede projets se croisaient ; on parlait meme dela cession des deux Principautés a la Po-logne pour qu'elle consente a abandonner ala Russie, a l'Autriche et a la Prusse cequi leur convenait" 3. II y aurait eu, dans cecas, un Etat unique, autonome, d'apres lesysteme de la Courlande, dependant, scu;

1 Nos Actes et fragments, II.2 Ibid., p. 65.$ Ibid., pp. 35-36.

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<les princes nationaux ou 4trangers, feuda-lakes, de la Pologne la En faire tout derneme un établissement separe, indepen-.clant, était restée la ferme intention de celui quiconduisait alors, exclusivement, la politiquerusse, le comte Panine2. On aurait prefer& aVienne, qui fit m'qme des ouvertures formel-les dans ce sens. en 1771, le prince Henri,frere du roi de Prusse 3.

De son dote, l'Impératrice Catherine cro-yait etre trop engagée pour abandonner com-pletement, ainsi que le désirerait l'Autriche,les deux pays a leurs anciens metres pa-lens. Le comte de Panin", écrit rarnbassa-.cleur prussien a Pétersbourg, rn'a declare po-sitivement que Nrnperatrice s'était fait unprincipe inébranlable d'honneur et de reli-gion qu'apres avoir eu le bonheur d'enleverces pays chrétiens au pouvoir mahométan,cle ne les jamais remettre a d'autre pouvoirqu'll celui des chrétiens, qu'elle se preteraita tout accommodement quelconque qu'on putimaginer pour disposer de ces pays, qu'ellerenongait entierement pour elle-meme, mais(lull n'y aurait que la force qui pat l'obligera les rendre aux Tures 4." Sa parole était

' Ibid., p. 30,2 Ibid., p. 3 .3 Ibid., p. 38.4 Ibid., p. 42. Cf. Ibid., pp. 41, 45, 48,

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formellement engagée, et il lui était impossible d'y manquer.

Il fallut cependant se rendre. L'Autrichemenacait d'une guerre, et il y avait des per-sonnes en Russie qui estimaient que, s'il fal-lait abandonner aux Turcs les Principautes,on devrait s'en dedommager en prenant dansun avenir plus lointain, de concert avec laPorte elle-meme, aux Habsbourg fa Tran-sylvanie et les provinces voisines", Banat,Marmoros, les anciens, comtés extérieurs" I.La Pologne paya cette fois ; Ca h rine ychercha les compensations que l'Autriche etla Prusse lui avaient proposées. Bien q e lescombats continuassent en Valachie, o 1 unprince Cantemir combattait dans les rangsdes Russes 2, l'idee d'un congres avait tédéjà acceptee (il fut question d'abord de choi-sir Jassy, puis IsmaIl et meme Bucarest, etGiurgiu comme siege des deliberations). Onallait y discuter seulement : Jamnistie pourles habitants, le libre exercice de la reli-gion grecque, les intérets des families Can-tacuzene et Ghica, enfin l'échange de Ben-der"3. Panine pensait qu'on pourrait transpor-ter en Russie la population roumaine entiere

i Ibid., p. 52.2 Ibid., p. 54.3 Ibid., p. 57.

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pour ne pas l'exposer a la vengeance desTures 1.

Le 7 aoilt les seances du congres s'ouvri-rent a Focsani. On imagine bien les inquietude&des boIars sur l'avenir de leur patrie, gull&croyaient déjà gagnée a la chretienté parl'annexion a la Russie. Jusqu'ici ils n'avaientpas osé rever de cette indépendance, qu'il&ne croyaient pas possible et qui ne leur avaitété presentee devant les yeux par aucune cre-ation nationale nouvelle et par aucune résur-reclon des formes nationales annexées parla conquête turque. Maintenant ii fallait biense g rantir contre les repressions de l'avenirpar toute une série de clauses introduitesdans le traité meme qui devait restituer leurspays aux Turcs ou dans le privilege specialdont le Sultan aurait été contrait d'accom-pagner cette paix elle-meme.

S'étant entendu awe les commandants rus-ses, ces bolars nommerent leurs déléguéspour fourn!r aux plénipotentiaires de l'Impé-trice et aux diplomates médiateurs l'informa-tion dont ils auraient besoin. Les Valaqueschoisirent Michel Cantacuzene et le vieuxDudescu. Leur collegue Jean VAcArescu, quiavait fait des etudes sur le développementde l'Empire turc et avait été meme admispénetrer dans les Archives de Constantinople,

I Ibid., p. 61.12

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ieur communiqua des actes formers, qu'il pré-tendait y avoir découverts, mais qui prove-naient de sa propre fabrication, par lesquelsles anciens Sultans, auraient assure-A la prin-cipauté, lors de sa soumission, ces droitsmemes qu'on désirait obtenir A ce momentmeme.

On a conserve les mémoires, rédiges le 24juillet a. st., qu'ils présenterent aux ambas-sadeurs de Russie, d'Autriche et de Prusse,mais A -alai de Russie en premiere ligne,pour leur exprimer les vceux de toute tinenation lorsqu'il s'agit d'assurer son sort,futur", par une paix qui sera, sans douteglorieuse, A la suite de toutes ces victoiresqui ant ete-gagnées sous mos yeux". ,,Dieuveut que nos sauffrances fassent jaillir unesource eternelle de bonheur.'" Pour empecherla vengeance des Tures, rentrés dans les Prin-cipautés, contre tux-themes, contre leurs fa-milies et \contre le pays, les trois éveques,rarchimaddrite Césaire et les chefs du partirusse, les fideles auxiliaires de la nouvelleadministration impériale, parlaient aux Au-trichiens des anciennes relations avec la Tran,sylvanie et la Hongrie, de l'ancienne protec-tion accord& par la Maison d'Autriche, meme,des bienfaits" prodigies A la Pologne endiscorde, du desir qu'on nourrissait de faireentendre A Vienne des doleances !till-mes, et aux Prussiens du grand role Tills

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I'M

a) ouvaient jouer au service d'une cause si juste.les demandes de la Valachle étaient précisées{tans le mémoire du 6 aofit a. st. confié, a.Tocsani même, le 30, au comte Orlov : onaurait voulu un prince c)e meme religion",mqu'il ffit done Roumain et specialement Va-laque, ou non et la protection de la Russieelle-menk de l'Autriche et de la Prusse, tout-en payant a la Porte le tribut, mais, bien.entendu, dans le montant établi par ces ca-pitulations qu'on venait de acouvrir; il auraitété livre par l'interrnédiaire des ambassa-deurs a Constantinople des Puissances pro-

-tectrices. On aurait desire aussi on le voltpar des actes complérnentaires le rétablis-sement des bonnes coutumes anciennes et lascréation d'une milice indigene 1

Des demandes pareilles doivent avoir été-Mites par les Moldaves eux-mêmes, dont lesintérets furent défendus par Gregoire Ghica,leur ancicn prince, son envoi au congresayant eu lieu en novembre 2.

On n'arriva cependant a aucun résultat, desorte que l'ancien projet de faire évacuer cespays par leur population entiere reparut3.Bientôt de nouvelles seancps furent tenues ABucarest meme, et de nouveau les bolars va-

I Genealogia Cantacuzinlor, p. 485 et suiv.; er.Literaturd si add minter, V. p. 759,-et suiv.

2 Nos Ales el fragment; II, p. 69.3 Ibid., pp. 69-70.

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MO

laques s'adresserent, le 15 janvier a. st.,_ an-plénipotentiaire russe, qui était cette fois,Alexis Obrescov, pour le supplier de ne paspermettre le sacrifice entier d'un pays quis'était compromis en soutenant xhaleureusement la -cause de la chretiente r; on avaitfait signer cette petition par le plus grandnombre de boTars et des membres du clerge..Certains des partisans de la domination chré-benne, dans n'importe quelle dependance,.risquerent meme le projet, rancien projet del'annexion a la Pologne des deux princi-pautes, réunies dans un seul Etat; commeil est question du precedent que formait laCourlande, on découvre facilement rinspiratknide cette demande 2.

Or Obrescov se borna a réclamer seulementquelques douceurs" pour les Valaques aussibien que pour les Moldaves, a savoir: ram-nistie generale, la rénonciation aux sommes.dues au Trésor ottoman, l'exemption d'im-pOts pendant deux ans et le regne, a titreviager, en Moldavie, de Gregoire Ghica 3.Cette fois encore on n'arriva pas a s'entendre.

Le 30 mars 1774, les Valaques reviennenta la charge, rappelant leurs services, leur dé-vouement, leurs sacrifices de tout genre, leur

1 Geneafogia Cantacuzinitor, P. 608 et suiv.2 Ibid., pp. 512 et gay., 532-535.8 Acte V fragmente, II, pp. 71-72.

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fdtoit nature! A une j,vie autonome". L'ulti-matum d'Obrescov a coupe court cependant-aux espérances de bonheur" par la restitution Ala Porte qu'il conlenait. II ne restait qu'A pleurersur des illus;ors qui avaient disparu". La re-prise des hostilités raviva cependant ran-cienne confiancc dans les manifestes de l'Im-pératrice et dans sa propre declaration oratefaite devant les delégués a Petersbourg. On.en revint, deVant la perspective de perdrepeut-etre l'autonomie et la foi chrétienne elle-ineme, a la demande d'etre plutôt incorporéSA l'Empire. Aucune convention ou traiténe pourrait contraindre le tyran A observerles -engagements qu'il aura pris, car leurviolation est pour lui légitime et commein jvrai article de loi " Les boTars signatairestiennent a laisser au moins A leurs descen-clants la gloire d'avoir sauve les colonistesdes Romains" l'idée qui &wait dominerravenir était donc entrée dans les consci-encesvrais adorateurs de Notre Seigneur"1.Panine, l'ancien ami, était implore de sou-tenir ces vceux ardents, et on s'adressait aussiA Reumientzov, conquerant de l'ancienneDacie et digne par consequent du surnomglorieux de dacique" 2.

Une nouvelle lettre, adressée par les Va-

Gene logia Cantacuzinilor, p. 515 et suiv.2 Ibid., pp. 512-513.1

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laques au meme commandant supreme, reqtgrait, au mois de mai suivant, la permission d'envoyer A Pétersbourg -deux au trois .nouveaux delegues pour proposer et sou-tenir notre seul vceu, qui est celui de Ixconfirmation de notre liberté sous le sagegouvernement et la puissante protection de,Sa Majestel'Impératricel". L'eveque de BuzW,lui-meme et l'archimandrite Dosithée Phi fits,.Albanais d'origine allerent porter cette missive ; tot en reiterant ses assurances d'ap-

Roumientzov declaraa n'etre pas opposeau voyage de ces envoyes. Apres le departde Césaire, devenu eveque de Rámnic, pourle camp russe, Michel Cantacuzene aussf futdélegué aupres de Rouinientzov pour demander en premiere ligne l'annexion A la Russie,,en seconde ligne l'aut nomie garantie par les.trois Puissances 2 Michel Cantacuzene futmuni des lettres nécessaires au mois de juin3..II devait presenter les memes vceux a l'Im-peratrice.

Dans quelques sernaines, -de nouvelles victoires remportées par le feldmaréchal con-.traignaient cependant les Tures` A demandereux-memes la paix qu'ils avaient jusqu'iciretardée par leurs faux-fuyants, dans l'espoir

! Ibid., p. 518 et suiv.9 Ibid., pp. 101-102.3 Ibid., pp. 523-524, 529 et suiv.

pui,

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d'une revanche. AussItôt le Métropolite Gre-goire s'empressa de féliciter le vainqueur et derenouveler ses instances pour que ses fidelesne soient pas abandonnés aux palens; Far-chimandrite Philarete fut chargé de ces nou-Velles lettres 1

Mais des le 28 juillet le commandant su-preme annoncait, de Braila, aux clu.fs desdeux pays la conclusion d'une paix fond6e,en ce qui concerne les Roumains, sur les pri-vileg s memes qu'ils avaient invoqués. Outrel'amnistie, générale et entiere, et la permis-sion de quitter le pays, la plus large tole-rance en fait de religion et le re pect pourla personne des membres du clergé, on a-vait prévu la restitution des propriétés ust r-pees dans le rayon des fortertsses turquesqui allaient etre restituées, l'exemptio i de.charges dont il a été question plus haut, Itdroit d'entretenir a Constantinople des repre-sentants protéges par le droit des gens etsurtout la protection des intérets de la na-tion roumaine par les propres représentantsde la Russie a Constantinople 2.

C'était tout ce qu'on elait arrive a gagnerpour les Roumains, considérés comme desfreres d'armes et des fideles amis, envers

1 Ibid., p. 525 et suiv.2 Arhiva romdaeascd, 1, pp. 239-243.

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lesquels on avait eté empeche de payer ladette entiere. Aussitót les Valaques demanderent que I urs privileges soient notes d'unemaniere precise dans un acte special de lapart du Sultan, leur permettant d'elire unprince A vie, un indigene, qui aura la pleindisposition du pays, pouvant meme- faire laguerre en son propre norn, comma jadis, et(

le droit absolu de justice ; ii était questioiaussi de la délivrance des captifs, de la fi-xation du tribut, cia drolt d'asile, de la 11-berte du commerce, de !Interdiction du pas-sage meme des Turcs, ere la faculté des Rou-mains de faire des etudes A l'étranger. Onvoulait rétablir l'echelle de Floci sur le Da-nube et entretenir l'ancien agent A Varsovie,,,sinon a Pétersbourg metne". Ces vceux con-tenaient aussi l'établissement d'un consulimperial a Bucarest, d'un vice-consul A Cralova,d'agents sur la ligne du Danube 1.

Ces points ne furent admis qu'en faiblemesure par le privilege tare du 4 nodvembre qui fut annexe au trait& célebre, deKeutschuk-KaInardschi. Les Roumains n'eu-rent plus rien a espérer. Et la Moldavie a-vait payé la reconnaissance de ces droits parla cession A l'Autriche, lathe et avide, quin'ayait pas reussi A avoir l'Olténie, son an-cienne possession longtemps convoitée, des

Genealogia Cantacuzilitor, p. 537 et elev.

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-districts du Nord, contenant l'ancienne Capi--tale de Suceava, la sepulture d'2tienne-le-Grand A Putna et le district des fiers pay-sans fibres de Câmpulung. Cette Buco-vine" , car tel est le nom qui lui fut donne,d'apres la foret du Nord, par l'administrationautrichienne, qui se la fit ceder formellementen 1775,-- contenait A ce moment, A l'excep-tion des villes, une population roumained'une homogénéite presque parfaite. Les pre-miers gouverneurs militaires, d'une impar--halite incontestable, parlent dans leurs rap-ports statistiques, non seulement d'une nationmoldave", mais aussi de sa langue moldave.Les anciens prisonniers amenés par les prin--ces envahisseurs des districts voisins de laPologne s'étaient completement roumanisés.Le caractere petit-russien avait été conserveseulement par les bourgeois attires, surtout..A Cernauti-Czernowitz, a l'époque oft JeanSobieski était maitre de ces districts. DesRusses avaient ele aussi colonises apres 1670,an c urs des vicissitudes de la forteresse deKamieniec-Podolski, tour A tour polonaise-et turque, puis de nouveau polonaise, sur leterra ire moldave d'en face, pres de Hotin.

Ce fut seulement apres l'annexion quel'afflux des paysans russes de la Galicie voi-sine se prononca, favorisé par le gouverne-ment lui-meme. Ils étaient attires non seule-/tient par les perspectives d'un travail mieux

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re-munéré, par celles d'obtenir des biens leurappartenant en propre, mais-bien par im regimesocial plus doux, qui n'avait jamais connu le-servage, ni même cette forme du servage par-ticuliere A la pologne, et A laquelle la derniere'reglementation, décretée tout dernièrement par-ce meme prince Gregoire Alexandre Ghica,.ne dernandait que douze journées de travail .par an, quelle que fflt, du reste, la somme detravail reel comprise dans une journée".

Pour faire voir dans un cas special le pro-ces de transformation qui arriva A. donner à.cette Bucovine une roportion quelque peusuperieure de population .rurale ruthenealors.que les villes recevaient des masses de Julfs,..d'Allemands et de Polonais, nous citerons,ces lignes, extraites d'un mémoire concernantdes domaines sis au-delA du Pruth, oü l'élé-ment roumain est aujourd'hui en pleine dis--parition, Vilavce, Bereznita, Semiatin, dans-le cercle de Vijnita-Wisnitz:

Apres l'annexion on rencontre sur ce ter -ritoire les families déjà nommées, ainsi quecelle des LeancA, des TAutni, qui donna A IaMoldavie un Grand-Logothete sous- ttienne,le-Grand et plusieurs secrétaires A la chan-cellerie princiere, celles des; FrunzA, des Ro§cardes PopAscul, des Bahrin, des Rotopan, dontun membre fut aussi Vornic de Camplungau XVII-e siecle. Ii n'y a d'étranger dans cm,.

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ades que le nom de Pofficier autrichien quiy signe: von Schmidbauer. Mais en 1782apparaissent un Bonowski, un Alexandre-Mnogodealni, qui ont cependant l'air d'être-roumanises.

Bientôt, comme dans un contrat de Pannee1785, la prononciation des noms rournainsdevient défectueuse (Vonciul pour: Onciul)._Quelques années plus lard, pretre SimeonOncipl dedaigne de porter ce nom et il adoptecelui, a desinence slave, d'Alexandrovitsch : ilest dés:gné ainsi dans l'acte de sa nomination

l'église de Vilavce, délivre par la Chan-i,cellerie du Consistoire de la Bucovine royaleet imperiale" et signé par reveque roumainDosithée. Cependant la sceur du pretre avaitépouse un Roumai,n et le gendre d'Alexan-drovitsch était un mazil", le Pitar .Théodorede Boianciuc; la femme du merne pretre etaitoriginaire du village de Cuciurul-Mit, qui estmaintenant une citadelle ruthene : elle porte-un nom absolument roumain, Mariuta Otu-lease. L'inventaire de l'avoir de ce pretre estredige en roumain par les soins de son filset successeur, qui se fait nopuner loan Popo-vitsch (fils de pretre"), persévérant donc danscette mode d'arranger les noms a la fawnslave. Les témoins, parmi lesquels le --panrir"(courrier) imperial Nicolas Zuc, le Vornic-(maire) du village, Zacharie, et loan Fratian,,sont des Roumains.

te

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On possede qt{elques actes_ concernant lejeune curé deVilavce; il a des affaires avec tutJuif, qui afferme un territoire dans la proxi-mite du village. Il s'entend pour ceder samaison avec un autre prétre, Basile, qui signe:Radovitsch en caracteres russes. Bien que lesRotopan, les FrunzA, les RApta, les Cuparenco,les TAutul, les Viad, les Bejan conservassentleurs biens heréditaires jusqu'apres 1800, bienque le nom des Onciul se conserve, id etailleurs, pendant le siecle nouveau le filsdu pretre se fait appeler ainsi, la mentionsporadique des lulls, d'un côté, nouveau con-trat de fermage avec un marchand de cettenation en 1801; il promet de fournir au cure,entre autres,de l'eau de vie et les Ruthenes,de l'autre, continue. Cependant jusque vers1830 l'aspect anted= de la vie publiquedure encore et les innovations se bornent it cesquelques personnages de provenance étran-gere qui prennent place dans les actes aupresdes anciennes families. Ce n'est done paspar la suite d'une lente infiltration que l'ele-ment roumain disparut dans ces regions: ilfut submerge, malgre son importance flume-rique, sa pureté de race et sa fierté de no-blesse, par le vrai deluge de l'invasion gali-cienne qu'avait provoquee inlentionnellementl'Autriche, pour porter dommage en mmetemps aux int& ets roumains et aux vrais in-teiets russes, contre lesquels on comptait déjà

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dresser la fatttaisie ethnographique du ruthénisme. C'est dans les archives de la provincede Galicie qu'on pourrait trouver les details--de ce changement décisif, qui n'arriva qu'a-pres 1830.

Revenant aux boTars 2ompromis envers leSultan par leur adherence A la Russie ceuxqui, en tout cas, ne pouvaient plus restersous la domination turque et leurs familiesémigrerent. Les deux fils de RAducanu Can-tacuzene, Jean et Nicolas, dont le dernieravait servi dans le regiment de hussards deson pere, resterent sous les drapeaux de l'Irn-pératrice; Jean, of ficier de grenadiers, jouameme un rOle politique, comme adherent del'Autriche, dans la nouvelle guerre contre IesTures, qui éclata vingt ans plus tard 1 Lesdeux freres étaient revenus dans leur pays en1783. Michel, frere de Raducanu, qui n'avaitplus rempli sa mission, apres la nouvelle que letraité est déjà conclu, devint ge*al-majordes armées russes et conseiller d'Etat, jouis-sant aussi de la possession d'un domaine de2.000 serfs du Ole de Mogilev. Au depart,en 1776, il était accompagné des fils de RA-ducanu, de son propre gendre, Vatatzes, deson petit-fils PArvu Cantacuzene. Sa filleLuxandra épousa plus tard un Grec de Rus-sie, Mélissino, qu'on rencontre plus tard comme

1 Genealogia Cant zeuzinilor, p. 190.

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Inajor, dans l'armée russe de Moldavie 1Vatatzes, qui avait trois -Ins et deux filles,resta aussi ?.. jusqu'au bout, au service de laTzarine. Quant au jeune Plirvu, il mourut a-dix-sept ans commepage, étant enterre aumonastere de Nevski 2.

Ghica devint, grace aussi a l'appui du roide Prusse, prince de Moldavie ; de-nonce pouravoir repris ses relations avec lzs Russes, ilfut tue en 1777 par un ermoyé du Sultandans sa Capitale de Jassy3. Son fils, élevé aPétersbourg, mourut a. Constantinople. Parmises parents, lordaki, fils du prince Scarlate,-finit en Russ:e, oft sa sceur avait épousé...le riche Albanais Pano Maruzzi, qui portaitle titre de marquis 4. Et enfin Alexandre Mau-rocordato obtint --plus tard le trône moldavepour provoquer par sa retra:te en Russiel'éclosion d'une nottvelle guerre contre lesTurcs.

I Genealog;c1 Cantacuzinilor, pp. 198-199, 201 etsdiv., 386.

2 Ibid., p. 401.8 Sur sea dernières relations avec la Russie,

Toy. Berechat, dans le Nealnul Ronzanesc literar,1911, pp. 35-36.

Genealogia Cant2cuzinilor, pp. 191-197.

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CHAPITRE VIII.

Projets de partage de la Turqu!e etnouvelle intervention russe sur le

Danube. Seconde guerre de Cathe-rine 11 contre les Tures. Alexandre

1-er et les prolets de Napo Mone.n Turquie..

Malgre fes larzscriptions fortnelles du traitéde paix, la Poite,, qui montrait le mauvaisvouloir le plus opiniãtr a tenir ses engage-ment% ainsi que, du reste, les Valaques l'a-vaient prévu, avait dkide de ne pas se laiswTavir les profits qu'elle retirait a chaque nou-velle nomination de Voevodes. N'ayant_puclestituer Ghica, elle l'avait fait assassiner.

Du reste, on n'hesita pas a prononcer mêmela destitution formelle du traftre". Lorsquele .drogman de Russie protesta contre cetteviolation de traité, on lid répondit qu9l n'ya aucune transgression, car Ghica a commisdes crimes que la Porte est meme de prou-Vet', a toutes les Cours" et gull avait des-servi la Russie elle-meme denongant son in-tention d'envoyer de nouveau ses troupes en.Moldavie I," Le remplagant du prince exe-cute, Constantin- Mourousi, était considérécomme le boute-feu le plus ardent de la

Actes et fragments, II, pp. 137-138.

a.

1

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guerre 1" Le ministre de Russie, Stakiev, seborna a une protestation qui n'eut pas desuites; Morousi continuait, du reste, a rendreaux Russes les memes services que son pré-décesseur 2."

Mats déjà on faisait des preparatifs pourétablir des consuls impériaux dans les Prin-cipautés, dont la mission n'avait rien a faire-avec un commerce qui n'existait pas, en de-hors-du yin moldave vendu en Russie parles négociants spéciaux dits kazaklis". Il de-vait surveiller le gouvernement de ces po-tentats grecs, trop lies par leur intéret et celuide leur famille a la domination ottomane pourne pas devoir etre regardés avec suspicion,puis exercer sur eux une influence domina-trice et surtout donner 4 leurs sujets l'im-pression que tout le bien dont ils pourraientetre capables ne vient pas d'eux-memes, maisbien de cette intervention dontinuelle de laPuissance protectrice. 11 faut reconnaltre ce-pendant que cette immixtion, desagréable auplus haut degré pour les princes eux-memes,les hospodars, ainsi qu'on- s'était habitue- ales qualifier dans le langage diplomatiquerusse, n'était nullement desavantageuse auxsujets, car le maitre indigene, s'it ne repré-

Ibid., p. 139.2 Ibid.

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sentait pas sa propre passion pour les ri-dresses mal acquises, avait de la part de faPorte une mission gulf n'aurait guere pu ac-ccimplir sans pressurer impitoyabletnent lapopulation.

Des le 20 juin 1780 un certain Serge Lach-carev, Georgien d'origine et -ancien jeunede langues" a l'ambassade russe d Con-stantinople, se presenta dans cette 'ville, de-mandant a l'officialite oltomane d'etre re-connu comme consul en Moldavie, Valachieet Bessarabie"; ce dernier terme désignant ceBoudschac, ont les Tatars itaient en plusgrande partie disparus pendant la derniereguerre. La Porte ne voulut pas- se rendre;elle alla jusqu'A dire a l'ambassadeur deFrance que la reconnaissance de ce consuléquivaudrait a la cession de -ses droits surles Principautes oCt 11 voulait s'insfaller endictateur. Comme if n'y a pas de commerce,ji ne peut pas y avoir &agent; d'autant plusque des Puissances entretenanf des relationséconomiques plus impOrtantes aVec ce terri-toire Wont guere pense a y envoyer leursrepresentants; faute de precedent, le refusoppose- par le Divan est donc patfaitementconforme aux traités qui lient l'Empire auxEtats chretiens. Les boTars n'auraient besoin,du reste, que de la presence de eel agitateurpour continuer leurs intrigues qui avaient'failli détacher de la Turquie leurs pays pen-

13

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- 19A --

,dant la dernière guerre. Tout au plus aurait-on -consenti, en suivant les consells de laFrance, a fixer a ce consul comme residence,pas meme Akkerman, en Bessarabie, mais bienla ville de Silistrie, sur la rive droite duDanube.

Un bérat fut délivré dans ce sens, maisl'Impératrice ordonna gull soit restitué auicTurcs, en leur rappelant encore une fois lelexte formel du traité de Keutschuk-KaInar-clschi. Ceci arriva en 1782, lorsque d'autresdifficultes semblaient menacer la Porte. Ellecéda, en se bornant A. demander la promesse(rune attitude convenable de la part de l'a-gent (2 fevrier 1782).

C'était en demander trop a cet Oriental fas-lueux et arrogant, bavard et hypocrite, qui rem-plagait par ses grands airs une tenue, qui, avecl'agitation permanente de son pauvre etre petitet noir, lui manquait completement. 11 traita lesboYars comme des chiens, prétendit assister auxseances du Divan et f1t bien sentir au Voe-vode que ce voisin est un maitre, que cettechancellerie, sous le drapeau de l'avenir,vaut plus que son palais rempli de la pompevaine d'un monde qui finissait. Son substituttie Jassy, le major Salonski, attirait les dé-serteurs, rassemblait autour de, sa personneune garde redoutée et organisait une vraiecolonisation de. la steppe russe avec des ele-ments soutires a la Moldavie. On respira pro-

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lendement ldrsque, vers la fin de cette metneannee, it quitta ce pays, oft it devait revel*ependant plus tard comme chef de l'admi-nistration et drogman du prochain congres-de paix

Son suczesseur, un Russe, d'allures' pal-sibles, Ivan Sévérine, occupa son poste, avecTinterruption de ia nouVelle guerre, jusqu'Asa mort A Jassy, en 1799, faisant son devoirsans choquer, ni brusquer personne

Rien ne prouve les relations clandestinesaurait eues avec cette noblesse indigene,

'qui, de son côté, apres l'experience toute ré-cente qu'elle avait Mite, n'espérait plus rien

l'intervention militairs des Russes. Maiselle avait vu l'Autriche a l'oeuvre, arrachantsans aucun sacrifice que celui des presentsaux personnes influentes de Constantinoplela Bucovine; zertains d'entre ces boTars,comme Basile Bals, etaient restés sous lanouvelle domination et its entretenalent, lesentiment que l'avenir chretien et civilise-dts deux pays se levers du Ole de l'Occi--dent. Un agent diplomatique autrichien, Rai--cevich, faisait tout ce qui etait dans ses nto-".3rens pour entretenir ces -dispOsitions. De fait,Vienne avait pris l'initiative de la transfor-ination de cet Orient turc, oft elle croyaitplus que jamais A sa -mission.

Hurmuzaki, X, pp, xxvm-xxix,

1.

,de

mut.I

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196 --

Des 173 on s'était entendu, entre Autri-chiens et Russes, d'apres la proposition for-melte faite par Joseph H, roi des Romainssur le partage de cet Empire ottoman quine ,paraissait plus pouvoir prolonger ses joursL'ambition autrichienne, habituée aux faux-fuyants denues de tout risque, avait gaga'la vanité de Catherine II pour la grande ex-pedition de croisade, peu sincere, qui allaits'ouvrir. Aussit6t apres l'échange de vu,s entreles deux Cours on croyait fermement dans .

le monde diplomatique de Pétersbourg queles Principautés finiront par &heir dans le-lot de l'Autriche. Selon le sentiment d'unhomme employe dans les affaires `, écrit, le25 novembre, le ministre prussien von G-rtzles deux Cours impériales exigeraientdependance de la Moldavie et de la Valachiepour que, celle-la obtenue, l'Emperewr puissedans un couple d'années, faire éprouver aces provinces le meme sort qu'à la Crimée".Et, trois jours plus tard : cette independanceobteneue, l'Empereur aurait l'assistance de laRussie lorsqu'il voudrait faire éprouver lememe sort a ces provinces qu'éprouvent main-tenant les provinces indépendantes des Ta-tars, de la part de la Russie 1 Le roi dePrusse lui-meme était absolument convaincude ce fait ; l'Impératrice aurait consenti a ce

1 Acta et fragments, 11, p. 173.

Pin-

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grancr sacrifice, dangereux pour ta mission quiattendait son Empire, settlement pour pouvoirinstaller son petit-Ms comme monarque or-thodoxe a Byzance, dont le brillant fantOmehantait sa vieillesse romantique.

De fait la situation future des Principautésrestera indécise, mais le temoignage unanimede gens si bien informés et si en rnesure deporter un jugement sur les intentions secretes,cles Allies ne inanque pas de valeur pour pou-voir apprécier de quel até vint, pour cettenouvelle guerre, ['initiative c12. la conquete etcle l'an texion.

Pour le moment la Russie s'était borne2 aconsolider et a accroitre, par un nouveau pri-vilege de la Porte, les droits des deux Prin-.cipautés (janvier 1784). AussitOt apres onsoupeonna it l'intention qu'aurait l'Empereur.cle demander aux Turcs cette Olténie que laconvoitise autrichienne n'avait jarnais perdue.cle vue '. En 1785 on craignait a Constan-tinople l'invasion de treize regiments impe-Tiaux dans les Principautés; il aurait ete ques-tion au moins . d'etendre vers le Sud lesirontieres de la Bucovine recemment acquise 2.

En avril, le roi de Prusse s'occupait sérieu-sement des vues que l'Empereur doit avoirprincipalement sur la Moldavie et sur la Va-lachie"; il n'aurait attendu que la fin des

1 Ibid., p. 178 et suiv.2 Ibid., pp. 191-192.

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affaires de Hollande pour s'attribuer, par Ta .force des armes, la Moldavie entiere 1, dontfa Porte n'autalt pas eté éloignée do lui cedertine partie, & l'Autriche n'ourait pas prefer&tin fragment de Valachie2. Ces bruits revien-nent Avec insistance et precision en 1786 :avait ete question d'un nouveau cordon"sanitaire comma celui qui avait fixe les fron-tieres de la Bucovines; certains parmi les Rus-ses etaient disposes A reconnaltre dans cette-annexion de la Bucovinc comme un prele-vement de droit sur les Principautés entieres 4.C'est en Autriche que s'etaient enfuis, dureste, les fils du prince valaque AlexandreYpsilanti, dont le précepteur avait ete le fut-titconsul imperial it Bucarest, et tel briar de laPrincipaute avait ete invite aux fetes don-nees a Brasov-Kronstadt, tout pres de lafroiitiere, A l'occosion du voyage en Tralsyl-vanie de Joseph H.

