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DSC 164 DSC 16 F bis Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN COMMISSION DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ LA MISSION RESOLUTE SUPPORT DE L’OTAN EN AFGHANISTAN EN 2016 RAPPORT SPÉCIAL* Wolfgang HELLMICH (Allemagne) Rapporteur spécial

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Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ

LA MISSION RESOLUTE SUPPORT DE L’OTAN EN AFGHANISTAN EN 2016

RAPPORT SPÉCIAL*

Wolfgang HELLMICH (Allemagne)Rapporteur spécial

www.nato-pa.int 20 novembre 2016

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TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION..................................................................................................................1

II. LES FORCES INTERNATIONALES EN AFGHANISTAN : LES MISSIONS DE L’OTAN ET DES ÉTATS-UNIS............................................................................................2

III. VUE D’ENSEMBLE DE L’ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ...........................................4

IV. LES FORCES INSURGÉES.................................................................................................6A. LES TALIBANS...........................................................................................................6B. LES AUTRES GROUPES D’INSURGÉS....................................................................7C. DAECH EN AFGHANISTAN – L’ÉTAT ISLAMIQUE D’IRAQ ET DU LEVANT

DE LA PROVINCE DU KHORASAN...........................................................................8

V. LES FORCES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ NATIONALES AFGHANES.................10

VI. LA LUTTE CONTRE LES STUPÉFIANTS.........................................................................11

VII. ÉVOLUTIONS....................................................................................................................13

VIII. LA SITUATION ÉCONOMIQUE.........................................................................................15

IX. LA COOPÉRATION RÉGIONALE.....................................................................................17

X. LES RÉFUGIÉS ET LES PERSONNES DÉPLACÉES INTERNES..................................18

XI. LES NÉGOCIATIONS DE PAIX AVEC LES TALIBANS....................................................19

XII. CONCLUSIONS ET POINTS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION PAR LES PARLEMENTAIRES DE L’OTAN.......................................................................................20

BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................22

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I. INTRODUCTION

1. La situation en Afghanistan sur le plan de la sécurité est fragile. L’OTAN et ses partenaires doivent clairement faire preuve d’une énergie redoublée dans leur travail ininterrompu aux côtés des autorités de Kaboul pour garantir les libertés individuelles, la sécurité et le développement futur des institutions nationales. La grande majorité des Afghans souhaite la paix et la sécurité ainsi que le développement économique et social de leur pays. Cet objectif est non seulement dans l’intérêt des Afghans, mais également dans celui de la région, des États membres de l’OTAN, de l’UE et de l’ONU. C’est pourquoi en juillet dernier, lors de leur sommet bisannuel à Varsovie, les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’OTAN ont réaffirmé leur engagement en faveur de l’édification d’une sécurité et d’une stabilité durables.

2. Compte tenu de l’investissement et de l’engagement importants déployés à long terme par tous les membres de l’OTAN et leurs partenaires au service de la paix et de la stabilité en Afghanistan depuis le début de l’opération de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) en 2003, la commission de la défense et de la sécurité (DSC) de l’AP-OTAN continue de suivre la mission menée par l’OTAN dans le pays, ainsi que les réformes – nécessaires – du secteur de la sécurité engagées au niveau national. Comme indiqué l’an dernier, 2015 fut une année de transition importante pour les forces de défense et de sécurité nationales afghanes (ANDSF) car elles ont pris la responsabilité de l’ensemble du pays, un événement marquant dans le cadre de l’engagement, depuis plus de 13 ans, de la communauté internationale en faveur de ce pays.

3. La transition demeure un défi important pour les ANDSF et leurs partenaires internationaux. Malgré cela, les Forces de défense et de sécurité afghanes persévèrent en grande partie grâce à la communauté internationale, en particulier dans le cadre de la mission Resolute Support (RSM) de l’OTAN. Malheureusement, l’augmentation significative des opérations de sécurité dans l’ensemble du pays va de pair avec une hausse des pertes au sein des ANDSF. Comme le démontrent les offensives menées en 2016 par les talibans, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer les capacités des ANDSF, ainsi que leur exercice du commandement et du contrôle.

4. Malgré les revers subis tout au long de l’année, les ANDSF continuent d’œuvrer au service de la paix et de la sécurité en Afghanistan. La population continue d’avoir une confiance relativement grande dans les forces nationales, une majorité d’Afghans soutenant le processus de paix engagé par Kaboul. Il n’en demeure pas moins que des défis à court et moyen terme persistent et qu’ils continueront à représenter des écueils de taille pour les autorités de Kaboul et les institutions de sécurité qu’elles mettent en place, de concert avec leurs partenaires internationaux pour assurer la sécurité future du pays.

5. Outre les progrès accomplis par les ANDSF et la mission de soutien déployée par l’OTAN, ce rapport spécial donne une vue générale des efforts plus larges mis en œuvre pour renforcer les institutions de l’État afghan et de leurs résultats, mais aussi des problèmes persistants qui handicapent lourdement Kaboul, ainsi que l’ensemble des puissances et organisations internationales qui essaient de l’aider. Les parlementaires des États membres de l’OTAN se sont efforcés de comprendre la situation dans le pays au fil des années, de même qu’ils ont essayé de fournir une aide ciblée et constructive ainsi qu’un soutien politique pour remettre sur pied un État afghan en grande difficulté. Ce rapport s’intéresse en particulier à une série de domaines dans lesquels les gouvernements et parlementaires des États membres de l’OTAN peuvent influer positivement sur le maintien de réformes positives dans le secteur de la sécurité et d’autres réformes institutionnelles dans le pays.

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II. LES FORCES INTERNATIONALES EN AFGHANISTAN : LES MISSIONS DE L’OTAN ET DES ÉTATS-UNIS

6. Le 1er janvier 2016, la mission Resolute Support de l’OTAN entrait dans sa deuxième année. Son mandat est de former, de conseiller et d’assister les ANDSF, de consolider les avancées effectuées par la mission de combat de la FIAS, et de créer un environnement sécurisé pour le gouvernement de Kaboul. Parallèlement, les forces armées des États-Unis conduisent dans le pays une mission de lutte contre le terrorisme consistant à mener des opérations défensives – et quelques actions offensives – contre les vestiges d’al-Qaida et les groupes terroristes connexes. Comme les groupes affiliés à l’État islamique ne cessent d’augmenter en taille et en importance dans le pays, ils sont également devenus des cibles privilégiées de la mission états-unienne de lutte contre le terrorisme.

7. Qu’il s’agisse de la mission de l’OTAN ou de celle des États-Unis, toutes deux ont lieu conformément à la Convention sur le statut des forces (SOFA) et à l’accord de sécurité bilatéral (BSA), signés à Kaboul le 30 septembre 2014 et ratifiés par le Parlement afghan le 27 novembre 2014. La mission de l’OTAN a également reçu l’approbation du Conseil de sécurité des Nations unies dans sa résolution 2189, adoptée à l’unanimité le 12 décembre 2014. L’accord bilatéral de sécurité signé entre Washington et Kaboul établit la base juridique du maintien des troupes états-uniennes en Afghanistan après 2014. Quant au SOFA, signé par les représentants de l’OTAN, il assure une présence plus large dans le pays de forces de sécurité internationales.

8. La mission Resolute Support se compose de 12 930 hommes et femmes provenant de 39 pays (25 membres de l’OTAN et 14 partenaires), dont 7 006 fournis par les États-Unis (OTAN, 2016)1. Conformément à la résolution 2189 de l’ONU (2014), cette mission repose sur un travail de formation, de conseil et d’assistance, dans un périmètre régional circonscrit autour d’un pôle (Kaboul/Bagram) et de quatre branches : Mazar-e-Sharif au nord, Herat à l’ouest, Kandahar au sud et Laghman à l’est. Quatre pays assurent l’encadrement de la mission et exercent des responsabilités de commandement et de contrôle dans leurs régions respectives ; il s’agit des États-Unis (est et sud de l’Afghanistan), de l’Allemagne (nord), de l’Italie (ouest) et de la Turquie (Kaboul).

9. La RSM fournit des services essentiels de formation, de conseil et d’assistance aux hauts responsables de l’armée et de la police afghanes, dans huit grands domaines : établissement d’un budget sur plusieurs années ; transparence, responsabilisation et supervision ; contrôle civil des institutions de sécurité afghanes ; génération et soutenabilité de la puissance des forces ; planification stratégique et politique ; affectation des ressources et mise en œuvre ; renseignement ; et enfin, communications stratégiques. Les ANDSF retirent de nombreux avantages du soutien fourni par cette mission OTAN, en particulier dans les domaines où les capacités afghanes doivent encore être améliorées.

10. Initialement prévues pour deux ans, la mission Resolute Support de l’OTAN et la mission de lutte contre le terrorisme des États-Unis font l’objet d’intenses débats à Bruxelles, à Washington et à Kaboul au sujet de leur date de retrait. Comme l’a indiqué Patrick Turner, secrétaire général adjoint pour les opérations à l’OTAN, lors des réunions conjointes de commissions organisées par l’AP-OTAN au mois de février, globalement, l’intention est aujourd’hui de conserver les niveaux actuels de troupes jusqu’à la fin 2016. Les changements initiaux de plans sont le fruit d’une série de consultations avec le gouvernement de Kaboul et les commandants des forces états-uniennes en Afghanistan au sujet de l’évolution sécuritaire dans le pays au cours de l’année 2015.

11. Tout au long de la difficile transition en matière de sécurité, la communauté internationale a résolument maintenu son engagement de soutien à l’Afghanistan. Lors d’une visite à Kaboul les 15 et 16 mars 2016, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a rencontré le président afghan Ashraf Ghani et le chef de l’exécutif Abdoullah Abdoullah ; il a réaffirmé l’engagement de

1 Ces chiffres datent de juin 2016.

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l’Alliance envers l’Afghanistan (ONU, 2016a). Le 20 mai, les ministres des Affaires étrangères des pays soutenant la RSM ont convenu de prolonger cette mission au-delà de 2016.

12. Le 6 juillet 2016, se référant à la fragilité de la situation sécuritaire et à la nécessité de maintenir un soutien pour poursuivre le renforcement des forces afghanes, le président Obama a annoncé un changement de position vis-à-vis de l’aide des États-Unis en matière de sécurité à l’Afghanistan, conditionnant le retrait états-unien davantage à ce qui se passe réellement sur le terrain qu’au calendrier. À la suite de cette décision, les États-Unis maintiendront 8 400 soldats en Afghanistan jusqu’à la fin de son mandat, au lieu de réduire leurs forces à 5 500 hommes comme cela avait été initialement décidé (SIGAR, 2016a; Landler, 2016). Les troupes états-uniennes continueront à assurer la formation des forces afghanes et à apporter leur soutien aux opérations de lutte contre le terrorisme. En solidarité avec la décision des États-Unis, les membres de l’OTAN se sont eux aussi engagés à maintenir (ou, dans le cas de l’Allemagne, à augmenter) les niveaux de leurs troupes déployées dans le cadre de la mission Resolute Support (ONU, 2015a).

