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ARTICLES STAL Volume 36 / 4 ème Trimestre 2010 59 C. Couillault 1, 2, 3 C. Léopold Kurz 1,2,3, * 1 Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy, Uni- versité de la Méditerranée, Case 906, 13288 Mar- seille cedex 9, France 2 INSERM, U631, 13288 Marseille, France 3 CNRS, UMR6102, 13288 Marseille, France *Correspondance: [email protected] Résumé Le nématode Caenorhabditis elegans (C. elegans) est un invertébré combi- nant simplicité et complexité. Cette dualité permet de l’utiliser comme modèle pour étudier rapidement et relativement aisément d’importants processus biologiques relevant pour tous les eucaryotes. Dans cette revue seront présentés les aspects majeurs de l’anatomie et de la physiologie de ce nématode ainsi que certains des principaux outils utilisés en labora- toire. Des expériences marquantes tant du point de vue méthodologique qu’historique seront décrites pour illustrer les possibilités de l’animal. Finalement, l’étude de l’immunité an- tifongique de ce ver sera utilisée comme exemple pratique pour pré- senter les ressources de C. elegans et mettre en contexte les outils décrits. Introduction De l’humus à la gélose Les premières publications qui parlent de C. elegans datent de la fin du 19 ème siècle et sont le fruit du travail du biologiste français Emile Maupas (http://wormbase.sanger.ac.uk/papers/ 1900-maupas/Maupas_1900.pdf ). Cet archiviste de formation passionné de sciences naturelles, consacre son temps libre à l’étude d’animaux mi- croscopiques présents dans le sol. L’académie des sciences remarque la qualité de ses travaux et le nomme en 1901 correspondant pour l’institut en Algérie. Ce naturaliste est particulière- ment intrigué par le mode de repro- duction hermaphrodite de certains vers et il est le premier à décrire précisé- ment l’anatomie de C. elegans qu’il isole d’un humus en Algérie. C’est ainsi que ce ver fut sorti de terre ! A partir des années 1940, des travaux de différents biologistes sur les néma- todes dont C. elegans vont permettre de mieux connaitre ce petit inverté- bré. On peut relever les travaux d’Ells- worth Dougherty (Dougherty and Cal- houn, 1948) et de Victor Nigon (Nigon and Dougherty, 1949) qui décrieront respectivement le mode de nutrition et la croissance des nématodes Cae- norhabditides ainsi que le mode de re- production de C. elegans. C’est à partir de 1960 que la carrière de cet animal en tant que modèle en bio- logie va prendre son essor. En effet, le biologiste moléculaire Sydney Brenner à qui nous devons déjà des avancées remarquables sur la nature du code génétique (Crick et al., 1961) obtient de E. Dougherty des spécimens de C. ele- Du nématode Caenorhabditis elegans et de son utilisation en laboratoire Remerciements À Jonathan Ewbank et Olivier Zu- gasti pour les commentaires et discussions.

Du nématode Caenorhabditis elegans et de son …...niveau du pharynx a rendu la tache complexe. Ces cartes du système ner - veux de C. elegans, auxquelles s’ajoute la possibilité

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� C. Couillault 1, 2, 3C. Léopold Kurz 1,2,3, *

1Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy, Uni-versité de la Méditerranée, Case 906, 13288 Mar-seille cedex 9, France2INSERM, U631, 13288 Marseille, France3CNRS, UMR6102, 13288 Marseille, France*Correspondance: [email protected]

RésuméLe nématode Caenorhabditis elegans(C. elegans) est un invertébré combi-nant simplicité et complexité. Cettedualité permet de l’utiliser commemodèle pour étudier rapidement etrelativement aisément d’importantsprocessus biologiques relevant pourtous les eucaryotes. Dans cette revueseront présentés les aspects majeursde l’anatomie et de la physiologie dece nématode ainsi que certains desprincipaux outils utilisés en labora-toire. Des expériences marquantestant du point de vue méthodologiquequ’historique seront décrites pourillustrer les possibilités de l’animal.Finalement, l’étude de l’immunité an-tifongique de ce ver sera utiliséecomme exemple pratique pour pré-senter les ressources de C. elegans etmettre en contexte les outils décrits.

IntroductionDe l’humus à la géloseLes premières publications qui parlentde C. elegans datent de la fin du19ème siècle et sont le fruit du travail dubiologiste français Emile Maupas(http://wormbase.sanger.ac.uk/papers/1900-maupas/Maupas_1900.pdf). Cetarchiviste de formation passionné desciences naturelles, consacre sontemps libre à l’étude d’animaux mi-croscopiques présents dans le sol.L’académie des sciences remarque laqualité de ses travaux et le nomme en1901 correspondant pour l’institut enAlgérie. Ce naturaliste est particulière-ment intrigué par le mode de repro-duction hermaphrodite de certains verset il est le premier à décrire précisé-ment l’anatomie de C. elegans qu’ilisole d’un humus en Algérie. C’est ainsique ce ver fut sorti de terre !A partir des années 1940, des travauxde différents biologistes sur les néma-todes dont C. elegans vont permettrede mieux connaitre ce petit inverté-bré. On peut relever les travaux d’Ells-worth Dougherty (Dougherty and Cal-houn, 1948) et de Victor Nigon (Nigonand Dougherty, 1949) qui décrierontrespectivement le mode de nutritionet la croissance des nématodes Cae-norhabditides ainsi que le mode de re-production de C. elegans. C’est à partir de 1960 que la carrière decet animal en tant que modèle en bio-logie va prendre son essor. En effet, lebiologiste moléculaire Sydney Brennerà qui nous devons déjà des avancéesremarquables sur la nature du codegénétique (Crick et al., 1961) obtient deE. Dougherty des spécimens de C. ele-

Du nématode Caenorhabditis elegans et deson utilisation en laboratoire

RemerciementsÀ Jonathan Ewbank et Olivier Zu-gasti pour les commentaires etdiscussions.

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gans (la souche N2) isolée quelquesannées plus tôt à Bristol en Angleterre.Il en fait son modèle d’étude de prédi-lection car il recherche un animal ana-tomiquement simple et facile à mani-puler pour pouvoir établir les basesgénétiques et moléculaires du déve-loppement. Dans son laboratoire auMedical Research Council (MRC) deCambridge, S. Brenner va développerles outils génétiques permettant d’uti-liser C. elegans comme modèle. En1967 il expose des nématodes à l’EMS(Ethyl Methane Sulfonate), un puissantagent chimique mutagène et com-mence ce qu’il appelle sa première «chasse aux mutants ! » (Brenner, 1974).A partir des nombreuses constantesqui caractérisent cet animal, il isole denombreux mutants dont le premier estnommé dumpy (signifie boulot) car ilest plus petit et plus large que lasouche sauvage. Il publiera en 1974 «The genetics of Caenorhabditis elegans» (http://wormbase.sanger.ac.uk/pa-pers/31_Brenner74.pdf) (Brenner,1974), où il décrit la méthode qui luipermit l’étude de près de 300 mutantset la cartographie de 100 gènes. Cestravaux sont toujours cités comme LAréférence en génétique de C. eleganscar ils posent les bases de l’analyse gé-nétique chez ce nématode. La forcedans le travail de S. Brenner tient au faitqu’il va parvenir à mobiliser autour dece modèle toute une communauté debiologistes qui vont, grâce aux atoutsde cet animal, rapidement faire avan-cer la compréhension de ce nématodemais aussi de certains processus com-muns aux eucaryotes. La généalogiedes chercheurs qui dans les labora-toires à travers le monde travaillent surC. elegans a été faite et la racine com-mune les ramène à S. Brenner.