Quant A la Russie, elle protestait tout, dou-cement lorsqu'un des princes phanariotes .était, non pas destitue, car e'aurait ete porteratteinte aux traités, mais admis A se tether,.d'apris ses propres instances, ainsi que ce

1 Ibid., pp. 192-193.2 p. 194.I Ibid., p. 212.4 Ibid., p. 211.

1,1

ii

1001.,

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fut le cas, en Moldavie, pour Constantin,Mourousi et Alexandre,fils de Constantin Mau-rocordato et, en Valachie, pour Ypsilanti etson successeur Michel Soutzo, tous démis-sionnairesa. Et on constate avec tonnementque, pour affirmer son caractere de co-pro-trectrice, l'Autriche faisait presenter par l'In-ternonce des protestations de tout point sem-blables, qui n'avaient que le defaut de neVappuyer stir aucune convention internatio-

ale '. Ce que reclama en 1786 l'ambassadeurcle l'Impératrice, Boulgacov, ce fut sculementque la Russie soit dorénavant informCe préa,lablement des motifs qui déterminaient unedestitution" 2. .,Les Russes", ecrivait, en de-cembre 1786, le ministre prussien aupres dela Porte, ne sont comptés pour rie 1 dansces sortes de choses" 3. Le nouveau princede Valachie, Nicolas Maurogeni (Mavrogheni),un insulaire et non un Phanariote, et un simpleparvenu de basse extraction, avait ete choisicontre la volonté expresse de l'ambassadeurde Russie pour preparer contre l'Autriche uneguerre qu'on devinait déjit etre prochaine.

Mais, au commencement de l'annee 1787.Alexandre,fils delean Maurocordato, et l'ancien

Ibid., p. 208.2 Ibid.3 Ibid., -p. 215.

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Geve des écoles militaires de Pátersboarg, sedisposait a quitter furtivernent la Principauthpour passer en Russie. Depuis quelque tempsle consul Séverine, qui avait eu tin conflit avec

printe Maurogéni, persminage, du reste,pen accommodant, qui avait été. en plus. of-fensé par Lachca rev, de passage par Bucarest,s'était retire a Jassy, demandant han tement satis-faction 1. On soupconnait Mauros:ordato, aiasiqu'on l'avait fait pour Gr,?Igoire Ghica, it causede son séjour it Petersbourg, d votfloir livrerle pays a l'Impératrice, et il connaissait deplson acte .de destitution, qui, ecartant le sub-terfuge habituel de la demission", déclarqafrancliement qu'il a fallu le deposer, puiscuela destinée l'a youlu ainsi". Le vice-consulSalonski avait favoris6 ouvertement la fuite.du Mtrattre", auquel on avait prepare le sortaffreux de son oncle 2. Une escorte de cara-tiniers qui Pattendait avait fait la garde*El'honneur it Maurocordato jusqu'a Kiev, oilil alla se presenter a l'Impératrice, a laquelleii avait prété fadis corn me soldat le. sermentde fidêlite 3. II avait depuis longtemps unprotecteur dans la personne du tout-puis-sant favori de Catherine, Patiornkine, devenuprince de la Crimee transforrnée eri Tauride,

1 Hurmuzaki, Documente, X, p. 25.a /bid., pp. 26-27.4 Ibid., p. 27.

ce.

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.car, des 1770, celui-ci avait eu, comme chefde troupes, des relations étroites avec les Prin-cipautes 1. Deux, de ses parents, Georgek etConstantin Duca, furent arretés plus tard,cornme complices, a Jassyz.

Mais l'Empereur n'en continuait pas moinsses agi$sernents. L'Agent actuel d'Autriche,secrit lereprésentant du rol de Prusse en Molda-vie, introduisit dans l'oraison (401 a faite au(nouveau) prince a sa premiere audience, sonSouverain peu pres comme co- protecteur deces pays 3°. Ypsilanti etait considéré, du reste,.comme bon Autrichien" 4. Parmi les nouvellesde Cherson,oa Joseph II était alhe retrouver sonalliee, on trouve avec etonncment celle que lejeune fils du duc de Toscane", neveu de l'Emrpereur, avait des gouverneurs et des maitresgrecs ainsi que celui du Grand-Duc de Russie"5.

Mais la Porte s'etait plainte de la conduitedes consuls russes, demandant leur change--ment, et elle avait réclame que Maurocordatolui ftit livré 6; ces pretentious furent aussitôtrepoussées. Au milieu du mois d'aodt, le con-sul de Russia était donc arreté a Bucarest ainsique son lieutenant a Jassy et le nouvel agent

2 Ibid., p. 37.a ibid., p. 29.di Ibid..5 Ibid., p. 32.4 Acta et fragments, 11, p. 217 et suiv.

a

' Ad.

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2032

itab1i a )(ilia ; la guerre avait été declare&par le Sultan A l'Impératrice le 13.

L'Autriche avait su si Nen se reserver, qu'elle-paraissait n'avoir rien fait pour provoquer le.conflit;tile nese decida A soutenir de ses forcesson allie qu'apres sixinois, le 9 fevrier de l'an-nee suivante. Catherine II await ae contraintede permettre l'expansion autrichienne en Bos-nie et dans l'Olténie, et meme au-dela. Leroi de Prusse, préoccupé d'avoir Danzig etThorn, mettait tout en mouvement pour re-aliser lc projet de son ministre Herzberg, qui,contenatt in cession des Principontes a l'Au-trial& (contre la Galicie restituée a la Po-logne), alors que la Russie n'aurait eu quela confirmation tte sa situation en Crimée et,en outre, les fortercsses turqnes du Bou-dschac. Une grande farce historique avait OEjou& que le sort devait transformer cependantdans une deplorable tragedie pour ses au-teurs.

jusqu'à ce moment, bien que Salonski;eat paru sur le Dniester avec 2.000 volon-takes 2, aucun Russe n'avait passé la frontiereAussitat apres cette declaration de guerreles Autrichiens parurent devant Hotin, pourarrondir leur Bucovine et surtout pour em-Ocher les Russes de s'y loger; l'Olténie Jut

I Ibid.., p.224.2 Hurmuzaki, X, 13.. 88,

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attaquée simultanement, et des troupes impi-dales descendirent du One de Câmpulungen Valachie. C'étalt dejit la maniere rapide.Dcs proclamations imprimees a Brasov ap-pelaient les chretiens sujets au Sultan a Larévolte, et un parti de bofars s'empressa d'ac-cueillir les libérateurs Les fits de R6ducannCantacuzene, le fidele auxiliaire des Russcs,Jean et Constantin, anciens of ficiers dans Par-mec de l'Impératrice orthodoxe, s'étaient em-presses de demander l'entree des Impériauxcatholiques dans ce district de Prahova, oftils avaient leuts possessions ; ils se félicitaientd'etre les premiers sujets" de Joseph II. 11

fallut prendre a plusieurs reprises des me-sures de precaution contre l'aristocratie va-laque, avide d'un changement.

AussitOt apres le depart de Jassy de l'a-gent autr:chien Metzburg, le Métropolite Leon,le chef de l'Eglise orthodoxe, qui aurait dttinvoquer, d'apres les traditions du passé, tineseule protection, celle de la Russie , car déjken antomne, des Tures, des soldats, avaientéte Auks dans tine emeute au milieu de laCapitate moldave écrivit au représentantde l'Empereur comme au seul défenseur desinterets de son pays. Leon Gheuca, qui avait cependant entretenu des relations avec

Actes et fragments, II, pp. 231, 232; Anna:met stilt;de l'Acodermie Romaine, XXX111, p. 212,

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bosithee Obradovitsch, le créateur de ta lit-térature serbe moderne, ckeclarait, au nom duprince lui-meme, qui l'avait invite a fairecette démarche; que tout notre appui et toutnotre espoir apres Dieu reposent seulement surla haute grace de ce puissant et chrétienEmpire" (1-er février a. st.1789)1. Quelquesjours plus tard, apres que les armées autri-chiennes eussent passe la frontiere, Leon re-venait a la charge, invoquant cette seule pro-tection possible pour sa patrie menacée parl'invasion turque vengeresse2.

Ypsilanti lui-meme, qui faisait semblant d'in-.viter la population a affronter un ennemi qu'ilappeiait de tous ses vceux, etait decide aabandonner cette cause ottomane qu'd avaitpendant longtemps servie, dans la ferme cro-yance que l'esprit grec pourrait éveiller etsoutenir l'inertie torque, et a chercher un abri-dans le camp des seuls chretiens qui se trou-vaient deja, en liberateurs, sur le sol mol-dave. Depuis longtemps ii ótait d'entente avecKletzburg, qu'il avait consulté dans des entre-vues secretes, demandant instamrnent l'envoidune armée d'invasion pour le délivrer dupoids insupportable 'de ce gouvernement de-venu impossible. II priait Dieu", écrit l'agent

' Aritioa romMeascii, II, pp. 296-298.g Ibid., p. 292 et suiv.;. Annales de l'Acadé-

mie Rau;naine", XXX.111, p. 249 et suiv.

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lui-meme, à chaque heure qu'une armee im-periale entral la premiere dans le pays etroccupat". Et il ajoutait en décembre : Leveeu de la nation entiere est d'accord avecre sien, et toute la Moldavie attend sa deli-vrance, son bonheur et son existence de lasettle Cour impériale" 1 Les agents princiersagitaient sans cesse a Cernauti pour accélererla decision. Le 19 avril a. st. leur maitre avaitenfin la chance de pouvoir se laisser prendrepar les soldats du major Fabri) venu de Botosani ; on le dirigea sur Brun, oi) il restajusqu'à la conclusion de la paix 2 Jassy futoccupée par les troupes de l'Empereur.

Cette occupation fut cependant tres breve ;une puissante armee turque, qui était accom-pagnee par Emmanuel Giani comme princead hoc, s'avancait vers la Capitale, oil le nou-veau Voévode devait passer seulement quel-ques mois. Ce ne fut qu'au mois de juin1788 que les Russes entrerent a leur touren Moldavie, sous les ordres de RoumientzovProfitant du moment ofi l'armée du Grand-Vizir était allée reconquérir Hotin, ils sur-prirent Jassy. Des Grecs et d'autres rebellee,les auraient soutenus dans cette entreprise 3.Un Divan, compose de trois Sturza, de deux

1 Nistor, dans la collection Hurmuzaki, XVICf. vol. X, p. xmI.

2 Mid.Actes et fragments, H, p. 256.

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5Cantaeuzene, de deux Ghica, d'un Rose lti,d'un Bal, et d'un Catargl await la conduitedes affaires.

Aussittit les tropes de l'Impératrice prirentle chemin de Focpni, ofi les attendait ce-pendant la resistance acharnée de Maurogéni,-qui n'avait pas hésité a envahir la Transyl-vanie, appelant par des manifestes opposesaux manifestes impériaux la population me-contente du regime allemand a la liberté.

Le commandement supreme des arinees-russes fut confié en 1789 a Patiomkine. If ap-parut a Jassy, distribuant largement a toutle monde l'argent de sa munificence, commeun vrai monarque oriental", accompagnéd'une suite qui ne cedait pas en éclat a sapropre splendour. Les fetes se suivaient sanscesse, et la niece du d'ctateur, la comt sse Bra-nicka, avait eté appelée pour les presider, envraie raine de ces spectacles inoubliablespour tin pays qu'on voulait gagner en l'é-blouisslnt. Le prince Emmanuel s'éta.t renduau maréchal. Des le printemps on soupgon-nait daas les cercles bien inforrnés de l'é-hanger que celui-ci aspire a devenir sou-vera:n de la Moldal,ie et de la Valachie 1".

Les Auirichiens, quo Roumientzov déjà a-vait aides a se sais:r de Hotin, ne garderent,comme simple mesure de tolerance de la part

I Ibid., p. 270.

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*des Russes, que les districts de Doro &AU,de flerta, Suceava, de Neamt et de Ro-man ; leur commandant, le prince de Cobourg,avait etabli dans la vile meme de Roman lesiege de cette administration imperiale, danslaquelle ii était eonseille par le boTar Con-.stantin Ba4, dit Ciuntu 1, Ils étaient cepen-dant incapables d'avancer, en se saisissant desdistricts inférieurs de cette Moldavie occi-dentale entre le Sereth et les Carpathes, d'au-stant twins de la Valachie, qui leur avait

cédée dans le projet définitif du partage.II fallut l'avance des Russes, commandéS

maintenant par Souvorov, victorieux déjàGalatz aussi, pouf permettre aux Autrichiens, degagner, a Focsani, leur premiere victoire danscette guerrew, selon la propre expression deSouvorov lui-meme. La victoire de RamniCti-Säratcontre le Grand-Vizir qui avait pre-pare une revanche éclatante, fut due it laseule intervention du general, russe revenu stircette ligne d'une importance decisive; sonmonument éleve sur la place meme de cegrand fait d'armes comrainorait avant cetfeguerre le merite tiécisif du chef des arméesrusses. Le Acces des Autrichiens a MArti-nesti, dans le voisinage, avait été determineuniquement par l'énergie des mouvernents deleurs allies (11 septembre a. st).

Driighici, 1s!oria Moldovel, 11, pp. 53-54.

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De:A les chefs du parti chretien en Valachie,Jean Cantacuzene, Câmpineanu, avaient quitte!cur asile en Transylvanie. Maisces vainqueursde seconde main qui étaient les Impériaux avan-caient avec toute la prudence de leur incapaciteet de leur manque de courage. Ce ne f ut qu'a-pres de longs thonnements que le lieute-nant-colonel Fischler entra a Bucarest e4 novembre ; cinq jour, plus tard le princede Cobcurg y était recu solennellement, et ifformait un Conseil de bolars pour l'admini-stration, le Métropolite A sa tete ; le generalEnzenberg, ancien gouverneur de Bucovine,en était, comme vice-president, le chef reel

On avait demandé aussitOt le serment for-mel, comme dans le cas d'une annexion de-finitive, au nom des anciens droits de suz -raineté de la Hongrie 1. 11 était valable aus ipour l'Olténie, dont le Divan ne fut organ'séqu'au mois de mars.

Jean Cantacuzene n'entendait pas cepend ntrecevoir seulement un titre, une decoration,un diplôme quelconque pour ses servicesPeu A peu il se détacha de l'Autriche pour serappeler ses anciennes relatipns avec les Rus-ses. Au mois de février 1790 il se trouvaiten Moldavie et il parlait a Patiomkine lui-mettle, qui pensait A tout autre chose, du droitd'élire leurs princes qu'avaient eu les anciensMars, de la possibilité de réunir Valaques

' Memoires cites, p. 222 et suiv.

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et Moldaves dans un seul ttat thretien, grandet puissant'; alors que son frere devenaitseulement lieutenant-colonel de volontairesservice de Joseph 11, Jean revait de la cou.--ronne de cette nouvelle Principauté unique I..If voulait tout au moins la realisation com-plete, pour cette nation roumaine" dontxistence était proclamée pour la premiere fois,,du programme élabore par son oncle Michel,.en J772 plutôt que de revenir a l'ancienneservitude, cette nation" aurait préféré le sortde Lima et de Lisbonne", ces vines que destremblements de terre avaient tout récemmentdétruites 2.

Pendant ce temps les Autrichiens mainte-naient leur administration de Roman, qui re-fusait de se soumettre aux decisions de ceDivan de Jassy que présidait, en 1791, Lach-carev, l'ancien consul imperial. L'espoir detirer parti des circonstances, de mettre a profitl'indolence fastueuse et dissipatrice de Pa-tiomkine pour arrondir d9 ce Me, dans leslimites qu'on avait déjà voulues en 1774, laBucovine, la Moldavie autrichjenne", semaintenait dans l'esprit du commandant im-perial et royal, l'officier Erngeleith, qui s'ha-

Ibid., p. 225.2 Convorbiri literare,1901, p. 1126et suiv. et notre

Geschichte des rumdnischen Volkes, 11, p. 197 et suiv.

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l'e,-,

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bituaitcomme Enzenberg, du reste, et le princede Cobourg lui-meme,A signer en caracterescyrilliques et en langue roumaine. Et celaau moment meme oil les Autrichiens devaientdemander l'intervention de Souvorov, qui entrai Bucarest en été pour sauver la domination deleurs armes dans cette Valachie, menacée main-tenant par une nouvelle et grande invasionturque. Les Russes, qui maltraitaient, du reste,dans les rues de la Capita le ces allies qu'ilsméprisaient, aur ient été meme obliges a livrerune bataille, decisive, au Grand-Vizir, si l'ar-mis ic de Reichenbach, impose par les Puis-sances médiatrices a la suite des troubles deParis, n'avait mis fin pour le moment a laguerre 1. Jama's pretentious plus arrogantesn'avaient été moms bien servies par tinearmee que dans cette expedition qui devaittransformer tout le territoire roumain, de Ho-tin a Orsova, en province de l'Empereur.

Patiomkine tr nchait encore a Jassy du sou-verain : il avait.vendu ses biens de Russie,faisant venir en Moldavie, vers la fin del'année 1790, lorsqu'on avait déjà conclu Par-mistice de Giurgiu entre Autrichiens et Turcs,tout ce qui lui restait en meubles, garde-robe et livres" 2. Les Autrichiens venaient delui ceder leurs volontaires albanais et rou-

' Annales eitées, p. 228 et suiv.2 Ades et fragments, II, p. 311.

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Inains 1.11 était question de fonder bn royaume<le Dacie, dont il aurait été le prince indépen.dant.Nous reproduirons ce sujet les rensei-gnements clue nous donnions 1A-dessus dans

ouvrage destine a faire voir le develop-pement de l'idée de l'unité politique roumaine.

Le prince de Ligne proposait, dans unecoiwersation politique, a Patiomkine de lefaire prince de Moldavie et de Valachie"s'il consent seulement A marcher lui-meme-vers le Danube et A diriger vers Bucarestles forces de Roumientzov ; s'il n'y consentpas, eh bien que les Principauts vivent dé-sormais indépendantes sous la protectioncommune de la Russie et de l'Autriche.

Cect se passait en 1788. En 1789, Hertz-berg, le tout-puissant ministre prussienrécritce qui suit au représentant du roi a Constan-linople je viens d'apprendre que Fe princePatiomkine aspire A devenir souverain de laMoldavie et de la Valachie, ce qui tie con-Niendrait A aucune Puissance qu'a lui seul.

ne sera aussi soutenu par aucune2." Et, peu,cle temps apres, le 8 janvier 1770, Cathe-rine offrait formellement A son allié de con-stituer la Bessarabie la Moldavie et la Vala-chie" comme Etat libre et independanta, souslin prince orthodoxe, fondant ainsi une bar-

I Ibid., p.p.

312.Ibid., 270.

tin

II

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riere" aux ambitions de tous .les voisinS etune garantie réelle pour l'avenirJ. Le roi dePrusse croyait de fait a rintention qu'avaitl'Impératrice de fonder cette 1rincipauté indépendante, sous la domination d'un princedu rite grec, qui est sans doute le princePationikine Mais on admettait déjà que cetteDacie pourrait avoir un maitre d'une origineplus illustre que le Prince de Tauride. Le lamars, de Golz, ministre prussien a Peters-bourg, risquait dejà cette autre hypothe-se, prévoyant le dedommagement prochahtdu favori par sa nomination comme Hetmandes Cosaques de la Mer Noire : Si les vuesambitieuses du prince Patiomkine", écrit-il,perrnettaient de croire qu'il efit renoncétoute idée de souverainete, ii serait tres vrai-semblable que la principauté qu'on veut fOnderfat destinée au prince Constantin. Surtout sil'espérance d'aller un jour a Constantinoplen'est point encore perdue, cette possessionpourrait servir de marchepied pour marcherau tram de Byzance2."

L'Autriche avait déjà pris son parti, déser-tant la cause commune, par la conclusion dela paix separée de Sichtov. Cette guerre elle

' Hurmuzaki, Suppl. 13, p. 73, no. carvni.2 Actes et fragments, pp. 292-3. Cf. ibid., p. 29G

et suiv,

a

II,

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l'avait provoquee pour laisser la Russie seule.enlrer en lice et pour fabandonner seule de--vant rennemi. L'Imp itrice pouvait abandon-ner d'autant plus tine lutte dans laquelle ellen'avait eu qu'un vague projet d'expansion sansAvoir cherché a gagner la population qu'il seserait agi d'annexer, une guerre, coQteuse pourelle, qui lui aurait donne, en fin de compte, com-'me principal résultat, le voisinage de sa rivale,stir le Danube, sinon stir le Dniester rneme,sut le Pruth ou, peut-etre, sur le Séreth. Le.11 aotlt 1791 on signait dejà avec la Porte, Acause des difficultés provoques par la Revo-lution française, l'arrnistice de Galatz.

Patiomkine etait A ce moment, brisé par la ma-ladle devait a ses exces. A quarante verstescle Jassy, qu'il avait quittée pour changer d'air,ii expirait en pleine campagne, Son corps futramené dans la Capitale moldave, oft le favoriclisgracié avait espéré gouverner, en roi ; onconserve encore dans l'église de Golia la pia-ciuesle bronze qui indique qu'on y avait laisséce coeur de passions inassouvies et de gran-<des ambitions.

Le traité de paix entre la Russie et laPorte fut conclu le 9 janvier 1792, A Jassy-meme, oft les représentants de l'Impératrice,les généraux Ribas et Samalov, assistés deLachcarev, s'étaient rencontrés avec les memesclélégués turcs qui avaient conclu le traité de

qu'il

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Sichtov. La Moldavie retournait, comme eft1774, sous la domination du Sultan, maiscette fois il n'y avait aucun parti de boIarspour protester contre cet acte, au nom desservices rendus a la Russie; la plus grandepartie de l'aristocratie moldave et valaques'était laissée prendre aux vaines promessesde l'Autriche, qui avait fait sa paix sans men-tionner d'un seal mot les intérets de ces Rou:mains qu'elle avait compromis et liiclzementabandonnés. Elle n'oublia pas cependant, desla fin de l'annee 1792, de provoquer unenouvelle delimitation tout A son avantage.

La Russie en agit cependant autrement.L'article 4 du traite. prévoyait la confirmationde tous les privileges antérieurs en faveurde la Moldavie, l'exemption des arriéres de-toutes les charges et la permission du de-part pour tous ceux qui avaient servi les ar-mées chrétiennes. Un nouveau firman dt1 aussiaux efforts de la Puissance qui rentrait dansses droits de protection garantissait les ha-bitants des deux provinces contre les abusqui s'étaient introduits dans les derniers tempsaux dépens des anciennes coutumes, surtoutdans les relations de commerce entre Tureset Roumains.

Alexandre Jean Maurocordato resta, biementendu, en Russie, oa on lui crea un eta-blissement plus ou moins correspondant a

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ce qu'il avait abandonné; on a des lettregde lui qui ne contiennent cependant rien de re-latif a la politique. Ce reveur s'était résigné ;il écrivait des lettres en beau style classiqueet rimait des morceaux poetiques sur les va-gues géneralites d'une sagesse a l'usage detout le monde; son volun e grec anonymeLe Bosphore au Borysthene", n'a rien qu-indique un souci de la vie réelle. 11 étaltout aussi peu Moldave" que son contem-porain Michel Matvéévitsch Chérascov (1733-1807), un Herescu, dont les nombreux écritsdes poemes épiques aux sujets fir's de l'his-toire russe, des romans imit's de Fénegonet de Marmontel, sont d'une f cture interna-tionale quelconque. Un des boYars Stourdzaallait s'établir en Russie, s ns y perdre sof/caractere national, mais s n fils, Alexandre,et sa sceur, la comtesse d'Ebling, ne re-présentent dans leur activité intellectuelle quel'orthodoxie russe, teinte d'un léger mysti-cisme, et une forme empruntée a cette cvi-lisation occidentale que leur pere avait ausskconnue. Des 1788, le Métropolite Leon ve-nant de -mourir, les Russes avaient attribue.son Siege a Gabriel Banulescu, originaire deCâmpulung en Bucovine, et entre temps, un.Russe, Ambroise, occupa ce Siege; apres ledepart des armées impériales, Gabriel dutchercher lui aussi un abri aupres de ses pro-

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tecteurs, qui lui donnerent une charge équiva-lente dans l'Empire, en Crimée, puis a Kiev 1

Ces quelques nouveaux venus n'eurent pasde relations avec ceux qui les avaient pre-cedes sur la terre étrangere, ceux dont nousavons déjà parle et auxquels il ne faut pasajouter les fils du prince Constantin Canta-cuzene, mort au sortir de la prison de Gratz,car le major Alexandre et le capitaine Avramitaient morts, en 1772 et en 1781, le pre-mier a Buzgu, l'autre a Moscou, sans po-sterité2. Personne de ces exiles ne trouvait:en soi-meme le désir de garder le contactavec so n. pays, et l'officialité russe ne pen-sait guere a leur imposer, pour le succes deso politique, cette tâche.

On avait cependant pensé a créer, d'apresle modele encourageant de la Nouvelle Serbie,tine Nouvelle Moldavie entre le Dniester etle Boug, vraie principauté qui aurait été con-fiée a Maurocordato. Un grand nombre d'é-migrants vinrent s'y établir aussitôt apres laconclusion de la paix, et ils accrurent lenombre de l'ancienne population roumainefixée dans cette region 3. On parlait des

1 Actes et fragments, II, pp. 344-345 et suiy6Stefanelli, dans les Annales de l'Académie Rou-maine, XXIII; notre Istoria Bisericii romdne, II,p. 195.

' Genealogia Cantacuzinilor, p. 339.' Actes et fragments, II, p. 339.

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deux tiers des habitants de la Moldavie" I.Plus tard des émigres polonais, qui séjour-mèrent un moment en Moldavie, demandaient,-en échange, A la Porte la creation d'unevouvelle pdncipauté pour leur propre na-tion dans ces memes contrées

En dehors des apprehensions provoquéespar cette presence des émigrés sur le terri-toire moldave, ii n'y a plus rien qui rappelleroccupation russe dans ces regions: aucunsouvenir, aucune espérance, aucune demandede la part des Roumains, et de la part desRusses aucun projet de conquete. On peutbien croire qu'il en aurait été autrement sil'Empire avait poursuivi cette politique d'in-lassable convoitise a leur égard dont on faitline des lignes principales de l'histoire de laRussie a cette époque. On se bornait, ducôté des Russes, A avoir des proteges et desagents, des instruments et des complices dans.ce monde phanariote qui fournissait, au ha-sard des relations personnelles avec les hautsdignitaires tures et les ambassadeurs &ran-gers, des drogmans A la Porte et aux deuxPrincipautés des hospodars", qui étaient, de

1 Ibid., p. 341.a Ibid., p. 351. Cf. nos Documents Callimachi, It,

)réface.

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fait, tout aussi peu fideles aux tins et auxautres.

Les grands changements provoqu6s par laRevolution française faillirent amener en 1799les 10.000 Russes du general Hermann enMoldavie pour se rendre en Albanie 1. Maisles Principautés n'entraient que rarement, etd'une maniere tout a fait subsidiaire, dansces calculs politiques aventureux, aux ré-sultats éphémeres, qui devaient créer pourd'autres nations des formations comme les Pro-vinces Illyriennes ou comme la nouvelle Po-logne de Napoleon. Occupée d s grandsintérets europeens que la Revolution et l'Em-pire entremêlaient ircessamment sans arriverjama's a cette solution definitive qui auraitpu &re seulement la reconnaissance compl' teet réelle du droit national, dans sa significa-tion concrete et organique, la Russie laissait-les hordes de Pasvantoglu, le Pacha rebellede Vidin, qui entretenait d s relations avecles Français, et celles des aans, chefs inde-pendants des anciennes forteresses de la rivedroite du Danube, poursuivre leurs incursionsdévastatrices en Valachie.

Ce fut seulement apres le grand pillage de1802, lorsque le prince Michel Su(u (Soutzo)et les bolars furent réduits a s'enfuir en Tran-

' Actes et fragments, II, p. 36.

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sylva&e, abandonnant cette Capita le, que lesbrigands n'oserent pas occuper, entre les mainsdes vagabonds et des mauvais sujets indi-genes, que le representant du Tzar Paul, suc-cesseur de Catherine, se déc'da a rappeleraux Tures ce droit de protection sur les Prin-cipautes dont la Russie etait autrefois s'jalouse.

A ce moment l'Autriche aussi s"tait de nou-veau préo cupée des pays du D nube, qu'elleavait abandonn 's d une maniere si lache en1791. 11 s'agissait d'i.n établis e nent p urle Grand-Duc de Toscane, qui avait perdu,en 1801, par le traité de Lin swine, impospar Bon parte, ses Etats. Le Reis Effendi par-lait, au mois de juillet 1802, a l'ambassadeurdu roi d Prusse de certains proj ts, qui cou-raient jus ue dans les rues de Paris", d'in-d mnis r" dans la Valachie a pe'ne echappéeaux horreurs du pillage, quelque prince les "";la France aurait pris l'initia ive de cettetransplantation dynastique, contre laq ielle laPorte pro estait énergiquement 1 .11 paraitavoir été question, sans doute, du projet d'in-demniser la Maison d'Autriche, aux dépens dela Porte, par les Prineipautés de la Molda-vie et de la Valachie", écrivait le roi de Prussele 23 aont suivant, pour faire savoir a son repré-sentant aupres du Sultan que ce projet doit

' Ibid., pp. 367-369.

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-itre considéré comme annullé par la com-pensation accordée au Grand-Duc en Al le-inagne mettle 1-. 11 avait falfu cependant unepublication nouvelle dans le Moniteur" pourrassurer la Porte a ce sujet 2.

11 fallait rétablir maintenant l'ordre en Va-lachie. Sulu avait été exile comme incapable,dans l'ile de Chalki. Une amnistie était né-cessaire pour permettre aux bdiars emigresde revenir dans leur patrie, et on allait pro--ceder a l'installation d'un nouveau prince.Ayant intervenu d'abord en faveur des fuyardsde Transylvanie, l'ambassadeur russe Tamaras'empressa de proposer comme futur princevalaque quelqu'un qui, soutenu par la Prusseaussi, avait été jadis depose sans que lesmotifs de cette resolution eusseut été pré-sentes a l'ambassade et qui, excellent adini-nistrateur, était, disait-il, sollicité par les suf-frages' d'une Principauté et rappelé par lesregrets" de l'autre : Constantin, fils d'Ale-

xandre Ypsilanti, et le client le plus constarn-nent fidele de la Cour impériale. La Russiepouvait parler aussi comme alliée de l'Empireottoman en faveur de ce prince. Sa MajesteImpériale", n'oubliait pas de dire l'ambas-sadeur, ne pretend s'arroger aucun droit pour

1

2Ibid., p. 369.Ibid., pp. 369470.

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la nornination des princes, ni en attribueraux Valaques :A aux Moldaves; mais l'intéretqu'elle doit A ces deux provinces lui fait voirun moyen certain d'assurer le bien-etre del'une ou de l'autre dans la nomination duprince Ypsilanti A celle des deux Principautes,que quiltera l'Hospodar Soutzo", adrninis-trateur", pendant quelques mois, de ces deux..provinces 1

Aussit6t apres avoir gagné ce point, Ypsilanti ayant été nommé a Bucarest, la Franceet la Russie avaient soutenu pour le Siegemoldave Alexandre Mourousi. La Russie fitpresenter par son consul a Jassy, H. de Bol-counov, les plaintes des deux pays contre lesabus sans nombre commis par les princesantérieurs et surtout par le gouvernementottoman, au rnépris comOet des privilegesaccordés par les traités et les firmans.

Le résultat de cette intervention fut le re-nouvellement de tous ces privileges, en partantdu traité de Keutschuk-Kanardschi, maissans ancune mention de ces anciens traités-conclus par les Principautés elles-memes queles bdiars avaient prétendu retrouver en 1772.A la suite de cette confirmation il est dit ex-pressément que l'ambassadeur de Russie ademande l'addition" de certains articles nou-veaux, et, A savoir, d'apres le droit qu'a cette.

I Ibid., pp. M1-372.

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Puissance d'intercéder en faveur des deux pro-vinces, droit accordé par les articles du traitéqui existe entree elle et la Sublime Porte".Il était établi pour la premiere fois quele Hospodar" regnera sept ans entiers, amoins de délit avéré" et vérifie" par l'am-bassade impériale aussi bien que par le gou-vernement ottoman : il sera't alors, mais dansce seul cas, permis de le deposer". Ce princedevra prendre en consideration" les représen-tantions du consul de Russia, qui ne prend pasencore le titre de Puissance protectrice, en ce quiconcerne l'ass'ette des impôts, ui restera celledéjà fixée par le séned de 1783 et tous espoints fixes dans 1 nouveau privil' ge. Cespoints concernent surtout les pr visions quidoivent etre fournies a la Turqu'e, dans desproportions et a un prix qu'il ne sera pluspermis de changer, et les dro'ts des bolar ,des indigenes surtout, qui resteront les vraismaitres du pays, leurs collegues grecs n'étantque tolerés, de fix r le budget, d'administrerles revenus des hôpitaux, écoles, chemins etautres objets semblables, particuliers a la pro-vince" et ceux des fondations piettses, de dé-fendre leurs biens contre l'appétit des princes.En plus, cette intervention russe assurait a laMoldavie et a la Valachie le retour de cesbiens-fonds usurpés dans le rayon des forte-resses turques qui avaient été, A plusieursreprises, réclamés par les anciens propriétaires.