13. La taille et l’importance de l’engagement des forces internationales en Afghanistan n’ont cessé d’augmenter tout au long de l’année 2016, suite aux modifications apportées par les États-Unis à leurs règles d’engagement dans les zones d’opération. Le 20 juin 2016, le président Obama a assoupli les restrictions régissant l’aide des forces états-uniennes à leurs homologues afghanes, permettant à des soldats états-uniens d’accompagner les forces afghanes en lutte contre les insurgés lors de leurs opérations offensives et non plus seulement défensives contre les talibans. Qui plus est, la modification des règles d’engagement américaines permet également un plus grand recours à la force aérienne, notamment à l’appui aérien rapproché, en particulier dans les cas où « l’engagement peut entraîner des effets stratégiques sur le champ de bataille » (Stewart, 2016). Les responsables états-uniens soulignent que le rôle des États-Unis demeurera une mission de formation, de conseil et d’assistance, et que leurs troupes ne remplaceront pas les forces afghanes dans le combat contre les forces insurgées en Afghanistan (Rosenberg, 2016). Il est clair que la modification des règles d’engagement états-uniennes résulte des préoccupations face à la détérioration de l’environnement sécuritaire et de la capacité des ANDSF à repousser les insurgés talibans, qui contrôlent désormais un plus vaste territoire qu’à tout autre moment depuis l’invasion des forces états-uniennes en 2001.

14. Le 13 mai 2015, les ministres des Affaires étrangères des États membres de l’OTAN ont approuvé un ensemble de réglementations et de principes concernant le soutien qui sera apporté par l’Alliance aux ANDSF après 2016. Lorsque la mission Resolute Support sera terminée, l’OTAN projette de continuer à apporter son aide à l’Afghanistan dans le cadre du partenariat durable qui a été convenu, à savoir une mission civile dotée d’un volet militaire. Pour le gouvernement allemand et la majorité du Bundestag, la décision de réduire l’effectif des troupes en Afghanistan ne doit pas être prise en fonction du calendrier mais de la situation sur le terrain.

15. Lors du sommet de Varsovie des 8 et 9 juillet 2016, les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’OTAN, de concert avec le président et le chef de l’exécutif du gouvernement d’unité nationale de l’Afghanistan, ont réaffirmé leur engagement en vue d’« assurer la sécurité et la stabilité à long terme » dans le pays. Les pays membres de l’Alliance ont réaffirmé que leur objectif ultime consiste à empêcher définitivement l’Afghanistan de redevenir un sanctuaire pour terroristes et à veiller à ce que le pays soit en mesure d’assurer lui-même sa sécurité, sa gouvernance et son développement. Le défi reste de taille : si les pays membres et les partenaires de l’OTAN ont certes souligné les progrès réalisés en matière de processus démocratique, d’éducation, de soins de santé et de droits de la femme, ils ont également attiré l’attention sur des domaines qui continuent à exiger une attention soutenue, à savoir les réformes électorales, les droits de la femme, la lutte contre la corruption et le trafic de drogue, ainsi que l’augmentation des offres d’emploi et des opportunités économiques. Comme nous l’expliquons plus avant, tous ces progrès sont conditionnés par l’amélioration de l’environnement sécuritaire.

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16. Pour pouvoir atteindre leur objectif politique, les pays membres de l’OTAN et leurs partenaires se sont engagés lors du sommet de Varsovie à soutenir la mission Resolute Support au-delà de 2016, par le biais de la fourniture de services de conseil, de formation et d’assistance aux institutions de sécurité afghanes, à savoir la police, les forces aériennes et les forces d’opérations spéciales. Les pays contributeurs se sont en outre engagés à poursuivre le soutien financier des ANDSF à hauteur de plus de 800 millions de dollars annuellement entre 2018 et 2020 (SIGAR, 2016a). Ajoutons que les membres de l’OTAN et l’Afghanistan restent déterminés à poursuivre leur dialogue politique et leur coopération pratique, afin de renforcer leur partenariat durable. Lors du sommet de Varsovie, le gouvernement afghan s’est engagé à atteindre les objectifs finaux avec le soutien des pays membres et des partenaires de l’OTAN, en poursuivant le développement des institutions et des forces de sécurité afghanes, en renforçant l’économie du pays, en continuant les réformes et en améliorant les droits de la femme et la protection des enfants.

III. VUE D’ENSEMBLE DE L’ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ

17. Les forces afghanes et celles de la coalition dirigée par l’OTAN ont été sérieusement mises en danger, non seulement par les talibans et le réseau Haqqani, mais aussi par d’autres groupes comme al-Qaïda, l’État islamique en Iraq et au Levant de la province du Khorasan (EIIL-K), ou des groupes se revendiquant de l’EIIL (SIGAR, 2016). Un niveau exceptionnellement élevé de violence a caractérisé la reprise saisonnière des combats en 2016. La situation sécuritaire globale s’est alors détériorée en Afghanistan, avec des pertes sans précédent parmi les forces de sécurité2 et les civils afghans. Fort heureusement, en 2015 et 2016, les forces insurgées ont pâti d’un manque de ressources, de luttes intestines nuisant à leur cohésion et de lourdes pertes, en particulier au niveau des combattants talibans de faible rang (Département de la Défense des États-Unis, 2015). Contrairement aux années précédentes, l’hiver 2015-2016 n’a pas été marqué par une forte diminution des combats ; les attaques se sont plutôt intensifiées tout au long de l’automne. (Felbab-Brown, 2016) Alors qu’on constate d’habitude une recrudescence de la violence entre le printemps et l’été, en 2016, le début de la saison des combats s’est caractérisé par une augmentation notoire des attaques des insurgés, en particulier après que les talibans eurent déclaré le début de leur offensive de printemps, baptisée « opération Omari », le 12 avril. (SIGAR, 2016a) Au cours des deux semaines ayant suivi cette annonce, les attaques lancées par les talibans se sont très nettement accrues (ONU, 2016a). Les Nations unies ont fait état d’une augmentation de 14 % des heurts armés au cours du premier semestre 2016 par rapport à la même période en 2015, la tactique et la stratégie des insurgés étant davantage concentrées sur les districts du centre que sur des cibles liées à la gouvernance civile (ONU, 2016a ; SIGAR, 2016a).

18. En 2015, les violences dans des bastions insurgés tels que Helmand et Kandahar ont connu un net regain d’intensité, mais les forces de sécurité afghanes ont également été confrontées à un niveau plus élevé de violence dans le nord et le nord-est, notamment lors de la prise temporaire mais dramatique de Kunduz, en septembre 2015, première occupation d’une capitale provinciale par les talibans depuis le début des opérations des forces de la coalition en Afghanistan en 2001. Après ce coup de force, les insurgés ont continué à resserrer leur étau sur plusieurs capitales provinciales en 2016. Autre signe peut-être du risque que diverses capitales provinciales tombent aux mains des insurgés dans un proche avenir : des aînés afghans ont signalé début septembre 2016 que les talibans étaient sur le point de s’emparer de Tarin Kôt, la capitale de la province d’Orozgân. Tout au long de 2016, les groupes d’insurgés ont prouvé qu’ils étaient en mesure de s’attaquer simultanément à plusieurs chefs-lieux de district, compromettant ainsi la capacité des ANDSF à réagir et à défendre le territoire (Département de la Défense des États-Unis, 2016a). Les conséquences sont évidentes.

2 Les pertes d’effectifs au sein des ANDSF demeurent une source de préoccupation persistante. D’après le Département de la sûreté et de la sécurité des Nations unies (UNDSS), elles ont ainsi atteint 12 169 hommes (4 541 tués et 7 628 blessés), soit 20 % d’augmentation par rapport à 2014 (UNAMA, 2016).

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19. Les combats avec les insurgés et la progression de ces derniers sont particulièrement marqués dans les provinces de Helmand, Orozgân, Kunduz, Baghlan, Faryab, Kounar et Nangarhar (ONU, 2016a). Les médias afghans ont repris une déclaration du porte-parole du ministère de l’Intérieur signalant que neuf districts sont sous le contrôle des forces insurgées, dans les provinces de Helmand (4), de Badakhstan (2), de Ghazni (1), de Zaboul (1) et Sare Poul (1) (SIGAR, 2016a). La province de Helmand est soumise à une pression croissante depuis un an, les forces talibanes progressant vers la capitale Lashkar Gah. L’intensité des combats contraint les forces afghanes de se retirer, entre autres, des districts de Mousa Qala, Nadi Ali et Now Zad (Felbab-Brown, 2016a; Rasmussen, 2016 ; Mashal, 2016 ; Faizy & Bengali, 2016).

20. Fin mai 2016, sur les 407 districts des 34 provinces, 268 (65,6 %) étaient contrôlés par le gouvernement afghan, 36 (8,8 %) par les insurgés, mais 104 (25,6 %) se trouvaient dans une position difficile (SIGAR, 2016a). Les forces états-uniennes en Afghanistan (USFOR-A) considèrent que les succès remportés par les insurgés doivent être replacés dans le cadre de la stratégie de sécurité afghane, qui cherche à redéployer les forces afghanes vers des zones plus prioritaires, afin de parvenir à ses objectifs stratégiques et opérationnels (SIGAR, 2016a).

21. La détérioration de l’environnement de sécurité observé l’an dernier a mis en évidence les graves lacunes capacitaires des forces de sécurité afghanes (notamment dans les domaines de la logistique et de la planification, du renseignement, de l’appui aérien et du leadership), ainsi que, dans certains cas, la nécessité de renforcer les relations de travail entre les institutions de sécurité et les autorités civiles. Pour remédier à ces problèmes, les forces de la coalition et celles des États-Unis continuent de fournir dans tout le pays un minimum d’aide dans des domaines clés comme l’appui aérien, le renseignement, la surveillance et la reconnaissance (ISR), et enfin l’évacuation sanitaire (Medevac ; Département de la Défense des États-Unis, 2015).

22. Il est vrai, toutefois, que l’insurrection reste virulente. Les Nations unies ont enregistré 6 122 incidents de sécurité entre le 16 février et le 19 mai 2016, dont 68,5 % dans les régions du sud, de l’est et du sud-est (ONU, 2016a). Ce nombre d’incidents est en légère diminution par rapport à la même période de 2015 (3 %). Toutefois, en dépit de la diminution du nombre total d’incidents de sécurité, le nombre d’affrontements armés et de pertes civiles a augmenté en 2016. (SIGAR, 2016a) Les données indiquent une forte progression des violences dans les provinces du nord et du nord-est, à savoir Kunduz, Baghland et Nangarhar (Département de la Défense des États-Unis, 2016) Les affrontements armés ont représenté 64 % des incidents de sécurité signalés et les actes commis avec des engins explosifs improvisés (EEI), 17,4 % (ONU, 2016a). Les meurtres ciblés et les attentats-suicide ont diminué (15 attentats-suicide et 163 tentatives d’assassinat (réussies ou non) (ONU, 2016a).

