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Dr Edward M. PODVOLL

Psychose et GuérisonLE CHEMIN DE LA COMPASSION

ÉDITIONS DE LA TEMPÉRANCE

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Titre original : RECOVERING SANITY

Copyright © 1990 by Edward M. PodvollPublished by arrangement with Shambhala Publications, INC., Boston

Extraits d’Henri Michaux L’infini turbulent © Mercure de France, 1957, 1964

Dessins d’Henri Michaux extraits de Misérable miracle © Editions Gallimard, 1972.

Autres extraits d’Henri Michaux © Éditions Gallimard.

ISBN : 978-2-917107-00-3

Toute reproduction totale ou partielle de cet ouvrage, par quelque moyenque ce soit, en particulier la photocopie ou la recopie sur support

informatique, est strictement interdite, quel qu’en soit l’objet ou le motif.Toute contrefaçon, quelle qu’elle soit, sera poursuivie conformément aux

lois en vigueur.

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

LA TEMPERANCE - IEPNLvous accueille :

• Séminaire « En Finir avec les DÉPENDANCES »• (alcool, tabac, anorexie - boulimie, toxicomanie, etc.)

• Séjours de psychothérapie (3 jours)• Formation PNL, PNL et DÉPENDANCES, PSYCHOPATHOLOGIE

Tél. : 04 73 94 27 76Fax : 04 73 94 27 14

Site web : http://www.temperance.com/

Email : [email protected]

Adresse : LA TEMPÉRANCE - IEPNL

BP 12 COMBRE

63250 CHABRELOCHE

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L’esprit de publication

Elle n’a aucun objectif médical ni religieux. Le but est simplement de présenter une expérience, de favoriser la

réflexion des lecteurs.

Remerciements

Nous remercions toutes les personnes qui ont contribué à la publi-cation de cet ouvrage – pour la traduction, relecture, frappe, mise enpage et encouragements :

- Flore BERHAULT- Jean-Jacques DEVEAUD- Louis DEVEAUD- Victoire DEVEAUD-SLAKEY- Bernard FRIT- Elisabeth FRIT- Ludovic FRIT- Fabienne GAMEIRO- Gaël GÉRARD- Daniel MARY- Jean-Claude MURIT- Laurence Le BOSSER-WILLIEZ- Dr Jean-Pierre SCHNETZLER

Ainsi que Caroll ROUGHOL qui a réalisé la couverture et a autoriséla reproduction de sa toile « VEGA » (site : www.carollroughol.com ) etJohan MARY pour la réalisation technique.

Les Éditeurs

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SOMMAIRE

Préface à l’édition française .............................................................. 7Avant-propos .................................................................................... 11Préface de la Nouvelle Édition .......................................................... 15

Introduction ...................................................................................... 21

PREMIÈRE PARTIEPARABOLES DE FOLIE

CHAPITRE ILe Courage de Perceval .................................................................... 31• L’hérésie • Évasion • Perdre la raison • Le parcours cyclique de la perte de la raison• Les étapes de la guérison • La rentrée • Conscience de l’asile

CHAPITRE IILa Psychose maniaco-dépressive et les Risques du Pouvoir .............. 85• Pouvoirs • La Folle Aventure de John Custance • Irruption du Pouvoir • Intensification des sens • L’intensification de l’activité mentale : le sixième sens• Synchronicité et union • La conscience maniaque• Les répercussions • Dépression • Les risques du stade de la guérison

CHAPITRE IIIÉpopée de la Mégalomanie .............................................................. 113• Les aspirations des malades • « Je suis courageux » • Une psychose de conditions extrêmes • La spirale de la transformation• Décompte • Le besoin de transformer • Retour à la santé

CHAPITRE IVLes Grandes Épreuves de l’Esprit Psychotique .................................. 141• Un échange véritable • Douleurs anciennes • La perte des racines• Les micro-opérations • Modèle de travail • L’épreuve autistique

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DEUXIÈME PARTIE :LES MOYENS DU RÉTABLISSEMENT

CHAPITRE VLa Découverte des Îlots de Clarté ...................................................... 217• S’extirper • La sagesse des Environnements Thérapeutiques • L’hôpital et la Guérison • Le projet Windhorse • Se libérer de la dépendance aux médicaments • Le Retournement d’Allégeance

CHAPITRE VIL’Apprentissage de l’assistance de Base ............................................ 255• L’Équipe de travail • Le travail • L’assistance de base : le savoir-faire clinique• Créer une équipe : un exercice en soi

CHAPITRE VIICréer une Maison Thérapeutique ...................................................... 291• À portée de main • Des foyers en crise • Un plan pour un hôpital • Une communauté de guérison : les facteurs de cohésion.• La splendeur de la guérison

Épilogue ............................................................................................ 325ANNEXE I : La Psychothérapie ............................................................ 327ANNEXE II : L’Histoire de la Santé Mentale ........................................ 359Notes ................................................................................................ 377Bibliographie .................................................................................... 390

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Introduction

Plus de 70% des personnes hospitalisées pour raison psychiatriqueretournent vivre chez elles. Elles ont, le plus souvent encore besoin desoins. Ceci signifie que plus de 10 millions de personnes vivent avecquelqu’un, dans leur foyer, qui se trouve à un stade plus ou moins avancédans son processus de guérison.1 Ceux qui sont dans cette situation seretrouvent seuls, avec peu de professionnels disponibles et très peu deconseils pour les aider. On ne leur a pas transmis le savoir nécessaire pours’occuper d’eux-mêmes et de leur famille pendant et après une situationde crise, d’ordre psychologique. Cette situation a engendré unefrustration et une souffrance croissantes pour les patients et leur famillequi, pendant longtemps, s’en sont remis uniquement aux servicespsychiatriques officiels. Cependant, il n’existe justement aucun« système », de santé mentale ou autre, capable de faire face à l’étenduede ce problème. Il s’agit d’une situation d’urgence croissante. À uneépoque où, dans le monde, prolifèrent « des armées entières » depersonnes démunies et sans logis, il est important d’en apprendre plussur la nature de la « guérison » et, si cela est nécessaire, de savoircomment transformer sa propre maison en foyer de guérison.

L’état désespérant de la qualité des soins en matière de santé mentaleest d’ores et déjà de notoriété publique. Ceci s’avère d’autant plus justeque les soins et le traitement des personnes qui se trouvent dans des étatsextrêmes, comme le sont les psychotiques et les soi-disant maladesmentaux chroniques. Les visions opposées qui s’affrontent, la violencequi perdure à l’égard des patients, le ressentiment partagé par chacun etles difficultés sociales qui se font particulièrement criantes, tout celacontribue à la difficulté des soins. La douleur de millions de personnesatteintes de troubles mentaux extrêmes a inéluctablement conduit leurfamille et les médecins à dépendre totalement des modèles médica-menteux, en constante augmentation, conçus pour « un traitementbiologique ».

Ainsi, tout au long de ces vingt dernières années s’est développé unintérêt quasi exclusif pour les origines biologiques et chimiques dudérangement mental. Les financements tant gouvernementaux queprivés ont été entièrement consacrés au soi-disant modèle médical,laissant d’autres domaines d’étude clinique dans l’atrophie. Cecis’explique par la fascination qu’exerce la recherche de haute technologiesur les mécanismes du cerveau et par la conviction sans faille qu’ainsi serarésolu le problème de la maladie mentale et découverte la chimie de la

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santé de l’esprit. Une nouvelle fois,2 la solution se trouve au laboratoire.De nos jours, la croyance populaire selon laquelle apparaîtra bientôt

un point de vue scientifique faisant autorité sur cette maladieénigmatique est largement répandue, rendant futile et impraticable touteffort conséquent de traitement individuel ou social. La simple idée quela psychose puisse être l’une des perturbations et conditions malheu-reuses de l’existence humaine est encore bien peu prise en considération.En lieu et place de la conception rassurante qu’elle n’est qu’une maladierare, la psychose peut s’avérer la conséquence naturelle de la manièredont on a mené son existence. Il est possible que la médicalisation de lafolie ait généré un sentiment trompeur de sécurité. Le fait est que les gensperdent le contrôle de leur esprit et deviennent psychotiques à n’importequel âge, de la petite enfance au seuil de leur mort. Croire que lapsychose débute et se termine du fait de certaines particularités ducerveau lui fait perdre son caractère de tragédie humaine et contribue à ladégradation constante des conditions de soins à laquelle sont confrontés,aujourd’hui, presque tous les malades mentaux chroniques.

Les soins ont atteint un tel niveau de confusion et de compétition queles prescriptions abusives de médicaments en tous genres sont devenuesmonnaie courante. Celles-ci ont entraîné dans leur sillage une luttecoûteuse pour la santé du corps et de l’esprit contre les effets secondairesnocifs qu’elles génèrent : dysfonctionnements corporels, léthargie,distance vis-à-vis d’autrui, difficultés de concentration, perte d’intérêt etce que l’on appelle l’« ennui ». La thérapie électro-convulsive est à cepoint devenue à la mode que certains grands hôpitaux l’utilisent commetraitement principal dans les cas de grave dépression névrotique. Elle estaujourd’hui employée sur plus de trente mille patients par an.3 De plus,l’utilisation de la « psychochirurgie » connaît actuellement un intérêtrenouvelé qui se fonde presque exclusivement sur l’argument de laréduction des coûts.

Les prévisions monstrueuses d’Ivan Illich dans La Nemesis médicale :L’expropriation de la Santé 4 sont d’ores et déjà devenues réalité. En clair,« le modèle médical » bénéficie d’une acceptation tellement absolue etaveugle que les gens ont abandonné toute la sagesse traditionnelle dontils disposaient pour prendre soin d’eux-mêmes ou d’autres personnesmalades. Les professionnels de la thérapie sont eux aussi devenusignorants des compétences à apprendre et à pratiquer pour prendrecorrectement soin de leur propre santé mentale. Ce que l’on a appelé« l’industrialisation de la santé mentale »5 a quasiment atteint son pointculminant : la sagesse curative intemporelle et le simple bon sens sontaujourd’hui qualifiés d’« anachroniques » – considérés donc commedémodés et inutiles à l’ère moderne. Cependant, l’« ère moderne » dutraitement a déjà un sinistre passé sociologique derrière elle. Toutes les

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installations modernes de traitement sont régies par trois conditionsprimordiales qui limitent et dirigent la thérapie des personnes qui néces-sitent des soins intensifs : la réduction des coûts, les règles de l’assurancemaladie et la crainte des allégations de faute professionnelle. Ces troisconditions font que se perpétue la croyance en les vertus du traitementde nombreuses personnes au même endroit – conception jamais remiseen cause mais largement infondée – avec la « mentalité d’asile » qui enrésulte. Ces conditions ont toujours justifié une grande variétéd’agressions thérapeutiques (« furor therapeuticus » comme les anciensmédecins avaient coutume de l’appeler). La plupart des conditionsmodernes de traitement, sans en avoir conscience, favorisent la peur desrelations intimes qui sont si précieuses et si vitales pour la guérison dela folie.

Ce qui est presque aussi préoccupant que les effets pervers dutraitement mental moderne c’est que la formation des personnestravaillant avec des patients en prise avec des états mentaux extrêmes aété grossièrement négligée. Les responsables de la formation semblentégalement attendre la découverte d’une clé biologique. Pendant ce temps,on observe un flot continu de poursuites devant les tribunaux à l’ini-tiative de nombreux patients traités dans ces hôpitaux et asiles, au motifde carence de soins, de négligences et de violences. L’étude de l’esprit etde ses fonctions a pratiquement cessé d’être enseignée dans les étudesmédicales, psychiatriques et dans la plupart des cursus de psychologie. La formation à la psychothérapie des personnes fortement perturbées, oudans les disciplines de la thérapie interpersonnelle en général, devient deplus en plus rare dans les domaines académiques. D’ores et déjà, presquetous les présidents des départements de psychiatrie sont biochimistes ougénéticiens. Où donc trouver la formation permettant de surmonter la peur etl’impuissance que l’on éprouve lorsque l’on se retrouve confronté à un esprit devenupsychotique ?

Les groupes d’anciens patients sont en désaccord les uns avec lesautres quant aux procédures de traitement. Malgré cela, ils tendent deplus en plus à s’unir dans leur opposition contre ceux qui approuvent lesthéories médicales largement répandues du dysfonctionnement incurabledu cerveau. En fait, partout où l’on pose les yeux, tout ce que l’on voitest désaccord, frustration et rivalité au sujet des traitements psychia-triques, et nombreux sont ceux qui considèrent que la situation actuelleest presque désespérée.

En même temps, le constat ne s’arrête pas là – des preuves nouspermettent d’avoir un autre point de vue. Il existe une sagesse dansl’histoire des soins apportés aux personnes aliénées qui, certes, n’est pastrès connue mais contient néanmoins la fraîcheur et la simplicité requisespour faire face à la crise actuelle.

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C’est de cette sagesse que Psychose et Guérison tire son inspiration enoffrant une perspective différente sur la nature de la psychose et de sontraitement. En dépit des préjugés déroutants et décourageants qui déter-minent le traitement tel qu’il est pratiqué de nos jours, il est encorepossible de mettre en lumière une source d’inspiration et d’espoir enréorientant son attention sur la réalité intérieure ou personnelle de lafolie et sur les fonctions mentales fondamentales qui la propagent. Il estimportant d’apprendre directement des relations intimes avec lespersonnes en prise avec la psychose pour en savoir plus au sujet de lalutte abyssale qui prend place dans la confusion psychotique elle-même.Associer cet effort de recentrage à ce que l’on appelle populairement« l’antipsychiatrie » serait un malentendu. Cette approche est issue d’unelongue tradition psychiatrique qui aujourd’hui n’est, effectivement, pasdu tout à la mode. Peut-être, d’ailleurs, ne l’a-t-elle jamais été. Il s’agitd’une tradition qui a toujours pris beaucoup de risques dans sa quête detraitements alternatifs pour la maladie mentale.

La motivation à élaborer un traitement alternatif, plus naturel et àl’échelle du foyer est une tradition des plus anciennes qui a son origineau sein même de la psychiatrie. À un moment donné de sa carrière, versla fin des années 1800, le grand psychiatre suisse Eugen Bleuler (lecréateur du concept de « schizophrénie ») a vécu avec ses patientspsychotiques pendant douze années. Il cultiva la terre, fit la cuisine,mangea, coupa du bois et partagea sa vie avec eux au sein d’unecommunauté thérapeutique expérimentale qu’il établit dans le vieuxmonastère de Rhineau. À peu près à la même époque, William Jamesaccueillit, dans sa propre famille, un jeune homme de l’asile d’État pourqu’il vive et reprenne des forces ; Bruno Bettelheim fit de même avecdeux enfants autistes.

C’est dans de telles conditions que se fait entendre la vérité et c’estainsi que l’ont peut apprendre des personnes psychotiques : comments’exercent l’ensorcellement et la séduction de l’esprit psychotique etquels sont les efforts et la discipline nécessaires à la guérison. Cependant,le monde de la santé mentale semble avoir totalement ignoré ou oubliéce dont nos patients nous ont parlé, et qu’ils continuent à nous dire, ausujet de la psychose et d’autres états extrêmes de l’esprit. En d’autrestermes, quel que puisse être le déclencheur de cet état, l’expérience doittoujours être rattachée aux troubles subtils qui en découlent et ce, aumilieu de l’anarchie psychologique et durant le fragile processus de laprise de conscience du patient. Il est impératif de travailler de manièredirecte et précise avec les événements psychiques et physiques quisurviennent en permanence et qui nous semblent bizarres. Échouer danscette entreprise ne fait que conduire encore plus profondément lapersonne dans la folie.

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Toutefois, c’est la guérison de la psychose, et non la réforme dusystème de santé qui demeure le sujet fondamental de cet ouvrage. Avanttoute chose, cet écrit part du point de vue que la guérison authentiquede la psychose est possible.

Les instants de guérison naturelle, les « îlots de clarté » comme j’en suisvenu à les appeler, se produisent à tout moment dans l’expérience de lapsychose ; non seulement ils peuvent être identifiés et reconnus mais ilsdoivent aussi être protégés. En fin de compte, ce livre raconte commentpercevoir et cultiver les îlots de clarté. En effet, c’est de cette manièrequ’une guérison totale de la psychose peut s’opérer et se maintenir sansavoir recours à des méthodes de traitement agressives ou physiquementintrusives. Pourtant, la possibilité même qu’une personne puisse guérircomplètement de la psychose est généralement mise en doute etcontestée, et de nombreuses réticences freinent encore le développementde méthodes non intrusives – comme s’il n’y avait aucune continuitéentre psychose et santé mentale et que nous pouvions ignorer nospropres esprits et le potentiel effrayant de la folie en chacun de nous.

Il y a quelques années, j’ai écrit au professeur Manfred Bleuler, l’un desdoyens de la psychiatrie internationale qui, durant vingt-sept ans, a reprisle poste de son père comme directeur de l’hôpital Burghölzli à Zürich(célèbre depuis Carl Jung qui y a exercé) et j’ai pu lui faire part de mespropres questionnements et dilemmes quant au traitement despersonnes psychotiques. J’étais préoccupé, tout comme je le suisaujourd’hui, de l’incapacité de notre culture à leur venir en aide. Saréponse fut d’une grande ouverture.

