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Les Géorgiennes Opéra-bouffe en 3 actes Livret de Jules Moinaux Livret de censure Paris 1864 – Première édition provisoire –

Les Géorgiennes

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Les GéorgiennesOpéra-bouffe en 3 actes

Livret de Jules Moinaux

Livret de censureParis 1864

– Première édition provisoire –

Diese Edition ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertungaußerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes istohne Zustimmung des Verlags unzulässig und strafbar. Das giltinsbesondere für die Vervielfältigung auf Papier (außer für denpersönlichen Gebrauch), die Verwendung in Programmheften,Artikeln, Büchern usw., für Übersetzungen sowie für die Wei-terverarbeitung in elektronischen Systemen. DiesbezüglicheAnfragen sind an den Verlag zu richten.

© 2003 Boosey & Hawkes · Bote & Bock, Berlin.Eigentum für alle Länder: Boosey & Hawkes · Bote & Bock

ISMN M-2025-3131-0

Les Géorgiennes – Livret de Censure (1864) 1

©2003 Boosey & Hawkes · Bote & Bock, Berlin. ISMN M-2025-3131-0

pour être joué aux Bouffes Parisiennes

7055

4 Mars 1864

Les Géorgiennes._____________

Opéra bouffon en 3 actes.

___________________

Personnages.__________

Rhododendron ___ PachaJolidin _________ SergentPoterno ________ CaporalBoboli _________ Ex gardien du sérailCocobo ________ EsclaveFérosaNaniAlitaZaïdaGéorgiens, GéorgiennesIcoglans

Acte 1erUne vigneTableau de vendange animé

_____ Scène 1ère _____Nani, Alita, Zaïda, Vendangeuses.

Chœur.A pleines corbeillesCueillons, de ces treilles,Le fruit transparent et vermeil !Les grappes sont mûres,Et, dans les ramures,Voyez les briller au soleil.

___

Célébrons l’automne,Qui fait sa couronneDe ces fruits si doux !Les grappes vineusesScintillent joyeusesComme des bijoux !

AlitaLa topaze est moins transparante !

ZaïdaLe rubis est moins éclatant !

ZétulbéUne moisson aussi charmanteIl faut la cueillir en chanson !

Reprise du chœur.A pleine corbeilles etc.

(on entend pleurer au dehors)

Une femmeMais quel bruit se fait entendre.

NaniAh ! c’est l’affreux Boboli ...Tout le jour, on le voit s’étendreEn palanquin, comme en soulier !

_____ Scène 2e _____

Les mêmes, Boboli, Cocobo, Porteurs.

(Boboli est en palanquin)

Boboli.Couplets.

I__

Constantinople, ô mon paysJe te regretteAu moins, au séjour des houris,

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On est honnête !On n’appelle pas paresseuxUn galant hommeQuand le travail qu’il fait le mieuxEst un bon somme. ___

Sous les douces lois du ProphèteOn est tranquille et j’aime çaMais l’amour n’en fait qu’à sa têteC’est grâce à lui qu’il est là.

Le chœur.Sous les douces lois du ProphèteOn est tranquille et j’aime çaMais l’amour n’en fait qu’à sa têteC’est grâce à lui que je suis là.

Boboli.Ô les splendides nuits d’étéSur le BosphoreQuand on danse au son veloutéDe la mandore !Ô revoir les yeux de lapis !Ô ma sultane,Et ronfler sous tes frais abrisÔ mon platane !Sous les douces lois du prophète etc.

Le chœurSous les douces lois du Prophète etc.

_____

Boboli (faisant un mouvement pour saisir Nani, puiss’arrêtant, à part)Ô mon amour ! ... tais-toi ! ...

Nani.Là. Voilà tout ce qu’il sait faire ... chanter sessultanes ... ses platanes, avec une mandore sur leBosphore, quand tous les hommes sont partis pourrepousser l’ennemi qui vient assiéger notre ville ...

Zaïda (pleurnichant)Que le mien va peut-être se faire tuer ouendommager.

Alita.Eh bien, puisque vous aimez tant les sultanes...pourquoi donc n’en avez-vous pas une seule ?

Boboli (à part)Malheureux ! (haut) Ah ! ... je n’étais pas né pour lecélibat.

Zaïda (pleurnichant)Ni moi pour le veuvage.

Nani.Alors si vous voulez qu’une de nous vous donne soncœur et sa main, allez d’abord vous faire tuer vous etvos esclaves pour la défense de la patrie.

Alita.Après, nous verrons.

(Toutes riant)

Boboli.Oh ! Il y a plus de défenseurs qu’il n’en faut pourrepousser les barbares, allez; moi et mes Icolansesclaves nous avons les passions douces, je reste àveiller sur vous mes petites chattes. (à part) Un rested’habitude de ma vie passée.

Une femme.Laissons là ce vilain magot et allons, du haut desmurs de la ville, voir si l’ennemi s’approche.

Toutes.Oui, oui.

Autre femme.Ou si nos défenseurs reviennent triomphants.

Toutes.Oui ! oui !

Nani.Quant à Boboli et à ses grands bons à rien d’Icolansesclaves, je propose qu’on leur vote des jupons defemmes.

Toutes.Oui ! oui !

Alita.Et des aiguilles à tricoter.

Toutes.Oui ! oui !

1ère femme.A notre observatoire !

Toutes.A notre observatoire !

(Elles sortent)

Cocobo (aux porteurs)Allons, vous autres, suivez-moi.

(Ils sortent)

_____ Scène 4e _____

Boboli, Nani, Alita, Zaïda.

Nani.Ça ne vous fait pas honte de vous entendre dire deschoses pareilles ?

Boboli.

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Je reste pour veiller sur vous, mes petites chattes (àpart) un reste d’habitude de ma vie passée.

Zaïda.Pour veiller sur nous ? Eh bien nous verrons cela sil’ennemi envahit la ville, car tous nos hommes sipoltrons.

Nani.Oh oui ! ... et l’on cite le lierre comme ce qu’il y ade plus poltron au monde; il a droit de réclamer.

Alita.En avons nous employé de ces moyens pour lesdécider à marcher !

Zaïda.La prière.

Alita.La raillerie.

Zaïda.La séduction.

Alita.Rien n’y faisait.

Nani.Et sans Férosa qui s’est mise en colère et nous amonté la tête, ils seraient encore ici.

Zaïda.Ils n’ont cédé qu’à nos menaces.

(voix de femmes au dehors)

Boboli.Mais quel est ce bruit ?

_____ Scène 5e _____

Les mêmes, puis Férosa.

Quintette________Ah ! quel malheur ! quel sort effroyableUn destin affreux ! hélas ! nous attend

Tout nous trahit et tout nous accableQui pouvait prévoir pareil accident ?Un tel sort nous est réservéQuand tout devait être sauvé.

BoboliQu’est-ce donc, qui vous chagrineDans quel état vous voilaVous dont l’humeur est badineQui vous trouble à ce point-là ?

Les femmes

Ah ! ah ! ah ! ah !Ah ! quel malheur etc.

BoboliMais peut-on savoir enfinLa cause d’un tel chagrin ?

FérosaNos hommes étaient cent cinquantePour en combattre trente deuxEt vers nous, chose humilianteReviennent battus et honteux.(Lisant le billet)« On nous a vaincus, mis en fuite« Les gradins m’ont fort abimé« Dans mes foyers je rentre vite« Signé: ton mari bien aimé.

Les autres femmesLa chose est positiveCar le mien à son tourDans semblable missiveM’annonce son retour.

Boboli (à part)Cela ne fait pas mon affairePour parer un tel coup, que faire ?Ah ! j’y suis (riant) oh ! oh !

NaniVous riez ?

BoboliHi ! hi ! hi !

FérosaQu’est-ce donc ?

BoboliAh ! laissez-moi rire.

AlitaRire de quoi ?

ZaïdaRire de qui ?

ZétulbéEh bien !

NaniParlez.

FérosaQue veut-il dire ?

BoboliCharmantes brebisJe ris, et m’amuseEn voyant la ruseDe vos chers maris.

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FérosaUne ruse, expliquez-vous.

NaniParlez, parlez, tout de suite.

ZaïdaQu’est-ce donc, dites le nous.

AlitaParlez vite, parlez, vite.

BoboliPour battre les ennemisVous savez comment ils sont partis.

Les femmesPar notre influence.

BoboliOr, je conclus de leur goûtQu’ils ne se sont pas battus du tout.

Les femmesJuste conséquence.

BoboliJe jurerais sur ma foiQu’ils se sont battus autant que moi.Ils vont dans quelques instantsRevenir ici, gais et bien portants.

Les femmesAh ! c’est trop fort, c’est scandaleuxC’est révoltant, c’est monstrueux.

NaniQue faire, hélas !

ZaïdaQue ne pas faire ?

AlitaÔ trahison !

MiléraQu’on délibère.

FérosaVengeons-nous.

ZaïdaOui vengeons-nous.

ToutesOuiConseillez-nous, cher Boboli.

BoboliNoble sexe tu te fâchesVeux-tu la plus noble des tâches ?

Les femmesParlez, parlez, nous écoutons.

BoboliAu combat renvoyez ces lâches.

Les femmesAu combat nous les renverrons.

BoboliAyez énergie et courage.

Les femmesNous en aurons, nous en aurons.

BoboliTenez leur un ferme langage.

ToutesNous le tiendrons, nous le tiendrons.

BoboliOubliez vos titres d’épouses.

ToutesOui ... notre amour nous l’oublierons.

BoboliDe gloire montrez vous jalouses.

ToutesA marcher nous les forcerons.

FérosaOui, pas d’amour, pas de faiblessesAllons, femmes, soeurs ou maitressesSans hésiter, insurgeons-nousDe nos cœurs, chassons les alarmesIl faut qu’un généreux courrouxIci, se montre, au lieu de larmes.

Boboli (à part)Mon plan, Dieu merciA bien réussi.

ZaïdaNon pas de molesse

AlitaNon pas de faiblesse

MélanoRevenez poltrons

NourikaNous vous attendons

BoboliQuels cris, quel tapageTout va bien, courage.

Chœur général

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Sans hésiter, insurgeons-nous etc. etc.

(Sortie des femmes)

_____ Scène 6e _____

Boboli, Cocobo.

Boboli (joyeux, à Cocobo qui entre)Cocobo, que dis-tu de ma ruse, ces Géorgiens dontl’abscence favorisait si bien les élans de mon cœurpour Nani.

Cocobo.Et les miens pour Alita, seigneur.

Boboli.Et les tiens, pour ... bien que tu ne sois qu’un vilesclave ... le mien.

Cocobo.J’étais digne de vous appartenir seigneur ... vouésaux mêmes fonctions ...

Boboli.Malheureux ! ... mais ton audace me plait; oui tu asraison, seulement, moi j’étais chef des esclaves dugrand et puissant pacha Rhododendro ... et tu n’étaisqu’un vil esclave. Aujourd’hui, je suis retiré desaffaires et toi tu n’es ...

Cocobo.Que votre simple domestique.

Boboli.Que mon simple domestique; Eh bien ces Géorgiens,ils vont revenir.

Cocobo.Quoi il vont ...

Boboli.Oui, mais grâces à mes conseils, on va les forcer àrepartir.

Cocobo.Seigneur, permettez-moi d’exprimer mon admiration...

Boboli.Je te permets d’exprimer ton admiration Cocobo.

Cocobo.Grand soleil !

Boboli.Pas mal.

Cocobo.Grand soleil !

Boboli.

Très bien.

Cocobo.Grand soleil ...

Boboli.Assez ! ... Tout le firmament y a passé; je suisadmiré suffisamment; fais avancer mon palanquin.

