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[desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (byncsa). ACADEMIE DE PARIS Année 2016/2017 MEMOIRE pour l’obtention du DES d’Anesthésie-Réanimation Coordonnateur : Monsieur le Professeur Benoît Plaud Evaluation de l’efficacité biologique de la transfusion plaquettaire en contexte neurochirurgical Par Elisabeth GAUCI Présenté et soutenu le 13 septembre 2016 Travail effectué sous la direction du Dr Anne GODIER Et validé par le Professeur Sadek BELOUCIF

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ACADEMIE DE PARIS Année 2016/2017

MEMOIRE pour l’obtention du DES

d’Anesthésie-Réanimation

Coordonnateur : Monsieur le Professeur Benoît Plaud

Evaluation de l’efficacité biologique de la transfusion plaquettaire en contexte neurochirurgical

Par

Elisabeth GAUCI

Présenté et soutenu le 13 septembre 2016

Travail effectué sous la direction du Dr Anne GODIER Et validé par le Professeur Sadek BELOUCIF

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Table des matières Liste des abréviations .................................................................................................. 1 1 Introduction ............................................................................................................... 2 2 Matériel et méthode .................................................................................................. 8

2.1 Type de l’étude .................................................................................................. 8 2.2 Critère d’inclusion .............................................................................................. 8 2.3 Critères d’exclusion ............................................................................................ 8 2.4 Critères de jugement ......................................................................................... 9 2.5 Sélection des patients ........................................................................................ 9 2.6 Recueil des données ...................................................................................... 10 2.7 Ethique ............................................................................................................. 11 2.8 Statistiques ...................................................................................................... 11

3 Résultats ................................................................................................................. 12 4 Discussion .............................................................................................................. 23 5 Conclusion .............................................................................................................. 29 6 Références bibliographiques .................................................................................. 30 7 Résumé .................................................................................................................. 32 8 Annexe ................................................................................................................... 33 Remerciements ......................................................................................................... 34

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Liste des abréviations

AAP : agent anti-plaquettaire

ADP : adénosine diphopshate

ARU : Aspirine Reactive Unit

PRU : P2Y12 Reactive Unit

IP : pourcentage d’inhibition

PAS : pression arterielle systolique

PAM : pression arterielle moyenne

PAD : pression arterielle diastolique

FC : fréquence cardiaque

SpO2 : saturation en oxygène

TP : temps de thrombine

TCA : temps de céphaline activée

NFS : numération formule sanguine

QPA : quantité de principe actif en 10*11 plaquettes

UP : unité plaquettaire

HTA : hypertension arterielle

MTEV : maladie thrombo-embolique veineuse

AIC : accident ischémique cérébral

AOMI : artériopathie oblitérante des membres inférieurs

NRI : neuro radiologie interventionnelle

IPP : inhibiteurs de la pompe à protons

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1 Introduction La prise en charge de patients de neuro-anesthésie ou de neuro-réanimation requiert

le plus souvent un contrôle strict de l’hémostase. En effet, le risque hémorragique de

la neurochirurgie est considéré comme très élevé, et tout saignement peut avoir des

conséquences désastreuses sur le pronostic fonctionnel ou vital. Outre la

coagulation et la fibrinolyse, l’hémostase inclut les plaquettes, dont les anomalies

peuvent être quantitatives, définissant une thrombopénie, ou qualitatives, alors

majoritairement consituées par les thrombopathies secondaires aux agents

plaquettaires (AAP).

En France, 4 millions de patients bénéficient d’un traitement AAP pour une maladie

athéromateuse ou thrombotique et 500 000 sont sous bithérapie antiplaquettaire.

L’aspirine inhibe de façon irréversible la cyclooxygénase de type 1 et la synthèse du

thromboxane A2 bloquant ainsi l’agrégation plaquettaire par la voie de l’acide

arachidonique. Les thiénopyridines, dont le clopidogrel est le chef de file, inhibent

l’agrégation plaquettaire en bloquant par l’intermédiaire de leur métabolite actif le

récepteur plaquettaire P2Y12 de l’ADP de façon irréversible (1). Leur effet est

immédiat et persiste le temps nécessaire au renouvellement plaquettaire soit une

dizaine de jours (2). Il n’existe pas d’antidote à ces thérapeutiques. La transfusion

plaquettaire est le seul traitement envisageable pour neutraliser en urgence l’effet de

l’aspirine et du clopidogrel.

Les indications d’une correction en urgence des fonctions plaquettaires en contexte

neurochirurgical incluent principalement la neurochirurgie urgente, le post-opératoire

de chirurgie programmée, et la prise en charge initiale des hémorragies intra-

crâniennes, traumatiques ou spontanées, bien que cette dernière indication a

récemment été remis en question par les résultats de l’essai randomisé PATCH (3).

En effet, dans ces situations, et en particulier en cas d’hémorragie intracérébrale, les

anomalies plaquettaires ont été identifiées comme facteurs indépendants de morbi-

mortalité (4–6).

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Les modalités de corrections des anomalies plaquettaires et les indications de la

transfusion plaquettaire en contexte neurochirurgical sont définies par les

recommandations de la Haute Autorité de Santé, publiées en 2003 puis mis à jour en

2015 (7,8). Elles indiquent les modalités de traitement de la thrombopénie en milieu

neurochirurgical : « le seuil recommandé de numération plaquettaire en cas

d’intervention neurochirurgicale et/ou de prise en charge de traumatisme crânien

justifiant une transfusion plaquettaire est de 100 G/L. » Elles précisent qu’ «il est

important que cette transfusion ait lieu le plus rapidement possible ». Elles indiquent

aussi que la transfusion plaquettaire est l’option thérapeutique à mettre en œuvre

pour corriger les thrombopathies secondaires aux AAP : « en cas de saignement

menaçant, il est possible de transfuser des plaquettes, sachant qu’aucun antidote

n’existe. » Cependant les modalités de cette transfusion restent floues et ces

recommandations, qui reposent essentiellement sur des avis d’experts n’ont jamais

été évaluées.

L'efficacité de la transfusion plaquettaire a fait l'objet de peu de travaux, quelles

qu’en soient ses indications, mais en particulier en neurochirurgie. Si dans le cas des

thrombopénies, l’efficacité de la transfusion peut être aisément évaluée, à partir de

la numération plaquettaire, dans le cas des thrombopathies, l’évaluation de cette

efficacité est plus complexe puisqu’elle implique l’évaluation des fonctions

plaquettaires, dont les modalités prêtent à discussion.

L'agrégométrie par transmission optique sur plasma riche en plaquettes est

considérée comme la méthode de référence des explorations plaquettaires, ce qui

inclut l'évaluation de l’inhibition plaquettaire induite par l’aspirine et le clopidogrel.