Réagissant aux descriptions du traitement que j’effectuais, il m’écrivit :

« Puis-je mentionner certains points particuliers au regarddesquels j’ai trouvé votre présentation particulièrement excellente :l’importance de « l’histoire de la santé mentale » est rarementmentionnée dans la littérature psychothérapeutique. Autant que jesache, vous êtes le premier à la décrire d’une manière aussiconvaincante. Elle joue également un grand rôle dans montravail psychiatrique. La nécessité de se libérer du préjugé qu’unepersonne qui a sombré dans la folie le restera toute sa vie estextrêmement urgente et vous la formulez remarquablement bien.J’ai été, pour ma part, beaucoup attaqué ces dernières années pouravoir vu et décrit la guérison de nombreux schizophrènes quiavaient été gravement malades durant de longues périodes. Lacritique de mon enseignement et de mon expérience se résume parl’opinion suivante : « Un patient schizophrène ne peut jamaisguérir et, si vous imaginez avoir vu des cas de guérison de patientsschizophrènes, c’est parce que le diagnostic que vous aviez posé

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était faux. » À mon avis, cette critique est irréaliste et nuisiblepour nos patients. Je suis heureux de savoir que vous vous battezcomme moi contre cette opinion. » 6

C’est dans cet esprit que j’espère présenter la perspective de laguérison et donner aux patients et à ceux qui, parmi leurs proches, sontà même de leur donner des soins, les moyens d’identifier la séquenceconcrète d’événements qui conduit à la folie et, de même, celle quiintervient dans le processus naturel de guérison. Par exemple, il estd’une importance capitale de prendre conscience de la dimension spiri-tuelle de l’épreuve psychotique et de la manière dont elle est étroitementliée aux expériences corporelles concrètes. De tels aperçus de la façondont la souffrance psychotique se crée peuvent prodiguer de précieuxmoments de clarté et de détente. En résumé, ce livre a été écrit pourapporter à ceux qui ont souffert de la psychose et peuvent encore y êtreconfrontés, à leurs familles, aux psychiatres ou aux autres personnes quitravaillent avec eux, une connaissance pratique des manières et desmoyens de gérer leur mental, de se protéger eux-mêmes et d’améliorerleurs conditions d’existence lors des différentes phases de la maladie etde la guérison.

Au cours des trente dernières années, j’ai été témoin de nombreux casde guérison de personnes atteintes de psychoses les plus graves, parfoispour des mois ou des années, parfois pour la vie entière. Et, quelquefois,le niveau de guérison constaté a même surpassé la santé la plus éclatantequ’on ait pu observer avant que la maladie mentale n’apparaisse. Danschaque cas, j’ai observé « ce qu’il fallait » pour guérir : les forces indivi-duelles, les qualités de caractère et l’intelligence personnelle des patients.J’ai été en étroite relation thérapeutique avec ces personnes pendant,parfois, de nombreuses années et j’ai examiné la nature des relationsintimes qui empêchaient ou développaient leur rétablissement. De plus,après avoir travaillé dans plus d’une douzaine d’hôpitaux et de commu-nautés thérapeutiques, j’ai pu déterminer les aspects environnementauxet culturels qui favorisent les attitudes et disciplines nécessaires à laguérison, et ceux qui s’y opposent.

Plus récemment, j’ai eu l’occasion de créer et de diriger pendant sixans une communauté de traitement spécialisé (le projet Windhorseauquel se réfère la deuxième partie de ce livre) au sein de laquelle toutesles expériences cliniques exposées ci-dessus ont pu être réalisées.Prendre soin des personnes suivant cette approche m’a permis d’appro-fondir ma compréhension de la nature de la psychose et de la manièredont la guérison est possible. Je crois que ce que j’ai appris de cetteexpérience peut être communiqué en racontant les histoires de vie despatients – avant, pendant et après la psychose.

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Ces descriptions proviennent de comptes-rendus publiés et de mespropres rencontres cliniques. Chaque cas a été soigneusement choisipour l’éclairage qu’il offre et parce que ces perceptions ont été, à plusieursreprises, vérifiées par mon expérience clinique. Ces cas viennent faireécho avec ce que j’ai également pu entendre et comprendre des centainesde personnes qui m’ont été présentées en supervision clinique. J’aidiscuté de ces comptes-rendus avec beaucoup d’anciens patients à unmoment ou à un autre. Ceux qui sont allés plus loin en lisant les travauxautobiographiques sur lesquels ils sont basés en ont confirmé laprofondeur et y ont trouvé beaucoup de sagesse et de conseils pratiques.Ils y ont toujours reconnu de nombreux aspects d’eux-mêmes.

Bien qu’il existe différentes manières de devenir fou, chacun de ces cascomporte en lui-même un caractère d’universalité. Il ne s’agit pas néces-sairement de cas exotiques ou concernant des personnes « d’élite »,néanmoins ils traitent d’individus exceptionnels qui disposaient descapacités et du talent nécessaires pour exprimer et communiquer ledrame psychotique ordinaire. Chacun entend parler pour tous ceux quiont connu la psychose et démontrer la clarté et l’intelligence disponiblesmême chez quelqu’un en proie à la confusion la plus aiguë. Ceci peutsembler surprenant à celui qui pense que la psychose est seulement uneconfusion abjecte. Pourtant, chaque cas raconte la réalité subjective de lapsychose, dans des récits pénibles, douloureux voire peut-être dangereuxà exprimer, de tels récits étant connus pour agiter l’esprit et provoquerune critique acerbe. Parmi ces personnes, nombreuses sont celles qui ontguéri à un degré ou un autre et chaque cas met en lumière et clarifie desprincipes de base de la guérison. Tous apportent ou indiquent desconseils et recommandations dont toute personne confrontée à lapsychose a un besoin urgent pour son propre traitement et, ce qui esttout aussi important, ils lui apprennent qu’elle a besoin des autres. Cesrecommandations ont donné lieu à une méthode de traitement. C’est lethème des derniers chapitres qui donnent des conseils utiles ainsi que desinstructions précieuses à toute personne impliquée dans la création d’unenvironnement thérapeutique.

Tandis que de nombreux cas sont évoqués au fil des pages, quatreportraits principaux nous révèlent des aspects habituellement cachés del’expérience psychotique, y compris l’action d’une intelligence subtilequi, au final, est précisément ce qui rend la guérison possible. Leséclairages qu’apportent ces quatre histoires sont si importants parrapport aux questions soulevées par la création d’un foyer thérapeutiquequ’elles constituent à elles seules la première partie de ce livre. À l’imaged’un microscope dont les loupes nous transmettraient une image de plusen plus détaillée d’un échantillon, ces histoires suivent l’évolution de lapsychose d’une suite incontournable d’événements jusqu’à des lueurs

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momentanées de conscience. Le premier chapitre nous décrit, du débutà la fin, le panorama intégral de l’expérience psychotique, traversé lors dela guérison héroïque d’une personne totalement seule et contre laquellele sort s’acharne. Le deuxième chapitre nous présente le portrait de l’unede nos extrémités humaines, l’énergie et la puissance sauvages de lapsychose maniaco-dépressive. Le troisième est tiré des carnets de bordd’un homme devenu fou alors qu’il se trouvait seul en mer. Il nousentraîne dans les profondeurs de la transformation psychotique jusqu’auseuil critique où la manie devient mégalomanie. Le quatrième portrait estcelui d’un poète français qui s’est délibérément plongé dans l’espritpsychotique afin de comprendre les fonctionnements les plus fonda-mentaux et élémentaires de la conscience humaine, ainsi que seséléments constitutifs.

La deuxième partie du livre suit une séquence inversée d’événements :la vision s’étend à partir d’une conscience fragmentaire de l’intelligencede l’esprit en guérison (« les îlots de clarté ») pour englober la totalitéd’un environnement thérapeutique, avec des recommandationsconcernant le traitement et le mode de fonctionnement à adopter. Lepremier chapitre, un cas historique de guérison, nous montre à quelpoint la guérison de la psychose dépend de la santé de l’environnemententourant le patient. Le chapitre suivant décrit comment une « équipethérapeutique » spécialisée peut créer et protéger un environnementthérapeutique sain et empli de compassion. Le chapitre final expliquecomment appliquer, dans sa propre vie, les informations sur la folie et laguérison présentées dans cet ouvrage. Il inclut la manière de créer un« foyer thérapeutique » et présente le fonctionnement d’un petit hôpital.

Tout au long de cet ouvrage, nous avons abordé plusieurs conceptionsdifférentes de la pensée médicale concernant les problèmesimmémoriaux de la psychose. Outre la vision de la psychiatrie et de lapsychanalyse, j’ai également pris en compte la perception de l’esprit et deson fonctionnement que j’ai retirée d’années de pratiques et d’étude dela psychologie bouddhiste, en particulier du bouddhisme Vajrayana. Deplus, les conceptions thérapeutiques des traditions amérindiennes, de lascience du yoga et d’autres traditions chamaniques trouvent ici un certainécho. Cette combinaison d’éclairages psychologiques et de pratiques apermis de suivre, à chaque instant, les événements de l’espritpsychotique, révélant une « micro-psychologie » de la psychose et unecompréhension approfondie de ses expériences les plus intérieures et lesplus secrètes. Cette réunion de disciplines thérapeutiques aide à rendreplus lumineuse la nature de la santé mentale et met en valeur lesexpériences universelles qui en facilitent le rétablissement.

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INTRODUCTION

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CHAPITRE V

La Découverte des Îlots de Clarté

La première partie du livre illustre la folie à travers quatre« paraboles » de la psychose – chacune d’elle avec un degré de détails deplus en plus poussé. Ici, nous allons traiter de la possibilité de guérir dela folie, avec le même degré de minutie, mais cette fois-ci en partant desniveaux de pouvoir les plus élevés, en partant de l’examen micro-scopique des îlots de clarté effectué dans ce chapitre pour aboutir àl’analyse macroscopique du foyer thérapeutique présenté dans leschapitres 6 et 7.

Au cours des chapitres précédents, je me suis efforcé de mettre enévidence les moments de guérison qui sont toujours présents, même aucœur d’une crise psychotique, car, lorsqu’on examine minutieusementcette expérience, on y trouve également les éléments de la guérison.Ceux-ci sont au cœur même de notre esprit ; ce sont les fondements denotre intelligence.

Pour guérir totalement de la psychose, il est non seulement nécessairede reconnaître et de démonter les effrayants micro-mécanismes del’esprit qui se perd, mais aussi d’étudier les processus de guérisonpsychologique. À sa manière, le voyage vers la guérison est tout aussispectaculaire et mouvementé que la descente dans la folie. À l’image dela folie, la guérison nous oblige à nous confronter à nous-même. Qui plusest, la guérison n’est pas un processus temporaire et définitif, un feu quinous consume et nous guérit à jamais ; elle consiste en une réalisationpermanente à accomplir, durant laquelle on doit sans cesse faire face àdes vérités essentielles sur sa personnalité.

Celui qui guérit doit apprendre à revenir à la vie normale « sur terre »et se doit de reconnaître les obstacles qui peuvent survenir. Dans cechapitre et les suivants, j’espère faire connaître les obstacles qu’il y auraà surmonter, ce qui (je le souhaite) permettra, au final, aux personnesen voie de guérison d’obtenir les moyens d’y parvenir et de se guérir parelles-mêmes. Ces observations s’appuient sur les cas de patientsprésentés, pour l’essentiel, dans la première partie du livre maiségalement dans les pages suivantes. Chaque cas nous apprend quelquechose sur les obstacles à traverser et les modalités de la guérison

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puisque tous les protagonistes dont il est question ont eu à traverser denombreuses embûches sur leur chemin vers la guérison. Ne nousméprenons pas, en fin de compte, indépendamment de l’aide apportée,la guérison totale nécessite une courageuse implication personnelle etrequiert de s’engager pour toute sa vie vers la santé mentale. Tous ceuxqui guérissent de la psychose doivent apprendre « comment çamarche ». Sinon, comme le dit John Perceval 1: « leurs erreurss’estompent, leurs impulsions s’effritent, mais ils rechutent parce qu’ilsn’ont pas découvert le secret de leur problème, ils n’appliquent pasl’esprit critique qui était le mien (dit-il) ou ne retirent pas les leçons deleurs expériences car elles n’ont pas été mises en lumière ».

S’extirper

Du point de vue de l’observateur, l’expérience de la guérison n’estguère plus qu’une sortie, une tentative dans laquelle le patientcommence à émerger de son monde clos. La méthode qui emploie leprocessus de guérison se met en place de manière similaire à celle duhéron de nuit qui construit son nid, comme l’a décrit l’éthologisteKonrad Lorenz : « Entre les mouvements intentionnels les plus légers,visibles seulement par l’expert et le spectre complet d’un comportemententier qui remplit sa fonction biologique, on peut imaginer toute unesérie de transitions ». Nous pourrions observer les phases de rétablis-sement de la psychose avec la même précision car elles présentent, ellesaussi, toute une panoplie de transitions et d’états successifs.

Lorenz poursuit : « Dès le printemps, le héron de nuit assis dans lesbranches signale au connaisseur le réveil de manifestations propres àl’évolution des cycles annuels en s’agitant de manière ostensible etplutôt soudaine au milieu du calme le plus profond, il se penche enavant, s’empare d’une branche avec son bec, effectue un seulmouvement pour construire son nid puis, l’instant d’après, retrouve« satisfait » son repos initial ». Les moments de rétablissement sontsouvent assez semblables : mouvements hésitants, réticents, par à-coups,ils s’enchaînent de manière empirique par l’apprentissage découlant destentatives et des erreurs successives.

« En observant encore plus attentivement, il sera possible de repérerles premières traces de la construction du nid encore plus tôt l’annéesuivante ; le placement éphémère d’une brindille, en même temps quel’amorce de la position courbée qui est souvent adoptée au nid par lasuite. La séquence complète des actes qui conduisent à la constructiondu nid au cours des quelques jours et semaines est issue de telsrudiments et se fait de façon calme et fluide ». De la même manière, lesmouvements du rétablissement commencent par se fondre progressi-

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vement dans une séquence continue et se répercutent ensuite dans tousles domaines de l’existence.

Il y a, en pleine crise de folie, un moment où les choses recom-mencent subitement à avoir un sens. On se sent reprendre ses esprits.On est devenu « l’opérateur », pour reprendre le terme d’HenriMichaux. C’est un îlot de clarté où l’on est tout d’un coup délivré de lafixité de l’esprit caractéristique du délire et de la délusion. Certains ladécrivent comme une sensation presque physique de déclic. Ce momentdonne souvent une confiance mystérieuse dans le fait que le pire estderrière soi et que l’on va aller mieux à nouveau.

Parfois cet instant est évanescent et parfois il perdure. Quelle qu’ensoit la brièveté, les moments de rétablissement de la psychose sont desexpériences universelles – et pourtant chacun les vit et y réagit demanière différente.

En pleine psychose, se produisent des flashs spontanés de clarté. Ilssont généralement vécus comme des moments d’apaisement, derelâchement de l’intensité de l’esprit. Ces flashs représentent l’intel-ligence fondamentale de la santé intrinsèque qui subsiste en dessous desillusions psychotiques. Tous les personnages décrits dans la premièrepartie ont vécu les moments de rétablissement comme des événementsspontanés, naturels venant interrompre le phénomène psychotique.Ces moments « d’attention éveillée » (conscience alerte ou connexionavec la « réalité ») peuvent se manifester sous forme de doutes,d’introspections soudaines, de révélations ou de déclics. Ils sont fragileset demandent à être reconnus et respectés. Cette attitude à elle seule,facilitera énormément le rétablissement.

Même lorsque l’on se trouve bien engagé sur le chemin de laguérison, il y a ce que Michaux a désigné comme la « blessure déstruc-turante » de la psychose, la blessure qui nous éloigne des repèrespsychologiques conventionnels, et qui peut maintenir son emprise surnous. Les résidus de tout ce que l’on a traversé se manifestent dans unehypersensibilité toute particulière dès lors que l’on tente de seréorienter dans le monde extérieur. Et, une fois « dehors », comme ledisait Michaux : « Comme tout se complique très vite, devient irritant,on ne peut pas toujours se contrôler ».

Dans la phase de « sortie » immédiate de psychose, son propremonde apparaît incroyablement fragile ; on peut se sentir brisé,déchiqueté, ou tout simplement épuisé. Le caractère effroyable de lapremière étape du rétablissement a été particulièrement bien décrit parJohn Perceval. Il écrit que le fou pénètre le monde avec « une sensibilitéd’enfant et une capacité imbécile pour contrôler les pensées sauvages ».La « sensibilité enfantine » se rapporte aux sentiments de nudité et devulnérabilité vis-à-vis de la blessure et de l’insulte. Elle se réfère aussi à

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l’innocence ou au manque de compréhension par rapport à ce qui vientde se passer. La « capacité imbécile pour contrôler les penséessauvages » fait référence à l’épouvantable sentiment d’impuissance danslequel on se trouve face à l’incapacité de résister à l’attrait des « fasci-nations ». Cet état extrême d’excitabilité trouve son origine dans l’étatsecond du fonctionnement mental ; en effet, bien qu’elles ne dominentpas pour l’instant, les micro-opérations de l’état second ont toujourslibre cours. Même lorsque la personne a retrouvé ses facultés, lesdéséquilibres physiques et mentaux persistent pendant des mois. Peuimporte que la psychose dont on sort soit de longue ou de courtedurée, il est important de prendre un repos d’une nature particulière.Comme je vais l’expliquer, cela signifie mettre en repos son corps, sesrelations et son esprit.

