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Volume 13, numéro 1, octobre 2006 Dossier La gestion de classe : contextes et perspectives sous la responsabilité de Jean-François Desbiens Rencontre avec Roch Chouinard Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante Bulletin du CRIFPE Quelques réflexions sur l’apport de la formation à distance à la préparation des maîtres en contexte africain Enseignement : une norme pour la langue parlée Formation et profession Formation et profession

Formation et profession

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Page 1: Formation et profession

Volume 13, numéro 1, octobre 2006

DossierLa gestion de classe : contextes et perspectivessous la responsabilité de Jean-François Desbiens

Rencontre avecRoch Chouinard

Centre de recherche interuniversitairesur la formation et la profession enseignante

Bulletin du CRIFPE

Quelques réflexions sur l’apport de laformation à distance à la préparation des maîtres en contexte africain

Enseignement : une norme pour la langue parlée

Formationet professionFormationet profession

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Le bulletin du CRIFPEest publié par le Centre de rechercheinteruniversitaire sur la formationet la profession enseignante

Directeur du bulletinThierry Karsenti U. de Montréal

Adjointe à la productionMonica Cividini U. de Montréal

Responsables des chroniquesJean-François Cardin U. LavalSuzanne-G. Chartrand U. LavalÉrick Falardeau U. LavalDenis Jeffrey U. LavalStéphane Martineau UQTRM’hammed Mellouki U. Laval

Collaboration spécialeChristian Depover U. de Mons-HainautJean-François Desbiens U. de SherbrookeFlore Gervais U. de MontréalAnne-Frédérique Karsenti UQATMonique Lebrun UQAMJean-François Marcel U. de Toulouse IIDaniel Martin UQATMartine Mottet U. LavalLuc Ostiguy UQTRGlorya Pellerin UQATCarlo Spallanzani U. de SherbrookeLise-Anne St-Vincent U. de MontréalSylvain Turcotte U. de SherbrookeAnne Catherine Vallerand UQTR

Révision linguistiqueMonique Paquin

Correction des épreuvesGabriel Dumouchel U. de Montréal

Conception et réalisation graphiquesSylvie Côté U. Laval

ISSN 1718-8237

Cette publication est rendue possible grâce au finance-ment des Fonds de recherche sur la société et la culture(FQRSC)

Tous les textes sont publiés sous une licence CreativeCommons, version 2.0 Canada, catégorie Paternité – Pasde modification.

Vous pouvez réagir à tous les textessur le site de Formation et professionhttp://formation-profession.org

2 ÉDITORIAL

6 DOSSIERLa gestion de classe : contextes et perspectivesJean-François Desbiens

9 Rencontre avec Roch ChouinardJean-François Desbiens

13 Classrooms are busy kitchens ou commentgérer une classe multiâge?Daniel Martin

17 Approfondir la réflexion sur les pratiquesde gestion de classe : l’utilisation de lavidéoscopie par des étudiantes et étudiantsen éducation physique et à la santéSylvain Turcotte et Carlo Spallanzani

21 De la dimension sociale de la gestionde classeJean-François Marcel

25 CHRONIQUE DU MILIEU SCOLAIREQuand la gestion de classe apprivoise lesTICAnne-Frédérique Karsenti et Glorya Pellerin

29 CHRONIQUE INTERNATIONALEQuelques réflexions sur l’apport de laformation à distance à la préparation desmaîtres en contexte africainChristian Depover

33 CHRONIQUE DE LA LANGUE FRANÇAISEEnseignement : une normepour la langue parléeLuc Ostiguy, Flore Gervais et Monique Lebrun

38 CHRONIQUE DIDACTIQUES’exprimer en bon français : de quel françaiss’agit-il? Représentations d’étudiants maîtresen éducation préscolaire et enseignementprimaireMartine Mottet

43 CHRONIQUE SUR L’INSERTION PROFESSIONNELLEEN ENSEIGNEMENTQue peuvent faire les directions d’école pourfavoriser l’insertion professionnelle desnouveaux enseignants ?Stéphane Martineau et Anne Catherine Vallerand