Elle est réalisée par méthode photométrique, en mesurant la différence de

transmission optique entre un plasma riche en plaquettes obtenu par centrifugation

différentielle du sang, auquel est ajouté un agoniste plaquettaire, et le plasma pauvre

en plaquettes correspondant. En l’absence d’agoniste la transmission optique est

minimale (0% d’agrégation), mais dès ajout de l’agoniste, sous agitation et à 37°C,

les plaquettes sont activées, forment des agrégats et la transmission lumineuse

augmente. Cette augmentation de la transmission lumineuse est convertie et

exprimée en pourcentage d’agrégation plaquettaire. Le plasma pauvre en plaquettes

utilisé comme référence correspond à une agrégation de 100 %. Pour l'exploration

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des fonctions plaquettaires en présence d'AAP les agonistes utilisés sont

essentiellement l'acide arachidonique pour l’aspirine et l'ADP pour le clopidogrel.

Cependant, cette technique de référence est longue, contraignante et nécessite un

laboratoire d'hémostase spécialisé, où elle n'est réalisée qu'aux heures ouvrables.

Elle n'est donc pas utilisable en pratique clinique courante et ne peut donc pas guider

la transfusion plaquettaire en urgence.

Le test Verify Now™ est une technique automatisée de biologie délocalisée qui a été

developpée en réponse aux limites de l’agrégométrie pour permettre le monitorage

des AAP en dehors des laboratoires spécialisés en hémostase. Cet appareil permet

de déterminer la réponse d’un individu à différents AAP et de guider rapidement la

prise en charge du patient. Ce test est caractérisé par sa très grande facilité

d’utilisation rendant son usage possible facile d’accès en pratique quotidienne, au lit

du patient, par n’importe quel opérateur formé préalablement.

La méthode est simple : des plaquettes sont activées par différents agonistes et se

lient à des billes recouvertes de fibrinogène faisant varier la transmission d’un signal

lumineux.

- Pour l’aspirine, le test Verify Now Aspirin™ utilise l'acide arachidonique à 1

mmol/L comme agoniste spécifique de la voie du thromboxane A2. Les

résultats sont exprimés en Aspirin Reactive Unit (ARU).

- Pour le clopidogrel, le test Verify Now P2Y12™ utilise l'ADP à 20 mmol/L

comme agoniste spécifique du récepteur P2Y12. Les résultats sont exprimés

en P2Y12 Reactive Unit (PRU). Par ailleurs, un tunnel supplémentaire

contenant du « Modified Thrombin Receptor-Activating Peptide » (iso-TRAP)

permet d'activer de façon maximale les plaquettes malgré la présence de

clopidogrel, et donne une valeur d'agrégation maximale appelée « BASE ».

Ceci constitue un contrôle positif permettant le calcul du pourcentage

d’inhibition du clopidogrel (inhibition percentage : IP) selon la formule IP =

(BASE-PRU)/BASE x100. Le contrôle positif interne de chaque test P2Y12

permet de gagner en précision, c’est pourquoi nous avons retenu l’IP plutôt

que le PRU pour notre travail.

Les avantages théoriques de ce système sont nombreux : sa simplicité d’utilisation,

sa rapidité (résultats fournis en moins de 5 minutes), le faible volume de sang

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nécessaire à l’analyse et l’absence de centrifugation préalable. Cette technique a été

validée pour la cardiologie interventionnelle par de très nombreuses études afin

d’évaluer le risque thrombotique des patients athéromateux ayant subi une

procédure percutanée. L’étude multicentrique randomisée de Stone et coll parue

dans le Lancet en 2013 et portant sur 8665 patients, cherchait à déterminer la

relation entre réactivité plaquettaire au cours d’un traitement AAP et la survenue du

critère de jugement principal : la thrombose de stent. Une grande réactivité

plaquettaire, mesurée par Verify Now, était liée à la thrombose de stent et

inversement liée au risque hémorragique (9). C’était aussi le cas de plusieures autres

études, où la haute réactivité plaquettaire, définissant les hypo-répondeurs, était un

facteur de risque de mortalité et d’évènements ischémiques par thrombose de stent

chez respectivement 683 et 380 patients ayant subit une procédure de

revascularisation coronaire (10,11). Plus récemment, certaines études ont suggéré

qu’une basse réactivité plaquettaire, définissant cette fois des hyper-répondeurs,

pourrait être associée à plus d’évènement hémorragique soulignant l’interêt de définir

une fenêtre thérapeutique (12). Toutefois, les différentes études s’accordent pour

établir des seuils de réactivité plaquettaires au-delà desquels le risque thrombotique

devient majeur :

- Chez les patients traités par clopidogrel, l’IP du P2Y12 était utilisé avec un

seuil fixé à 20% (un IP<20% révélait un patient avec des fonctions

plaquettaires intactes, un IP>20% révélait un patient répondeur au

clopidogrel).

- Chez les patients traités par Aspirine, le seuil était fixé à 550 (un ARU > 550

révélait un patient avec des fonctions plaquettaires intactes aussi dit non

répondeur à l’aspirine, tandis qu’un ARU < 550 révélait un patient répondeur

à l’aspirine). Ce seuil a été validé par l’étude de Coleman (13).

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Figure 1 : Réponse au traitement AAP en fonction du seuil de réactivité plaquettaire

mesuré par le Verify Now™

Les seuils utilisés en cardiologie interventionnelle pour prédire le risque thrombotique

ont été proposés pour la prise en charge du risque hémorragique de patients traités

par AAP dans d’autres contextes. Ainsi, ils sont utilisés pour trier les patients, en

distinguant les patients répondeurs aux AAP qui peuvent bénéficier d’une prise en

charge spécifique du sur-risque hémorragique lié à leur traitement, ce qui inclut la

transfusion plaquettaire (9), des patients non-répondeurs, chez qui cette prise en

charge spécifique n’est alors pas nécessaire. De plus, ils sont proposés pour évaluer

l’efficacité de la transfusion, en déterminant si cette dernière a permi la restauration

des fonctions plaquettaires. Le test Verify Now™apparait donc comme un moyen

simple d’évaluer l’efficacité de transfusions plaquettaires réalisées dans le but de

neutraliser les agents antiplaquettaires.

Ce mémoire de DES est né du constat que l’évaluation de l’efficacité de la

transfusion plaquettaire a fait l'objet de peu de travaux chez les patients de

neurochirurgie alors même que cette transfusion est recommandée pour traiter les

thrombopénies inférieures à 100 G/L ou les thrombopathies secondaires aux AAP en

cas d’hémorragie intra-crânienne ou de risque hémorragique prévisible. Notre travail

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a donc eu pour but de réaliser une évaluation de nos pratiques transfusionnelles en

neuro-anesthésie et en neuro-réanimation.