Au début du processus de guérison, on ressent une certaine nervosité– comme si l’on était tiraillé dans deux directions opposées – celle dumonde du drame humain et celle du monde du rêve. À certainsmoments, les deux mondes sont tout aussi accessibles l’un que l’autreet il n’est pas toujours très évident de savoir quelle voie nous mène versl’avant et laquelle nous fait faire marche arrière. Cette situation peutdurer un temps incroyablement long. Même après des mois passés àparaître libéré des illusions ou des « interférences », l’on peut continuerà vivre des interruptions de conscience qui nous tiennent sous le jougde la fascination et de l’obsession. Un seul mot peut déclencher ceprocessus, tout particulièrement les paroles dures et critiques.

Cette hyper-excitabilité va loin. Tout comme la patiente sous L-dopadécrite au chapitre précédent se mettait à applaudir frénétiquement desdeux mains sans pouvoir s’arrêter, une personne en phase de rétablis-sement psychotique peut être sous l’emprise de certaines idées etémotions.

Même des émotions modérées peuvent être ressenties comme desflots d’énergie déferlant dans le corps. Le phénomène d’accélération del’état second est toujours latent et facile d’accès, il se manifeste parvagues. Cela explique pourquoi nombre de personnes en voie deguérison ont l’air hésitantes. Elles craignent, en effet, de s’emporter tropfacilement et de succomber trop rapidement à la colère ou au besoin dese mettre en retrait.

Il est évident que, dans ces conditions de vulnérabilité, un environ-nement calme et stable est d’une importance capitale dans le processusde rétablissement. Perceval, pour sa part, conseillait d’avoir un environ-nement paisible et une compagnie bienveillante lorsque l’on entreprendle voyage éprouvant que représente le rétablissement d’une crisepsychotique. Malheureusement, ce type d’assistance n’est pas fréquentpour les personnes qui sortent de psychose.

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La sagesse des Environnements Thérapeutiques

Réunir Terre et Ciel

Le désir de créer un environnement sain pour venir en aide à un êtremalade semble universel. Celui-ci survient tout naturellement car nouspossédons tous une compréhension profonde, parfois intuitive, del’interdépendance entre l’esprit, le corps et l’environnement.

Un jour, après que j’eusse donné un cours portant sur le « traitementpar l’environnement », un jeune homme vînt me décrire sa tentative devenir en aide à un ami d’enfance qui était hospitalisé, en état de psychoseaiguë. Lui rendant visite à l’hôpital, il avait trouvé que son état avaitempiré; son ami persistait à refuser ses médicaments et faisait destentatives de fugue. Le jeune homme réussit à le faire sortir de cet établis-sement et ils allèrent vivre ensemble dans les bois. Comme ils étaienttous les deux bûcherons, ils installèrent un campement. Pendant unmois, ils passèrent leur temps à pêcher, à cuisiner, à faire des promenadeset à bavarder de longues heures, toutes les nuits. Le jeune homme admitque l’expérience avait été extrêmement difficile pour lui : l’agitationmentale de son ami était épuisante et il lui était souvent arrivé de mettreen doute sa propre santé mentale de même que sa capacité à poursuivrel’expérience. Cependant, leur amour réciproque de la forêt et les effetsspirituellement stabilisants de la vie dans la nature l’emportèrent. Sonami se rétablît, pût retourner vivre auprès de sa famille, et peu à peu,reprit le cours de sa vie normale.

Une autre fois, je découvris que les amis auxquels je rendais visite – uncouple avec deux jeunes enfants qui vivaient dans une petite ferme enNouvelle Ecosse – avait accueilli un parent éloigné qui était resté en étatcatatonique dans un hôpital de Toronto pendant presque une année.Ce parent était calme, de toute évidence il se battait contre une tendanceà l’introversion, mais il avait une grande intelligence et c’était untravailleur acharné. Il se contentait d’une tente derrière la maison,soignait les chèvres et s’occupait des enfants.

Le potentiel thérapeutique de ce type d’environnement est bien connudans les campagnes des sociétés traditionnelles. Ce besoin apparemmentprimaire de guérir par le biais d’une situation familiale élargie a été àl’origine de nombreux clans de guérisseurs, de familles guérisseuses et decercles de guérison parmi les populations indigènes à travers le monde.Depuis les Inuits d’Alaska jusqu’aux Kung africains, depuis les Mung desmontagnes vietnamiennes jusqu’aux Sioux des grandes plaines améri-caines, l’environnement thérapeutique de base consiste à réunir un cerclede personnes qui soutiennent la guérison grâce à la « réunion de la terre etdu ciel ». Le principe du « ciel » concerne la conscience et l’attention portées

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aux dimensions spirituelles de la vie, et le principe de la « terre »comprendla conscience de la dimension sacrée de tous les éléments et de l’aspectprécieux du corps humain. Ciel et terre peuvent s’unir à travers les rituels,l’attention portée aux détails et la relation de compassion. C’est ce que l’onappelle le principe de « l’homme » qui réunit ciel et terre. Un lieu deguérison se crée dès que de telles pratiques s’y développent.

Ce sont les traditions des Sioux Lakota qui représentent sans doute lemieux cet idéal. La plupart des descriptions des cérémonies de guérisondes Indiens d’Amérique sont focalisées sur le pouvoir de guérison de lacérémonie par l’extraction spectaculaire, ou l’exorcisme, de la maladie.Toutefois, ma propre expérience de la cérémonie de guérison m’a conduità une autre vision des choses : la cérémonie donne une représentation dudrame qu’est la guérison de façon universelle tout en instruisant lemalade sur le comportement et la discipline avec lesquels il va pouvoirse confronter à sa maladie. Le point clé de la cérémonie réside dansl’union de la terre et du ciel par le biais d’une série de rituels. Black Elkdonne des exemples de ces rituels dans sa présentation des septcérémonies de base Lakota2.

Les personnes en traitement peuvent vivre la cérémonie comme unévénement singulier dans leur vie et aussi comme un sujet de réflexionqui perdurera des années plus tard. Au-delà de la préoccupation de lamaladie, la cérémonie peut permettre à certains de connaître uneouverture ou une expansion de conscience. Dans de tels moments vécuscomme une bouffée d’air frais, les énergies mentales et physiquespeuvent s’équilibrer. Derrière cette expérience dramatique, la cérémonienous offre des enseignements universels – grâce aux chants et auxrituels – qui indiquent la manière de réunir la terre et le ciel dans la viequotidienne. La cérémonie exprime et célèbre un mode de rétablis-sement qui peut ensuite se poursuivre tout au long de la vie. Elle estcensée renforcer et donner au malade le pouvoir d’accomplir les étapesnécessaires à sa guérison. Elle confère également, aux autres participants,le pouvoir d’aider dans le processus de guérison.

Des instructions précises concernant le traitement sont données.Parfois, celles–ci demandent à être interprétées et seront mises enplace ultérieurement par l’homme médecine ou l’un de ses assistants.Ces instructions consistent toujours à enseigner comment rester équilibré.

Elles concernent trois domaines importants : la manière de s’alimenter,le comportement, et le travail sur l’esprit. Le régime alimentaire neconcerne pas uniquement ce que l’on mange mais également commentet quand on le mange. Il préconise aussi des plantes et des remèdes.Quant au comportement, il concerne la relation avec les autres et le rapportà son propre corps ainsi que les moyens d’existence. Les instructionsconcernant le travail sur l’esprit sont plus complexes. Il s’agit d’injonctions

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favorisant l’attitude du « guerrier » : maintenir le sens de l’attentionéveillé au cours du déroulement du rêve de la vie, expérimenter demanière directe la peur et la présence continuelle de la mort, et fairenaître la foi dans la présence de la santé inhérente en chacun, en la bontéde tous les êtres et en la capacité sacrée qu’a l’homme d’unir le ciel et laterre. Dans la tradition Sioux Lakota, cette expérience du monde sacrés’appelle wakan. Dans la tradition bouddhiste, elle se nomme bodhicitta ouesprit d’éveil.

Dans notre ère post-nucléaire, tandis que la dégradation des valeursest universelle, ces idées peuvent sembler bien romantiques. Pourtant,ces idées et expériences sont bien trop fondamentales pour n’être queromantiques ; elles font partie de notre héritage humain et comportenten elles un grand pouvoir. Elles nous permettent de rendre concrètes lesnotions de « guérir » et « d’équilibre » dans des situations vécues, avec destraitements novateurs, comme aucune autre théorie psychologique ousociale contemporaine ne peut le faire.

La Tradition de l’Anti-psychiatrie

L’Anti-psychiatrie est l’une des mises en application modernes de cesidées traditionnelles. On ignore le nombre de structures qui existentactuellement ou qui ont existé par le passé, principalement parce que cetype d’initiatives est souvent éphémère. La plus célèbre et la plus contro-versée d’entre toutes fut celle de Kingsly Hall (située à Londres), dirigéepar le Dr. R.D. Laing qui parvînt à demeurer en place environ cinq ans.De toute évidence, ces alternatives à la psychiatrie ne sont pas des insti-tutions conventionnelles, mais dans leur travail thérapeutique, elless’inspirent de l’esprit de soutien qui était à la base du système hospitalier.

Le concept d’hôpital comme lieu spécialisé de soins pour nombreuxmalades a une longue et formidable histoire. L’idée émergea au IIIe siècleavant JC, alors que le tyrannique empereur Asoka – maître de tout lesous-continent indien – se convertît au Bouddhisme. Après saconversion, Asoka dévoua sa vie et les richesses de son royaume à desprojets humanitaires (à la consternation de ses héritiers). Il créa lespremiers centres de soins pour les humains et pour les animaux, ainsi quedes centres où étaient cultivées les herbes médicinales qui, déjà àl’époque, étaient en voie de disparition. Dans un généreux élan decompassion, Asoka fit construire également des structure d’hébergementet des hospices pour les pauvres et les sans logis.

Cette idée de créer des hôpitaux passa de l’Inde à la Grèce, le fameuxhôpital fondé par Hippocrate sur l’île de Kos est situé sur une montagnequi domine la mer Egé. Le paysage montagneux, les forêts de pins et lestemples blancs, tout cela évoque l’intention de relier ciel et terre.

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À une époque plus récente, au XIVe siècle, dans la ville de Geel enBelgique, un autre centre thérapeutique fit son apparition. Geel reste unnom magique dans l’histoire des hôpitaux. La légende raconte qu’à la findu VIe siècle, un roi décapita à proximité, sa fille et le compagnon decelle-ci : « On rapporte que la cruauté de ces actes effraya tellementplusieurs personnes démentes qui en furent témoins qu’elles furentguéries comme par enchantement ».3 Au cours des générations quisuivirent, Geel devint ainsi en même temps, un lieu de pèlerinage et unhavre de paix pour les aliénés.

Au départ, l’Église catholique avait en charge l’établissement, mais parla suite le gouvernement local en prit la direction. Les patients étaientconfiés à des familles d’accueil et un échange enrichissant avait lieu entreles familles et le centre. Au cours du millénaire, cette institution a connudifférentes phases de croissance. Près de quatre mille fous y vécurent à uncertain moment, ils venaient presque tous d’asiles dont ils s’étaientéchappés. Il devait sûrement être très difficile de diriger une tellecommunauté et bien des abus y furent commis. Cependant, à l’époque, onfit aussi l’éloge de ses vertus : « Ici, on était soucieux du principe de liberté,d’espace à l’air libre, de l’absence de contrainte et de la possibilité de menerune vie plus heureuse, plus saine, et une vie quotidienne plus utile qu’àl’asile traditionnel »4. On offrait aussi aux patients la possibilité de travaillerou de reprendre et poursuivre leur activité précédente et de connaître« un mode de vie plus familial que celui qui leur était proposé à l’asile.Ce dernier était à la fois un palais, un baraquement et une prison5 ».

Geel fut le premier établissement alternatif à offrir un servicecomparable aux soins à domicile et ce principe n’a jamais été reproduitdepuis, à une telle échelle. Il est à noter qu’à Geel, cette vocation despratiques de soin à domicile s’est poursuivie jusqu’à nos jours, lapopulation se montrant, par ailleurs, pleine de compassion6.

Avec la sécularisation des hôpitaux d’Europe de l’Ouest, c’est-à-direlorsque les principes du ciel et de la terre ne furent plus appliqués, cesstructures eurent la réputation d’être des lieux dangereux. Les hôpitauxdevinrent alors des remises pour les indésirables, les pauvres, les délin-quants, les prisonniers et les fous, tous à la fois. Les récits les plus anciensles décrivent comme des mouroirs, et le terme « fièvre d’hôpital » fut créépour désigner la détérioration de l’état d’hygiène due à l’accumulationd’odeurs nauséabondes de nombreux malades physiques et mentaux.

Est-il possible qu’un malade entouré de personnes en bonne santé etpleines d’attentions puisse tirer profit pour sa santé mentale de la saineambiance d’un tel environnement thérapeutique ? C’est ce que semblaitcroire George Fox et sa Société d’Amis qui furent les militants de ce quel’on appela le « traitement moral des fous ». Fox et ses partisans affir-maient que les personnes responsables des soins prodigués aux

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personnes aliénées devaient non seulement être des médecinscompétents mais également des êtres spirituellement évolués, capablesd’entrer eux-mêmes immédiatement en contact avec la confusion spiri-tuelle et mentale, qui selon Fox fait partie intégrante de la folie.

Ce mouvement lui aussi finît par se laisser contaminer évoluant versune mentalité et un encadrement d’asile. Pourtant, bien qu’il ne subsistâtque très brièvement, ce mouvement a semé les graines de l’avenir. Quandles « lunatic doctors » (comme ils étaient nommés du temps de Perceval)se rendirent à la fois à la communauté de Geel et à la Retraite de York oùle traitement moral de Fox était prodigué, ils revinrent avec des opinionsmitigées. Certains conclurent qu’ils avaient pu observer le type de soin leplus évolué et le plus humain qu’on puisse donner aux personnesaliénées, d’autres rapportèrent que les deux communautés étaient aussidégradées qu’un asile traditionnel. Pourtant, certains de ces médecinsdevinrent plus tard des supporters des systèmes de cottage Anglais etEcossais, constitués de petites communautés de familles d’accueil pourpersonnes en voie de rétablissement de la psychose7. Le modèle familialde Geel en était le prototype. Toutes ces alternatives ne durèrent quequelques années en raison de féroces oppositions de la part despsychiatres des asiles les plus célèbres et l’un d’entre eux les traitanotamment d’utopiques et d’insensés. Ces systèmes thérapeutiquespassèrent donc également dans l’oubli, mais il va sans dire que JohnPerceval était un défenseur virulent du style de soins pratiqués dans lescottages familiaux, d’autant plus qu’il avait eu la chance de vivre et demener à bien son rétablissement dans l’un de ces centres, celui deSeven Oaks.

Un autre hôpital de soins alternatifs s’établît dans le vieux monastèrede Rhineau en Suisse. À la fin des années 1800, le Dr. Eugène Bleuler, l’undes fondateurs de la psychiatrie moderne transforma l’enceinte dumonastère situé le long du Rhin en une communauté pour maladesmentaux chroniques. Il s’agissait d’une expérience sociale radicale où lepersonnel et les patients travaillaient ensemble à la ferme, et où lespatients guéris pouvaient ensuite y faire vivre leur famille.

De telles alternatives thérapeutiques, se maintiennent, tout en étantviables, malgré les innombrables critiques qu’elles subissent de la part desautorités officielles. Tout comme subsistent les soins à Geel (bien quel’établissement soit en grand danger, du fait de l’industrialisation locale,semble-t-il) ; ainsi se perpétuent les nombreuses graines plantées par sonmodèle et ses inspirateurs. Cette tradition est d’autant plus assurée desurvivre qu’elle apporte une réponse novatrice et continuellementcréative aux besoins des êtres en voie de guérison.

Lorsque j’informai le fils d’Eugène Bleuler, Manfred, de notreintention de créer les communautés de soin Windhorse, il m’avoua que

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son père et lui avaient toujours rêvé de la création de tels groupes dethérapie à l’hôpital Burghölzli à Zurich, mais que les centainesd’admissions annuelles rendaient la chose impossible.

L’hôpital et la Guérison

Créer l’environnement approprié au rétablissement des personnespsychotiques requiert un certain degré d’organisation et de prévoyance.Avant de mettre en place le mode de thérapie que je vais décrire, j’avaistrès peu d’expérience dans la création d’environnements thérapeutiquesfamiliaux. Je n’y serais probablement jamais parvenu sans le concoursd’une série d’événements heureux.

Un jour, une femme que j’appellerai Andréa, qui vivait dans une petiteferme à environ trois cent kilomètres de mon domicile du Colorado,m’appela pour me demander si je pouvais m’occuper de sa sœur, Karen.Celle-ci, âgée de vingt neuf ans, était en pleine crise psychotique. Elleavait déjà fait plusieurs crises au cours des douze dernières années et avaitdû être hospitalisée, souvent pendant plusieurs mois et une fois mêmedurant trois ans. Les deux sœurs étaient très proches, et à deux reprises,pendant les crises de Karen, Andréa avait réussi à s’occuper d’elle à lamaison. Elles avaient réussi ensemble à traverser la crise sans avoirrecours à l’hospitalisation. Cependant, à présent qu’Andréa avait dejeunes enfants, elle n’avait plus le temps ni l’énergie nécessaires àconsacrer à sa soeur.

J’hésitai moi-même à m’engager parce que je savais par expérience àquel point ce genre d’accompagnement pouvait être prenant. J’acceptaicependant de voir Karen en consultation pendant une période de dixjours en aidant à organiser son admission en service de soins d’un petithôpital de Boulder. J’avais l’intention de faire un bilan pour évaluerquel pouvait être le meilleur endroit de prise en charge pour elle.Pendant nos discussions j’eus le sentiment qu’Andréa attendait bienautre chose de moi.