Anatomie et physiologieUn animal au mode de vie adaptéau travail en laboratoireC. elegans est un organisme modèleutilisé en biologie depuis plus de40 ans. L’étendue des connaissancesobtenues grâce à cet animal va desmécanismes de l’apoptose (Ellis andHorvitz, 1986) jusqu’à la machineriemoléculaire de l’ARN interférence (Fireet al., 1998) en passant par les neu-rosciences (Bargmann, 1993), le dé-veloppement (Rocheleau et al., 1997),les voies de signalisation (Shen et al.,2001), la résistance aux stress (Freed-man et al., 1993), les maladies géné-tiques humaines (Driscoll and Gerst-brein, 2003) et plus récemment lesinteractions hôte-pathogène (Sifri etal., 2005, Irazoqui et al., 2010 , Kurzand Ewbank, 2003). Dans la nature, ce ver qui mesure en-viron 1 mm de long à l’âge adulte setrouve dans le sol ainsi que sur lesfruits en décomposition où il se nour-rit de microorganismes (Barrière andFelix, 2006).Son mode de nutrition et sa petitetaille font qu’il est facile à cultiver. Enlaboratoire, les animaux sont élevés

dans des boîtes de pétri sur un milieugélosé ensemencé avec une souchede bactéries Escherichia coli soucheOP50 (Riddle et al., 1997) (Figure 1).Les températures optimales de cul-ture de ces nématodes sont com-prises entre 15 °C et 25 °C. C. elegansa un mode de reproduction particu-lier ; c’est un animal hermaphroditeautofécondant. Cette spécificité estextrêmement précieuse au laboratoirecar il est ainsi possible d’obtenir unepopulation clonale à partir d’un seulindividu homozygote pour un carac-tère considéré. Bien que majoritaire-ment hermaphrodite (figure 2), ilexiste néanmoins des mâles dont lafréquence dans la nature est estiméeentre 0.1 et 0.2 % (figure 3). Lesmâles sont le produit d’une « erreur »dans la répartition des chromosomesX à la méiose.Sous la lumière du microscope,C. elegans apparaît relativementtransparent et son anatomie est à pre-mière vue simple (figures 2 et 3). Labouche de l’animal donne sur le pha-rynx dont le rôle est d’aspirer pouramener la nourriture vers le broyeur.Constitué de chitine, il transforme la

E. coli

Figure 1

Figure 1 : Culture de C. elegans. A gauche ; boîte de Pétri contenant un milieu gélosé ensemencéavec E. coli, la bactérie qui sert de nourriture à C. elegans . A droite ; vue grossie du tapis bactériensur lequel C. elegans est cultivé.

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nourriture en un lysat qui passe en-suite dans l’intestin où il est assimilé.Les bactéries ingérées sont donc dé-truites et ne passent pas intactes labarrière du broyeur. La fin de l’intes-tin débouche sur le rectum dans la

partie postérieure du nématode. Chezl’hermaphrodite, la gonade possèdedeux bras qui sont réparties dans lapartie antérieure et postérieure del’animal. Chacune débouche sur unepoche contenant le sperme produit

par l’animal : la spermathèque qui ellemême est reliée à l’utérus (figure 2).Par conséquent, les oocytes se diffé-rencient en progressant dans la go-nade puis entrent en contact avec lesperme de l’animal. L’œuf ainsi fé-condé démarre son développementavant d’être pondus moins de 10heures plus tard. En ce qui concernele mâle, son système reproducteurprésente une gonade unique quicontient le sperme (figure 3). Elleaboutit sur un cloaque commun avecl’anus. Des excroissances dans la par-tie postérieure forment un éventailcriblé de terminaisons nerveuses quifacilite la reproduction avec l’herma-phrodite. Malgré le caractère autofé-condant, la reproduction entre lesmâles et les hermaphrodites donneune descendance à la ségrégationMendélienne car les gamètes du mâleprennent le dessus sur le sperme del’hermaphrodite. Cette particularitépermet des approches en routine degénétique classique.Une coupe transversale d’un herma-phrodite adulte révèle une structureen tubes intriqués (figure 4). L’animalest entouré et protégé par une cuti-cule faite d’un maillage de collagènes,protéines sécrétées par un tissus sousjacent, l’épiderme de C. elegans. Souset contre cet épiderme se trouventdes faisceaux de muscles ainsi quedes cordes nerveuses. L’intestin et lesgonades sont relativement au centre,baignés dans un fluide appelé liquidepseudocoelomique.La prolifération de cet animal est im-portante et rapide. A 20 °C, il ne fautque 3 jours à un œuf pondu par unadulte pour donner à son tour un adultecapable de pondre des œufs. La crois-sance d’un individu se fait au traversde mues successives qui rythment les

Figure 2

A

B

Figure 2 : Anatomie d’un hermaphrodite adulte. (A) Image en microscopie Nomarski d’un hermaphro-dite adulte et de deux embryons. (B) Schéma de l’anatomie d’un hermaphrodite adulte (vue latéralegauche). Adapté de wormatlas (http://www.wormatlas.org/).

Figure 3

A

B

Figure 3 : Anatomie d’un mâle adulte. (A) Schéma de l’anatomie d’un mâle adulte (vue latéralegauche). (B) Image en microscopie Nomarski d’un mâle adulte. Adapté de wormatlas (http://www.wormatlas.org/).

Cuticule 

Corde nerveuse 

Muscle 

Gonade 

Intestin 

Epiderme 

Pseudocoelome 

Figure 4

Figure 4 : Schéma d’une coupe transversale d’un hermaphrodite adulte. Adapté de wormatlas (http://www.wormatlas.org/).

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4 stades larvaires. Chaque adulte peutpondre environ 300 œufs et ceci enseulement 5 jours. Par conséquent, unnématode peut engendrer en 10 joursune population de 90 000 animaux gé-nétiquement identiques.Dans les conditions standards de la-boratoire, les vers de génotype sau-vage peuvent vivre jusqu’à 20 joursmais il existe des mutations poussantcette limite à plus de 100 jours. Leplus remarquable est que les gènesdont les mutations accroissent la du-rée de vie du ver sont conservés chezles mammifères (Kenyon, 2010) cequi rend ce domaine de recherchetrès actif dans la communauté desutilisateurs de C. elegans.

De nombreuses constantes serventde repèresUn des intérêts majeur de ce néma-tode provient de sa constance tantd’un point de vu anatomique qu’auniveau de ses cycles. L’hermaphro-dite contient exactement 959 noyauxde cellules somatiques dont précisé-ment 302 appartiennent à des neu-rones. Le lignage cellulaire est inva-riant et a été identifié (Sulston et al.,1983). Cela signifie que la parentéainsi que la position de chaque cellulesont identiques d’un individu à unautre. Cette particularité a permis àJohn White (collaborateur de S. Bren-ner) et son équipe de reconstruire lesystème nerveux du nématode à par-tir de coupes sériées de vers et d’ob-servations en microscopie électro-nique (White et al., 1986). Lespositions et les connexions entreschaque neurones ont été déterminéesmême si la densité de ces derniers auniveau du pharynx a rendu la tachecomplexe. Ces cartes du système ner-veux de C. elegans, auxquelles

s’ajoute la possibilité de faire desablations spécifiques de cellules àl’aide d’un laser, sont des outils pré-cieux pour étudier et comprendre desmécanismes liés à la locomotion, lamécanosensation, la chémosensationou encore la thermosensation de cetanimal. Il n’y a pas que d’un point devue morphologique que ces animauxsont constants. La vie d’un ver est eneffet régie par de nombreux cyclesqui sont autant de standards qui at-testent de la bonne santé de l’animal.Par exemple, le broyeur se contracte3 fois par seconde pour casser lesparticules de nourriture et la déféca-tion se produit 1 fois toute les 45 se-condes. L’hermaphrodite, à un cer-tain âge, pond 6 œufs par heure et lemouvement de l’animal dans un li-quide implique 120 ondulations parminute (Wong et al., 1995). De même,le temps de développement, les pé-riodes entre chaque mues ainsi que ladurée de vie sont aussi desconstantes extrêmement utiles pourcaractériser un mutant ou une ré-ponse à de nouvelles conditions. Depart la régularité dans son dévelop-pement, il est possible de synchroni-ser des populations à très grandeéchelle de manière à s’astreindre desdifférences d’âge entre individus. Aplus petite échelle, il est aussi pos-sible de sélectionner des individusd’un stade spécifique car ils présen-tent des particularités morphologiquestel que le quatrième stade larvaire quipossède une zone plus claire en formede croissant de lune qui préfigure lavulve en devenir.