49 L’ACHRONIQUEMamma science et Sainte Méthode :entretien piégé avec mon ami AntoineM’hammed Mellouki

52 RENDEZ-VOUS AVEC LA RECHERCHEEntretien avec Johanne LebrunSuzanne-G. Chartrand

55 LIVRES

Lise-Anne St.Vincent

57 VIENT DE PARAÎTRE

Sommaire

Page 3: Formation et profession

2 Formation et Profession • Octobre 2006

ÉDITORIAL

Pragmatisme et méthodologie de rechercheen sciences de l’éducation : passons à la version 3.0*

Thierry KARSENTIDirecteur du CRIFPE

Il est d’un ambitieux et d’un cerveau présomptueux, vainet envieux, de vouloir persuader les autres qu’il n’y a qu’uneseule voie d’investigation et d’accès à la connaissance de lanature. Et c’est d’un insensé et d’un homme sans discoursde se le donner à croire à soi-même. Donc bien que la voiela plus constante et ferme, la plus contemplative et distincte,le mode de réflexion le plus élevé, se doivent toujours pré-férer et le plus honorer et cultiver; néanmoins, il ne fautpas blâmer telle autre manière, qui n’est pas sans bons fruits,quoique ces fruits ne soient pas du même arbre. (GiordanoBruno, 1548-1600)

Alors que débute la période intensive de demandesde subventions pour les chercheurs du Québec et duCanada, tandis que plusieurs étudiants s’appliquent àprésenter des demandes de bourses, j’ai pensé qu’ilpourrait être intéressant de partager une réflexionpersonnelle portant sur les méthodologies de recher-che en sciences de l’éducation1. On remarque, depuisprès d’une vingtaine d’années, que plusieurs cher-cheurs s’entendent sur l’existence d’au moins deuxgrandes méthodologies ou grands paradigmes derecherche en sciences de l’éducation (Krathwohl,1998), considérés comme très différents, voirediamétralement opposés : la recherche quantitativeet la recherche qualitative.

Les partisans de l’approche quantitative soutiennentque la recherche dans le domaine des sciences de l’édu-cation doit être objective, exempte de biais etgénéralisable dans tout contexte. À première vue, c’estl’approche mise de l’avant par le Conseil canadiensur l’apprentissage quand il indique appuyer la« recherche sur l’apprentissage, fondée sur les élémentsobjectifs […] ».

1 La méthodologie de recherche, c’est la « stratégie, le plan d’action,le processus sous-jacent aux choix et à l’application de techniquesde travail spécifiques nommées méthodes. Elle fait le lien entre lechoix des méthodes et les résultats attendus » (Crotty, 1998, p. 3).

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Quant aux adeptes de l’approche qualitative (Lincolnet Guba, 1985), ils ont rejeté ce souhait d’objectiverde façon sine qua non la recherche en sciencessociales. Pour les orthodoxes de cette approche,l’objectivation et la généralisation dans les sciencessociales sont à la fois impossibles et non souhaita-bles. La recherche qualitative est plutôt caractériséepar l’importance accordée à l’induction, aux descrip-tions riches, etc.

Ces deux positions, épistémologiquement contraires,ont souvent évoqué ce que Howe (1988) appelle lathèse de l’incompatibilité qui soutient que la recher-che qualitative et la recherche quantitative, de mêmeque les méthodes de collecte de données inhérentes àces deux approches, ne pouvaient pas être alliées.L’idée de devoir choisir entre la recherche qualita-tive et la recherche quantitative a ainsi caractérisé lagrande partie des recherches en sciences de l’éduca-tion pendant ces 15 dernières années2. Concrètement,il était du devoir d’un étudiant aux études supérieu-res de choisir son clan, de choisir entre ces deuxapproches.

En effet, je me souviens encore que l’on m’a demandéd’adopter la recherche qualitative ou la recherchequantitative quand j’ai commencé ma maîtrise ensciences de l’éducation, il y a de cela plusieursannées. Bon élève, j’ai prêté allégeance à la secondeméthode qui semblait, à mes yeux de chercheurnéophyte à l’époque, plus scientifique. Quelquesannées plus tard, lorsque j’ai entrepris mon doctorat,avec un peu de recul et d’expérience en recherche,mais aussi après avoir exploré dans différents coursuniversitaires les deux méthodes qui, semble-t-il,étaient opposées, je trouvais candidement qu’il y avaitdu bon dans les deux.