23. Les pertes civiles sont elles aussi en hausse. La Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) a recensé le nombre record de 11 002 victimes parmi la population civile (3 545 morts et 7 457 blessés) en 2015, ce qui représente une augmentation de 4 % par rapport à l’année précédente. Au cours du premier semestre 2016, la MANUA a comptabilisé 5 166 pertes civiles (1 601 morts et 3 565 blessés), une nouvelle augmentation de 4% par rapport à l’année précédente (MANUA, 2016a). Les six premiers mois de l’année 2016 ont en outre été marqués par le plus grand nombre de pertes civiles depuis le début de leur recensement par l’ONU en 2009 (MANUA, 2016a). Par rapport au premier semestre de 2015, les victimes parmi les enfants ont augmenté de 18% et celles parmi les femmes ont diminué de 11 %. (MANUA, 2016a)

24. 60 % des victimes recensées au cours de la première moitié de 2016 sont le fait de groupes d’insurgés (60 %), soit une diminution de 11 % par rapport à la même période de 2015 (MANUA, 2016a). En dépit de cette diminution, la tactique des forces insurgées a continué à cibler délibérément des civils, par le biais d’attentats-suicide ou complexes, d’assassinats ciblés et du recours sans discrimination à des engins explosifs improvisés (EEI). L’augmentation des pertes civiles provoquées par les forces progouvernementales depuis que les forces afghanes réassument la responsabilité de la sécurité est particulièrement préoccupante. En 2016, les forces

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progouvernementales sont à l’origine de 23% de ces pertes, soit une augmentation de 47 % par rapport au premier semestre 2015 (MANUA, 2016a). La plupart des victimes civiles des forces gouvernementales résultent de l’utilisation d’armes indirectes et explosives lors d’engagements au sol, ainsi que d’opérations aériennes menées par les forces afghanes (MANUA, 2016a). La MANUA attribue 13 % des pertes à des engagements au sol entre belligérants.

25. La tendance à l’accroissement des pertes civiles dues aux forces progouvernementales est préoccupante. Leur importante augmentation d’une année à l’autre depuis la transition vers la sécurité en 2014 indique que les ANDSF demeurent beaucoup trop indifférentes aux risques qu’elles font courir aux populations civiles proches, lorsqu’elles recourent à la force. Les rapports de l’ONU et de l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan (SIGAR) signalent une tendance à l’utilisation continue et inappropriée d’armes lourdes dans des zones peuplées, le déploiement sans supervision adéquate de milices progouvernementales et l’absence de responsabilisation par les juridictions militaires lors d’abus de pouvoir et du recours inapproprié à la force sur les théâtres d’opérations.

26. L’intensité des saisons de combats 2015 et 2016 se reflète dans l’impression de sécurité déclinante de la population. Le sondage annuel 2015 réalisé par l’organisation Asia Foundation auprès de 9 586 citoyens afghans représentant 14 groupes ethniques et 34 provinces montrait que l’optimisme de la population concernant l’orientation générale du pays et la confiance des Afghans à l’égard du gouvernement étaient retombés au niveau le plus bas depuis dix ans, après une hausse régulière en 2014. Une majorité d’Afghans (57,5 %) déclarent que le pays va dans la mauvaise direction, et citent comme principales raisons de leur pessimisme : l’insécurité, le chômage et la corruption. La présence de Daech3 n’est pas non plus étrangère à cette perception qu’ont les Afghans de leur sécurité, 40,3 % des sondés déclarant que le groupe représente une menace (Asia Foundation, 2015). Pour autant, les ANDSF continuent d’inspirer largement confiance à la population, qui les soutient à 70 %. D’après l’enquête de l’Afghanistan Nationwide Quarterly Assessment Research parrainée par l’OTAN et réalisée dans 34 provinces, la perception de la sécurité par l’opinion publique en 2016 est proche du plus bas niveau jamais enregistré, puisque seules 20 % des personnes interrogées considèrent la sécurité comme satisfaisante dans leur communauté (Département de la Défense des États-Unis, 2016a).

IV. LES FORCES INSURGÉES

A. LES TALIBANS

27. L’insurrection menée par les talibans continue de représenter un défi pour la paix et la stabilité. Comme nous l’avons dit, les forces afghanes sont de plus en plus sollicitées pour empêcher l’expansion territoriale des talibans (SIGAR, 2016a). Les insurgés contraignent les ANDSF à agir de façon réactive, plutôt que proactive, leur tactique consistant à effectuer des exercices dans les districts ruraux et à mener simultanément des attaques de grande ampleur dans les centres plus densément peuplés (Ministère de la Défense des États-Unis, 2015).

28. De manière générale, l’insurrection en Afghanistan connaît une certaine réussite en changeant de tactique, à savoir en intensifiant les attaques retentissantes contre des cibles vulnérables, en particulier à Kaboul, afin d’affaiblir la confiance de la population dans le gouvernement. Bien que les ANDSF aient réussi à reprendre le contrôle du territoire avec l’aide des forces de la coalition, les insurgés ont exploité certaines des vulnérabilités des forces afghanes, ce qui a entraîné une dégradation de la sécurité dans des zones clés et une hausse des risques dans d’autres (SIGAR, 2016c). En 2016, les talibans ont effectué des attaques dans l’ensemble du pays, notamment contre des postes de contrôle, ainsi que des attaques

3 Acronyme arabe utilisé pour désigner l’organisation terroriste État islamique en Iraq et au Levant (EIIL)

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coordonnées à Kandahar, Helmand, Faryab, Orozgan, Ghazni, Kunduz et les provinces situées autour de Kaboul : le 21 décembre 2015, les forces états-uniennes ont été victimes de l’attaque la plus meurtrière depuis 2012, commise et revendiquée par les talibans (SIGAR, 2016c ; Ministère de la Défense des États-Unis, 2015). Depuis le début de l’offensive de printemps 2016, 36 attentats talibans ont ciblé des centres administratifs de districts (ONU, 2015a).

29. Les attaques de l’intérieur continuent de poser de graves problèmes aux ANDSF et aux forces de la coalition. Bien que leur nombre ait diminué depuis le record atteint en 2012, ces attaques mettent toutefois en danger les membres de la mission Resolute Support dans leur travail de formation des forces afghanes. Sept attaques de l’intérieur des forces afghanes contre des soldats états-uniens (attaques « vert contre bleu ») ont ainsi eu lieu entre le 1er janvier et le 19 mai 2016. Bien que les attaques « vert contre bleu » n’aient causé aucune victime en 2016, elles ont fait 3 morts et 14 blessé en 2015 (SIGAR, 2016a). Au cours de la même période, 77 attaques « vert contre vert », à savoir des soldats afghans qui s’attaquent à leurs propres rangs, ont fait 205 morts et 103 blessés (SIGAR, 2016a).

30. Une lutte de pouvoir a éclaté après l’annonce, en juillet 2015, de la mort de l’ancien chef des talibans, le mollah Omar (survenue en 2013) lorsque le mollah Mansour a été désigné pour lui succéder. Les talibans continuent depuis lors à connaître des problèmes de cohésion. Le fils du mollah Omar, le mollah Yaqoob, a par exemple ouvertement contesté le droit du mollah Mansour à diriger les talibans et appelé à une intensification des combats et au rejet des négociations de paix avec le gouvernement de Kaboul. (MANUA, 2015a ; Osman, 2015) Il semblerait par ailleurs qu’une faction dissidente ait été créée sous la direction du mollah Mohammed Rasool Akhund, et des heurts auraient eu lieu avec les fidèles de son rival (ONU, 2015a ; ONU, 2016b).

31. Depuis la mort du mollah Mansour causée par un drone américain en mai 2016, son successeur Haibatullah Akhundzada consent pourtant de nombreux efforts pour améliorer la cohésion des talibans. Alors que Mansour avait soi-disant chassé des talibans opposés à son leadership, Akhundzada cherche à aplanir les divisions et a nommé d’anciens rivaux de Mansour à des postes officiels (Totakhil & Donati, 2016). Il reste toutefois à démontrer dans quelle mesure les désaccords internes ont un quelconque effet sur les capacités de combat des talibans. (Département de la Défense des États-Unis ; Felbab-Brown, 2016a). Ceux-ci continuent en effet à apporter la preuve de leur capacité à mener des attaques de grande envergure, qui sapent la confiance de l’opinion publique dans ses dirigeants et privent ceux-ci de leur contrôle sur les zones rurales (Département de la Défense des États-Unis 2016a). Il est cependant très important d’insister sur le manque de soutien dont bénéficient les talibans auprès de la population rurale qui, plutôt que de leur apporter de l’aide, essaie bien souvent de les chasser.

B. LES AUTRES GROUPES D’INSURGÉS

32. Parallèlement au regain des attaques commises par les talibans, d’autres groupes – dont al-Qaida et le réseau Haqqani – ont, en 2015 et 2016, de plus en plus amplifié leur présence. Le réseau Haqqani, qui continue d’être l’un des principaux soutiens d’al-Qaida, est le groupe qui représente la menace la plus importante pour les forces afghanes et celles de la coalition (Département de la Défense des États-Unis, 2016a). Selon le ministère de la Défense des États-Unis, ce réseau dirige l’insurrection dans les provinces de Paktika et Khost, à l’est de l’Afghanistan. Bien que les opérations menées début 2015 par l’armée pakistanaise dans le Waziristan du Nord l’aient quelque peu déstabilisé, le réseau Haqqani a démontré sa capacité à planifier et lancer des attaques retentissantes dans l’ensemble du pays ainsi que dans la région de Kaboul (Département de la Défense des États-Unis, 2015). Suite au récent changement opéré à la tête des talibans, le leader du réseau Haqqani, Siraj Haqqani, a été nommé chef-adjoint du mollah Mansour, ce qui confirme que ce réseau continuera d’être un acteur important de l’insurrection menée par les talibans (Roggio and Joscelyn, 2015).

33. La présence d’al-Qaida dans le pays se limite surtout aux zones isolées de l’est et du

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nord-est de l’Afghanistan (Département de la Défense des États-Unis, 2016a). Les efforts de lutte contre le terrorisme ont obligé l’organisation à se concentrer sur sa survie et la reconstitution de ses forces, au détriment des opérations externes. Al-Qaida continue néanmoins à soutenir des groupes d’insurgés ciblant les forces afghanes et de la coalition internationale (Département de la Défense des États-Unis, 2016a). D’après une déclaration de mai 2016 du brigadier général Charles Cleveland, le soutien d’al-Qaida aux talibans s’accroît, car cette organisation apporte davantage de « capacités et compétences » que par le passé (Gibbons-Neff, 2016). Fin octobre 2015, l’opération menée conjointement par les Afghans et les États-Unis contre ce qui était « probablement le plus grand » camp d’entraînement d’al-Qaida en Afghanistan montre bien combien il est important de poursuivre les efforts pour mettre cette organisation en échec (SIGAR, 2016c).

C. DAECH EN AFGHANISTAN – L’ÉTAT ISLAMIQUE EN IRAQ ET AU LEVANT DE LA PROVINCE DU KHORASAN

34. Début janvier 2015, Daech a déclaré son intention de s’étendre en Afghanistan et au Pakistan, en créant le Wilayat Khorasan, ou État islamique en Iraq et au Levant de la province du Khorasan.4 Selon le général états-unien Wilson Shoffner, chef d’état-major adjoint de la mission Resolute Support chargé des communications, les combattants qui ont fait allégeance à l’EIIL-K seraient « entre 1 000 et 3 000 dans la fourchette basse » (Europe Diplomacy and Defence, 2016). Ce groupe se compose en majorité de chefs talibans d’échelon intermédiaire déçus qui, souvent, appartenaient autrefois à la mouvance pakistanaise des talibans (Tehrik-e Taliban) et, dans une moindre mesure, à leur mouvance afghane (Osman, 2015). L’EIIL-K a mis en place une présence restreinte dans cinq districts environ de la province de Nangarhar, où il aurait perpétré des attentats-suicide, des attaques à l’arme légère et des enlèvements visant la population civile et les ANDSF (Europe Diplomacy and Defence, 2016 ; ONU, 2015a). Pour autant, le rôle de l’EIIL-K en Afghanistan reste limité car le groupe doit faire face à la résistance soutenue des frappes aériennes de la coalition internationale, ainsi qu’à des islamistes radicaux qui sont ses rivaux, comme par exemple les talibans (Barr and Moreng, 2016).