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11 n'y avait dans ce privilege, le plus largequi ent été accordé aux Principautés a l'é-poque des Phanariotes, rien de spécialementfavorable aux intérets de la Russie elle-meme;II ne contenait que l'accomplissement desArceux exprimes a plusieurs reprises par lesboTars des deux pays ; il ne faisait qu'établirla base solide d'un gouvernement qui auraitfait une part égale aux droits tradit:onnelsde l'aristocratie indigene et A l'autorité, né--cessaire, d'un prince qui n'aurait pas vécus us la menace incessan e d'une destitutionpour les m tifs les plus futiles et meme sansautre motif que celui d'un caprice victorieux

u d'un inter t .opinAtre. En agir ainsi avecles Principautes c'était certainement le meil-eur moyen de se gagner une influence pro-

fonde et durable sur l'esprit de tous ceuxqui étaient capables de concevoir un avenird'ordre et de securité pour leur patrie.

Si le consul de Russie A Jassy s'évertuaitdémolir le trône de Mourousi, considéré

comme agent de l'empereur des Francais 1,aucune autre unmixtion de la- Russie ne ye-nait détruire l'impression produite par cetteintervention efficace: De plus en plus Ypsi-lanti, qui soutenait la révolte serbe, encou-ragée par la Russie, devenait un element im-portant pour la politique russe en Orient, et

1 Ibid., p. 394.

a

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on pensait déjà, peut-etre, a renouveler en safaveur ce projet de l'Union des Principautés,ry compris la Serbie meme, pat l'inspirationet sous l'influence permanente de la Russie,qui avait échoué sous la forme de la candi-dature étrangere de Patiomkine.

11 avait eta' question cependant d'un pas-sage des Russes par les Principautés, en1805, lorsque la Turquie paraissait disposée

renouveler, avec la Russie ejle-meme etl'Angleterre, les conventions de 1789 et 1799dirigées contre Napoleon. Au mois de sep --tembre, les regiments russes se seraierit trou-ves aux frontieres de la Moldavie, dans lebut de commencer une action militaire, sous.les ordres du general Michelson; on auraitpris déjà des mesures pour établir les ma-gazins de provisions nécessaires a une ar-mee de 25.000 hommes. Deux armées se se-raient saisies des Principautés, au premiersignal d'attaque et de menace que donneraitla France" . Et, quant l'ennerni que la Porte avaiten vue a ce moment, c'était encore l'Autriche;on suivait avec apprehension les pour-parlersqui continuaient entre le ministre des AffairesEtrangeres du Tzar et le general Meerveldt,dmbassadeur d'Autriche a Pétersbourg, car oncraignait un arrangement entre la Franceet l'Autriche sur un agrandissetnent (alai de

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l'Autriclze aux dépens de la Porte!. 11 fa,lutque Meerveldt fit des declarations solennellespour dissiper ces suspicions; mais déjà lesFrancais étaient en Dalmatie, menagant les in-térets nouveaux que la Russie venait de secréer en Serbie 2.

Des le commencement de cette nouvel eannée 1806 la penetration française, autantque les intrigues de l'Autriche, avait faildiscuter dans le Conseil du Tzar l'idée d'uneoccupation des Principautés, pour se pre-munir contre une offensive turque que Na-poleon cherchait a provoquer de tons sesmoyens 3. On s'était decide a ne p1 is to-lérer les raids du Pacha de Vidin en Vala-chic; des troupes se rassemblaient a Odessapour empecher l'entrée des Francais en Mo-rée ; les Bouches de Cattaro recevaient une

arnison russe, alors que le drapeau de l'Em-pire était arbore dans les ports de 1'Albanie4.

On paraissait vouloir procéder du Ole deNapoleon au partage des ttats du Sultan, et laRussie ne pouvait Pas manquer a l'appelCe qu'on faisait n'était done pas un ,nou-veau chapitre de l'expansion conséquente de

Actes et fragments, pp. 402, 465.2 Ibid., p. 406.

Ibid., pp. 406-407.2 Ibid., pp. 408-409.

15

'

2

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cette Puissance en Orient, oft elle avait eutoujours l'initiative, mais bien un incident na-lurel de cette politique de bouleversement in-augur& par celui que son genie venait defaire l'arbitre de l'Europe. Une conventioniranco-russe venait A peine d'etre conclue le20 juillet et les Russes avaient évacué Cat-taro, lorsque Sébastiani, le représentant del'Empereur A Constantinople, amena, en sep-tembre, la Porte A violer ouvertement lesengagements pris en 1802 en destituant aussibien Mourousi que Constantin Ypsilanti, commetraitres A ses interets.

Cet acte est qualifié par l'ambassadeur deRussie comme étant certainement l'attaque laplus directe port& A la dignité, aux intérets etaux droits de la Russie" et il en attendait, si unerevocation n'intervenait pas aussiteit, une rup-ture formelle" 1 Or, cette revocation la Turquiene pouvait pas la conceder, sous la pressionmenacante de celui qui était devenu maitrede ses destinées. L'Angleterre s'y employacependant si encrgiquement, que Mourousi, re-venu hardiment A Constantinople, et memeYpsilanti, qui s'était enfui en Russie, furentrétablis, le 17 octobre.

Mais des le-23 une note russe avait si-gnifié au Divan l'occupation des Principautés,comme mesure de precaution, command&

I Ades et fragments, p. 409.

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var la ti&essité la plus absolue". Un peuplus tard une nouvelle declaration corrobo-Tait la premiere; elle ajoutait cependant l'as-surance la plus formelle que Sa Majeste 1m-périale sera prête A retirer ses troupes desdeux Principautés aussitôt que la Porte auradonné une fois la satisfaction sur tous lesgriefs que la Cour impériale est en drollde former a sa charge, d'apres les stipulationsles plus precises qui subsistent entre lesdeux Empires" I.

C'était, il est vrai, un peu vague, et laRussie, qui était de nouveau en guerre avecla France, pouvait prolonger d'une maniere,indéfinie cette occupation, attendant que rat-titude de Napoleon, qui avait voulu l'ecarterde tout projet d'agrandissement en Orient,se fat précisee. A la fin de l'année, la di-plomatie du Tzar s'était bornée A deman-der encore, comme condition indispensable/rune evacuation, le maintien du repos etde la tranquillité dans les deux provinces etsur les frontieres des possessions russes",..la liberté du passage du pavilion russe",et le renouvellement du traité avec l'Angle-terre" 2.

Or, le 5 janvier 1807 la Porte déclaraitla guerre A la Russie, noa pour l'occupatioa

1 Ades et fragments, pp. 411-412. Cf. ibd., pp.412-413.

2 Ibid., pp. 415-116.

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meme du territoire roumain, mais, d'une ma-niere si malhabile, pour ces privileges inemesde 1802 qui auraient rendu la nomination-du Voévode dans ces deux provinces de lapart de la Porte un objet de derision 1".

Le 3. ieil Alexandre Ypsilanti allait exp:erle crime de son fils. Le general Dolg roukientra kjassy seulement le 29 novembre 18 6,et les forteresses de Bessarabie, Hotin, Ben-der, regurent des garnisons russes.

Bucarest, oü rean de Roustschouk avaitfait saisir, avec trois bolars et un eveque brecle consul de Russie, Luc de Kiriko, et oft Mou-stafa Baractar avait fait son entrée, avec 12.000Turcs, le 12 décembre, recut les Russes quel-ques jours plus tard seulement. Ypsilanti yrevint bientOt, avec Michelson, le 27 d cembren. st., comme factotum, et ron cro3ait a Con-stantinople qu'il s'était fait proclaMer roi de.Valachie, Moldavie et Bessarabie, et qu'ilaurait eu meme des visées du côté de laSerbie. De fait il était maitre des deux .Prin-cipautés 2 et en portait le titre dans ses-chrysobulles, malgre les protestations de sesboYars refugies en Transylvanie 3.

Actes et fragments, p. 418.2 Ibid., pp. 418-420.

R. Rosetti, dans les Annales de l'AcademieRoumaine, XXXI, pp. 488-491.

I

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Pendant tout ce temps on n'a aucune preuvesde relations entre la Russie et les boYars con-cernant l'avenir de leurs pays. IL n'y avait pasmerne un Divan révolutionnaire: on gardaitle prince qui. avait eté écarté contrairementaux traités ; si Mourousi avait consenti aTester A Jassy, on l'aurait conserve aussi dansses foncrons.

S'il y eut une armee roumaine comme au-xiliaire des Russes, contenant aussi des Ser-bes qui avaient combattu sous Carageorges--tout un regiment sous un drapeau special 1,si cea .3.500 Valaques" aiderent vaillamment legeneral lsaiev dans les luttes en Olténie etmeme en Serbie 2, c'etait l'affaire personnelledu prince Ypsilanti. A chaque occasion ladiplomatie russe parlait de la ferne intent:onqu'avait l'empereur Alexandre d'évacuer lesPrinc;plutés aussitOt que les Turcs rentrerontclan., la l galite.

Telle était la situation au m6is de juillet,lorsque 1 entrevue d'Alexandre avec Napoleonparut ch. nger radicalement, et pour longtemps,les rapports entre les deux Emp;res. Onavait déjà parle a Tilsit de réventualite d'unpartage de l'Empire ottoman, déchire par

I Voy. Iorga Relations des Rontnains avec les.Serbes, Bucarest, 1914.

2 Cf. aussi Actes et fragments, II, p. 425.

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la révolte qui avait ravi a Sdim III le trôneet la vie, mais pour le moment Yeripereurde Bussie, gagné par l'influence magique qu"exergait sur lui la personnalité de son rival,.avait consent! a abandonner, non seulementCattaro et les Iles Ioniennes, mais aussi les Pri-n-cipautés. La mediation francaise atnena, le 24aofit, Lachkarev étant plérapotentiaire, la con-clusion de l'armistice de Slobozia pres deGiurgiu, et la Porte avait déjà dirige vers }cursCapitales les nouveaux princes, Alexz-ndre Sutu.et Scarlate Callimachi, bien qu'Ypsilanti ffltrevenu a Bucarest le 8 aoüt n. st. 1 Ce der-nier, qui se plaignait de la trah;son mosco-vite a son égard, dut quitter pour quelquetemps sa patrie 2.

L'armistice, qui fut ratifie par Meyendorffa la fin d'aofit, prévoyait une evacuation ra-pide, le Divan ayant clCsormais l'administrationdes Principautés. Les plénipotentiaircs devaientse rassembler aussitôt a aucarest pour dis-cuter les conditions de la paix, en la presencede Guilleminot, délégué Je Napoleon. Pour lemoment on y célébra solennellernent le lourdu nom du Tzar. Et, lorsqu'on était sür d'a-voir tout acheminé sur la bonne voie, un or-dre arriva de Pétersbourg, dans la nuit de 12au 13 septembre, qui mit fin aux préparatifs

Actes et fragments, II, p. 423 et suiv.2 Ibid., pp. 425-427.

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du depart. Lachcarev rassembla les bdiarspour leur signifier ce changement a vue, eten attendait le retour d'Ypsilanti, qui avaitdéjà désigné son lieutenant. De fait le victorgeneral Prozorowski arriva a Bucarest le 27octobre pour prendre la conduite des affairesCe ne fut que plus tard instaila l'ancienpr;nce dans la Capitate valaque, prenant lui-meme residence a Jassy. et Ypsilanti conti-nua ses fonctions jusqu'à l'arrivée, le 1-er mars1808, du senateur Couchnicov comme presi-dent des Divans et chef de l'adnfrfstrationLes bdiars avaient demandC, le 28 aoilt v.st., une annexion de leur palrie a la Russie,comme celle de la Georgie et de l'Imérétie 2

Des la fin de l'année 1807 se répandit, p, rles agents russes, un bruit qui remettait denouveau en discution, pour la troisieme fois,le vieux projet de la Dade. La 7 ransyl-vanie", écrit, de Hermannstadt-Sibiiu, le 3.novembre, le diplomate prussien Senft dePilsach, allait être cedie par la Maison d'Au-triclie et jointe a la Moldavie et It la Va-lachi0, sous le nom de royaume des Dacespour appartenir au Grand-Duc Constantin de-Russie" 3. Si c'était bien l'intention de la Rus-

Actes et fragments, II, p. 436.' V. A. UrechiA, Istoria Romtinilor, IX, pp. 176- 77I Actes et fragments, II, p. 443.

qu'il

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sieKiriko l'affirmait publiquement, l'Autri-che, de son cede ou au moins depoursuivait la seule annexion de ces provinceset le roi de Prusse soupconnait que Napo-leon avait été gagné a ce projet. De fait, ilfaisait dépendre la liberation de la Prusse,occupee par les arrn..es, de l'abandon desPrincipautés par la Russie 2.

Pour gagner l'Autriche elle-meme Li sa po-litique, la Russie alla plus loin. Elle donna,desirant empecher l'annexion p- re et simple,une quatrieme forme au proj t de la Oacieet la fit longuement discuter, en 1808 et m" nependant l'année suivante. Apres qu'Yp ilantipartit de Bucarest pour s'etablir a Kiev,on lui donna quatre-vingt villages de serfs,du domaine de la Petschersca3, oit il de-vait mouricl, se forma un projet de ma-riage entre la Grande-Duchesse Ca herin ,

scour d'Alexandre I-er, et de celie-qui refusad'épouser Napoleon et I archiduc Jean"

frere de l'Empereur François I-er et lefutur vicaire imperial de 1848,A conditionque l'archiduc s'etablisse ici (a Petersbourg)",ecrit un diplomate tres bien informé, la Rus-

I Gturdza, ouvr. cite, 1, p. 911.2 Actes et fragments, II, p. 435. Cf. ibid., p. 439.8 Denis l'Ecclésiarque, dans Papiu, Tesaur, 11,

p. 218.Voy. aussi Langeron, dans Hurmuzald, Suppl.p. 110.

l'011eniel,

13,

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sie voulant alors lui abandonner la souverainetéde la Moldavie et Valachie et aplanir par cet.arrangement les contestations qui pourraients'êlever a cet égard entre les deux Cours"1.On park de ce projet en avril et en mai 1808.Comme l'archiduc Jean ne se montrait pasdispose a devenir !mince souverain" de laRoumanie future, on pensa aussi a un desfreres de l'impératrice, seconde femme deFrançois, Ferdinand. Vraisemblablement".&rivait le meme ambassadeur, s'agit-il dedonner a ce prince tine existence indépen-dante, et l'on suppose que la possession dela Moldavie et Valachie pourrait bien lui tom-ber en partage, si le mariage projeté a lieu" 3.Encore une fois cependant, Vienne, qui avaitses projets particuliers et exclusifs, ne montraque peu d'empressement" 3. Au mois d'avril1809, cet archiduc Ferdinand était destine amarcher avec la noblesse hongroise, appeléeen arms, de concert avec des Tures sous les.ordres d'officiers francais, en Moldavie, contreles Russes, s'ils s'avisaient d'attaquer l'Au-triche. A cette époque la Grande-Duchessequi devait etre reine sur le Danube roumainépousait le prince d'Oldenbourg 4.

1 Ades et fragments, If, pp. 436-437.2 Ibid., p. 440.

Ibid., p. 441-4 Ibid., p. 445.'

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Jusqu'à ce moment les Russes n'avaient etraucune relation plus intime avec les Roumainsque ia petitions sporadique mentionnée plus.haut. Elle ne leur avait rien propose et n'a-vait jamais consulté leurs preferences. Oane trouve ni petitions, ni projets de plus-haute envergure. La situation générale 6-tait trop changeante pour pouvoir s'engagercomme a l'époque, Op lointaine, par lesidécs et les sentiments aussi hien que parl'espace, de Catherine II. Les attaches des.boTars a la cause russe ne furent done quepurement accidentelles. A Bender, qui fut faci-lement conquise, les troupes impériales avaienteu le concours d'un Catargiu ; un prince Can-tacuiene, ataman des Cosaques, se trouvaitdans le détachement qui se saisit d'Akker-man; une troupe indigene fut organisée parun autre membre de cette meme famine. Cene fut cependant que par les avantages queleur rapportait la domination russe qu'un parti-&voile au Tzar se forma a Jassy et sur-tout a Bucarest. Parmi ses membres, des.(Mica, des Brâncoveanu, des Grädisteanu,certains avaient encore d'autres mdtifs de seranger de ce côté-la: on expliquait l'attitudede Constantin Filipescu, non seulement parses instincts dominateurs, mais aussi par tinecertaine sitivation de famille peu avouable_Constantin Varlaam, factotum des génerauxProzorowski et Miloradovitsch, avait pass&

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sa jennesse, comme offider russe, A Moscou.et A Pétersbourg et, enfin, le Métropolite Ignace avait, comme tous les Grecs, des sym-pathies nationales pour la grande Puissance-orthodoxe, qui devait les délivrer du joug,ottoman sans devenir jamais la voisine me-nacante du nouvel ttat hellénique 1

Mais des le mois de février 1809 desconferences russo-turques avaient été-ouvertes.A Jassy et la. diplomatic du Tzar réclamaitimperieusement, s'appuyant de l'amitie fran-galse, la cession des Principautés 2 L'entrevued'Erfurth (12 octobre 1808), réédition de cellede Tilsit, avait scene le sort de l'Empire ot-toman et, conformément aux prescriptions del'acte secret conclu A cette occasion, ,,Sa Ma-jesti l'Empereeur Napoleon reconnait la reu-nion de la Valachie et de la Moldavie et leslimites de l'Ernpire russe de ce côté porteesjusqu'au Danube". Des le mois d'octobre pre-cedent, l'ambassadeur de France A Constantinople, Latour-Maubourg, regut l'ordre for-mel de soutenir cette demande3. La guerred'Espagne avait rendu Napoleon particulie-rement traitable sur ce point, et la guerre

1 Anna les de l'Académie Roumainem, XXXII,p. 182.

2 Ades et fragments, II, p. 444.' Hurmuzaki, Suppl. II, pp. 623-577.

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que lui avait déclaree l'Autriche devait bientOtle rendre encore plus,

En avril cepen t les hostilités avaientdéjit repris, le Grand-Vizir lui-meme prépa-rant une offensive ; on croyait que les Russesêvacueront la Va achie 1 Un ultimatum duTzar fut refuse, delibéremment, par le Sultan,au mois d'aoat. Les attaques russes contreBrAila, Giurgiu et Kladovo échoua.ent tour Atour. Prozorovski succomba A remotion deses défaites.. Son succeseur, Bagration, quiepousa une Vadrescu, pendant son séjour aBucarest, fut plus heureux. II arriva a sesaisir de Braila, oft les Turcs furent mas-sacres sans pitie, sinon de la forteresse d'Ismail,sur laquelle planait encore l'ancismie &irede son premier conquérant, Souvorov. Deson côté, Isalev , le commandant de cesRusses de l'Olténie, qui étaient soutenus parune insurrection roumaine, parmi les chefsde laquelle on rencontre ce petit-bolar, fitsde paysan, Tudor Vladi nirescu, destine Aconduire en 1821 le grand mouvement deliberation sociale et patique de la classerurale , entrait dans Kladovo et dans Ne-gotine aussi. Le successeur de Bagration,rappele en Pologne, Kamenski, homme rudeet dur, sans pitie pour lui-meme et pour les

I Actes et fragments, If, a cette date.

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autres, introduisit une d'scipline rigide nonseulement dans l'armee, gull mena dans laDobroudscha et au siege de Silistrie, maisdans la vie civile méme, defendant les blls,la musique et jusqu'eux promenades des bo-Yars dans les rues de Bucarest, alors qu'il or-donnait a ses soldats de ne pas faire souf-frir la population roumaine. Pendant qu'Isafevcontinuait ses succes le long du Danube, lemaréchal prenait aussi, en 181i9 et 1810, Turtucaia-Toutrakan, Bazardschik (mai-juin 1810et Cavarna, Sichtov et Rasgrade (juin), Si-listrie, voire meme Trnovo, l'ancienne Ca-pitale des Tzars bulgares. Un grand butinfut gagné a Roustschouk, qui fut saccagee ;les soldats s'étaient tellement enrichis qu'ilsjetaient dédaignensement un ducat pour unmorceau de pain et une mesure de vin. Laréddition de Giurgiu et de Silistrie ne pou-vait plus tarder (octobre), et IsmaIl, affamee,ouvrit de nouveau ses portes aux Russes I

Des le mois de mai 1810 la Russie avaitfait connaltre formellement l'annexion desdeux Principautés; les agents consulaires fu-rent invites a quitter leurs postes. Le Metro-polite Dosithée Philitis avait été remplacé,comme partison des Turcs, par le GrecIgnace ; des le mois de janvier ; on croyait aVienne qu'il avait comploté avec Ypsilanti

1 Donis l'Ecclesiarque, loc. cit., pp. 219-220

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pour le maintien de cette situation ambiguequi devait preparer le royaume de Dade".Le poste de vice-president du gouvernementvalaque- avait été confié a tin simple officier,le general Engelhardt 1 Sur les nouvelleseditions des livres liturgiques, stir les fron-tispices des églises -qu'on inaugurait, le Tzarfigurait comme maitre légitime, comme ,Mos-spodar" des deux pays, réunis désbrmaissous sa sujétion.

Au mois de juin 1810 ou maintenait ducôté de la Russie les anciennes conditionsde paix, que Kamenski lui-meme communi-quait au ministre prussien de Werther : larive gauche du Danube pour frontiere, uneConstitution pour les Serviens et vIngt mil-lions piastres de dedommagements" z. Onitait presque sfir a Pétersboutg que les Turcs,menaces jusqu'aux approches de Choumlaet de Varna, fi iiront par se resigner ausort qu'on voulait leur faire, et Napoleon de-clarait de nouveau, par son ambassadeur, leprince Kourakine, qu'il serait charmC devoir l'Empire russe agrandi des Principautesde Moldavie et de Valachie 3". II preparaitdéjà de nouvelles annexions en Allemagne

' Actes et fragments, 1[. p. 448.2 Ibid.g Ibid., pp. 451, 452. Maples dbc:arations, pp

456-7.

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titre de compensation 1 Un peu plus tailon declarait officiellement, de Pétersbourg, auxCours amies que la cession des Princi-pautes, offerte par Napoleon A son allie; était,,l'unique condition sine qua non de la palx 24g.

Comme l'Empereur des Frangais n'était pasarrive a arracher aux Turcs-cette concession,l'Autriche avait eté assurée par le Tzar quela Russie ne soutiendra pas la France dans lesefforts qu'elle faisait pour détruire la Monarhie.En octobre 1810 cette meme Autriche, reconci-Bee apparemment A son grand ennemi, alliée

la dynastie meme du nouyel Empire it-volutionnaire par le mariage de Marie-Louiseavec Napoleon, faisait de son snieux A Con-stantinople pour convaincre les Turcs qu'ilspouvaient bien demander des conditions depaix meilleures. Je crois", ecrivait Wer-ther, que cette Puissance finira par traverserentierement les projets de l'empereur Ale-xandre sur les provinces de la rive gauchedu. Danube 3". La seule frontiere admissibleest le Dniester, déclarait officiellement le Reis-Effendi si la Russie ne veut pas l'admettre,elL bien on defendra jusqu'A l'extrémité cha-que pouce de terrain 4".

On vit blentOt le motif de cette intervention

I Ades et fragments, II, p. 457.2 Ibid , p 452.1 Ibid., p. 453. Cf. p. 458.4 lbid., p. 454.

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peu amicale. L'Autriche s'était déjà assuréede l'appui de Napoleon pour empecher l'eta-blissement de la Russie en Serbie et touteexpansion ultérieure sur le Danube. En memetemps elle faisait sentir it cette ancienne fivalequ'on pourrait trouver un accommodement,et le Tzar lui offrait de s'arranger volon-tiers avec elle pour les districts de la Va-lachie qui pourraient etre el sa convenance"..Vienne s'obstina cependant a refuser touteentente là-dessus ; les Principautés devaientetre restituées tout simplement a leurs an-ciens maitres I.

Des le commencement de l'annee 1811l'ancien ambassacleur russe a Constantinople,ltalinski, se tenait a Bucarest ; un délégu&turc, Hamid-Effendi, arriva dans cette villeau mois de juin. On voyait bien, d'un ceitéet de l'autre, la propension a reprendre les né-gociations 2. Cette fois, on était stir des mau-vaises intentions de Napoleon, de plus enplus menagant et pret plutôt a installer sonbeau-pere autrichien sur ce Danube inferieurrepris aux Russes malgré une acceptation for-melle de leur établissement. L'Autriche refusaitune seconde fois de donner cette acceptation.On commençait donc a rabattre des anciennes

1 Actes ef fragments, II, p. 456.2 Ibid., pp. 458-459.

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241, 1

pretentions de 1810 : la Russie ,se scrait con-tentée de la Moldavie seule, et l'empereurAlexandre aurait mettle parte aux Autrichiens,en avril, de la frontiere du Pruth 1 Bamidétait venu seulement apres que la Porte edtét6 avertie des concessions qu'on pourraitbien lui faire.

II ne s'agissait done plus d'une, absorptiondes Principautés, mais seulement d'uae me--sure destinee a empecker dorenavant touteaffensive turque venue de ces forteresses quidepuis trots siecla euviron defendaient Ia Iron-,tiere de l'Empire ottoman, de Hotin a Akker-man et a Ismail. On ne faisait qu'etendre surune surface unitaire, jusqu'a uhe limite na-turelle, ce nom de Bessarabie qui s'appli-quait jadis au seul Boudschac, a la steppeau-dessus des bouches du Danube. Cetteextension de la nomenclature geographiquedatait, du reste, de l'epoque de Catherine 11déjà, quand on étaNissait le consulat russepour la Moldavie,la Valachie et la Bessardie;comme province separée des deux autres.Tout le territoire moldave qui se trouvait corn-pris entre les anciennes raTas leut etait réunidans cette conception.

La Porte continua cependant a se montrerinflexible. Ce fut le premier et le dernier -motdu négociateur envoyé 4 Bucarest II avait

1 Ades et fragmenis, 11, p. 459.16

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les ordres les plus précis du Grand-Vizir deTetourner sur-le-champ, si l'on ne se désis-tait pas de cette prétention I. Italinski et sonnouveau collegue, le vieux general Koutouzov,qui avait négocié jadis la paix de Jassy, de-tnanderent un terme pour en avertir, par cour-rier special, l'Empereur. Le Vizir tança sontlelCgue d'avoir c&16 stir ce point. Les Russesprenaient cependant A l'égard des sujets e-trangers dans les Principautes des mesuresdont un souverain peut seul avoir l'initiative2 .Depuis longtemps déjà Gabriel Barthlescu,revenu de Russie, exergait les pouvoirs tell-gieux supremes dans les deux Principautés,comme délégué officiel du Saint-Synoderusse.

Hamid quitta Bucarest encore en aoét, etltalinski, completement découragé, demandaitson rappel3 On était stir A Constantinopleque Napoleon attaquera le Tzar, et on vou-lait gagner du temps.

Ce qui changea la situation fut le mou-vement hardi du general Morcov qui réussitA cerner, en octobre, l'armée du Vizir dansune Ile du Danube.

Des négociations furent ouvertes alorsOiurgiu, entre Italinski, le general Sabaneiev

Actes et fragments, p 403.2 Ibid., p. 463 et sully.

Ibid., -pp. 443-4%.

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let le drogman Joseph Fonton, d'un cdté, avecles trots délégués du vaincu, qui savait bienne pas pouvoir opposer aux Russes une autrearmee, mais s'attendait A les voir partir eux-memes pour faire face A tin danger plus pres-sant. Certains cr yaient déjà qu'on s'entendrasur la frontiere du Pruth, mais on parlait'encore a Petertbourg de celle du Danube.Le Pruth ou la guerre; Ismail seule auraitsuffi pour vous payer la guerre; or vous a-vez quatre forteresses et une belle province",-fut la decision offtc:elle du Grand-Vizir, quiattendait a Roustschouk. Bien que les Turcs,cernes eussent eté contraints de capituler,Koutouzov paraissait avoir gagné aussi leterritoire entre le Pruth et le Sereth ; onprétendait cependant, du côté des Turcs, con-server, avec les bouches du Danube, !smallet Kilia. Le 14 décembre le general russe en-trait A Bucarest au son des cloches et aubruit du canon, en restaurateur de la paix.On assunit, malgré l'arrivée des plénipoten-'takes turcs, qu'on n'attend que la rat fica-lion du Tzar. Or Alexandre ne voulut pasabandonner les forteresses du Bas-Danube.En février 1812 l'armistice fut romp parKoutouzov, qui considérait déjà comme sim-ples prisonniers de guerre ces Turcs danslesquels ii avait d'abord reconnu des hôtes.Le Sultan, de son cOte, avait oppose de nou-

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veau sa resolution inébranlable de ne plusTeculer.

Napoleon preparait déjà son invasion. LeTzar consentit a renoncer au delta danubien..Des le mois d'avril une partie des troupesrusses durent quitter furtivement la ligne duDanube, oil ii ne fallait pas méme penserune nouvelle offensive. Ce qui accrofssaitlesapprehensions des Russes était la certitudequ'on avait de rentente, conclue au mois demars 1812, entre la France et l'Autriche, quin'avait jamais perdu de vue les Principautes.,

Si Andreossy, l'ambassadeur, longtemps at-tendu, de Napoleon, était arrive it Constan-tinople a ce moment, les Tures auraient puconclure une paix qui n'aurait pas dirninuéleur territoire. Mais des retards inexplicable&dans le voyage de cet érnissaire inspirerenta. la Porte fine defiance bien naturelle. Elle-craignit de perdre-cette conjoncture favorable,tout de meme, aux interets tures.

D'autant plus qu'Alexandre 1-er s'était de-cide a brusquer les choses cate que couiteen envoyant un nouveau plénipotentiaire dansla personne de l'amiral Tschitschagov, sonintime: ii devait menacer les ennemis d'unenouvelle expedition et theme de la rdvoltedes Grecs et- de taus les orthodoxes. C'etaitpour la premiere fois qu'on pensait que desnatiods existent sur ces territoires envahisou menaces.

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Les' Grecs Capo-d'Istria et Barozzi, le Rou-main Scarlate Sturdza et son fils, Alexandre,jeune homme des meilleurs espérances, l'ac-compagnaient dans ce but. Et le Tzar parfaittu came temps avec compassion des hor-reurs qui avaient été commises contre tinepopulation inoffensive, secourable meme' jus-qu'à la derniere Simile de ses moyens: ii nevoulait plus les tolerer.

Tschitschagov, commandant en chef deVarmée du Danube, de la flotte de la MerNoire et gouverneur general des Principautésde Moldavie et de Valachie",_ etait a Jassyseulement, lorsque Koutouzov, qui n'enten-Aait pai-que ce jeune rival lui ravIt l'honneurde conclure la paix qui devait couronner sesTictoires, annonga a l'Empereur qu'il venaittie s'entendre avec les Tures en acceptant lesconditions que ces derniers avaient presen-tees an mois de novernbre dernier et quicontenaient la cession de la Bessarpbie seule,hais avec Kilia et IsmaiL Le 28 mai n. st.les preliminaires a vaient été déjà sign6s.Les Turcs se consolaient avec l'idee que, siNapoleon allait briser la Russie, ils pouvtaientNen tirer parti des trots mois fixes pourl'évacuation du territoire qu'ils avaient aban-donne. En juillet, comme l'expédition Iran-caise trainait en longueur, les ratificationslurent échangees, a Bucarest meme. On s'é-tait borne a executer comme traitres les deux

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Mottrousi, auxiliaires des negociations.- -11 Jautmentionner aussi que, de leur cbte, les Russesavaient voulu employer leur presence" danrles Principautés pour alter en Transylvaniepanic la trahison de l'Autrichel.

Void dans quels termes Tschitschagov an-noncait, le 14 aoCit, le depart de ses troupesaux Divans des deux pays : L'armée duDanube quitte votre pays. La guerre -quil'avait conch:Re parmi vous est terminée.Vous- allez jouir de votre repos, sous les loisd'un gouvernement auquel vous etes accou-tumés et qui dolt, par consequent, vous con-venir (!). Vous avez soutenu le fardeau de krguerre- avec constance et libéralité; vas sa-dcrifices sont connus. Leurs motifs vous honorent et Sa Majesté l'emperseur Alexandre vous,est reconnaissant. Le bonheur de votre -pa triea été l'objet de sa sollicitude paternelle. Vous.en avez eu des preuves. Ses intentions you&étaient favorables. Napoleon, l'ennerni de l'in-dependance des nations et des Souverainstraine l'Europe enchainée sur les plaines im-menses de la Russie. La brave armee qui acommandé votre admiration par ses exploitsmilitaires, va eueillir de nouveaux lauriers.Accompagnez-la de Vos vceux 2."