Aussitôt que j’eus rencontré Karen, je me rendis compte qu’elle étaitloin de correspondre au descriptif de malade chronique que sonrapport hospitalier m’avait laissé entrevoir. Elle était pleine de vitalité.C’était une femme bien bâtie, forte qui, lorsque je la rencontrai pour lapremière fois, était en pleine dispute effrénée avec son « autre monde »,au milieu du couloir du service hospitalier. Elle eut du mal à s’arrêterpour s’entretenir avec moi, mais y parvint avec beaucoup d’efforts. Celam’impressionna. Je ne pus m’empêcher de penser que cette actiontémoignait d’une sorte de courage.

Karen semblait se trouver au cœur du bouleversement psychotique,et probablement engagée dans les phases que j’ai précédemment

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appelées introspection et pouvoir, et au-delà de la loi (voir les sept étapes detransformation psychologique, Chapitre 3). Elle m’inclut immédia-tement dans l’histoire cosmique qu’elle avait développée pourexpliquer ce qui lui arrivait. Il s’agissait d’une aventure compliquée danslaquelle une place surnaturelle lui était confiée, dans l’ordre des choses,par le pouvoir de l’amour. Dès le début, elle me nomma « Dr Love »devant tout le monde, et je n’ai jamais su si elle avait conscience del’embarras que cela me causait.

Me retrouver seul avec quelqu’un qui semble complètement électriséet qui évolue dans le monde des « grandes accélérations » m’était familier.Pourtant, en présence de Karen, j’étais au bord de la panique. Je mesentais dans une lenteur désespérante et dangereuse, dans toutes mesréactions internes et externes. Par moments, je me sentais en proie à desvertiges et devenais incohérent ou alors je sombrais dans une sorted’attardement mental. Alors, soudainement je m’impatientais et je mesurprenais à reprendre mon souffle ou à soupirer profondément. Chaquefois, je faisais l’expérience de la confrontation avec les mêmes peurs ;c’était comme si toutes les images de ma propre déviance mentalem’étaient révélées. En travaillant avec Karen, je savais que je risquais dene pas en sortir indemne. Mon expérience en matière de guérison m’avaitenseigné que les chances de guérison d’un patient psychotique étaienttrès minces si une guérison simultanée du thérapeute ne s’opère; celui-ciest malgré lui mis face à lui-même. Pour que le patient progresse vérita-blement, il faut, en effet, qu’il puisse exprimer pleinement ses sentimentsenvers le thérapeute ce qui va, une fois de plus confronter ce dernier avecles multiples aspects cachés du soi : le soi professionnel, l’arrogant,l’humble, le peureux, le découragé, le normal et le fou.

Je travaillai dans cet hôpital, avec Karen pendant les quatre mois etdemi qui suivirent. Je la retrouvais ainsi que le personnel hospitalier,plusieurs fois par semaine, et ceci aussi souvent qu’une rencontre entretous était possible. Le personnel était visiblement mal à l’aise avec lapsychothérapie individuelle intensive que je pratiquais et, par moments,il se montrait très soupçonneux à mon égard. Je n’avais que peu decontrôle sur l’environnement de Karen et me sentais assujetti autantqu’elle aux exigences et aux conditions de l’hôpital – par exemple leschangements fréquents de chambres qui entraînaient une changement devoisines, les contrôles exercés au niveau comportemental, un régimealimentaire inadapté, et le manque de flexibilité général qui caractérise laplupart des hôpitaux modernes.

Karen se débattait contre ce qu’elle ressentait comme une possession« démoniaque », alors, que par ailleurs, elle pouvait vivre des sentimentsd’extraordinaire allégresse. Sous mes yeux, elle pouvait être possédée pardes poussées d’accélération, de répétitions, de multiplications d’injures,

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d’oscillations émotionnelles, d’animations infernales, de convictionsdélirantes, etc. Elle vivait alors dans un déchaînement de micro-opérations. Je faisais de mon mieux pour l’aider à reconnaître cesphénomènes, à les démystifier, au fur et à mesure qu’ils se présentaientpour qu’ils puissent être relâchés.

Pendant mes rencontres avec Karen, lorsqu’elle était accaparée par ledélire, ma seule alternative était de me rendre familier de son mondemagique et chaotique dans l’espoir qu’elle se familiarise avec le mien, lemonde ordinaire, où il s’agit de manger, de marcher, de parler, deprendre son bain et de dormir. Cependant, cela prit beaucoup de temps.Son manque de sommeil devenait effrayant et potentiellementdangereux pour sa santé. Après deux semaines où elle n’avait prati-quement pas dormi du tout, alors qu’elle était en phase d’excitationmaniaque, je cherchais désespérément pour elle un sédatif adapté à sonétat. Je fis part de mon dilemme à un médecin plus âgé qui était sur placeà ce moment-là et il me conseilla de lui administrer du Valium en intra-musculaire et surtout de rester auprès d’elle pendant que le médicamentagirait. Je suivis son conseil, cette nuit-là, et Karen dormit bien pour lapremière fois. Par la suite, elle eut peu d’insomnies.

Le problème de Karen avec le service hospitalier était surtout d’ordrecomportemental et lorsqu’elle menaçait le personnel ou d’autres patientson l’enfermait, selon les usages de l’hôpital, dans la pièce d’isolement.L’isolement était préconisé pour le « repos », ou pour contrôler lecomportement dans l’idée de « neutraliser un comportement agressif ».On pensait que Karen apprendrait quelque chose d’une manière oud’une autre en étant isolée. Mais il n’en était rien.

Je redoutais la rencontre dans une pièce d’isolement, mais j’étaisconscient qu’il fallait que j’y passe du temps avec elle pour voir ce quec’était. Jamais, nulle part ailleurs n’avait-elle été plus folle que dans cettechambre. Cela me rappela douloureusement tout ce que Perceval disaitde sa propre expérience de l’isolement et de la camisole. Isolé, écrivait-il,il perdait la dernière prise sur les rênes du contrôle de esprit, et il étaitemporté au loin dans des océans de délire. Il appelait cela « la scène demes horreurs ». Il me semblait que Karen traversait la même chose, maiselle allait encore plus loin. Elle se jetait littéralement dans la folie. Ellen’essayait plus de vivre à deux endroits à la fois ; elle semblait s’êtredéfinitivement rendue de l’autre côté. Je ne me suis jamais senti plusdésespéré à son sujet que dans cette pièce. Lors de mes visites là-bas,mon esprit faisait la chasse aux pensées morbides et sombrait dans uncalme et un détachement d’outre tombe. Mon propre autisme faisait sonapparition.

Malgré tout cela il n’y eut pratiquement pas une seule heure parmitoutes celles passées auprès de Karen, dans la pièce d’isolement et

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ailleurs, où son état fut dénué de moments de bien-être propres à laguérison. Ces moments pouvaient arriver n’importe quand. Tout ce queje peux dire, c’est qu’ils étaient associés principalement aux moments oùje détendais mon propre état d’esprit, où j’étais plus ouvert et doux avecelle. C’était souvent des moments très tendres, remplis d’une tristesseindicible. Et parfois c’était des moments de grande hilarité ; il nousarrivait de rire si fort que les gens au dehors se demandaient quel genrede « thérapie » je pratiquais. Cependant, à chaque fois c’était trop pourelle et ses émotions se cabraient dans une expansion et un enthousiasmedélirant. Je me mis à considérer ces moments comme des expériences de« la guérison qui devient folle ». Karen s’y retrouvait prise dans des accèsd’hallucinations.

Karen n’avait pas seulement des « moments » de lucidité et de raison,il y avait parfois de longues périodes pendant lesquelles la visionpénétrante qu’elle avait de sa maladie lui permettait de voir avecexactitude ce qu’elle devait faire pour aller mieux. Dans ces moments,elle ressentait une profonde compassion pour elle-même comme pourles autres patients, pour ses parents et pour la très grande souffrance quirègne dans le monde – cette souffrance elle la ressentait particulièrementet de façon intense. Toutefois, cela aussi était sujet à expansion ; lepremier moment de rétablissement se perdait dans une vague de micro-opérations, supplantées par un bombardement de pensées et d’imagesincessantes.

Parfois la tristesse sincère et le remord qu’elle éprouvait s’intensifiaientet se transformaient en haine contre elle-même et en dépression qui,dans son monde psychotique, étaient mis en scène par des voix et deshallucinations l’accusant non seulement d’infractions mineures mais ausside crimes qu’elle était incapable d’imaginer pouvoir commettre. Parailleurs, son sens de la tristesse et de la tendresse s’étendait dans une« souveraineté » ou un « espace Napoléonien » (pour employerl’expression de Michaux), et elle ne pouvait résister à l’envie d’apporterun message d’amour au monde.

Au début, il m’était difficile de ne pas me sentir découragé par lesretombées soudaines de ces moments. Puis, je me rendis compte qu’il yavait une continuité entre eux ; ils avaient une vie bien à eux. Ils étaientdes îlots de clarté en plein océan de psychose et en dessous des vagues,il y avait entre eux un lien. Qu’ils fussent courts ou longs, de toute façonils étaient bons, et très progressivement, ils se firent plus nombreux etcommencèrent à s’accumuler.

Je prescrivais des remèdes à Karen pour qu’elle puisse prendre lecontrôle sur son excitation, mais je redoutais toujours que cela puissealtérer sa clarté d’esprit. J’avais toujours une pression de plus en plusgrande de l’hôpital qui me poussait à utiliser les médicaments à fortes

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doses, lorsque son excitation était trop grande et que le personnel nepouvait plus la supporter. Dans ce cas, on administre généralement undosage plus important ou on recourt à des médicaments de substitution.Cependant, lorsque j’augmentai les dosages de son tranquillisantprincipal, l’état de Karen se mit à empirer comme si une réactionparadoxale avait lieu. C’est alors que mes rencontres avec elle devinrentplus tourmentées. Lorsqu’un jour je quittai la pièce pour écrire une petitenote au poste des infirmières, tout ce que je pus dire c’était « Totalementfragmentée ! » Peu de temps après, je réalisai que c’était la manière queKaren avait trouvée pour s’opposer aux médicaments.

Au début, elle détestait les médicaments et résistait toujours lorsqu’ilfallait les prendre. Cependant, à présent elle ne s’en plaignait plus et lesprenait sans hésiter. Je commençai à penser qu’elle transformait la drogueantipsychotique en excitant et que sa psychose s’en nourrissait. J’avaisdéjà soupçonné qu’une telle chose était possible, mais à présent j’en étaisréellement convaincu. Il semble qu’il y ait un moyen de combattre l’effetd’un sédatif, d’un tranquillisant, d’un anti-convulsif ou d’unantipsychotique, de retourner cet effet et de l’employer comme carburantpour avoir accès à plus de vitesse et à plus d’énergie. Lorsque je réduisisle dosage pour la stabiliser, l’escalade cessa.

Lorsque Karen commença à avoir plus fréquemment des « joursclairs », je renversai la logique du médicament. Au lieu de lui administrerdes doses plus petites qui auraient correspondu à l’amélioration de sonétat clinique, j’augmentai graduellement le dosage. Chaque fois que ladurée de sa clarté se prolongeait, j’en augmentais légèrement le dosage ;lorsqu’elle était dans un état plus chaotique, je diminuais la dose, de tellesorte que le dosage général était en augmentation progressive.

Un jour, alors que je regardais Karen en train de manger à une grandetable au milieu du service hospitalier en compagnie de plusieurs autrespatients, je fus consterné car ils ressemblaient plus à des animaux àl’abreuvoir qu’à des humains prenant leur repas. Je me rappelai une scèned’une peinture de Goya ainsi que la description du repas des fous parJohn Perceval. Par la suite, je pris des mesures pour que Karen prenne sesrepas dans sa chambre en compagnie d’une infirmière qu’elle aimait bien.Elles prenaient leur repas sur une table pour jouer aux cartes, couverted’une nappe et ornée d’un bouquet de fleurs. Leurs échanges étaientpresque totalement lucides et réciproquement agréables. Karen n’eutaucune difficulté à accepter cette réorganisation de son environnement età apprécier l’introduction de cette ambiance familiale dans sa vie.

Il devenait évident pour tous ceux qui se sentaient concernés par l’étatde santé de Karen qu’elle devait quitter l’hôpital et poursuivre sonrétablissement dans un autre type d’établissement. Où et comment, voilàles grandes questions que sa famille et moi-même nous posions. Andréa

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pensait que si nous participions tous à l’expérience, nous pourrionstrouver quelque chose à Boulder. D’abord, nous pourrions constituerune équipe, puis trouver une accompagnatrice et finalement combiner letout. Je fus naturellement conscient des risques personnels et profes-sionnels que constituait cette entreprise inhabituelle, et plusieurs amis etcollègues attirèrent mon attention sur la législation et l’engagementqu’entraînerait cette prise de responsabilité. Pourtant, rien d’autre ne mesemblait plus approprié pour Karen.

Malgré les nombreux doutes que j’ai pu avoir, deux expériencesimportantes m’avaient incité à poursuivre ce projet. Je sentais que j’étaisréellement en train d’apprendre quelque chose concernant l’importancede l’environnement dans les soins et sur la manière dont le choix decelui-ci peut amener à la santé mentale ou au chaos. Un an avant derencontrer Karen, j’avais fait installer ma mère à Boulder. Pendant sonséjour sur le Côte Est, elle avait vieilli et son état s’était rapidementdétérioré. On l’avait surdosée en insuline pour son diabète et elledevenait désespérément sénile. À Boulder, j’organisai un environnementde soin à domicile pour elle8. Elle vivait dans son propre appartement encompagnie d’une autre personne et jouissait quotidiennement, deplusieurs heures d’attention et de soins et d’une bonne compagnie. Cettesituation me montra l’effet radical qu’un environnement de soin àdomicile peut avoir sur le processus de guérison.

Cinq ans auparavant, je m’étais rendu auprès des médecins IndiensLakota de la lignée de Black Elk à la Réserve Rosebud au Dakota du Sud.J’avais vu la sagesse dont avaient fait preuve ces hommes pour fonder descommunautés de soin, des cercles de guérison. J’y appris comment detelles communautés de soin pouvaient spontanément se constituer etfonctionner en réunissant quelques personnes : bien qu’en apparence, ilsse consacraient au rétablissement d’un seul individu, ils se vouent enréalité à la santé et au bien être de toute la communauté et de tous lesindividus qui la composent. Ce souvenir du sens profond de lacommunauté thérapeutique fit tomber toutes mes hésitations et mefournit l’inspiration pour créer l’environnement thérapeutique de Karen.

Les conditions de soin à domicile se concrétisèrent plus vite queprévu. En parallèle avec le travail que j’effectuais avec Karen à l’hôpital,je dirigeais un petit groupe de supervision constitué de huit étudiantsdiplômés en psychothérapie à l’Institut Naropa qui travaillaient tousauprès de personnes très perturbées dans divers environnements. Nousavions des rencontres hebdomadaires depuis deux ans pour partager nosexpériences. Le groupe était profondément soudé. Tous ses membresinitiaux et la plupart de ceux qui rejoignirent l’équipe de soin à domicileplus tard s’étaient formés pendant quelques années aux principes de laterre et du ciel. Nous étions bouddhistes, pratiquions la méditation

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assise d’attention-consciente et nous nous efforcions d’appliquer lapsychologie et le côté pratique du processus de méditation dans tous lesaspects de notre vie. L’une des influences clés sur le groupe fut l’étude etla pratique des « enseignements de Shambhala9 ». Il s’agit d’ensei-gnements anciens basés sur le bouddhisme et qui traitent de la créationde structures saines de société. Les enseignements de Shambhalaressemblent à ceux de Confucius dans le sens où la création d’un foyernaturellement équilibré est considérée comme un cheminement spirituelà part entière10.

Je parlai à ce groupe de l’idée que j’avais de signer une décharge pourKaren, afin qu’elle puisse quitter l’hôpital et je leur présentai mon projetde l’installer dans un « foyer thérapeutique ». À ma grande surprise, tousles membres du groupe voulurent faire partie de l’équipe thérapeutique.

Karen était partagée. Elle avait surtout peur de devoir entrer encontact avec autant de personnes nouvelles et elle se demandait ce qu’ilsallaient tous faire ensemble. C’était exactement la même question que seposait le groupe nouvellement constitué : « Quel est notre » travail « avecKaren ? Que sommes-nous censés faire ? ». Je n’avais pas de réponses àces questions ; j’avais confiance et je pensais que nous le découvririonsau fur et à mesure. Un soir, après une réunion de supervision, nous noussommes tous rendus à l’hôpital pour rencontrer Karen qui, pourl’occasion, s’était préparée en soignant sa tenue. Nous nous sommesréunis dans une grande salle, en cercle. Karen réagissait vis-à-vis dechacun des membres du groupe et exprimait ses sentiments de façon trèsdirecte et abrupte. La réunion était empreinte d’étrangeté, d’amitié et debonne humeur. Nous nous mîmes d’accord pour qu’à partir de ce jourl’un d’entre nous aille rendre visite à Karen à l’hôpital pendant troisheures, chaque jour. Il est inhabituel pour un hôpital d’accepter un typede traitement différent du sien mais l’administration accepta de bonnegrâce cet arrangement. Immédiatement après cette rencontre du groupeavec Karen, j’éprouvai un grand soulagement à l’idée que je n’étais plusseul dans mon travail avec elle.