Techniques et outilsDe nombreux mutants présententdes phénotypes remarquablesLes constantes de forme, d’activité

ou de temps de développement ontété dès le début de l’utilisation du né-matode des atouts précieux pour dé-marrer la génétique. De nombreuxmutants ont rapidement été isolés surla base de phénotypes flagrants telsque des défauts locomoteurs (mu-tants unc : UNCoordinated), des taillesaberrantes (mutants sma : SMAll oulon : LONg) ou encore un rythme deponte anormal (mutants egl : EGgLaying defective). Ces mutants auxphénotypes évidents en comparaisonavec les standards des animaux sau-vages sont devenus autant de mar-queurs génétiques localisés sur les6 chromosomes de C. elegans (5 au-tosomes et 1 chromosome sexuel).Les travaux de S. Brenner que nousavons déjà évoqué ont permis d’initierl’élaboration d’une carte génétiquequi a été la pierre angulaire faisant deC. elegans un modèle précieux en bio-logie. Cette ressource ouvre la porteaux approches génétiques par muta-génèse qui font parties de ces tech-niques de choix permettant d’abor-der une problématique biologique demanière non-biaisée.

Les vers se conserventpar congélationUn avantage plus que conséquent dumodèle nématode concerne laconservation et le maintient à longterme des souches ou des mutantsobtenus. En effet, les nématodes peu-vent êtres congelés et sont conservésà -80 °C ou dans de l’azote liquide.Mise au point par John Sulston, lacongélation se fait dans une solutionà base de glycérol. Même si les résis-tances au procédé varient, tous lesstades larvaires sont congelables etseuls les œufs ne résistent pas. Aprèsdécongélation certains animaux vont

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se réveiller en à peine quelques mi-nutes et pondre le jour suivant. Lerythme de ponte de l’animal suffit àreformer des populations complètesen quelques jours à partir d’un seulanimal. Si cette méthode est correc-tement mise en œuvre elle permet derécupérer la majorité des animauxtraités. Les possibilités de stockagedes souches de nématodes sontpoussées à leur extrême au Caeno-rhabditis Genetic Center (CGC) quipossèdent plus de 12,000 souchesde C. elegans (mutants, lignées trans-géniques,…). De plus, tout labora-toire peut envoyer ses souches auCGC qui se chargera de les stocker etde les distribuer aux autres équipesselon leurs demandes (http://www.cbs.umn.edu/CGC/strains/). Cettecentralisation, lisibilité et libre distri-bution du matériel biologique est unimmense avantage pour accélérer letravail et éviter les redondances.

Plus de mutants générés que degens pour les caractériserLe criblage génétique est une ap-proche très précieuse pour la com-préhension globale d’un mécanismebiologique. Cette technique, qui vise àmodifier le génome pour altérer lephénotype des organismes, permetd’identifier les gènes requis pour unprocessus déterminé mais aussi lesséquences promotrices, les enhan-cers, les sites d’épissage ou encoreles régions 3’ UTR nécessaires à labonne expression et à la régulation dugène ciblé. De manière à obtenir unevision complète du mécanisme d’in-térêt, il faut en théorie pouvoir modi-fier chacun des gènes de l’organismece qui implique de manipuler une trèsgrande quantité d’animaux. L’idéal estd’atteindre un niveau théorique de

mutation de l’ordre de la saturation dugénome. Le nématode est particuliè-rement adapté à ces approches parson caractère hermaphrodite autofé-condant, sa taille et son faible coût. Eneffet, 1 million d’animaux mutagéni-sés et prêts à être testés pour un phé-notype donné sont aisément obtenusen quelques semaines, contenus dansseulement 20 boîtes de Pétri et cecipour un coût équivalent à celui d’unesouris. De plus, les très bonnesconnaissances dont nous disposonssur l’anatomie et la physiologie de cetanimal favorisent le développementde cribles génétiques qui portent no-tamment sur la locomotion, le com-portement ou le développement. Cettefacilité de mutagénèse et de cribleincite très souvent les laboratoires autiliser ces techniques dans leurs pro-jets de recherche. L’animal pouvant secongeler, les congélateurs de ces la-boratoires contiennent de nombreuxmutants qui nécessiteront le travailde beaucoup de collaborateurs surplusieurs années. Les études réali-sées par l’équipe de Robert Horvitz,qui travailla un temps avec S. Brenner,sont une bonne illustration de l’utili-sation des cribles génétiques. C’est àpartir de la connaissance du lignagecellulaire de C. elegans qu’ils ontidentifié par mutagénèse des animauxavec des défauts de différenciationou des cellules surnuméraires. Parmices nombreux mutants se trouvaientune lésion dans le gène ced-3 quis’est avéré être un homologue dugène humain codant la caspase-1.Cette découverte chez le ver a dé-montré le contrôle génétique del’apoptose et a grandement éclairéles découvertes de ces voies de si-gnalisation chez les mammifères(Yuan et al., 1993).

Des animaux transgéniques en unesemaineLa transparence des animaux est unatout majeur pour l’observation depatrons d’expression cellulaire. Il estrelativement aisé de créer des ani-maux génétiquement modifiés quicontiennent tout ou partie du gèneconcerné ainsi qu’un fluorochromecomme la Green Fluorescent Protein(GFP) (Chalfie et al., 1994). De plus, denombreuses expériences nécessitentle sauvetage d’une mutation par réin-troduction de la version sauvage ouplus simplement la surexpressiond’un gène d’intérêt ou son expressionectopique. Toutes ces approches, quinécessitent l’introduction de matérielgénétique pour établir des lignéestransgéniques, sont effectuées enroutine avec C. elegans. Différentesméthodes existent mais la plus cou-rante, développée en 1991 par CraigMello (Mello et al., 1991), consiste, àl’aide d’un fin capillaire de verre, à in-jecter le matériel génétique directe-ment dans les gonades des herma-phrodites. Moins d’une heure estnécessaire à l’injection d’une ving-taine d’animaux et une semaine d’at-tente est requise pour l’identificationde lignées stables issues de ladeuxième génération. Tous les typesd’acides nucléiques allant des ARNau produit PCR en passant par leschromosomes artificiels peuvent êtresinjectés. L’ADN injecté est transformépar le nématode en un extrachromo-some contenant de multiples copiesdu produit. De part l’absence de zonecentromérique spécialisée sur leschromosomes du ver, l’extrachromo-some est reconnu comme matérielendogène à la mitose par la machi-nerie réplicative du nématode.

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Les constructions portées par les li-gnées ne sont généralement pas inté-grées et l’association d’un marqueur deco-injection est nécessaire pour attes-ter de la présence du transgène d’inté-rêt. Ces marqueurs sont généralementdes modificateurs de la morphologiedu ver ou permettent de produire de lafluorescence. Récemment, des mar-queurs de co-injection procurant unerésistance à un antibiotique ont été dé-veloppés. Ceci permet une sélectiontout comme avec les bactéries ou lescellules eucaryotes (Giordano-Santiniet al., 2010, Semple et al., 2010). Uneétude récente illustre particulièrementbien la facilité d’obtention des lignéestransgéniques ainsi que les avantagesassociés à la transparence du ver. De-nis Dupuy et ses collaborateurs ont gé-néré 900 souches transgéniques com-portant les promoteurs de 900 gènesfusionnés à celui codant la GFP. Parl’analyse de l’expression de la GFP lelong des animaux au cours du temps(voir plus bas l’explication concernant letrieur de nématode), ils ont déterminénon seulement le patron d’expressionspatial mais aussi temporel de ces dif-férents promoteurs (Dupuy et al., 2007).Un transgène étant rarement transmisà 100 % de la descendance, il est pos-sible d’intégrer les constructions dansle génome du ver pour pleinement uti-liser ces animaux. Cette intégration sefait de manière aléatoire en exposantles nématodes transgéniques à desrayonnements gammas qui provoquentd’importants dommages dans l’ADN.Si l’animal survit après réparation deson matériel génétique, il est possibleque le transgène soit intégré au gé-nome. Tout n’est qu’une histoire denombre et plusieurs lignées intégréessont généralement obtenues à partirde 500 animaux analysés. Les muta-

tions provoquées par le traitement sontensuite éliminées par des croisementssuccessifs avec des vers de génotypesauvage. Les lignées ainsi stabiliséesavec un fond génétique nettoyé sontobtenues en 1 mois et peuvent êtresutilisées pour des applications à grandeéchelle.