_____ Scène 7e _____

Les mêmes, Rhododendron (costume terrible)(Boboli et Cocobo jettent un cri d’effroi et cherchentà fuir)

Rhododendron (tirant son )Ne bougez pas, misérables, ou je vous coupe endeux.

Boboli et Cocobo.Grâce, seigneur !

(Tous trois se regardent stupéfaits)

RhododendronQue vois-je ? ... Boboli ! ... Cocobo ici ! ...

Boboli (surpris)Le grand, l’illustre pacha Rhododendron !

Rhododendron.Chut ! donc.

Cocobo.Le phare lumineux de l’Orient !

Rhododendron.Vas-tu te taire ! ... (regardant autour de lui) personne... nous pouvons dialoguer ... Eh bien oui ...

Air.

Rhododendron.Je suis ce pacha de si grand renom !Le grand pacha Rhododendron.

Boboli et Cocobo.Il est ce pacha de si grand renom !Le grand pacha Rhododendron.

Ensemble._____Voilale fa--rouche Rhododendronle fale rou-rouche Rhododendron._____

Rhododendron.Je suis Rhododendron

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Pacha très en renomJe trouble, avec mon nomTout le canton._____

Reprise.Je suis ce pacha etc. etc.

Rhododendron.J’étais propriétaireD’un essaim de beautésUn harem, qui naguèreEtait des plus vantés:La perle du Bosphore,La ceinture de Flore,Le brillant metéore,Le colibri vermeil;La rose du Bengale,L’aurore boréale,L’étoile la cigaleLa lune et le soleilCe Harem admirableAutrefois sans rivalN’est plus qu’un lamentableHopital

Reprise.Je suis ce pachaEtc. etc.

Rhododendron.La perle du BosphoreDu safran a le teint;Le brillant météore,Est tout à fait éteintLe Colibri s’enroueD’un catharre affectéLa rose se tatoueAvec rapidité;L’auroure boréale,N’est rouge que des yeux;L’étoile et la cigaleBoitent toutes les deux;Borgne et sourde, la luneA les pieds impotentsLe soleil n’a plus qu’unede ses dents !_____

Reprise du refrain.Je suis ce pacha etc. etc.

Rhododendron.Maintenant, répondez moi: que faites vous danscette ville ?

Boboli.Illustre seigneur, Rhododendron ...

Rhododendron.Ne prononces pas mon nom imprudent ...

Boboli. (surpris)Ah ! ... ayant acquis une petite fortune, grâce à voslibéralités, je me suis retiré paisiblement à Djégani,où je vis comme un honnête bourgeois.

Cocobo.Moi, phare lumineux de l’Orient ...

Rhododendron.Silence donc sur mes titres ...

Cocobo (surpris)Ah ! ... moi, vous dis-je n’ayant pas acquis lamoindre fortune grâce à vos libéralités, je suis auservice du seigneur Boboli ...

Rhododendron.Très bien, vous servirez mes projets.

Boboli.Parlez illustre seigneur Rhodo ...

Rhododendron.Encore !

Cocobo.Nous écoutons, phare lumineux de l’Orient.

Rhododendron. (fait le geste de tirer son sabre,Cocobo s’éloigne effrayé)Mohican ! Patagon ! va-t-en veiller autour de nous,afin que personne ne surprenne la révélation de monprojet (à Boboli) et toi ouvre-moi tes ouies.

(Cocobo disparait)

Rhododendron.Voici mon projet: désirant renouveler mon harem, jeme suis dit: la petite ville de Djégani est renomméedans toute la Géorgie pour la beauté de ses femmeset l’abrutissement de ses hommes; si avec mes trentedeux escalves je tentais de m’emparer descharmantes Djéganiennes ? ... que dis-tu de monidée ?

Boboli (contrarié)Mais ...

Rhododendron.Très bien, tu m’approuves; donc ayant eu cette idée,il y a 5 ans; avec la spontanité de décision qui m’estpropre, la semaine dernière, je me mettais en routepour exécuter mon projet. Arrivé en vue de Djégani;je cachais mes trente deux escalves et les trente deuxéléphants sur lesquels ils étaient montés, derrière unpalmier, et j’envoyai une déclaration de guerre auxcent cinquante abrutis de cette cité.

Boboli.Comment cet ennemi que nos hommes sont alléscombattre ...

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Rhododendron.C’est moi-même ... sont allés combattre ! dis-tu ?écoute Boboli, tu sais si je suis un gaillard, un dur àcuire, un troupier fini ...

Boboli (doutant)Peuh ! ...

Rhododendron.Flatteur ! ... en voyant les cent cinquante abrutissortir de cette cité et faire quelques pas en tremblant,avec une lâcheté qui n’avait d’égale que celle de mestrente deux guerriers; en voyant mes trente deuxguerriers fuir devant ceux qui se sauvaient de leurcôté, je me dis: à qui diable restera la victoire ?

Boboli.Réflexion pleine de bon sens.

Rhododendron.Flatteur ! ... ne trouvant pas la réponse, et monarmée craignant quelque traquenard, je résolus depénétrer seul dans ces murs; je tentai d’acheter legardien de la porte de la ville en lui donnant troisroupies, le misérable était incorruptible.

Boboli.Ils sont tous comme ça dans ce pays: desconsciences de bronze dans des hommes de fer, ilsne trahissent jamais leurs devoirs qu’à la cinquièmeroupie.

Rhododendron.C’est ce qui est arrivé.

Boboli.Je connais le tarif.

Rhododendron.Maintenant que je suis dans la place, j’attends de tonloyal concours, la réussite de mon projet.

Boboli.Moi ? ... mais la première chose que je vais faire,sera de le dénoncer.

Rhododendron.Misérable ! ...

Boboli.Oh ! mais, nous sommes chez nous ... et en force etje vais de ce pas ...

Rhododendron (le retenant)Un moment, tout à l’heure je t’ai défendu deprononcer mes titres et qualités dis-les que tu as étéà mon service.

Boboli (vivement)Seigneur ... je vous en prie ...

Rhododendron.Alors, silence pour silence, ça va-t-il ?

Cocobo (rentrant)Seigneur des hommes viennent de ce côté.

Rhododendron.Ils pourraient troubler notre entretien; (à Boboli)(déclamant) « allons chercher ailleurs, un endroitécarté ou de causer en paix, on ait la liberté.

Boboli (déclamant)« Dans mon palais seigneur, nous y serons très bien« Je vous y conduirai dedans mon palanquin.

Rhododendron.Le drôle a un palais et un palanquin !

(sur un signe de Cocobo les porteurs rentrent avec lepalanquin)

BoboliSeigneur, veuillez prendre place.

(sur la ritournelle de l’air qui suit Rhododendronmonte dans le palanquin, Boboli s’assied auprès delui et tire les rideaux)

Boboli.Marche devant.

Cocobo.Je marche devant.(Il fait de grands pas, les porteurs le suivent. Boboliest secoué dans son palanquin)

(Sortie)

_____ Scène 8e _____

Jolidin, Poterno, Varvara, Tabako, Belanglar,Karako

(Ils entrent en riant)

Ah ! pour nous quel beau jour !Nous voilà de retourNon plus de guerrePlus de misère,Nous voilà de retourAh ! pour nous quel beau jour !Ah ! quel beau jourPour notre amour.

CoupletsJolidinC’est assez de bataille

PoternoC’est assez de mitraille

Tabako

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Au diable les lauriers

VarvaraMieux valent les foyers

JolidinC’est très beau la patrie

PoternoMais une douce vie

Tous quatreEst un sort plus heureuxS’il est moins glorieux !_______

Reprise du refrain.

PoternoQuelle guerre, mes enfants !

TousQuelle guerre

PoternoComme c’est beau, une bataille

Tous (avec enthousiasme)Ah ! ...

JolidinDans mes bras !

TousDans mes bras !

(Ils s’embrassent)

JolidinOn est là, range sur deux lignes

PoternoOn se regarde dans le blanc des yeux !

TabakoAh ! c’est un beau spectacle !

TousQuel beau spectacle !

PoternoTout-à-coup, à un signal donné, on s’élance ...

VarvaraLe canon gronde, boum !

JolidinLa mitraille éclate ... cra cra cra pa ta tra ...

TabakoLes balles sifflent ... brrr ! ...

PoternoEt l’on voit voler en l’air ...

JolidinDes bras ...

BelanglarDes jambes ...

TabakoDes oreilles ...

PoternoDes nez ! ...

TousAh ! c’est un bien beau spectacle.

PoternoDans mes bras.

TousDans mes bras !

(Ils s’embrassent)

JolidinPoterno ! croyez-vous que j’ai bien servi mon pays ?

PoternoOh là ... raide: pour un pays bien servi ...

JolidinVoila un pays bien servi.

TabakoEh bien et moi ... ?

Les 3 autresEt nous ? et nous ?

Poternotous tous !

TabakoMoi qui me suis fait sur le ... c’est à dire ... ah ! non,je me rappelle ...

JolidinTu confonds avec un autre, Caporal Poterno, vousm’avez vu à la tête de mes hommes ...

Poterno (avec admiration)Ah !

JolidinSeul ... je m’élance ... je prends un canon ...

PoternoOui ...

Tous

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Oui ... oui ...

JolidinEt je retourne auprès de mes braves, cinq minutesaprès ... je m’élance de rechef ... et je prends undeuxième canon ... puis je revole auprès de mesbraves, pour m’élancer de nouveau et en reitérant surun troisième canon j’ai pris de la sorte dix-septcanons ...

PoternoTout ça sur le comptoir ...

JolidinNaturellement, dans mes bras !

TousDans mes bras (ils s’embrassent)

JolidinEt vous Poterno ! ... ah ! que vous étiez beau à voir,à califourchon, sur un obusier ennemi ! dont vousveniez de vous emparer. L’artilleur allait mettre lefeu, le coup partait et nous étions tous écrasés ... parun hasard providentiel, la position que vousoccupiez bouchait la lumière ... l’artilleur qui étaitmyope ...

PoternoEt qui avait oublié ses lunettes ...

JolidinCherchait en vain la cause de cette obstructionsingulière ...

PoternoMalheureusement j’avais des allumettes chimiquesdans ma poche de derrière ...

JolidinElles prirent feu ... l’obusier éclata !

PoternoEt j’allais tomber à deux cents mètres.

JolidinEt pendant ce temps, la mitraille, les balles, les obus,les pétards, les marrons, les grenades, les artichaudsmassacraient nos frères d’armes.

Tous (riant)Ah ah ah ...

PoternoEt voila ce que nous dirons à nos femmes ...

Tousah ah ah(riant)

Poterno

C’est égal, c’est bien plat ce que nous faisons là, carenfin nous avons laissé au cabaret vos hommes entrain de jouer au siam.

JolidinAh ! il est sur et certain qu’ils peuvent êtremassacrés par l’ennemi !

PoternoC’est ce que nous disions en revenant.

JolidinEt nous ajoutions: v’la quéque chose qui nous estégal.

PoternoC’est honteux !

JolidinC’est léger.

PoternoJ’aime à vous voir ces sentiments sergent.

Tabako, Varvara et les deux autresOui, oui ...

PoternoVous aussi ... braves gens ! ah ! croyez-moi ...n’imitez pas ma lacheté ! sergent conduisez cesbraves au combat, où ils sont impatients de voler.

Tabako (à part)Pas moi. (Il s’esquive, les autres le suivent)

JolidinEh bien et vous, caporal Poterno.

PoternoMoi ? ... ah il n’y a rien à faire de moi ... Je me suisdéjà dit tout cela ... je me suis fait honte ... je me suisinjurié ... je me suis appelé grand lâche ... ça ne m’arien fait du tout ... je préfère épouser Nani ...