La tâche de convaincre mon comité de me laisserentreprendre une recherche à la méthodologie mixtea été laborieuse. J’ai été contraint de me justifier àbon nombre de reprises. Sortir des sentiers battus dela recherche n’est certes pas chose facile, et il est nor-mal que mon comité ait préféré une méthodologieplus sûre, plus orthodoxe. Pourquoi cette effronteriede la part de ce doctorant? Pourquoi un étudiantsouhaite-t-il rompre avec l’orthodoxie des rites mé-thodologiques du doctorat en sciences de l’éducation?Pourquoi vouloir marier deux méthodes différentes,diamétralement opposées? me demandait-on. Monsouhait d’utiliser des méthodes qualitatives et quan-titatives n’est pas né d’un besoin de non-conformité.Au contraire, après avoir lu différents ouvrages surla méthodologie de la recherche en sciences sociales,je trouvais trop simpliste de considérer ces deuxapproches comme contraires et incompatibles dansla réalisation de la recherche doctorale que je souhai-tais entreprendre. Selon moi, la recherche qualitativeet la recherche quantitative pouvaient toutes deux êtresusceptibles de m’aider dans la compréhension duphénomène que je souhaitais étudier. J’estimais aussiqu’opter pour une approche ou l’autre, comme jel’avais fait pour ma maîtrise, me limiterait dans meschoix de méthodes de collecte de données. C’estcomme si la recherche en sciences de l’éducation étaitnoire ou blanche; sans zones grises; c’est comme sideux positions seulement pouvaient être adoptées :la gauche ou la droite, et rien entre les deux.

Pourquoi les sciences de l’éducation devaient-ellesépouser cette dichotomie méthodologique qui ne sem-blait pas prendre en compte la complexité de la réa-lité? Pourquoi ne pas trouver un compromis entreces deux solitudes méthodologiques?

J’ai évidemment terminé mon doctorat avec le sou-tien indéfectible de mon comité, mais aussi avec uneméthodologie mixte de recherche, où j’ai utilisé à lafois des méthodes quantitatives et qualitatives :« Il semble nécessaire de souligner la complémenta-rité des données qualitatives et quantitatives recueilliespour la présente étude. […] » (Karsenti, 1998, p. 126),et ce, en fonction de ma problématique et de mesobjectifs de recherche : « cette approche sied bien àla problématique, aux objectifs et à la question derecherche de la présente étude. » (p. 173).

3 Pis encore, et n’en déplaise à plusieurs, la structure des coursofferts dans bon nombre d’universités reflète encore cettedichotomie : comme étudiant, on s’inscrit soit à la recherchequalitative, soit à la recherche quantitative.

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4 Formation et Profession • Octobre 2006

Quelques années plus tard, avec une collègue del’Université du Québec à Hull que j’estime beaucoup,j’ai dirigé un ouvrage collectif portant sur la recher-che en sciences de l’éducation3. Dans cet ouvrage, jeme suis fait un devoir de mettre en évidence l’impor-tance des recherches dites « mixtes », celles où il estpossible de marier des méthodes qualitatives et quan-titatives : « Une attention spéciale est finalementconsacrée à l’approche mixte ouvrant la voie à uneperspective pragmatique de la recherche […] »(Karsenti et Savoie-Zajc, 2000, p. 135).

Il semble important de rappeler que même si le faitde devoir choisir entre recherche qualitative etrecherche quantitative a longtemps marqué la recher-che en sciences sociales, cela constituait néanmoinsune avancée par rapport aux méthodes de rechercheantérieures à 1986. Car, faut-il le rappeler, la recher-che en éducation était jadis dominée par les métho-des dites « quantitatives » qui incitaient le chercheurà commencer une recherche avec des hypothèses, puisà chercher à les valider ou à les invalider. C’est ce queje nommerais la version 1.0 des méthodes de recher-che en sciences de l’éducation. La version 2.0 est arri-vée avec une option supplémentaire, celle de pouvoirchoisir entre la recherche quantitative et la recher-che qualitative, dont l’application en sciences de l’édu-cation s’est surtout accélérée après le milieu desannées 1980 (Erickson, 1986).