C. elegans est un organisme multi-cellulaire au génome séquencé etannotéLe nématode étant rapidement de-venu un modèle reconnu et relevantpour la biologie, d’importants effortsont été fournis au sein de la commu-nauté des laboratoires utilisant le né-matode pour finaliser le séquençagede cet invertébré et fournir une anno-tation compréhensive de ses 6 chro-mosomes. Initiée par le biologiste an-glais J. Sulston en collaboration avecRobert Waterston, qui a dirigé le travailde séquençage à l'université de Wa-shington, la séquence complète dugénome de C. elegans fut publiée en1998 (T. C. S. C., 1998). Ce travailconstitue le premier décryptage del’ADN d’un métazoaire, les séquen-çages précédents ayant concerné labactérie Haemophilus influenzae en1995 et la levure Saccaromyces cere-visiae en 1997. En terme de chiffres, legénome du nématode est constituéde 100 Méga bases (3 Giga bases pourl’homme) avec environ 20 000 gènes(30 000 pour l’homme) annotés. Lescomparaisons entres les différentesséquences disponibles ont rapidementsoulignées la relevance du modèle né-matode pour la compréhension de labiologie des mammifères car 74% desprotéines humaines présentent deshomologues chez le ver (T. C. S. C.,1998). Certaines de ces ressem-blances sont telles qu’elles stimulent

des approches qui portent sur la ma-ladie d’Alzheimer ou de Parkinsonchez le ver (Driscoll and Gerstbrein,2003). Ces maladies humaines sonten partie liées à une accumulation deprotéines qui forment des agrégatstoxiques pour la cellule et de telssymptomes peuvent êtres induits chezle ver en surexprimant dans certainescellules le prototype de ces molécules.Ces protéines sont fusionnées à la GFPet la transparence du nématode per-met de visualiser directement la for-mation ou la dissolution de ces aggre-gats chez les animaux transgéniques.Il est ainsi possible d’effectuer describles génétiques pour identifier desfacteurs aggravants ou protecteursainsi que d’utiliser ces nématodescomme plateforme in vivo pour testerl’effet de certaines molécules oudrogues (Choe and Strange, 2008).

Inactivation direct d’un gène ou deson produit, oui ; KO ciblé, nonUne autre approche qui découle di-rectement de l’obtention de la sé-quence génomique de C. elegans estla génétique inverse. Les comparai-sons de gènes entre espèces et le re-coupement des travaux effectués chezdifférents organismes permettent d’at-tribuer une fonction putative à de trèsnombreux produits de gènes du né-matode. Pour tester la fonction d’ungène dans l’animal, il faut pouvoir sup-primer ce gène ou le produit de cegène. L’approche reine qui chez lasouris consiste à enlever tout ou par-tie d’un gène ciblé (Knock Out) n’estque très peu efficace chez le ver. Parcontre, des couples d’oligonucléotidespeuvent êtres définis pour tester laprésence et l’état du gène d’intérêtpar PCR (Polymerase Chain Reaction).Il est donc possible de contrôler la pré-

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sence de délétions dans une popula-tion traitée aux rayons ultraviolets. Cer-tains laboratoires (http://www.shigen.nig.ac.jp/c.elegans/index.jsp et http://celeganskoconsortium.omrf.org/) dé-dient une part de leur temps à la gé-nération de population de mutantsqu’ils testent pour la présence de dé-létions spécifiques selon demande.Ces mutants sont envoyés au labora-toire demandeur ainsi qu’au CGC (voirplus haut). Néanmoins, il n’y a aucunegarantie de délai concernant l’identifi-cation d’une délétion dans le gèned’intérêt. De plus, une banque de mu-tants composée d’animaux avec untransposon inséré dans le génome aété générée (Duverger et al., 2007). Laposition des transposons est identi-fiée et les nématodes congelés sontenvoyés sur demande (http://pbil.univ-lyon1.fr/segalat/data/mos.php). Ré-cemment, une technique de recombi-naison homologue a été développée àpartir de ces mutants dans le but d’in-sérer un fragment d’ADN à proximitédu site d’insertion du transposon (Ro-bert and Bessereau, 2007). En com-plément, il existe une méthode rapidepour supprimer spécifiquement destranscrits ; l’ARN interférence (ARNi).Ce mécanisme initialement identifiéchez les plantes (Ecker and Davis,1986) a été compris d’un point de vuemécanistique grâce aux travaux chezle nématode (Tabara et al., 1999). Sonutilisation pour inactiver spécifique-ment le produit de n’importe quel gènea révolutionné l’étude de la biologie deC. elegans ainsi que d’autres espèces.Il fallait initialement injecter dans lagonade des vers de l’ARN double brinsspécifique d’un gène pour observerune disparition des transcrits corres-pondants dans les animaux traitésainsi que leur descendance et ainsi

simuler une mutation perte de fonction(Timmons and Fire, 1998). Une autrealternative consistait à tremper les né-matodes dans une solution enrichieen ARN double brins. Finalement, unetroisième technique a été mise aupoint pour laquelle il suffit de nourrirles vers avec des bactéries qui pro-duisent l’ARN double brins pour ob-server une très forte diminution de laquantité de transcrits correspondants(Fraser et al., 2000). Sur ce principe eten utilisant les ressources associéesau séquençage, le laboratoire de JulieAhringer (Cambridge, Angleterre) aconstruit des banques de bactéries oùchaque clone permet de cibler spéci-fiquement un gène de C. elegans. Desbanques qui couvrent plus de 80 % dugénome du nématode sont disponibleset permettent de faire des criblages deperte de fonction « génome complet »(Kamath and Ahringer, 2003). Les tra-vaux récents de l’équipe de Todd La-mitina sur le stress osmotique illus-trent bien les outils décritsprécédemment. A partir d’animauxtransgéniques qui deviennent fluores-cents uniquement dans un contextede stress, ce groupe de recherche aeffectué l’ARNi de 16,000 gènes surces nématodes. Ils ont identifié desgènes dont la perte de fonction induitun stress chez l’animal (animal fluo-rescent) alors que l’environnementn’est pas stressant. Les gènes mis enévidence codent des protéines de sys-tèmes régulateurs impliqués dans lemaintient de l’homéostasie protéiquedu nématode (Lamitina et al., 2006).

De nombreuses ressources sur in-ternet pour partager découverteset matérielsToujours dans l’esprit de la diffusiondes ressources et des connaissances

au sein de la communauté des utili-sateurs de C. elegans et au-delà, denombreux sites sur internet sont dé-diés à la recherche sur le nématode.Le plus utilisé d’entre eux est certai-nement le site « wormbase »(http://www.wormbase.org) qui pré-sente la carte physique du génome deC. elegans ainsi que quantité d’infor-mations sur les mutants disponibles,les expériences effectuées ainsi que labibliographie correspondante. Ce siteest le point d’entrée vers d’autres res-sources telles que « wormbook »(http://www.wormbook.org/) ou «wormatlas » (http://www.wormat-las.org/). Le premier est un livre nu-mérique qui traite de nombreux as-pects de la biologie ou de l’utilisationde C. elegans tandis que le second estun atlas numérique de l’anatomie duver conçu à partir de coupes sériéesanalysées par microscopie électro-nique. Les patrons d’expression denombreux gènes sont aussi décrits etaident à l’identification cellulaire. Danscette thématique, il est intéressant denoter le site d’un consortium qui dé-termine systématiquement les pa-trons d’expressions des gènes deC. elegans et dont les images sontaccessibles au travers d’un moteurde recherche qui tri par tissu, stade dedéveloppement ou nom de gène(http://gfpweb.aecom.yu.edu/index).