L’objectif principal de l’étude était d’évaluer si la transfusion plaquettaire permettait

de corriger d’une part, les thrombopénies et d’autre part, les thrombopathies

secondaires aux AAP. Les objectifs secondaires étaient de décrire les pratiques

transfusionnelles en terme de seuil, de doses commandées et reçues, et de

rechercher les facteurs associés à une correction des fonctions plaquettaires.

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2 Matériel et méthode

2.1 Type de l’étude Il s’agit d’une étude observationnelle, rétrospective, monocentrique menée entre avril

2014 et avril 2015 à la Fondation Rothschild à Paris.

2.2 Critère d’inclusion Ont été inclus :

- les patients âgés de plus de 18 ans,

- pris en charge par le service d'anesthésie réanimation de la Fondation

Ophtalmologique Adolphe de Rothschild entre 2006 et 2015

- ayant reçu une transfusion en plaquettes dont l'indication était :

- soit de corriger une thrombopénie avec un seuil transfusionnel fixé à

100 G/L,

- soit de corriger une thrombopathie secondaire à l’administration d’AAP.

- et dont la numération plaquettaire et les tests plaquettaires étaient disponibles

avant et après la transfusion (dans un délai n’excèdant pas les six heures post

transfusionnelles).

L’existence d’une thrombopathie secondaire à l’administration d’AAP était définie

dans ce travail à partir de la réponse biologique aux AAP évaluée par le test de

VerifyNow®. Il existait une thrombopathie à l’aspirine si le patient était répondeur à

l’aspirine, état défini par un ARU < 550 par le test Verify Now Aspirin™. De même Il

existait une thrombopathie au clopidogrel si le patient était répondeur au clopidogrel,

défini par un pourcentage d’inhibition (IP) > 20% au test Verify Now P2Y12™.

2.3 Critères d’exclusion Etaient exclus :

- Les patients ayant reçu d'autres produits sanguins labiles en même temps que la

transfusion plaquettaire. Ce critère d'exclusion est justifié par la nécessité d'éviter

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les biais : d'une part la transfusion simultanée d'autres produits aurait entrainé

une dilution des plaquettes, réduisant potentiellement l'efficacité de la transfusion,

d'autre part, cette situation étant le plus souvent associée à une hémorragie

active avec hypovolémie, la perte de plaquettes et des autres éléments figurés du

sang aurait aussi modifié l'efficacité de la transfusion.

- Les patients non répondeurs aux AAP avant la transfusion.

- Les patients dont les bilans pré et post transfusion manquaient, puisque

l'évaluation de l'efficacité n'était alors pas possible.

2.4 Critères de jugement Le critère de jugement principal était l’efficacité transfusionnelle. Elle était définie

par :

- une numération plaquetttaire post-transfusionnelle > 100 G/L dans le groupe

transfusé pour cause de thrombopénie inférieure au seuil de 100 G/L.

- une correction de la thrombopathie secondaire aux AAP dans le second groupe.

La correction était définie à partir de la réponse biologique aux AAP évaluée par

le test de VerifyNow®. La thrombopathie à l’aspirine était corrigée si le patient

n’était plus répondeur à l’aspirine après transfusion, c’est-à-dire si son ARU était

> 550 par le test Verify Now Aspirin™. De même la thrombopathie au clopidogrel

était corrigée si le patient n’était plus répondeur au clopidogrel après transfusion,

c’est-à-dire si son IP était < 20 % au test Verify Now P2Y12™.

Les critères de jugement secondaires étaient

- le rendement de chacune des transfusions, en fonction des indications

- la comparaison des quantités de plaquettes recommandées, commandées et

transfusées,

- l’évaluation des facteurs associés à une correction des fonctions plaquettaires.

2.5 Sélection des patients Les patients transfusés exclusivement en plaquettes ont été pré-sélectionnés à partir

du fichier d’hémovigilance de la fondation Rothschild. Puis l'analyse des dossiers

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pré-selectionnés a permis de ne conserver pour l'étude que les patients respectant

les critères d'inclusion et d'exclusion.

2.6 Recueil des données Les données de l'étude ont été recueillies dans un tableur excel anonymisé à partir

des dossiers des patients inclus. Les documents analysés incluaient : le dossier

médical d’observation, le dossier d’anesthésie (consultation et feuille per-opératoire),

le dossier transfusionnel, le dossier infirmier accompagné des pancartes de

surveillance pré et post transfusionnelles, les comptes rendus d’intervention

chirurgicale et d’hospitalisation. Les données d’imagerie interprétées par un senior

de radiologie ont été recueillies à partir du logiciel informatique de radiologie de

l’établissement. Les données manquantes concernant la transfusion ont été

complétées auprès de l’Etablissement Français du Sang.

Les données recueillies incluaient :

- les caractéristiques des patients : sexe, âge, taille poids, antécédents, traitements

chroniques notamment anticoagulant, AAP, anticholestérolémique, antiacides,

- la dose et l’heure de dernière prise d’un éventuel traitement AAP,

- l'indication et les modalités de la transfusion (dose commandée, dose transfusée),

- les données cliniques lors de la transfusion : PAS, PAM, PAD FC SpO2 support

catécholinergique, état neurologique avant et après transfusion,

- les données radiologiques disponibles : évolution de l’imagerie cérébrale après

transfusion

- l’existence d’éventuelles complications thromboemboliques ,

- les données biologiques avant transfusion et immédiatement après, puis à la 24ème

et à la 48ème heure, incluant bilan d’hémostase TP TCA fibrinogène, NFS, plaquettes,

ionogramme, protéinémie, créatininémie, Verify Now™ : ARU PRU IP.

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2.7 Ethique Cette étude a reçu le 29/06/2015 un avis favorable du Comité d’Ethique pour la

recherche de la Fondation Rothschild (projet réf. CE_20150630_5_AGR). Une copie

de cet avis est consultable en annexe.

2.8 Statistiques Pour les statistiques descriptives, les variables qualitatives sont exprimées en

pourcentage tandis que les variables quantitatives continues sont exprimées en

médiane et interquartile [1er ; 3ème quartiles].

Les comparaisons ont été réalisées à l’aide de tests non paramètriques : la

comparaison des échantillons indépendants a été réalisée à l'aide du test U de

Mann-Whitney, tandis que celle des échantillons liés a été réalisée à l’aide du test de

Wilcoxon. La relation entre efficacité transfusionnelle et caractéristiques des patients

a été évaluée par régression linéaire.

Une valeur de p à 0,05 a été considérée comme significative.