JolidinVoulez-vous épouser que je vous dise franchementma façon de penser, Poterno ?

PoternoJe l’aime mieux franchement qu’autrement ...

JolidinEh bien je préfère rester auprès de Férosa monépouse.

Poterno (se couvrant le visage)Ah ! la décadence ! la décadence !(rumeurs lointaines)Qu’est-ce que c’est que ça ?

JolidinC’est le vent qui gémit dans les feuilles.

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PoternoJolidin ! Je t’en prie, ne me fais pas douter de toncourage ! qu’il me reste au moins, pour me consoler,l’idée qu’il y a de nobles cœurs, laisseras-tu égorgertes frères ? (se retournant) laisserez-vous égorgervos ... (avec dégout)ah ! ... ils sont partis, les clampins !

JolidinLes plentres, les pieds-plats, les fouinards ... Eh bienvas-y, toi ...

PoternoNe parlons pas de moi ! Elance-toi dans l’arène,laisse-moi seul avec mon déshonneur.

JolidinAh ! il commence à m’agacer.

PoternoSi tu savais comme je vais souffrir, les pieds sur leschenets ... je me répéterai que je suis un lâche ... ledos au feu, le ventre à table, j’entendrai les cris demes frères et, tout en me dorlotant dans mes draps,je me dirai: Faut-il que tu sois peu de chose !

JolidinAh ! ça est-ce que tu n’as pas bientôt fini ? ... tum’agaces à la fin; moi aussi, je préfère restertranquillement les pieds sur les chenets, le dos aufeu, le ventre à table ...

(Cris: a bas les hommes)

Jolidin (tremblant)As-tu entendu ?

Poterno (tremblant)Oui ... on crie: a bas les hommes ...

(Voix de femme criant au dehors)« v’la ce qui vient de paraitre: ordre à toutes lesfemmes de courir sus aux hommes valides, quiseront trouvés« dans la ville. »

Jolidinhein ! valides !

PoternoNon, pas invalides; valides ...

JolidinSacristi ! mais je suis valide.

PoternoEt moi donc ! Je ne me suis jamais si bien porté ...

(autres crieuses)

« v’la ce qui vient de paraitre: ordre à toutes lesfemmes de s’armer à l’instant et de repousser par lesarmes tout« homme en état de combattre qui serait trouvé dansnos murs.

Poterno et JolidinRepoussé par les armes.

VoixMort aux déserteurs !

PoternoJolidin, voulez vous que je vous dise ma façon depenser ?

JolidinDis-moi ta pensée, mais épargne m’en la façon nousn’avons pas le temps.

PoternoEh bien, vous connaissez mes principes, je file.

Jolidin (regardant au loin)On ferme la porte de la ville, on lève le pont !(poterno arpente le théàtre à grands pas) Ah ! çaqu’est-ce que tu as à faire ?

PoternoSapristi, j’aimerais encore mieux l’ennemi que desfemmes exaspérées; vous ne savez pas ce que c’estque des femmes exaspérées ...(rumeurs bruyantes)

Jolidin (effrayé)Si je le sais ... surtout la mienne. On vient !

Poterno (riant)Jolidin ... j’ai une idée ...

JolidinBonne ? ...

PoternoJe n’en sais rien, toutes les idées sont bonnes quandil n’y a pas moyen de faire autrement.

JolidinJe partage ton opinion ...

PoternoVenez sergent ...

(Ils se sauvent)

_____ Scène 9e _____

Férosa (portée en triomphe) Toutes les femmes puisBoboli, Rhododendron et Cocobo

Les femmesVive Férosa ! vive la Générale !

Les Géorgiennes – Livret de Censure (1864) 11

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Nani (langoureusement)Ah ! je n’aurai pas pour deux sous de patriotisme,tant que Poterno ne sera pas revenu.

ZaïdaComment un être si laid a-t-il pu inspirer un amourpareil !

Boboli (entrant)Un étranger demande à parler à la Générale Férosa...

FérosaUn étranger ? ... qu’on l’amène ?

BoboliEntrez seigneur étranger (à part) trahissons pourn’être pas trahi moi-même.

(Entre Rhododendron) (cris d’effroi des femmes.elles veulent fuir)

Férosa (les retenant du geste)Eh bien ...

Rhododendron (à part)Je produis de l’effet ?

NaniUn hippopotame habillé en turc !

Férosa (à Rhododendron)Qui êtes-vous, que voulez-vous ? qui vous amènedans nos murs ?

Alita (examinant Rhododendron)Excessivement curieux comme phénomène ...

Rhododendron (à part)Qu’elle est cette belle femme. (avec volubilité et surleNé dans ce pays, je fus arraché au sein de ma mèreet fait esclave à l’âge de trois mois et demi par desfarouches soldats de Tamerlan qui condamnèrent matendre enfance ...

Férosa (brusquement)Passez votre enfance, votre adolescence, votrejeunesse et votre âge mur, et arrivez tout de suite àvotre vieillesse ...

Rhododendron (à part)Comment à ma vieillesse ? Il parait qu’elle estmyope. (haut) emmené avec d’autres soldats ettrente deux éléphants pour vous combattre, par monseigneur et maître, le terrible Rhododendron ... Car ilest beau le gaillard, et jeune ... vingt trois ans ...

Bobobli (à part)Comme ça on ne se doutera pas que c’est lui.

FérosaPas de phrases oiseuses ! arrivez au fait.

Rhododendron (à part)Elle est cassante pour moi (haut) J’ai au péril de mesjours laché son armée et pénétré dans votre villepour vous livrer ses plans et vous donner les moyensde vous emparer de lui ... de ses seïdes et de sestrente deux éléphants.

NaniJe retiens un éléphant pour aller à Âne le dimanche.

RhododendronSuivez-moi, vous et votre armée hors des murs decette ville et ce soir même je vous ferai surprendrevotre ennemi, et les trente deux éléphants, sansdéfense, l’ennemi bien entendu, plongé dans lesommeil de l’ivresse la plus torpide.

(rumeurs)

FérosaSilence ! (à part) Je soupçonne une machinationténébreuse (haut) Nous acceptons vos services, maisnous refusons de vous suivre hors de notre ville.

ToutesBravo, vive Férosa !

Rhododendron (à part)Mon plan est raté.

Boboli (à part)Elle flaire un canard.

FérosaNous avons décidé de ne pas attaquer maisd’opposer une résistance énergique à l’attaque denos agresseurs.

ToutesOui, oui, mort aux agresseurs.

FérosaJe vous destine un emploi dans notre armée.

RhododendronPermettez Générale, mais ...

FérosaSilence ! emmenez cet homme et veillez sur lui enattendant mes ordres.

Rhododendron (à part)Dissimulons ma rage sous un sourire agréable.

(on l’emmène)

FérosaA vous aussi, seigneur Boboli, nous réservons unefonction que nous vous ferons connaitre.

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BoboliA moi ? ... mais ...

FérosaSilence.

ToutesSilence, Boboli.

FérosaEt maintenant, qu’on écoute notre décision: NousFérosa élue par vous Générale en chef pour défendrenotre cité menacée avons ordonné et ordonnons cequi suit: la clé de la porte de la ville me sera remise... que cet ordre soit immédiatement éxécuté.

(une femme sort)

FérosaQuiconque tenterait de s’échapper serait fusillé surle champ.

NaniDe mars.

ToutesBravo !

FérosaToutes les femmes seront armées et concourreront àla défense commune en cas d’attaque.

ToutesAccepté ! accepté

FérosaTout contravenant, opposant ou résistant à ce quivient d’être proclamé, sera éxécuté sans jugement.J’ai dit !

ToutesVive Férosa !

Chœur.Hurrah ! crions vengeanceNos cœurs, nos bras unisMontrons notre vaillanceA tous nos ennemis

FérosaEt maintenant, fêtons cette belle journéeApportez la grand’cuve et foulez le raisinAvant que, du combat, l’heure ne soit sonnéeEnflammons notre sang, des prémices du vin.

ChœurFoulons le raisinEt faisons le vin

FérosaAllons, foulez les grappes

Sous vos pas cadencésEt que le vin s’échappeDes raisins entassésCette liqueur charmanteElle coule écumantePoussons des cris joyeuxAllons, ô GéorgiennesBuvons à coupes pleinesCe vin délicieux

ChœurAllons, ô Géorgiennes etc. etc.

Les porteursAllons, ô GéorgiennesBuvez à coupes pleinesCe vin délicieux

Férosa

2eRépand tes flots rapidesRouge et douce liqueurAu sein des plus timidesJette une noble ardeurDonne à qui va te boireD’un fier amour de gloireLes élans belliqueuxAllons, ô GéorgiennesBuvons à coupes pleinesCe vin délicieux.

Le ChœurAllons, ô Géorgiennes etc.

Les porteursAllons, ô Géorgiennes etc.

FérosaMais j’entends des rumeurs légères(Toutes les femmes regardent)Ce sont nos époux et nos frères.

Nani (avec joie)Poterno que j’ai cru perduVa donc m’être enfin rendu !

_____ Scène 10e _____

Les mêmes, Jolidin, Poterno, Tabako, Varvara,Belanghar, Karako. (Jolidin a un emplatre sur l’œilet marche avec une béquille de la main droite ilporte à son oreille un cornet acoustique. Poterno estmanchot et porte un nez d’argent. Tous les autreshommes ont une infirmité quelconque.)

Chœur des EclopésAprès une guerre funesteNous revenons dans nos foyersDe nos corps rapportons le resteMais avec nos cœurs tout entiersNous nous sommes couverts de gloire

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De gloire et de lauriersMais hélas, hélas la victoireTrahi parfois les plus braves guerriers.

(Entrent d’autres hommes portant des paquets deparapluies, de gilets de flanelle, de socques, dechaussettes, debavinoires)

Poterno et Férosa (lui montrant Jolidin)Voici l’objet de votre flamme(Jolidin presse Férosa sur son cœur)Sourd et borgne il endureraSans souffrir les cris de sa femmeEt d’un bon œil il la verra

Jolidin (présentant Poterno à Nani)Il est manchot, porte avec gloireUn nez d’argent, mais dans ce casSans le rougir, il pourra boireEt vous presse encor dans se bras.

(Férosa parle à Jolidin qui l’écoute avec son cornetacoustique à l’oreille)(chaque femme a reconnu l’homme qu’elle aime.Embrassement général)

Reprise tous ensemble

Les éclopés Les autresAprès une guerre funeste Après une guerre funesteNous revenons dans nos foyers Ils reviennent dans leurs foyersDe nos corps rapportant le reste De leurs corps rapportant le resteMais avec nos cœurs tout entiers Mais avec leurs cœurs tout entiers

Toutes les femmesEt nous vous accusions ô glorieux débrisPauvres martyres, époux chéris !

Boboli (à Cocobo)Aux mutilés ! ... c’est incroyableLa preuve pourtant, la voila

CocoboJe trouve bien invraisemblableQu’ils soient si braves que cela.

FérosaAllons, ce ne sont pas des larmesQu’il faut ici; ce sont des armesVengeons ces nobles preuxEn combattant pour eux.

Les femmesVengeons ces nobles preuxEn combattant pour eux.

FérosaA nous la gloireEt la victoireNous le jurons.

Le chœurNous le jurons.

Les femmesHorde étrangèreA vous la guerreEt nous vaincrons.

Le chœurNous le jurons !Des combats divine souveraineReçois donc nos serments solennelsEn ce jour, que ton bras nous mèneNous jurons de servir tes auteuls.

(appel de trompette)

FérosaAllons marchons gaiementEn joyeux régimentCar c’est l’honneur qui nous appelle !