Divers aspects de la biologie sontétudiables avec C. elegansDes possibilités rapidement dé-montréesLa simplicité de ce modèle a favorisél’émergence d’incroyables décou-vertes biologiques et technologiquesqui ont bénéficié à des usages quis’étendent bien au-delà du nématode.A ce jour ce ne sont pas moins de

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3 prix Nobel qui ont récompensés6 scientifiques et leurs équipes pourleurs travaux directs sur C. elegans.Le prix Nobel de physiologie ou demédecine attribué en 2002 à S. Bren-ner, J. Sulston et R. Horvitz a soulignéles atouts du modèle nématode à tra-vers leurs découvertes qui concer-nent la régulation génétique du déve-loppement des organes et la mortcellulaire. Ce prix prend en compteles efforts ayant permis l’établisse-ment de l’animal comme modèle enbiologie, l’étendue des connaissancessur sa physiologie et les découvertesayant une relevance pour tous les ani-maux, résultats qui découlèrent engrande partie de cribles génétiques.En 2006, ce fut au tour d’Andrew Fireet C. Mello de se voir décerner ce prixpour leurs travaux sur l’interférencepar ARN. Bien qu’observée depuislongtemps chez les plantes, sous leterme de co-suppression, lors notam-ment de la surexpression de trans-gènes (Ecker and Davis, 1986), lacompréhension des bases molécu-laires de ce phénomène attendit l’uti-lisation du nématode. Partant du prin-cipe que l’ARNi est très efficace chezle nématode, C. Mello et A. Fire ontmis en place des cribles génétiquespour identifier des animaux résistantsà l’ARNi. Pour avoir un phénotype ro-buste, ils ont traité des populationsmutagénisées par l’EMS avec un ARNiqui entraine une létalité embryonnaire.Par conséquent, seuls les mutants ré-sistants à l’ARNi sont capables d’avoirune progéniture. Cette approche as-tucieuse et les études qui en ont dé-coulé ont posé les bases moléculairesde l’ARNi, processus qui s’est révéléhautement conservé chez les euca-ryotes (Tabara et al., 1999). Plus ré-cemment en 2008 Martin Chalfie,

Osamu Shimon et Roger Y. Tsien ontreçu le prix Nobel de chimie, pour ladécouverte et le développement de laGreen Fluorescent Protein (GFP)comme outils en biologie. Découvertedans les années 1970 par O. Shimurala GFP n’a été clonée et séquencéequ’en 1992. Le laboratoire de R.Y.Tsien n’a cessé d’améliorer et de mo-difier la GFP pour créer de très nom-breux fluorochromes actuellement uti-lisés par tous les laboratoires.M. Chalfie qui travaillait déjà surC. elegans a compris le potentiel de lacombinaison entre cette molécule etle nématode transparent. Il a alors ef-fectué les premières expériencesd’expression hétérologue de cetteprotéine chez l’animal et ouvert la voieaux études de patrons d’expression etaux approches par gène rapporteur(Chalfie et al., 1994). D’autres résultats obtenus grâce à cemodèle sont tout aussi remarquable telque l’identification des microARN(miARN). Ils furent découverts en 1993par Victor Ambros, Rosalind Lee etRhonda Feibaum lors d’une étude surun mutant de C. elegans présentant undéfaut dans son lignage cellulaire. Cedéfaut était lié à une mutation dans lapartie non codante d’un gène (3’ UTRdu gène lin-14), séquence nécessaireà l’interaction avec un miARN (Lee etal., 1993). Le miARN correspondant(lin-4) fut le premier découvert mais ilfallut attendre l’année 2000 et l’iden-tification du miARN let-7 dont la sé-quence est conservée dans de nom-breuses espèces pour réaliser que lemécanisme de régulation par lesmiARN est aussi présent chez lesmammifères (Pasquinelli et al., 2000).Le monde des miARN est désormaisen pleine effervescence tant ces petitsacides nucléiques semblent impliqués

dans de nombreux mécanismes derégulations transcriptionnelles ou tra-ductionnelles (Bartel, 2009).

Vers une meilleure compréhensiondes infections grâce au nématodeComme décrit précédemment, C. ele-gans est un modèle de choix pour dé-crypter les mécanismes du dévelop-pement embryonnaire, de l’apoptoseou encore de la signalisation neuro-nale. Deux types d’approches vontétendre le spectre d’utilisation des in-vertébrés dont le nématode aux ma-ladies infectieuses ainsi qu’à la dis-section de l’immunité innée. Lepremier type de travaux est effectuéavec la drosophile et a pour cadre laréponse immunitaire innée. L’équipede Jules Hoffmann à Strasbourg dé-termine en 1996 que le récepteurtransmembranaire TOLL identifié 10ans auparavant pour son rôle dansl’orientation de l’axe dorso-ventralede l’embryon de drosophile (Andersonet al., 1985) est crucial pour la syn-thèse de peptides antimicrobiens chezcette mouche suite à une infectionfongique (Lemaitre et al., 1996). Cettedécouverte va trouver un écho reten-tissant auprès des immunologistesavec la découverte de récepteurséquivalents chez les mammifères, lesTLR (Toll Like Recepteurs) (Medzhitovet al., 1997). Chez la souris etl’homme notamment, ce sont ces ré-cepteurs qui perçoivent les patho-gènes, activent l’immunité innée etorchestrent la réponse adaptative quisuivra à travers la régulation de lasynthèse d’interférons ou de cytokines(Palm and Medzhitov, 2009). Les tra-vaux qui ont suivi ont démontré dessimilitudes inattendues entres les cas-cades de signalisation qui aboutis-sent à la synthèse des peptides anti-

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microbiens chez cet invertébré et lesvoies de signalisation en aval desTLRs des mammifères. Ces résultatsobtenus avec un insecte et leur rele-vance pour les mammifères ont ou-vert les yeux des biologistes sur laconservation inter-espèces de pro-cessus autres que la transcription, latraduction ou la réplication. Dans lemême temps, l’équipe de FrederickAusubel à Boston travaille a l’identifi-cation de facteurs de virulence bac-tériens. Cette équipe part du principeque des pathogènes avec un largespectre d’hôtes allant des plantes auxmammifères utilisent certainement unmême lot de facteurs de virulence etceci quel que soit l’hôte ; c’est le prin-cipe des facteurs de virulence univer-sels. L’équipe de F. Ausubel parexemple détermine qu’il est possibled’utiliser la plante comme premiermodèle hôte pour identifier par criblegénétique des facteurs de virulencede la bactérie pathogène Pseudomo-nas aeruginosa qui sont aussi requispour l’infection chez la souris (Rahmeet al., 1995). Ce groupe décide ensuited’utiliser le nématode comme hôtepour l’identification de facteurs de vi-rulence microbiens, travaux qui s’avè-rent relevant pour les mammifères(Mahajan-Miklos et al., 1999). Ces dé-couvertes, associées à l’existenced’une importante famille de patho-gènes humains avec un large spectred’hôtes (P. aeruginosa, Serratia mar-cescens, Burkholderia pseudomal-lei,…), ont ouvert la voie à de nom-breuses études (Kurz et al., 2003, Ganet al., 2002) dont les cribles de molé-cules potentiellement antimicro-biennes avec le ver comme modèlehôte pour l’infection (Breger et al.,2007). Finalement, les modèles d’in-fections caractérisés avec le néma-

tode ont permis d’analyser la réponsedu ver et de mettre en évidence uneimmunité innée inductible dont leséléments des voies de signalisationsont conservés inter-espèces (Kim etal., 2002 , Mallo et al., 2002).