35. La présence de Daech a suscité des inquiétudes au sein du gouvernement afghan et de la communauté internationale. En mars 2015, le président Ghani indiquait aux États-Unis que l’Afghanistan se trouvait « en première ligne » face à la terrible menace de Daech. Un mois plus tard, les responsables de la mission Resolute Support décrivaient la présence de Daech comme « tout au plus naissante ». En octobre 2015, en revanche, les inquiétudes au sujet de l’EIIL-K s’étaient sensiblement accrues, et le commandant de la mission Resolute Support et de l’USFOR-A, John F. Campbell, précisait que le groupe était passé du statut de « naissant » à « opérationnellement émergent » (Département de la Défense des États-Unis, 2015).

36. Début 2016, le président Obama a également autorisé l’USFOR-A à mener des opérations offensives contre l’EIIL-K (Schmidt and Schmitt, 2016). Les frappes aériennes contre le groupe ont donc sensiblement augmenté (Europe Diplomacy and Defence, 2016). Un exemple de frappe est celle effectuée par un drone le 8 janvier 2016, qui aurait abattu 15 combattants de l’EIIL-K dans le district d’Achin de la province de Nangarhar, après qu’un fonctionnaire du conseil provincial eut averti les forces états-uniennes de la présence de ce groupe dans cinq districts de la province. Le 14 janvier 2016, le département d’État des États-Unis a classé l’EIIL-K dans la catégorie des organisations terroristes étrangères (SIGAR, 2016c). En juillet 2016, des responsables états-uniens et afghans ont annoncé que des forces américaines seraient déployées dans l’est de l’Afghanistan, pour aider les ANDSF dans leurs opérations de lutte contre Daech (Donati & Totakhil, 2016).

37. Le fait que l’EIIL-K ait réussi à attirer en son sein des chefs talibans de haut niveau a suscité des inquiétudes en Afghanistan et dans le monde. Le groupe a en effet été rejoint par

4 Ce groupe sera désigné ci-après sous l’acronyme EIIL-K ; Khorasan est l’appellation traditionnelle d’une région située à cheval entre le Pakistan et l’Afghanistan.

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Rauf Khadem et Hafeez Saeed Khan, le premier ayant été nommé gouverneur de la province dite de Khorasan, et le second, gouverneur adjoint. Les deux individus travaillaient ensemble à la création de cellules de recrutement à Nangarhar (Osman, 2015). Or, peu de temps après, Khadem fut abattu par un drone états-unien, ce qui a constitué un sérieux revers pour l’EIIL-K. Tout au long de l’année 2015 ainsi qu’en 2016, Daech a revendiqué de nombreuses attaques (sans toutefois fournir de preuves), dont celles commises au printemps et à l’automne à Jalalabad, celle du mois de janvier contre le consulat du Pakistan, celle visant une mosquée chiite à Kaboul, ainsi que la décapitation de combattants talibans (ONU, 2015b ; Joscelyn, 2016).

38. La présence de Daech en Afghanistan se limite surtout à des étrangers et à un petit groupe d’anciens combattants talibans. Bien que l’on sache que certains chefs talibans aient quitté le mouvement – en raison de querelles internes, par mécontentement à l’égard du leadership du mouvement ou à cause du sentiment d’avoir été trompé par la dissimulation prolongée de la mort du mollah Omar –, il est difficile de dire quelle est l’influence de Daech en Afghanistan (Barr and Moreng, 2016). Certains groupes sont simplement des sympathisants de l’organisation et utilisent son drapeau pour renforcer leur crédibilité et recruter des membres, tandis que d’autres recherchent auprès d’elle une nouvelle source de financement. Pour citer un exemple, le Mouvement islamique d’Ouzbékistan, un groupe radical d’Asie centrale se réclamant des talibans, a prêté allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi mais aurait continué à combattre aux côtés des talibans lors de la prise de Kunduz (Rubin, 2016).

39. L’expansion éventuelle de l’EIIL-K en Afghanistan est rendue difficile par la présence d’autres islamistes radicaux (principalement les talibans) et par les complexités de la politique locale afghane, mal comprise par les leaders du groupe et qui est, par nature, hostile à une présence étrangère. Conscient de ces failles, l’EIIL-K a mis en place un solide appareil médiatique pour diffuser sa propagande. Il a attaqué les talibans en sous-entendant que leur mouvement et leurs leaders étaient à la botte de l’Iran et des services de renseignement pakistanais. Une autre cible de Daech est l’organisation al-Qaida, dont le leader, Ayman al-Zawahiri, a été discrédité dans l’espoir que ses combattants opérant en Afghanistan soient persuadés de changer d’allégeance (Barr & Moreng, 2016).

40. D’autres freins à l’expansion de Daech en Afghanistan sont sa critique du pashtunwali, le code tribal des Pachtounes, ainsi que sa désapprobation de l’islam déobandi. En tant que mouvement indigène, les talibans peuvent compter sur les relations tribales et les loyautés ethniques (Barr and Moreng, 2016). Le déobandisme est la philosophie religieuse dominante des talibans, et le pashtunwali est le code auquel adhère la majorité d’entre eux. L’ancrage profond des talibans dans les communautés radicales d’Afghanistan implique donc que les efforts de propagande et de recrutement déployés par Daech trouvent relativement peu d’écho dans le pays (Laub, 2014). De plus, l’attrait de Daech pour la « sauvagerie » – et l’apologie qu’elle en fait – rend l’organisation peu attrayante pour les civils (Europe Diplomacy and Defence, 2016).

41. Si l’EEIL-K rencontre des obstacles dans ses tentatives d’expansion en Afghanistan, les analystes estiment qu’il restera une menace, car des factions de talibans sont susceptibles de lui fournir des combattants, tandis que la porosité des frontières au nord et à l’est facilite quelque peu l’acheminement de ressources et de combattants vers et depuis les théâtres d’opérations (Johnson, Karokhail & Amiri, 2016).

42. Au cours de l’année écoulée, les ANDSF ont préparé une campagne contre Daech et, en juillet 2016, avec le soutien de forces spéciales états-uniennes, elles ont pénétré dans le district de Kot, dans la province de Nangarhar (Ahmad, 2016). À la suite des opérations des forces afghanes de sécurité soutenues par des frappes aériennes et de la pression exercée par les talibans, il semblerait que le nombre de combattants soit tombé à environ 2 500 (Johnson, Karokhail & Amiri, 2016). Confronté à des ennemis pratiquement sur tous les fronts, Daech a vu diminuer son empreinte en Afghanistan au cours de l’année écoulée. En dépit de ces revers, l’EEIL-K est parvenu à établir une faible présence en dehors de la province de Nangarhar, dans les provinces

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de Kounar et du Nouristan (ONU, 2016a).

43. Des préoccupations demeurent toutefois quant à l’ampleur et à la persistance de la présence de l’EEIL-K en Afghanistan, d’autant que Daech a revendiqué la responsabilité de l’attentat du 23 juillet à Kaboul, qui a fait 80 morts et des centaines de blessés lors d’une manifestation pacifique de la minorité hazara. Il s’agissait là non seulement du premier attentat perpétré par Daech à Kaboul, mais également de l’attaque terroriste la plus meurtrière dans la capitale afghane depuis 2001 (Rasmussen, 2016).

V. LES FORCES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ NATIONALES AFGHANES (ANDSF)

44. Le niveau total d’effectifs autorisé pour les ANDSF est toujours de 352 000 pour l’armée nationale afghane (ANA) et la police nationale afghane (ANP). Une force de police locale (ALP), équivalant à 30 000 personnes supplémentaires, est également autorisée et est techniquement indépendante de l’ANP, malgré une tentative pour la placer sous le commandement et le contrôle de cette dernière. L’USFOR-A a indiqué qu’en mai 2016, ni l’ANA ni l’armée de l’air afghane (AAF) ne fonctionnaient au niveau maximal autorisé, celui de l’ANA étant de 87,9 % (SIGAR, 2016a).

45. La pérennité des forces afghanes demeure une préoccupation majeure, car celles-ci enregistrent un taux d’attrition élevé et un faible taux de réengagement (ONU, 2016a). Entre décembre 2015 et mai 2016, le taux d’attrition mensuel des ANDSF s’est accru de 2,4 % par rapport à juin 2015 et novembre 2015, mais se situe toujours aux alentours de 2 % par mois ; l’absence sans permission est le principal motif de radiation des listes de personnel (Département de la Défense des États-Unis, 2016a). Une autre source de complication se situe au niveau des « soldats fantômes » : cette tendance débilitante consiste à ajouter des noms fictifs aux listes d’enrôlement pour détourner les précieux fonds destinés à financer l’appareil militaire. Le problème lancinant des « soldats fantômes » mine la capacité opérationnelle des ANDSF, draine une partie des fonds déjà relativement maigres nécessaires au développement de cette capacité et aux investissements, et incite les autorités à recruter et à déployer davantage de forces de police locales et de milices irrégulières dans les situations de combat, pour lesquelles elles sont insuffisamment (ou pas du tout) préparées ou auxquelles elles ne font qu’ajouter un facteur de complication en raison de leurs tactiques douteuses.

46. Le financement des ANDSF provient en majorité de donateurs internationaux. Le budget des ANDSF pour l’exercice 2015 était de 5,4 milliards de dollars, dont 4,1 milliards fournis par les États-Unis et 923 millions par d’autres donateurs internationaux. Le gouvernement afghan a versé quant à lui 419 millions. Les fonds provenant des États-Unis et de la communauté internationale ont été affectés aux dépenses suivantes : équipement, salaires, entretien des installations et des équipements, carburant, technologies de l’information, formation des pilotes, uniformes et fournitures médicales. La contribution du gouvernement afghan a permis de financer les dépenses alimentaires et les frais de subsistance des forces. Le budget exigé par les ANDSF pour l’exercice 2016 est de 5,01 milliards de dollars, les États-Unis fournissant 3,65 milliards de dollars (Département de la Défense des États-Unis, 2016a). Pour l’exercice 2017, ce budget devrait être ramené à 4,9 milliards de dollars environ (Département de la Défense des États-Unis, 2016).

47. Les ANDSF ont fait preuve d’une bonne capacité de résistance pendant toute la saison des combats de 2015, malgré les nombreux défis qu’elles ont dû relever (en particulier la campagne offensive concertée des talibans). Les combats étant particulièrement intenses, les forces afghanes ont été contraintes d’accélérer leur tempo en doublant la cadence des opérations par rapport à 2014. La conclusion à tirer de la campagne des talibans en juillet 2015 à Helmand et de leur occupation temporaire de Kunduz en octobre 2015 est que les ANDSF ont clairement besoin d’améliorer le renseignement, la logistique, mais aussi la planification et la coordination. L’appui aérien rapproché fourni par les États-Unis s’est avéré essentiel pour les opérations afghanes. L’AAF continue de recevoir des équipements et des formations, ce qui permettra d’accroître

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l’indépendance du pays dans ce domaine également. L’AAF devrait bénéficier d’une livraison d’hélicoptères de combat MD 530F et d’avions Embraer Super Tucano, avec lesquels elle pourra élargir le spectre de ses capacités offensives (IISS, 2016). Pour la génération et la soutenabilité des forces, les ANDSF ont encore besoin de davantage de formation et d’entraînement.