Almees eitees, p. 160 et suiv.Actes et fragrnents,41, pp. 455-486.2

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Pendant ces six annees de 1 occupation russeun certain nombre de Moldaves avaient etéemployes dans l'administration du pays etdans la conduite des troupes lie Catargiu,propriétaire de terres sur le Dniester, avaitle rang d'un general; Emmanuel Bals, deSirauti, dans les memes parages était colonel..Un Roumain de cette Bessarabie qu'on x e-!mit d'annexer, Dicescul, fut chif de la po-lice a Jassy. II faut citer aussi un gen6r,.1-lieutenant du nom de Nicorita .

Mais ce fut tout. Les membres des dtxx.Divans ne furent inities, sous Ypsilanti ou sousles généraux qui le remplacerent, a aucundes secrets de la politique imperiale, qui, du,reste, manquait completement de direction etattendait a chaque moment que les evénementseux-memes lui indiquassent la voie a suivreAu lieu d'avoir, comme du temps de Ca-therine, des conciliabules avec les chefs del'aristocratie indigene pour leur demander leuropinion et leur faire exprimer dex vceux, des,conflits regrettables éclaterent avec quelqaes-uns d'entre eux, comme lordachi Catargiu, qui,a peine revenu de Paris, fut emmené au-dela.du Dniester, comme le vieux Vestiaire Roz-novanu, qui fut battu et traind par la barbeau milieu du Divan, comme le poete Conachi,

1 Voy. notre ouvrage roumain a r la Pease-rale, p. 142.

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un des nobles les plus influents et les plusd gnes d'estime, et merne ce Métropolite Ben-jamin Costachi qui est la plus belle fiurede son 6poque. Si Rodofinikine, le diplomated'origine grecque qui avait joué un grand rOlea Be grade, proposa la redaction d'une adresseau Sottverain de la Russie pour In( demanderrannexion de la Moldavie a ses Etats, nousn'avons pas cet acte et nous ne pouvonsjuger ni de son contenu, ni de la vajeur quepouvaient lui donner les signatures appostsau-dessous 1

Aussi la reunion de la Bessarabie ii l'Em-pire d'Alexandre I-er n'amena-t-elle guere unedes ces fortes emigrations de bans qui au-Talent entrainé sous Catherine !I deS centainesde sujets des premiers rangs, ayailt quitte ledistrict qui restait sous la domination paTenne.Cependant on avait conLe toutes les fonctionsa des Moldaves ; le gouverneur fut ScarlateStourdza, assiste de Mathieu Crupenschi ; desmembres des families Stourdza, Catargiu,Chin, Bal, Dimachi, Leon, Varnav, pour neciter que les noms les plus connus, eurent rad-ministration des districts et la charge deTecueillir les impôts. Si le Siege episcopal duBoudschak, oit on avait étabii des Bulgares,fut confie au Grec Demetre Soulima, Gabriel

I R. Rosetti, da Is les Annales de l'AcademieRoumaine", XXXI: ,Ardzives des Senateurs de Ki he-niev .

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BAnuleScu fut le premier éveque de Hotin etde ce bourg de Kichéniev, dont, A cause desa situation centrale, on avait fait la capitalede la nouvelle province.

II n'y eut, nearimoins, aucun empressementde la part des grands propriétaires qui avaientdes possessions d'un 'Ole du Pruth et del'autre, de venir s'établir sous le sceptre de l'EM-pereur chretien. Les borars se plaignirenf au-nouveau prince établi par la Porte, ScarlateCallimachi, de ce que la meilleure partie dupay's, l'Ame meme et_ la force de' l'approvi-sionnerrient, plus que la moitie de la Prin-cipauté, en un Mot la partie plaine et le cceurde la Moldavie", etlt été détachée du domainede Voevodes, obliges cependant a répondre

Tresor ottomin la meme somme de ;

ils se montr4rent léségi dans' leurs intérets parla nouvelle frontiere et ils eurent la naïvetéde proposer qu'une partie de la Valachie,jusqu'A la rivière de soit réunie-aux districts qui restaient encore A cette.Mol-davie mutilee, incapable de soutenir ses an-eiennes charges

Lorsque fa Porte ordonna une option, fixantun tune assez bref, un grand nombre des-chefsde l'aristocratie préférerent vendre leursbiens, a un prix tout A fail inférieur, auxpaysahs memes ou bien aux Grecs specula-

Codrescu, Uricariul, 1V, p. 343 et suiv.

au limpet

Plalomila,

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teurs, et ils demeurerent a Jassy, dans la Moldavie turque", aupres du hospodar grec".A la tete des emigres on trouve Jean Bal,Iordachi Cantacuzene et Constantin PaladiConstantin Maurocordato, qui avait declare'vouloir s'etablir eft- Bessarab.e, -changea d'o-pinion. Si on trouve parmi les nobles bessarabiens, munis désormais des privileges de la,nobksse russe, tin grand nombre de noms eonnus, meme des Ghica (Constantin et Etienne),des Cantacuzene (Constant n), des Stourdza(Jean), des Millo, des Rosetti (Basile), desCasimir, des RNscanu, des Rusu, des lamand;des Leondari, sans compter les représentantsdes famillts moins importantes, ii ne s'agit pa&d'immigrés, mais bien de personnes, d'uneimportance politique et sociale mediocre, que-l'occupation avait trouvées sur les seules pos-sessions thrriennes qui leur appartenaient 1 Et,.parmi ces petits boTars même, ii y en eut plus,d'un qu'un penchant naturel fit repasser lePruth, pour ne pas se separer de ces insti-tutions séculaires dont Tschitschagov avaitreconnu le droit aux sympathies constantes .de la nation. Mutant plus que des 1813 legouverneur n'etait plus Stourdza le Moldavemais bien un general d'origine finlandais-,.mais mule a une parente de son prédecesseur, Harting.

Notre Bessarabie", p 160 et suiv.

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L'atniocphere même de la vie publique étaitrestée moldave. La Constitution accordée parl'Empereur Alexandre, tors de son apparit on.a Kicheniev, en 1818, Constitution qui reposesur les anciennes coutumeq, fut publiee en rou-main aussi bien qu'en russe. On avait c n-serve dans les églises la liturgie roumaine,et on faisait venir de Al oldavie les livresusuels.

Lcs actes privés étaient rédiges dans larn-Ine langue que par le passé, et on l'em-pl yait, cette langue, aussi dans des contratsconfirmés par. Vadministration, dans les actesdes tribunaux. Les sceaux meme des officesavaient des inscriptions roumaines. Ce fut unGrec de Valachie, Manega, qui eut male lesoin de la legislation nouvelle, tout a faitoriginate, qui a été plus récemment étudieepar l'historien meme de ces événements, leRoumain de Bessarabie Kasso (Casu), ancienministre de l'Empire.

Mais tout cela ne contribuait pas a maintenir les anciennes relations avec les regionssises entre le Pruth et les Carpathes. Loinde chercher a suivre l'exemple de l'Autriche,qui employait sa province de langue rou-maine a attirer les autres Moldaves soumis al'arbitraire turc et a l'avidité grecque, la Russie,en établissant sur la nouvelle frontiere unecarantine presque permanente, paraissait, aucontraire, vouloir empecher toutes relations.

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entre les deux fragments de l'andenne Mol-davie. II ne faudrait pas d'autre preuve pourfaire volt que, cette lois aussi, ii n'y avait,pas la continuation qu'on s'imagine dune pa-litique consequente mettant tout en ceuvrepour arriver une annexion entiere et de-finitive.

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CHAPITRE IX.

La Russie et l'agitation constitution-nelle dans les pays roumains jusqu'à

l'Union des Principautés.

Mais a cOté de la politique russe proprementdite ii y en avait une autre, que faisait sousPegide et la responsabilité de la Russie cetelement grec, moins nombreux que l'elementallemand dans la diplomatie et l'armee del'Empire, mais tout aussi ambitieux et fgoIstedans la poursuite de scs propres intcrets.

Apris l'annexion de la Bessarabie, si Strogonov, un Russe d'ancienne souche, repré-sentait a Constantinople le Tzar, les fonc-tions consulaires Bucarest et A Jassy dai-ent entre les mains de Grecs authentiques,qui tout en poursuivant des buts- révolu-tionnaires, d'indépendance nationale, qui n'é-talent pas du tout ceux des Phanariotes,jusqu'alors simples parasites de l'Etat otto-man, n'en réussissaient pas moins A se ga-gner les sympathies de a's derniers princesrégnants, boYars, eveques, hégoumenes, pourles amener peu it peu a leur propre politiqueApres Kiriko, destitué en 1817, Pini etaitconsul de Russie en Valachie et Pisani enMoldavie. Ils étaient en relations avec cettesocieté mystérieuse, calquee sur les togesdes carbonari de l'Occident, l'Hetairie des

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amis", qui avait des ramifications nombreuses,et importantes a Odessa, A Taganrog, enCrimée et en Bessarabie meme, qui avaitAans les riches marchands ses bailleurs defonds, dans les diplomates comme Capo-d'Is-tria ses informateurs, dans les anciens prin-,ces refugies en Russie ses chefs. Tout enosant insinuer que le grand chef, l'arché",est le Tzar lui-meme, qui portait le grandnom du héros macédonien, on indiquait corn-me general de l'invasion prochaine dans lesPrincipautés, considérées comme terre grec-que, comme part:e integrante du futur Em-pire byzantin, Alexandre, le fils aine de Con-stantin Ypsilanti, of ficier russe glorieusementblessé dans les guerres contre Napoleon. 11

disposait de l'appui secret de l'Irnpératriceelle-meme, femme d'Alexandre I-er, qu'onsurprend plus tard s',nformer de l'expedi-tion", du depart du prince Ypsilanti 1

Alors que la vraie Russie traditionnelles'occupait apres 1812 seulement de gagnerA l'Empire, sans une nouvelle guerre, cesbouches du Danube qu'on avait dfl aban-dormer A la paix de Bucarest, abandonnantla Serbie meme A son sort , cette autreRussie, toute nouvelle, des consuls et desdrogmans ne cessa pas un seul moment uneagitation qui devait donner, par les Russes,

1 Actes et fragments, II, p. 5G2.

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rnais pas aussi pour eux, aux Grecs une-grande patrie, d la place meme de- cette By-.zcionce slave qui avait ité le reve de Cathe--rine

Les infractions aux traites et conventions,commises par les- princes phanariotes pour

-accroitre leurs -revenus, et celles _dont se ren--daft coupable la Porte elle-meme pour les enpun-ir, mais a son propre profit pecuniaire, fournissaient sans cesse le prétexte de nouveauxconflits. Mais ce ne fut pas sn Russie, maisbien en A utriche, que Jean Caragea (Karatzas),

hospodar de Valachie, s'enfuit a la suite d'une-administration éhontée, en 18181; son prin-cipal auxiliaire fiscal, Bellio, avait un parent--qui etait l'agent de son maitre a Vienne, etl'informateur des deux princes roumains enfait de politique exterieure, celid qui les re-présentait dans les cdhseils politiques de l'Eu-rope était, non quelque -diplomate de Peters-bourg, mais bien le fameux de Gentzun Metternich en sous-ordre.

Tel était l'état de preparation du. mouve-ment insurrectionnel grec, lorsque, en févtier1821, apres quelques retards, Alexandre Yp-silanti, qui s'était rendu en Bessarabie, dont-le gouverneur avait été le Grec Katakatzi,

L'Autriche prétendait que la Rutsie availla compromettre par ce passage sclu prince

fuyard; Ades et fragments, p. 531.

lui-ineme,

With"

11.

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passa le Pruth dans la compagnie d'un deses freres, de Georges Cantacuzene, licutenant-colonel de hussards, qui avait fait en 1818 levoyage a Constantinople, de Kalliarchi, freredu Métropolite d'Ephese et officier russe actiflui aussi. Des Grecs d'Odessa s'empressai6ntd'accourir sous le drapeau nouveau du Phe-nix ressuscité de ses cendres. Le prince mot-dave Michel Sutu était gagné a la tause,

finit par se resoudre a servir ouverte-ment, pour se réfugier ensuite en Russie, dansle but evident de la comprornettre. Le princede Valachie, le vieil Alexandre Sulu, venait demourir, ft des boTars grecs et grécisés dispo-saient de la régence ; Pini avait inscrit dansses registres le capitaine d'Arnautes lordaki,Aroumain de langue gr:cque, et ce derniercroyait pouvoir disposer des paysans levesce moment par Tudor Vladimirescu, affilie,Vienne, par lui-meme a l'Hetairie. On deman-dait ouvertement au prince de Wittgenstein,commandant militaire en Bessarabie, de fairemarcher les troupes du Tzar au secours d'unecausequ'il aurait connue et favorisée. Lorsque,enfin, la plebe musulmane de Constantinopleet l'officialité ottomane elle-meme se prirenta dormer la chasse aux restaurateurs in spede la.Constantinople chretienne, les fuyardss'onbarquerent pout Odessa. Les habitantsgrecs de cette Ville crurent reconnaitre dansun cadavre de vieillard jetk, par les flots celui

qu'il

itis

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du Patriarche Gregoire supplicié par les Turescomme traitre et ils firent participer le mondeofficiel a un enterrement qtti fut grandioSerDemetrius Ypsilanti, en uniforme imperial, re-crutait en avril 1821 des soldats a la, cause,de la liberté,

Nous ne poursuivrons pas les phases p4rlesquelles passala diplomatie russe, retenue parle traité de la Sainte Alliance, par l'horre4rconventionnelle contre tout mouvemeat révo-lutionnaire, fit-il dirige meme contre un maitre-musulman, envers ce mouvement persistantdont personne dans l'Europe entiere n'arrivaa se rendre maitre. Nlais le representant diSouverain qui, conformément aux traités, availle droit de protegee les tglises oricntates4d'Orient ne pouvait pas assister impassible anmassacre d'une population de meme religion etsurtout aux profanations intentionnellement cy-niques qui l'accompagnaient. L'occupation desPrincipautés par des millers de soldats tures,parmi lesquels des Asiatiques qui ne reculaientdevant aucun exces, était aussi une violation auxtraités, bien que la Porte n'eCtt eu, evident-ment, pas d'autre moyen, de rentrer dans sesdroits, atteints par l'insurrection. Et on n'a passignale suffisarnment ce detail que Tudor, quiarriva bientet A braver Ypsilanti comme re-présentant d'une cause tout a -fait étrangereau pays et qui succomba a une intrigue or-

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anisée par les Grecs qui entouraient le chef-de l'Hétairie, avait des coneiliabules avecl'Agent d'Autriche, Fleischhachel von Hacke-nau, et clue cet agent et son drogman, Udricki,furent initiés dans tous les secrets de la re-volution dans les Principautés.

It s'agissait pour la Russie encore une foistie regagner son prestige en Orient, ce pres-tige qui était comme tine condition indis-pensable de son existence morale. Elle com-mega par protester, puis elle rappela, enaotit 1821, son ambassadeur, ses consuls.Elle croyait pouvoir s'arreter ici, ittais lesaffaires de Morée, l'inunixtion des Egyptiensvenus an secours du Sultan, la tentative del'Angleterre et de la France de jouer, par l'in-tervention decisive de leur flotte au combat deNavarin, en 1827,1e premier rOle, pousserentle nouveau Tzar Nicolas a cette declarationde guerre qu'Alexandre I, son frere, avait éviteejusqu'au dernier moment de sa vie, prouvantpar sa longue endurance qu'il ne se consi-dérait pas comme le destructeur attitré dela domination ottomane en Europe.

L'occupation turque dans les Principautesprovoqua une forte emigration des princi-paux boYars et des membies du clerge. Ceuxqui chercherent un asile en Transylvanie,-clans les anciennes places de refuge : Kron-stadt-Brasov et Hermannstadt-Sibiiu, dans

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la capitale de la Sucovine autrichienne, Czer-tiowitz-Cernhuti, dans certaines localitesde cette meme province et aussi en Bessa-zabie, comme ce fiit le cas du Métropoliteinoldave, Benjamin, n'avaient pas &é, engrande partie comprom:s dans le mouve-ment grec de l'Hétairie. Malgre: sa situationde fits de prince regnant, malgré sa descen-.dance roumaine par sa mere, une Vgarescu,niece du premier poete de la Renaissancenationale, le jeune Ypsilanti n'avait pas ren--contré cet azeueil sympathique qu'il se pro-mettait ; Paristocratie fit le vide autour desTeprésentants de cette cause, qui était pent;-etre bien celle de la liberté, mais pas de leurpropre liberté, et, quant au peuple, ii restaindifferent au mouvement jusqu'à ce que lessexces commis par ces étrangers les firentflak.

Mais on n'invoque jamais en vain ce prin-cipe de liberté, qui trouve ensuite sa vole parlui-même. Le spectacle de la Revolution hel-lénique precha d'exemple k ces boiars, élevés.en partie par des precepteurs etrangers. qui,etaient abonnés, par l'Agence autrichienne,aux journaux de l'Occident et pouvaient{Ione etre au courant des mouvements révo-lutionnaires qui ébranlaient la vieille Europe.Dans leur retraite, ils eurent le loisir de dis--cuter sur l'avenir qui attendait lear nation

une époque oü un nouvel ordre paraissaltA

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devoir s'établir a travers le contine-t entier..Et, comme le remede des abus. etait univer-sellement connu, on se mit a travailler a cettepanacée qui aurait été une Constitution.

Les bases de ces projets de Constitutionavaient éte posécs depuis longtemps, par cesboYars de 1772 qui avaient demandé unereorganisation de leurs patries et qui, apres-la guerre, avaient desire pour la Valachiel'administration d'un indigene, le vieux boiarEtienne Prascoveanu, par les petitionnaires va-laques de 1790, qui avaient en vue les me-mes changements intérieurs, et taut récern-ment, en 1818, par la noblesse rournaine deBucarest, qui, ayant provoqué la retrqe duMétropolite grec Nectarius, avait presenté a laPorte, entre autres vceux, celui que chaqueprince phanariote s'en retournat accompagnéde la clientele grecque qu'il avait ameneedans le pays. II y avait cependant des dif-ferences en ce qui concerne la modalité.

II y avait bien, surtout en Moldavie, loutun pa rti qui comptait sur le concours prete-par une Turquie dégagee de ses entraves etcapable de comprendre ses propres interets,.qui n'étaient guere ceux des parasites pha-nariotes. Ce parti devait se fortifier par !In-action de la Russie. On peut dire que lesbdfars de second rang qui etaient restesJassy sous l'occupation, entourant le cama-cam nornme par la Porte, Etienne Vogorides,

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van Grc fidele, entendaient ne pas s'a-,dresser a un autre trône qu'á celui de leurSouverain légitime et obtenir de la grace seule4:In Sultan ce qu'ils désiraient : en premiereligne le rétablissement du regime des princesindigenes élus par le pays lui-meme et con-lirmés seulement par la Porte.

Mats les principaux membres de l'ar;sto--cratie moldave et celle de la Valachie sans-distinction s'adresserent a la Russie, avec ousans l'intervention incitatrice de Pini, qui, dansson exil de Transylvanie, continnait l'ceuvre1 !aquae il s'était consacré.

II y eut d'abord, pour poursuivre cetteaction libératrice, un parti de conservateurs,,dépendant des indications du consul. 11 étaitcompose du Metropolite, le Roumain natio-naliste" Denis Lupu, du Grec, tres cultivéet remnant, Nicolas Mavros, de certains mem-lares des families Filipescu et Ghica, de JeanSamurca$, un des chefs de l'Olténie-. Ils seprosternaient aux pieds du treme de Sa Ma-jesté Impériale", au nom de notre sainte et,commune religion", comme en 1770,pour rappeler les anciens privileges du pays,continuellement négliges par les Turcs, quin'avaient pas' conquis notre patrie par la

force des armes4, et on invoquait même, pourla premiere fois, ce precedent de liberté qui-ktait le regne, soutenu par la victoire sur les

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Inhales, de iSi:chal-le-,Brave. La solution detoutes les dgicultés aurait été l'annexion a la-Oussie, la domination" de cette Puissance,.avec les droits et privileges que Sa bonte.et Sa justice" celles de l'Empereur luidicteront". L'Ame bienheureuse de rimmor-telle Catherine Seconde, de glorieuse né-moire", était-il dit encore, prendra part, dans .les habitations celestes, a notre bonheur, dontelle traca le projet", realise par la volonte dece nouvel Xexandre-le-Grand qui est le Tzar 1.

Les jeunes bolars, formés a l'école liberalede l'Occident, qui avaient gagné aussi l'adhe-rence du grand et riche seigneur qu'était leBan Grégoire BrAncoveanu et eche du re-muant Constantin BAlAceanu, parlaient des.mémes choses, mais dans tin autre style. Lejargon rëvolutionnaire etait A la disposition,de leur secretaire, le Grec Alexandre Vellarasdestine A jouer plus tard un grand role. Une-deputation de seize serait envoyee A Peters-bourg pour anoncer les intrigues de Pini etdemander une complete réorganisation -de laValachie, accabree d'impOts et "ruin& par umgouvernement constamment incapable. On ale programme ataillé de leurs revendications,.qui contenait, bien entendu, en premiere ligne,.le gouvernement par les seuls indigenes, Al'exclusion des Grecs ou plutOt des nouveaux.

liurmuzaki, X, p. 575 et suiv.

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Grecs que pourraient amener les nouveauxhospodars i.

Mais des la fin de l'annee 1821 la Portefaisait savoir aux delégues de la noblessemoldave qu'elle nommera un prince indigenechoisi au milieu de leurs chefs, et des firmansdates du mois de juillet de 1822 envoyaientA Bucarest et A Jassy, comme princes au nomdu Sultan, Gregoire Ghica et Jean Sturdza,.vieux boYars d'une indubitable halite.

Le émigrés ne vouhirent pas les reconnaitreen revenant dans leur patrie. On leur parlaitde la guerre qui devait NentOt eclater entrela Puissance protectrice et la Turquie, et ilsattendaient leur heure, tout un changementradical en lair faveur. Comme Ghica avaitsomme le Métropolite de donner l'exempk en.reprenant possession de son Siege et commeDenis Lupu ne croyait pas devoir courirrisque en revenant, on avait procede A l'ins-tallation d'un nouveau chef de l'Eglise 1m-laque ; les protestations de l'archeveque cbas-se de son Siege s'ajoutaient aux appelspressants que les bolars, dépouillés de leursrevenus, adressaient A Nesselrode et au nou-veau Tzar lui-meme. Le Metropolite moldaves'était montré moins inconciliable, mais leparti des réformes avec le concours de laRussie n'en continuait pas moins ses ag's-

I Mid., p. Lam et suiv.

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sements au-delA des frontieres, sous la con-duite de personnages aussi importants queIordaki Roznovanu, candidat au trône, et sonfits Nicolas, A peine revenu de l'étranger, Can-tacuzene Pascanu, Raducanu Roset, AlecuGhica, Alecu Sturdza et enfin le poete Conachi.Ils auraient préfere peut-etre la protection del'Autriche, immobilisée par cette politique deMetternich qui ne s'occupait que de pour-suivre le libéralisme européen. Le seul quiresta immuable dans son dévoucment au prin-cipe meme de religion et d'ordre monarchique,personnifié par le Tzar flit Michel Sturdza,un homme d'opiniAtre énerg.e, qui devait sefrayer un chemin jusqu'au treine.

On essaya de déjouer les agissements des.ernigrés en donnant a la Moldavie, sans leur1mmixtion et sans la garantie du Gouverne-inent imperial, la Constitution qu'elle voulait.Comme la Porte intentionnait de ret rer sestroupes si on lui offrait une garantie suffi-sante que l'ordre n'en sera pas trouble, onprocéda A la redaction de cet acte en 1823.11 devait contenir 77 points, et Michel Sturdzale dériongait a ses amis russes; en 1824 onsavait au consulat de Russie, qui en a con-serve la seule copie connue, qu'il contenaitrid& de l'hérédité du trône, d'un Conseil ouSenat" de boYars nommés A vie, ayant ledroit de fixer et de contreller les impôts etmeme de se meter dans l'administration, la

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destruction de la noblesse de sang au profitd'une elite de fonctionnaires comme en Rus-sie et le recrutement d'une milice indigene ;le role determinant des consuls aurait cesse.La Moldavie allait devenir un 8tat souve-rain", ayant des lois fondamentales".

La Russle s'opposa formellement A la reali-sation de ce projet. Elle voulait bien la Con-stitution, mais comptait l'octroyer elle-meme.Comme toutes les modifications introduites jus-qu'ici dans l'administration du pays avaienteté dues A son influence aupres des Tureset consignees dans des conventions formel-les avec la Porte, elle considérait le maintien dudroit de protection, qu'elle n'avait pas gagné,du reste, trop facilement, comme une ques-tion de prestige, essentielle pour sa politiquei.

Les complications de la question grecquelui permirent bient8t de revenir a son an-cienne situation dominatrice A. Constantinople,oil l'Autriche n'avait ni l'intention, ni les mo-yens de s'imposer dans la place restée libre etoii ni l'Angleterre, ni la France n'avaient af-firmé encore des intérets rivaux. Déjà Min-ciaky, qui avait remplacé, des la fin del'année 1822, Pini comme consul general dansles Principautés 2, était arrive A Constanti-nople, en janvier 1824, pour reprendre direc-

1 Ibid., pp. LXXIIT-LXXIV.2 Actes et fragments, IT, p. 664,

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tement des discussions qui a vaient été con-fiees jusqu'alors A l'interm( diaire amical del'ambassadeur d'Angleterre 1, et il avait réussi

faire évacuer, la meme armee, les Princi-pautés, ou les Tures s'obstinaient A rester, dansl'appréhension, bien légitime, d'une nouvelleoccupation russe et il chercha ensuite A y fa;redisparatre toutes les innovations qui s'étaientglissées A la suite de l'insurrection grecque,revenant au status-quo pur et simple. Aumois de mai 1826, il n'y ava't plus de soldatsottomans stir la rive gauche du Danube. Ladiplomatie russe parvint aussit6t, en juin, aobtenir l'envoi a Akkerman, en Bessarabie,.considéré comme point de froviere, des de-legues turcs qui devaient permettre le réta-blissement des anciennes relati ns entre les.deux Empires.

Si l'avenir des Principautes rgura en pre-miere ligne dans le pro2ramme des conferen-ces qui s'ouvrirent en aoilt, il ne faut pasl'attribtrer seulement A une preocupation spe-ciale de la Russie A leur egard. Toute cctteactivité de petitions, de ménioires, de projetsde Constitution qui avait agite les bo'fars eux-mémes pendant ces annees de crise venaitd'arriver maintenant A son but. Comme a l'é-poque de Pierre-le-Grand et surtout de Ca-

p. 687.

ft

Ibid.,I

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th-rine II, la dipiomatie russe, tout en pour-suivant ses intérets spéciaux, qu'il ne s'agitpas d'exposer ici, devait se mettre, en mémetemps, pour une question de prestige et d'in-fluence, a la remorque d'un mouvement danslequel les Roumains eux-memes avaient eul'initiative et dont ils gardaient en grande par-tie la direction.

On connut a Bucarest le 22 octobre la con-clusion de Facie d'Akkerman, signé le 7 dece meme mois. La negociation amicale"avait abouti, et les craintes d'une nouvelleguerre s'étaient dissipées. Le representants duTzar, Vorontzov et Alexandre de Ribeaupierre,étaient arrives a arracher aux .,mourahaz" oltomans des concessions de la plus haute im-portance. En ce qui concerne les pays rournains,elles portaient la confirmation de tous lestraites et privileges anterieurs, le haticherifde 1802 devant etre de nouveau publie dansun bref delai. Pour le completer", il &Nitdecide que, étant donnée l'innovation introduitepar la Porte de l'ecartement des etrangers quiavaient jusqu'ici occupé le tame, les futursprinces seront élus par les Divans, par lesboYars, et, a savoirconformément a l'ancienusage du pays" ; la Porte restait, bien entendu,libre de ne pas agréer le choix qu'aurait faitle pays, mais seulement apres que la Cour deRussie aurait reconnu, de son côté, les raisons graves" de ce refus. Le terme de sept

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ans pour chaque regne etait maintenu, ainsique les modalités d'une destitution sur laquelleles deux Cours se seraient prealablement en-tendues, et, pour éviter dorénavant le biaiscommode de l'abdication", on imposait dansce cas les memes modalités que pour la des-titution. La situation des anciens princes etde leurs fils était reglée de maniere a empe-cher les intrigues. On prevoyait encore unefois la restitution des territoires usurpés eton accordait une exemption d'impôts pour deuxans. Un commencement de liberté du com-merce était reconnu aux clPux pays.

On rencontre dans ces clauses le souvenirdes conflits survenus entre consuls et princespendant les derniers années, mais surtout lesvceux des faiseurs de Conctitutions moldaves,et valaques.

Mais ii leur failait la Constitutions elle-meme,tele qu'elle existait, imposée par la nation"-ou octroyée par le Souverain, dans ces paysde l'Occident qui avaient servi de modele. Lenom metne de cet acte pouvait etre desagre.,able aux représentants dgs deux Puissancesqui défendaient l'ancien ordre des choses, mais,quant au fond, on sentait gull est impos-sible de s'en dispenser. Il fallut bien l'accar-der aux vceux répétés de la majorité desbalars.

Et meme on ne chercha pas a leur

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octroyer les conditions constitutionnelles del'existence future de leurs pays. lls devaientavoir rhotineur et la responsabilité des grandschangements qu'ils voulaient introduire. Opreconnaissait que ples troubles sun enus dansles dernieres annees en Moldavie et en Va-lachie avaient porte la plus grave atteintel'ordre dans les diverses branches de l'admi-nistration" et on prévoyait que des mesuresnecessaires pour arneliorer la situation desPrincipautés" seront prises par les princesd'accord avec les Divans, mesures qui for-mcront l'objet d'un regletnent general pourchaque province".

Dejà le consul de Russie, Leslie, s'étaitinstalle a Jassy, et son arrivee avait eté con-sider& comme une garantie de la paix ; leposte de Bucarest fut confie au LevantinDomnando. Les emigres s'empresserent aus-sitOt de revenir ; des candidatures au trône e-taient discretement esquissées ; en Moldaviele vieux Roznovanu faisait une entrée deprince, et on parlait en Valachie des ambi-bitions de Brâncoveanu et de Georges Fill-pescu. Lorsque le plénipotentiaire russe, quiétait le mélne Ribeaupierre, passa par lesdeux Capitales roumaines pour aller prendrea Constantinople la direction de l'ambassade,les ambitions s'agenouillerent bien humble-ment aux pieds de son influence. 11 essuyaforce pompes et discours et faillit recevoir

A

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des témoignages palpables du dévotrementqu'on lui portait. 11 avait recommandé a tousces gens qui nourrissaient chacun une espe-ranee la concorde et l'absence de l'interetpersonnel" I,.

On aurait ouvert plus tot les seances du co-mite qui devait preparer le Reglement", siles tvénements ne s'étaient précipites enGrece, rendant bientOt inutile pour le mo-ment toute la dépense d'activité diplomatiquedont était résulté l'acte d'Akkerman. Ribeau-pierre était Tevenu au printemps, mais des lemois d'avril on s'attendait en Moldavie A lanouvelle invasion. La confirmation, arrivee enmai, de la convention, ne rassura pas com-pletemenf, et on ne fut pas merne rassurepar la presence du consul general Minciaky.Des la fin de l'annee 1827, on commeaçaitA empaqueter les objets les plus précieux,sous les yeux du consul, qui faisait semblantde ne pas voulair s'en meler.

On se remit cependant de cette, étnotion.Les représentants de l'aristocratie, dont, pourchaque province, deux ékis par le prince et

-deux nommes a Petersbourg, commencerentA s'occuper de la nouvelle Constitution dupays, rassemblant des matériaux et faisantde critiques. La Porte essaya vainement deles décourager par ses. .observations. Tette

1 Burmuzaki, X, p. 397.

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était la situation Iorsque parurent a Jassyle's premiers officiers nisses, predécesseurs dela -nouvelle guerre, a laquelle, apres la ba--Wile de Navarin, on s'était déjà decide enRussie, Vorontzov lui-même et le colonel Li-prandi 1. Mais ce ne fut que le 7 mai queMinciaky, quittant Bucarest sous un prétextequelconque, donna le signal de l'émigration ;le menie jour les troupes. russes du generalWittgenstein avaient -passé, par trois endroitsdifférents (Sculeni, Fhlciiu et Vadul-lui-lsac),le Pruth2. Le 12 l'avant-garde, commandée parGeismar, entrait dans Bucarest; le generalRoth, commandant en chef; fit, le meme jour,son entrée solennelle.