En attendant, Andréa prit contact avec l’une de ses amies, Marcy,qu’elle pensait être la personne idéale pour remplir la fonction d’accom-pagnatrice du foyer thérapeutique. Marcy était tolérante, bienveillante etcapable de gérer un foyer. De plus, elle désirait quitter Los Angeles etchanger de vie. Marcy arriva à Boulder accompagnée de sa petite fille etde sa sœur, puis elle commença à rencontrer Karen à l’hôpital. Ellescherchèrent ensemble une maison à louer et en trouvèrent bientôt unepetite dans une rue bordée d’arbres. Deux semaines plus tard je signaiune décharge pour Karen à l’hôpital et, alors que nous étions en voiturevers sa nouvelle demeure, nous restions silencieux ; nous étions tousdeux dans l’incertitude quant à l’issue de cette aventure.

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Le projet Windhorse

Voilà que je me retrouvais subitement avec la responsabilité d’unautre foyer : non seulement je m’occupais de mon propre ménage ensupervisant le traitement de ma mère, mais à présent je me sentaisresponsable de Karen et de Marcy, ainsi que de l’enfant et de la sœurde cette dernière. La situation me forçait à prendre en considération laqualité des soins dont les patients avaient besoin ; il m’apparut évidentque le seul moyen de tout gérer était de mettre en application lamétaphore des cérémonies de guérison de Rosebud ; je devais élargirma vision du traitement et y inclure des foyers complets, plutôt que detraiter les patients un par un.

Notre petit groupe fut nommé « Windhorse » – Cheval du vent.Dans la tradition de Shambhala, le cheval du vent fait référence aucheval mythique (bien connu dans toute l’Asie Centrale) quichevauche le ciel, il symbolise l’énergie et la discipline présente enl’homme, qui permet d’accéder à l’élévation spirituelle ; le Cheval duvent (Tib. : lung.ta) est littéralement une énergie du corps et de l’espritqui peut être captée et mise au service du pouvoir de guérison pourvaincre la maladie ou la dépression. Un petit cheval du vent flottegénéralement sous forme de drapeau devant les maisons des villages auTibet, au Népal et dans le Nord de l’Inde pour symboliser l’union dela terre et du ciel au sein du foyer.

Lors de l’installation du foyer thérapeutique, les membres del’équipe ne se posaient plus aucune question quant à la nature del’accompagnement. Toute leur attention se tournait vers la constitutionde l’habitat : équiper la cuisine, trouver des meubles, déballer,nettoyer, faire les courses et aménager. Le travail était à la fois ardu etexaltant, il ressemblait à la restauration d’une vieille ferme : c’était unnouveau départ.

On peut comprendre qu’une femme comme Karen, aussi forte etathlétique fut-elle se fatigue facilement ; il était beaucoup plussurprenant cependant, qu’elle ait besoin de près de douze heures desommeil quotidien. Karen était elle-même en mesure de faire ladifférence entre le fait de passer son temps au lit par nécessité, ou parbesoin de se protéger du monde en se retirant dans son cocon. Elleressentait souvent une peur au réveil (« comme de l’eau glacée dans lesveines ») et devait alors rester blottie sous ses couvertures. Les peursde toutes sortes devinrent le sujet de conversation de nos rencontres.En état de psychose, elle faisait preuve d’une totale intrépidité, alorsqu’au cœur du processus de guérison l’effroi la tenaillait.

Notre cercle de guérison commença à prendre forme, lorsque latotalité de l’équipe – Karen et moi, le groupe des huit thérapeutes et les

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accompagnatrices de foyer (uniquement Marcy la plupart du temps)commença à se réunir chaque semaine. Il s’agissait au départ de réunionsconcernant l’organisation qui devinrent rapidement très intimes. Chaquefois que des membres de la famille nous rendaient visite, nous les rencon-trions dans le cadre de ce groupe. Ensemble, nous célébrions lesanniversaires et les vacances. Il n’y avait pas de formule type pour ce quenous faisions ensemble. Toutefois, chaque réunion de l’équipecomprenait une mise au point de la manière dont les membres de lamaison et ceux de l’équipe cohabitaient. Il était clair que Karen, suite à son« déséquilibre », souffrait d’un manque énorme de synchronisation entre lecorps et l’esprit, et, lorsque nous étions auprès d’elle, il nous arrivait d’expé-rimenter nous-mêmes ce manque de synchronisation. Par contre, nousétions en mesure d’y remédier et d’en parler ensemble pour déterminercomment transmettre cette connaissance à Karen.

Karen et son foyer n’étaient pas les seuls à tirer profit de cesdiscussions. Le foyer de chacun des membres du groupe montrait lescaractéristiques de l’environnement thérapeutique. Nous découvrîmesque nous étions à même de mettre en pratique, dans nos propres vies àla maison et dans nos relations, ce que nous apprenions au sein du groupede guérison. Mais, dans le même temps, nous étions très conscients deséruptions soudaines de la mentalité d’asile quand elles se présentaient ; eneffet, nous devions perpétuellement juguler nos tendances insidieuses àvouloir reproduire l’asile autour de Karen. Par exemple, notre orgueilsecret à réussir cette opération de sauvetage portait en lui le danger derepli du groupe sur lui-même, à l’écart du reste du monde.

Cette forme d’accompagnement avec Karen dura quatre mois pendantlesquels elle fut peu à peu préparée pour reprendre en main sa propre vie.Les efforts de l’équipe se ralentirent graduellement, elle s’en tira fort bien.Karen continua pendant les années qui suivirent à rester en lien avecplusieurs membres du groupe. Elle continua encore à vivre en compagniede Marcy pendant une année au cours de laquelle je poursuivis aussi montravail avec elle.

Avant même l’arrêt du foyer thérapeutique de Karen, nous avionsdécidé de créer un autre environnement dès que nous en aurionsl’occasion. C’est à ce moment-là qu’un jeune homme sur le point d’êtrelibéré de l’hôpital de l’Etat nous fut signalé. Un foyer fut constitué pourlui, ensuite un deuxième. Nous prîmes la décision de nous investir dansle développement de ce modèle thérapeutique. À un moment donné,nous disposions de cinq foyers de ce type fonctionnant simultanément,avec une équipe globale de plus de trente personnes. L’organisme futformellement appelé Services Psychologiques Maitri, & Co., (Maitri signifieamitié et chaleur) plus connu sous le nom de projet Windhorse.

Au cours des six années de vie de cet organisme, nous avons traité une

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douzaine de personnes suivant ce même processus. De notre point devue, le travail effectué fut une réussite : nous avons donné à tous nospatients une occasion merveilleuse de changer le cours d’une maladiechronique et, malgré de nombreuses difficultés, la plupart d’entre eux ysont parvenus. Nous sommes convaincus que tous ceux qui ont participéà notre communauté de guérison – les clients, leurs familles ainsi que lesmembres de l’équipe de soin – en ont pleinement bénéficié, au moinslors de notre travail ensemble. Les études sur le suivi indiquèrent que lamajorité de nos patients continuèrent à se rétablir en intégrant desprincipes de Windhorse dans leur vie.

Peu à peu, une discipline particulière se mit en place pour les théra-peutes de l’équipe dans le but d’aider les personnes en convalescence àacquérir une stabilité d’esprit et à être capables de reposer leur esprit danstous les aspects de la vie et ce, grâce à tout un ensemble de moyens.Il s’agissait des principes d’assistance de base que nous venions d’inventer.Les principes d’un foyer thérapeutique se développèrent à force de préserverfermement la santé physique et la raison mentale dans chacun desenvironnements de nos foyers. Ces principes sont présentés dans lesdeux chapitres suivants.

Pendant les six années qui suivirent, nous apprîmes beaucoup sur lessoins et le traitement des personnes souffrant de psychose. Chacunsentait à quel point l’amitié qui régnait entre les membres du groupe étaitimportante et comment elle avait profondément affecté nos vies. Il vasans dire que le travail était difficile et prenait énormément de temps.À tous moments, il y avait au moins un foyer qui était en crise et, lorsquedeux foyers en vivaient une simultanément, ma propre vie s’arrêtait net.

Sans le vouloir, nous avions créé une petite structure hospitalière avectous les problèmes que cela peut comporter. Au fil du temps, nous avonsconnu le poids des questions administratives communs à tout hôpitalmoderne, quel qu’en soit la taille : les règlements sociaux, le traitementdes salaires, les responsabilités médico-légales, les assurances multiples etleur paiement réglementaire, le marketing, etc. C’est ainsi que nous avonsdécouvert que seule une vigilance de tous les instants nous avait, durantcette période où nous avons été contraints de gérer une « entreprise »,permis de maintenir l’intégrité de notre programme de thérapie.

En fin de compte, vînt un temps où les trois foyers thérapeutiques enfonction approchèrent de leur fin au même rythme. Je pris alors ladifficile décision de ne plus accepter de nouveaux patients au lieu decontinuer à m’investir dans cette forme d’accueil – afin d’être en mesurede terminer notre travail auprès des patients restants et ensuite dedissoudre la communauté de soins. Mon dessein personnel était deprendre du temps pour intégrer cette expérience unique et de commu-niquer ce que j’avais appris en écrivant ce livre.

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Se libérer de la dépendance aux médicaments

Au moment de quitter l’hôpital, Karen était sous antipsychotiques(Stelazine, 80 mg par jour) à forte dose. Pendant la semaine qui suivit sonadmission au foyer Windhorse, je réduisis progressivement les dosesjusqu’à interrompre complètement le traitement au bout de trois mois.C’était un arrêt quelque peu rapide mais je sentais que Karen avait lecourage et l’état d’esprit adéquats pour le faire. Elle détestait lesmédicaments pour toutes les conséquences qu’ils avaient sur son corpset son esprit. La libération médicamenteuse ne demandait pas seulementun gros effort de sa part mais elle présentait également un risque pourl’équipe. Au sein du projet Windhorse, tous les patients ou presque aveclesquels nous avons travaillé se libérèrent plus ou moins de leurdépendance aux médicaments. C’était l’un des buts de Windhorse.

Actuellement, il existe un grand débat pour savoir s’il est envisageablede supprimer les médicaments aux patients qui ont un traitement delongue durée. Certains pensent que la vie du patient dépend de cettethérapeutique, d’autres vont même jusqu’à penser qu’un arrêt desmédicaments est moralement et professionnellement répréhensible. C’estune question complexe qui met en jeu la philosophie sur laquelle reposentles soins, la loi, les conventions sociales, ainsi qu’une gigantesque industriepsycho-pharmaceutique. Cet ensemble de facteurs sociaux expliquel’immense confusion qui règne à propos des médications. L’utilisationjudicieuse des substances médicamenteuses est actuellement le thèmeprincipal en matière de santé publique et de psychiatrie.

L’opinion contre l’arrêt des médicaments est contrebalancée par celle denombreux ex-patients qui, ont été forcés à en prendre, pendant delongues périodes et qui en connaissent les effets nocifs. En effet, pour lespersonnes prenant une médication de soutien prolongé, l’historique de laprise des substances médicamenteuses est étroitement liée à la psychoseelle-même. L’usage chronique de médicaments demande un réajustementde la micro-anatomie et de la physiologie du cerveau. Les substancess’incorporent au système cérébral et spirituel pour y installer un état d’ins-tabilité. Comme on l’a vu pour le « L-dopa », les patients ne peuvent plusvivre ni avec ni sans. Le désir brûlant d’être délivré de toute médicationdevient l’une des sources de motivation les plus puissantes. Ainsi, lavolonté de se délivrer des médicaments, et de leurs effets nocifs, peutdevenir aussi puissante que le désir de lutter contre la psychose elle-même.

Bien qu’on utilise ces substances depuis plus de trente ans, prati-quement aucun test pour mesurer leurs effets sur le psychisme n’a étéeffectué sur des sujets volontaires (non atteints de troubles mentaux).Il semblerait que la peur et l’aversion qu’inspire l’expérimentation deseffets provoqués par les anti-psychotiques soit encore bien plus terri-

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fiante que la crainte suscitée par les effets comparables à ceux de lapsychose, provoqués par l’absorption de drogues hallucinogènes.Pourtant, les anecdotes abondent et démontrent l’évidence : cesmédications causent de douloureuses et d’incompréhensibles douleursphysiques de même qu’une détérioration intellectuelle chez tous ceux quiles absorbent. (Ceci est facilement vérifiable. Chacun peut faire l’expé-rience de ces effets après avoir pris le traitement, ne serait-ce que pendantune période de quatre jours consécutifs, et certains affirment même queles effets sont déjà ressentis après une seule dose).

On sait actuellement que la thérapeutique médicamenteuse ne suffitpas à traiter la psychose et qu’elle n’a pas d’effet sur les phénomènesparticuliers tels que les voix, les visions et les délires. Les médicamentssont avant tout administrés pour exercer un contrôle sur le compor-tement. Cependant, il arrive parfois qu’ils calment effectivement« l’amplitude » des phénomènes sensoriels, ou qu’ils soulagent l’exci-tation et la panique liées à cette expérience extrême. La médication a sonrôle à jouer lorsqu’elle est prescrite avec grand soin ; c’est-à-dire, lorsqu’elleest administrée dans des doses aussi infimes que possible et qu’elle est interrompueprogressivement, dès que l’effet thérapeutique recherché est atteint. Elle peutpermettre au patient de vivre des moments relativement paisibles, où iln’est plus dominé par les phénomènes sensoriels impérieux, et où il peuttourner le dos aux exigences hallucinatoires qui le font exister « en deuxendroits à la fois ». De précieux instants de détente peuvent apparaître oùl’on peut commencer à évaluer à nouveau la réalité et regagner unsemblant de dignité, en n’apparaissant plus aux yeux d’autrui commeperpétuellement étourdi et distrait..

Cependant, pour ceux qui ne comptent que sur les médicaments,« l’autre monde » demeure juste en dessous de la surface. Ils trouvent quela qualité de vie dans l’autre monde devient de plus en plus pauvre. Unjeune homme que je n’avais pas revu pendant des années me prit à partlors de la soirée d’anniversaire d’un ami commun pour me confier à quelpoint la thérapeutique médicamenteuse avait eu un impact sur sa vie. Il était,en effet, transformé et paraissait plus âgé de vingt ans. Nous établîmes trèsvite la relation et nous retrouvâmes notre amitié d’antan, malgré le troubleque je ressentais. Depuis la dernière fois que je l’avais vu, il avaitcommencé un traitement médicamenteux et il tenait à partager tout desuite avec moi la synthèse de ses conclusions sur les effets desmédicaments. Il me confia que la thérapeutique n’avait pas mis fin à sesdélires de fuite et à ses interactions avec son autre monde exotique etorganisé mais qu’elle les avait transformés en une version de pacotille.En effet, pendant des années sa vie avait été régie par une relation orageuseavec une femme belle et puissante qui vivait dans la dimension cosmiquede son autre monde. Il disait que l’effet subtil de son traitement avait

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graduellement transformé cette femme en une épave exigeante. À présent,le seul pouvoir qui lui restait pour changer l’univers en un seul instantrésidait dans la capacité dérisoire qu’elle avait de le torturer. Je mequestionnai : Avait-il fallu cette perte de pouvoir pour rompre ce lien demaître à esclave ? Il me précisa, par la suite, que sa propre vie avaitcommencé à se détériorer également : il allait bien mais il avait peud’entrain car il se sentait appelé à vivre la même existence misérable qu’elle.

Voilà un type de guérison qu’induit la thérapeutique médicamenteuse,c’est une forme de guérison dont on m’a parlé à maintes reprises. Ellecomporte bien des variantes. Ainsi, une jeune lycéenne vint me consulterpour sa « dépression » et son incapacité à faire ses devoirs. Un anauparavant, elle avait pris du LSD, et cette expérience avait été terrifiante.Au début, elle se trouvait dans un état exalté : elle s’identifiait au messieenvoyé sur Terre pour venir en aide à tous les êtres humains. On l’avaithospitalisée pour une courte durée, on l’avait mise sous antipsychotiqueset renvoyée dans sa famille pour qu’elle « se rétablisse ». On lui avait ditqu’elle devrait prendre des médicaments pendant une longue période etque, si elle réduisait les doses, sa psychose latente, (que les profes-sionnels estimaient avoir été révélée par la prise de LSD), allaitréapparaître. Pour éviter ce risque, elle et sa famille décidèrent de jouer lacarte de la sécurité – le traitement médicamenteux ne fut jamaisinterrompu et elle se résigna à une dépendance à vie. Avec le temps, elleentra dans une dépression de plus en plus profonde du fait d’avoir perdula vie qu’elle connaissait antérieurement. Dès son plus jeune âge, elleavait étudié la musique avec beaucoup d’intérêt, elle peignait, elle étaitd’une nature pleine de vie et avait de nombreux amis. À présent, elleavait la hantise de se réveiller le matin, de devoir faire face à une journéede vide, d’ennui, de manque d’intérêt, submergée par la léthargie.Dès que j’entamai avec elle le protocole de diminution des médicaments,elle se mit à faire des rêves de jardin d’Eden où les gens étaientbienveillants les uns envers les autres et où elle retrouvait des éclairs desa joie perdue. Après deux mois d’arrêt complet des médicaments, elleretrouva son énergie passée et son exubérance.