48. En juillet 2016, les ANDSF incluaient 4 228 femmes dans leurs rangs : 1 039 dans l’ANA, 97 dans l’AAF, 2 879 dans l’ANP et 213 dans les forces de sécurité spéciales afghanes (SIGAR, 2016a). Alors que les femmes sont de plus en plus nombreuses à servir dans les ANDSF, elles ne représentent que 1,3 % des effectifs (SIGAR, 2016a). D’une façon générale, les croyances culturelles et religieuses continuent à faire obstacle à une plus grande participation des femmes dans les ANDSF et celles qui servent dans leurs rangs font souvent l’objet de harcèlement et de menaces (Département de la Défense des États-Unis, 2016a). Qui plus est, les responsables masculins des ANDSF empêchent les femmes servant dans les forces de sécurité afghanes de remplir la totalité de leurs fonctions, par exemple en ne les autorisant pas à porter des armes ou à conduire des véhicules (Département de la Défense des États-Unis, 2016a). Tant le ministère de la Défense que celui de l’Intérieur prennent des mesures pour élargir les possibilités des femmes servant dans les ANDSF. Chaque ministère a ainsi créé 5 000 emplois destinés aux femmes ou neutres sur le plan du genre dans leur tashkil5, afin de veiller à ce que des femmes aient la possibilité de travailler à des postes pour lesquels elles sont qualifiées et de progresser dans leur profession (Département de la Défense des États-Unis, 2016a).

VI. LA LUTTE CONTRE LES STUPÉFIANTS

49. Les activités illicites relatives aux stupéfiants (culture, production, trafic et consommation) continuent de jouer un rôle majeur dans le tissu social, économique et politique de l’Afghanistan. Dans son enquête annuelle sur l’opium en Afghanistan (Afghan Opium Survey), l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a estimé qu’en Afghanistan, la surface de la culture du pavot à opium s’élevait en 2015 à 184 000 hectares, soit une baisse de 19 % par rapport à 2014 – la première depuis 2009. La production totale d’opium en Afghanistan (3 300 tonnes) a elle aussi diminué de 48 % en 2015 par rapport à 2014. La province d’Helmand est la première du pays en ce qui concerne la culture de pavot à opium, avec une surface estimée à 86 400 hectares (47 % du total national) ; elle est suivie par les provinces de Farah, Kandahar et Badghis.

50. Les programmes gouvernementaux d’éradication, associés au mauvais temps, sont les principales raisons du recul de la culture de pavot. L’Afghanistan demeure toutefois le plus gros producteur mondial d’opium (SIGAR, 2015). En 2015, seules 14 provinces ne cultivaient pas de pavot, contre 15 en 2014 (ONUDC, 2015a).

51. Le 15 octobre 2015, le président Ghani a approuvé la nouvelle stratégie de lutte contre les stupéfiants pour la période 2015-2019. Le plan d’action national sur les drogues énonce trois grands objectifs : réduction de la culture, de la production et de la commercialisation du pavot ; diminution de la demande intérieure d’opium ainsi que d’autres drogues illicites ; enfin, augmentation des capacités de traitement pour les consommateurs (SIGAR, 2015). Le plan d’action national met l’accent sur les méthodes suivantes : éradication des cultures et développement de cultures alternatives, répression, lutte contre le blanchiment de fonds, confiscation des avoirs et amélioration de la coopération régionale et internationale pour lutter contre la production, la commercialisation et l’usage illicites de drogues (ONU, 2015a).

52. En 2015, la valeur brute estimée des opiacés en Afghanistan avait reculé de 33 % par rapport à 2014 – pour atteindre 0,57 milliard de dollars –, mais elle représente toujours plus ou moins 4 % du PIB national (ONUDC, 2015a). L’économie du pavot à opium est en outre la

5 Le tashkil est la liste officielle du gouvernement afghan du personnel de l’ANA et de l’ANP requis par poste et par rang.

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principale source de subsistance pour de vastes pans de la population rurale afghane. Le problème est que cette économie de la drogue a des effets négatifs sur la croissance économique du pays car elle entraîne une distorsion du marché, comme par exemple une hausse de l’inflation domestique et une baisse de la compétitivité des autres secteurs (Felbab-Brown, 2015).

53. Le lien entre la criminalité organisée et l’insurrection radicale (dans laquelle l’économie des drogues illicites semble jouer un rôle) demeure une menace sérieuse en Afghanistan (ONUDC, 2015b). Les talibans utilisent les recettes de la vente de drogues pour accroître leurs ressources financières et faciliter leur approvisionnement en armement et leur logistique. De plus, le fait de protéger le trafic leur a permis de se renforcer sur le plan politique car cette protection équivaut à défendre le moyen de subsistance des populations vivant dans les régions qui cultivent du pavot (Felbab-Brown 2015). Il convient toutefois de noter que la production, la culture et le trafic de drogues n’ont pas lieu uniquement dans les zones contrôlées par les insurgés, et que l’économie de la drogue met en péril la gouvernance et l’État de droit dans l’ensemble du pays (Département d’État des États-Unis, 2015).

54. L’usage et la surconsommation de drogues illicites demeurent un problème de taille – qui plus est grandissant – en Afghanistan. L’addiction aux opiacés et à l’héroïne reste très répandue, et l’usage des méthamphétamines s’est accru ces dernières années (Département d’État des États-Unis, 2015). En 2015, le rapport International Narcotics Control Strategy Report élaboré par le Bureau of International Narcotics and Law Enforcement Affairs (INL) du Département d’État des États-Unis soulignait « le niveau alarmant de consommation de drogues chez les adultes – hommes et femmes –, les adolescents et les enfants » (Département d’État des États-Unis, 2015). Selon le rapport des Nations unies intitulé Afghanistan Drug Report 2015, l’addiction aux drogues et leur consommation en Afghanistan sont « plus de deux fois supérieures au taux mondial », et touchent l’équivalent de 12,6 % de la population afghane d’âge adulte (ONU, 2016b). Le rapport notait également que le pays compte entre 1,9 et 2,4 millions d’adultes toxicomanes (ONU, 2016b).

55. Fournir des centres d’hébergement et de traitement pour accueillir le nombre croissant de toxicomanes est une lourde tâche qui incombe déjà aux gouvernements de provinces (SIGAR, 2016c). À l’heure actuelle, l’Afghanistan compte 123 centres, qui ne peuvent accueillir que 10,7 % du nombre actuel d’usagers. Pour accroître les capacités de traitement, le gouvernement national a ouvert à Kaboul en décembre 2015 le plus grand centre de traitement et de réhabilitation.

56. Le programme d’éradication des cultures, placé sous la direction des gouverneurs, consiste à rembourser aux provinces le coût de la destruction des champs de pavot (SIGAR, 2016c). En 2015, 3 760 hectares de pavot à opium ont ainsi été détruits, soit 40 % de plus qu’en 2014 (ONUDC, 2015a). Malgré ces chiffres encourageants, l’éradication de ce type de culture est en baisse depuis quelques années, le record ayant été enregistré en 2012, avec la destruction de 9 672 hectares. L’un des éléments manquants pour garantir l’efficacité des efforts d’éradication demeure l’absence de volonté politique, que ce soit au niveau local ou à Kaboul (Département d’État des États-Unis, 2015). Il convient néanmoins de relever les bons résultats obtenus par les unités spécialisées de la police afghane de lutte contre les stupéfiants, qui ont réalisé, entre novembre 2015 et février 2016, 571 opérations antidrogue ayant permis la saisie de quelque 194 607 kg de stupéfiants (ONU, 2016b).

57. L’Afghanistan compte beaucoup sur l’aide internationale pour mettre en œuvre sa stratégie nationale de lutte contre les stupéfiants. Cette aide vient en grande partie des États-Unis, à savoir 8,4 milliards de dollars depuis 2002 (SIGAR, 2016a). Afin d’aider les Afghans à appliquer leur toute nouvelle stratégie de lutte contre les stupéfiants, les États-Unis se sont engagés à continuer à fournir des ressources et à assurer le financement futur. Les programmes de développement alternatif de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) ont par ailleurs complété les efforts de lutte contre les stupéfiants déployés par les États-Unis en aidant l’Afghanistan à trouver des alternatives économiques à la production de drogues illicites. De leur

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côté, les Nations unies ont joué un rôle important en favorisant les discussions entre l’Afghanistan et les pays voisins, de manière à donner une impulsion à la lutte contre les stupéfiants. Du 21 au 24 septembre 2015, les Nations unies ont organisé le 3e Atelier régional sur le recours illégal à des services illicites de transfert de fonds et de valeurs, auquel ont participé les unités de renseignement financier d’Afghanistan et du Tadjikistan ; à l’issue de cet atelier, les deux parties ont signé un protocole d’accord établissant les bases d’un échange d’informations sur les transactions financières suspectes, de manière à endiguer les flux financiers illicites (ONU, 2015a). Le 14 décembre 2015, les Nations unies et l’Afghanistan ont coprésidé une réunion de haut niveau à Vienne, au cours de laquelle le plan d’action contre les stupéfiants afghan et le programme de l’ONU pour le pays ont été présentés. Les partenaires de l’Afghanistan ont indiqué qu’ils étaient prêts à soutenir ces deux dispositifs pour combattre la menace des drogues illicites (ONU, 2016b).

VII. ÉVOLUTIONS

58. Plus d’un an après la mise en place en Afghanistan d’un gouvernement d’union nationale, l’unification du pays nécessite encore de gros efforts. Le soutien du gouvernement par la population a faibli et une opposition politique de plus en plus audible est apparue, alimentée par l’anxiété résultant de la détérioration de la sécurité et des difficultés économiques. La frustration de l’opinion publique à l’égard du gouvernement s’est exprimée clairement le 11 novembre 2015 lorsque des manifestants, attristés par la mort de sept civils dans la province de Zabol, ont défilé dans Kaboul jusqu’au palais présidentiel, en appelant à plus de sécurité et de justice (ONU, 2015a). Le représentant du secrétaire général des Nations unies pour l’Afghanistan, Nicholas Haysom, a indiqué qu’il « est vital, en 2016, que le gouvernement d’union nationale améliore son efficacité, non seulement pour le peuple afghan mais aussi pour les donateurs, dont il est très dépendant sur les plans financier, matériel et technique » (MANUA, 2015b).

59. Les tensions au sein du gouvernement d’union nationale ont retardé les nominations aux postes clés au cours des deux dernières années. La situation évolue lentement cependant. Le 24 février 2016, le gouvernement a nommé, avec beaucoup de retard, le procureur général et le ministre de l’Intérieur. Qui plus est, le 20 juin 2016, le lieutenant-général Abdoullah Habib a été choisi comme ministre de la Défense, date à laquelle son prédécesseur faisant fonction, Masoom Stanekzai, était nommé à la tête de la direction nationale de la sécurité (SIGAR, 2016a).