Soyons toutes soldatsDe fers armons nos brasCar notre cause est la plus belle.

FérosaVers l’arsenalA mon signalQue chacun s’élanceHatons nos pasLa gloire les devance(aux faux blessés)Vous, martyrs des combatsAllez à l’ambulance !

Les femmesAllons, marchons gaiementEtc. etc.

Ensemble

Les femmes BoboliÔ Bellone, c’est toi Mes icoglans esclaves et moiDont l’amour nous excite Que votre exemple exciteNous vivons sous ta loi Nous voulons, sur ma foiNous marchons à ta suite. Marcher à votre suite.

Chœur généralAllons marchons gaiement etc.

Le rideau baisse._____________

Acte 2ème

Une tente tenant tout le théâtre et fermée au fond pardeux rideaux au dessus desquels est écrit le mot:ambulance. A gauche, une grande natte.

Scène 1ère

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Jolidin et Poterno (couchés et endormis sur la natte.Ils ronflent. Coup de fusil.)

Jolidin (endormi)Entrez !

(Deuxième coup de fusil.)

PoternoTirez la cheville, et la bobinette chéra.

Jolidin (se levant furieux sur son séant) Hein ! Quoi? Encore de la tisane, sacristi sapristi de sacristisapristi.

Poterno (réveillé)De la tisane ! ... Qui est-ce qui parle de tisane ...(criant) assez de tisane !

JolidinComment c’est vous qui me faites une pareillefrayeur, caporal Poterno, que le diable vouspatafiole.

PoternoMoi ? ... ah elle est raide celle-là ... c’est vous quim’avez (allant pour éternuer) qui m’avez rê ... rêve... Bien !

j’ai pincé un rhume de cerveau cette nuit ... ça vaêtre commode avec mon nez d’argent ... d’argent ...d’argent ! ... vous savez qu’il m’a volé comme aucoin d’un bois ce gueux de marchand ... il n’est pasen argent ... un nez qui m’a couté trois roupies ... (ilva pour le prendre) tiens ... je ne l’ai pas ...

JolidinQuoi ?

PoternoMon nez ... où diable l’ai-je fourré ?

JolidinNe le cherchez pas, c’est moi qui pendant que vousdormez ... l’ai pris ... je ne trouvais pas l’éteignoir et... (le prenant sur la bougie) Le voilà !

PoternoEh bien ça va être agréable à porter à présent.

JolidinDites-donc Poterno, est-ce que vous ne voyezpersonne ?

PoternoNon.

JolidinNos infirmiers ne les apercevez-vous pas ?

PoternoNon ... ils sont allés dormir, sans doute.

JolidinSi nous profitions de ça pour nous dégourdir lesjambes ?

PoternoJ’y pensais. (ils sortent du lit et se mettent àgambader.)

Boboli (entrant et jettant un cri de surprise)Ah !

(il disparait)

Poterno (se retournant vivement)Sergent est-ce que vous n’avez rien entendu ?

JolidinMoi ? Je ne sais pas, je ne vois rien, je n’entendsrien. Je suis complètement abruti depuis hier.

PoternoAh ! nous nous sommes fourrés dans un joli guêpier.

JolidinComment, nous nous sommes ? Dites que vous nousavez fourrés, caporal Poterno; car c’est votre idée,cette fameuse idée de faire les faux blessés, qui nousvaut d’être traités comme de vrais: ça ne peut pasdurer comme cela, il faut que ça cesse aujourd’hui,sinon ...

PoternoQu’est-ce que vous ferez sergent ? Nous ne sommespas en force.

JolidinC’est un fait, que toutes nos femmes sont arméesjusqu’aux dents et exaspérées; si encore ce n’étaitque les femmes.

Poterno (air crâne)Certainement, si ce n’était que ... et encore sipuisqu’elles ont les armes.

JolidinMais Boboli et ses esclaves en ont aussi des armes,et les gredins qui sont jaloux de nous, au moindremouvement que nous ferions, nous tireraient dessuscomme sur des lapins ... ah ! vous avez eu une bonneidée, Poterno: quand j’aurai beasoin d’une bonneidée, je penserai à vous.

PoternoDam, sergent, on fait ce qu’on peut.

JolidinOui, mais avec tout ça, nous voilà condamnés,comme censés malades, à rester au lit ... combien detemps ... je n’en sais rien.

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PoternoEt à boire de la tisane, et à recevoir des douches, ilsnous traitent par l’eau, ces gredins d’infirmiers, etBoboli en tête, qui nous en fourre ... ah !

JolidinCe n’est pas l’eau en elle même que je déteste, c’estle goût; si elle avait le goût du vin, parbleu, je ne meferais pas tirer l’oreille.

PoternoAh ! les brigands ! les vandales ! Les bourreaux,nous en font-ils avaler !

JolidinEnfin, si je vous disais, Poterno, que cette nuit, il mesemblait que j’avais avalé une guitare ... ça mefaisait des gammes chromatiques tu u u tu ... tu u u u...

1er CoupletMalgré mes cris et mes plaintes,D’eau pure, horrible destin,On m’a fait boire dix pintesQuand je n’aime que le vin;Aussi, le corps me gargouilleJ’enfle comme une grenouilleQuoi, quoi quoi quoi, quoi quoi quoiSuis-je donc une grenouilleQuoi, quoi, quoi, quoi, quoi quoi quoiN’est-il rien de mieux pour moi.

EnsembleQuoi, quoi, quoi etc.

Poterno2ème CoupletIl faudra qu’on me bâtonneQu’on m’attache désormais.De force, qu’on me l’entonne,Pour que j’en boive jamais;Ma bouche, je la vérouilleAu ratafia de grenouilleQuoi, quoi, quoi etc.

EnsembleQuoi, quoi, quoi etc.

PoternoJ’entends marcher. (regardant au dehors) Sergent !

JolidinQuoi ?

PoternoBoboli et Cocobo qui s’avancent de ce côté ... ilsviennent faire leur tournée ... Cocobo tient unegrande cruche à la main.

Jolidin (furieux)Encore du ratafia de fontaine !

Poterno (furieux)Je n’en veux pas.

JolidinNi moi.

PoternoOù l’ai-je donc mis ?

JolidinQuoi ?

PoternoMon nez ... je l’avais posé là ... mais sacristi sergent,vous vous êtes assis dessus.(Jolidin se lève)

Poterno (met son nez et éternue)C’est très désagréable.

Jolidin (se recouchant)Je vais faire semblant de dormir.

PoternoMoi de même (il se couche)

Scène 2ème

Les mêmes, Boboli, Cocobo portant chacun unecruche.

Cocobo (bas)Comment, vous les avez vu gambader ?

BoboliChut. Pas un mot, jusqu’à ce que j’aie prévenuFérosa; c’est égal quelle humiliation, Cocobo ...forcé d’être infirmier.

CocoboAh ! Seigneur ! ... Je me sens avili dans ma dignitéd’homme ...

Boboli (vivement)Malheureux ! ... oui ... tu as raison, on en a pasmoins sa dignité ... pas toi, tu n’es qu’un vildomestique.

CocoboAh ! C’est égal, je suis bien humilié ... je crainstoujours qu’Alita me voie dans l’exercice de mesfonctions et que cela me dépoëtise à ses yeux.

BoboliQue veux-tu, il fallait bien nous rendre utiles, et nevoulant pas aller nous battre, notre amour nousfaisait une loi de rendre des services ... ah ! cetteNani !

CocoboAh ! cette Alita.

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BoboliRésignons-nous devant la force des choses. Allonsfaisons ceux qui ne se doutent de rien et voyons nosfaux malades; examine celui-la, moi je vais voirl’autre.

Cocobo (examinant Jolidin)Œil gauche emporté ... œil droit compromis ...Jambe raccourcie de ... (il mesure avec un mètre).

Jolidin (à part)Est-ce qu’il me prend mesure d’un pantalon ?

Boboli (examinant Poterno)Nez enlevé ... remplacé par un autre qui au premierabord on peut croire en argent; mais, qui, en réalité... (il tape dessus) est en zinc.

(Poterno éternue)

JolidinDieu vous bénisse.

Cocobo (comptant sur son mètre)Raccourci de sept centimètres ...

BoboliQuoi ?

CocoboLa jambe.

BoboliJ’ai cru que tu parlais du nez.

Poterno (à part)Je crois qu’ils veulent nous mettre au musée.

Cocobo (riant)Allons hé ... les infirmes. (ils ronflent)

Boboli (les secouant)Holà ! les martyres de la gloire, hop !

Jolidin et Poterno (feignant le sommeil) troublé)hein ! Quoi ... laissez-nous dormir.

BoboliAllons, allons à l’ambulance pour avaler la tisane; laGénérale a permis que vous passiez la nuit dans satente, par protection, mais elle va venir, il fautdécamper, allons hop !

Jolidin et Poterno (air souffrant)Nous sommes bien malades.

BoboliVoyons, tirez-moi la langue.

Jolidin

Volontiers (il allonge la main pour lui tirer lalangue)

BoboliNon, la vôtre. Garde à vos ! Tirez ... langues (il tirela langue, il passe la revue) ra-pla-pla ... Rentrez ...langues ! ... Très bien; allons boire à l’ambulance.

Quoi ?

Cocobo (résitant)Quoi ?

(reprise de la chanson)Quoi, quoi, quoi etc.

(Boboli et Cocobo les entrainent dans l’ambulance)

Scène 3ème

Rhododendron, Tambours. (Rhododendron entambour-major, entre à reculons en dirigeantplusieurs tapins avec sa canne.)

Rhododendron- Air:Attention tapinsFerme, là, ClampinsAllonsAyonsDu moëlleux dans les mainsSoignez-moi les rasSoignez-moi les flasSoyons vigoureuxMais toujours gracieuxEt ra pa ta pla, ta ra pa ta pla etc.

TousEt ra pa ta etc.

Rhododendron1er Couplet.Fix et, d’un regard immobileLa canne du commandementSuivez-bien sa manoeuvre agileJusqu’en son moindre mouvement;Que sa voltige symbolique,Parle clairement à vos yeuxDe son langage emblématiqueComprenez le sens glorieuxSoyez renommé à la rondeEt faites du bruit dans le mondeAttention tapins etc.

2ème Couplet.Enfants, sachez que la victoireDans vos baguettes est un peuElles conduisent à la gloireLe plus poltron devant le feu.Par une marche fière et crâneAux soldats, imprimez l’essort,

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Soyez l’honneur de la peau d’âne,Et l’orgueil de votre major.Vite, d’une fâcon brillante,Battez la marche triomphante.

RefrainAttention tapins etc.

Rhododendron (parlé militaire)En mesure donc ! ...

Un tapinAh ! mais, j’en ai une entorse dans le poignet, moi

Autre tapinMoi, j’ai les doigts, que je ne les sens plus.

3ème tapinMoi, je me tape toujours dessus.

RhododendronTu les sens, alors.

4ème tapinJe demande à nous reposer un peu.

TousOui, oui. Un peu de repos.

RhododendronParesseux comme des petites couleuvres, allons ...remettez-ettes ! ... Décrochez-caisse ! ... rompez lesrangs-arche ! ... Cinq minutes de respiration. (ilsvont s’asseoir au fond, sur leurs tambours.)

Scène 4ème

Les mêmes, Boboli

BoboliPstt ... major ! major !

RhododendronHein ? (comprenant) Ah ! oui, oui Tambour-major !... (ne comprenant pas) moi ... un pacha puissant etredoutable ... je dois reconnaître, il est vrai que cecostume majestueux et séduisant, fait ressortir mesavantages physiques et me préparera la conquête descœurs en attendant celle des personnes.

BoboliMais pourquoi donc, parlez-vous comme ça ?