De nombreuses expériences de ce genre ainsi que le succès que nousavons connu grâce à l’affranchissement du traitement médicamenteux deKaren, et d’autres encore m’ont amené à la conclusion que la théra-peutique médicamenteuse peut et doit être réduite lorsque les dispositifsappropriés sont mis en place et que les instructions sont bien comprises.Ces instructions ne figurent pas, peu importe les raisons, dans la « litté-rature scientifique ». J’ai personnellement trouvé la méthode la pluscomplète de retrait progressif des médicaments dans un petit manuel peuconnu, intitulé : « Les remèdes Psychiatriques » du Dr. Caligari, publié par lemouvement de défense des patients11. On y parle notamment de la

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« formule des 10 pour cent » : il s’agit de pratiquer une réduction, parsemaine, de 10% des doses initiales, pour autant que la réaction dupatient soit positive, avec des réductions plus faibles au fur et à mesureque l’on s’approche de la fin. Il est préférable que le patient ne soit passeul durant la période de diminution des doses. En ce qui concernel’expérience de Windhorse, toute l’équipe était à même d’appliquer ceprogramme et pouvait venir en aide au patient, selon ses besoins.On procédait ainsi à un contrôle permanent des effets physiques etpsychiques du plan de réduction.

La plupart des traitements médicaux consistent à modifier les schémasdes comportements et les habitudes alimentaires. Il s’agit de la méthodela plus douce et la première qui doit être appliquée à toutes lesaffections12. Des instructions diététiques plus poussées sont difficiles àétablir. Généralement, les personnes qui sont sous traitement prophy-lactique depuis des années ont une mauvaise alimentation, toujours à lalimite d’être toxique. Cela reflète le manque d’attention et de soins queles patients ont envers eux-mêmes, au point que la moindre modificationde régime alimentaire est vécue comme une intrusion à laquelle il fautrésister à tout prix. Cependant, l’effort de guérison, et surtout laréduction des médicaments, entraînent un processus de purification. Celademande un changement de comportement. Un régime « macro-biotique » approprié, propice à une désintoxication du corps est ce quej’ai trouvé de mieux. S’habituer à un tel régime est beaucoup plus facilequand tout le monde s’y met « à la maison ». Il existe également deuxremèdes de phytothérapie que j’ai souvent trouvés utiles : la valériane etle thé de racines bancha, en infusion, plusieurs fois par jour. La valérianeest connue pour son effet calmant sur le système nerveux (le seul remèdeque John Perceval trouvait utile pour lui-même) et le thé bancha est legrand « équilibreur » de la macrobiotique.

Lorsque la thérapeutique médicamenteuse est sur le point d’êtrestoppée, il est nécessaire de respecter quelques règles élémentairesd’hygiène de vie. Il est important de maintenir un certain niveaud’activité et d’exercice physique. Il est bon, par exemple, d’entreprendrede longues promenades, non seulement pour permettre au corpsd’éliminer les substances toxiques médicamenteuses, mais égalementpour vaincre l’état de léthargie, le manque de souplesse et les sensationsphysiques inconfortables. Cependant, comme l’indique le Dr. Cagliari :« Le principe de base reste la modération : reprenez vos activités demanière progressive ».

L’expérience du « décrochage » en lui-même est bien sûr très indivi-dualisé et dépend totalement de l’attitude, de l’état de santé (parexemple, la somme de substances toxiques médicamenteuses accumuléesdans les tissus), et de la maturité des personnes avec lesquelles on va

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cohabiter. Prenons l’exemple de quelqu’un que l’on aide à cesser l’usageprolongé de la Proxilin (ou fluphénazide hydrochloride 50 fois plus forteque la Thorazine). Certaines réactions physiques liées au sevrageressemblent étonnamment à celles provoquées par la désintoxication del’opium13. Elles peuvent atteindre leur paroxysme durant la premièresemaine et cesser graduellement : « elles se présentent comme dessymptômes de grippe, avec des nausées et des vomissements (parfoisimportants), de la transpiration, le nez qui coule, des insomnies, desdiarrhées, de l’agitation, des maux de tête et des douleurs diverses. Saufpour des vomissements importants, tous ces symptômes peuvent êtretraversés sans intervention spéciale »14.

Le phénomène d’agitation devra cependant être pris en considération.Les trépidations, tremblements, et autres formes d’agitation physique nesont pas uniquement un signe d’inconfort dans le corps mais ilsexpriment également des éclairs d’énergie apparaissant dans l’esprit.Chez certaines personnes sous médication depuis plus d’un an, unesimple réduction peut provoquer un accès d’accélération mentale inhabi-tuelle. Cet état va de pair avec une sensibilité extrême à l’environnementet surtout à la manière dont on est traité par autrui. On n’est plus docile,soumis, ni englouti dans « son propre monde ».

Dans cette optique, le retrait de la médication et l’état de conva-lescence de la psychose se rejoignent. Tous deux s’exposent à unesensibilité exacerbée. D’une manière ou d’une autre, le convalescentjette, généralement, un œil très critique sur le traitement qu’il a reçu.La liste est longue : l’amertume à propos de multiples échecs thérapeu-tiques le pousse à décrier toutes les personnes liées au « systèmeinstitutionnel » (services de crise, postes de police, services d’urgence,etc.). Il parle agressivement des fautes qu’il découvre, même celles del’enfance dont il se souvient à présent. John Perceval pensait que cetétat de véhémence indignée était un passage indispensable dans leprocessus de récupération psychique. Bien sûr, l’outrage peut aussi êtresa perte, et il se sent pris dans un cruel paradoxe : d’une part, sa colèrerisque d’enflammer l’accélération de son esprit qui, elle-même,provoque des déséquilibres importants, d’autre part, il sent que lacolère est le seul moyen qu’il a de se faire entendre et d’éviter lesinjustices et les erreurs détectées dans le traitement. Ce n’est passeulement la conséquence d’un phénomène classique qu’on appelle« psychose de retrait », au cours de laquelle des substances chimiquessont produites naturellement en raison de la suppression desmédicaments, ce qui entraîne un état d’excitation qui ressemble à l’étatpsychotique ; c’est le moment où s’effectue un réveil et une prise deconscience globale par rapport à l’environnement et aux conditions desouffrance auxquelles on a été soumis.

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Il craint que s’il supprime cette liberté nouvelle d’expression critique,il sera réduit à un état d’existence « débile » d’où il lui sera impossible deprogresser et dans lequel, une fois de plus, il tombera sous la tyrannie deson autre monde. Il pourra aussi se souvenir que, par le passé, lorsqu’ilavait réprimé son allégresse et son sens critique, il avait succombé à unedépression profonde, que l’on nomme « dépression post-psychotique ».Dans tous les cas de figure, la dépression semble inévitable au momentoù, au cœur des îlots de clarté, il se réveille, ayant perdu ses illusions,dans un sentiment d’humiliation et de culpabilité, avec la peur dumoment suivant et de comment vivre après ; il éprouve un sentiment depauvreté, de fragilité, une difficulté à aller de l’avant, de la nostalgie pourle pouvoir et pour le complexe de supériorité de la conscience« maniaque » ainsi qu’un sentiment de trahison par rapport à sonchangement d’allégeance qui l’écarte des protagonistes despotiques deson autre monde.

Les patients et les médecins semblent s’accorder pour dire que lesevrage soudain d’une longue thérapeutique médicamenteuse est unepratique naïve et dangereuse ; le choc subi par un système nerveuxintoxiqué est trop grand, et le contre coup peut être incontrôlable. Mêmele retrait en douceur des médicaments peut s’avérer difficile. Cependant,la personne qui s’affranchit progressivement peut apprendre beaucoup.Peu à peu, elle fait l’expérience des énergies de l’esprit libéré decontraintes. Dans de telles conditions, on peut entraîner son esprit àobserver les choses d’une nouvelle manière et à voir les changementssubtils qui s’opèrent dans la concentration et l’intensité émotionnelle. Untelle attention aux détails des changements réels qui ont lieu pendant lesevrage médicamenteux s’avère d’une grande importance au cours duprocessus global de guérison de l’état psychotique ; elle renforcel’aptitude qu’on a de différencier les événements mentaux et peut offrirun regard intérieur sur les modes de fonctionnement de l’être.

Lorsque le médecin et le patient sont d’accord pour le retrait desantipsychotiques, ils doivent s’entendre mutuellement sur ce qu’ils vontfaire. Cet accord est résumé dans le « mémo » suivant, écrit pour tous lesmembres de l’équipe des communautés Windhorse et pour leurs patients.

Guide de réduction des médicaments

Il y a, semble-t-il, deux manières possibles de diminuer lesmédicaments :

• La diminution nécessitée par une toxicité aiguë (ex : dommage dufoie, mouvements anormaux) ou par une toxicité plus diffuse (ex :nausées ou somnolence) liée au dosage médicamenteux excessif,

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lorsque cet excès rend le patient malade. Lorsque cela s’avèrepossible et tout en restant prudent, il faudra réduire ce dosage auminimum requis pour la stabilité du patient. Il n’est pas utiled’envisager une réduction à des doses plus faibles. Cela pourraéventuellement se faire plus tard.

• Une réduction lente et progressive dans un but thérapeutique. L’étatdu patient est stabilisé avec la dose actuelle et l’équipe de soin estd’accord pour entamer une réduction progressive. Cette démarche estlente : par exemple, le dosage peut progressivement être diminué de50%, être maintenu à ce niveau pendant un certain temps, êtrebrièvement augmenté si le besoin se fait sentir, et être réduit à zéro aumoment opportun. Pour éviter les effets secondaires et garantir lastabilité de l’état du patient, aucune médication ne doit être réduite deplus de 10% du dosage initial, par semaine.

En complément au processus de diminution des médicaments, il estfortement conseillé de mettre en pratique la nouvelle hygiène de vie etla discipline proposées ci-dessous. L’équipe de soin veillera à instaurerun changement de vie global et ne se contentera pas de faire avalermoins de comprimés au patient ; ce changement sera le principal sujetdes réunions de l’équipe et des sessions de soins de base. Lesinstructions générales données ci-dessous, bien qu’idéales, peuventnéanmoins être aménagées.

LE CORPS

1 Changement de régime alimentaire. Diminution de la consommationd’aliments aggravant la toxicité (viandes rouges, sucre, alcool, café) etconsommation accrue de nourritures purifiantes (thé de bancha,nourritures complètes telles que riz complet et légumes frais).

2 Augmentation d’exercice physique. L’activité physique accélère le processusd’élimination des toxines, améliore l’état général et permet de libérerle surplus d’énergie généré par la réduction médicamenteuse.

3 Prendre tous ses médicaments. L’ironie du sort veut que l’on soit contraintde prendre des médicaments pour s’en débarrasser. « Tricher » ourefuser de prendre ses médicaments de temps à autre sabote tout leprocessus de sevrage. Nous ne pouvons réduire progressivement laprise de médicaments qu’à condition de maîtriser la dose exacte prisepar le patient.

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4 Un environnement « aéré ». Nettoyer sa chambre, s’astreindre aux tâchesménagères, porter des vêtements propres et faire sa toilette sont despratiques particulièrement importantes pendant la phase de réduction.

LA PAROLE

La réduction des médicaments demande beaucoup d’ouverture et unebonne communication entre le patient, le personnel soignant, et lacommunauté au sens large. Si, par exemple, les membres de l’équipeestiment qu’un patient est dans une phase psychotique ascensionnelle,qu’il aurait besoin d’une légère augmentation médicamenteusependant un certain temps, et que le patient ne veut pas en entendreparler, cela risque de saper le processus de réduction. D’autre part, laréduction peut accroître la clarté d’esprit des patients de telle sortequ’ils vont remarquer certaines attitudes du personnel auxquelles ilsn’avaient pas prêté attention jusqu’ici. Si un patient se sent injustementtraité et se plaint d’un des membres de l’équipe, il est crucial qu’onl’écoute et que chacun des membres de l’équipe y soit réceptif. Deplus, la communauté entière doit comprendre comment fonctionne leprocessus de réduction et savoir qui réduit quoi. De cette manière,chacun se sentira honoré et fier d’appartenir à une telle structure.

L’ESPRIT

On peut s’entraîner à faire attention à une multitude de détails : cequ’on éprouve au réveil, les moments d’irritabilité, la manière dontl’esprit prend de la vitesse et comment il s’apaise, l’intensification de lademande intérieure et l’importance de l’attention au monde visuel etsonore. En analysant ces états d’esprit ainsi que les sensations corpo-relles et les émotions, nous pouvons comprendre comment nousaffectent la médication, le régime alimentaire, ou encore l’exercicephysique15.

La prescription et le retrait des médicaments peuvent être simplifiés sion comprend l’utilité de prendre ces produits. Il n’en demeure pas moinsque le médicament doit apporter une réponse à la souffrance du patientà un moment donné. Lors du processus de guérison de la psychose, il n’ya rien de plus déroutant que le combat du fait de « vivre à deux endroitsà la fois ». Une personne dans le processus de rétablissement peutprogresser très positivement mais se trouver confrontée à une grandepeur qui la « déséquilibre » et la ramène à la présence exigeante de cetautre monde, celui qu’elle pensait avoir laissé derrière elle comme unancien cauchemar.

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Une journaliste d’un magazine britannique a relaté l’histoire troublantedu monde scindé dans lequel elle se trouvait pendant sa maladie. Ainsi,après avoir passé de nombreuses nuits sans sommeil à travailler sur unarticle traitant de la « possession par les esprits », et alors qu’elle rentraitchez elle un soir, elle fit une crise et fut prise d’une « urgence de trans-formation » : « J’aspirais à me libérer de tout. J’avais le désir de medébarrasser de mon corps tout entier, simplement par la volonté.L’intensité de ce désir m’en donna le vertige16. » Cette nuit-là, elle seréveilla en pleine scission d’elle-même en trois dimensions différentes, ducorps solide au corps « éthérique » et jusqu’au corps « spirituel ». Pendantles deux jours qui suivirent, elle se retrouva dans un état d’hébétudesensorielle dans lequel toutes ses pensées se matérialisaient en réalitépalpable. En quelques jours, la psychose prit forme : un démon avaitpénétré son corps, l’avait séduite et, à présent, elle était forcée de porterun enfant-démon.

Plus tard, il y eut des milliers de voix et son autre monde prit une plusgrande importance, une forme plus complexe et il comprenait denombreux personnages. Durant de très longues périodes, elle vivaitexclusivement dans ce monde et, par intervalles, passait par des phasesde cris et de hurlements à vous glacer le sang et elle expérimentait lestourments liés à la vie dans le monde des « enfers ». « À ces moments-là, dit-elle, où j’étais parfaitement consciente que j’étais devenue folle…le morcellement indescriptible de ma substance cérébrale par les cris deces voix me rendait pleinement consciente du fait que j’étais devenuefolle17 ». Puis elle se perdit complètement et plongea dans un délireinconscient. La conscience qu’elle avait de sa situation fluctuait.

Elle fut transportée à l’hôpital où elle vécut des expériences très lucidesde sa mort et de sa résurrection, elle se vit, à plusieurs reprises, pulvériséeen poussière et reconstituée. Divers états de conscience, jusqu’à l’état detranse, la dominaient ou disparaissaient totalement. Une fois, parexemple, elle perdit totalement la conscience de son corps pendant desjours entiers alors que sa conscience auditive s’absorbait dans l’halluci-nation perpétuelle du même morceau de musique.

Elle s’empêtrait dans les voix qui l’attaquaient, lui donnaient desordres, la possédaient et lui promettaient la damnation ou la béatifi-cation. Elle se défendait continuellement contre elles, essayant deraisonner et d’argumenter, jusqu’à l’abdication finale où elle finissait parfaire ce qu’elles exigeaient d’elle, y compris les choses les plus ridicules.Tout cela avait lieu dans l’autre monde qu’elle appelait « le monde pensé ».Son corps était inanimé et elle semblait morte. Deux semaines plus tard :« Un soir, soudain, je me suis réveillée avec ma conscience normale– je veux dire avec la conscience de mon environnement physique réel etje me suis retrouvée en dehors du lit avec une infirmière à chaque bras

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pour me soutenir. Je me souvenais de tout ce qui s’était passé et je mesentais tellement faible et malade, je pouvais à peine m’asseoir.18 »

Le choc d’une telle prise de conscience, suivi d’une réaction immédiated’horreur et de dégoût, provoqua une rechute immédiate. Les voixréapparurent, plus séduisantes et tourmentantes que jamais. Il y eut alorsd’autres îlots éphémères de conscience qui, eux aussi, se voilaientrapidement. Bientôt les intervalles « lucides » se firent plus nombreux :« Au cours des jours qui suivirent, je commençai à gagner en conscience(uniquement par intervalles, de manière très fragmentée). » Elle étaitpersuadée que les médicaments (probablement des bromures) qu’elleétait obligée de prendre lui faisaient perdre cette conscience. Chaque foisqu’elle prenait le médicament, son « cœur s’arrêtait » et elle se perdaitdans l’activité frénétique du « monde pensé ».