60. Le 5 septembre 2015, les donateurs internationaux ont rencontré à Kaboul les responsables du gouvernement afghan au cours d’une réunion de haut niveau visant à examiner les progrès accomplis par les Afghans en matière de réformes, à débattre des grandes questions de politique générale et à décider conjointement de la voie à suivre pour l’avenir (SIGAR, 2016). Cette réunion était la première de ce type depuis que le président Ghani avait présenté, en décembre 2014 à la Conférence de Londres, son programme de réformes baptisé « Vers l’autonomie ». À l’issue de la réunion de septembre, l’accord-cadre de responsabilité mutuelle de Tokyo est devenu l’accord-cadre de responsabilité mutuelle en vue de l’autonomie ; c’est lui qui guidera désormais les activités du gouvernement afghan et de la communauté internationale dans les domaines clés.6

61. Lors de la réunion de septembre 2015, les donateurs ont réaffirmé l’engagement pris lors de la Conférence de Tokyo, à savoir la fourniture à l’Afghanistan de 16 milliards de dollars jusqu’à la fin 2015, et le maintien de l’aide plus ou moins au même niveau que lors de la précédente décennie jusqu’en 2017 (SIGAR, 2015). En novembre 2015, le ministère des Finances a publié le premier rapport sur l’état d’avancement des engagements de l’Afghanistan, où l’on note que seuls 5 objectifs sur 39 ont été atteints (l’USAID n’en dénombre que deux). En avril 2016, le gouvernement afghan considérait que quatre livrables étaient atteints et cinq en cours de

6 Ce nouvel accord traitera d’au moins six domaines : 1) amélioration de la sécurité et de la stabilité politique ; 2) lutte contre la corruption, gouvernance, État de droit et droits humains ; 3) rétablissement de la viabilité budgétaire ; 4) réforme de la planification et de la gestion du développement ; 5) développement du secteur privé ; 6) amélioration des partenariats et de l’efficacité de l’aide.

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réalisation, un autre livrable étant différé jusqu’à la mise en œuvre du plan d’action national « Femmes, paix et sécurité » (SIGAR, 2016a). Qui plus est, le 9 mai, le gouvernement afghan a présenté le projet de sa stratégie nationale de paix et de développement et déclaré que 3 des 20 programmes de priorité nationale enregistraient des progrès, au niveau de la réforme de la justice, de l’autonomisation économique des femmes et de la charte des citoyens (ONU, 2016a).

62. Le 5 octobre 2016, lors de la conférence de Bruxelles sur l’Afghanistan, la communauté internationale a réaffirmé son engagement envers un Afghanistan sur la voie de la paix et de la stabilité. À cette occasion, les donateurs et les responsables afghans ont passé en revue les progrès réalisés par le gouvernement dans la mise en œuvre de mesures de responsabilisation mutuelle. Les donateurs se sont engagés à verser 15,2 milliards de dollars supplémentaires pour la période 2017-2020. L’UE fournira 1,3 milliard de dollars, l’Allemagne 1,7 milliard, le Royaume-Uni et les États-Unis 1 milliard chacun et la France 100 millions de dollars (EDD, octobre 2016).

63. Chaque année, quelque 700 000 Afghans – dont 400 000 sont diplômés de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur – arrivent sur le marché du travail mais sans aucune perspective d’emploi, ou très peu (SIGAR, 2016c). En novembre 2015, le président Ghani a annoncé le lancement de la première phase du programme Jobs for Peace qui, d’une durée de 24 à 30 mois, est axé sur la relance et la stabilisation de l’emploi, et devrait coûter 1,18 milliard de dollars (SIGAR, 2016c). Le principal objectif de ce programme est de fournir à court terme des emplois à forte intensité de main-d’œuvre dans les zones rurales et urbaines, en ciblant surtout les jeunes courant le risque d’être recrutés par les insurgés (Mashal, 2015).

Les lents progrès de la réforme électorale

64. Les questions liées à la réforme électorale demeurent un obstacle de taille pour les autorités afghanes, car cette réforme représente une source de tensions importantes au sein du fragile gouvernement d’unité nationale. Comme l’indiquait le précédent rapport de la présente commission, les observateurs internationaux ont relevé un haut niveau de fraude lors de l’élection présidentielle de 2014, ce qui a mis en évidence la nécessité urgente pour l’Afghanistan d’engager des réformes électorales. L’accord de septembre 2014 entre Ashraf Ghani et son ancien rival à l’élection présidentielle, l’actuel chef de l’exécutif Abdoullah Abdoullah, ne manquait pas d’ambition quant à ses objectifs : mise en œuvre de réformes électorales avant les élections législatives ; organisation d’élections législatives dans les deux ans suivant la mise en place d’un gouvernement d’union nationale ; convocation d’une Loya Jirga d’ici la fin octobre 2016 pour modifier la Constitution ; enfin, création d’un poste de Premier ministre (Van Bijlert, 2016).

65. Dans la réalité, l’Afghanistan n’a enregistré que peu de progrès en ce qui concerne la mise en œuvre de la réforme électorale. En septembre 2015, le président Ghani a publié un décret dans lequel il approuvait sept des dix recommandations initiales de la commission spéciale pour la réforme électorale, dont celles concernant l’enregistrement des votants, l’attribution d’un bureau de vote, la fixation de critères d’éligibilité pour le Conseil des commissaires, et la nomination de commissaires pour les élections (ONU, 2015a). Le 21 décembre, la Commission spéciale a présenté la version finale de ses recommandations, dans lesquelles elle proposait la fusion entre la Commission électorale (IEC) et la Commission indépendante des plaintes électorales (IECC) – toutes deux indépendantes –, l’engagement de poursuites judiciaires en cas d’infraction aux règles électorales, et la création d’un tribunal spécial pour régler les différends électoraux. Le décret et les recommandations ont été rejetés par la Wolesi Jirga (chambre basse) quelques jours plus tard (Van Bijlert, 2016).

66. En janvier 2016, l’annonce par l’IEC que les élections du parlement et des conseils de district, longuement retardées, allaient avoir lieu le 15 octobre 2016 a suscité les critiques de l’opposition, des observateurs et de l’administration du chef de l’exécutif (ONU, 2016). Le porte-parole d’Abdoullah Abdoullah a déclaré que l’IEC n’avait pas de légitimité, que les élections législatives ne pouvaient se tenir qu’une fois les réformes électorales mises en œuvre, et qu’une

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nouvelle commission électorale serait nommée pour remplacer l’IEC et l’IECC (Mashal, 2016). Le président de l’IEC a réagi à cette déclaration en indiquant que le gouvernement afghan n’était pas habilité à démettre de leurs fonctions les membres des commissions électorales (SIGAR, 2016).

67. Le 28 février, le président Ghani a promulgué deux décrets électoraux intitulés « loi sur les devoirs, la structure et les mandats de la commission électorale indépendante (IEC) et de la commission des plaintes (IECC) », visant à réviser et à réformer les responsabilités et les pouvoirs de l’IEC et de l’IECC. Ces décrets ont été envoyés au parlement en avril 2016 (ONU, 2016a). L’approbation de la loi aurait sensiblement rapproché les élections parlementaires attendues de longue date, mais elle a été rejetée de manière retentissante par la chambre basse du parlement le 13 juin 2016 (SIGAR, 2016a). Face à ce rejet, la présidence a publié une déclaration prenant note de la grave « régression » du processus de réforme électorale résultant de ce vote. (Adili, Ahmadi, Linke & Clark)

68. Le gouvernement d’unité nationale semble se fragmenter de plus en plus, surtout depuis les commentaires, le 11 août, du chef de l’exécutif Abdoullah jugeant le président Ghani incapable de gouverner et accusant celui-ci de le court-circuiter lors de la prise de décisions (Mashal, 2016). Les groupes d’opposition continuent par ailleurs à critiquer le gouvernement pour son incapacité à mettre en œuvre l’accord de septembre 2014 recommandant avec insistance la tenue d’élections parlementaires pour septembre 2016. Certains ont fait valoir que, l’arrivée à terme du gouvernement d’unité nationale ayant été fixée à septembre 2016, il doit être remplacé par des élections présidentielles anticipées ou par une Loya Jirga (Felbab-Brown, 2016 ; ONU, 2016a). Des élections parlementaires sont techniquement programmées pour le 15 octobre, mais l’absence d’une réforme électorale importante augure d’un nouveau report de cette date.

69. Les maigres progrès réalisés dans le domaine de la réforme électorale ont également des répercussions budgétaires pour l’Afghanistan, dans la mesure où les donateurs internationaux ont réduit leurs soutiens financiers en faveur des organisations électorales afghanes, ce qui a entraîné une réduction des effectifs de l’IEC. Les deux commissions électorales, l’IEC et l’IECC, essaient d’obtenir des financements supplémentaires de la part du ministère afghan des Finances, afin de pouvoir continuer à assurer leurs fonctions de base (SIGAR, 2016c). Après la démission récente du président de l’IEC, les réformes devraient passer à la vitesse supérieure.

VIII. LA SITUATION ÉCONOMIQUE

70. La détérioration de l’environnement en matière de sécurité et la fragilité de la situation politique a également mis un frein considérable à la croissance économique de l’Afghanistan. Le gouvernement d’union nationale a engagé un programme de réformes ambitieux pour relancer l’économie, mettre fin à la corruption et améliorer le climat des affaires (Byrd, 2015). Or, il faudra du temps avant que les effets de ces réformes ne se fassent sentir, ce qui mettra le gouvernement dans une position délicate entre les exigences de la population et le soutien de la communauté internationale.

71. La croissance du PIB de l’Afghanistan en valeur réelle a connu une chute vertigineuse, passant de 14,4 % en 2012 à 3,4 % en 2013, puis 1,3 % en 2014 (SIGAR, 2016c). En janvier 2016, le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé que ses prévisions de croissance pour 2015 avaient été ramenées à 1,5 %, en insistant sur la nécessité d’engager des réformes immédiates pour stimuler la croissance économique (FMI, 2015). L’inflation négative paralyse le pays : aujourd’hui à -1,9 %, elle reflète la fragilité de l’activité économique intérieure et la faiblesse du prix mondial du pétrole et des denrées alimentaires. D’après la Banque mondiale, la croissance réelle du PIB pour 2016 devrait atteindre 1,9% et se situer pour la troisième année consécutive en dessous de 2% (Banque mondiale, 2016). Les croissances réelles du PIB pour 2017 et 2018 devraient quant à elles atteindre 2,9 et 3,6 % respectivement, mais cette projection repose sur l’hypothèse d’une amélioration des conditions de sécurité et d’une « forte dynamique des

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réformes » (Banque mondiale, 2016). Comme 400 000 personnes environ arrivent sur le marché du travail chaque année, il faudrait un taux de croissance plus élevé pour améliorer le revenu par habitant et les offres d’emploi. (Banque mondiale, 2016) Le FMI et la Banque mondiale continuent de souligner l’importance d’un développement constant et de progrès en matière de réformes, ainsi que de l’amélioration des conditions de sécurité (ONU, 2016a).

72. La situation économique de l’Afghanistan est assez unique en son genre du fait de la très grande dépendance du pays à l’égard de l’aide étrangère, qui représente aujourd’hui quelque 45 % du revenu national brut (FMI, 2016). Le ralentissement économique de 2015 a toutefois entraîné un important recul de la confiance et de l’investissement du secteur privé. Le nombre d’enregistrements de nouvelles entreprises – une indication donnant une idée de la confiance des investisseurs – a chuté de 26 % en 2015 dans tous les secteurs de l’économie. La Banque mondiale a souligné dans l’un de ses rapports semestriels l’importance de la prédictibilité et de l’amélioration de la transparence dans la poursuite de la mise en œuvre des réformes fiscales et économiques pour consolider la confiance des investisseurs et stimuler la croissance économique (Banque mondiale, 2015).