RhododendronL’influence de l’uniforme, ah ! il est humiliant pourmoi ... de commander les pas ordinaires et accélérés,la charge, le réveil et la soupe, en manoeuvrant cetinstrument. (il fait voltiger sa canne)

Boboli

Votre instrument ? Ah ! ... si vous saviez celui que jesuis forcé de manoeuvrer comme infirmier ... Ah !Nani !

RhododendronJ’y suis déjà d’une certaine force.

BoboliMoi aussi,

RhododendronDes fois, je l’envoie jusque dans les airs.

BoboliMoi dans des régions plus modestes.

RhododendronHeureusement que mes fonctions ne seront pas delongue durée.

BoboliJe voudrais bien pouvoir en dire autant.

RhododendronJe prends cette nuit même la poudre d’escampettepour aller rejoindre mes braves, et je les ramène icivainqueurs sans combat puisqu’ils ont réduit tous leshommes de cette cité à l’état de débris informes, cequi m’étonne fort ... Ah pour un pacha étonné, tuvois un pacha bien étonné; tu as tout préparé pourma fuite ?

BoboliJ’ai un moyens de me débarasser des gardes quipourraient nous gêner, mais le diable c’est la clef dupont-levis ...

RhododendronOu est-elle ?

BoboliC’est la Générale qui l’a sous sa cuirasse.

RhododendronSacristi ... il serait peut-être agréable de l’allerprendre, mais facile, c’est autre chose.

Boboli (à part)Mais, mon Dieu, pourquoi donc qu’il parle commeça ?

Scène 5eme

Les mêmes, Alita, puis Férosa et son état-major.

Alita (annonçant)La Générale ! (Les tambours se lèvent)

Rhododendron (vivement)La Générale ! ... tambours à vos caisses.

Boboli

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Et moi, à mes malades (il sort pendant ce qui suit)

RhododendronEt tâchons de nous distinguer par une batterie auxchamps ... mais là ... quelque chose ... aux oiseaux !... attention ! de la souplesse, du velouté ... de l’huileaux articulations ... rien de l’épaule, tout du poignet:aux champs ! ... (il agite sa canne - batterie auxchamps) Entre Férosa en costume de général et sonétat-major.)

FérosaAssez ! ... (la batterie continue) assez ... assez donc !...

(Rhododendron agite sa canne, les tambourss’arrêtent Rhododendron s’appuie sur sa canne d’unair majestueux en posant devant Férosa qui leregarde.)

Rhododendron (à part)Quelle est belle ainsi cette femme !

Férosa (regarde Rhododendron et rit aux éclats. -Bas à ses officiers.)Mais c’est un poussah !

AlitaUn polichinelle ! ...

(Elles rient)

RhododendronElles me contemplent, (il fait des moulinets avec sacanne)

Férosa (riant)Vous êtes charmant, mais assez ! ... (il continue)Assez ! ... (il continue) assez !

Rhododendron (à part se posant)Elle est émue !

FérosaJe ne suis pas contente de vous (mouvement) non,mesdames, non ... je ne suis pas contente. Hier ausoir, ce matin encore, on vous a vues vous glisserdans l’ambulance, y échanger avec vos époux où vosfiancés, des regards et des paroles empreintes d’unesollicitude qu’interdit la situation. (murmures)Silence ! ... Je considérerais comme traîtres à lapatrie celles d’entre vous qui seraient surprisesécoutant des propos d’amour (murmures)

RhododendronBravo, très bien.

FérosaJe ferai un exemple (à Alita) Qu’est-ce que c’est quecette épée là ?

Alita

Eh bien ... c’est mon épée.

FérosaOu avez-vous vu que l’on mettait son épée à droite ?

AlitaC’est le Capitaine instructeur qui me l’a fait mettrecomme ça. (Rires)

RhododendronUne jolie instruction qu’il donne.

FérosaQu’on aille chercher le Capitaine instructeur (unsoldat sort) (à un officier) Qu’est-ce que vous faiteslà, vous ?

L’officierÇa, générale ? Ce sont les bandes pour un jupon.

FérosaUn jupon, mille bayonnettes ! ... un jupon ... sous lesarmes ... quand nous pouvons être attaquées d’unmoment à l’autre ... (après avoir examiné labroderie) D’ailleurs c’est très mal brodé ... vousferez quatre heures de faction cette nuit (murmures);ne murmurez pas où je double la punition ... sachez-le mesdames, j’entends qu’on laisse tout de cotépour la défense de la patrie ... jusqu’ici, elle n’estpas attaquée il est vrai; l’ennemi n’a pas donné signed’existence ... mais peut-être est-ce un piège ?

Rhododendron (à part)La gaillarde a du nez.

L’officier (rentrant)Général, voici le Capitaine instructeur.

Scène 6ème

Les mêmes, Nani (en capitaine instructeur)

FérosaAvancez-ici, Capitaine Nani; d’ou venez-vous ? Ouétiez-vous ?

NaniGenéral, je suis en train de sevrer mon petit dernieret ... (rires)

Férosa (avec imaptience)Mais silence donc !

NaniCouplets1erSous cet uniforme modestePalpite un vrai cœur de soldatVous me verrez, ardente et lesteVoler aux périls du combat;J’ai fait et j’ose vous le dire,Ce que la consigne défend:

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Mon général, je faisais cuireDe la bouillie à mon enfant

2èmeSi la voix du canon m’appelleA son signal j’obeïraiA mon drapeau toujours fidèleVaillamment je le défendraiJe veux être ou fière ou martyreSoit qu’il tombe ou soit triomphantEn attendant je faisais cuireDe la bouillie à mon enfant.

Férosa (avec humeur)De la bouillie à votre enfant ... cette occupation estincompatible avec les devoirs de soldat ... attendez lapaix pour sévrer votre enfant, que diable ! etapprenez, vous Capitaine instructeur qu’on ne metpas l’épée à droite.

NaniCeux qui sont gauchers, oui, mais ceux qui ne lesont pas. Ainsi moi qui suis ...

Zaïda (riant)Ah ! Charmant ! ah ! ah ! ah ! (Rires)

FérosaSilence donc !

Scène 7eme

Les mêmes, Boboli (sortant de l’ambulance)

Boboli (empressé)Générale

FérosaQu’y a-t-il ? Ah ! c’est l’infirmier chef; Eh biencomment vont nos malades ?

Boboli (bas)Je venais vous en parler, Générale entre nous, il y ena au moins deux, et je crois même tous qui sontblessés comme vous et moi, et votre époux en tête.

FérosaIl aurait joué une imprudente comédie ! ... Mais êtes-vous bien sûr ... ?

BoboliParfaitement sûr ...

FérosaNous allons bien voir; envoyez le moi. (haut) Qu’onme laisse (Boboli rentre dans l’ambulance) J’aibesoin de repos.

RhododendronTambours ! Garde à vous ! ... et tâchons de mieuxmanoeuvrer: du nerf ... du charme, les rras sont

mous, les flas sont flasques rra ... rra ... rra ...moëlleusement là un velours ... rra ... rra

(Reprise)Attention tapins etc

(Sortie)

Scène 8eme

Férosa, Jolidin, Boboli et les deux infirmiers. (Lesdeux infirmiers amènent Jolidin)

FérosaJ’aurais été dupe d’une pareille mystification ! ... etje me suis interessée au sort de ce Jolidin ... en levoyant si horriblement ravagé, j’ai senti mon cœurému de pitié ... sotte que j’étais ... le voilà.

Jolidin (à part)Férosa qui me fait demander ... Boboli qui prend unair narquois pour me dire ça ... se douterait-elle dequelque chose ? Soyons extrêmement malin.

Férosa (à Boboli et aux infirmiers) Sortez (ilssortent) (courant à Jolidin avec effusion) Enfin nousvoilà seuls ! c’est le premier moment que je trouve,de pouvoir causer avec toi.

Jolidin (à part)Comme elle m’aime (haut) Parle la dedans (il metson cornet acoustique)

FérosaPauvre ami ! quel malheur que tu sois ainsi blessé !

JolidinNon, je ne suis pas pressé, je n’ai rien à faire,causons tant que tu voudras (à part) Quelle est jolie !... et comme le costume militaire lui va bien !

FérosaCauser ! mais tu ne peux m’entendre ... Ah ! si tun’étais pas sourd, mon cœur aurait tant de choses àte dire ...

JolidinMe faire rire ? oh ! je n’en ai guère envie (à part)méfie-toi Jolidin, elle te sonde.

Férosa (à part)Il tient bon; attends !

Duo

Férosa (à part)Secondez mes coquetteriesÔ traits vainqueurs dont s’arment les amoursVenez charmantes perfidies

Je vous appelle à mon secours

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(Elle ôte son casque et défait ses cheveux)(haut) Oh ! le sommeil va me surprendre

JolidinQue faites-vous là, mon Dieu, mon Dieu !

FérosaSur ces coussins je vais m’étendreJ’ai besoin de dormir un peu

JolidinAh ! que fait-elleElle est ainsi cent fois plus belle,Les beaux cheveuxLongs et soyeux

Férosa (à part)Oh ! la ruse n’est pas nouvelleMais toujours on feraCe que femme voudra(Férosa détachant son armure)Oh ! comme cette boucle est dure

JolidinQue faites-vous, par charité

FérosaMoi, je détache mon armurePour reposer en liberté

JolidinAh ! que fait-elleElle est ainsi cent fois plus belleQuel cou divinC’est du satin

Férosa (à part)Ah ! ma ruse n’est pas nouvelleMais les amoursVaincront toujours !(haut) Au diable le maudit corsage

JolidinQue faites-vous ? (à part) Je n’y tiens plus

FérosaMon pauvre mari, quel dommage !Borgne, sourd et presque perclus !

Jolidin (à part)Ah ! que dit-elleElle est ainsi cent fois plus belle !Ah si j’osaisJe parlerais(Il va pour retirer son emplâtre et jeter sa béquillepuis il s’arrête)

Férosa (qui a vu le mouvement)Ah ! la ruse n’est pas nouvelle

Mais toujours on fera

Ce que femme voudra

JolidinMa foi tant pisJe me trahis(s’élançant vers Férosa) ma femme

FérosaMon mari !

Jolidin (se contenant)Moi ? Rien !

Férosa (à part)Il s’est trahi !

Ensemble

Jolidin FérosaJe résiste à mon ardeur Il résiste à son ardeurQuel supplice pour mon cœur Quel supplice pour son cœurEn ce moment, il égale En ce moment il égaleAu moins celui de Tantale Au moins celui de TantaleJe l’aime, je suis son époux Il m’aime, ah mon cher épouxJe brûle d’être à ses genoux Je brûle de montrer pour vousHélas, je n’ose A quoi s’exposeD’elle j’ai peur Un déserteurEt je m’expose Et ce qu’on oseA sa fureur Contre un trompeurJe résiste etc. Il résiste etc.

Férosa (appelant)Holà ! Boboli, Cocobo, infirmiers

Scène 9ème

Les mêmes, Boboli, Cocobo et deux infirmiers

FérosaCocobo !

CocoboGénérale ?

FérosaAvance ici (elle lui parle bas)

JolidinOn me fait des cachoteries

FérosaAh le malheureux ! Comme il est sourd; je parle detoutes mes forces et il appelle cela des cachoteries(elle parle bas à Cocobo)

Jolidin (à part)Ah ! elle est forte celle-la !

FérosaTu m’as comprise ?

CocoboOui Générale (il sort)

Les Géorgiennes – Livret de Censure (1864) 21

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FérosaBoboli ?

BoboliGénérale ?

(Férosa lui parle bas)

JolidinEncore ? ... Ça n’est pas que Boboli, ni Cocobo medonnent des inquiétudes, mais enfin pourquoi mefait-on des cachoteries ?