Les îlots se rassemblaient pour culminer dans l’expérience singulièred’un « déclic » entre le physique et le mental. À ce moment-là, elle nepouvait que spéculer sur ce qui était en train de se passer, et elle nommace phénomène le « temps de guérison ». Par la suite, elle développa sapropre théorie – une « méta-neurologie », comme Custance l’auraitappelée – basée sur des expériences corporelles exquises. Elle élaboraitdes théories qu’elle estimait avoir une valeur « scientifique » au sujet d’unétat particulier de « déséquilibre ». En bref, il s’agit d’une « dislocation ducerveau qui a lieu pendant les phases de psychose maniaque aiguë, etnulle personne ne peut « recouvrer la raison », avant que cette dislocationne soit réparée19 ». De son point de vue, la perte de la raison est une fortedésynchronisation entre le corps et l’esprit. La conscience de soi se séparedu corps physique. Le corps physique est séparé du corps« éthérique »(une autre expression qui veut dire être à deux endroits à lafois). Elle dit que cela peut se passer par paliers : « Le problème de lafolie, c’est qu’une séparation a lieu entre deux « strates » (le physique etl’éthérique) qui ne devraient jamais se séparer au cours de la vie physiqueet qui ne peuvent être séparés, en partie, sans causer de dommagecorporel sérieux, ou en totalité, sans causer la mort.20 »

De tels rapports nous conduisent à énoncer une règle générale : Toutce qui facilite la synchronisation du corps et de l’esprit favorise ledéveloppement des îlots de clarté, et tout ce qui induit ou accentue laséparation entre corps et esprit peut représenter un obstacle fatal aurétablissement.

Peut-il exister un remède pour cela ? Ne serait-il pas plus utile derechercher un tel remède plutôt que de poursuivre la rechercheuniquement dans le domaine des substances chimiques qui ne cessent dedésorganiser les circuits neurologiques ? Il paraît qu’un tel remède aexisté, le « Sanjivani » : une drogue employée depuis des temps anciensen Inde pour sa capacité de « ramener » l’esprit dans le corps et de les

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relier ensemble –leur assurant ainsi l’union normale qui leur estindispensable. Il est dit que ce remède a pour effet ou pour propriété de« ramener » la conscience qui a été « chassée » par un anesthésiant ouautre chose21.

Qu’est-ce que le Sanjivani ? Quelle est sa composition ? Personne nesemble savoir si le Sanjivani existe ou s’il a vraiment existé. Aucunherboriste indien ou tibétain que j’ai questionné n’en a entendu parler. Ilest dit dans la mythologie hindoue qu’il s’agirait d’une plante del’Himalaya qui poussait sur le versant Sud de certaines montagnes. Mêmele dieu hindou, Hanuman, ne put la trouver. Le Seigneur Krishna lui avaitordonné d’en faire la cueillette pour lui. Hanuman trouva la montagnemais ne put identifier la plante en question, à la place, il ramena lamontagne tout entière. Même s’il s’agit d’un remède mythique, il paraîtbien être idéal pour traiter le problème corps-esprit de la psychose.

Le Retournement d’Allégeance

La synchronisation entre le corps et l’esprit est la notion-clé dutraitement de Windhorse. On y parvient en grande partie au moyen destâches domestiques courantes inhérentes à toute situation de vie. Cela n’arien d’exotique par rapport aux principes profonds contenus dansl’union du ciel et de la terre dont il a été question, où il s’est agi d’équi-librer l’esprit avec l’environnement. Le « travail » effectif avec les patientsd’un point de vue Windhorse est curieusement très pragmatique, trèsconcret et terre à terre. La connexion avec la « terre » et ses qualités, dansnotre monde ou n’importe quel « autre monde », peut, en fait, se faire àtravers des actes tels que préparer les repas, nettoyer, jardiner, entretenirla maison, etc. L’aspect intérieur de telles activités réside dans la relationque l’on maintient avec tous les organes des sens, même lorsqu’ils sontdans un chamboulement intense.

Lorsqu’on est pris dans le combat entre « ce » monde et « l’autre »(le « monde pensé ») tout ce qui stimule les sens procure quelque chosede « réel » ou de concret pour le travail sur soi. Le côté utile et intéressanten ce qui concerne les tâches quotidiennes est qu’elles sont tellementordinaires et d’une telle simplicité qu’elles font rarement l’objet d’inter-férences de la part de l’autre monde. Leur simplicité et leur peu decontenu intellectuel laissent peu de place au trouble psychotique.

Cette synchronisation par le travail quotidien peut se résumer par leslogan : « applique-toi à nettoyer derrière toi ». Il s’agit là d’un leitmotivcommun aux centres de traitement. Cela fait non seulement référence aucadre, comme par exemple dans une cuisine communautaire, mais c’estégalement une métaphore pour la conduite à adopter dans ses relationsavec autrui et avec son propre esprit.

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Il est évident que l’esprit et l’environnement sont en interactioncontinue et subtile, même inconsciemment. Lorsque nous pénétronsdans un nouvel environnement, celui-ci a un impact sur nous– les couleurs, la lumière, l’espace, le mobilier, les textures, les odeurs, etle cadre dans son ensemble. Cela peut même s’avérer étonnant ettroublant et, d’une manière ou d’une autre, a un impact certain, bien queparfois inconscient, sur notre état d’esprit. Des chambres différentesnous affectent différemment. Entrer dans une pièce claire et aérée, on lesait bien, nous affecte instantanément de manière différente qu’entrerdans une cellule sombre et cloîtrée. Nous savons que les scénarios ouhistoires que nous pouvons ressentir ou élaborer seront différents sinous nous rendons dans un hospice pour personnes âgées, un asile, unghetto, un motel, une salle de concert ou une cathédrale. Avant mêmed’y pénétrer, un changement s’opère dans notre état d’esprit. Nous n’enconnaissons pas clairement la raison comme nous ignorons commentfonctionne cette interdépendance. Pourtant, cela vaut la peine d’êtreobservé car la simple prise de conscience de l’interaction entre l’esprit etl’environnement a tendance à nous rendre plus attentifs à ce dernier demanière générale. Cette question avait une grande importance dans lecontexte de Windhorse puisque notre intention était précisément defaçonner des environnements de personnes et de structures, danslesquels des îlots de clarté pouvaient apparaître au grand jour. C’était labase même de notre mission.

Voilà pourquoi le personnel de Windhorse s’entraînait aux subtilitésde l’attention à l’environnement, d’une manière très inhabituelle, par lapratique de « la conscience Maitri de l’espace » pendant la méditationassise d’attention consciente, dans le contexte d’une communauté réduitede personnes effectuant la même recherche. La pratique se déroule àl’intérieur de cinq espaces spécialement conçus, chacun ayant une archi-tecture, une couleur, un éclairage et une teneur émotionnelle différents.Une posture spécifique est maintenue dans chacun de ces environnements.Chaque espace met l’accent sur l’une des cinq qualités principales d’énergieque l’on nomme « familles de Bouddha ». Elles sont associées à descouleurs, à des éléments naturels, à des paysages, à des saisons, à des typesde personnalité, à des zones corporelles et à des phases du développementpsychologique22. « L’Espace Vajra » est d’un profond bleu royal, inondéd’une lumière bleue cristalline coulant au travers de fenêtres en forme defentes. « L’Espace Ratna » est d’un jaune majestueux baigné d’une lumièrechaude et dorée provenant de grandes fenêtres rondes. « L’Espace Padma »est rouge feu, illuminé d’un rayonnement rougeoyant émis par des grandesfenêtres rectangulaires. « L’Espace Karma » est de couleur vert forêt avecune lumière verte, émise à son sommet. « L’Espace Bouddha » est blanc,indirectement illuminé de blanc tamisé.

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L’expérience qui est faite de son corps, de son esprit et de sa relationà l’environnement dans de tels espaces a pour effet d’intensifier lesdiverses qualités d’énergie à l’intérieur de nous. L’expérience directe, à lafois de l’aspect « névrotique « et de l’aspect « sain » de chaque énergiepeut ainsi être ressentie et reconnue. Cela a pour effet de développer laperception des énergies que dégagent divers espaces.

Au niveau le plus subtil, cette pratique consiste à observer la relationentre l’élément de l’espace et notre esprit. En effet, nous n’avons paspour habitude de considérer l’espace en tant qu’élément. Même dans lestraditions médicales les plus anciennes, on trouve la terre, l’eau, le feu etl’air ou le vent. Ici, il existe un élément supplémentaire : l’espace. Il estassocié à « l’Espace Bouddha ». Vous prenez la posture agenouillée survos coudes, les mains supportant paresseusement la tête sous le menton,et vous faites comme vous pouvez pour la maintenir pendant 45 minutes.Votre regard est diffus mais concentré sur le mur blanc à un mètre devantvous. Dans cet espace, la panoplie des divers états de l’indifférences’élève – depuis le sentiment de l’ordinaire jusqu’à l’ennui prononcé –emplis de représentations mentales dramatiques. Au cœur de toutes cesreprésentations, il s’agit pour le pratiquant – tout comme dans tous lesautres espaces – de revenir à la conscience de l’environnement :l’attention à la couleur, la texture, l’espace environnant et la posturespécifique correspondante. Ceci s’appuie sur un principe naturel : l’envi-ronnement et l’espace nous « sortent de nous-mêmes » de manièrespontanée pour nous extraire de notre rêverie et nous plonger dans « l’iciet maintenant », « la présence ». Telle est la réelle signification del’expression « retrouver ses sens ». La prise de conscience de l’espace a uncertain « pouvoir ». Cette conscience est un aspect fondamental de notre« intelligence » – vous pourriez l’appeler la sagesse de l’espace – et elle està la source de ce que nous avons appelé les « îlots de clarté » au cours del’expérience de guérison.

Il est très rare que dans la médecine occidentale, on enseigne à unepersonne qui se trouve en phase de rétablissement d’une psychose, lamanière de gérer son esprit. C’est compréhensible, dans la mesure où lapsychologie et la psychiatrie contemporaines attachent une grandeimportance au contenu de l’esprit mais très peu au « processus » mental.La plupart des traitements psychologiques modernes procèdent àl’envers : ils explorent les conflits émotionnels, les antécédentsindividuels et d’autres choses, ce qui empêche le patient de travailler avecles petits détails qui se passent dans son corps, son environnement et sesrelations. Cependant, dans le type de traitement que je préconise, letravail repose d’abord sur le monde extérieur du patient et procède del’extérieur vers l’intérieur. Comme pour la méditation, la première étapeconsiste à favoriser l’attention par un environnement étudié. Alors vous

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« prenez votre place » confortablement dans cet environnement, vousajustez votre posture pour la rendre digne et droite, et ensuite vous faitesattention au mouvement de votre respiration et au flux du contenu mental.Vous développez d’abord l’attention aux détails du monde extérieur puis,naturellement, vous entrez en relation avec l’état de votre esprit23.

Dans le chapitre précédent, je vous ai donné des mesures d’urgence, àappliquer lorsque les personnes sont en état de dérangement mentalintense. À présent, j’aimerais vous donner des instructions quiconcernent plus spécifiquement les soins à apporter à l’esprit despersonnes qui sont en phase de rétablissement.

En règle générale, prendre soin de son esprit consiste à utiliser sacapacité à ramener continuellement l’attention de l’esprit distrait et de lemaintenir concentré en un point. Selon William James, c’est une capacitédifficile à développer : « la faculté de ramener volontairement uneattention qui s’éparpille tout le temps constitue la racine même dujugement, du caractère et de la volonté. Nul n’est entier qui ne le possède.L’éducation qui améliorerait cette faculté serait l’éducation par excellence.Cependant, il est plus facile de définir cet idéal que de donner desindications pratiques pour l’atteindre24». Dans le contexte du traitementWindhorse, prodiguer des instructions précises pour favoriser ledéveloppement de cette faculté d’attention aux patients est une desspécialités de l’équipe de thérapeutes. Ils sont en mesure de transmettrecette connaissance dans le cadre de la discipline de vie quotidienne.

Une compréhension de base de la psychologie de l’attention permetd’y parvenir. Le personnel Windhorse, constitué d’équipes différentes, amis en pratique la méditation de l’attention consciente, le plus souventde manière individuelle mais parfois aussi en groupe. Et, parce que noussommes des psychologues et des thérapeutes, nous étudions aussi la« psychologie » de la méditation – une « micro-psychologie » – qui est undéveloppement issu du laboratoire expérimental qu’est la méditation25.Certains aspects de cette méditation sont particulièrement importantspour nous, par exemple : la coordination du corps, du souffle, du langageet de l’activité mentale. En quelques mots, la synchronisation corps-espritconsiste à être conscient du corps, de l’esprit et, en même temps, del’activité qu’on entreprend. Cette sorte de « mise au point » et cette qualitéde présence sont une clé de la pratique de méditation de l’attentionconsciente. De cette discipline « racine » formelle naît la compréhensionqui permet d’appliquer ce genre de mise au point à toutes les autresactivités quotidiennes. On appelle cela la « méditation en action ».

La pratique formelle de la méditation, c’est aussi le « repos de l’esprit ».Ce sentiment de repos veut dire calmer l’esprit, ne pas tenter de « fairequelque chose » avec lui, laisser les choses être telles qu’elles sont. Celasignifie permettre au flot naturel de la pensée d’apparaître et de dispa-

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raître, sans s’attarder à aucune image mentale ou à aucun bavardageintérieur. Ce repos, lorsqu’il est mis en pratique correctement, conduit àla détente physique. C’est la raison pour laquelle on l’appelle la pratiquede « la tranquillité » ou de « demeurer dans la tranquillité ».

Les thérapeutes des équipes Windhorse aspiraient à pouvoir offrir àleurs patients les moyens de détendre leur corps et leur esprit. Ceux quisouffrent de l’envahissement par l’accélération des pensées et les élans degrandeur semblent avoir peu l’occasion d’un répit mental et physique. Sil’on considère l’univers des psychotiques, on trouve toujours, à travers letemps, toute une panoplie de méthodes personnelles qui sont destentatives désespérées de calmer l’esprit, pour se débarrasser des penséeset des sentiments indésirables. Bien que ces tentatives de « self-control »soient parfois ingénieuses, elles échouent le plus souvent ; il y a commeune usure à inventer de nouveaux « trucs » qui frisent la caricature ou lesstéréotypes26. Au lieu de révéler un interlude de paix et de tranquillité,cela se transforme en combat contre son propre esprit. Il y a la fameuseétude menée par Sigmund FREUD intitulée « l’homme aux rats » quidécrit clairement comment son patient maniaque et obsédé essayaitdésespérément d’arrêter le flot de ses pensées infernales en récitant à toutevitesse le « Notre Père ». Comme il n’obtenait pas de résultat, il essaya dese calmer en le récitant à l’envers. John Perceval avait fait la même chose.

Le personnel Windhorse était face à un dilemme de même ordre enversles patients : nous voulions leur apprendre la tranquillité de l’esprit maisnous étions conscients que cela pouvait être dangereux. Mal transmise, aumauvais moment, faite dans une intention agressive, ou mal comprise etprise pour une forme de « transformation », la pratique de l’attention peutêtre pervertie en une pratique de l’inattention. Ce dilemme amena à degrandes discussions cliniques très techniques parmi les membres dupersonnel sur le bien fondé et l’utilité de la méditation de l’attentionconsciente pour les personnes « grandement perturbées ». C’est unequestion qui a été soulevée par les thérapeutes soucieux d’unir leurpratique personnelle de méditation avec leur pratique interpersonnelle depsychothérapie27.

Cependant, notre expérience nous montra qu’il n’y a pas de formulesimple pour initier nos patients à la méditation – c’est une affairepersonnelle qui soulève beaucoup de questions. Comment nous protégercontre l’utilisation de la méditation comme une « pilule » de plus ou unealternative « thérapeutique » ? Comment employer la méditation dans uncadre thérapeutique alors que le chemin personnel de méditation est bienplus vaste que n’importe quelle thérapie ? Comment être en mesure demodifier la technique pour la rendre moins problématique, sans la dilueren même temps ? Et puis, il y avait la question la plus subtile de toutes :l’enseignement de la méditation et des techniques afférentes ne seront-

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elles pas perçues par les patients comme une version déguisée de la« mentalité asilaire » où, par frustration et autosatisfaction, on se met àprescrire une façon de vivre ?

Nous n’avons transmis des instructions de méditation aux patients qu’àpartir du moment où ils ont fait preuve d’intérêt réel pour travailler sureux-mêmes. D’autre part, les enseignements étaient toujours transmis pardes personnes étrangères à la communauté Windhorse. De cette manière,d’une part la pratique de la méditation restait séparée du traitement et,d’autre part, par ce biais la communauté des personnes fréquentées par lespatients s’élargissait. Il y eut toutes sortes de réactions : certains commen-cèrent la pratique immédiatement, d’autres en étaient incapables à causede leur agitation, d’autres encore ne débutèrent que lorsqu’elles n’eurentplus besoin de traitement, parfois des années plus tard.

L’expérience que nous avons effectuée sur des personnes en phase derétablissement au sein du projet Windhorse mène à la conclusionsuivante : à partir du moment où l’on atteint un état de guérison assezstable, il est essentiel de prendre la responsabilité de la maîtrise de sonesprit. On a besoin d’un certain entraînement de l’esprit, c’est le seulmoyen de rompre les liens fragilisés dans la réaction en chaîne de lapsychose. Il faut rappeler que, dans ce cas précis, nous traitons de lamicro-psychologie qui fondamentalement ne peut être influencée que parle patient lui-même.

Le célèbre psychiatre et hypnotiseur français du XIXe siècle, Jean-Martin Charcot, disait : « Il y a un moment particulier entre la santé et lamaladie où tout dépend du patient.28 » Cette observation est d’autant plustouchante, si l’on pense que Charcot est considéré comme le championde la théorie organique, dégénérative et héréditaire de la psychose et del’hystérie. Même lui estimait qu’en fin de compte, la guérison dépendaitdes efforts personnels du patient. L’une des patientes qui s’était rétablie dela psychose appela cet effort « l’état constant de vigilance », du fait que,rétrospectivement, on peut être surpris de constater qu’il y a toujours eudes îlots de clarté tout au long de la maladie et, ce bien avant que l’on s’enaperçoive29.