Les statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSS version 22.0 (SPSS Inc.

Chicago, IL).

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3 Résultats Comme l'indique le diagramme d'inclusion de la figure 1, soixante dix patients ont été

pré-sélectionnés dont :

- Vingt patients transfusés en plaquettes pour thrombopénie :

o un patient a été exclu pour cause de données manquantes. Dix-neuf patients

ont finalement été inclus.

- Cinquante patients transfusés pour traitement AAP :

o Quarante-quatre patients prenaient de l’aspirine dont 28 en monothérapie. Vingt

deux ont été exclus (20 données manquantes et 2 patients non-répondeurs) et

vingt deux ont finalement été inclus.

o Vingt-deux prenaient du clopidogrel dont 6 en monothérapie. Quinze patients ont

été exclus (10 données manquantes et 4 non-répondeurs) ; 7 patients ont

finalement été inclus.

o Seize patients étaient sous bithérapie.

Les caractéristiques des patients et de la transfusion sont résumées dans les

tableaux 1 et 2.

Figure 2 : diagramme d'inclusion

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Tableau 1 : caractéristiques des patients en fonction des groupes

thrombopénie aspirine clopidogrel

Caractéristiquesdespatients n=19 n=22 n=7Age(ans) 56[46-67] 57[49-70] 5946-67SexeF/H 9/10 10/12 4/3%F/H 45/65 45/65 57/43Poids(kg) 70[67-80] 70[60-90] 83[71-98]Taille(cm) 170[164-178] 168[165-180] 173[162-180]IGSII 36[20,5-58,5] 43[30-50] 3819-54Antécédentsnotoires

HTA(n) 0 12 4MTEV(n) 4 1 0AIC(n) 0 6 2Coronaropathie(n) 0 1 1AOMI(n) 0 1 0DNID(n) 1 2 1Insuffisancehépatocellulaire(n) 1 0 1Tabagisme(n) 3 7 4Pathologiedigestives(n) 4 5 1Troublesdel'hémostaseconnus(n) 12 2 1Thérapeutiquesreçues

Dosesd'AAP(mg) 0 205[75-250] 75[75-150]IPP(n) 5 6 2Statines(n) 0 2 0Donnéesphysiologiques

PASdébut(mmHg) 126[120-140] 133[110-152] 130[110-180]PASfin(mmHg) 129[110-140] 125[104-152] 110[100-177]PADdébut(mmHg) 67[56-72] 72[56-85] 72[61-81]PADfinale(mmHg) 70[56-80] 70[55-80] 60[50-76]FCdébut(bpm) 78[70-87] 69[58-94] 75[65-75]FCfinale(bpm) 80[72-89] 75[63-87] 75[60-75]Traitementparcatécholaminesavant(n) 6 6 1Traitementparcatécholaminesaprès(n) 6 7 1Dosedecatécholamineavant(mg/h) 1,5[1,0-5,3] 0,8[0,4-3,0]

Dosedecatécholamineaprès(mg/h) 1,5[1,0-5,4] 0,8[0,4-1,7]GCSavant 11[3-15] 3[3-3] 3[3-3]

GCSaprès 11[3-15] 3[3-3] 3[3-3]Sédationavant(n) 6 19 7Sédationaprès(n) 6 19 7FiO2avant(%) 40[21-55] 49[36-62] 51[49-71]FiO2après(%) 45[21-58] 49[32-57] 50[49-77]SpO2avant(%) 98[97-100] 99[98-100] 100[98-100]SpO2après(%) 98[97-100] 100[98-100] 100[100-100]

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Tableau 2 : caractéristiques de la transfusion en fonction des groupes

thrombopénie aspirine clopidogrelDosestransfusées

Dosescommandées(1011QPA) 3,5[3,0-4,0] 3,5[3,0-4,4] 4,0[3,0-7,0]Dosestransfusées(1011QPA) 3,8[3,1-4,0] 4,0[3,3-4,5] 4,0[3,2-7,2]Dosetransfuséespour10kgdepoids(1011QPA) 0,5[0,4-0,6] 0,4[0,33-0,45] 0,5[0,5-0,8]Rendement

Médianeplaquettesavanttransfusion(G/l) 67[49-76] 230[209-295] 227[184-251]Médianeplaquettesaprèstransfusion(G/l) 105[80-119] 286[210-340] 214[161-284]Gainenplaquettes(G/l) 36[23-70] 14[0-55] 30[5-65]%d'augmentation 56[25-138] 6[0-24] 16[3-30]ndépassantleseuilde100000 12/19

%dépassantleseuil 63 ndépassantleseuild'ARU550

19

%dépassantleseuil

86%ARUavanttransfusion

440[398-472]

ARUaprèstransfusion

614[581-637]%clopidogrelréversé

0%

IPavant

69[62-84]%IPaprès

50[43-72]%

Evènementsposttransfusionnel Evènementthromboembolique(n) 0 2 0

Modificationdel'imagerie(n) 6 8 4- Hématomeetmajorationdetaille(n) 6 3 2- Hémorragieintraventriculaire(n) 0 1 0- Engagementcérébral(n) 0 3 1- Ischémiecérébrale(n) 0 1 1

Décès(n) 2 4 1

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Résultats du groupe transfusé pour thrombopénie Les patients de ce groupe avaient des thrombopénies de causes diverses : sept

(37%) ont été découvertes fortuitement lors du bilan biologique initial du patient à son

arrivée ; tandis que les douze autres thrombopénies (63%) étaient déjà connues et

étaient d’étiologies variées incluant :

- Des hémopathies (n=2)

- Un hypersplénisme (n=1)

- Une splénectomie (n=1)

- Des causes toxiques, tegretol et chimiothérapie (n=2)

- De cause immunologique (n=1)

- Etiologie inconnue (n=5)

Les indications de la transfusion plaquettaire chez ces patients comprenaient :

- La nécessité d’un geste invasif urgent à haut risque hémorragique dans 9 cas sur

19 (47%), incluant 1 procédure de neuroradiologie interventionnelle et 8 actes de

neurochirurgies, et 2 poses de capteur de pression intra-crânienne.

- Ou la nécessité de corriger en urgence l’hémostase dans le cadre :

o d’une hémorragie intracranienne (n=4)

o d’une prise en charge post-opératoire d’un acte de neurochirurgie (n=3)

o d’une tumeur intracrânienne (n=1)

o d’un coma toxique (n=1)

o d’une méningoencéphalite (n=1)

Les patients avaient une numération plaquettaire pré-transfusion de 67 [49-76] G/l.

La dose médiane transfusée était de 0,5 [0,4-0,6] 1011QPA/10kg de poids. La

transfusion plaquettaire permettait d'augmenter la numération plaquettaire de 56%.