Cas pratique : étude de l’immunitéantifongique de C. elegansPour comprendre à quel point C. ele-gans est un modèle pratique et ro-buste, nous allons utiliser l’historiquedes expériences menées sur l’immu-nité antifongique de C. elegans dans lelaboratoire de Jonathan Ewbank(CIML, Marseille). Les étapes qui ontpermis les évolutions dans ce domaineseront illustrées par des détails surles protocoles types ainsi que parquelques exemples de résultats mar-quants. En effet, même si le question-nement change selon le sujet de re-cherche qui motive l’utilisation dumodèle C. elegans, les outils employésrestent sensiblement constants et sontle reflet du potentiel de ce modèle. L’exploitation qui peut être faite deC. elegans en tant que modèle pourl’étude de l’immunité innée nécessitetout d’abord que l’on définisse quelstypes de microorganismes peuvent in-fecter ce ver (Couillault and Ewbank,2002). Depuis bien longtemps deschampignons qui infectent des néma-todes (nématophages) sont connus etdécrits comme pathogènes naturelsdes nématodes (Barron, 1976, van denBoogert et al., 1992). Leur variété estgrande, leurs stratégies infectieusestout aussi variées et dans tous les casles nématodes sont pour eux unesource nutritive. Certains de ces cham-pignons sont capables de capturer lesnématodes grâce à de véritables lassosconstricteurs, d’autres via de petitesstructures adhésives qui piègent les

nématodes qui s’en approchent. Lechoix du laboratoire de J. Ewbank s’estporté en 1999 sur le champignonDrechmeria coniospora car quelquesétudes décrivaient déjà ce champignoncomme pathogène des nématodes telsque C. elegans (Coles et al., 1989).L’objectif était d’obtenir une infectionstandardisée pour effectuer des ap-proches de génétique et de transcrip-tomique sur l’hôte. D. coniospora estdéfini comme un champignon néma-tophage strict qui infecte grâce à desspores d’environ 8µm de long. Cesspores ont une forme de massue etprésentent à leur extrémité apicale unestructure adhésive qui leur permetd’adhérer à la cuticule des nématodes(figure 5). Chez C. elegans, l’adhésionse produit préférentiellement autourde la bouche et de la vulve. Ainsi col-lées aux vers, les spores vont germerpour permettre la croissance deshyphes (système végétatif du champi-gnon) qui vont perforer sa cuticule puistraverser l’épiderme sous-jacent pourfinir par envahir le corps entier de l’ani-mal ce qui entraine sa mort. Après 24h,l’animal ne constitue plus une sourcenutritive suffisante pour le champignonqui entre alors dans un nouveau cyclede sporulation pour permettre sa dis-sémination. Pour mettre en évidenceles mécanismes de défense de C. ele-gans, l’utilisation de D. coniospora pré-sente plusieurs avantages. D’une part,

Figure 5

Figure 5 : Image en microscopie optique despores de Drechmeria coniospora. La flèchemontre l’extrémité adhésive de la spore

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ce système infectieux est non problé-matique pour le manipulateur puisquece champignon n’est pathogène quedes nématodes. D’autre part, l’infectionpar ce champignon implique que le ré-gime alimentaire du ver ne change pasà la différence des modèles infectieuxqui utilisent les bactéries. En effet, lesinfections bactériennes se produisentmajoritairement suite à une adminis-tration par ingestion ce qui peut rendredifficile la distinction entre mécanismesde défenses et ce qui peut être imputéà des problèmes nutritifs.

Méthodes pour évaluer la pathogé-nicité d’un microorganisme enversle nématodeUne méthode simple pour évaluer lavirulence d’un microbe potentielle-ment pathogène (bactérie, champi-gnon) est de mesurer le temps de sur-vie des vers en contact avec cettesouche. Cette survie suite à l’exposi-tion au microbe d’intérêt est comparéeavec celle obtenue en nourrissant lesvers avec la souche d’E. coli (OP50) deréférence utilisée dans les laboratoirespour la culture de C. elegans. CommeD. coniospora ne sert pas de nourritureau nématode, des spores sont mélan-gées à la nourriture du ver qui est in-fecté par simple contact avec celles-ci.Ces études de survie sont facilitéespar le grand nombre de nématode quel’on peut utiliser, par leur homogénéitéen termes de génotype ainsi que parleur synchronisation. Ces cinétiquesde survie nous ont permis de déter-miner que l’infection par D. coniosporatue tous les vers en moins de 3 joursalors que les nématodes non infectéspeuvent vivre 20 jours (Couillault etal., 2004). Au-delà de la survie qui estle résultat d’une combinaison de nom-breux facteurs, il est possible d’utiliser

les connaissances sur la physiologiedu nématode pour détecter des per-turbations durant l’exposition à cer-tains microorganismes. Ces change-ments dans les cycles ou lescomportements sont autant de phé-notypes qui renseigneront sur la pa-thophysiologie.

Analyser le transcriptome pouravoir une vue globale de la réponsede l’hôteL’une des caractéristiques de la ré-ponse d’un organisme à un stress ouà une infection réside dans l’inductionde la transcription d’un certainnombre de gènes dont le produit vaaider à l’adaptation à cette nouvellesituation. L’étude du transcriptomepar puces à ADN qui permet de défi-nir le niveau d’expression des gènesdans des conditions définies est pos-sible chez le nématode car l’usagede C. elegans permet la productiond’ARN par les techniques les plus cou-rantes telles que des extractions auphénol-Chloroforme. Ces techniquesd’analyses de transcriptomes s’effec-tuent aujourd’hui en routine avec despuces à ADN désormais considéréescomme « génome complet ». Combi-nées avec la richesse des banquesde données qui concernent C. ele-gans, ces approches sont globales,efficaces et robustes. Nous avionsdéjà entrepris ce type d’approchepour mettre en évidence l’immunitéantibactérienne du nématode (Malloet al., 2002) et nous avons réutilisé lastratégie lors des infections par D. co-niospora (Couillault et al., 2004 , Wonget al., 2007). Plusieurs séries de pucesà ADN, répétées à différents tempsd’infection (12 et 24h post-infection)ont été réalisées et les résultats obte-nus ont permis de classer les gènes

selon deux catégories principales : lesgènes qui sont surexprimés et ceuxqui sont sous-exprimés au cours del’infection. L’analyse des gènes sur-exprimés a mis au jour entre autredes gènes codant des peptides d’unecinquantaine d’acides aminés. Cespeptides ont des séquences relative-ment identiques et ils sont codés pardes gènes organisés sur deux loci dis-tincts, le locus NLP pour Neuropep-tides Like Peptides et le locus CNCpour CaeNaCin (nommé ainsi par lelaboratoire Ewbank) (Pujol et al.,2008b, Couillault et al., 2004).

Certains gènes induits durant l’in-fection codent des peptides anti-microbiensPour déterminer la fonction biologiquede ces peptides au cours de l’infection,l’un d’entre eux, NLP-31, a été syn-thétisé et la capacité de ce peptided’inhiber la croissance de certainschampignons et de bactéries a étémise en évidence par des tests in-vi-tro (Couillault et al., 2004). Un autretest a consisté à incuber des néma-todes infectés par D. coniospora avecce peptide de synthèse. Nous avonsainsi démontré que selon les concen-trations de peptide utilisées, ce dernierpouvait permettre de stopper la crois-sance du champignon dans le néma-tode mais aussi bloquer sa sporulation.Cet exemple montre qu’il est tout à faitpossible d’utiliser les modèles infec-tieux qui impliquent C. elegans commehôte pour le criblage de moléculesd’intérêts thérapeutiques telles quedes drogues aux capacités antimicro-biennes (Moy et al., 2006). Pour preuvein-vivo de l’effet protecteur de cespeptides, des copies supplémentairesdu locus codant la famille des NLPsont été injectées chez le nématode.

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Les animaux transgéniques ainsi gé-nérés sont capables de produire cespeptides en plus grande quantité. Nousavons ainsi mis en évidence in-vivoque cette surexpression augmente lasurvie des nématodes suite à une in-fection par le champignon D. conio-spora (Zugasti and Ewbank, 2009, Pu-jol et al., 2008b).