Nous n'avons pas des renseignements pré-cis sur la- maniere dont les Russes furentaccueillis a Bucarest, dont le prince s'étaitabsenté, pour revenir seulement dans quelquesjours et rentrer avec resignation dans- la vieprivée; un parti autrichien s'était forme et ilvoyait de mauvais ceil le retour de ces an-diens protecteurs qui n'a vaient pas satisfaitles ambitions de ses membres, anciens cli-ents dévoues du consulat russe. A Jassy Li-prandi était arrive a lier des relations pre-cieuses avec un certain nombre de boTars et,

A Ibid.,Ibid.,

p. 439.445a p. et stthr.

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feignant d'être malade, il était resté longue-ment pour preparer les conditions materiellesde l'invasion. Cet émisssire, que le princeavait sommé et contraint de partir, se trou-vait a la tete des uhlans qui se présenterenta la Cour du vieux Jean Sturdza, le jourde la Saint Georges. 11 s'offrit a fournir unegarde a celui qui avait &é jusqu'à ce mo-ment le .prince regnant ; Dieu suffit pourme garder" fut la fiere reponse de Sturdza.Dans trois jours il quittait la Capitale pours'établir en Bessarabie I.

Des le 10 fevrier Theodore Pahlen avaiteté nommé president plénipotentiaire desDivans de Moldavie et de Valachie", et versla fin de mai il prenait possession de ceposte. Minciaky se trouvait sous ses ordres,comme conseiller principal ; Paul Pisani étaitcharge de l'approvisionnement. Un comité desept bo'fars, choisis parmi les membres duparti russe, prit, avec le titre de Divan ge-neral de la principauté", la conduite de l'ad-ministration dans chacune des deux provinces.On recourait parfois aux services d'une As-semblée generale", convoquée par les agentsdu consulat. Puis, comme les petits boTarsprotestaient contre le role joué par leurscollegues de premiere classe, qui ménageaient

s Driighici, Istoria Moldovei, II, pp 172-173.

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leurs intérets de caste, on dut rassemb'cr laclasse entiere sans distinction de rang 1.

Mais, sous Pahlen aussi bien que sous legeneral Joltonkhine, un rude soliat, ..plus durque les Khans des Tatars", sous lequel lasituation empira encore, on n'avait aucunautre contact avec le pays et ses chefs quecelui qui était nécessaire pour s'assurer l'ap-provisionnement, les transports, le service deshôpitaux. L'occupation russe restait, pour cinsidire, étrangere au pays que les troupes duTzar avaient occupé et oft dies recueillaient,presqu'exchisivement, au milieu des souffrancesindicibles de la population, ces moyens d'en-tretien qui permirent, quelque mois plus tard,de dieter la paix it Tschataldscha, sous lesmurs de Constantinople. Wittgenstein s'etaitadresse, en faisant son entree dans le pays,par une proclamation rédigée aussi en rou-main, A tine population quelconque. On finitpar perdre meme l'appui de ces boYars, trespointilleux en fait de dignité personnelle. Quiaurait pu conserver l'ancien dévouement sin-cere sauf Michel Stourdza, domine par lalogique de ses imrnuables principes , lorsqueRoznovanu lui-même était euvoyé comme pri-sonnier de guerre a Nikoldev 2 ?

Joltoukhine mourut a Bucarest, et sa suc-

' Ibid., pp. 175-176.2 Ibid., pp. 178-179.

l&

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cession fut confiée a un personnage qui ne luiessemblait guere, le general Paul Kisselev.

Le traité d'Andrinople contenait des clau-ses de la plus grande importance pourles Principautés. Elks obtenaient la libertéabsolue d'un commerce mis à l'abri des vio-lentes et injustes requisitions turques, la res-titution du territoire occupé par les forte-resses, a la place desquelles s'éleverent lesbelles villes, au plan régulier, trace par desingénieurs russes, de Braila, de Giurgiti, deTurnu-Magurele. Et enfin les princes, éluspar le pays dans les assernblées nationales,devaient garder les freins du gouvernementpendant leur vie entiere.

Mais Kisselev ambitionnait encore plus.Les cinq années d'occupation qui suivirentjusqu'au paiement complet des dédomma-gements prévus par le traité, furent emplo) 'sa des ceuvres d'utilité publique, selon lessysteme napoléonien, telles que les Princi-pautés n'en avaient jamais vues. Des chaus-sees furent tracées et exécutées par le tra-vail des paysans, des promenades publiquesembellirent et rendirent plus saines les villes,un service sanitaire mieux ordonné mit finaux ravages affreux des maladies qui avaientcommence a sevir pendant la guerre. Jassy,qui, moins heureuse que Bucarest, avait en-core son ancien pave de bois, fut transformée :II y eut un beau pave de pierre établi par

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lla nouvelle municipalité qu'avait exhortée et,contrôlee le president ; les premiers trottoirs,et les premiers travaux de canalisation dela Capita le moldave datent de cette epoque.Lorsqu'il quitta les Principautés, cet ami dela nation fut reconduit jusqu'au Pruth, avecTeconnaissance, en vrai bienfaiteur, par lesmembres de la société moldave, qui avaientdonné une derniere fete en son honneur. ILpartit en recommandant A chacun de ses col-laborateurs roumains, qu'il embrassa avec,effusion, l'intérêt de leur patrie, comme sielle avait été la sienne propre". Un vieuxbolar, auteur de la derniere chronique mol-Aave, s'exprimait, plus de vingt ans apres sondepart, dans les termes sui rants sur cette ad-ministration éclairée et active : L'administra-lion du comte Kissélev a été bénie par toutesles classes du peuple rournain, autant qu'a4:lure son exercice et longtemps apres. On luiavait décerné l'indigénat de ce pays qu'ilavait voulu transformer par ses soins assi-dus, créant, pour ainsi dire, un ordre nou--veau, inseparable de sa mémoireal.

Cet administrateur d'un grand talent et,d'un dévouement absolu a sa mission était'Out& un des derniers éleves de cette phi-losophie" d'Etat du dix-huitieme siecle a la-luelle l'humanité dolt sans doute de pro-

' Drilghici, ouvr. cite, pp. 188-1EL

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fondes erreurs da conception, des tourrnentsatroces dans la realisation de ses projetsmais aussi un grand nombre des etablisse-ments utiles sur lesquels repose encore lavie des sociétés modernes.

Annexioniste convaincu, ayant sans cessedevant ses yeux ces grands Empires uni-taires, d'une discipline parfaite, dont Napo-leon avait offert a l'humanité 1 e dernier etgrandiose spectacle, il ne croyait gutre niau droit de vie des petites nations, ni a lapossibilité des petits Etats de se maintenircontre les féroces appétits de leurs voisins..Mais, en attendant ce qui, selon iui, devaitse passer inévitablement, tot ou tard, II vou-lait, non seulement justifier la conf lance duTzar, son Souverain, mais aussi remplir cetteceuvre de justice et d'ordre, d'amour pourle prochain et de civilisation bienfaisante,en donnant, sur la base des prescriptionsd'Akkerman, aux Principautés, avec les bo-Yars d'ancien régime, mais fat-ce meme contreles boIars,la meilleure constitution qui se-rait possible, eu égard a leur passé, et con-ciliable aussi avec les interets du grand Em-pire dont il était le représentant et le man-dataire.

Apres avoir remplacé le grand Divan maldiscipline et désorienté par une assemblee defonctionnaires, composée des anciens mem-bres des Départements judiciaires", apres

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avoir detaché les deux sections administra-lives de celle qui devait avoir seulement ladistribution de la justice, il nomma, de concertavec cette assernblée, les membres des co-mites qui devaient élaborer le Reglement,ct il faut reconnaitre que son choix fut ex-cellent (le comite moldave compremit, outre-deux vievx boYars plutOt indifférents, MichelSturdza et Conachi). Les partis n'ea cesserentpas leur agitation, certains voulant la Repu-blique aristocrat:que et certains autres uneConstitution libre et démocratique", et ils al-lerent jusqu'à fomenter des tronbles, mais lamain du président-plénipotentiaire, si elle n'é-tart pas lourde, comme celle de son préde-cesseur et meme de son lieutenant, le generalMircovitsch, n'en était pas moins ferme. Lacomm'ssion fut pressée de finir le plutOt pos-sible un travail extremement difficile par lebesoin d'embrasser toute une vie nationale etAe concilier a chaque pas les traditions sa-crees du passe avec ces normes nouvelles dela Vie politique qui, résolument hostiles a toutce qui rappelait l'ancien regime, ne dérivaient-que des principes de la pensee philosophiquemoderne. Des le mois d'avril 1830, les deuxReglements étaient terminés, une Assembléegenerale extraordinaire fut rassemblée pouren approuver le contenu et puis l'ouvragePgislatif fut présenté solennellement a Peters-bourg par Michel Sturdza et le Logothete

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valaque Vellaras. assistés du secretaire de lacommission moldave, Georges Asaki, le principal représentant du nouveau mouvement deculture A Jassy.

On a porte des jugements bien différentssur ce Reglement qui finit par "elm juge, nonplus pour tout le bien qui Ctait compris dans.ses nombreux articles aussi bien que dans laconception genérale qui s'en détachait, maispour thus les abus qu'il ne pouvait pas ernOcher et qui, se cachant derriere ses formesparaissaient venir de son essence méme. De-fait II correspond, beaucoup- plus qu'aux intentions de la Russie, A la situation de faitdans les Principautés elles-memes. Ce n'estque le dernier terme d'une longne agitationintérieure pour l'etablissement d'un nouvelordre de choses, et il entrernéle des intérêtsqu'ii n'avait pas été En kat de concilier. Ony voit tres bien le respect pour la paperasserie imprEssionnante, le mépris pour ce quin'est pas écrit", la passion des oisifs pourles complications inutiles, le désir de paraderavec son opposition dans des assembleesdirigées contre le prince, qui sera un autre,.et aussi, dans l'ordre social, le dCsir des grand&propriétaires de ne dormer au paysan qu'autant de liberté qu'il en faut pour mieux pro-fiter de son travail. Ci et IA on entrevoit desconceptions dont l'heure n'était pas encorevenue, mais qu'il fallait mentlonner pour

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prouver qu'on ne les a pas oubliées,icomme celle de l'Union des Principautes,préparee dans le Reglement par la presqu'klentité des institutions et indiquée memeeiminte but dernier du développement deces pays. Si l'ancienne boTarie est rempla-de par les fonctionnaires tout en esperantpouvoir reserver les fonctions surtout auxanclens boTars et A leur descendants , il nefaut pas oublier que c'était un point principaldans le programme du parti turc" de Jassyen 1824.

Et cependant, si les Principautés allaientgagner par ces nouvelles lois un aspect plusmoderne, c'était le consul russe qui en allaitretirer le plus grand profit. Car le ReglementOrganique c'est la charte du Protectorat pro-consulaire. Kissélev l'avait-il voulu ? Avait-ilcede aux inspirations de ce bureaucrate di-plomatique qui était Minciaky, president desdeux comités ? Peut-etre blen. Mais, commeon ne voulait plus du prince autocrate etcomme on n'avait pas le courage de plongerdans la democratic, fat-ce méme dans celledes bolars égalisés en droit, comme on con-tinuait A se suspecter et a s'entre-détruire,annullant de la sorte, dans un jeu compliquéd'attributions, tout pouvoir reel, it y avaitune place vide dans le nouvel Etat. II ne fautpas s'étonner si le consul n'hésila pas a la

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prendre pour lui et si, n'ayant pas de rivhlsans cesse devant soi, ii developpa, le seul,/nne activite unitaire et consequente qui enfit le vrai maitre du pays.

Mats pour la Russie elle-meine ii y avait ondésavantage. Ce consul, qui n était pas too-lours un homme bien élevé, mais, dans' laplurtrt des cas, un fonctionnaire quelcanque,de modeste provenance étrangere meme, quecette autorité sans bornes enivrait nécessaire-ment, ce potentat irresponsable, que personnene surveillait de hop pres, se donnait/ tousles airs d'un parvenu, qui entend qu rienne solt refuse a sa sérénissime importance,tlemandant, en meme temps, d'un geste im--périeux, l'encens des hommages et l'argentdes pourboires, sans remercier d'un seul sou-rire les sujets de son contrôle tout-puissant.Or, ce prince avait dans le passé le plus ré-cent des exemples d'autocratie bien séduisants,ces bolars étaient accoutumés a etre traitésavec tous les égards (ills a une aristocratic here-ditaire ; ils souffraient enormément, non seule-ment des atteintes portées a leur dignité person-nelle par des attitudes insupportables, maisaussi pour tout geste inconvenant qui blessaitfeur orgueil si sensible. Comme on ne pouvaitpas protester sans s'attirer des dénonciationsqui pouvaient amener pour le baar l'exclusiondes affaires et pour le prince la destitutionAlexandre Ghica fut destitué formellement en

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1342, pour avoir déplu au consul, on selaisait longtemps, on endurait sans resigna-tion, pour faire retomber le poids des hainesaccumulées, non pas contre ce consul de pas-sage, qui disparaissait d'un jour A l'autre pourtransmettre la meine morgue arrogante A sonsuccesseur, mais contre le puissant Etat que re-présentaient ces agents et dont les intentions,lussent-elles memes résolument et invariable-tnent annexionistes, ne tendaient pas preci-sement A se faire des ennemis dans cet Orient-dont la conquete ne pouvait pas etre cepen-,clant tres proche.

Les relations entre Russes et Roumains s'é-talent réduites malbeurcusement a ces conflitsincessants entre le consul, d'un côté, et, del'autre, un prince ennemi des bolars, ou destaars ennemis du prince. Et cependant ii yavait aussi autre .chose, des deux dités. II yavait chez les Roumains une conscience na-tionale en plein mouvement4l'aseension, pro-duisant presque spontanément une littératuremoderne, intéressante au moins pour les voi-sins, et, de l'autre, une civilisation russe na-tionale que le romantisme avait fait écloreavec une puissance admirable et qui par nom-bre de ses elements se approchait de l'étatcl'âme de la société roumaine A la meme-kpoque.

On nous permettra de négliger le ménage

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consulaire, monotone et désagréable, qui attirel'attention de l'historien sur des personnages.médiocres accomplissant une besogne anti-pathique, pour nous tourner un moment vers.ce mouvement des esprits.

NOUS avons vu ce que, des les jours dePierre Moghith, la Russie devait aux lettrésde la Moldavie. Pendant la premiere guerrede Catherine II, un moine russe qui- avaitvisite le Mont-Athos s'était établi d'aborddans le couvent de Dragomirna, en Buco-vine, puis dans celui de Neami, et PaisilVélitschanski fut le réformateur de la viemonacale entiere des Roumains par ses regles.de vie en commun et par ses exhortationsau labeur des mains et A celui de l'esprit;son tombeau vénérd fut creuse dans l'églised'ttienne-I6-Grand, et une plaque de marbre,,ouvragee comme celle des Voevodes, recouvreses restes. Un pretre russe, Michel Strilbitzki,aide par son fits, fut, alors meme qu'il rem-plissait un role politique secret, imprimeuractif des livres d'église gull ornait d'estam-pes et qu'il reliait meme 1.

Mais A ce moment, dans la premiere moitie-du XIX-esiecle, d'un cOté et de l'autre il y avait

1 Voy. sur Strilbitzki 1'6tude de M. Emile Pi-cot dans les Metanges de l'Ecole des langues o-rientates vivantes", et sur PaTsii notra Histoire deta litterature roumaine au XVIII-e siecle (en rou-main) H, p. 390 et suiv.

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une énergie nationale A. réveiller par le gran&spectacle d'un passe qui n'était pas encore ou-b1i6 dans les masses du peuple,puisqu'ellesenparlaient dans leurs ballades et dans leurs.reels, et tout un monde present d'abus etd'exces, tragiques dans leur ensemble, comi-ques dans leur detail, qu'on ne pouvait attaquer que de biais par la satire masquée dela fable ou par l'allégorie sournoise qui cacheson but pour mieux l'atteindre.

Pour lui parler de son passe, la Russie eut-Karamzine (mort en 1826), qui devint cepen-dant un enthousiaste de l'ancien regime, memedans ce qu'il avait de cruel et d'injuste, ad-mirant l'originalité pittoresque de ses malheurs.et de ses crimes et le sens national prolonddans lequel il croy ait avoir découvert aussi,.non settlement une legitimation morale, maisausSi la valeur d'un guide pour l'avenir. Cefut aussi par un historien que commenca, defait, la littérature militante des Roumains, maisMichel KogSlniceanu, dont l'Histoire desRournains", parue A Berlin en 1834, et lesFragments des chroniques moldaves et va-!agues" ne resterent ni inconnus ni inutilesaux &atlas russes en quete d'information etrangere, avait fait ses etudes A Luneville et ABerlin, A une époque ou le libéralisme sédui-sal la jeunesse entiere, et, s'il ne sacrifiajarnais A ces entités abstractes qui font ou-blier le caractere concret des vraies vies na

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tionales, ii tira de cette inspiration occidentalede sa jeunesse un amour de la liberté uneprofonde compassion pour les souffrances dupeuple, une conviction profonde que ce n'estque par la satisfaction entiere de ses droitsqu'on petit établir une société saine et un Etatsolide, qui en firent, non sculement un histo-rien remarquable, tin grand écrivain et uninimitable orafeur, mais aussi un homme d'Etat,appelé a ouvrir de nouvelles voies aux pro-gres de son peuple.

Les premiers poetes russes qui abandonne-rent les splendeurs froides de l'ode pourexprimer dans les vers éplorés de relegiede vagues aspirations vers un autreeurent dans I3asile Cdrlova, le chantre desruines de T'argoviste, ancienne Capitale dela Valachie, un pendant rournain. C'était tinIeune officier et, de meme qu'en Russie Pouch-*ine, Lermontov, plus tard Tolstoi se forme-rent dans l'air de liberté aventureus., demépris pour la vie, qui animait les armees,Cdriova lui-meme et ses contemporains, Grer(roil e Alexandrescu, C. A. Rosetti, Hriso-verghi, comntencerent par servir sous les-drapeaux de la nouvelle milice moldo-valaque,que le regime du Reglement organisa, soustous les rapports, d'apres le modele russe.Si cette autre armee n'eut pas pour fairebattre les cceurs et révolutionner les Ames descampagnes en terre lointaine, remotion des

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ideal,

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batailles, le frisson de la victoire, les plusbelies espérances agitaient leurs ailes sousles couleurs nouvellement déployées des premiers regiments roumains. II en resulta lememe vague A l'âme", la ini:me s if de l'in-connu, de ce qui n'a jarnais ete encore res-senti, le merne essor vers des hauteurs d nton n'apercevait pas les cimes, bref le meinromantisme, Iamartinien Iorsqu'il pleurait et,lorsqu'il provoquait le monde entier, byr nien

H y a cependant une difference entre cettelitt 'rature de jeunes guerriers r mantiques,dans un pays et dans l'autre. L'element epi-que qui a don-ié a la nouvelle poesie russeles poems de Pouchkine et les recits deLermontov manque chez les Roumains, dontla nouvelle armee n'avait pas eu de n u-velles guerres a soutenir, se bornant enc rea contempler mélancoliquement ces étendardssous lesquels la victoire n'etait pas enc rerevenue. Et cependant un des poetes mbldavesqui orit connu le russe, Constantin Negruzzi,s'essaiera de célebrer dans les alexandrinspompeux d'un chant héyaque auquel manquele souffle l'époque d'Etienne-le-Grand lui-meme, en evoquant dans l'Ecuy er Puricea(Aprodul. Purice) un des episodes de lavieille epopée. L'inspiration russe, venue dePouchkine lui-meme, est évidente.

Les travers de la société russe avaient etesatirises par le fabuliste Krylov (mort en

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1844), qui emprunte le langage de Phedre, levague moraliste, et du malicieux bonhomme

'La Fontaine pour frapper dur, sinon droitaussi,sur les vices de la vie politique sociale etfneme littéraire, de ses contemporains; sesanimaux le protégeaient contre la vengeance-de ceux qui avaient A se plaindre de cetteverve railleuse et méchante. 11 se trouva unRoumain de Bessarabie pour faire entrer cegenre dans la littérature naissante de la Rou-manie moderne. Alecu Donici, dont le pereavait vécu dans l'ancienne Moldavie obets-sanf A un seul maitre, avait mellé dans lenouveau milieu bessarabien de sa jeunesseune existence sans éclat; il fut cependant.aussi officier de l'armée qui comptait dansson sein les plus grands esprits de l'époque.Pouchkine lui-meme habita quelque temps,en 1821, quand il saluait dans le mouvementgrec l'heure de l'esperance et de la liberte" 1,ce vieux nid moldave de Kichéniev, a peinetransformé par l'ouverture de larges rues deco onisation A travers les cours des spaci-euses maisons seigneuriales, qui logerentaussi ses ennuis et ses aventures; il dut A ceséjour au milieu des races du Sud dont lesang bouillonnait cemme son sang demi-negre !Inspiration du Châle noir", de la

1 St. Berechet dans le Neamul Ramânesc literar,armee 1910, p. 713 et suiv.

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Crecque fatale et des longs convois de Tzi-ganes a travers la steppe, avec l'heureux a-mant désabuse du monde de la BohémienneZamfira. Cependant l'apologue est benignesous ce traducteur, qui n'ose pas mettle a-dapter, en donnant sa belle forme roumainefluide, digne parfois du grand modele fran-cais lointain, aux creations de Krylov.

Sil y eut cependant un autre, en Vala-chic, qui, merle dans cette voie par la lec-ture de La Fontaine lui-meme, sinon parcelle des imitations de Donici, sut faire dela Table une satire immortelle et de cette sa-tire un des grands instruments de progresde sa nation. Grégoire Alexandrescu, un tra-ducteur de Voltaire, ttn lyrique un peu paleet vieillot a ses heures, ne doit sa grandereputation, bien méritée, qu'au grandiose essord'une evocation historique, celle de Mirceal'Ancien, pres de sa tombe an monastere deCozia, et surtout a ces fables oft se retrouvecette société du Reglement Organique oft laruse et la morgue se disputaient le terraindans la carriere des honneurs, ouverte dé-sormais a toutes les ambitions.

Parmi les écrivains roumains nes dans lesPrincipautes, Negruzzi, qui avait aussi desrelations de famille avec la Bessarabie, estle seul qui efit connu le russe. On le voitbien, non seulement par ce fragment épiqueque nous citions plus haut, mais aussi par

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unt-tres bonne traduction des Satires d'Ati-tiochu§ Cantemir, travail difficile, dans lequerII eut l'aide de Donici, et meme pae le cadrebessarabien dans lequel il place certaines c1.1ses nouvelles ainsi que par la maniere dont

entend les tourner.II y aurait eu cependant toute une catego-

rie de lettrés qui pouvaient prendre stir euxce travail fécond de mediation entre id deux.littératures: ces Moldaves d'au-dela du Pruth,qui n'avaient pas perdu dans tette Bessara-bie, o vers 1870 encore fa langue roumaineétait employee dans la revue officielle del'archeveque, aucune des attaches avec letorps meme de leur nation.

bonici fut le seul qui travailla pendantquelque temps dans cette direction mais iis'était établi encore jeune a Jassy, et il ne futplus- en mesure de continuer cette ceuvre,laquelle ii n'avait pensé, du reste. qu'acd-dentellement. Les autres ne -pouvaient paS lefaire non plus, eu egard aux conditions par-ticulieres de cette province, oft la langue russe4ne pénétra que bien tard, et dans les vinesseules, et ou les enfants des families plusriches recevaient une,éducation qui n'étaitni russe, ni routnaine, mais bien francaise.Ainsi .Alecu Russo fut un éleve des &soles.de la Suisse, dont il rapporta la rhetoriquemystique de Lamennais et un fin esprit cri-

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tique, ayant un sens pour la realite qui en f:tun des meilleurs juges des problemes de s-nepoque.

Mais ce fut en Moldavie qu'il se mail-festa lui aussi, en Moldavie exclusivementSi Alexandre HajdAu, qui rappela, Hotin,dans un discours celebre, a la Russie sesanciens emprunts de culture a la Moldavie ),n'habita jamais la principauté mais ii passaquelque temps en Bucovine, s'il etait parsa tradition de famille meme un Polonais,c'est dans l'esprit de la nouvelle Polognede Mickiewitz et de Lelewel plutOt que danscelui de la Russie, déjà agitée par le pan-slavisme vers la fin du regne de Nicolas I,que se forrna son fils Bogdan, qui, passantde l'autre cóte du Pruth, des 1857, devaitetre le premier slaviste du pays et un de Sespremiers écrivains, comme historien, commephilologue, comme poete et penseur, gardantd'un bout a l'autre de sa longue activitk: siféconde tine note d'originalite qui ne rattache

aucun pays son romantisme inventif, ca-pricieux et mordant.

II n'y eut a l'exception du fabuliste, deaauches allures, SArbu qu'un sent Bessara-

citait aussi Milescu. M. St. Berechet noussignale dans le Vies fizik Evropy de l'année 1828 sonproces pour cette coupe d'or chinoise dont puleNeculce.

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bien typique, n'ayant quitté son district, saville de séjour, sa fonction que pour decourtes excursions en Moldavie. Ce fut Con-stantin Stamati. Lisant sans cesse, ii s'amusait

tourner en roumain ce qui dans les litté-ratures étrangeres et aussi dans cette littera-ture russe, qu'il connaissait et appréciait, avaitattire particulierement son attention. II s'essayalin-meme, pour son propre plaisir, dans descompositions originales, oA on sent plus d'unefois l'influence des modeles russes; ses écritsfurent publiés A Jassy, tres tard, et leur formeimparfaite, autant que lcur caractere &rangerevident, 'nuisirent a leur diffusion.

Dans la littérature russe, quelques notes duchant populaire roumain, quelques souvenirsdu passe moldave, quelques details pitto-resques de la vie des villages passerent s u-lement, d'une maniere plutôt obscure, par lesarticles que le merne Alexandre Hasdeu outer antiquaire russe de Bessarabie firent im-primer dans des revues d'une moindre im-portance.

Les relations entre Roumains et Russes de-vaient se borner donc aux injonctions desconsuls et aux timides protestations des h s-podars. Michel Sturdza lui-meme, devenuprince en 1834, par la volonté du gouver-nement imperial, défendit avec tine pro-fonde conviction, d'un bout A l'autre de s ii

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administration, les prerogatives de la Puis-ance protectrice, allant jusqu'à supprimer

par une censure imbecile toute allusion cle-sagreable" a la Russie, fat-ce meme la men-lion dans un journal des rigoureux hivers duNord, mais il eut aussi a souffrir des intempe-rances de langage et de conduite de ce consulBesack, qui n'étalt pas plus Russe que soncollegue valaque Rtickmann, principal promo-leur de tous les malentendus et de tous lesf oissements qui irriterent sous le regned'Alexandre Ghica la société de Bucarest, alaquelle il s'était mete aussi par son mariagenalheureux avec une Romaine. Toute unegeneration, et jutement celle qui créa dais cet(esprit de liberté et d'enthousiisme que nousavuns caracterisé plus haut la nouvelle lit-terature, ne connut du monde russe que cette-mesquine tyrannie diplomatique des chan-celleries consulaires.

Elle fut, en outre, élevée en Occident, of,le conflit turco-égyptien avait fait des Puis-sances maritimes les adversaires irreconci-Rabies et acharnées de cette Russie envahis-sante, a laquelle il fallait interdire l'acces del'Orient orthodoxe, ou elle entendait dominerde plus en plus ouvertement, par une inter-pretation hardie des anciens traités. Si cesprincipaux representants de la lutte nationale<les Roumains furent, a l'exception de Kogäl-miceanu, qui ne confondait pas Besack et

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RtIckmann ou mane leur conat:onal Vessel-rode avec le Tzar et la Russie elle-meine,,des adversaires declares de cette Russie, I sn'y é ta ient pas portés seulement-par leurs p-prehensions a regard d'une pol tique d'qn-nexions a laquelle on n'avait pas ren 1 edans certains cercles de Pétersb urg m- e,mais aussi par l'idéal de liberte, de p r ...-mentarisme, de formes liberates dans 1 v*

de l'Etat, dont ils s'étaient pénetrés pendantleurs etudes meme et aussi, s ns qu ils s' nrendissent compte d'une maniere plus nett ,.par l'influence qu'exerca sur leur jeune seencline a l'imitation, cet antagonisme entr laFrance et l'Angleterre, d'un côté, et l'Erupirede Nicolas I-er, de l'autre, qui dev i au :rdans quelques années les consequen I

plus graves pour leur patrie.Et, enfin, il ne, faut pas oublier qu , s" la

Russie avait a Jassy et a Bucarest des c ns Isrompus a l'intrigue, ces Puissanc s hbera esy envoyaient des représentants, comme Bil-lecocq, par exemple, dont le fracas habit I

n'empechait pas les menées secretes; n serendait bien la monnaie entre les concurrentspour la domination de cette Turquie incapa lede se maintenir sans un appui auquel elletrouvait doux de s'abandonner completement -

I Voy. notre Histoire des relations entre la Fr nceet les Roumains, p. 115 et suiv.

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La sociéte -russe ne se faisait voir dans ceScontrees belles -et interessantes que par denres voyageurs. Tel d'entre eux, comme leprince Koltzov-Massalskii contracta un4-iage dans la société de Bucarest ; la femme-de ce visiteur occasionnel des Principautésiut la célebre Dora d'Istria, dont les écrits, de.contenu varie, gagnerent l'estime de 'Eu-rope occidentale A son époque ; mais, quantau nariage lui-merne, ii ne fut pas plusteureux que ,cerui de la princesse MathildeBonaparte avec le prince Démidov. Celui-civisita, a -l'époque du Reglement Organique,les pays roumains, amenant avec lui un ar-tiste frangais qui devair en immortaliserles aspectsi Raffet lui-meme. Les pages qu'ilredigea ou fit rédiger sun ce monde mol-,do-valaque, qui lui offrit des receptions, desconcerts, des promenades et lui parla de ses,esperances, contiennent des renseignementspresqu'exacts sur le passé roumain,. des sta-listiques utiles, quelques observations demceurs et des descriptions de monuments. IItaut y remarquer cependant, en contraste avec la.critique niaisement spirituelle des Occiden-taux, qui voulaient retrouver partout leurs,qualites sans rien de leurs dents, qu'ils s'é-'talent accoutumés A ne plus distinguer lesnotes de bon sens du touriste russe surrairnable distinction de cette société cultivée,qui n'epargnait rien, meme saris préoccupa-

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tions de vanité, parr distraire l'étranger etrendre agreable son sejour, quitte a retrom erdans son ouvrage cette ironie cinglante, ceitecaricature méchante dont on était coutu-mien Mais Démidov n'a pas saisi mieLrque les autres ce lent travail de preparation.des Ames qui devait créer une nouvelle Rou.manie morale et preparer les formes politi-ques capables de la représenter; ii ne connut_des preoccupations intimes de ces Moldo-Valaques, si accueillants, que ce qu'on lui laissa,entendre dans le bruissement d:scret des con-versations de salon. 11 ne vit les ecriva,nsqu'au passage, dans eette societé melee quene pouvait pas dominer leur esprit de reno-vation.

11 tic faut pas oublier non plus ces jeunesgens de l'aristoeratie qui, a un moment oildes Russes jouaient encore un grand role dans.l'organisation des milices roumaines, allaientcontinuer l'étude de leur métier A Pétersbourgmais dans un milieu special, oü ne péné-trait rien des influences-du dehors.

L'orthodoxie était encore la grande source-de vertus et d'ef forts pour le peup12 russe,.mais la haute société, élevée aussi en Occi-dent ou par des maitres venus de cette loin-taine Europe", dans la lecture des &its duromantisme français et anglais, s'en étaitdétachée completement. 11 en etait de tame

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pour les boTars roumains, et surtout pour ceuxqui commençaient sous le Reglement Orga-nique, qu'ils hessaient généralement parcequ'il ne s'appelait pas Constitution, leur viepublique. On pouvait bien s'entendre, maisen dehors de l'individualité nationale des unset des autres et des croyances, des senti-ments qui l'animaient dans les masses pro-fondément conservatrices, donc en dehors desoi-meme.