Elle passait de 67 [49-76] G/l à 105 [80-119]G/l soit un gain médian de 36 [23-70] G/l

plaquettes. Néanmoins, seuls deux tiers des patients transfusés dans cette indication

atteignaient le seuil de numération plaquettaire recommandé de 100 G/l plaquettes

(figure 2).

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Figure 3 : effet de la transfusion plaquettaire sur la numération plaquettaire

La relation entre la quantité de plaquettes transfusées et le pourcentage

d’augmentation de la numération plaquettaire a été étudiée dans un modèle de

régression linéaire. Comme le montre la figure 3, il existe une relation linéaire entre

dose transfusée et gain de plaquettes (r²=0,263, p=0,025).

Des facteurs associés à l'efficacité transfusionnelle ont été recherchés et le sous-

groupe qui n’atteignait pas le seuil de numération plaquettaire de 100 G/l a été

comparé à celui qui dépassait le seuil. La comparaison des distributions de l'âge, du

poids, la numération pré-transfusion ne montrait pas de diférence entre les deux

groupes. De même les deux groupes ne différaient pas par la quantité de plaquettes

transfusées, en valeur absolue ou rapportées au poids :0,48 [0,37-0,51] QPA/10kg

de poids pour le sous groupe qui n’atteignait pas le seuil et 0,51 [0,44-0,69] QPA/10

kg de poids pour celui qui le dépassait (p=0,211).

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Figure 4 : Corrélation entre la quantité de plaquettes transfusées et le pourcentage

d’augmentation de la numération plaquettaire

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Résultats du groupe transfusé pour thrombopathie secondaire aux AAP

Sous groupe aspirine Parmi les 22 patients traités par aspirine et répondeurs, le traitement par aspirine

était indiqué en prévention primaire de la maladie athéromateuse (HTA n=7,

tabagiques n=3, autre facteurs de risque cardio vasculaire n=5) ou en prévention

secondaire chez des malades ayant un antécédent d’AIC (n=6), de pontage et

d’AOMI (n=1). La dose médiane d’aspirine reçue était de 205 [75-250] mg. Six

patients étaient traités par IPP et 2 par statines.

Les patients étaient transfusés pour les indications suivantes :

- 19 d’entre eux devaient subir un geste invasif urgent à haut risque hémorragique

(neurochirurgie n=18 et NRI n=1)

- 3 pour correction de l’hémostase dans le cadre d’un hématome intracrânien

(n=2), et d’une apoplexie hypophysaire (n=1).

Les patients traités par aspirine avaient une numération plaquettaire pré-

transfusionnelle de 230 [209-295] G/l. Surtout, le test de monitorage des fonctions

plaquettaires, le test Verify Now Aspirin™, confirmait qu'ils étaient répondeurs à

l’aspirine avec un résultat pré-transfusionnel de 440 [398-472] ARU. La quantité

médiane de plaquettes transfusées était de 0,4 [0,33-0,45] 1011QPA/10 kg de poids.

La transfusion plaquettaire permettait une augmentation significative de l’ARU, qui

passait de 440 [398-472] à 614 [581-637], p<0,001 (figure 4). Le seuil de 550 ARU

était dépassé dans 86% des cas; 14% des patients étaient donc encore considérés

comme répondeurs à l'aspirine après transfusion.

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Figure 5: effet de la transfusion plaquettaire sur le test VerifyNow Aspirin™ chez les

patients traités par aspirine

Figure 6 : Corrélation entre dose transfusée et la réponse du test VerifyNow

Aspirin™ chez les patients traités par aspirine. La réponse est évaluée ici en %

d'augmentation de l'ARU

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Les doses transfusées étaient comparables dans le sous groupe dont

l’antiagrégation plaquettaire n’était pas réversée (0,32 [0,30-0,39] QPA/10kg de

poids) et dans celui dont l’ARU dépassait 550 après transfusion (0,40 [0,35-0,48]

QPA/10 kg de poids). L’étude de la correlation entre la dose transfusée et le

pourcentage d’augmentation d’ARU ne donnait pas de résultat significatif (r²=0,001).

Des facteurs associés à l'efficacité transfusionnelle ont été recherchés et le sous

groupe qui n’atteignait pas le seuil de 550 ARU a été comparé à celui qui dépassait

le seuil. La comparaison des distributions de l'âge, du poids, de l‘IGS II, de

l’hémoglobine pré et post transfusionnelle, de la numération plaquettaire pré-

transfusionnelle, de la quantité de plaquettes transfusées, en valeur absolue ou

rapportées au poids, à l'aide du test U de Mann-Whitney pour échantillons

indépendants ne montre pas de diférence entre les deux groupes.

Sous groupe Clopidogrel Parmi les 22 patients traités par clopidogrel, seuls 7 ont été inclus, les autres étaient

non répondeurs ou n’avaient pas été évalués biologiquement. Ces patients étaient

traités par clopidogrel en prévention primaire de la maladie athéromateuse (HTA

n=2, tabac n=2) ou en prévention secondaire chez des malades ayant un antécédent

d’accident ischémique transitoire (n=2), ou un stent coronaire (n=1). La dose

médiane de clopidogrel reçue était de 75 [75-150] mg. Deux patients étaient traités

par IPP.

Les patients étaient tous transfusés pour un geste invasif urgent à haut risque

hémorragique (neurochirurgie n=6 et NRI n=1). Leur numération plaquettaire pré-

transfusionnelle était de 227 [184-251] G/L. Surtout, le test de monitorage des

fonctions plaquettaires, le test Verify Now P2Y12™, confirmait qu'ils étaient

répondeurs au clopidogrel avec un IP pré-transfusionnel de 69 [43-72]%. La dose

médiane transfusée était de 0,5 [0,5-0,8] QPA/10 kg de poids. L’IP passait de 69

[62-84]% à 50 [43-72]%. Cependant, aucun patient ne présentait d’IP inférieur au

seuil de 20% après la transfusion, la transfusion plaquettaire ne permettait donc pas

de réverser l’effet du clopidogrel. Seuls deux patients sur sept recevaient une

quantité de plaquettes correspondant à celles recommandées dans le texte de 2003.

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Figure 7 : Effet de la transfusion plaquettaire sur le test VerifyNow P2Y12™ chez les

patients traités par clopidogrel

Relation entre doses recommandées, prescrites et transfusées

L’analyse des données issues des fiches de délivrance a montré que la quantité

médiane de plaquettes transfusées était de 4 [3,4-4,3] 1011QPA (figure 6). La

quantité transfusée était comparable dans le groupe transfusé pour thrombopénie et

dans celui transfusé pour thrombopathie (p=0.653).