L’induction de ces peptides ren-seigne sur l’état d’activation del’immunitéNous l’avons dit, la transparence de cever permet une visualisation précise

de marqueurs tels que la GFP ce quirend la stratégie d’utilisation desgènes rapporteurs particulièrementinstructive. Pour cela la GFP est clonéeen aval d’un promoteur d’intérêt puiscette construction est injectée chez lenématode pour créer des animauxtransgéniques chez lesquels la syn-thèse de la GFP dépend de l’utilisationde ce promoteur (Chalfie et al., 1994).Après vérification par RT-PCR des ré-sultats obtenus par puce à ADN, diffé-rentes lignées transgéniques furentgénérées que ce soit pour un peptidede la famille NLP (gène de la GFP sous

le contrôle du promoteur du gène nlp-29 : pnlp-29::GFP) ou pour la familleCNC (gène de la GFP sous le contrôledu promoteur du gène cnc-2 : pcnc-2::GFP). Dans les deux cas, nous avonsconstaté que la GFP est exprimée fai-blement et de manière constitutivechez les animaux transgéniques. Cetteexpression se fait dans l’épiderme duvers situé sous la cuticule, premièrescellules en contact avec le pathogène.Enfin, comme espéré, la fluorescencedes animaux transgéniques augmentefortement dans ce tissu suite à l’in-fection par le champignon (figure 6)(Couillault et al., 2004, Pujol et al.,2008a, Zugasti and Ewbank, 2009). Tout l’intérêt de posséder ce typed’animaux transgéniques réside dansle système rapporteur qui indique demanière robuste l’état d’activationd’une partie de l’immunité antifon-gique de l’animal. En effet, nous pou-vons supposer que les gènes qui co-dent les peptides antimicrobiens sontles éléments les plus en aval d’unecascade de signalisation activée suiteà une infection. Le champignon D. co-niospora est l’activateur et les pep-tides antimicrobiens les effecteurs.Basé sur le principe d’une quantifica-tion de la GFP produite, ces animauxtransgéniques sont donc des outilsprécieux pour la dissection des voiesde régulation de l’immunité car ilsprésentent un phénotype robuste etreproductible. L’inactivation d’un gène,situé dans cette cascade de signali-sation doit empêcher l’induction dutransgène promoteur::GFP suite à l’in-fection. En revanche, si ce gène est unrégulateur négatif de cette cascade,les animaux transgéniques serontfluorescents avant même leur infec-tion (figure 7).

Vers Infectés Vers Non Infectés

A B

Figure 6

Figure 6 : Rapporteur fluorescent de l’immunité antifongique de C. elegans.Image de vers transgéniques non infectés (A) et infectés (B) en fluorescence. Ces animaux produisentconstitutivement un fluorochrome rouge qui sert de marqueur de co-injection pour cette transgénèse.Les vers infectés expriment fortement la GFP qui est sous le contrôle d’un promoteur induit par l’in-fection.

Contrôle  Infection  Infection 

Contrôle 

Mutant nipi  Mutant peni 

Figure 7 

Figure 7 : Principe de l’utilisation d’un rapporteur pour disséquer les voies de signalisation situéesen amont. Les animaux transgéniques non-infectés sont rouges et deviennent verts suite à l’infec-tion et à l’activation de leur immunité innée. Des cribles génétiques peuvent permettre à partir decet outil d’isoler des mutants qui ne répondent plus à l’infection (nipi) ainsi que des mutants ayantune immunité constitutivement active (peni).

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Commencer la dissection des voiesde signalisation avec une étude pargènes candidats Un génome séquencé et annoté, desbases de données en libre accès, desbanques de mutants disponibles et unebibliographie minutieuse du domained’intérêt sont plus que suffisant pourréaliser une étude par gènes candi-dats (génétique « reverse »). A ce stadedu projet, plusieurs groupes de re-cherche avaient déjà clairement iden-tifié de nombreuses protéines commedes éléments clés de l’immunité innéedes invertébrés ou des vertébrés.L’analyse du génome de C. elegans arévélé quelques homologues de la voieTOLL présente chez la drosophile etconservée chez les mammifères pourson rôle dans l’immunité (voies de si-gnalisation des TLRs). Ces protéineset les gènes qui les codent ont donc étéde bons candidats pour tester leur rôledans la synthèse des NLPs et desCNCs au travers de mutants existantsou d’ARNi et des rapporteurs fluores-cents (Couillault et al., 2004). Une re-cherche bioinformatique en utilisantcomme sonde le domaine TIR qui estune caractéristique des récepteursTOLL a révélé deux protéines chez lenématode. La première est la protéineTOL-1 (Pujol et al., 2001), équivalenteau récepteur transmembranaire TOLLde la drosophile et aux TLRs de mam-mifères et la deuxième est la protéineadaptatrice TIR-1, équivalente chez ladrosophile à dSARM et chez les mam-mifères à la protéine SARM (Stérile Al-pha and aRmadillo Motifs) pour la-quelle l’implication dans une voie designalisation des TLRs n’avait pas étédémontrée. Par conséquent, un mu-tant homozygote de tol-1 a été croiséavec des nématodes transgéniquescontenant le rapporteur pnlp-29::GFP

et suite à l’infection de la souche ob-tenue nous avons montré que le niveaud’expression du rapporteur GFP estéquivalent à celui des vers transgé-niques infectés de fond génétique sau-vage. De plus, suite à une infectionpar D. coniospora, la cinétique de sur-vie des vers sauvages est comparableà celle des vers mutants tol-1. Nousavons ainsi démontré que chez le né-matode et dans nos conditions expéri-mentales, le récepteur TOL-1 n’est pasimpliqué dans la synthèse des pep-tides antimicrobiens.Concernant TIR-1, aucun mutantn’existait et nous avons donc choisiune approche par ARNi. Le génomede C. elegans code plusieurs iso-formes de cette protéine et la tech-nologie d’ARNi permet d’inactiverl’ensemble de ces isoformes à condi-tion qu’ils aient des régions codantescommunes. Nous avons donc réaliséune construction capable d’inactivertous les isoformes de TIR-1 pour fairede l’ARNi par ingestion (voir précé-demment). L’ARNi de tir-1 sur des li-gnées contenant la constructionpnlp-29::GFP a montré que ce gèneest requis pour l’activation du rap-porteur GFP suite à l’infection. En re-vanche, ce n’est pas le cas concer-nant les rapporteurs du locus cnc.De plus des nématodes traités par unARNi de tir-1 survivent moins long-temps que des nématodes contrôles(Couillault et al., 2004, Zugasti andEwbank, 2009). Nous avons ainsi dé-montré pour la première fois l’impli-cation d’une protéine à domaine TIRdans la signalisation de peptides an-timicrobiens de C. elegans. Suite àces travaux publiés en 2004, uneéquipe américaine mit en évidencepour la première fois le rôle de laprotéine SARM (équivalente à TIR de

C. elegans) en tant que régulateurnégatif dans la signalisation des TLRschez les mammifères (Carty et al.,2006). C’est principalement par cesapproches directes et ciblées que leséléments connus et impliqués dansl’immunité antibactérienne du vertels que les voies de la p38 MAPki-nase (Kim et al., 2002) et du TGF-beta (Mallo et al., 2002) furent dé-montrés comme nécessaires à laréponse antifongique chez le néma-tode (Couillault et al., 2004, Zugastiand Ewbank, 2009).