11 y avait hien un clerge du meme rite dansles deux pays. Benjamin Costachi eut des rela-tions avec ses collegues russes aussi, qu'il avaitvisités en Bessarabie ; dans ses grands tra-vaux littéraires, consacrés a l'édition et a l'in-terprétation des Ecritures, il recourut aussia leur concours. De jeunes éleves de son .séminaire a SocoIa, comme les freres Scrihan,Philarete et Neophyte, plus tard comme leprotosyncelle Melchisédec, ensuite evequede Roman et un remarquable historien,furent dirigCs vers les écoles de ihéologie dela Russie avec laquelle ils garderent toujoursde puissantes attaches. Comme le monastere-de Neamt avait en Bessarabie sa succursaledu Nouveau-Neamt, comme des biens-fondsappartenaient dans cette province aux richesmonasteres moldaves, il y avait des motifsde relations incessantes entre les deux tgli-ses, comme, du reste, ces memes questionsde propriété discutée et slisputée amenerent

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plus d'une fois devant les instances russesdes personnagep moldaves du plus haut rang,commie, entre autres, le futur successeur deMicnel Sturdza, Gregoire Ghica. On a desinterventions de la part des archeveques deKichéniev aupres des Métropolites de Jassypour la reparation des égliPes en mines, etmeme cet Antoine, qui commenca a detruirele caractere national de son Eglise, employaitparf is un style roumain, tres correct, danstette corespondance, par laquelle ii demandaitaussi des typographes de Neamt pour l'im-primerie qu'il voulait rétablir dans sa resi-dence 1

Recoil& a l'appui du grand protecteur del'orthodoxie était le moyen supreme de qui-conque croyait, dans les Principautés, souffrirpour sa cause. On s'intéressa vivement a Pe-tersbourg aux changements introduits dansl'tglise moldave par Michel Sturdza, qui, duTeste, en écartant la personne, genante parson prestige, du grand Métropolite Benjamin,avait en vue la creation d'une administrationd'Etat des biens ecclésiastiques qui corres-pondait au modele russe. Comme on tendait,dans ccs mesures, aussi a éloigner les moinesgrecs qui avaient dispose jusqu'ici d'unemaniere abusive et scandaleuse des biens des

Calendarul Neamului Romdnesc", aunée 1917, p.104 et suiv.

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couvents cledies" aux Lieux Saints, coMmeon voulait rendre utiles a la société les re-venus de ces riches terres retenues pour sonusage exclusif par l'étranger rapace, cesorthodoxes d'Orient avaient aussi des dole-ances a presenter a l'Empereur de leur foi, etPétersbourg devait; dans l'intéret de son 'in-fluence en Orient, intervenir dans cette querelleoft ii cherchait vainement a ménager les deuxparties.

Et, lorsqu'il est question de ce contact per-manent en relation avec l'orthodoxie, ii fauttenir compte -toujours tie ce fait, gull y avait"dans ['entourage de l'Empereur un person-tiage tres influent, d'une grande erudition etd'une conviction religieuse profonde, qui, ensoutenant contre l'Europe les vieilles traditionsTusses dans ce ddmaine aussi, n'oubliait nison origine moldave, ni ses années d'enfancepassees a Jassy, ni la parenté étroite qui le'Halt au prince-régnant de son pays natal. 11s'agit d'Alexandre de Sturdza, dont, a une épo-que oft Asaki transposait en roumain l'His-toire de Russie par Kadanov, on mettait parde bonnes traductions les ceuvres A la dis-poqition du public roumain 1.

Pour faire connaitre les aspects sous lesquels

Cf. ausal notre revue Drum Drept, année 1913,T. 37 et stuv.

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- 298 -se presentaient les pays roumains aux yeincd'un clerc russe érudit et non préoccupé, ala veille du mouvement de 1848, qui était-destine A amener la fin du protectorat et larealisation de l'idéal de liberte et d'unité n7-tionale, nous signalerons quelques traits do-minants de la description qu'en donna, dans .ses intéressantes notes de voyage, l'eveque Porphyrius Ouspenski, qui était alors au commen-cement de sa carriere d'explorateur passionne-et intéressé des choses anciennes de l'Orient-

LI trouve en Valachie un pays qui renaita la vie", une terre fertile, un peuple sairtet simple" ; les villages dont les maisons .sont sises des deux cOtés de la rue, lui rap-pellent sa propre Russie, et il s'attendrit encroyant reconnaitre le sang slave dans les.beaux enfants qui prennent leurs ébats au-tour du voyageur étranger. Mais il deplore-l'ignorance du dere monacal, préoccupéuniquement des biens de cette terre, le man."que d'intéret que temoigne le vicaire metropolitain lui-meme, Niphon, le futur archeveque celebre pour ses richesses, en ce qui,concerne le passe de son tglise : l'orthodoxie-en Valachie est aveugle", écrira-t-il. Parfoisil regrette l'abandon des traditions de raftancien, remplacées par les innovations Mule-raires du mauvais goat, qu'introduisaient desarchitectes fournis par l'Autriche voisine. Lamusique vocale lui déplalt souverainement

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bien que le chef de la chapelle princiere eatfait ses etudes a Kichéniev. On lui parlait del'indifférence du gouvernement pour l'Eglisedes projets municipaux qui atteignaient sansaucune pieté les anciens murs des égliseset des eloitres, mais le savant russe se de-clare pour ces travaux d'embellissement etcontre ropiniatreté avide des moines grecs,qu'il avait, du reste, tres bien connus enOrient. On reconnaissait .-a la Russie, dans cemonde special, le mérite d'avoir écarté lapeste par les quarantaines établies sur leDanube, d'avoir introduit l'ordre dans les vil-les et villages" et d'avoir affranchi l'Egliseorthodoxe du joug turc". Ouspenski est toutétonné cependant de consfater que personnene Iui demande des renseignements sur cettegrande Eglise russe gull représentait. .Jem'explique", dit-ilce fait, par leur simpli-cite, qui leur interdit de parells soucis, et parfancien isolement du clerge rinse envers cadd'Orient."

En ee qui concerne le passé, le voyageurrusse savait bien que la grace divine s'é-tait montrée a l'Eglise orthodoxe d'Orientdans cette patrie des Roumains, Dieu ayantinspire aux princes et aux boYars des Prin-cipautés le zele nécessaire pour soutenir l'or-thodoxie en Turquie, par leurs riches dons-,pendant ces temps de malheur ou l'Islam me-nacait de destruction la chretienté orientale"-

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Et il trouvait des paroles de profonde reconnais-sance pour caractériser cette grande ceuvrede charité: D'apres les intentions divines,les hierarques de l'Orient et les monasteresont trouve en Moldavie et en Valachie con-solation, réconfort et kyr pain quotidien. //y a des peoples apôtres, il y a des peoplesmartyrs; il y a des peuples qui travaillentpour l'Eglise de Dieu. Ces bons ouvriers cesont les Roumains Que Dieu, le pere de lamisericorde, les bénisse done de tous sesbienfaits... Tout le clerge oriental dolt sentiret apprécier hautement le labeur bienveillantdes Roumains et leur répondre par de fer-ventes prieres A Dieu."

Pour avon. des informations plus precisessur ce passé, le moine s'adressa a cet ecri-vain laborieux qui a pu etre nomme ,,le perede la littérature routnaine moderne", JeanEliad ou, ainsi qu'il en était deja arrive akcrire son nom : Héliade (R5dulescu). 11 n'é-tait pas encore devenu le grand ennemi del'influence russe, l'accusateur énergique duProtectoral-, s'erigeant dans son exil apresl'insucces du rnouvement de 1848 en ennemipersonnel du Tzar. le Romanov` contre le-quel lui, Eliad, avait a soutenir le bon com-bat pour l'independance de sa nation. II n'étaitpas arrive non plus a ces interpretations m-dividuelles de la 13ible oil tine -erudition abon marché se mele aux illusions mystiques

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dans un chaos indéchiffrable: Cretait encore-le professeur d'ancien style, le successeprde Georges Lazgr, apôtre, venu de Tran,sylvanie, de cette renovation nationale ,.l'imprimeur surveillant le travail fécond deSes presses, le journaliste menant de pairson information quotidienne et des travatixlitteraires d'une plus haute envergure. 11 re-commanda a l'étranger la lecture de I'llis-toire de Valachie par Aaron Florian, 1! n ajou-tant cepenciant qu'il ne l'approuve pas, a-yant éte, rédigee d'apres des modeles alle-mands" (le livre d'Engel), ou plutOt celle del'ouvrage grec dli a Denis Photeinos (Pho-tino) ; il promettaif de lui faire parvenir parle consulat l'ouvrage roumain, fres rare, duTransylvain Pierre Major sur les commen-cements de, l'histoire de la nation. Puis il seperdit dans des considerations melancoliquessuf tout ce qui manquait encore a son pays.

A Jassy, qui lui apparut dans le lointainsous la forme des deux agrafes arrondies quiattachent la ceinture des prélats, Ouspenskialla chercher Philarete Scriban, alors direc-,teur du Seminaire et auteur d'une Histoirede cette Eglise, qu'il ne trouva pas chez lui.J'attendais de Philarete les connaissances Ile-cessaires suri'état actuel de l'Eglise orthodoxedans les deux Principautes, sur la vie' et lamaniere de penser des boYars d'ici, -stir lecaractere et les aptitudes des Roumains, sur

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les monasteres et les écoles.a A Go ha iltrouva la plaque, que nous avons deja nien-tionnee, portant la date de la mort du tout-puissant Patiomkine. Aux Trois Iiiérarquesii admira la beauté toute particuliere de cespierres sculptees une a une et ornées de des-sins orientaux et il adora, comme jadis legrand Empereur du passé russe, les reliquesde Sainte Parasceve ; un moine de Cepha-lonie, supérieur du couvent, soutint deyantlui avec hauteur le droit de propriété ab-solue que le Mont-Athos aurait eu stir lespropriétes &endues de ce monastere. Leschrysobulles", fut la reponse du voyageurrusse, n'enlevent pas A l'autorité dirigeantedans les Principautés le droit legal de de-mander aux couvents une certaine partiede leurs revenus pour les besoins publics. Toutpropriétaire terrien, quel qu'il fat, doit aimersa patrie, respecter les autorités que Dieu ya établies et soutenir par tous les moyensleurs projets et entreprises utiles'; autrementaucun Etat, aucun Gouvernement ne pour-rait se consolider... L'empire des Phanariotesest passe et le temps est venu ou les Rou-mains doivent dominer... Vos fermiers sont,peut-etre, tous des Grecs récemment venus etenrichis aux dépens des Roumains... Vos ar-chimandrites et vos hégoumenes, qui admi-nistrent ces biens, envoient aux Lieux Saintstine tres faible partie des revenus et en con-

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somment tout seuls la plus grande partie...Les moines de Simopétra, a la MontagneSainte, vivent d'apres les regles les plus ri-goureuses de la vie en commun, et leur e-.xarque de Bucarest n'aurait plus qu'à danseraux sons du piano que j'ai trouvé dans sacellule." Mais vos consuls", objecta l'in-terlocuteur, Riiamann et un autre, ont prisles ducats de cet exarque et Font maintenu,

l'encontre du désir exprimé par le cou--vent de Simopetra lui-meme." Et, un peuplus loin : En Russie on s'est saisi des biens-conventuels; il parall que votre Gouverne-merit veut faire la meme chose des gullprendra possession des deux Principautes "

Ce n'est pas nous", fut la reponse d'Ous-penski, qui ju,erons a qui Dieu confierales Principautés."

Et il avait raison. Au mois de 'rya 1848la plupart des jeunes gens qui faisaient leursefudes a Paris se trouvaient de retour it Bu-carest apres avoir vu les scenes revolution-naires qui avaient mis fin au regime de ro-yauté, pourtant constitutionnelle, de Louis-Philippe. Ils croyaient pouvoir transplantertout cela, par la merne méthode, dans leurpays, oubliant une seule chose : qu'ils n'a-vaient it leur disposition ni un peuple d'ou-vriers mécontents et batailleurs, ni une bour-geoisie nationale, cultivee et ambitieuse du

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pouvoir, ni cette tradition d'opposition per-manente que la grande Revolution avail trans.-mise, pour la venger, au regime qui l'avaitétouffee. Leur espoir supreme était de pou-voir créer une seule Roumanie libérale, ré-publicaine, contenant aussi les freres mol-daves et ces freres de Transylvanie qui sepréparaient pour la violente insurrectio-i Po-pulaire devant les venger de la I ng ie op-pression magyare. Mais a Jassy I sn'étaient pas précisément des revol tionnaireset Kogginiceanu, leur vrai chef, forme a uneautre ecole politique, dans un autre milieu,s'il ne voulait plus de Michel Sturdza, jadisson patron et son bienfaiteur, attenda t ce-pendant de la stricte observation du Regle-ment, (Euvre souverainement utile scion lui,,le redressement de tous le torts.

S'il y eut done .a Jassy seulen nt des as-semblées de protestation contre de m uvaisadministrateurs et tine répressi ii gr ssiere dela part du gouvernement, qui fit enfermerdans les couvents, puis chasser a Pet angerles chefs de cette jeunesse, Bucarest eutattentat contre le prince Georges B'bescu, toutaussi Russe" que son collegue moldave, m is.un peu Francais" aussi, et, apres le sou-levement militaire d'Islaz, une petite localitésur le Danube, l'abdication du mem, quifut remplace par un Gouvernement provi-soire, Eliad se trouvant a la tete de cette jeu-

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nesse animee de sentiments et d'idées tout a,fait différents des siens. La légalite selon leReglement avait cessé en Valachie, et le consul.Duharnel, d'une famille d'emigrs français,.quitta la Capitate.

II ne devait revenir qu'avec les armeesdestinees a rétablir, avec l'ordre trouble pen-dant quatre mois par la noble aventure ro-mantique de cette jeunesse, la legalité selonles traités et les conventions. En mate temps-que les Tures passaient le Danube, accueillisen amis pour en faire les rivaux des Rus-ses et ils comprirent si bien le sens deticatde cette reception qu'ils massacrerent sansscrupule, stir la colline de Spirea a Bucarest,la compagnie de pompiers rangee pour leurrendre les honneurs militaires, ces derniersreprenaient le chemin du Pruth. Mais cettefois ils n'étaient plus des libérateurs venuscontre le mauvais-esprit français" qui secouaitde nouveau la vieille Europe ; ceux auxquelson en voulait étaient ces jeunes Rournains,odieux fauteurs de troubles, qu'il fallait ex-pulser et maintenir dans l'exil pour mettrefin a des revendications inadmissibles. Le bu-reaucrate allemand Nesselrode lui-même availdeclare que cette nationalité roumaine, devantles traditions de laquelle s'etait incline Pierre-le-Grand et que Catherine II avait voulu sou-tenir dans son avenir légitime en creant ceroyaume de Dacie dont avait songe aussi son

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petit-fils Alexandre I-er, n'existe pas. On nesaurait pas dire si on espérait encore cette an-nexion dont parlait le moine de Jassy en 1864-et qu'Ouspenski laissait au jugement impéné-trable de la Providence, mais ce dont il s'a-gissait maintenant c'était d'empecher par des-clmngements constitutionnels la reviviscencede troubles, qui pouvaient etre contagieux, dansle voisinage. Tout en pensant a l'avenir deIa Valachie", ainsi que le disait la proclama-tion affichee, le 15 septembre a. st , par legeneral Ltiders, sur la seule base possible,-d'un gouvernement legitime", soutenu par lapartie bien-pensante" de la nation, on pro-céda avec la Porte a la conclusion de cetraité de garantie, signé le 1-er mai a. st.,Balta-Liman et par lequel, reconnaissant auxPrincipautés seukment le privilege d'une ad-ministration distincte et certaines autres im-munités locales", on donnait au Sultan le droittle nommer des princes pour sept ans, d'a-pres un mode spécialement concerté, pourcette fois, entre les deux Cours". Les assem-blées nationales, remuantes et dangereuses,seront remplacées par des comités spéciaux,-par de simples Conseils ou Divans adhoc,formes des boTars les plus notables et lesplus dignes de confiance, ainsi que de quel-ques membres du haut dere'. L'occupa-ton des deux pays par des troupes donton fixait le nombre pour l'époque avant

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et apres le rétablissement cle la tranquillité",.4obtenait une valeur légale; des commssairesgénéraux, contrôleurs de l'activité des princeset de la sagesse du pays, fonctionneront pen--dant ce terme septennaire.

La Russie rappelait la Turquie dans lesPrincipautés, mais pour la premiere fois elles'était créée une situation de parité absoluedans leur protection. IL n'y avait plus de,,souverain" et de protecteur" ; une égalesollicitudea avait amene des deux côtes desmesures pi ései vatrices. On avait reserve auSultan la nomination des princes, mais c'étaitle seul reste de l'ancien regime pour cesPrincipautés que, du reste, le cordon des qua-rantaines, sous les ordres d'un alder nomméselon les indications de Pelersbourg, le ge-neral Mavros, avait détacUes aussi materiel-lement du corps de l'Einpire ottoman. En celaisant, on ne s'apercevait pas tant la di-plomatie est myope dans ses triomphes que,si les deux pays devaient regarder avec fasneme aversion les deux corps d'armée étran-gere vivant A ses dépens, les exiles, la partiepensante de la nation, feront retomber tout lepoids de leur rancune sur la Russie seule, quiavait pris l'initiative de cette intervention mi-litaire, et ces exiles, et non les princes nom-ines, Gregoire Ghica pour la Moldavie etpour la Valachie le zélé et capable auxiliaire4zle Kissélev, Barbu Stirbei (Stirbey), repre-

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sentaient l'avenir. Les consuls de France etd'Angleterre le savaient bien, accordant, memeapres-le coup d'Etat du prince-president, leurappui a la cause vaincue. On avait commis, du,reste, la maladresse de faire retentir par lapersecution des plaintes qu'on auraif pu,étouffer sur le Danube, a Paris et a Londfes,.oft grondait déjà la haine contre la Russie.,

fl y eut, en langue francaise, toute une &-elusion de littérature roumaine révolutionnairedirigée contre la Russie, a commencer surtout par les écrits fatidiques -du vieil Eliad,.déchu de son s ege de tribun et de dictateur-Des amis de la Turquie, comme Jean Ghica(il signe son. opuscule de F,anagramme Chai-nol), des jeunes radicaux, comme Rosetti- etles deux BrAtianu, Jean et Démetre, douxreveurs de republiques danubiennes, collabo-rerent de toute leur énergie nationale a tetteceuvre. Abattre la Russie c'était le -seul mo-yen d'arriver a la Ebert& La logique des.circonstances imposait cette conception.

Combattre la Ruse était cependant pourla jeunesse française de cette époque 'linenouvelle affirmation de la decision inébran-lable qu'on avait prise de maintenir a toutprix, et meme contre les envahissements pos-sibles du nouveau regime imperial? les con-quetes de la Revolution. L'immense majorité-des publicistes parisiens embrassa done cettecause des Roumains, qui était aussi celle des,

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Polonais et des Magyars meme, dont la re-volution victorieuse contre l'Autriche n'avaiteté supprimée que par l'entrée des soldats duTzar. De fait la guerre se préparait dans lesesprits, et il fallut seulement les incidents de1853-1854 pour la faire éclater.

Cette fois encore ce fut l'Autriche qui, re-venue de son role de gardienne de la paix,européenne, devait mettre le feu aux poudres.Comme elle ne pouvait plus croire au dé-vouement des Hongrois, elle cherchait un ap-pui dans les autres nations sollmis s a laplume de ses bureaucrates. Or Roumains etSlaves, opprimés par la fievre de domination<clesdits Hongrois, étaient accourus en 1848pour replacer sur son trône branlant, qu'onsut bien étayer de constitutions changeantes,,ce bon j une hornme innocent qui était l'Em-pereur Franco's-Joseph. Eh b en, s'.ls avaient.eté fideles, ii fallait leur en demander encoreplus, en faire I s pUiers écrasés d'un nouvel.or re d'Etat qui se s rait appuyé en pre-mit -e ligne sur leur bonne volonr solide. Et,comme on trouv it qu'il fallait étendre le plus-possible c tte bas... pour la rendre plus so-3ide, on arriva a l' dee magnifique de lesréunir, dans le meme esclavage tres chrétien.et absolument philanthropique, a leurs freresqui vivaient, d'apres leurs anciennes coutu-nes nationales, sous le joug turc", dans les

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Balcans et sur le Danube, en Bosni e-Herzé-govine et dans les Principautés.

II faut mentionner aussi que, a repoque-meme ofi fut décrété le Reglement Organiquel'Autriche avait montré qu'elle n'entend passe désintéresser des Principautés. Lorsqu'unerévolte de paysans éclata contre les pres-criptions des nouvelles lois qui avaient éte-interprétées a lair ignorance par des agita-teurs, ceux parmi les insurgés qui, ayant pris,du reste, l'initiative du mouvement, se mon-trerent I s plus opinifdres, allant jusqu'à li-vrer bataille aux Cosaques, furcnt les Hon-grois de Sabniani et d'autres centres catho-liques du district de Roman 1 Ajoutons q_eurtsecond groupe de Hongrois, excite par lesrévolutionnaires de la R "publique magyareen 1848, qui eitrerent, sous le commande-ment du Po!onais Bem, du côté de Slanic-et d'Ocna, combattit a Onesti contre les.uhlans et les chasscurs russes du generalMoller 2.

On essAya d'arriver au but par un grand couphardi, scion le systeme russe, que la timiditéperfide de l'Autriche n'avait pas connu jus-qu'alors. Le comte de Leiningen, aide-de--camp de l'Ernpereur, fut envoye a Constan-tinople pour demander que l'exécution mill-

1 Draghici, ouvr. cite., pp. 184-185.2 Ibid., pp. 215-216.

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taire entreprise contre le Monténegro Wit ar-retée dans le terme de quelques jours. LaPorte, intimidée, acquiesca a ce vceu im-perial qui ne venait pas, cette fois, de 136-tersbourg.

Mais cela signifiait substituer au prestigerusse dans les Balcans le prestige autrichien.Une autre Puissance protectrice" avait surgi,et elle s'était faite obeir. La Russie devait unereponse comme cela allait se passer plusd'un demi-siecle plus tard , et elle ne tardapas a la donner. Tirant parti d'une querellede moines, qui trainait depuis longtemps, surles 6lises et places des Lieux Saints, elleenvoy a Mentschicov, avec sa morgue et sonesprit de provocation bien connus, pour si-gnifier aux Turcs qu'elle entend résoudre, unefois pour toutes, cette question dans son prin-cipe meme, en s'attribuant la protection ex-clusive et efficace de 1'glise gréco-slave"et de tous les chréticns qui s'y rattachent,.d'un bout a l'autre des possessions du SultanOr l'Angleterre et la France de Nipoléon IIIof frirent a la Turquie, qu'elIes tenaient depuisquelque temps en tutelle, leur appui. L'envoyEdu Tzar menaga, attendit, protesta et s'eriretourna annongant par son depart une guerreprochaine.

Le general Ivine avait a peine évacué lesPrincipautés, au printernps de l'année 1850,lorsque l'ordre du Tzar Nicolas fit saisir de

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nouveau, en juillet 1853, par les troupes rus-ses de Dannenberg ce gage habitue! contrel'opiniiltreté des refus turcs. Un peu plus tard,le general Gortschacov arriva a Jassy et fitmarcher les deux corps d'armée qui se trou-vaient sous ses ordres. Gregoire O'lica étaittncore garde comme prince du teirit IP oc-cupé, et ce ne fut qu'apres la tardw decla-ration de guerre de la Porte qu'il fut echargéde ses fonctions, le general Ourous v luiCant substitué (28 septembre).

II n'y avait eu aucune communication enl-reRusses et Roumains pendant cette longue oc-cupation anti-révolutionnaire; les commandantsides armées impériales s'étaient bornés a fre-quenter des salons oil leurs collegues turcs,lorsqu'ils parlaierrt le francais et avaient.l'usage du monde', jouissaient des memesavantages ; comme il n'y avait pas de guerre,il était permis de se distraire et, a un desbanquets qu'ils se firent décerner, quelqu'unparmi les officiers russes eut le mauvais gofit(le porter un toast en l'honneur des dames, laplus belle recompense du guerrier". Tout auplus se laissait-on imprégner dans les con-versations avec les jeunes bolars de l'espritfrangais", prohibé dans la patrie elle-meme. Hn'y eut pas meme, parmi ces officiers, quo-qu'un qui fiat attire par le pittoresque de cettevie moldo-valaque ou quelque slaviste fouilleur&archives, comme ce Vénéline, un historien

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dc renom, qui fut le premier a publier deschrysobulles slavons des anciens princes. Apres1853 il n'en fut pas autrement.

11 n'y avait plusmalgré les efforts d'Ou-roussov en Moldavie de Kissélev pour ren-4:1re au moins utile au pays l'autorité sanscontrOle de la force militaire étrangere. Etmem, aupres du nouveau commandant, le-general André de Budberg, qui s'installa enmars 1854, ayant pour lieutenant le comted'Osten-Sacken, comme chef du gouvernementdes deux Principaulés, on ne trouve pasplus un consul ayant pour les mceurs rou-mines et pour le passé de ces regions cetintéret qui avait amené, sous Michel Sturdza,un Kotzebue a faire connaitre a l'Europe oc-,cidentale, par l'Allemagne dont il était origi-naire et dont il écrivait la langue, les meilleursproduits de la nouvelle littérature, exprimantTame meme d'un peuple en pleine renaissance-nationale ; le nouveau consul était l'AllemandGiers. Quand aux relations politiques pro--prement dites entre les Russes et ceux aux-qu Is Pierre-le-Grand et Catherine II s'étaient-adresses comme a des freres chrétiens unispar l'orthodoxie commune, Budberg s'étaitempresse de faire aux boTars moldaves unbeau discours pacifique, leur recommandant-de s'en tenir a leur devoir et a leurs affaires,sans se meler de celles des Puissances en,conflit, qui connaissent seules leurs intérets",

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Ia polltique extérieure étant, d'apres son avis,une durt affaire

L'Autriche avait fait tout ée qui était ,gpson pouvoir dans le but d'empecher cette occupation menagante pour ses propres projets ;elle avait propose avec acharnement un ar-rangement direct" e4 avait depute au Tzarle general Gyulay pour le dissuader de prer,clreune decision irreparable. Elle soutint chaleu-reusement le projet Bourqueney", par le-quel la Russie aurait recu une satisfactionpublique et brillante sans faire marcher sesarmées. Lorsqu'elle apprit leur entrée A Jassy,elle s'ingénia done A trouver le moyen deles en lake sortir. Lorsque le projet Buol,paraissait pouvoir etre accepté par la Russie,.fut abandonné, apres la célèbre declaration.secrete" de Nesselrode, que tout de memeon n'exécuterait pas les engagements qu'onaurait pris, l'entrevue des deux Ernpereurs

Olmatz, les visites de Francois-Joseph etdu roi de Prusse a Varsovie, puis celle duTzar lui-meme A Berlin, étaient destinéesmettre fin au conflit et A empecher l'eta-blissement des Russes sur le Danube. Ce-pendant on avait eu la declaration de guerrede la Turquie et la Sommation faite a Gor-

ouvr. titê, p. 242.

qui

1 Dragtici,

5.

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tschacov de quitter les Principautés jusqu'au,24 octobre.

La Cour de Vienne ne se découragea pascependant pour si peu, et elle proposait a laRussie, au commencement de la nouvelle-année, des négociations directes, sous son.influence médiatrice.

Le comte Or lov, qui vint de la part -duTzar en janvier 1854, fut averti qu'il fallaitcependant renoncer aux pays roumains, memesi la Russie avait admis l'établissement autri-chien dans les Balcans. En février, puis en.mars, les Puissances maritimes se mirent dela partie, exigeant l'abandon immédiat du ter--ritoire occupé, oa des combats acharnés s'étalent livres, dans l'Olténie, pres de Calafat.avec des résultats -assez défavorables pour-Dannenberg. Sur cette evacuation elles s'entendirent des le 9 mars? a Vienne, avec l'Autriche et la Prusse elle-meme.

La France otfrait déjà les PrineipautCsl'Autriche en &flange pour la liberté de l'I-talie, et le ministre prussien a Londres, Bunsenfaisait entrer dans le lot de Francois-Josephaussi la Bessarabie entiere et les territoires,.qui s'étendent jusqu'en CritnCe. Paskiévitsch,le vieux guerrier de 1828, qui venait de faire-son entrée en Moldavie, et le conseiller stratégique des armées fusses, le SuiSse de Jo-mini, étaient d'avis qu'il faut en finir avec:

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pieges de cette rivale opiniatre, en lui-declarant la guerre.

L'Autriche répondit a ses projets en pre-nant la decision d'occuper elle-meme lesPrincipautés dont elle esperait bien ne de-voir jamais sortir.

line dernière invitation fut adressée a Ni-colas I-er au moment oil les Turcs, conseilleset commandés par des Anglais, repoussaientknergiquement l'attaque russe contre Silistrie(juin). Au nom de l'Allemagne entiere, dontelle s'erigeait en representante attitrée, etavec l'assentiment formel de la Prusse, l'Au-triche demandait la liberation de ce Danube,qu'elle dominait depuis vingt ans par sa na-vigation d vapeur et qui devait etre le Da-nube allemand". En rneme temps, pour em-pecher les troupes des Puissances occiden-tales, qui avaient declare la guerre au Tzar,drentrer elles memes dans ce territoire con-voité par son ambition, la Cour de Viennes'empressa de se faire accorder par la Turquiele droit d'en expulser, au besoin, les Russes,d'y rétablir l'ordre legal" conformément auxtraités, d'y retablir les princes nammes par1e Sultan, qui s'etaient refugies tous les deuxsur son territoire, et de tenir la Moldavie et

Valachie sous sa bonne garde jusqu'à lapaix (convention de BoIadschi-Keui ; 14 juin).

Les Russes avaient commence déjà, en juil-

les

la

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let, a renvoyer leurs armées. Lorsqu'ils aban--donnerent Jassy, Budberg eut la mauvaiseinspiration d'in viter la milice moldavesuivre les drapeaux du Tzar dans la retraiteau-delà du Pruth ; le commandant de l'artil-lerie, capitaine Filipescu, refusa de se sou-mettre a cet ordre illega1.11 fut arreté et détenu-en Russie ; 10.000 hommes de troupes impddales cernerent les Moldaves et les contrai-gnirent a deposer les armes. Cette scene re-grettable fit une profonde impression dans lepays, et les adversaires de la politique russene manquerent pas de l'exploiter dans la pressede l'Occident. Le 4/16 septembre II n'y avaitplus un Russe dans les Principautés. Au milieu,du mois d'aat, les Autrichiens de Hess et deCoronini se présenterent pour les remplacer_En septembre les deux Capitales furent occu-pees en grande solennité: Les contemporains,roumains et étrangers, constatent le manquecomplet de syinpathie de la part de la po-pulation.

On procéda lentement, mais methodiquement,a la prise en possession du pays entier, pourle present, mais aussi pour l'avenir. Les princesrétablis furent vigoureusement empechés deprendre des mesures tendant au retour del'ancien ordre de choses, de l'autonomie na-tionale visant a l'independance. De plus enplus on chercha a réduire le role des Turcs,qui avaient aussi des troupes d'occupation,

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<flue Hess traitait de hordes barbares", sou-tenant une administration asiatique". il étaitquestion de créer un parti autrichien" sur-tout en Moldavie, en accordant au gouverne-ment des emprunts favorables ; les nouveauxchemins de fer devaient rattacher les Princi-pautés, par VArciorova, Predeal et Burdujeni,avec l'Autriche seule. Apres une protection"bienfaisante, soutenue par une puissante armee,on aurait travaille, par des moyens économi--ques, a la conquete morale", puis l'annexionse serait peuf-etre imposée de soi-meme; ellen'était pas, du reste, absolument nécessairepour faire de ces province- un territoire d'ex-ploitation au profit de l'Autriche bienfaisante.Le general autrich;en Ficquelmont allait prou-ver, dans sa brochure , La politique de la Rus-sie et les Principautés Danubiennes", que cedroit revient a l'Autriche seule, qui, par la pos-session de la Bucovine et de li Transylvanie,détient les sources des rivieres qui arrosent-ces pays. Et cet ttat ne voalait plus désor-mais etre inquiété dans cette possession deterritoires roumains par ces idées de nationa-lite qui commençaient a marir dans l'espritdes nouvelles generations roumaines. En toutcas, la Russie devait etre écartée des bouchesdu Danube, fleuve allemanda, fat-ce memepour y installer, sous un contrede européen,la faible Moldavie, agrandie de ferritoires bes-

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arabiens retrocedes par le Tzar, ou la Tur--quie en decadence 1

Or, la victoire des Puissances maritirnes enCrimée, gagnee au prix de si grands efforts,amena, non la cession A l'Autriche de tout lereste du territoire habité par les Roumains,jusqu'au Dniester, mais bien, dans le sens desidées que Napoleon 111 n'avait pas été en me-sure d'appliquer ailleurs, la formation d'un'Etat national roumain, fat-ce meme, dans lapremiere conception de cette ceuvre, sous l'as-pect d'une simple confederation moldo-vala--que. Malgré tous ses efforts, ses lenteurs cal-culées, sas retards diplomatiques, l'Autriche futcontrainte A vider le terrain, sans laisser unseul regret là oü aucune espérance ne l'avaitappelee. Elle ne laissa pas meme, en dehors duservice télégraphique, rien qui rappelAt le se-jour pendant presque trois ans de ses arrneessur le territoire des Principautés.

Mais jusqu'au bout, son agent A Jassy, lebaron Goedal, lutta contre l'idée de l'Union,essayant de susciter, par les moyens d'unecorruption qui ne savait meme pas etre gé-néreuse, un parti autrichien favorable au se-paratisme moldave. Avec la Turquie, qui re-

Voy. notre mdmoire sur La politique del'Autriche envers l'Union", dans les Annalesde l'Académie Roumaine", XXXIV, p. 835 et suisr.