L’analyse des ordonnances de plaquettes a montré que la quantité médiane de

plaquettes prescrites était de 3,5 [3-4] 1011QPA. La quantité transfusée était

supérieure à la quantité prescrite (p=0.002)

Les quantités théoriques de plaquettes à transfuser ont été calculées pour chaque

patient à partir des recommandations sur la transfusion de plaquettes. La dose

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recommandée par le texte de 2003 était de 0.5 à 0.7 10.11 plaquettes pour 7 kg de

poids, ce qui conduit pour notre population une dose médiane théorique de

plaquettes à transfuser de 6 [5,3-6,8] QPA. Or cette dose recommandée est

supérieure à la dose prescrite (p<0.001) et surtout à la dose transfusée (p<0.001).

Les recommandations de 2015 ont proposé une diminution de la quantité de

plaquettes à transfuser, avec une dose de 0.5 à 0.7 10.11 plaquettes pour 10 kg de

poids. La dose médiane théorique de plaquettes à transfuser avec le texte de 2015

aurait été de de 4,2 [3,7-4,8] 1011QPA. La quantité de plaquettes effectivement

transfusée n’aurait alors pas été différente de la dose recommandée par le texte de

2015 (p=0.062).

Figure 8 : Quantités de plaquettes recommandées, prescrites et transfusées

* : p<0,05 comparé à la quantité de plaquettes recommandées en 2003.

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4 Discussion Cette étude, rétrospective, montre que l'efficacité biologique de la transfusion

plaquettaire est médiocre pour corriger en urgence une thrombopénie en contexte

neuro-réanimatoire. La transfusion plaquettaire est efficace pour réverser l’effet de

l’aspirine. La neutralisation est nulle lorsqu'il s'agit du clopidogrel. Les doses

commandées et transfusées n’étaient pas conformes aux recommandations.

Nous avons montré que, dans notre centre, la transfusion plaquettaire est souvent

inefficace, quelque soit l’indication. Ce résultat est décevant pour le clinicien et les

hypothèses pouvant expliquer ce taux d’échec élevé sont discutées plus loin. Il

conduit en premier lieu à tenter de le mettre en perspective avec les données

publiées sur l’efficacité transfusionnelle. Ces données sont peu nombreuses, ce qui

témoigne de l’absence d’évaluation des pratiques transfusionnelles. Tandis que de

nombreux traitements font l’objet d’une évaluation de leur efficacité, qu’elle soit

clinique (conscience et fréquence respiratoire pour la naloxone antagonisant les

morphiniques par exemple), ou biologique (INR dans la neutralisation des AVK),

étonnamment l’efficacité de la transfusion plaquettaire est peu évaluée. Les

numérations contrôlant une transfusion faite en urgence pour permettre un acte

invasif ne sont pas toujours faites avant la procédure, surtout, la transfusion faite

pour neutraliser les AAP n’est pas formalisée. Certains auteurs suggèrent que le

contrôle biologique doit s’effectuer dans une fenêtre temporelle étroite et que le

calcul du rendement transfusionnel doit compléter chaque acte(14). En effet le

rendement est incertain et seules 50% des plaquettes recirculent, les autres sont

stockées au niveau splénique(15).

Ce travail a montré que, dans notre centre, la transfusion plaquettaire réalisée pour

corriger une thrombopénie avec un seuil de numération plaquettaire de 100 G/L est

inefficace dans un tiers des cas, puisque la numération plaquettaire post-

transfusionnelle reste inférieure au seuil fixé. Les données publiées sur l’évaluation

de la transfusion confirment que le rendement transfusionnel est très imparfait. Ainsi

l’étude d’Arnold et coll portant sur 76 transfusions plaquettaires en milieu

réanimatoire médico-chirurgical montre que la dose de 3 à 4 10.11 QPA n’entraine

qu’une augmentation médiane de 14 900 G/l plaquettes. (16) Surtout ’il n’y a pas

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d’augmentation de la numération plaquettaire chez 48% des patients transfusés, ce

qui est donc pire que dans notre étude.

L’efficacité de la transfusion dépend potentiellement de l’objectif fixé. Le seuil

recommandé de numération plaquettaire en cas d’intervention neurochirurgicale

et/ou de prise en charge d’une hémorragie intra-crânienne justifiant une transfusion

est de 100 G/L. Cependant il n’a jamais été formellement validé. Voilà plus d’un

siècle que la relation entre thrombopénie et saignement a été établie (17) et près d’un

demi siècle que la transfusion plaquettaire fait partie de nos pratiques, et même si de

nombreuses études en onco-hématologie concernant la transfusion prophylactique

de plaquettes, ont été d’une grande aide, aucune étude randomisée de bonne qualité

n’a pu faire la preuve des seuils et doses adéquats afin de guider l’utilisation des

concentrés plaquettaires. Ainsi depuis les années 1960, la transfusion plaquettaire

est fondée sur des consensus et avis d’experts. L’objectif de notre travail n’était pas

de discuter de ces seuils.

L’évaluation de l’efficacité de la transfusion plaquettaire à corriger les thrombopathies

secondaires aux AAP est hétérogène et dépend de l’AAP considéré. Chez les

patients traités par aspirine, la transfusion plaquettaire était efficace puisqu’elle

permettait de corriger le test VerifyNow Aspirin dans 19 cas sur 22, confirmant ainsi

la restauration des fonctions plaquettaires inhibées par l’aspirine. Ceci confirme les

recommandations actuelles et nos résultats sont en accord avec des données

précédemment publiées dans la littérature.

Taylor et coll. ont montré dans une étude prospective monocentrique incluant des

patients de neurochirurgie traités par aspirine et nécessitant une transfusion

plaquettaire en urgence que la transfusion permettait de restaurer les fonctions

plaquettaires monitorées par Verify Now™ de 15 sur 17 patients (18). De même

Naidech et coll, ont montré chez 8 patients présentant une hémorragie intracérébrale

que la transfusion plaquettaire faisait passer l’ARU du Verify Now™ de 448 [414-479]

à 586 [530-639] (19).

Cependant, l’efficacité de la transfusion plaquettaire à neutraliser les AAP a aussi été

contestée. Ainsi Joseph et coll ont évalué l’effet de la transfusion d’une unité de

plaquettes d’aphérèse chez 28 patients traités au long court par 325 mg d’aspirine et

présentant une hémorragie intracrânienne traumatique. La transfusion n’a permis de

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passer au dessus du seuil de 550 ARU du Verify Now Aspirine™ que chez 19% des

patients. Cependant, les doses transfusées étaient inférieures à celles

recommandées(20).