Criblage ARNi « génome complet »et mutagénèse pour une vue glo-bale des voies de signalisationAfin d’avoir une approche moins biai-sée envers les éléments déjà identi-fiés chez d’autres espèces, le labora-toire de J. Ewbank a initié en 2004des cribles par mutagénèse EMS àpartir de la souche transgénique pos-sédant la construction pnlp-29::GFP.Les vers transgéniques mutagéniséspar l’EMS permettent de réaliser describlages basés sur la recherche dedeux phénotypes majeurs. D’une partdes animaux dits nipi (no induction ofpeptides after Drechmeria infection)qui ne produisent pas de GFP suite al’infection par D. coniospora et d’autrepart des animaux dits peni (peptideexpression no infection) qui sur-ex-priment la GFP sans qu’il y ait infec-tion par le champignon (figure 7). Lapremière catégorie représente enthéorie des régulateurs positifs desvoies de signalisation tandis que ladeuxième regroupe a priori des régu-lateurs négatifs des voies de trans-duction du signal.A ce jour ces différents criblages nousont permis d’obtenir une centained’allèles différents de vers nipi ou peni

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et seuls quelques uns ont été carac-térisés et mis en évidence en tantqu’acteurs essentiels dans la signali-sation des peptides antimicrobiens(Pujol et al., 2008a, Ziegler et al.,2009, Lee et al., 2010).L’identification du gène muté chez cesanimaux peut se faire par deux mé-thodes. La première implique les prin-cipes de Mendel et Morgan et lestechniques de cartographie génétiqueclassique qui utilisent soit des mar-queurs génétiques, soit des polymor-phismes génétiques, soit les deux(voir http://www.wormbook.org/toc_wormmethods.html). Le résultatest que le gène muté est générale-ment identifié au bout de 3 à 12 mois.L’autre possibilité pour caractériserune mutation obtenue par EMS est defaire du séquençage direct à haut dé-bit de tout le génome (Sarin et al.,2008). Cette technique récente né-cessite un important travail d’analysein-silico car même après avoir fait ceque l’on appelle un nettoyage du fondgénétique suite à la mutagénèse, plu-sieurs mutations qui sont restées si-lencieuses pour le phénotype recher-ché peuvent êtres détectées.Néanmoins, le positionnement de lamutation peut être confirmé par cetteméthode en 1 mois. En complément des techniques demutagénèse, la disponibilité debanque d’ARN interférents « génomecomplet » permet une approche quimême si elle ne cible que les gènesannotés reste néanmoins promet-teuse. En effet, l’ARNi et la mutagé-nèse sont deux approches complé-mentaires car une mutagénèse peutaffecter un gène essentiel à la crois-sance du ver et les animaux mutagé-nisés ne seront pas viables alors quel’ARNi permet de travailler à différents

stades de développement ce qui per-met de s’affranchir de ce type d’effetslétaux. Par contre, une mutagénèsechimique va générer des mutantssubtils par changement d’un acideaminé tandis que l’ARNi entraine es-sentiellement des pertes de fonction.Travailler à l’échelle du génome avecl’ARNi nécessite de pouvoir réaliserdes analyses à hauts débits. Pour cela,un outil très performant existe quin’est autre qu’un trieur automatiquede nématodes, machine développépar la société Union Biometrica (Etats-Unis). Ce trieur peut être comparé à unFACS car il permet d’analyser diffé-rents paramètres chez le ver tels quesa taille, son opacité ou sa fluores-cence (Vert, Jaune, Rouge) et ceci àun rythme de plusieurs milliers d’in-dividus à la minute. Cette machinepermet ainsi de trier des populations,d’analyser leur niveau de fluorescenceou encore de distribuer des individusdans des plaques 96 puits. Cet ins-trument permet de grandement faci-liter la sélection et le tri d’individusd’intérêt après une mutagenèse et vasurtout s’avérer crucial pour l’analyseautomatisée de nématodes exposésaux différents clones d’une banqued’ARNi. L’intérêt majeur de cettesemi-automatisation réside dans lefait que toutes les données d’un ani-mal concernant sa taille, son opacitéou sa fluorescence sont stockées etpeuvent êtres analysées de diversesmanières en temps voulu. Une telleapproche par ARNi à grande échelleest actuellement en cours dans notrelaboratoire et devrait permettre detester avec notre rapporteur de l’im-munité antifongique les 18 000 gènesdu ver représentés par les clones ARNien moins de 4 mois.

Un bon modèle, un complément ouune alternative ?Cette revue qui peut paraître commeun plaidoyer en la faveur du nématodene saurait être objective sans une pré-sentation des approches qui ne fonc-tionnent pas, ne sont pas envisa-geables ou sont fastidieuses avecC. elegans. Tout d’abord, l’anatomiedu ver limite les études aux fonctionsdes organes présents. Il faut en effetgarder à l’esprit qu’en dépit de soncaractère multicellulaire l’animal n’estpas composé de plus de 1000 cellulessomatiques avec une absence de sys-tème circulatoire, de reins, de cœur oude poumons. Il y a en revanche desmuscles, des neurones ainsi que desépidermes. Cette anatomie simplifiéeet compacte rend paradoxalementcertaines analyses des organes pré-sents plus difficiles car il est délicatd’extraire spécifiquement des cellulesd’un tissu. Certains protocoles per-mettent d’isoler l’intestin ou lesnoyaux d’embryon mais la dissectiond’autres tissus ou cellules reste ha-sardeuse. Cette lacune peut dans cer-tains cas tels que des purificationsd’ARN ou de protéines devenir pro-blématique si le gène d’intérêt ou sonproduit est exprimé dans plusieurstissus à la fois. Il peut alors y avoir uneimportante perte de résolution dansl’analyse. Cette difficulté pour extrairespécifiquement des cellules est ac-compagnée par une absence totalede lignées cellulaires. Certaines cul-tures primaires sont possibles maisaucune lignée immortalisée n’a étégénérée. Le seul modèle de proliféra-tion non-contrôlée est celui qui im-plique des cellules germinales ce quiaboutit à la rupture de la gonade et àla dissémination des gamètes dansl’organisme (Francis et al., 1995). Enrevanche, les voies de signalisation

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impliquées dans des processus can-céreux tel que la voie de l’EGF sontprésentes chez le ver et peuvent ser-vir de modèle pour une étude molé-culaire (Kirienko et al., 2010). En termes de protocoles et commedécrit précédemment, les recombi-naisons homologues sont difficilementutilisables chez le ver pour générerKnock Out ou Knock In. Récemment,une méthode a été développée pourpermettre l’insertion d’un fragmentd’ADN en un endroit précis mais ilfaut pour cela utiliser des animauxayant un transposon présent à proxi-mité du site visé (Robert et al., 2006).Finalement, malgré l’essor importantdes études portant sur les interac-tions nématode-pathogène, de nom-breuses limitations existent. La plusévidente concerne la température deculture des nématodes qui ne peutexcéder 25 °C alors que les patho-gènes de mammifères effectuentleurs cycles au sein d’un hôte dont latempérature est supérieure. Cette dif-

férence affecte tout le microbe, deson métabolisme général à son pou-voir pathogène. Ensuite se pose leproblème de la spécificité de certainspathogènes qui réduit fortement lespectre d’hôtes envisageables. Fina-lement, certaines stratégies micro-biennes visent à contrecarrer directe-ment les systèmes de défensesadaptatifs de l’hôte. Etant donné quele nématode ne possède qu’un sys-tème immunitaire inné, le ver est in-utilisable pour l’étude de ces proces-sus. Néanmoins, il faut noter que demanière remarquable des facteurs devirulence relevant pour les mammi-fères produits par des bactéries tellesque Yersinia pestis, Vibrio cholerae ouSalmonella typhimurium ont pu êtresétudiés ou identifiés à partir de tra-vaux qui utilisent le nématode commehôte (Styer et al., 2005, Vaitkevicius etal., 2006 , Tenor et al., 2004).

Pour conclure, C. elegans est devenuun modèle incontournable en biologieet a une place de choix dans le cadredu réseau français EFOR (réseaud'Etudes Fonctionnelles chez les OR-ganismes modèles) (http://www.efor.fr/). De plus, il est important derappeler qu’actuellement, une partiede la recherche en biologie ne peut sejustifier qu’au travers de son impact àmoyen ou long terme sur la sociétéhumaine. Dans ce contexte et mêmesi le nématode tire son épingle du jeugrâce à de nombreuses similitudesavec l’homme, cet invertébré n’estqu’un complément voir une alterna-tive aux mammifères mais en aucuncas un modèle de remplacement. Parcontre, d’un point de vue fondamen-tal, il faut garder à l’esprit que lesatouts de cet animal lui ont permis defaire partie des métazoaires les mieuxdécrit et les mieux compris et ceci enmoins de 50 ans, ce qui en soi est ex-trêmement enrichissant pour la biolo-gie en général.

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