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vait de faire ressusciter, par un organismeadministratif moderne, copid d'apres celui del'Empire frangais,l'ancienne unite de la grandeépoque conquérante, avec l'Angleterre, dontla pensée politique en ce qui concerne cetOrient chrétien d'Europe s'était figée dans ledogme de l'inviolabilité territoriale des domi-nations du Sultan, elle se consacra a unemuvre negative qui ne pouvait pas atteindreson but. Tous ceux qui s'efforcerent, cedanta des motifs différents, de rendre l'Union rou-maine impossible, ou au rpo'ns imparfaite, trou-verent un appui dans la chancelleri , perpé-tuellement intrigante, de l'Agence. La Portevenait de creer Caimacam pour la Moldavie,avec la mission de presider l'Ass mblée, leDiv n ad-hoc" qui devait manifester I s vceuxde la nation, le jeune Grec Nic las V o-rides, époux de la fine du riche Conachi etintéressé lui-même a l'insucc's du pa ti na-tional unioniste par son ambi 'on de revetirle caftan des hospodars". Il fit d s él c-tions scandaleuses, dont le résultat devait etretine Assemblee nettement séparif ste ; son prin-cipal auxiliaire fut nécessairem nt Goedel.

Napoleon III fit casser le résultat de cettefalsification électorale, menacant de rompreles relations avec ce miserable Etat turc quesa volonté venait d'arracher a la ruine ; UnDivan, qui correspondait vraiement a la vo-lonté des Moldaves, fut élu, mais, si le ter-

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rain était définitivement perdu a Jassy, on Ticdiscontinua pas les intrigues a Constantino-ple meme jusqu'à ce que les Assemblées quidevaient donner deux princes aux deux payss'entendirent pour concentrer leurs vceux surle candidat du parti unioniste moldave, Alexan-dre Jean Cuza, le fart accompli du 24 jan-vier a. st. 1859, que l'Europe, représentée-dans les conferences de Paris, dut recon-mitre.

La diplomatie russe n'avait qu'une vole asuivre : contrecarr r les projt ts de l'Autriche,se venger de regression man luée de 1854,empecher des futur-s immixtions sur le Da-nube. Si c la sign*fiait soutenir l'Unicn, fa-voi s r l'accompl.ssement des vceux les pluschal ureux des Roumains, d'autent mieux,aure't-on pu dire. ç'eurait été en effet, con-tinu r cett belle porn:clue du XVIII-e sieclequi comm nca't par étudier avec sympathiel'état des esprits de la naLion pour se ga-gner des sympathies en employant la puis-sance russe a la realisation de ce programme.Malheureusement on avait d inssé ce pointde vue pour faire par la diplomale la poli-tique de cette seule diplomatie, renforcée dansles intérets et les preiugés de sa caste. Cen'éta;t pas en tout cas le Grec francisé deBasily, représentant de la Russie aux confe-rences spéciales de Bucarest, qui aurait pu

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ze rappeler une tradition ou tenter des in-novations sur ce sujet. Or, ce qui est ac-.compli seulement sous l'impulsion crun sen-timent negatif contre un tiers ne crée pasprécisément pour celui qui en est oblige quandmeme, une dette de reconnaissance.

Du reste ces Principautés Unies, cette Rou-manie, avaient éte créées comme un chAti-ment de la Russie, comme un instrumentcontre ses ambitions en Orient, comme un-empechement A ses intérêts sur le Danubeinférieur, dans la Mer Noire et vers les dé--troits des eaux libres du Sud. On s'en ren-dait compte A Bucarest aussi bien qu'A Pe-tersboarg. L'o3i1 soupconneux de l'Empereurdes Français, gardien jaloux de sa creationpolitique, veillait, du reste, A ce que le passé-Mt completement oublié par ceux qui de-vaient preparer aux Roumains un avenir. Et,comme les représentants de la Roumanie nou-velle étaient, du prince au dernier sous-pré-let, les éleves, par vole directe ou indirecte,des écoles libérales de l'Occident, ils accep-taient avec plaisir de jouer un role qui cor-respondait si bien a leurs propres senti-ments.

Du Ole de la Russie done, qui voyait-dans l'Etat danubien uni et libre l'imagememe de sa défaite et de son humiliation,il y eut l'appui accordé aux moines grecsréclamant les biens-fonds secularises" par

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Cuza et au clergé monacal, le Métropolitemoldave Sophronius a sa tete, auquel il a-vait impose une constitution laique. De l'autrecôté, le gouvernement de Cuza, et le princebi-même, avait des relations avec Dunin Bor-icowski et le parti révolutionnaire polonais,qui considérait le souverain danubien commeun de ses principaux protecteurs. Ce fut sey-lement lorsqu'une troupe armee d'insurgesde cette nation entra sur le territoire rou,main, qu'il fallut mettre fin A eette politique,par trop compromettante; ii y eut un com-bat formel a Costangalia, qui finit par lavictoire, plutôt &ante, et sous plus d'unTapport, des troupes roumaines.

On demandait dejA au prince élu en 1859 dese decider A quitter sa situation pour faireplace, dans ['inter& meme du pays, a unsuccesseur appartenant A quelque dynastie é-irangere, qui offrirait de meilleures garanties,d'impartialité et de continuité politique. Dessources dignes de foi affirment que Cuza,qui ne tenait guere A son tri3ne apres avoiraccompli ces actes qui formeront toujours sagloire la plus pure: affirmation de l'UnionToumaine, reconnue par la Porte en sa per-sonne, expulsion des moines grecs et deli-vrance Cconomique, fdt-elle meme si incom-plete, du paysan, se serait déjà entendu avecIa Russie pour établir a sa place, au mo-ment opportun, un des dues de Leuchten-

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berg, Serge, qui, ayant des attacties bonapar-tistes, descendaient, par leur mere, la Grande-Duchesse Marie, de Nicolas I. Or, ee rappro-chement d'un gopvernement autocratique etaitpour les radicaux le plus grand crime de lapart d'un chef d'Etat qu'ils n'avaient jamaisentoure de leurs sympathies. Depuis longtempale terrain avait eié prepare a Paris pour unchangement de regime en Roumanie ; le nou-veau chef d'accusation contre Cuza devaitemporter la partie. Un complot militaire futfomenté et, grace a la tolerance indolente, aumépris a l'égard de ses adversaires que pro-fesqait le prince, il réuss't. Alexandre Jean.I-er fut détrôné le 11 février a st. 1866; ilconsentit en souriant a signer rade d'abdi-cation qu'on lui avait présenté.

Son successeur fut un prince allemand, dela branche rhenane, catholique, de Hohen-zollern; bien que Ws d'un prem:er ministreprussien, Charles 1-er avait garde de sa des-=dance francaise par les femmesune grand'mere appartenait aux Murat et l'autre auxBeauharnjs des attaches puissantes avec-la France et surtout avec Ics Napoléonidesrevenus au pcuvoir. Son election, admise par1 roi Guillaume, tolérée ironiquement parBismarck, qui n'y voyait pas précisétnent unatout de sa politique, fut chaleureusementacceptee par l'Empereur des Français.

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Cela marquait, des le debut, la caractere desa politique. Si Cuza avait &é anti-russe parson devoir de reconnaissance envers le prin-cipal protecteur, envers le créateur presque, enfait d'appui &ranger, de son pays, le princeCharles le fut, non seulement comme alliede famille et protégé de Napoleon, qui nes'était pas encore réconcilié avec la Russie,dont il soupconnait les agissemEnts en Orienttt dolt il savait bien les efforts incessantsde se dégager des prescriptions genantes etprofondément humiliantes du traité de Paris,mais aussi comme prince allemand.

La Russie n'avait pas manqué, du reste,,de legitimer par son attitude la plus récentecette politique. Une conference s'était reunieA Paris apres l'acte de février pour prendreune resolution sur l'avenir de cette Roumanie4ont la base legale meme venait d'être é-branlée par la victoire des conspirateurs. IlInt question, ainsi qu'on le voit par les ex-plications du general La Marmora, presidentdu Conseil italien A cette epoque, de passerles Principautés A l'Autr:the, sewn l'ancienprojet de compensations pour l'Italie subju-guée : on aurait paye sur le Danube la ranconde Venise ; l'Italie s'y serait pretée, bien qu'-A contre-coeur, l'Empereur n'aurait pas ditnon et Bismarck n'accordait pas une tropgrande Importance A cette affaire de troc,flont l'immoralité n'avait rien de choquant

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pour sa conscience. On alla jusqu'à envisagerla possibilité d'établir a Bucarest, a Jassy les.princes allemands déposs6dés pour que, eri,echange de ses bens offices au profit d'uneentente generale pacifique, la France impériale efit les deux rives du Rhin.

La Russie garda une attitude assez réservieMais on voyait bien que le traité de Parislui pesait, qu'elle voulait que toute trace desa défaite frit effacée par le retour de l'an-cien ordre de choses dans cette Roumanie-qu'on avait improvisée a ses moments de supreme faiblesse pour la tourner contre l'a-venir national russe. Ses diplomates aura'ent-voulu que la reunion des Principautés dis-parfit avec le personnage meme au nom du-quel elle avait été proclamée, comme un actedéfin;tif de la part des Roumains -eux-mernes,.mais sans que cette conception efit été ad-mise par la Turquie elle-merne, qui se pre-sentait comme propriétaire légitime, et parses amis. Et on attribuait A des influencesvenues de Pétersbourg cette révolte, ayant leMétropolite Callinique a sa tete, qui ensan-glanta, en mai 1866, les rues de Jassy, avant-l'élection d'un nOuveau prince, pour orner dela couronne moldave la pauvre tete legerede ce Nicolas Roznovanu qui avait débutédans la vie publique, comme Bibescu, soncontemporain plus heureux, en récitant uni

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discours français devant Ribeaupierre, de passage en Moldavie.

A ce moment ce qui décidait de la polltique russe ce n'étaient plus les souvenirs dttrornantisme orthodoxe de ce dix-huitieme sieclecompletement oublié, ni meme les traditionsplus récentes de la revanche, personnifiée dansles individualités elles-memes qui se trouvaienta, la tete des affaires, Gortschacov, deventt,un chancelier tout-puissant, et Jomini, le reorganisateur de l'armée. Et, de l'autre côté,ce puissant sentiment de race dans le pluslarge sens du mot, cet envahissant panslavisme, qui, venant de Karamzine, était représenté vers 1860-1870 par une grande partie-de la diplomatie lgnatiev, ambassadeur a.Constantinople, en était tout imprégné etde la Cour elle-meme, alors que l'opinionpublique ne vibrait qu'au récit des souffrances de ces freres slaves" orthodoxesou non, ceci était devenu un point secondaire qu'il s'agissait de délivrer. Or lesRoumains, par la Bessarabie rétrocédée, gulls.détenaient, avec ses anciens habitants roumains et ses nouveaux colons bulpres,.sinon par la constitution même de leur Etat,.entraient dans le programme froidement négatif des premiers sans faire partie du programme chaleureusement positif des derniers.

II y eut donc, pendant le nouveau regne,,selon les vicissitudes de la politique fran

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caise elle-meme envers la Russie, la missionPétersbourg, en 1868, de Jean Cantacuzene

et de cette persotta grata que devait etrel'eveque Melchisedec, qui paraissaient s'y etrerendus settlement pour y traiter (le la situa-tion de l'Eglise roumaine laIcisée, de l'affairependante des convents de Bessarabie et deSqUestions d'administrat:on lirnitrophe, d'an-ciennes dettes qui trainaient et de tribunauxconsulaires. Puis ii y eut un projet de mar:agetnire le prince Charles et la Grande-Duchesse_Marie, fille d'Alexandre U, projet bientôtabandonné. On deckla un voyage a Livadiapour ne pas donner un caractere trop enga-geant a ce voyage a Pesth et a Vienne quirnit les bases d'une entente entre les Rourna*nstt les intérets magyars, représentés, avec tineiinesse séduisante, par le chancelier, toutautrichien en apparence, qui fut Andrássy(1869). Et puis, rien.

Rien jusqu'à cette révolte de l'Herzegovine,'pis de la Bosnie, qui mit de nouveau surle tapis la vieille question d'Orient".

Les peuples de la Péninsule, Serbes, quis'etaient mis en premiere ligne par la nobleambition et l'esprit hardiment organisateur duprince Michel, Grecs qui revaient d'annexionsen Epire et en Thessalie aussi b:en qu'enCrete, Bulgares, prets aux révoltes liberatri-ces, s'étaient tournés plus d'une fois vers les

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Roumains, coinme vers leurs allies et leursanciens bienfaiteurs. Le nouveau Gouverne-ment s'arreta a leur égard aux simples actesde politesse internationale ; le traité concluavec Michel, traité dans lequel on ignoreencore le texte des conditions secretes, futbientôt oublié. Derriere toutes ces agitationsCharles I-er soupconnait le parti panslaviste"et ses intrigues, et son aversion pour ce partirouge" fit perdre a l'ancien carbonaro Bra-

tianu lui-merne, pour un laps de temps, l'in-fluence exercée par hri, grace a sa personnalitécaptivante, sur un prince gull avait presquechoisi et, en tout cas, introduit dans le pays. UnMinisktre de concentration conservatrice, avecDémetre Ghica a sa tete, fut celui qui con-clut, en 1869, pour s'assurer au moins unappui a l'etranger, le pacte, nécessaire peut-etre a son heure, mais fatal dans ses conse-quences, metne les plus immédiates, avecl'Autriche dualiste, formée en 1867. On voitle prince chercher un appui, contre ses diffi-cultés intérieures et extérieures, dans une pro-tection commune de la France, de l'Anleterreet de la Prusse, qui aurait résolu aussi sur d'au-tres points cette question d'Orient 1 De Parison lui avait indiqué, des 1869, Vienne et les,cercles politiques hongrois comme suivant'tine politique orientale qui était celle de la

I Politica extera a Regelui Carol, pp. 54-55.

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France meme. S'abstenir de toute immixtiomdans les affaires de Transy1vanie6 etait lapremiere condition pour pouvoir s'entendreavec les nouveaux amis auxquels il fallaitdonc s'habituer 1

On était convaincu A Vienne de s'etre dé-finitivement engage avec la Roumanie, quis'attendait A des relations de bon voisinagepossibles, selon l'opinion de ses chefs, si lesdeux parties se maintenaient sur le terraindu droit et du respect réciproque 2 La di-plomatie autrichienne n'avait plus qu'un seulsouci : maintenir les amis roumains dans des,sentiments d'incertitude soupçonneuse A regardde la Russie. On le vit bien en 1870, lorsquele pays vécut quelques mois dans l'appréhen-sion d'un passage du Pruth par les Russes,ce qui détermina le ministere conservateur,qui suivait les conseils perfides du Cabinetde Vienne, A faire des propositions d'allianceaux Turcs, et il alla meme jusqu'à admettrele passage du Danube par les armées duSultan et le concours des troupes roumaines,filt-ce meme sous les ordres d'un Pacha quel-conque 3.

II fallait bien le faire, puisque, A en croireAndrássy, le bon apôtre, Gortschacov était

1 Ibid., p. 60.2 Ibid., p. 78.3 Ibid., p. 88 et suiy.

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decide, non seulement a faire envahir le ter-ritoire roumain, mais a briser l'Union de 1859'et a ramener les Principautés a leur ancienneexistence politique toujours menacée. Au con-traire, l'Autriche, non contente de faire de cetteexistence et du libre développement de lanation roumaine, entre les frontieres du nou-vel Etat, tine des bases de sa politique, étaitdisposee meme a le consolider en donnantau prince et a son Gouvernement, avec l'as-seMiment de l'Europe, le moyen de vaincre,par des changements constitutionnels devenusindispensables, les difficultés intérieures. Dansle mouvement révolutionnaire, républicain, de

provoqué par la fausse nouvelle d'unevictoire frangaise, ce qui aurait permis de sedéfaire d'un prince prussien, on pouvait in-diquer aussi, a travers l'action criminelle des-rouges radicaux, l'influence, toujours auxaguets, du panslavisme".

Rassuré de ce Me par l'engagement de1869, Andrássy pouvait se tourner donc versles Balcans pour y reprendre cette politiquede 1854 qui avait failli donner a Frangois-Joseph la domination de la Péninsule et celle-du ,Danube allemand" en plus.

En 1874, le raccordement des lignes dechemin de fer avait ete accordé, contre l'opi-nion publique, a l'Autriche, mais des 1875elle concluait une convention avec la Tur-quie arncernant les travaux a accomplk

PloieVi,

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pour ouvrir aux Portes-de-fer la navi-gation du Danube. La Roumanie protesta,parlant de ses droits de souveraineté sur sonterritoire. La diplomatie viennoise sut arrachercependant, au cours de la meme année, aupays si profondement blessé par cette attitudela premiere convention de commerce. 11 y a-vait bien des clauses qui permettaient Passer-vissement économique du pays, mais on étaittres satisfait de s'etre fait reconnaitre, a l'en-contre des prétentiones arrogantes de laTur-quie, comme Etat gardant le droll de conclureau moins ces conventions que la Porte elle-merne avait concédées, tout en defendant for-mellement les traités, dans l'acte de reconnais-sance du prince Charles. Ceci n'empecha pas

--cependant Bismarck de replacer la Roumaniedans les limites de la souveraineté du Sultanlorsqu'il menagait de s'adresser ii -ce derniersi on tardait encore a dédommager les ac-lionnaires allemands de l'aventure de cheminsde fer réussie, dans ce bon pays crédule parl'escroc Strousberg, ce Juif d'origine allemandequi finit un peu plus tard par échouer dansune prison russe.

La révolte de la Bosnie et de l'Herzégovineeclata en 1875. Ces deux provinces étaient,sans doute, accablées d'impôts, et l'administra-ton turque n'a jama is été consider& que commela forme officielle de l'abus. 11 y avail, sanscompter l'agitation des émissaires serbes qui

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revaient d'une Yougoslavie indépendante, biendes motifs a un soulevement. Mais ces quel-ques milliers de paysans, rassembles au ha-sard sous la conduite de tel aventurier étran-ger ou de tel chef indigene improvise, n'au-raient pu guere resister pendant deux ans aune armee ottomane bien equip& et conduited'apres les normes europeennes sans un ap-pui étranger puissant et continue!.

On le chercha, bien entendu, dans le pan-slavisme". Les Turcs- publierent a Pesth unrecueil de documents pour prouver que l'im-pulsion était venue de la Russie, l'ennemihéréditaire. Ignatiev, celui qui parlait de l'au-tonomie ou l'anatomie" qu'il faut imposer auSultan, était le grand coupable. Mais qu'conque se rend compte de l'état des arméesru ses a ce moment et meme du peu d'unitiqii régnait dans l'action diploma "que reco -1-naitra qu'il faut 'adresser ailleurs.

Or tous les indices désignent la nouvelleAutriche, qui essayait encore une fois d'échap-per a une preponderance magyare par tropexclusive. INA en 1873 le jeune prince serbeMilan, qui avait été amene a Lix adia avantd'avoir visit son suzerain tun.. a Constanti-nople, fut attire a Vienne aussi, dans lesmemes circonstances. L'Expoaition Universelleavait fourni un prétexte pour manquer en-core une fois au devoir de politesse enversle Sultan. Sous un autre prétexte, celui de

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soigner sa sante dans une station balnCaire-en Occident, le prince fit, en 1874, son secondvivage de Vienne, apres que la nation eatité révoltée par le manque d'égard, qui avaitété témoigné a son chef au cours de sonvoyage en Turquie. Un Ministere serbe dutquitter le pouvoir pour a voir déplu A laCour impériale, et, lorsqu'il s'agit d'un traitéde commerce avec la Serbie, l'Autriche lerenvoya dédaigneusement A un avenir pluslointain, comme s'il s'était agi de faireune grace au petit Etat danubien. Le jour-nal Po litile parlait ouvertement a ce mo-ment 4e l'intention qu'on- avait A Vienne defonder une autre Yougoslavie que celle donton revait A Belgrade, un Etat pan-serbe sousla souveraineté d'un archiduc-roi, filt-ce inemeau prix de permettre A la Russie un établis-sement similaire en Bulgarie.

Le 2 avril de l'année suivante, 1875, Peru-pereur Francois-Joseph, qui avait rencontrél'opposition des Serbes de la principauté, com-menca ce voyage en Dalmatie qui signifiaitbien autre chose q.ie la visite de ses proprespossessions. 11 voulait presenter A la vénéra-tion des Balcans leur futur souverain chrétien,leur Tzar de nuance occidentale, qui venaitdéloger l'influence de l'autre, ce Tzar orientalqui tardait A accourir pour l'oeuvre de deli-vrance. Aux festivités de Cattaro, Milan n'avaitpas été invite, et toutes les attentions, d'un

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qcaractere particulierement flatteur, se tour-maient vers le jeune pr:nce du Montenegro etvers le représentant du prince de Roumanie,.tjui en fut tout ébloui. ,Je suis content de laRoumanie", daigna dire Frangois-Joseph A cedernier. Vous marchez dans une bonne voie,.et la stabilité que vous devez au prince seraioujours le plus stir garant de progres. Vous.avez des hommes vraiement capables. Nousavons beaucoup d'affaires entre les deux pays,4nais je suis rassurd ct present. Cela va malen Serbie. La Skouptschina cst composeed'hommes ignorants. La Serbie n'a pas d'hom-mes. Je suis fort content du prince du Mon-tenegro. II s'est vraiernent bien conduit. C'estun digne homme 1"

Quelques mois plus tard, la révolte éclataitparmi ceux des chrétiens balcaniques qui4taient les voisins immédiats des possessionsautrichiennes. Le consul imperial se mela aus-sitOt de l'affaire, offrant de- prendre sur luila mediation. Le general Rodich fit de ma-niere que les msurgés ne se trouvassent ja-mais sans armes, sans munitions et A courtd'autres moyens. Et, de son côté, Andtássyentretint pendant ces deux ans l'Europe en-tiere de son projet de reformer la Turquie,de lui octroyer, de Vienne, la nouvelle chartede son existence politique, qu'il aurait sauvée,

Ibid., p. 117, note 1.1

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non sans en avoir été recompense dans lesens qu'on peut déjà entrevoir. Ici on croftgénéralement", écrivait l'agent de RoumanieA Belgrade, a la date du troisieme departpour Vienne, en vue d'y darer son marinede Milan, enfin grade par le futur Empereurde tous les Balcans, que l'Autriche est l'au-teur des menées de Herzegovine ou qu'ellecherche a en profiter".

Pendant ce temps la Russie off;ci lle gar-dait tine expectative presque timide. Ignatievseul continuait une politique qui r présen-taa plutôt sa personne et servait phi 61 sonambition (4 paraitre le malre de la sluation.De PetersbOurg on n'avait jamais envoy enRoumanie d'autres conse Is que ceux de lapatience.

En 1874 Strémoncov, chef du D'parte-meat asiatique, recevant Georges Filip scu,envoyé du prince Charles et on l'avait ac-cepté dans cette qualité, malgré les v*ol n esprotestations turques, assurait que la Russiene considere pas les Roumains comme desdindons qu'on engraisse pour en faire unemeilleure bouchée", qu'elie n'a meme jamaiseu l'intention d'une annexion. Toute augmen-tation de territoireN, ajoutait-il, ne pourraItqu'etre fatale a l'Empire. Aucun g uv me-ment n'oserait en assumer la responsabilité...Pour ce qui est de la Roumanie, elle a tou-

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jours Re de la part de la Russie, l'objet d'unebienveillance désintéressée.m

Le projet Andrássy et le grand fracas dontil fut accompagné p.t. une diplomatie quiaime la mise en scene ne provoqua aucunejalousie. Lorsqu'il fallut acquiescer aussi auxvceux de l'Angleterre, qui voulait sauver atout prix et contre n'importe quel ennemiA commencer, bien entendu, par le panslavis--me" son ancienne cliente, le Cabinet dePétersbourg admit aussi ces conferences deConstantinople, dans lesquelles Salisbury, dé-puté, avec toute son importance, pour y re-presenter les intérets de son pays, devaitjouer le premier rOle, qui avait échappé pourle moment au pacifcateur autrichien. Or, Mi-dhat-Pacha se mit de la partie, et il signifiaaux membres de la conference qui travail-laient A leur inutile ceuvre laborieuse cetteConstitution ottomane qui dégageait la Tur-quie des obligations prises alors que sespopulations, n'étant pas des facteurs dans tutregime de liberté, en étaient réduites A invo-quer la philanthropie des coreligionnaires chre-tiens. La Russie laissa faire; ct elle paraissaitdisposée A prolonger des négociations quiauraient empeché peut-etre, retardé A coup stir,la rupture.

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CHAPITRE XI

La Russie et l'Indépendanceroumaine.

Durant tout ce laps de temps la diplomatfeTusie n'avait eu aidcunes relations avec la

-Roumanie, dont le Ministere conservateur de"LascAr Catargi, celui du general Florescu, puisle Ministere mixte et enfin le gouvernernent

liberal, forme sous la présidence de Jean Bra-tianu, en juillet 1876, exprimaient a chaque-occasion la ferme resolution de maintenir unepolitique de neutrahte et de respect des trai--tes" comme si le traité de Paris, derrierelequel on se tassait peureusement, avait en-core existe!, la plus stricte neutralité", lepays formant un territoire impenetrable al'action tour a tour prédominante des diffé-xentes Puissances etrangeres la. Le 4 16 janvieron était allé jusqu'à promettre de marchercontre la Russie, si elle s'avisait de tenterTine nouvelle invasion.

Au mois de juin, Michel Kogglniceanu, de-venu pour trois mois ministre des AffairesEtrangeres, ne demandait a la Turquie, dansles termes les plus obligeants, que le thalwegdu Danube pour frontiere, une solution équi-

1 Ibid., pp. 133. Cf. ibid., p. 135, note 1.

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-table dans la qunstion des Iles du Danube,et la reconnaissance, dans toutes les formes-et avec tons les droits, de la personnalité-politique de cette nouvelle Roumanie que les-Thommes d'Etat de Constantinople affectaient4Ie voir avec les yeux des Vizirs de Moham-med II ou de Soliman-le-Magnifique. On..se déclarait, sans doute, sympathique aux_aspirations de liberté qui menaient a la ré-volte les voisins du Sud, mais étranffers-par la langue, par le sang et par le genie.aux races qui habitint la Turquie. Sur cepoint Ies gouvernants, des deux part:s, etJes Chambres étaient du merne avis, et, quantau prince, qui avait la pass:on de la gloire,comme ses contemporains en Allemagne, et lenoble des;r de presider aux destinées d'une'nation independ2nte et libre de suivre la settleIgne que lui indiquaient ses destinees, iln'avait exprimé jusqu'alors aucune opinion 1.

Andrássy applaudissait chaleureusement acette politique, qui n'etait pas celle de cesSlaves balcaniques qu'il affectait de me-priser dans leur barbare turbulence. II rap-pelait a ses amis roumains qu'ils devaientleur situation actuelle a tine action prudentesur les seules voles de la paix. Declaranthautement ne rien craindre des aspirations

' Ibid., pp. 142-14S.

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irrédentistes roumaines, car la nation magyarerestait en tout cas supérieure, il recommandaitla plus grande circonspection, surtout en cequi concerne les relations avec la Russie tou-jours aux aguets. Et, en échange, Kogälni-ceanu lui-meme faisait entrevoir la possibi-lite de faire mieux valoir a l'avenir les in-térets réciproques de la Roumanie et de laHongrie", par une forme de confederation,quelconque 1

Si, vers la fin de son administration, Ko-gainiceanu,celui, du reste, parmi les hommesd'Etat roumains, qui avait des idées plusclaires et plus justes sur la politique russe,eut le courage de declarer que son pays nepeut pourtant pas cacher les préocupationset les sympathies que luif inspire l'état dequelques provinces de la Turquie" et qu'il.deteste ces atrocités bulgares" dénoncées7comme ou le sait bien, par Gladstone dansle Parlement anglais, qu'il ne consent pas a.garder un silence qui le rendrait a peu prescomplice de ces crimes hideux qui se com-mettent presque a ses portee 2, son acte futdesavoué publiquement, aussi bien par lepresident du Conseil dont il avait fait partieque par 13ratianu meme, qui le remplaga a..

l Ibid., p. 144 note 1.2 Ibid., p. 150 et suiv.' Ibid., p. 148.

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La Roumaniz se résigna, tout en empechantle passage des bandes bulgares, a rester im-passible, scrupuleusement preoccupée de sasettle neutralité, pendant cette guerre entrela Serbie et les Tures, qui finirent, sous sesyeux compatissants, a rester les vainqueurs 1

Or, la Russie populaire ne voulait pas ad-mettre le massacre de ses freres balcaniques.et la catastrophe de cette idée slave" elle-meme qui avait pris possession de tous les,esprits. Nous ne resterons pas", proclamaithauternent le Saint-S3 node, la peur dansles cceurs et les bras croisés-,-- spectateurs in-tlifférents, mais nous montrerons au mondecivilise qu'en dehors de la Russie officielle,ii y a encore une Russie plus vigoureuse,A savoir la Russie religieuse, qui, dans lalutte contre le Croissant, n'a jamais reculé{levant les sacrifices qui sont dignes desenseignements et des préceptes du Christsauveur" 2. Le 'rzar dut accorder une satis-faction a l'opinion publique révoltée, en par-lant, au mois a la fin des grandesmanuvres, de cet honneLr de la Russie,-encore intact, dont il est dépositaire", ajoutantclue, si cet honneur venait A etre attaqué,rarmée fera son devoir", apres quoi il ern-brassa son frere, le Grand-Duc Nicolas, plu-

Ibid., p. 154 et suiv.-2 Ibid., p. 158 note 1._

d'aalt,

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sieurs généraux faisant de meme entre eux4 1..DéIA, le mois precedent, Alexandre 11 s'était

rencontré a Reichstadt avec Francois-Joseph..En cédant, d'un cOté, toute vue sur la Serbieet, de l'autre, toute prétention a la domination,de Constantinople, on s'était entendu tacite-ment a abandonner les bases du traité de.Paris 2. Quant a celles qui serviront au nouvel ordre de choses, une conference des Puis-sances garantes devait decider, celle que nous,avons vu sieger a Constantinople. 13* ce-pendant le prince Charles était d'avis que lacession de la Bosnie et de l'Herzegovine a..l'Autriche fournirait a la Dalmatie ce hinter-land dont elle avait besoin 3.

BientOt apres, en septembre, le Tzar lui-meme, demandant a l'Autriehe cette coopéra-tion diplomatique qui lui était nécessaire pourne pas etra soupconnée de buts particulierset egastes, mettait en perspective, si cepen-dant elle n'atteignait pas son but, une occu-pation commune des territoires ottomans les.plus proches : Bulgarie, d'un côté, Bosnie etHerzegovine, de l'autre 4. Déjà depuis de&mois le general russe Tschernakv, a latete de ses volontaires, était, anon seulernent

I Ibid., p. 159, note 1.2 Voy. aussi ibid., p. 166.2 Aus dem Leben Konig Karls, III, p. 52.4 Politica externd a Regelui Carol, pp. 162-163.

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le coHaborateur militaire des Serbes, maiscelui-là meme qui conduisait leurS opera-tions et proclamait le pauvre prince vainciicomme roi de la grande Serbie indépendante(5/17 aotit 9.

Ce fut A ce moment, en septembre, que laRoumanie elle-meme, sans y avoir été pro-voquée par un autre motif que le refus desTures de négocier avec l'administration" desPrincipautes &ant occupes de choses.plus importantes" 2, - s'adressa A la Russie.Accompagne du ministre de la guerre, colonelSlAniceanu, BrMianu se rendit A Livadia.

Mais dans ce voyage on n'avMt pas eavue l'intervention de la Principauté dans laguerre qui pouvait s'ouvrir d'un moment &l'autre et par rapport aux préparatifs de la-quelle le chancelier GOrtschacov recommanda.seulement aux Roumains d'éviter les appa-rences choquantes d'une neutralité plus favo-rable aux Turcs. Mais on craignait que, letraité de Paris ayant été sacrifié par l'Au-triche et son alliée la Prusse, alors que laFrance n'avait ni le désir, ni la force de ladéfendre, la Bessarabie rétrocédée ne fet pas.en danger, ainsi qii'on l'assurait dejA, de plu-sieurs cetés, d'être perdue 3.

I Cf. ibid., p. 165 et suiv.I Ibid., p. 146, note 2.3 Ibid., pp. 168-170, 173-174.