FérosaMais il m’est impossible de parler plus haut.

Jolidin (à part)Est-ce qu’elle se moque de moi ?

FérosaC’est entendu ?

Boboli (riant)Parfaitement, Générale ... oh ! oh ! oh !

Férosa (aux infirmiers)Emmenez le sergent Jolidin !

Jolidin (s’oubliant)Moi ? mais ça va mieux (à part) Imbécile. J’oublieque je suis sourd.

Férosa (lui criant dans l’oreille)Non, non, vous êtes très malade

JolidinJe t’assure, bobonne ...

FérosaQu’on exécute mes ordres !

(les 2 infirmiers entraînent Jolidin. Boboli les suit enriant aux éclats.)

Scène 10ème

Férosa, Nani

Nani (entrant vivement, d’un air de mystère)Générale !

Férosa (vivement)Ah ! Nani, précisement j’allais te faire demanderpour t’annoncer une singulière découverte que j’aifaite ... aide-moi à mettre mon armure (elle répare satoilette pendant ce qui suit)

NaniAh ! et moi aussi, allez, j’en ai faite une; en voilàune découverte !

FérosaAh ! tu sais qu’on nous a trompées ? qu’on s’est jouéde nous ? Que tous ces prétendus héros, revenus icimutilés en apparence, sont de faux blessés ?

Nani (abasourdie)Ah ! que m’apprenez-vous là ?

FérosaTu ne le savais pas ?

NaniComment ... Poternon

FérosaN’est pas plus allé se battre que les autres.

Nani (émue)Eh bien, écoutez, d’une part, ça me fait plaisir qu’ilait encore ses deux bras et son nez, mais de l’autre,je suis furieuse de penser que j’ai pleuré sur sonmalheur, que je me suis apitoyée sur cet être là; quej’ai été lui porter du vin et des confitures, au risquede me faire mettre à la salle de police; oh il me lepaiera !

FérosaNe t’occupes de rien, j’ai donné des ordres; mais dequelle nouvelle, alors venais tu donc me parler ?

NaniAh ! vous savez bien, l’hippopotame.

FérosaQui cela ?

NaniLe major, cet affreux major qui est venu nousproposer de nous livrer Rhododendron, ses hommeset ses 32 éléphants.

FérosaEh bien ?

NaniEh bien, je crois que c’est Rhododendron lui-même.

FérosaQue m’apprends-tu là ? ... qui te faite supposer ... ?

NaniPour s’habiller en major, il lui a fallu quitter sesautres vêtements; eh bien voici ce que le Capitained’habillement a trouvé dedans (elle lui présente unpapier)

FérosaUn plan de la ville ... des notes sur les moyens d’ypénétrer sans danger.

NaniVous voyez c’est lui-même, ou un espion.

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FérosaPas un mot de cela ! Le silence le plus complet;j’espère découvrir la vérité dans quelques instants.Je viens précisément d’envoyer Boboli, prier lemajor de venir dîner avec moi, pour un plan quej’avais conçu: toi-même tu dîneras à ma table, aveclui.

Nani (éffrayée)Avec lui.

FérosaNe crains rien, il est seul, nous sommes en force ...tu seras à table, auprès de Boboli, tu t’en laisserasconter par lui.

NaniÇa m’est égal, pourvu que Poterno le sache.

FérosaIl le verra.

NaniIl le verra ? Oh alors, je vais faire des œilladeslangoureuses et incendiaires à Boboli. Poterno aurade l’agrément.

Scène 11ème

Les mêmes, Alita et 3 officiers(ils entrent en tumulte)

ToutesC’est une horreur, une infamie, ah les gredins, lespoltrons.

Férosa (vivement)Vous savez ce qui se passe ?

AlitaOui, Boboli nous a tout dit.

ToutesVengeons-nous ! vengeons-nous

FérosaVous serez vengées.

Scène 12èmeLes mêmes, Boboli, puis Rhododendron

BoboliVos ordres vont être exécutés, Générale

FérosaA merveille, Boboli; je suis contente de vos serviceset je veux vous prouver ma satisfaction en vousfaisant dîner à ma table ... à côté de Nani.

Boboli (avec joie)A cote de ... Générale, j’accepte

Nani (à part)Forcée de lancer des œillades incendiaires etlanguissantes à un pareil coco !(elle lui en envoie de mauvaise grâce)

Rhododendron (entrant - à part air triomphant)Elle me fait des avances ... ça va tout seul, j’aurai laclef.

FérosaMajor, nous n’attendions que vous

RhododendronPardon ... quelques essences de fleurs dont j’ai voulum’ondoyer.

Zaïda (à part)Il aura bien de la peine à se faire prendre pour unefleur

FérosaVotre main, et à table !

Boboli (offrant sa main à Nani)Ma houri ... (ils s’asseyent)

Alita (à part)Vieux singe, va !

FérosaAllons; mes joyeux convives, tout est tranquille, lesportes sont bien gardés, je me sens en appétit: dînonsgaîment, cordieu !

ZaïdaLa Générale a raison: de l’appétit et de la bonnehumeur.

Les autresOui, oui, de la bonne humeur !

RhododendronA la santé du beau sexe en général et de la belleFérosa en particulier ... non au contraire ... de labelle Férosa ... en général (riant) oh ! en général ah !ah ! ah ! ... en général, vous comprenez

Tous (criant)Ah ! ah ! ah !

FérosaCharmant

Nani (à part)Il est idiot

FérosaBuvons !

Rhododendron (à part)Elle boit ? Elle est perdue

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Voix de Jolidin (en dehors à droite)Qu’elle est cette plaisanterie ? oh la la

Voix de Poterno (en dehors à gauche)A quel est ce genre de farce ?

Tous (moins Férosa et Boboli)Qu’est-ce donc

BoboliRien, nos malades que l’on soigne(il rit)

NaniAh les malheureux. Qu’est-ce qu’on leur fait ?

FérosaTu vas le voir: qu’on les amène !

Poterno et Jolidin (en dehors)Oh ! la la ! ... C’est trop chaud. - C’est trop froid.

Scène 13ème

Les mêmes, Jolidin et Poterno, roulés chacun dansune baignoire par des infirmiers. Ils sont enveloppésdans un drap qui recouvre la baignoire et sont coiffésde leur casque

Poterno (se débattant)Mais c’est une température à faire éclore des oursblancs !

Jolidin (même jeu)Mais un homard lui-même protesterait

(on les contient)

PoternoNani avec Boboli ! oh la là. C’est à frapper duchampagne !

JolidinMa femme avec le major ! mais sapristi, c’est à fairecuire des oeufs à la coque.

PoternoEt ils boivent tout ! Et ils prennent la taille de nosfemme.

JolidinEt ils mangent tout ! et ils subjuguent nos épouses

Chœur dans l’ambulanceNous ne voulons plus d’eauEt dut-on nous chanter pouilles,C’est assez d’un tel fléauSommes-nous donc des grenouilles ?Quoi quoi quoi quoi ?

Poterno et Jolidin (que les infirmiers veulent faireboire)Assez de votre liquidePlus de ce jus insipideC’est un traitement stupideC’est un remède homicideIl faut qu’un pareil suppliceA l’instant même finisse

Les infirmiers (à Poterno et Jolidin)Si vous voulez être sauvé, buvezbuvez, buvez, buvez, buvez

Poterno et JolidinVous même si vous pouvezBuvez, buvez, buvez, buvez

Rhododendron (à Férosa)Ah ! vers moi, votre œil en feux,Lorgne, lorgne, lorgne, lorgne;Quittez pour moi cet affreuxBorgne, borgne, borgne, borgne.

Jolidin (furieux)Son œil en feuxQui te lorgne, lorgne, etc

Attends, je suis, gueuxBorgne, borgne etc (on le contient)

Boboli (à Nani)Je suis au plus haut degréTendre tendre tendreA ton amour, puis-je pré-tendre tendre tendre

Poterno (furieux l’imitant)A ton amour, puis-je pré-tendre, tendreAh ! tu vas être massacré

JolidinPassez-nous de la nourritureAu moins, pour nous dédomager

PoternoPuisqu’avec nous, on est parjureQu’on nous donne au moins à manger

(le rideau de l’ambulance s’ouvre)

Tous les faux maladesDonnez-nous à mangerNous bravons le danger.

FérosaLa diète est recommandéePar ordre de la faculté.Emmenez les blessés; telle est ma volonté !

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(on emporte Jolidin et Poterno dans leursbaignoires.)

RhododendronMais qu’une coupe soit vidéeIci, par nous, à leur santé

FérosaC’est adopté !Buvons à leur santé !

Tous les maladesDu vin, du vin, du vin du vin

(Nani, en cachette leur distribue des bouteilles qu’ilsvident, pendant la chanson suivante.)

FérosaMes chers amis, le verre en mainVous redirez encore mon gai refrain

ChansonTin, tin, tin, tin }Amis emplissons nos verres } bisTin tin tin tin }Pour boire à nos frères }Pour ces martyrs, que le destinA mutilés dans sa colère,

Faisons des voeux, la coupe en mainAfin qu’il leur soit plus prospèreA leur santé ! a leur santé }Qu’un toast, ici par nous soit à l’instant porté } bis

ChœurA leur santé etc

Férosa2ème CoupletTin, tin, tin, tinA tous ces plats délicieuxIl faut que nul d’entr’eux ne toucheMais qu’il les dévorent des yeuxS’ils sont défendus à leur bouche

Reprise du chœurA leur santé etc

(Tous les faux blessés, échauffés par le vin ont quittél’ambulance et sont venus se mêler aux convives.)a la fin du morceau Boboli est aux genoux de Nani,et Rhododendron à ceux de Férosa.-Rhododendron est gris.

RhododendronAdorable ... adorable ! ... à vous mon cœur, madivinité, à vous ...

Férosa (tendrement)Votre Nani, votre Pachalick

RhododendronMa main, mon pachalick, mes 32 esclaves et leurs32 éléphants

Férosa (changeant de ton)Ah ! vous êtes Rhododendron !

Tous (avec effroi)Rhododendron ! (Férosa se retourne et voit tous lesfaux malades qui se sauvent.)

FérosaQu’on l’arrête ! (Rhododendron veut fuir; desfemmes armées le mettent en joue.)

RhododendronEnfer, poignard, potence et poison, je me suis laisséjouer.

Boboli (à part avec joie)Il s’est trahi lui-même, ô joie, ô delires ô Nani, ômes petites chattes.

FérosaQu’il soit fusillé demain matin au petit jour !

RhododendronFusillé ! Croyez-vous que je survive à un pareilaffront ?

Boboli (à part)Ça me fera de la peine, mais j’en suis bien content.

FérosaQu’on l’emmène ! (on saisit Rhododendron)

RhododendronPermettez mes braves: quelques dispositions àprendre (il se dirige vers Boboli)

FérosaQuant à tous ces hommes qui ont déserté devantl’ennemi, ils seront jugés demain par un conseil deguerre.

Rhododendron (bas à Boboli)Arrange-toi comme tu voudras, mais il faut que tume sauves, où je révèle ta position sociale (à Férosa)bien joué marguerite, à toi la première partie, mais àmoi la revanche, je l’espère marchons mesdames !

(la nuit est venue peu à peu)

ChœurRhododendron Les autresLa résistance est inutile La résistance est inutileSoumettons-nous Soumettez-vousEt filons doux: Et suivez nousmais plus qu’elle je suis habile C’est le salut de notre villeDissimulons Que nous tenonsEt nous verrons Nous veillerons

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Sortie générale. (nuit)

Scène 14eme

Jolidin, Poterno. (Ils entrent mystérieusement.Jolidin porte un gros paquet de cordes.