Concernant le clopidogrel, nous avons montré que la transfusion plaquettaire n’a

restauré les fonctions plaquettaires chez aucun des 7 patients répondeurs au

clopidogrel. Notre effectif est trop faible pour pouvoir exploiter ces résultats et tirer

des conclusions sur l’efficacité de la transfusion dans cette indication. Au contraire,

les données publiées montrent que la transfusion plaquettaire permet de restaurer

les fonctions plaquettaires inhibées par le clopidogrel. Vilahur et coll ont démontré

ex-vivo que l’adjonction de plaquettes naïves de traitement AAP issues de 5

volontaires sains à un plasma traité par clopidogrel permet de restaurer les fonctions

plaquettaires (21). Cependant, la quantité de plaquettes à apporter pour neutraliser

le clopidogrel semble plus importante qu’avec l’aspirine. En effet, l’étude précédente

a mis en évidence une relation siginficative entre la quantité de plaquettes saines

rajoutées et l’intensité de la récupération plaquettaire. De plus, Li et coll ont monté

dans une étude in vitro que si la correction de l’agrégation plaquettaire inhibée par

l’aspirine ne nécessite l’apport que de 30% de plaquettes saines, la quantité

nécessaire à corriger l’agrégation inhibée par le clopidogrel est de 90% (22). Cette

différence pourrait s’expliquer par une inhibition plaquettaire plus puissante induite

par le clopidogrel. Il est de plus suggéré dans l’étude de Taylor et al que le

métabolite actif du clopidogrel pourrait être produit plusieurs heures après la dernière

prise de médicament bloquant ainsi les nouvelles plaquettes transfusées.(18)

Ces données soutiennent les recommandations de l’HAS sur la transfusion

plaquettaire, qui préconisent « de transfuser des plaquettes en cas de saignement

menaçant », indiquant aussi « qu’aucun antidote n’existe ». (12).

Seuls 7 patients traités par clopidogrel ont été inclus car 5 patients sur 12 (41%)

étaient non répondeurs. Ce taux de mauvais répondeurs, appelé aussi résistant au

clopidogrel, est en accord avec les données de la littérature. En effet, pour des

raisons en partie d’origine génétique, la réponse biologique au clopidogrel est

variable. La variabilité de la réponse ainsi que la résistance au clopidogrel ont été

rapportées en 2003 par Gurbel et al. Près d’un tiers des patients sous clopidogrel

était non répondeurs après ingestion de 75 mg pendant 5 jours (23). Les faibles

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répondeurs et d’avantage exposés aux complications thrombotiques.. Compte tenu

de ce fort taux de non répondeurs, il est légitime de se questionner sur le bien-fondé

de transfuser des plaquettes à l’aveugle chez les patients sous clopidogrel dans le

but de réverser son effet. Ces données sont en faveur du monitorage des fonctions

plaquettaires, dans le but aussi de trier les patients nécessitant une neutralisation,

pour réduire les effets secondaire d’une transfusion inutile chez les patients déjà

initialement non-répondeurs et pour tenir compte du problème de pénurie de

plaquettes.

Ce travail d’évaluation des pratiques a montré que les quantités de plaquettes

prescrites et transfusées étaient inférieures aux quantités de plaquettes

recommandées. La principale hypothèse expliquant cette différence repose sur une

évolution des modalités de prescription. Pendant longtemps, la prescription de

plaquettes s’est faite en unité plaquettaire, avec une posologie standard de 1 unité

pour 10 kg de poids, une unité représentant alors environ 0,5 10.11 plaquettes. Or les

recommandations de 2003 indiquent que la prescription de plaquettes ne se fait plus

en unité plaquettaire mais en plaquettes, et recommendent une posologie de 0.5 à

0.7 10.11 plaquettes pour 7 kg de poids, soit près de deux fois plus de plaquettes que

lorsqu’elles étaient prescrites en unité. Notre centre a continué de prescrire en unités

plaquettaires, notre site correspondant de l'Etablissement français du sang a converti

les unités en quantités de plaquettes, nous en a tout de même délivré un peu plus

que commandé, et nous avons ainsi transfusé des plaquettes à des posologies

inférieures d’un tiers aux doses recommandées. Ce travail aura permi à notre centre

de réaliser que nos pratiques n’étaient pas en adéquation avec les recommandations

et d’y apporter des corrections.

Depuis 2003, aucun audit national n’avait décrit les pratiques transfusionnelles

françaises. Cependant, en 2007 un audit au Royaume Uni sur 153 hôpitaux, soit

64% des établissements du pays, mettait en évidence que 43% des transfusions

plaquettaires n’étaient pas conformes aux recommandations et suggérait de

nouvelles directives écrites, des formations dédiées aux médecins et des audits

réguliers (24). En 2012, une étude monocentrique dans une structure d’onco-

hématologie montrait que la dose moyenne transfusée était de 0,45.1011 QPA/ 7 kg

de poids donc en deçà des doses recommandées et que les seuils transfusionnels

n’étaient respectés que dans 71% des cas (25). Par ailleurs, l’étude monocentrique

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en milieu hématologique de Klumpp et al qui s’intérressait à la relation « dose effet »

comparait 2 groupes ( 3,1.1011 et 5.1011 QPA) et montrait qu’une dose plus élevée

permettait de doubler le gain en plaquettes et d’allonger l’intervalle entre 2

transfusions (26). Ceci était en accord avec notre étude qui mettait aussi en évidence

une corrélation entre quantité de plaquettes transfusées et rendement transfusionnel.

La quantité de plaquettes transfusées dans ce travail est en adéquation avec les

nouvelles doses proposées par les recommandations de 2015, qui représentent une

diminution d’un tiers des doses de 2003 (7). Or, la faible efficacité de la transfusion

plaquettaire à ces doses rapportée ici, que ce soit pour corriger une thrombopénie ou

une thrombopathie associée aux AAP, associée à la relation linéaire entre effet

biologique observé et dose transfusée et à la pauvreté de la littérature sur le sujet ne

sont pas en faveur d’une réduction des doses à transfuser dans cette indication.