73. Parallèlement au désengagement des forces internationales, les investissements et les débouchés commerciaux ont diminué en Afghanistan. Hormis l’agriculture, qui est un secteur imprévisible du fait qu’il dépend des conditions météorologiques, les autres secteurs de l’économie ont été directement affectés par le départ des forces internationales (FMI, 2015). La baisse des dépenses militaires étrangères a entraîné un recul de la demande de biens et de services et, par voie de conséquence, la destruction de dizaines de milliers d’emplois. À titre d’exemple, le taux de croissance des services, qui se chiffrait en moyenne à 12 % au cours de la précédente décennie, n’était plus que de 2,2 % en 2014. Les secteurs de la fabrication et du bâtiment ont accusé respectivement un recul de 2,5 % et 2,2 % (Banque mondiale, 2015). Dans le même temps, la virulence de l’insurrection a obligé le gouvernement à consacrer une plus grande partie de son budget aux dépenses de défense, au détriment des investissements économiques (SIGAR, 2016c). Une condition essentielle pour permettre le développement économique futur du pays est la capacité d’offrir aux jeunes Afghans une éducation de haut niveau.

74. La chambre basse de l’Assemblée nationale a approuvé un budget de 6,6 milliards de dollars pour l’exercice 2016 (22 décembre 2015 - 21 décembre 2016)7 (SIGAR, 2016c). Les résultats économiques pour l’exercice 2015 ont montré que les revenus intérieurs de 1,6 milliard de dollars (en hausse de 21,1 % par rapport à 2014) n’ont financé que 40 % des dépenses totales du pays. Pour stabiliser la situation budgétaire et réduire la dépendance à l’égard de l’aide étrangère, le gouvernement doit impérativement mettre en œuvre des réformes en ce qui concerne le recouvrement des recettes, la hiérarchisation des dépenses et la stabilisation de l’aide des donateurs (FMI, 2016). Le gouvernement afghan enregistre des progrès dans ses discussions avec le FMI quant au futur financement. C’est ainsi, par exemple, que le programme de référence du FMI (SMP) s’est achevé avec succès le 13 avril. Le gouvernement afghan et le FMI sont en outre tombés d’accord sur l’octroi d’un prêt sur trois ans dans le cadre d’une facilité élargie de crédit (FEC) de 45 millions de dollars, approuvée par le conseil exécutif du FMI le 20 juillet (SIGAR, 2016a).

75. Le 17 décembre 2015, les ministres du Commerce de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) ont approuvé l’adhésion de l’Afghanistan à l’organisation, sous réserve de sa ratification avant le 30 juin 2016. Les termes de l’adhésion de l’Afghanistan à l’OMC ont été ratifiés par la chambre basse du parlement afghan le 18 juin 2016 et par la chambre haute le 21 juin (SIGAR, 2016a). L’Afghanistan est devenu membre de l’OMC le 29 juillet 2016 et constitue le neuvième pays le moins développé de l’organisation. L’espoir du gouvernement afghan est que cette adhésion ouvrira au pays de nouveaux débouchés économiques. Selon le premier adjoint au chef de l’exécutif afghan, les conditions devant être remplies pour l’adhésion représentent un moteur

7 Pour le gouvernement afghan, l’année 2015 correspond dans le calendrier islamique à l’année 1395. Par conséquent, dans les documents officiels, l’exercice 2016 est désigné par le chiffre 1395.

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pour accomplir les réformes structurelles, ainsi qu’un moyen pour le pays d’adopter les principes de l’économie de marché et de mettre en place une économie ouverte et transparente, un État de droit et une bonne gouvernance (SIGAR, 2016c).

Les dilemmes de la corruption endémique

76. Il est impossible pour l’Afghanistan de parvenir à une stabilité et une prospérité économique durables s’il ne s’attaque pas au problème de la corruption. Bien que le nouveau gouvernement ait montré, par son programme de réformes exhaustif, sa grande détermination et sa volonté politique à lutter contre la corruption, le pays est toujours en proie à une corruption endémique et généralisée. En 2015, Transparency International a classé l’Afghanistan au 166e rang sur 168, 89,9 % des citoyens afghans citant la corruption comme l’un des principaux problèmes de leur pays (Transparency International).

77. Des progrès ont toutefois été accomplis par le gouvernement d’union nationale. En octobre 2014, une agence nationale chargée des achats a été créée pour combattre la corruption dans les activités d’approvisionnement du secteur public. Depuis sa création, cette agence aurait permis de réaliser plus de 70 millions de dollars d’économies et mis sur liste noire plus de 50 entreprises impliquées dans des faits de corruption (Transparency International). Afin d’améliorer la transparence et la responsabilisation, les avoirs de l’ensemble des membres du gouvernement sont enregistrés auprès de la Haute autorité de supervision et de lutte contre la corruption. En janvier 2016, des bureaux chargés de réaliser des évaluations de la corruption dans l’ensemble du pays ont été mis en place dans les provinces de Balkh, Herat et Kandahar (ONU, 2015a ; ONU, 2016b).

78. Le gouvernement apporte la preuve de sa volonté d’aller de l’avant dans ses politiques de lutte contre la corruption. À la suite d’un décret du 19 mars 2016 du président Ghani, le gouvernement afghan a instauré le Conseil supérieur de gouvernance, de justice et de lutte contre la corruption, pour régir l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie en ce sens (SIGAR, 2016a). Sous la direction du président Ghani, ce conseil regroupe le chef de l’exécutif Abdoullah, le juge en chef, les deux vice-présidents, le ministre de la Justice et le procureur général. En mai 2016, le président Ghani a en outre annoncé la création d’un tribunal anticorruption, et la mise sur pied de plans pour la création d’une force spécialisée dans la lutte contre la grande criminalité (ONU, 2016a ; SIGAR, 2016a).

IX. LA COOPÉRATION RÉGIONALE

79. Le soutien régional demeure très important pour les efforts de réconciliation, l’amélioration de la sécurité et les progrès économiques de l’Afghanistan. La Déclaration d’Islamabad, rédigée à l’issue de la 5e conférence du Processus du « Cœur de l'Asie » coprésidée par l’Afghanistan et le Pakistan, est une preuve de la volonté des voisins et partenaires de l’Afghanistan d’établir une paix durable dans le pays (ONU, 2015a). Les représentants des signataires du Processus d’Istanbul se sont rencontrés à New Delhi en avril 2016 et ont à nouveau souligné la nécessité de joindre ses efforts pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent (ONU, 2016a). 80. Bien que l’Afghanistan et le Pakistan soient conscients de l’importance stratégique de leurs relations bilatérales pour l’amélioration de la sécurité et de la stabilité en Afghanistan, une série d’attentats retentissants et d’échanges de tirs transfrontaliers ont ravivé les tensions entre les deux pays en 2016 (Département de la Défense des États-Unis, 2016a). Lors des entretiens bilatéraux qu’ont eus les dirigeants des deux pays en marge de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques à Paris, le Pakistan a réitéré sa volonté de coopérer avec l’Afghanistan pour favoriser la mise en place d’un processus de réconciliation nationale (ONU, 2016b). Afin d’accroître leur coopération dans les secteurs du commerce, de l’énergie et de l’économie, les deux pays ont organisé en novembre 2015 la

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10e conférence de la commission économique conjointe (ONU, 2015a). Ils ont également, en décembre 2015, coprésidé la conférence d’Islamabad du Processus du « Cœur de l'Asie », au cours de laquelle ils ont tous deux fait part de leur volonté d’améliorer la coopération en matière de protection des frontières, l’échange de renseignements et la lutte contre le terrorisme. Après de nombreuses réunions formelles à Kaboul et Islamabad entre le chef d’État-major des armées pakistanais et le ministre afghan de la Sécurité par intérim, les deux parties ont convenu d’établir des communications militaires directes, ainsi que de discuter plus avant des possibilités de collaboration en matière de lutte contre le terrorisme et d’amélioration des échanges de renseignements (ONU, 2015a ; ONU, 2016).

81. En dépit d’efforts pour améliorer les relations bilatérales, les récents événements mettent en lumière les tensions persistantes entre les deux pays. Après l’attentat des talibans contre l’immeuble de la Direction nationale de la sécurité à Kaboul le 19 avril 2016, qui a tué 56 civils et blessé 337 autres, le président Ghani s’est adressé au parlement siégeant en session conjointe le 25 avril, mettant en doute la volonté du Pakistan d’encourager les talibans à participer aux discussions et exhortant Karachi à prendre des mesures contre les groupes d’insurgés et de terroristes (ONU, 2016a ; Van Bijlert, 2016). En juillet 2016, le président Ghani aurait déclaré que les relations entre l’Afghanistan et le Pakistan sont l’un des principaux problèmes de son pays, car le Pakistan est un sanctuaire pour les groupes de terroristes et d’insurgés (Putz, 2016).

82. L’Afghanistan s’est par ailleurs engagé à améliorer les interconnexions dans les domaines du commerce, des transports et de l’énergie. C’est pourquoi les pays de la région ont prévu d’accroître leur connectivité et un couloir de transports entre l’Afghanistan, l’Inde et l’Iran, ce qui a débouché sur un accord trilatéral de transport et de transit le 23 mai 2016 (ONU, 2016a). Le 13 décembre 2015, les dirigeants afghans, pakistanais, turkmènes et indiens avaient déjà assisté à une cérémonie d’inauguration pour le lancement d’un projet de construction d’un pipeline entre le Turkménistan, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde (le TAPI). Ce pipeline devrait permettre d’acheminer jusqu’à 33 milliards de mètres cubes de gaz naturel entre le Turkménistan et les trois autres pays (SIGAR, 2016c). En décembre également, le président Ghani s’est rendu en Azerbaïdjan et en Turquie pour s’entretenir des itinéraires pouvant être utilisés pour relier l’Afghanistan à l’Europe (ONU, 2016b). Par ailleurs, la Chine et l’Afghanistan continuent à accroître leur coopération. Lors de la visite en Chine, en mai 2016, du chef de l’exécutif Abdoullah, pas moins de six accords bilatéraux ont été signés dans les domaines des infrastructures, de l’aide humanitaire et de la coopération économique (ONU, 2016a).

83. En décembre 2015, les États membres de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) ont exprimé leur inquiétude concernant « l’aggravation de la menace terroriste » provenant d’Afghanistan. Afin d’accroître la collaboration régionale en matière de lutte contre le terrorisme, la Russie a insisté sur la nécessité d’une coopération accrue entre l’OTSC et l’Afghanistan, proposition régulièrement avancée par le gouvernement afghan.

X. LES RÉFUGIÉS ET LES PERSONNES DÉPLACÉES INTERNES

84. La situation humanitaire en Afghanistan s’est gravement détériorée en 2015 sous l’effet de l’intensification des combats. En 2015, les Nations unies ont dénombré 335 000 nouveaux déplacés internes, soit 78 % de plus qu’en 2014. Au cours du premier semestre 2016, la MANUA a recensé 157 987 Afghans déplacés en raison du conflit, soit une augmentation de 10 % par rapport à la même période en 2016 (MANUA, 2016a). L’ONU évalue aujourd’hui à près de 1,2 million le nombre de personnes déplacées internes à cause du conflit en Afghanistan (MANUA, 2016a). Les Nations unies ont signalé que, depuis le début de l’offensive des talibans au printemps 2016, 15 000 personnes supplémentaires ont été déplacées (ONU, 2016a). Les Afghans représentent, après les Syriens, la deuxième plus forte population de réfugiés sous protection du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, laquelle s’élève en tout à plus de 2,7 millions de personnes.