Poterno (à voix basse)Mais sapristi, sergent ou courez-vous comme çaavec votre corde ?

JolidinAh ça Poterno, c’est donc vous qui êtes sourdmaintenant, et pour tout de bon ? Vous n’avez doncpas entendu ce que disait Férosa à l’instant, aumoment ou nous venions pour nous rebiffer ?

JolidinEt moi - de même, un conseil de guerre composé defemmes pour juger des hommes, notre affaire estclaire, on nous condamnera à être fusillés.

PoternoNaturellement, puisque notre ruse est découverte.

JolidinVotre ruse ! votre idée orthopédique; voyons, venez-vous ?

PoternoQuoi faire ? nous pendre avec votre corde ? Allez-ytout seul, sergent: j’en prendrai un morceau après, çame portera bonheur.

JolidinComment me pendre ? Poterno, j’ai fréquenté dansmon enfance, des busons qui avaient plus de jugeotteque vous; vous pensez que je vais me pendre pouréchapper à la peine de mort ? Il faut absolument quenous trouvions le moyen de sortir de ce camp.

PoternoQuand ?

JolidinTout de suite

PoternoDans ce costume singulier ? Et la lune ... c’estprécisément son jour de sortie.

JolidinSi elle nous voit, elle nous prendra pour desboulangers en bonne fortune.

PoternoOu pour des Romains de la décadence, évadons-nous sergent, ça me va.

(fausse sortie)

Voix de femme

Sentinelle, prenez garde à vous !

Poterno (effrayé)Entendez-vous sergent

JolidinOh ! une voix de femme, ça m’est égal.

Voix de basseSentinelle, prenez garde à vous

PoternoSi celle-la est une voix de femme, elle est bienenrouée.

JolidinSous les armes, ça peut passer pour une voix defemme, ça dépend du grade, venez par ici

Chant de patrouilleAh ! il y en a plusieurs ... essayons de ce côté (autrechant de patrouille)Attendons la patrouille à passer

PoternoOui, c’est ça: mais comment nous évaderons nous ?

Jolidin (cherchant)Il me vient une idée ... oui, c’est ça vous allez voirPoterno, c’est bien simple; vous resterez debout surle rempart; vous tiendrez la corde bien roulée autourde votre corps et je me laisserai glisser jusqu’en bas,une centaine de pieds tout au plus.

PoternoAh ! oui oui ... fameux, ça mais moi comment ferai-je pour m’évader ?

JolidinC’est bien simple; quand je serai en bas, je voustirerai par la corde.

PoternoMerci ... j’aime mieux descendre le premier et jevous tirerai après

(un bras soulève un rideau au fond, voix)Pstt Pstt

Tous deux (se retournent) effrayésHein ?

PoternoOn a fait, Pstt, Pstt

JolidinUn bras !

La voixPar ici, venez ?

Jolidin

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L’ange de l’évasion (il court au bras)(autre bras plus loin)

VoixPstt Pstt

PoternoHein ? ... Encore un bras !

La voixPar ici venez

PoternoÔ bras de la Providence, merci. (les deux mains ontsaisi, l’une Jolidin, l’autre Poterno un coup de fusilse fait entendre. Cris sentinelles prenez garde à vous! frayeur des 2 hommes, ils se débattent, les mainsles retiennent.

Une patrouille passeTout dort, tout est calme et tranquilleAucun bruitNe trouble la nuitVeillons au repos de la villeMarchons au pasEt parlons bas.

Le Rideau baisse.

Acte 3e______

Une porte de ville en état de siège. Au 3e plan lemur d’enceinte défendu par un petit bastion qui seperd dans la coulisse de gauche. A droite la porte dela ville fermée par un pont-levis qui lorsqu’ils’abaisse livre passage à l’extérieur à gauche, 1er et2e plan, le commencement d’un - à droite unouvrage avancé, surmonté d’une pièce de canondominant le mur et menaçant la campagne qu’ondécouvre au dehors des murs d’enceinte. - Nuit. -Effet de lune.

_____ Scène 1re _____

Zaïda et autres femmes endormies, Rhododendron etBoboli.

Chant des Femmes (rêvant)Guettez bien tous }Garde à vous } bisL’ennemi, peut-être, veilleTout près de nous;Guettez de l’œil et de l’oreille;Déjouons habilement,Tout perfide événement.

Rhododendron et Boboli (entrant avec précaution)

EnsembleAvec silence et mystère,

Tous les deux marchons.Et du pont-levis j’espère,Que nous approchons.Marchons,Marchons,Avec silence et mystèreMarchons,Marchons, j’espère,Que nous approchons.

RhododendronTu me réponds qu’aucune sentinelleNe peut donner l’éveil ?

BoboliGrâce à mes soins, tout, dans la citadelle,Dort d’un profond sommeil;Car, d’un soporifique,Dont l’effet est magique,Comme pharmacien,J’ai glissé bel et bien,A chacun, une goutte,Assez forte, et je douteQue l’on s’éveille avantL’astre du jour levant.

RhododendronAlors donc, en avant !

Reprise des FemmesGuettez bien toutEtc etc etc

RhododendronMais ce sont les voix des soldats;Tu vois bien qu’ils ne dorment pas.

BoboliC’est un rêve qui les agiteNe craignez rien et parlez vite.

RhododendronEn vainqueur, je vais revenir;J’emporte, avec moi, l’assuranceQue tu ne voudras pas trahirEt mon plan et ma confiance.

BoboliSi l’on savait que je vous suis venduIl est certain que je serais pendu.

RhododendronSoit ! mais moi revenant en maitrePour sûr je te feraisEmpaler comme traitreSi tu ne me servais.

BoboliEmpalé ! moi miséricorde !J’aimerais encore mieux la corde.

Rhododendron

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Si ce destin fatal,T’attend, il est égal,Que ce soit, en total,Ou la corde ou le pal,Sachez, qu’en général,Tout supplice fait mal,Qu’il soit horizontal,Ou qu’il soit vertical;Pour toi, le principal,Sous le rapport moral,C’est qu’un agent légal,D’un ordre spécial,Doit, au premier signal,Et c’est le but final,Frapper d’un coup brutal,Ton principe vital;Or, dès qu’en général,Tout supplice fait mal,Qu’il soit horizontal,Ou qu’il soit vertical;Si ce destin fatal,T’attend, il est égal,Que ce soit, au total,Ou la corde ou le pal.

Reprise des FemmesGuettez bien toutEtc etc etc

Rhododendron et BoboliAvec silence et mystèreEtc etc_____

BoboliMais je m’aperçois que nous sommes arrivés; voicile pont-levis.

RhododendronEnfin !

BoboliJ’ai cru un moment que nous allions échouer;d’abord pour avoir la clé du cadenas qui retient lachaine du pont-levis, j’ai dû la prendre à la ceinturede la Générale qui n’en finissait pas de s’endormir.

RhododendronMa pensée combattait peut-être la vertu de tonsoporifique, moi un pacha puissant et redoutable misau violon avec un archer pour me garder. Allons ilfaut fuir ... et mettre à execution le plan que j’aiconçu pour m’emparer de la belle Férosa et de sescompagnes ... Ah ! cette Férosa a jeté le trouble dansmes passions violentes ...

BoboliComme moi Nani: ah ! cette femme m’a jeté duvague à l’âme.

Rhododendron

Oui ... en effet ... cette Nani est croustillante ... jen’en ferai pas ma sultane Validé ... mais elle aura ladeuxième place dans mon cœur.

BoboliHein ? ... comment seigneur ... vous ne me laisserezpas Nani pour récompense ?

RhododendronQui toi ? (riant) Ah ! ah ! ah ! ... le drôle estamusant.

BoboliMais seigneur ...

RhododendronAllons, je t’en donnerai la valeur en argent, gaillard;ainsi, c’est entendu, tu as bien retenu tout mon plan?

Boboli (à part d’un air sombre)Oui je l’ai retenu ton plan.

RhododendronDans une heure, je reviens le mettre à execution, etj’espère vous trouver toi et Cocobo, prêts à le servir;baisse le pont ... cordon s’il vous plait !

BoboliVoilà seigneur ! ... (il baisse le pont)

Rhododendron (sortant)Oh ! elles seront à moi !(il disparait)

_____ Scène 2e _____

Boboli puis Cocobo

BoboliOui, je le connais ton plan ... imprudent ... Tu mel’as livré ... (ricanant d’un air diabolique) hé ! hé !hé ! (à Cocobo qui entre) Ah ! ... Cocobo.

CocoboSeigneur ?

BoboliAimes-tu le plaisir des Dieux ?

CocoboJe ne sais pas, je n’en ai jamais mangé.

BoboliMais triple buse ne sais-tu point que le plaisir desDieux, c’est la vengeance ? Eh bien sachez donc quecet affreux pacha, cet être hideux, boursouffléventripotent, ce ballon, ce pot à tabac prétendenlever toutes les femmes, toutes ! jusqu’à ton Alita.- (Cocobo saute en l’air) - Noble colère ! viens tevenger de ton rival, suis moi.

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CocoboOu allons nous ?

BoboliDéjouer le plan du farouche Rhododendron.(il se dirige vers le pont)

Cocobo (le suivant)Allons déjouer le plan du farouche ... quel plan ?

BoboliMais son plan, animal.

CocoboAh ! bien, bien ... ô vengeance ! ... quel plan vais-jedéjouer, mon Dieu ! ...

BoboliPasse devant.

CocoboJe passe devant.

BoboliEt pas un mot ! ... la moindre indiscrétion pourraitéventer la mèche.

CocoboAh ! vous ne me connaissez guère, seigneur, moid’abord quand je ne sais pas ce dont il s’agit, il n’y apas de danger que j’évente la mèche.

BoboliPrécieuse qualité ! ... allons marche ! ...

Cocobo (sortant)Allons déjouer ce plan que j’ignore.

Boboli (sortant)Allons goûter le plaisir des Dieux.

(ils sortent par le pont)

_____ Scène 3e _____

Les mêmes moins Boboli et Cocobo puis Nani etAlita. ( (La lune a disparu et a fait place au jour quipointe et grandit peu à peu. - Musique douce puiscroissante) Un trompette s’étire, ouvre les yeux,regarde le ciel, puis se lève et éveille un autretrompette couché près de lui.

Le TrompetteEh camarade ! ... camarade. - (il le secoue)

2e TrompetteHein ? quoi, laisse-moi dormir.

1re TrompetteDormir, mais voici le jour et nous avons l’ordre de laGénérale de sonner le réveil aux premières lueurs del’aurore.

2e TrompetteIl fait jour ? ... mais qu’est-ce que j’ai donc ... mespaupières sont lourdes ...

1re TrompetteAllons ho, debout et sonnons la Diane.

2e Trompette (se levant)C’est vrai qu’il fait jour ...

(ils sonnent la Diane. - Les soldats se réveillent)

Chœur.Quel bruit, quel esclandreVient se faire entendreQui donc ose ainsiNous troubler ici ?

Nani (accourant)Ah ! mesdames, mesdemoisellesTous les hommes se sont sauvés.

ToutesSe sont sauvés !

Alita (accourant)Je vous apporte des nouvelles:Les prisonniers sont esquivés.

ToutesSont esquivés !

ZaïdaC’est toi qui, je gageJe le crois vraimentAs ouvert la cageA ton cher amant.

AlitaMoi, sur ta figure,Je le vois très bienTu fis, j’en suis sûreEvader le tien.

MelanoTon époux, ma bellePourrait bien aussiDevoir à ton zèleD’être loin d’ici.

MilévaLe tien est en routeEt j’atteste, moiSans le moindre douteQue c’est grâce à toi.