Notre travail présente des limites. Tout d’abord il s’agit d’une étude rétrospective

monocentrique et les effectifs sont de petite taille. Ils sont néanmoins comparables à

ceux inclus habituellement dans les études sur la transfusion et ont permi de mettre

en évidence des résultats. Ensuite, nous n’avons pas évalué l’efficacité de la

transfusion sur un critère clinique, comme la survenue d’une hémorragie per-

procédure ou au contraire l’arrêt d’un saignement. Nous nous sommes limités à un

critère intermédiaire, biologique, moins robuste, mais qui apparait comme une étape

préliminaire, indispensable. L’efficacité biologique ne préjuge pas de l’efficacité

clinique, de plus le seuil de 100 G/L pour les thrombopénies est arbitraire et n’a

jamais été formellement validé. Il en est de même en ce qui concerne le bénéfice

clinique de la neutralisation des AAP avant une chirurgie urgente. Peu de données

en établissent le bénéfice. Toutefois, l’étude prospective, randomisée, en double

aveugle de Li et coll en 2013 s’interressait aux effets de la transfusion plaquettaire

chez des patients répondeurs à l’aspirine présentant une hémorrgaie intracrânienne

avec indication à la crâniectomie. Elle montrait que la transfusion plaquettaire

permettait de diminuer le taux d’hémorragie post opératoire, le volume moyen de

cette dernière, ainsi que les taux d’invalidité et de décès (27). Cependant, l’intérêt de

la transfusion en urgence pour neutraliser les AAP en cas d’hémorragie intra-

crânienne spontanée a été remis en question par des résultats de PATCH, essai

randomisé multicentrique paru dans le Lancet en 2016 (3). Cette étude s’interessait à

l’effet de la transfusion plaquettaire précoce chez des patients traités par AAP et

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développant une hémorragie cérébrale spontanée. 97 patients ont été transfusés en

plaquettes et 93 ont bénéficié d’une prise en charge dite standard sans qu’elle ne

soit détaillée. L’évolution des patients était évaluée sur un score de handicap, le

Modified Rankin Scale. Elle était moins bonne chez les patients transfusés en

plaquettes. Ils développaient plus d’effets indésirables graves (42 vs 29%), plus de

dépendance et leur taux de décès à 3 mois était plus élevé (24 vs 17%)(3). Enfin, le

choix du Verify Now™ comme méthode d’évaluation de l’efficacité à corriger la

thrombopathie secondaire aux AAP est discutable. Si cet appareil de biologie

délocalisée est bien corrélé à la méthode agrégométrique de référence (13) et a été

validé pour le monitorage des AAP, les études dont il a été l’objet ont essentiellement

concerné l’évaluation de l’efficacité des AAP et la détection des hypo- et hyper-

répondeurs, et non la neutralisation de ces molécules. Les seuils utilisés ici sont

donc criticables, puisqu’ils ont tous été définis dans des grandes études de

cardiologie interventionnelle comme étant des seuils de risque thrombotique lors de

la pose de stent chez le patient coronarien. Leur utilisation pour l’évaluation de la

neutralisation des AAP par la transfusion plaquettaire, même si elle est proposée par

d’autres, n’a jamais été validée. L’interprétation de nos résultats doit donc être

prudente. Cependant ce travail souligne l’intérêt potentiel du monitorage des

fonctions plaquettaires par le Verify Now™ pour prédire le risque hémorragique. Des

études biologiques complémentaires, puis cliniques, sont nécessaires pour confirmer

son rôle potentiel dans la prise en charge de l’hémostase des patients

neurochirurgicaux.

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5 Conclusion Cette évaluation de nos pratiques a montré que l’efficacité de la transfusion

plaquettaire est modérée chez les patients de neurochirurgie. Chez les patients

ayant une thrombopénie inférieure à 100 G /L, la transfusion ne permettait d’atteindre

le seuil recommandé que dans deux tiers des cas. La bonne corrélation entre

quantités de plaquettes transfusées et gain en plaquettes suggère que

l’augmentation des posologies prescrites permettrait d’augmenter l’efficacité de la

transfusion dans cette indication. En cas de thrombopathie secondaire aux AAP, la

transfusion plaquettaire était efficace pour restaurer les fonctions plaquettaires

inhibées par l’aspirine mais ne corrige pas les fonctions plaquettaires des patients

répondeurs au clopidogrel. Cependant, les doses transfusées étaient inférieures à

celles recommandées, ce qui pourrait expliquer en partie la faible efficacité de la

transfusion dans cette indication. Ce travail suggère que le monitorage des fonctions

plaquettaires pourrait guider la prise en charge des patients traités par AAP et

exposés à un risque hémorragique neurochirurgical nécessitant une neutralisation en

urgence de leur traitement. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour

définir la place de ce monitorage.

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7 Résumé

Introduction : La transfusion plaquettaire est indiquée en neuro-anesthésie-

réanimation pour corriger en urgence les anomalies plaquettaires, qui incluent les

thrombopénies, définies par une numération plaquettaire (NP) <100 G/L, et les

thrombopathies 2aires aux agents antiplaquettaires (AAP). Son efficacité a été peu

évaluée. Notre objectif était d’évaluer si la transfusion plaquettaire permet de corriger

ces deux types d'anomalies plaquettaires.

Méthode : Etude rétrospective monocentrique. Ont été inclus les patients transfusés

exclusivement en plaquettes pour thombopénie ou réponse à un traitement AAP en

cours dans le cadre d’une hémorragie intracrânienne ou une neurochirurgie urgente

entre 2006 et 2015 à la Fondation Rothschild. L’efficacité était évaluée sur la

numération plaquettaire en cas de thrombopénie et sur le test de VerifyNow™,

technique automatisée de biologie délocalisée qui monitore les fonctions

plaquettaires en cas de thrombopathie. Les résultats sont en médiane et

interquartiles.

Résultats : Dix neuf patients ont été transfusés pour thrombopénie. La transfusion

permettait d’augmenter la numération plaquettaire de 67 [49-76] G/l à 105 [80-

119]G/L. Le seuil recommandé de 100G/l était atteint dans 2/3 des cas, avec une

bonne corrélation dose/gain de plaquettes. Vingt-deux patient ont été transfusés pour

neutraliser l’aspirine. Les fonction plaquettaires étaient restaurées dans 86% des

cas. Sept patients ont été transfusés pour neutraliser un traitement par clopidogrel

mais la transfusion a chaque fois été inefficace. Les doses transfusées étaient

inférieures aux doses recommandées.

Conclusion : Cette étude rétrospective et de faible effectif montre que la transfusion

plaquettaire est d’efficacité inconstante, en fonction de l’indication. Surtout, elle

conduit à modifier nos pratiques, en augmentant les doses prescrites, inférieures aux

doses recommandées dans cette étude, et en monitorant les fonctions plaquettaires

pour tenter d’évaluer l’intérêt et l’efficacité de la transfusion plaquettaire.

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8 Annexe

avis favorable du Comité d’Ethique pour la recherche de la Fondation Rothschild

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Remerciements A Monsieur le Professeur Beloucif, d’avoir bien voulu relire mon travail.

A Anne Godier, du service d’anesthéie réanimation de la Fondation Ophtalmologique

de Rothschild pour son investissement, sa rigueur et sa patience.