Cet effort requiert également une attention soutenue et nécessite decontrôler la réaction en chaîne de l’état psychotique. D’après l’étude qu’ena faite Henri Michaux, cette conscience psychotique n’est rien d’autre quede l’attachement envers le pouvoir fascinant qu’exerce l’environnementde l’état second, avec une tendance à la transe qu’induisent les effetspersistants du « déséquilibre » et qui résulte d’une intensification de l’ego.C’est la tendance à s’attacher aux pensées et aux émotions et à s’yidentifier qui est à la racine de la réaction en chaîne de la psychose, et c’estcette tendance qui est la plus directement tranchée par la pratique de laméditation.

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Une personne en voie de rétablissement a déclaré que « la maladie estla manifestation d’une faiblesse mentale et la santé n’est là que si l’on vitbien30 ». De ce point de vue, il est important qu’à un certain moment,dans le processus de rétablissement de la psychose l’on s’engage dansune forme de discipline qui puisse provoquer un ralentissement de l’accé-lération de l’esprit et affaiblir les habitudes internes puissantes del’attachement et de la transe qui en découlent. Il faut souligner combienle rétablissement devient un effort continuel et non une guérisondéfinitive qu’on atteint une fois pour toutes.

Que peut-on faire soi-même et tout seul ? Nous sommes parfaitementéquipés, tout ce qu’il nous faut c’est un retournement d’allégeance denotre part vers la notion de « vivre bien » et cultiver sa raison et sa santé.Cela demande un pas vers le développement de la « présence d’esprit »,antidote radical au sentiment de se sentir à deux endroits à la fois.

Des méthodes pour parvenir à cette présence consciente nous ont étéproposées par le biais de pratiques telles que le Tai Chi Chuan, le tir àl’arc Zen, l’Aikido, le Hatha-Yoga, l’art floral japonais Ikebana et la calli-graphie. Ces pratiques contribuent au ralentissement de l’accélérationmentale et ouvrent à l’observation de l’esprit. Si l’on étudie la micro-psychologie de l’attachement, beaucoup d’autres disciplines ordinaires(le dessin, la danse, la musique, etc.) peuvent également devenir desvéhicules pour le développement du non-attachement. Dans le cadre duprojet Windhorse, dès le début d’un traitement et même pendant lesstades des crises les plus aiguës, nous conservions une attitude de non-attachement grâce aux « disciplines domestiques », ce qui avait pour effetde renforcer la capacité du patient à dominer la dispersion de ses penséeset leurs interférences. Les membres du personnel qui ont fait partie deséquipes du type de traitement Windhorse devraient être en mesure de sefamiliariser avec les nombreuses méthodes de synchronisation existantentre le corps et l’esprit.

J’irai plus loin encore en affirmant que cette attitude devrait êtreadoptée même dans les moments de clarté qui, eux aussi, sont àabandonner. La tendance à tomber dans la fascination des expériences declarté et de bien-être et, à s’y agripper désespérément est l’instigateurprincipal de ce qu’on a appelé le « rétablissement sauvage à laJohn Custance ».

Il existe, en fait, des « exercices » pratiques très simples qui s’avèrentutiles dans le perfectionnement du non-attachement. En voici un quej’ai utilisé moi-même et qui est issu du yoga. Il s’agit d’une simpletorsion de la colonne vertébrale, à pratiquer après un léger échauf-fement du dos : debout, les yeux ouverts, les pieds écartés, les brasétendus à l’horizontale de chaque côté ; en expirant, faites lentementpivoter le torse d’un côté en tournant la tête dans la même direction ;

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en inspirant revenir au centre et expirer en effectuant la même torsionde l’autre côté. Pendant l’exercice, il faut cligner des yeux de manièresoutenue en se focalisant momentanément sur chaque point de contactvisuel – pendant que votre regard croise la texture du mur, une image,la fenêtre, l’horizon puis le mur. Cela peut aussi se faire assis par terreou sur une chaise. On tourne alors tout simplement la tête d’un côté etde l’autre. On peut effectuer cet exercice quelques minutes, plusieursfois par jour. Le but est de nous faire constamment avancer et de nouspermettre de lâcher prise à nos attachements visuels ainsi qu’au contenumental qu’ils évoquent.

Les exercices respiratoires pour développer l’attention et le non-attachement sont connus de toutes les traditions. John Perceval disait quesa pratique spontanée du contrôle respiratoire avait un effet régulateursur son esprit et qu’elle avait énormément contribué à sa guérison.Le maître Zen Thich Nhat Hanh appelle cette technique « prendre enmain sa respiration » : « vous devez savoir comment respirer pourmaintenir l’attention, puisque la respiration est un outil naturel et extrê-mement efficace qui peut empêcher la dispersion, elle est un pont reliantla vie à la conscience qui unit votre corps à des pensées. Chaque fois quevotre esprit s’éparpille, utilisez la respiration comme moyen pour lareprendre en main31 ». Thich Nhat Hanh conseille de compter les respi-rations comme il est enseigné dans les exercices de prana yoga : les yeuxfermés, comptez en silence et familiarisez-vous avec la longueur del’inspiration et de l’expiration naturelle ; soyez vigilant et sentez latexture des sensations physiques que donne la respiration ; peu à peuallongez chaque respiration et respirez de manière égale pendant unedurée de six à huit cycles d’inspiration et d’expiration ; les pensées vontet viennent – de puissantes pensées, d’autres pensées plus légères, celan’a aucune importance – laissez-les faire et revenez simplement auxsensations que procure la respiration. C’est ce que l’on appelle la pratiquedu non-attachement par la respiration. On peut le faire plusieurs fois parjour, assis ou couché, avec de dix à vingt cycles de respirations complètes.

La douceur est de rigueur pour ce genre de pratique ; agir doucementavec son corps, avec sa respiration et son esprit. L’effort ou l’énergiedépensée n’est pas de nature agressive. On ne tente pas d’atteindrequelque chose, de s’améliorer, d’être parfait ou d’augmenter sa puissance,autant d’attitudes insidieuses propres à un « désir imminent de transfor-mation » décrit par Donald Crowhurst.

Toutefois, l’autre monde, lui, n’est pas très modéré. Souvent, la vie dansle « monde des pensées » est remplie d’agressivité dirigée contre soi-même. Prenez par exemple les « voix tentatrices », elles peuvent êtreinsupportables ; or, l’on ne connaît pas de médicament à même de lesfaire taire très longtemps. Comment s’en détourne-t-on ?

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Même lorsque l’on fait un mauvais rêve ou un cauchemar, il arrive quel’on puisse tout simplement s’en extraire, mais on a l’impression que celademande un effort incroyable. De plus, dans les cas très rares où l’on seréveille d’un rêve alors que l’influence de celui-ci persiste, il semble que celademande un effort considérable pour ne pas y retomber. Parfois nous faisonsl’expérience d’une rêverie éveillée si forte qu’elle nécessite que l’on s’en« arrache » pour en sortir. De ces expériences, nous pouvons déduire que sedétacher de l’autre monde nécessite également un certain degré de violence.

Toutefois, lors d’un cauchemar, l’agressivité s’oppose souvent à cellequ’elle reçoit en retour. Lorsque vous tentez de vous énerver contrel’oppression, elle se retourne contre vous avec une force égale. En étatsecond, quelle que soit la manière dont vous y pénétrez, lorsque vousessayer de bannir une pensée ou une émotion, celle-ci revient comme unepersécution. J’ai entendu des thérapeutes me dire que lorsque vous voustrouvez continuellement assiégé par les voix de l’autre monde qui voustourmentent, vous pouvez tenter de leur hurler de « foutre le camp » ; celarisque de marcher pour vous donner l’impression fugitive que vous avezun pouvoir sur l’autre monde, mais ensuite les voix reviennent et unesorte de jeu s’instaure. Perceval fit l’observation que, lorsqu’il attaquait sesvoix de front, il devenait « plus fou que jamais » et, plus tard, il adoptal’attitude plus passive de « ne pas s’en mêler ».

L’agressivité que l’on manifeste par rapport à l’autre monde est fonda-mentalement de l’agressivité envers son propre esprit ; elle ne peut quedonner des résultats néfastes. Seules la douceur et la légèreté rendentpossibles un détournement de l’autre monde. La tradition médicale tibétaineva plus loin dans ce sens : lorsque l’on sent que l’on est sous l’influence desêtres de l’autre monde, il est conseillé d’éprouver de la compassion à leurégard puisqu’ils n’attaquent que sous l’influence de leur propre désarroi.

Ainsi, dans la durée, un traitement de type Windhorse peut fournirl’occasion de renverser ou de transmuter chaque composante du« cocktail » provocateur de la psychose : le manque d’attention, par lasynchronisation entre le corps et l’esprit ; les médicaments, par le régimealimentaire et un dosage adapté ; l’effort, par l’attention au calme del’esprit ; l’intention, par un retournement d’allégeance envers sa propresanté et sa raison ; la difficulté de la situation en général, par la simplicitéet la dignité de l’environnement thérapeutique. Parce que les personnesen phase de rétablissement psychotique ont tellement de difficulté àtrouver la douceur et la bienveillance nécessaires pour y parvenir, il estcrucial que les membres des équipes de soin les traitent chaleureusementet avec bienveillance. Le fait d’être accepté et abordé avec gentillesse estun facteur essentiel pour développer une considération semblable pourson propre corps et son propre esprit. Nous appelons ce type detraitement « l’assistance de base ».

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LES MOYENS DU RÉTABLISSEMENT

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Présentation de

La Tempérance

Institut Européen de PNL

La TEMPÉRANCE a été créée en 1992 par Élisabeth et Bernard FRIT,psychothérapeutes en PNL + HYPNOSE et en GESTALT, égalementformateurs. Élisabeth est l’auteur des ouvrages « L’Alcool, toi, moi et les Autres »et « Le cahier de la Transformation ». Bernard est enseignant en PNL, formé parRichard BANDLER.

LA TEMPÉRANCE, Institut Européen de PNL - propose :Une formation de relation d’aide et de Psychothérapie :• Une formation PNL + HYPNOSE en relation d’aide et psychothérapie.• Une formation PNL et DÉPENDANCES (alcool, nourriture, etc.)• Une supervision pour les praticiens en PNL.• Une formation en PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUE.

Des séjours de Psychothérapie• Des séjours de Psychothérapie intensive (2 à 4 jours) pour vous

aider à régler vos difficultés personnelles ou relationnelles.• Des séminaires « En finir avec les Dépendances » (alcool, nourriture,

etc.) 4 jours pour vous libérer de vos dépendances.

Une lettre trimestrielle traitant de PNL, HYPNOSE, Psychothérapie,Bouddhisme, etc.

GîteVous pouvez aussi venir en gîte (ou accompagner quelqu’un) pour vousressourcer (bibliothèque et vidéothèque à disposition, promenades dans lesmonts du forez…).

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CHAPITRE

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Livres édités à LA TEMPÉRANCE

• Au Cœur de l’Esprit de Steve et Connirae ANDREAS Préfacé par Anne PIERARD.

Ce livre est un livre de référence aux États-Unis et dans les pays franco-phones en Programmation Neuro-Linguistique. Tous les témoignages sontauthentiques. Des techniques précises vous permettront de résoudre desproblèmes aussi variés que : se débarrasser d’une allergie ou d’une phobie,parler en public avec aisance, faire le deuil d’un être cher, vous défaired’une relation de codépendance, mobiliser vos capacités d’autoguérison...et bien d’autres choses encore. Ce livre écrit dans un langage accessible àtous, donne à chacun les outils de sa propre transformation.

PRIX : 25 € + 4 € (port) soit 29 € .

• Transformation Essentiellede Tamara et Connirae ANDREAS, Ed. LA TEMPÉRANCE.

La méthode de Transformation Essentielle, dérivée de la PNL, est unprocessus en dix étapes, accessible à tous, qui génère des changementsprofonds et durables. Le principe est simple : partir d’une limitation (émotion, réaction oucomportement gênants) ou d’un traumatisme et en faire notre « allié » dansun voyage intérieur qui permet d’atteindre « La Source Intérieure » de l’Être(sentiment de plénitude, de paix intérieure...). C’est une méthode fascinante qui rend autonome dans la recherche de soi-même. Elle permet de prendre en compte les multiples aspects de soi-mêmeet d’atteindre de plus en plus de PAIX et d’HARMONIE. Faites-en l’expérience.

PRIX : 24 € + 4 € (port) soit 28 €.

• Le Cahier de la Transformationd’Elisabeth FRIT

Le Cahier de la Transformation a été conçu comme un véritable guide devotre Vie Intérieure. Il s’appuie sur une expérience d’accompagnement enpsychothérapie de plusieurs années (Gestalt - PNL - TransformationEssentielle - Hypnose Ericksonnienne...). Il a été conçu de manière à être accessible à tous, afin que chacun puisse,à son rythme et progressivement travailler sur lui-même, à domicile. Le principe de base du Cahier de la Transformation est simple : il vousdonne un cadre de connaissance de vous-même pour regarder en face vosforces et vos faiblesses, pour méditer, sur vous-même, sur les relations quevous entretenez avec les autres, sur la qualité et le sens de votre vie.

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Les Exercices reposent sur des méthodes douces, efficaces et à votre portée.Après les Exercices, vous ferez le Bilan qui vous permettra de mesurer voschangements.Ainsi, vous acquerrez peu à peu une discipline intérieure qui transformeravotre vie.

PRIX : 24 € + 4 € (port) soit 28 €.

• Peurs, Phobies et Compulsions, la PNL en Actionde Richard BANDLER, Ed. LA TEMPÉRANCE.

Peurs, Phobies et Compulsions présente des transcriptions de séancesréelles de PNL faites par Richard BANDLER notamment pour traiter despeurs, des phobies et des compulsions. Il s’agit du seul ouvrage présentantdes transcriptions de séances de thérapie par Richard BANDLER.Vous y trouverez le sens de l’humour, la vivacité d’esprit et la vitesse d’inter-vention du créateur de la PNL.Richard BANDLER plaisante avec ses patients sur leurs problèmes pour les« guérir du sérieux » – qui contribue à maintenir leurs problèmes en l’état.Il montre comment travailler avec l’inconscient du client pour dissoudre sesproblématiques. Il utilise le méta-modèle et la ligne du temps comme outilsde détection pour traiter les informations et créer un futur attractif.Plutôt que d’utiliser les protocoles comme de simples techniques, il met enoeuvre les subtilités de sa créativité en fonction de chaque individu.

PRIX : 24 € + 4 € (port) soit 28 €.

• Le Temps du Changementde Richard BANDLER, Ed. LA TEMPÉRANCE.

Cet ouvrage de Richard BANDLER, créateur de la PNL vous propose denouvelles méthodes d’hypnose associées à la PNL, ainsi qu’un travail enprofondeur sur les croyances. Voici ce qu’en dit JANUS DANIELS dans le prologue du livre : « Vous trouverez, dans ce livre, des outils encore plus puissants pouraccélérer votre apprentissage, atteindre vos idéaux, aider les autres et, quiplus est, en vous faisant plaisir. Si vous voulez, vous pouvez lire ce livrejuste pour le plaisir. Le texte est la transcription d’un séminaire passionnant.Vous pouvez même, faire comme si vous y participiez... ».

PRIX : 27 € + 4 € (port) soit 31 €.

• Vaincre l’alcool au quotidiende Marguerite MONTAGNE.

« Ce que vous allez lire dans ces pages est authentique : un mode d’emploide la détresse au quotidien. J’ai appliqué pour moi-même, point par pointce processus, sans savoir à ce moment-là que j’étais en train de mettre enplace une méthode que tous les alcooliques, jeunes et moins jeunes,peuvent appliquer. Que vous soyez alcooliques, dépressifs, toxicomanes ousuicidaires, ma méthode est une porte ouverte sur la vie qui vous permet

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d’affronter vos angoisses et de vous reconstruire ». Le parcours de l’auteurreflète la rage de vaincre l’alcool, la solitude, et le mal de vivre. Sa « méthode » est complémentaire à toute autre démarche de guérison.

PRIX : 11 € + 3,50 € (port) soit 14,50 €.

• L’Alcool, toi, moi et les Autresd’Élisabeth FRITPréfacé par Maguy LEBRUN, ce livre est d’une grande ouverture

spirituelle.La première partie autobiographique, qui met en évidence les« empreintes » que vivent les enfants de personnes alcooliques permet decomprendre le phénomène de dissociation (ou « clivage ») qui est àl’origine du mécanisme de compulsion (répété souvent comme une« fatalité » de génération en génération).La deuxième partie apporte des solutions concrètes. Sont notammentprésentées les recherches en PNL (efficaces aussi pour la boulimie,l’anorexie et d’autres dépendances), appliquées en Alcoologie avec desrésultats rapides et durables. C’est un livre d’espoir et de solidarité qui,partant de problèmes d’identité pose la question de la « Mission ».De nombreuses adresses utiles.

À lire, à offrir.PRIX : 20 € + 4 € (port) soit 24 € .

LA TEMPERANCE

Boîte Postale 12, Combre F 63250 CHABRELOCHE, FRANCEtél. 04.73.94.27.76 intern. +334.73.94.27.76 fax 04.73.94.27.14 intern. +334.73.94.27.14

Il est aussi possible de consulter des extraits des livres que nous publionset même de les commander sur notre site internet à :www.temperance.com, Vous pouvez aussi nous joindre par courrier électronique à :[email protected],Vous pouvez aussi consulter le BLOG consacré au livre :www.psychose-guerison.com.

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