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Ce sera désormais le point capital dartsles relations entre les diplomates de deuxpays qui ne se connaissaient guere et quiparaissaient n'avoir rien a se confier a cemoment de crise, si important pour !cur aye-rtir réciproque. Les Roumains n'étaient pasides freres slaves" comme les Serbes et lesMontenegrins, ni des pétitionnaires couvertsdu sang de leur martyre, comme les Bulga-res; ils furent done rélégués dans le memerang des indifférents, bien que chrétiens or-lhodoxes et meme voisins, oil se trouvaientdepuis longtemps les Grecs. Et, quant a cesdiplomates, le uns cherchaient a s'assurer de.1a prise en possession de la Bessarabie men--dionale apres une guerre victorieuse, tandisque les autres, les Roumains, faisaient leurdevoir officiel et patrietique en cherchant ales en empecher.

A les en empecher par tous les moyens,meme par celui de ramitié, de rathance, dkla collaboration contre les Turcs, de l'alian-don enjin de cette politique autrichime versJaquelle, jusqu'au bout, on se tourna cepen-dant pour &hanger des sourires.

Ce fut, si l'on excepte l'impatience militairedu prince Charles, dont l'orgueil souvent blessépar les Tures frémissait, le sens purementnégatif de l'entrée en action de la Roumanie,et le caractere purement négatif meme de cetteintervention devait en etre détermin& faisantfinir par la haine franche une collaboration

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qui avait dans la méfiance réciproque soncrigine meme.

On négociait encore A Londres, au mois4:le novembre, sur la neutralité roumaine, quel'Europe, déjà divisée et incapable de touteaction commune, aurait garantie, comme cellecle la Belgique, alors heureuse ; celui qui futcharge de ces pourparlers, Jean Ghica, ancienprince de Samos, était un anglophile, maissurtout un ami des Turcs et un ancien ad-versaire declare de la politique russe en Ori-.ent. L'Angleterre répondit en faisant tout dé-pendre des decisions de cette conference deConstantinople qu'elle considérait comme sacreation, son moyen principal d'action pourarracher la Turquie A la ruine imminente.

Quand A l'Autriche, Andrássy recomman-+hit, quelques semaines plus tard et malgréles engagements qu'il avait pris avec la Rus-sie, de ne pas se compromettre avec cettePuissance ; si la Rou manie, au cas d'un pas-sage du Pruth par les armées du Tzar, con-sent A retirer sa petite armee dans l'Olténie,A proximité de la frontiere autrichienne, onlui garantira, non seulement la situation po-litique actuelle, mais meme l'accomplissement,d'une partie de ses vceux si modestes (note4:Iu 17 décembre a. st.) I.

' Ibid., pp. 174-175 ; Aus dein Leben Kiinig Karls,III, pp. 89-91.

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Pour contrecarrgr cette action, la Russieofficielle ne fit rien. Ignatiev seul essaya deréagir dans le sens de ses propres projets.En novembre un de ses fonctionnaires, M. de.Nélidov, venait clandestinement a Sucarestpour y remplir une vague mission qui ten-dait A fixer les conditions dans lesquellesles armées impériales passeront, au cas d'uneguerre, a travers ce pays qu'on ne voulait-considerer que comme un territoire quelcon-que, On lui demanda une plénipotence for-melle, qu'il dut attendre longtemps.

Le prince ne voulait guere donner sonassentiment a nfl acte qui ne commenceraitpas par des garanties contre les projets qu'on,attribuait A la Russie. M. de NC Hoy se vante,dans ses mémoires récemment publies, d'avoircherche a endormir ces preventions, partagdes.par BrAtianu lui-meme, en introduisant danscette garantie, qu'il avait an accepter, unetournure de phrase qui n'engageait que sousle seul rapport du but de sa mission, le pas-sage des troupes russes: si par suite de cepassage seul la Turquie cherchait A porteratteinte a l'inviolabilité du territoire roumain,.la Russie prenait sur elle de la faire respecter 1Ce ne fut cependant qu'apres la notification

1 Revue des deux mondes, année 1915, IV; p. 24&et suiv. ; notre Aulletin de 1'Institut pour 1'étude--do l'Europe sud-orientale", ih, p. 135 et suiv.

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faite au gouvernement de cette Constitutionottomane qui prétendait concerner aussi laRoumanie ct son prince comme simple cheUd'une province privilégide, que la decisionfut prise et, grace a l'intervention des émissaires spéciaux du Grand-Duc Nicolas la con-vention fut signée des deux côtés 1.

L'Autriche eut-elle vent de ces négociations?Faut-il voir clans son influence l'envoi d'unCmissaire turc a Bucarest, dont l'arrivée sui-vit de pres celle de Nélidov 2 ? En tout cast,e'le êtait trop preoccupêe des conferences deConstantinople, qui s'ouvrirent le 11/23 decembre, pour demander d'autres garanties augouvernement roumain que les assurancesformelles qui lui avaient été données a plu-sieurs reprises.

Lorsque l'acte de Midhat, fait accompli",vint clOre, d'une maniere plutôt ridicule pourles représentants de l'Europe, les seances, laRussie ne s'empressa pas de declarer cette-guerre dont elle avait menacée si les choses-ne suivent pas leur cours normal. Elk selaissa persuader, par l'Autriche avant tout, detolérer une experience des résultats de cetteConstitution. Elle abandonna la Serbie, heureuse de ne rien perdre par le traité du 28 feviler 1877, et le Montenegro, qui, plus heureux,

1 Politica Regeltd Carol, pp. 173-174, 188.2 Ibid., p. 175.

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-s'obstinait encore A la lutte. Mais elle ne putpas consentir A ordonner la demobilisationqu'on lui demandait, et, en mars 1877 déjA,Gortschacov déclarait que la question est en-trée dans une nouvelle phase". La missiond'Ignatiev A Londres et A Vienne n'eut pas desucces : Andrássy lui répondit froidementqu'il n'est pas encore temps d'aviser 1"

Encore une fois la diplomatie russe semontra docile. On n'attendait pour procédera la demobilisation qu'une paix convenableavec le Montenegro et l'arrivée de cet am-bassadeur turc special qui viendra A Peter-sbourg negocier sur le sort de cette chretientéorientale qu'on ne pouvait tout de memeabandonner sans garantie aucune A son sort.Mais, le 9 avril, Savfet-Pacha, enivré par lesespérances de revanche, de conquete, detoute la nouvelle Turquie, répondait avecfermete qu'elle ne peut pas accepter ce proto-cote de Londres conclu sans sa participation. LeMontenegro devrait se reconnaitre partie in-tégrante de l'Empire et, en fait de demobili-sation, c'est A la Russie elle-meme de com-mencer. La Porte, munie de cette mirifiqueConstitution, n'accepte pas merne un intérétcommun de la part de l'Europe, qui n'a plus-A se meter de ses affaires, les chrétiens neformant désormais qu'une partie guelconqued'un seul corps politique".

1 Ibil, p. 125.

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Cela signifiait la guerre. Gortschacov eninformait les représentants de la Russie al'étranger par sa declaration du 7 avril a. st.Des le 4 cependant, une convention de pas-sage était conclue avec la Roumanie, Kogal-niceanu &ant revenu au Ministere des Af-faires Etrangeres.

Dans le préambule, de contenu politique,on insistait, scion le désir manifesté peut-etre par Jes hommes d'Etat roumains, qui nevoulaient pas quitter, se lancant dans l'aven-ture, cette forteresse diplomatique du traite--de Paris qu'ils s'obstinaient a croire inexpu-gnable, sur les intentions de l'Europe elle-meme a regard de la Turquie ; la Russieapparaissait comme intervenant au nom dePuissances, dans le seul but d'assurer unmeilleur sort aux chretiens soumis au Sultanincapable de les protéger contre l'irritationdes Mahométans. Tout en garantissant lesdroits politiques de l'Etat roumain, tels qu'ilsdecoulent, non seulement des traites, maisaussi de sa propre Constitution, on prdait lelibellé de Islélidov en ce qui concerne cettegarantie comprenant le territoire bessarabienqu'on évitait de designer d'une fawn claireet precise. Ce n'était pas, malgre cette partieinitiale, d'un caractere plus élevé, un trait&mais une simple convention, conclue, non entredeux Etats, mais seulement entre deux gou-

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-vernements". Au moment ofi elle prenait lerOle de mandataire de l'Europe, la ,Russie ne,pouvait pas commencer par en violer lesclauses reconnaissant préalablement une inclé-pendance que le Parlement roumain proclamaaussitOt, le 10 mai a. st., pour créer un nou-veau fait accompli" favorable aux intérétsdu pays.

Les armées russes se trouvaient déjà surle territoire roumain. Ma leré l'affectation d'uneneutralitt5 qui n'aurait pas aé entarnee parle passage, concédé, par nécessité évidente,des troupes du Tzar, il fallait bien en arriverA une entente de collaboration, au moins en-ce qui concerne la defense de la Roumaniecontre une tentative d'intervention turque,la Turquie ayant expressément demandé auprince de coopérer avec le Séraskier Abdoul-Kérim 1. S'imaginer qu'une armée peut passersimpleurent par le territoire d'une nation in-dépendante, disposant d'une armée capab)eet dérneuse de faire ses preuves, sans avoiraueun contact avec cette armee est possiblepour le distinguo des diplomates, mais pasaussi pour la réalité des choses. Et puis,si l'armée russe, dont la preparation insuffi-sante fut bientOt un fait evident, n'arrivaitpas A accomplir sa mission, si elle devait

1 Ibid., p. 199.

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quitter cette terre ottomane qu'elle s'était em-pressée d'atteindre, par /Mein, dans la Do-broudscha, et par Zimnicea, dans la Bulgarie,la poursuite inevitable de l'ennemi se serail-cite arretée aux limites d'une indépendancenon-reconnue par l'Europe et proclamée aumoment meme oft, par la convention du 7avril, on avait accompli, de fait, un acte deprovocation envers la Porte ?

Dans les cercles militaires on se renditcompte aus*tht, d'un cOte et de l'autre, desnécessités de la situation. Le prince Charles,qui dut etre déconseillé pour ne pas se rendreA Kichéniev 1, n'étpit pas, pour les motifs quenous avons déjà indiques le sul a desirer tinecollaboration; le Grand-Duc Nicolas, comman-dant supreme, etait du meme avis. Les ge-néraux russes avaient eté festop:s officielie-ment par le prince dans le voisinage immé-diat de sa Capitale, alors que les canons turcsavaient dejA commence le bombardernent deBraila ct d'Olten.ta, paraissant annonc,r unpassag- prochain des troupes du Sultan etdes bandes de bachibouzoucs qui se faufilaientsur le territoire roumain pour accomplir leurceuvre hIbituelle de pillage et de massacre.On parlait encore de cette neutralité que laTurquie avait déjà nominee : trahison, le jouroit Charles I visitait le Grand-Duc a Plo-

I Mid., p. 199.

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igti et mettle celui oft l'empereur Alexandrefaisait son entree a Bucarest comme h6te duprince. La proclamation de l'Indépendanceelle-meme, tout en créant, dans l'intention dela Roumanie, une nouvelle situation de droitenvers l'ancienne Puissance suzeraine, n'auraitrien change dans la situation de fait. Le gou-vernement faisait semblant de n'avoir prisaucune initiative, cedant seulement par ne-cessité aux mux d'une nation blessée etmenacée par ceux-la meme qui devaient etreses défenseurs.

On pressait, au mois de mai, l'Europe,quiattirait l'attention seulement par le proces de de-composition qu'elle subissait de reconnaitrecette indépendance, de faire entrer cette na-tion désorma;s libre, mais ayant d'autant plusbesoin d'une tutelle des Puissances, dans lesclauses, élargies pour la circonstance, du traitéde Paris, supreme sauvegarde de Pax enirroumain. Et il y avait aussi ceux qui, dansle Conseil de couronne du mois d'avrilKog5lniceanu lui-meme, alors qu'il n'était pasencore ministre, penchait vers un dernier ap-pel a Vienne , recommandaient, comme De-metre Ghica, l'auteur de l'alliance autrichienne,de consulter aussi le Gouvernement autri-chien et meme d'exiger de lui qu'il occupAt,avec la permission de l'Europe, la Rouma-nie, pour empecher le passage de toute ar-mee êtrangere er, on, comme Jean Ghica, de

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permettre aux Turcs aussi une invasion,II ne faut pas oublier non plus, ceux quicroyaient, comme Jean Ghica, dans les sym-pathies toutes particulieres de cette Au-triche, qui ne peut avoir que des intentions pro-tectrices, du moment que cet bat lui-memeserait menace par l'occupation russe [ILI pays 1

Du côté russe, Gortschacov, préoccupé uni-quement de detruire la derniere trace dutraité de Paris, était decide a contrecarrerles projets du Grand-Duc et a empecher,par des declarations brutales, faites au nomde l'Empereur lui-meme, toute cooperationroumaine, en se bornant tout au plus a a-jouter qu'il s'agit, dans ce refus, absolu etdéfinitif, seulement d'une action au-delà duDanube".

On avait signifié au représentant roumainit Pétersbourg, le general Jean Ghica, la re-solution impériale : qu'on ne conviait point laRoumanie a tine collaboration et que toutce que cet Etat pourrait tenter de ce côte-lasera fait a ses risques et perils", et encorefaut-il se soumettre au commandement su-périeur russe et poursuivre le meme but,alors que les autorités militaires roumainesont manifeste la tendance d'agir isolémentet sur un thatre sépare, ce qui constitue uneimpossibilité politique". Et, de plus, la Russie

1 Ibid., pp. 192-196.28

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tea pas besoin du concours de l'armée rou-maine", car les forces qu'elle a mises en mou-vement sont plus que suffisantes, meme pouravoir jeté les bases des destinées futures del'Etat roumain" 1.

Lorsque le prince Charles parla ensuitedirectement au Tzar A Ploieti de son désir<le gagner l'indépendance du pays et d'enaffirmer la valeur par une action militaire,.Alexandre 11 ne donna aucune reponse 2.

Mais ce n'était IA que la politique person-nelle du prince, encourage par le Grand-Duc.Ses ministres se tournaient encore vers l'Au-triche inspiratrice. Kogalniceanu était d'av is(full faut suivre le conseil d'Andrássy et re--firer les troupes roumaines dans l'Olténie.De fait on abandonna aux Russes seuls laligne du Danube jusqu'à l'embouchure del'Olt. Nous tenons trop", écrivait KogAlni--ceanu, le 25 juin a. st., A l'appui bienveil-lant de l'Autriche, et aujourd'hui plus quejamais 3". En échange pour cette attitude dedocilité, Andrdssy promit, des le mois de juil-let, cette Dobroudscha, qui n'était pas entrée.dans les calculs des Roumains, oh rien n'é-tall encore prepare et dont la possession defait appartenait aux troupes du general Zim-

1 Ibid., p. 222, note 1.2 Aus dem Leben Konig Karts, 111, pp. 174475.41 Politica externti a Regelui Carol, p. 227.

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7nermann, qui y faisaient une propagande bul-gare. Le rapport envoyé le 8/20 juillet parBAlAceanu, l'agent de Roumanie A Vienne, estd'une clarté parfaite : L'Empereur et le comteAndrdssy sont disposes a vous faire donnera la procliame paix une partie de la Dobrou-4.1scha" I.

Ma's le gouvernement roumain, qui avaitcéclame hautement, jusqu'au dernier temps, Ala Turquie la possession de ces bouches duDanube que les diplomates de Paris avaientcconfiées en 1856 A la Moldavie, ne voulait'plus de la Dobroudscha, ni du Delta lui-meme,dans tofIre desquels il voyad une compen-sation préalable pour la Bessarabie méridio-nale, qu'il ne voulait pas perdre, que toutetine opposition violente et avide du pouvoirlui interdisait d'abandonner. On était arrive,cependant A la conviction que l'action mili-laire roumaine s'impose, qu'il y a des intri-gants" qui en voudraient au prince s'il lamanquait. On se rejeta donc sur la region deVidin et de ses environs, de 15 A 20 kilo-metres, et rien au delA"2. C'est pourquoi Char-les I tint A donner, A Calafat, par sa pre-zence un caractere solennel au bombardementcontre la vieille forteresse turque.

Mais le prince lui-meme, qui avait sa pro-

' Ibid., p. 225.2 Ibid., p. 228, note 1.

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pre opinion sur le fait de la Bessarabie, con-tinuait ses demonstrations dans le sens con-traire. Les Roumains collaborerent a l'attaqueheureuse contre les monitors ottomans quiencombraient le Danube. Lorsque les troupes.impériales passerent le fleuve, on les remplagade bon gre dans leurs positions. Bien qu'oneat refuse un ordre" russe en ce qui con-cerne l'occupation de Nicopolis et Kog5I-niceanu y mit de l'aigreur, imposant au princeune attitude dans le même sens , il y avaitsans doute dans l'armée cette cooperation quela diplomatie roumaine cherchait a éviter etque la diplomatie russe refusait de toute sahauteur, pour ne pas meler des elements nou-veaux a cette question de la Bessarabie, Alaquelle tout le monde pensait sans oser en-core en parler ouvertement.

Or, les Tures se montraient capables degagner la victoire ; Osman-Pacha avait faitdu bouge balcanique de Plevna, oil il s'étaitarrété, une place de premier ordre. L'avancedes armées russes était désormais empechéeet mise en danger par cette force turque quise trouvait, menagante, derriere elles.

Apres la premiere défaite du general Schil-der-Schuldner, le Tzar demanda le passagedu Danube par les Roumains; il le demandaformellement et avec precipitation, par le ge-neral Ghica. Gortschacov avait Re invite a

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changer de ton, a Bucarest, aü 11 se frou-vait. Les Roumains occuperent Nicopolis.

Une derniere fois cependant on voulut son-(ler l'Autriche. Kogalniceanu se rendit aussitôtA Vienne, pour une mission secrete sur la-quelle l'information manque completementOn sait seulement qu'Andrassy, qui avait-déjà la garantie du lot autrichien dans lesBalcans, se montra, cette fois, plus tolerantpour les Russes, recommandant a ses clientsseulement une grande prudence, qui leur fe-rait obtenir de sa grace de meilleurs frontie-res dans cette Dobroudscha que les Rou-mains ne demandaient pas et qu'on ne s'en<obstinait pas moins a leur proposer 1

Pendant l'absence, de Kogalniceanu les in-succes des Russes prirent les proportions d'unecatastrophe prochaine. Les Tures", télégra-phiait, le f9/31 juillet, le Grand-Duc a sonami princier, ayant amasse les plus grandesmasses a Plevna, nous abiment. Prie de faire-fusion, demonstration, et, si possible, passage-du Danube que tu desire fa re entre le Jiul

Corabia. Cette demonstration est indis-pensable pour faciliter nos mouvements 2."

Bratianu était d'avis qu'il ne Taut plus tarderd'agir franchement". La quatrieme divisionfoumaine était déjà en marche sur Plevna,

lba, p. 235 et suiv.Iba, p. 237, note 1.2

et

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mais la troisieme retardait encore. Le presi-dent du Conseil et le ministre de la Guerres'étaient rendus aux quartiers du Tzar et eftavaient rapporté de bonnes nouvelles,: lesRoumains devaient passer, du côté de Corabia,et, totit en coopérant a Me de l'armée russe,.conserver leur individualité et leur comman-dement en chef" I. Une entrevue eut lieu entreAlexandre II et son nouvel allie Comme lanétessité d'un commandement unique s'impo-sait, on finit par trouver une solution en con-fiant cet honneur au prince de Rouman'e,,qui eut pour conseiller ad latas un generalrusse 2 Peu apres, le passage de l'armée rou-maine eut lieu par Corabia.

11 n'y avait cependant, sous le rapport di-plomatique, rien de nouveau ; le Tzar avaitdonne personnellement des assurances auprince ; le gouvernement roumain s'en montrapréoccupé, choque meme. II y avait un cou-rant d'opinion publique défavorable a unpareil engagement. Comme on ne s'attendaitpas a des succes immédiats, les esprits n'enétaient que plus agités. Lorsque cependantles troupes roumaines se saisirent, le 30'aoGt a. st., de la redoute de Grivitza, ii yeut comme une joyeuse communion dans lavictoire. On ne vit qu'un peu plus tard, a-pres les sacrifices inutiles du 6 septembre,.

Ibid., p. 288, note 3.2 Ibid., pp. 238-239.1

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que Plevna demande un long et difficile in-vestissement, pour pouvoir entFatner, en vraiSebastopol balcanique, par sa chute le sortmême de la guerre.

L'événement longtemps attendu arriva enfin,en novembre. Osman capitula, et le premierofficier ennemi auquel 11 s'adressa fut le co-lonel roumain Cerchez. Le Grand-Duc Nicolasemployait les termes les plus enthousiastespour reconnattre le secours des Roumainsqui, s'it avait empéché aussi l'invasion de leurlerritoire par les Turcs vainqueurs, avait setarendu possible la continuation heureuse dela campagne par les troupes impériales for-tement éprouvées.

Mais le role de l'armée avait déjà cess6avec la capitulation. Continuer la collabora-tion n'était pas dans les intentions du prince,.qui tenait A son action separée", pour avoirle droit de se presenter séparément, comme-individualité politique distincte, aux négocia-tions de paix. II fallut entreprendre ces opé-rations contre Vidin que les Serbes considé-raient comme une immixtion dans leurs droit&et que l'Autriche finit par désapprouver avecla derniere énergie ; de ce cOté, elle ne you-lait pas avoir les Roumains sur la rime droite-du Danube. L'Autrichea, disait-on sechement,.ne consentirait jamais a l'annexion de Viditta la Roumanie"

' 258, note 1.

I.

Ibid., p.

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C'est la situation oii les Roumains furent.surpris par l'armistice russo-turc de Kazan-lyk et la conclusion Wive, le 4 mars, dela paix de San-Stefano. On sait ce qu'elle con-tenait a leur égard en dehors de la reconnais-sance de l'indépendance : cession par la Tur-quie a la Russie de la Dobtoudscha pourque cette Puissance put l'echanger contre laBessarabie, qu'elle réclamait comme devant luiéchoir par l'annullation meme du traité deParis. La France en avait fourni le précédentlorsqu'elle recevait des mains de l'AutricheVenise pour la transmettre au royaume d'Ita-lie, qui l'avait payee par la cession de laSavoie.

Le prince Charles avait espere pouvoir-nouer des relations particulieres avec les'Tures. 11 avait depute au quartier-genéral duGrand-Duc le colonel Arion pour demander

que la Roumanie let admise aux negociationset solliciter, entre autres, les bouches duDanube et une occupation de la rive droite,de Vidin a Nicopolis, sans compter une in-demnisation de cent millions 1 Ou 1ns'sta, onprotesta, aussi contre la clause qui ouvraitaux armées russes de Bulgarie un cheminpar la Roumanie. Mais l'armée n'était. plusmattresse des événements. Les conditions a-vaient été envoyées de Pétersbourg par la

1 Ibid., pp. 265-266.

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diplomatie, et on renvoya devant elle les ré-.clamations des allies. Du reste un 8tat dontl'indépendance n'est pas reconnue ne petitpas prendre sa place a des négociations depaix. Alexandre If, qui se rendait compteparfaitement des difficultés morales de la si-tuation, insistait personnellement aupres duprince pour trouver le moyen d'en finir sansle scandale d'un act d'accusation devantl'Europe 1. Pour l'éviter, on aurait consenti aréduire la partie qui devrait etre rétrocédée, labornant aux anciennes conquetes de Souvorovsur les Turcs, et on risquait meme, par la mis-sion d'Ignatiev, qui parut A Bucarest un moment,l'of fre de l'union personnelle avec la Bulgarie, depopulation plutOt mélangée, qu'il s'agissait decréer2. On repondit par le rappel des troupesroumaines qui se trouvaient en Bulgarie etpar la protestation indignee du Parlementroumain 3.

En avril on était sur le seuil memed'une rupture, d'un conflit armé. Gortschacovavait pule, dans un de ses moments de mau-liaise humeur, de la possibilité d'un désar-mement de cette armee roumaine qui faisaitmine de resister tine armee qui a combattuA Plevna sous les yeux de l'Empereur Ale-xandre pourra bien etre écrasée, mais elle ne

1 Ibid., p. 27 (d'après Aus dem Leben Konig Karts,111, p. 456).

2 Aus dem Leben Konig Karls, III, p. 457.$ Politica externd a Regelut Carol, p.273 et &Ili:v.

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se laissera jamais desarmer" fut la reponsede Charles 11.

Pendant trois mois la Roumanie employ&tous les moyens pour &flapper a un &mem-brement qu'elle avait plus d'un motif de qualifier d'injuste. Elle ne rencontra en Europeque des sympathies purement platoniques ;chacun pensait a ses avantages, et le congresde Berlin, sur lequel les Roumains fondaientleurs dernieres espérances, ne se réunit, enjuillet, qu'apres que tous les arrangements.avaient été chiement conclus, uniquement pouren proclamer le résultat.

L'Autriche,avait donne déjà en janvier sareponse : nous croyons que vous vous etesentendus là-dessus avec vos allies" 3. On luiobjecta nalvement que la Russie menaceraitcette liberté du Danuke que la diplomatieviennoise comptait confisquer bientet pourson propre usage3. Mais, au mois de mars,D. A. Sturdza ayant été envoyé a Pesth, onexcitait 6. la resistance cette Roumanie, quidevait faciliter par cette attitude de meilleuresconditions pour cette annexion masquée dela Bosnie et de l'Herzegovine a l'Autricheque la Russie avait admise des 1876 4.

1 Aus dem Leben König Karls, lv, pp. 18, 87, 92 Ibid., p.

pp.263.

8 Ibid., 272, 278.4 Ibid., p. 285.

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Tisza déclara dans le Parlement hongrois.que les circonstances rapprochent la Hongriede la Roumanie I. Le 4 avril Francois-Josephlui-même faisait devant BrAtianu, venu pourimplorer ce concours autrichien. Pelage dupatriotisme roumain, d'une reputation etablie sur ce sujet", mais recommandait enmeme temps de faire cesser les agitations ac-tuelles". 11 croyait A. ce moment pouvoirréunir A Vienne meme le congres de paix etimposer ses conditions A la Russie victorieuse

Bratianu et Kogalniceanu furent donc en-tendus" A Berlin pour que le congres n'enmaintint pas moins ses resolutions dont l'ex-treme délicatesse ne pouvait pas etre atteintesans remettre en question tous ces problemssur lesquels on ne s'était entendu que troppéniblement. La Bessarabie ne fut pas cédée,elle fut evacuee; en echange, les Roumainsentrerent dans la Dobroudscha comme dansune conquete de leurs armes. Pour avoir lafrontiere de Sud de cette nouvelle provinceon eut A passer par de nouvelles épreuves ;du cOté de Silistrie on avait occupé Arab-Tabia, et il fallut Pabandonner sous la me-nace d'une attaque des troupes russes quiétaient encore restées en Bulgarie.

Ce pays fut pendant vingt ans comme tin

1 Ibid., p. 288.

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champ d'expérience pour la diplomatie im*riale. Les relations avec la Roumanie devaientetre dorénavant dominées par l'aspect souslequel se présentait e. un moment donne ceprobleme bulgare. Apres la chute d'Alexandrede Battenberg il y eut de nouveau le projetd'Union personnelle avec la Roumanie, maiscette fois il était l'ceuvre.'du parti anti-russede la Principauté voisine. Heureusement iléchoua.

La politique de Gortschacov lui avait sur-Nécu, cette dure politique de territoires, sansaucune conception des droits nationaux, quin'était elle-meme que la confnuation de l'an-cienne politique de Nesselrode, le colegue deMetternich et son émule. La Roumanie, con-sidérée en dehors de la naton qu'elle repré-sentait et qui est la plus nombreuse du Sud-Est européen, ne pouvait etre dans cette ma.niere de considérer les choses qu'un simpleempechement, un obstacle qu'il faut écarterSa la premiere occasion.

La nation russe elle-meme avait protestécontre l'atttitude de cette diplomatie en 1878;elle avait exprimé nettement son opinion qu'ilaurait fallu poser franchement les bases d'uneaction qui demandait aux Roumains aussibien qu'aux Russes le sacrifice de leur sang,qu'on aurait le devoir de les dédommagerlargement dans cette Péninsule des Balcansoft ils avaient rétabli leur ancienne réputa-

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tion de bravoure. Comme cependant il n'yavait pas de relations suivies entre les deuxpays ni meme des relations économiques,ce fut a la diplomatie de decider. L'attitudedes chefs de son action a Pétersbourg me-nerent la Roumanie, malgre les liens étroitsd'un passe encore recent, dans le camp desPuissances centrales, des 1884, de meme que,un peu auparavant, l'attitude de la Franceenvers les intérets africains de cette Italiemoderne, qui &all cependant un peu sacreation, mena cette derniere, contre toutesses traditions et, malgré d'autres intérets, debeaucoup supérieurs, dans ce meme campallemand et magyar, oft il n'y avait pas d'autreplace pour des nations latines que celle d'unisolement surveillé de pres.

Des relations intellectuelles n'avaient pasété no: plus établies. Si les Roumains furentparmi les lecteurs les plus assidus de cettelittérature russe moderne des grands roman-ciers, d'une si profonde et douloureuse hu-manité, il faut l'attribuer a ces traductionsfrançaises qui lui donnerent une valeur uni-verselle. Elle n'en exerca pas moins une pro-fonde influence sur tout ce qu'on a emit cheznous des 1890. Cette influence bienfaisante-ne peut pas, bien entendu, etre mise en memeligne que celle qui donna A une partie del'agitation radicale en Roumanie, tour a tour,

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le caractere socialiste, représenté d'abord parla revue Contemporanul" de Jassy, fondéepar un Américain affilié au nihilisme, puiscelui du nouveau courant des amis du peu-plea, des narodnics. Ces propagateurs de ['es-prit qui anime une partie de la société russen'ont pas amene, par suite des antagonismesmemes qu'ils représentent, la sympathie quemérite ce monde immense ou germent peut-etre les meilleures semences d'avenir pourl'humanite 1

II y a trois ans que le Tzar Nicolas II estvenu A Constanta voir ce que la Roumaniea accompli sur cette terre de la Dobroudschaqu'elle avait payee de son sang et de sonheritage ancestral en 1877. Une brutale usur-pation pese aujourd'hui sur la place memeoCt se sont rencontrés le chef des armées dePlevna et le petit-fils d'Alexandre II; ceuxqui, apres avoir devaste ce territoire, l'occu-pent aujourd'hui representent envers les Rus-ses aussi bien qu'envers les Roumains l'oubli-ehonté de tout devoir de reconnaissance. Unerevanche prochaine mettra fin a cet attentatet prononcera la sanction nécessaire.

I La litterature roumaine a été plus recemment-seulement robjet d'articles fugitifs dans la Ga-zette de Bessarabie" de 1860, 1861, 1866, 1867,1868 (par-Hornatzki, Tanski et surtout Filatov).Quelques pages dans l'Histoire de la littératureuniverselle" par Vladimir Ziatov (vol. 111). Cf.Licea, dans le Neamul Rotanesc Literar, V, pp-

-719-721.

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Cette victoire sera gagnee, au nom desprincipes les plus sacrés, au nom de l'hu-manité menacée dans ses droits et dans son.avenir, par les efforts supremes des deux na-tions qui auront combattu cette fois avecloutes les forces et tout l'élan des massespopulaires elles-memes. El les s'en rappelle-ront pour nouer des liens qui ne seront pasdes chaines, et pourront durer done éternel-lement pour le bien de cet Orient oa ce n'estpas la méthode allemande' servie par leshordes bulgares et turques qui accompliral'ceuvre de civilisation si longtemps retardée.Et cette communauté de civilisation sera plusutile pour tout le monde que l'idée slave"et que la diplomatie de tendances napoleon-niennes, toujours tatonnant vers les annexi-ons, des Allemands et, de leurs 6:.ves enRussie, jusqu'à Nesselrode, A Gortschacov eta Giers.

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TABLE DES MATIERESrag

Chapitre I. Premieres formes de la eommu-naute russo-roumaine. 1

Chapitre II. Premieres relations politiqu sentre les Roumains et les Russes : 6-changes de civilisation. 14

Chapitre III. Communaute ruSso-roumained'activite militaire aventuriere. Co a-gues du Dnieper et leurs r lationsavec les Roumains 32:

Clzapitre IV. Communaut6 culturale ortho-doxe entre Russes et Roumains. . . 43

Chapitre V. Premieres relations entre la M 1-davie et la Russie moseovite. . . . 6

Chapitre VI. Les Roumains et les revolu-tions de l'Ueraine 77

ChapitreVII. Pierre-le-Grand et les Roumains 97Chapitre VIII. Les Roumains et la Russ'e

apres Pierre-le-Grand. 132Chapitre IX. Projets de partage de la Tur-

quie et nouvelle interventionsusse surle Danube. Seconde guerre de Cathe-rine II contre les Tures. Alexandre1-er et les projets de Napoleon enTurquie. . . , . . 191

Chapitre X. La Russie et l'agitation consti-tutionnelle dans les pays roumainsjusqu'à l'Union des Principautés. . 253

Chapitre XI. La Russia et l'Indepenfilancereumaine . . . . , 338

. . .

. . . . .

. . . . . . .

. . . . . . . .

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