ZoraJe crois que ton frèreA tes soins touchantsPeut-être, ma chèreDoit la clé des champs.

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NadjiTon cousin, ma bonneIl s’est évadéMais je te soupçonneDe l’avoir aidé.

NaniChacune, à son compteEt fit, je crois bienCette nuit, sans honteEvader le sien._____

C’est humain, mes demoisellesAgir autrement aurait été d’un cœur banalC’est humain, être rebellesEn ce cas est très moral

(elles rient toutes)

ChœurC’est humain, mes demoisellesEtc etc etc etc

ToutesSeules bien nous sommes etc

_____ Scène 4e _____

Les mêmes, Férosa

ToutesLa Générale !

FérosaMesdames, j’ai tout entendu; nous en recauserons;quant à présent un fait plus grave que l’évasion detous ces poltrons que je ne voulais qu’effrayer, vientde m’être révélé; notre ennemi, le faroucheRhododendron que nous tenions en notre puissance adisparu. Le garde qui le veillait est encore plongédans un sommeil surnaturel, le geolier, m’affirmequ’il a lui-même succombé à un sommeil invincible.

ToutesNous aussi, nous aussi ...

FérosaMoi aussi, j’ai subi, je ne sais quelle influencesoporifique, car la clé du pont m’a été soustraitependant mon sommeil ... et tenez ... voyez ... le pontest baissé ... voilà par où l’on s’est enfui.

Toutes (criant)C’est une horreur, une infamie ... Ah ! les brigands,les vauriens, les pendards.

FérosaMes amies, jurons de nous défendre nous mêmesjusqu’à la mort contre le farouche Rhododendron,qui, n’en doutez pas, va revenir nous attaquer.

ToutesNous le jurons ! a bas les hommes !

FérosaVous avez raison: à bas les hommes ! et vivent lesfemmes ! ce sera notre cri de ralliement.(elle saisit un drapeau)

Air:Allons femmes serrons nos rangsEt marchons en vrais conquérantsA bas les hommes !Quittons l’aiguille et le fuseauTirons les glaives du fourreauA bas les hommes !Trop longtemps faibles que nous sommesNous avons souffert lâchementEn avant !Mais il est venu le momentOù finit le règne des hommesAu son des claironsAu bruit du canonEn avant marchonsHardi bataillon !_____

__2e__

Les hommes sont tous des coquinsDes pendards et des libertins,Vivent les femmes !Chez eux nulle sécuritéRien que mensonge et lâchetéVivent les femmes !Secouons le joug des infâmesLevons-nous et crions gaiementEn avant !Car il est venu le momentOù vont enfin régner les femmes !Au son des claironsAu bruit du canonEn avant marchonsHardi bataillon.

(Entrée de tambour précédé d’un tambour major.militaire. Férosa passe la revue de son armée. -Musique militaire. - Tambours.

FérosaMagnifique tenue; enfants je suis contente de vous.

ToutesVive la Générale !

Une sentinelleAux armes !

(vive émotion)

FérosaQu’y a-t-il ?

Les Géorgiennes – Livret de Censure (1864) 30

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Zaïda (qui est allé voir)Un détachement d’être bizarrement vêtu s’avancevers nous.

(Toutes regardent)

Férosa (regardant avec une longue vue)En effet ... oh ! la singulière démarche, on diraitqu’ils dansent ... ils s’agitent ... se démènent ...

Nani (inquiète)Ah ! mon Dieu ! ... moi j’avoue que je ne suis pasrassurée.

Zaïda (avec ironie)Poltronne ! (à part) Tout de même, ça n’est pasrassurant. Si je pouvais me cacher.

FérosaSoldats à vos postes ! - (une musique étrange se faitentendre) Ecoutez ... (regardant) Mais je ne metrompe pas ... c’est une troupe ...

Toutes (inquiètes)Une troupe ?

Férosa (riant)Une troupe de femmes ... des bohémiennes ! ...

Toutes (riant)Ah ! ah ! ah !

NaniElles ont eu peur de Bohémiennes ?

Férosa (lorgnant)Et rien autre chose à l’horizon.

AlitaPas trace d’ennemis.

FérosaQuel est votre avis, mesdames, devons-nous leslaisser pénétrer ici ?

ToutesOui, oui.

NaniPuisque rien ne nous menace encore, un peu dedistraction.

ToutesOui, oui.

FérosaAllons ! ... introduisez les bohémiennes ...sentinelles, veillez ! ...

Toutes (regardant au dehors)Les voilà ! Les voilà !

NaniOh ! les drôles de créatures.

AlitaComme elles sont fagotées !

ZaïdaEt comme elles sautillent.

_____ Scène 5e _____

Les mêmes, Rhododendron, Boboli, Cocobo et un4e, déguisés en bohémiennes - puis Jolidin, Poterno,Tabako et Varvara. (ils enternt en sautillant)

Ensemble(Tout le morceau entier, en dansant)Nous sommes de pauvres ZingarisDidi ri di di, di di ri di diNous venons de loin, bien loin d’icidi di ri di di, di di ri di diNous paierons en danse bouffonneL’hospitalité que l’on nous donneAlza ! alza !Danse que j’aimeBonheur suprêmeDe ton ardeurCharme mon cœur_____

Toujours sautant depuis TarenteNos pauvres corps sont disloquésIls ont une fièvre dansanteDe l’araignée ils sont piqués.

Rhododendron (à Boboli)Près de nous tandis qu’on s’empresseQue nous captivons les regardsVite, introduit avec adresseTous mes soldats dans les remparts.

BoboliOui je vais avec vigilanceIntroduire ici vos soldats(à part)C’est le moment de la vengeanceElle ne m’échappera pas.(il va ouvrir)

Jolidin, Poterno et 2 autres (entrant)Nous sommes de pauvres Zingarisdi di ri di di, di di ri di diNous venons etc etc.

TousAlza ! alza !_____

Par le plus étrange prodigeLa Tarantule, nuits et joursNous donne une fièvre, un vertige,

Les Géorgiennes – Livret de Censure (1864) 31

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Et nous dansons, dansons toujours.Danse que j’aimeEtc etc.

Jolidin (à Poterno)Nous voici venus à la placeDes hommes de RhododendronDe l’habileté, de l’audaceEt nous vaincrons ce fanfaron.

PoternoOui, sergent, mettons-nous en quatreLa ruse, c’est dans mon emploi;Si l’on doit vaincre sans se battreCertainement comptez sur moi.Danse que j’aimeEtc etc.

RhododendronVoici le moment, allons presteSans plus tarder il faut agir;Des soldats, introduit le resteEt mon projet va s’accomplir.

BoboliOui c’est l’instant où ma colèreVa clandestinement agirOui, c’est le moment, je l’espèreAvec toi, gredin, d’en finir.Danse que j’aimeEtc etc.

Nouveaux hommes en Bohémiennes (entrant)Nous sommes de pauvres ZingarisEtc etc.

Tout le mondeAlza ! alza !

RhododendronTous et sans éveiller d’alarmeVers les faisceaux dirigez-vousSaisissez promptement les armesEt, des femmes, emparez-vous.

JolidinDe notre victoire éclatanteVoici l’instant préparez-vous.

PoternoIls sont deux, nous sommes soixanteNe craignons rien et montrons-nous.Danse que j’aimeEtc etc.

(Entrainement général. - Tout le monde danse. - Lesfausses bohémiennes s’élancent sur les faisceaux ets’emparent des armes)

RhododendronLancez les armes par dessus les remparts ... (retirantsa coiffe et tout ce qui le rendait méconnaissable) - à

haute voix) rendez vous belle Férosa, et vous toutesjolies Géorgiennes vous êtes mes prisonnières.

FérosaLe farouche Rhododendron !

ToutesTrahison ! aux armes !

Rhododendron (riant)Vos armes ? ... Ah ! ah ! ah ! (Les bohémiennesrient) vos armes belles Géorgiennes, ce sont vos jolisyeux, vos petits minois agaçants et fripons, tous cesattraits qui feront de moi votre esclave, tout en étantles miennes; quant à vos armes de guerre, ne lescherchez pas, c’est inutile !

Toutes (regardant)Malédiction !

Jolidin (se montrant)Non, ne les cherchez pas, les voilà !

Poterno, Boboli et CocoboNous les tenons ! (ils les distribuent aux femmes)

RhododendronEnfer, poignard et poison, je suis trahi !

Toutes les femmesBravo ! Vive Jolidin ! vive Poterno ! Tous ! tous !

Jolidin (appelant au dehors)Arrivez vous autres. (invasion d’hommes entrant parle pont) Nous voilà trois cent braves, armés, contrequatre hommes seuls et sans défense. (provoquantRhododendron et ses trois hommes d’un air crâne)Avancez donc !

PoternoIls n’osent pas les lâches !

FérosaLevez le pont !

(on lève le pont)

RhododendronPris dans la souricière ! Eh bien nous allons voir: àmoi mes braves ... (il s’élance sur le rempart) Al’assaut !

Tous (effrayés)L’assaut !

_____ Scène 7e _____

Les mêmes, une rangée de têtes craintives ettremblantes et pâles, paraissant au dessus de lamuraille.

Chœur

Les Géorgiennes – Livret de Censure (1864) 32

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Où sont les ennemisLes ennemis qu’il faut combattre ?Nous allons, nous allons les abattreNous allons les mettre en hachis

Tous les assiégés (riant aux éclats)Ah ! ah ! ah ! quoi ce sont les ennemisQui veulent nous mettre en hachis.

(Ils font un mouvement en avant, toutes les têtesdisparaissent)

Les assiégés (riant)Ah ! ah ! ah ! quoi ce sont là les ennemisQui veulent nous mettre en hachis

Rhododendron (criant sur le rempart)Allons, allonsLacher poltronsA l’assaut de nouveau, moutonsSauvez votre chef invincibleEt faisons un massacre horrible

(Les hommes reparaissent)

ChœurOù sont }Voilà } les ennemisLes ennemis qu’il faut combattreNous allons, nous allons les abattreNous allons les mettre en hachisQuel horrible carnageAbandonnons nous à notre rageCourronsCombattonsMassacronsLes bataillons

FérosaPour terminer cette plaisanterieQue l’on braque à l’instant sur eux l’artillerie.

BoboliC’est inutile, à moi mes artilleurs !Ce sont eux qui seront vainqueurs

(entrée de petits apothicaires)Dressez-là votre batterie !Nous allons jouer du canon !Artilleurs à vos piècesEt pas de maladressesBraquez ! joue ...

Férosafeu !

BoboliNon !Joue ... eau ! ... bon !

(Toutes les têtes disparaissent. - rires bruyants)

Jolidin et PoternoNos avons de ce fanfaronDu farouche RhododendronDéjoué le projet habileEt nous avons sauvé la ville.

ToutesOui vous avez sauvé la ville

Jolidin et PoternoNous espérons chères beautésNous être réhabilités.

ToutesVous êtes réhabilités.

Rhododendron (à part)Vaincu par la force des armesBientôt, j’ai la convictionDe vaincre à mon tour par les charmesD’une tendre séduction

Férosa (reprise du chant guerrier)Si vers nous l’ennemi jamaisOsait se montrer désormaisPour gagner encore la victoireC’est vous qui courrez à la gloire

Reprise du chant guerrierTous ensemble serrez vos rangsEt marchez en vrais conquérantsVivent les hommesTirez les glaives du fourreauDe l’honneur suivez le drapeauVivent les hommesEt dignes de vous que nous sommesNous vous crierons dorénavant:En avant !Et vous chanterez bravementComme doivent faire des hommes:Au son des claironsAu bruit des canonsEn avant, marchonsHardi bataillon._____

Fin._____