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85. Selon le département d’État des États-Unis, 58 412 Afghans qui avaient trouvé refuge au Pakistan et en Iran sont rentrés dans leur pays en 2015. Suite à l’attaque perpétrée dans une école de Peshawar en décembre 2014 et à la réponse en matière de sécurité du Pakistan, de nombreux Afghans réfugiés dans ce pays ont ressenti la nécessité de rentrer en Afghanistan à cause des mauvais traitements infligés par les autorités pakistanaises (SIGAR, 2016). Par ailleurs, 143 154 Afghans sans papier ont été expulsés d’Iran (ONU, 2016). Au cours du premier trimestre 2016, l’Organisation internationale pour les migrations a recensé 102 000 Afghans sans papiers ayant été expulsés ou étant spontanément revenus d’Iran ou du Pakistan (SIGAR, 2016a).

86. En 2015, des ressortissants de 147 pays ont essayé pour la première fois de trouver asile au sein de l’UE. Parmi eux, il y avait 213 000 Afghans, soit la deuxième plus forte population de réfugiés après les Syriens, ou 21% du total (Eurostat, 2016). Ce pourcentage était passé à 26 % à la mi-février 2016. Quelque 13 % des demandeurs d’asile afghans étaient des mineurs non accompagnés ou des enfants séparés de leurs parents (ONU, 2016). Près de 75 % des réfugiés afghans ont sollicité l’asile en Allemagne, en Suède et en Autriche. Du fait des difficultés causées par la crise des migrants, plusieurs pays d’Europe ont expulsé quelque 3 000 demandeurs d’asile afghans (SIGAR, 2016c). Eurostat a signalé qu’au cours des quatre premiers mois de 2016, quelque 48 000 Afghans ont demandé l’asile dans l’UE. (SIGAR, 2016a) De nombreux pays européens ont continué de tenter de reconduire les Afghans dont la demande d’asile avait été rejetée (UN, 2016a, p.12). Le gouvernement afghan et ses partenaires examinent les mesures pouvant être prises pour réduire le flux des émigrants afghans.

XI. LES NÉGOCIATIONS DE PAIX AVEC LES TALIBANS

87. Le gouvernement afghan a fait des efforts pour relancer le processus de paix (ONU, 2016b). Or, depuis la première rencontre officielle entre les dirigeants afghans et les talibans le 7 juillet 2015, les négociations se trouvent dans une impasse, les talibans refusant de prendre part à des pourparlers directs (ONU, 2015a).

88. Le gouvernement d’union nationale et la communauté internationale n’ont cessé d’insister sur l’importance d’une réconciliation nationale dans le cadre d’un processus de paix conduit par les Afghans. En janvier et février 2016, les représentants du Groupe de coordination quadrilatérale (QCQ) sur le processus de paix et de réconciliation (composé des États-Unis, de la Chine, du Pakistan et de l’Afghanistan) se sont rencontrés à Islamabad et Kaboul pour s’entretenir des efforts devant encore être accomplis pour parvenir à une réconciliation nationale (Weinbaum). Le 23 février, les membres du groupe ont dit espérer que des pourparlers de paix allaient pouvoir s’ouvrir directement entre le gouvernement afghan et les talibans début mars (ONU, 2016b). Le Pakistan se proposait d’accueillir la rencontre. Or, les chefs talibans ont rejeté « toutes ces rumeurs » de participation à des négociations de paix, en réitérant leurs conditions pour y prendre part. Ces conditions – notamment la libération des talibans emprisonnés et le retrait de toute présence militaire étrangère – n’ont été acceptées ni par la communauté internationale, ni par le gouvernement afghan (ONU, 2015a).

89. Après que le QCQ a tenu cinq réunions entre le 11 janvier et le 18 mai, un porte-parole du gouvernement afghan a déclaré que l’Afghanistan ne prévoyait aucune autre réunion avec le groupe (SIGAR, 2016a). D’après les Nations unies, le GCQ a « perdu » son « élan initial » lié au processus de paix (SIGAR, 2016a). La probabilité que des pourparlers aient lieu dans un proche avenir entre le gouvernement afghan et les talibans semble de plus en plus incertaine après plusieurs attentats retentissants commis par ceux-ci et le changement de leadership (Département de la Défense des États-Unis, 2016a). 90. Parallèlement, la conférence de Pugwash sur la science et les affaires mondiales a organisé les 23 et 24 janvier 2016 à Doha un dialogue non officiel, baptisé Track II, auquel ont participé

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55 personnes. Des hommes politiques afghans et des représentants des talibans y ont assisté à titre personnel pour discuter des initiatives de réconciliation et de rétablissement de la paix en Afghanistan (Pugwash, 2016). Le président Ghani a fait part de son désaccord quant à l’organisation d’un dialogue en dehors du processus officiel (ONU, 2016b).

91. Le Programme afghan pour la paix et la réintégration (APRP) – une initiative conduite par les Afghans et visant à réintégrer dans la société civile les insurgés repentis – a indiqué que 1 462 combattants avaient rejoint le programme cette année. Le chiffre est cependant moins élevé qu’en 2015, où l’on avait dénombré 1 716 nouveaux participants. En mars 2016, le gouvernement afghan, les donateurs du APRP et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ont décidé de mettre un terme à cette initiative (SIGAR, 2016a), dont la poursuite se heurtait à plusieurs obstacles, parmi lesquels un programme pour la paix et la réintégration dépassé et la réticence des combattants insurgés à se réintégrer en raison de la détérioration de l’environnement sécuritaire dans le pays (SIGAR, 2016a). Avant le lancement d’un nouveau programme, le APRP fera l’objet d’une évaluation à partir de laquelle sera élaborée une nouvelle stratégie nationale pour la paix et la réintégration (SIGAR, 2016a).

92. Il convient toutefois de signaler une évolution parallèle intéressante, puisque le gouvernement afghan a signé un projet d’accord de paix avec Gulbuddin Hekmatyar, l’un des chefs de guerre traditionnels les plus réputés du pays, actif depuis la guerre de l’Afghanistan contre l’Union soviétique. Il s’agit du premier accord de paix entre le gouvernement et les insurgés qui lui sont opposés. Une condition de cet accord était la levée des sanctions des Nations unies et des États-Unis contre Hekmatyar (Nordland, 2016). La conclusion d’une paix séparée entre Hekmatyar et sa milice Hezb-e-Islami pourrait représenter un formidable exemple et inciter d’autres milices qui opèrent plus ou moins indépendamment des talibans à trouver un moyen de renoncer à la violence et à collaborer avec le gouvernement. Lors de la récente conférence de Bruxelles sur l’Afghanistan, le 5 octobre, le secrétaire d’État américain John Kerry a qualifié l’accord d’« étape importante vers la paix et la réconciliation » et de « modèle de ce qui pourrait être possible » (EDD, octobre 2016).

XII. CONCLUSIONS ET POINTS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION PAR LES PARLEMENTAIRES DE L’OTAN

93. Les obstacles à une paix et une sécurité durables en Afghanistan demeurent très nombreux. Ce rapport montre clairement que la transition vers la sécurité dans l’ensemble du pays continue à poser d’importants défis aux ANDSF. Profitant des faiblesses stratégiques et tactiques de celles-ci, les talibans et leurs alliés se sont emparés de vastes pans de territoire, en particulier au sud. Comme le révèle ce rapport, la forte accélération de la cadence des combats pèse lourdement sur les hommes de rang des ANDSF, dont les effectifs s’effilochent à un rythme insoutenable en raison des pertes au combat et des désertions.

94. Pour contribuer à remettre sur les rails la réforme du secteur de la sécurité, les États membres de l’OTAN doivent porter une attention renouvelée aux problèmes qui accablent les ANDSF et les autorités de Kaboul. Les pays membres de l’Alliance, particulièrement en Europe, se recentrent certes sur leurs préoccupations territoriales, mais ils ne peuvent se permettre à ce stade de négliger l’urgence et l’importance du soutien durable qu’ils se sont engagés à apporter en faveur de la paix et de la stabilité en Afghanistan.

95. Pour ce faire, les investissements des pays membres de l’OTAN dans les ANDSF doivent être suivis par de fortes pressions politiques en faveur du renforcement des mécanismes de supervision. Une façon de renforcer la supervision des forces armées consiste à soutenir et à renforcer le Parlement afghan. Les parlementaires des pays membres de l’OTAN peuvent collaborer avec leurs homologues afghans pour parvenir à un consensus sur une supervision plus étroite de tous les aspects des institutions de défense afghanes, depuis les processus d’acquisition

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de matériels jusqu’aux listes d’enrôlement et au-delà. La robustesse des institutions de défense passe par la transparence ; elles pourront ainsi servir d’exemples à d’autres composantes de l’État afghan, en proie à la corruption et à la négligence.

96. Une manière d’entamer le processus de renforcement de la supervision des forces armées par le Parlement en Afghanistan consiste à faire pression sur celui-ci pour qu’il trouve une solution viable au blocage de la réforme du processus électoral, qui ne fait que retarder les réformes nécessaires à tous les niveaux. La santé même de la démocratie afghane naissante dépend de la capacité de tenir des élections libres et équitables, ce qui rend les dirigeants politiques responsables de leurs actes. Tous ceux qui ont le droit de vote doivent pouvoir prendre part à ces élections et les fortes attentes liées à la participation politique des femmes à la vie civique doivent être satisfaites, en leur assurant un libre accès au scrutin.

97. De manière plus générale, la communauté internationale dans son ensemble doit se remobiliser pour trouver de nouvelles approches de collaboration afin de parvenir à un Afghanistan pacifique et prospère. Pour ce faire, elle doit admettre la dure réalité du terrain que ce soit au niveau de la réforme du secteur de la sécurité, des innombrables projets liés au développement ou des facteurs qui entravent leur réussite, en particulier la corruption. En effet, la corruption endémique peut aujourd’hui être considérée comme l’une des principales causes du blocage, non souhaité, des efforts de la communauté internationale en Afghanistan.

98. Il convient donc de convoquer une nouvelle conférence des Nations unies sur l’Afghanistan qui, tout en admettant les réalités concrètes auxquelles les ANDSF et le gouvernement de Kaboul sont confrontés, permettra à la communauté internationale de bien comprendre l’urgence d’une action et d’une attention renouvelées à tous les niveaux dans ce pays. La récente conférence de Bruxelles qui s’est tenue le 5 octobre sous l’égide de l’UE, représente certes un bon début mais doit être considéré comme le précurseur d’un projet plus large des Nations unies, car l’avenir de l’Afghanistan est effectivement un problème mondial.

99. Les Alliés se sont engagés à poursuivre leurs investissements en Afghanistan, mais dans le même temps, une supervision s’avère nécessaire. Une attention renouvelée aux défis posés sur le terrain représente le seul moyen d’aller de l’avant pour l’Alliance et l’Afghanistan, pays où l’OTAN est intervenue voici plus de 15 ans pour rétablir la paix et la stabilité à l’échelon local mais aussi dans le reste de la région. Les investissements consentis ces dernières années ne peuvent l’avoir été en vain.

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