La version 3.0 de la méthodologie de la rechercheen sciences de l’éducation, c’est ce que l’on appellela « méthodologie mixte » ou la « mixed-methodsresearch4 » dans la littérature anglo-saxonne. Il s’agitde la suite naturelle et surtout pragmatique auxméthodologies traditionnelles de nature quantitativeou qualitative. La méthodologie mixte est en faitl’éclectisme méthodologique qui permet le mariagestratégique de données qualitatives et quantitatives,de façon cohérente et harmonieuse, afin d’enrichirles résultats de la recherche. Cette approche mixte

permet en fait d’emprunter à diverses méthodologies,qualitatives ou quantitatives, en fonction d’un objec-tif de recherche. Il est aussi important de soulignerque cette complémentarité entre recherche qualita-tive et recherche quantitative doit toutefois être vuedans la perspective des choix des méthodes et nondes postures épistémologiques.

Avec les approches mixtes, il y a en quelque sorte unpluralisme méthodologique. En outre, la méthodo-logie mixte de recherche facilite la triangulation desrésultats de recherche : l’utilisation de diversesméthodes pour s’assurer de la rigueur des conclusionsformulées par un chercheur à partir de différentesdonnées de recherche est fort prometteuse. Johnsonet Onwuegbuzie (2004) font également remarquer queles méthodes mixtes engendrent souvent des résul-tats de recherche supérieurs aux méthodes uniques.

Ce n’est que tout dernièrement que la méthodologiemixte de recherche a connu un essor important etune reconnaissance certaine dans la recherche en scien-ces de l’éducation, et ce, même si l’on retrouvedepuis près de vingt ans divers auteurs qui ontdéfendu ce mariage. En effet, les travaux de Mark etShotland (1987), Reichardt et Gollob (1987), Breweret Hunter (1989), Caracelli et Greene (1993), Van derMaren (1995), Behrens et Smith (1996) et Krathwohl(1998) ont signalé que ces deux approches étaientsouvent opposées « alors qu’elles pourraient être com-plémentaires » (Van der Maren, 1995) et permettretout simplement « d’avoir une vision plus complèteet plus nuancée d’un phénomène qu’on cherche àcomprendre » (Moss, 1996, p. 22). Quant à Krathwohl(1998), il a souligné l’importance de combiner diffé-rentes méthodes afin de mieux « attaquer un problèmede recherche » (p. 618). Johnson et Onwuegbuzie(2004) vont même jusqu’à proposer trois grands pa-radigmes de recherche : la recherche quantitative, larecherche quantitative et la recherche mixte.

3 Karsenti, T. et Savoie-Zajc, L. (2000). Introduction à la rechercheen sciences de l’éducation. Sherbrooke : Éditions du CRP.

4 On retrouve également « mixed research ».

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Selon moi, tout chercheur ou apprenti chercheur ensciences de l’éducation doit impérativement passer àla version 3.0 de la méthodologie de recherche.La version 3.0, ce n’est pas l’imposition de la métho-dologie mixte. C’est plutôt la possibilité de choisir,de façon éclectique, les méthodes de collecte dedonnées qui pourront être utilisées en fonction duproblème ou des objectifs de recherche. Dans certainscas, l’approche quantitative unique sera peut-être lameilleure; dans d’autres, ce sera l’approche qualita-tive. Mais, souvent, ce pourrait aussi être une métho-dologie mixte, à condition évidemment qu’elle soitarticulée de façon rigoureuse, raisonnée, cohérenteet harmonieuse, et ce, en fonction de l’objectif de larecherche. Dans ce cas, pour prétendre aux métho-des mixtes dans un projet de recherche, il faudraitnécessairement avoir apprivoisé les méthodologiesqualitatives et quantitatives et, donc, faire doublementpreuve de rigueur.

Références

Behrens, J. T. et Smith, M. L. O. (1996). Data and dataanalysis. Dans D. C. Berliner et R. C. Calfee (dir.),Handbook of educational psychology. New York :Simon & Schuster Macmillan, p. 945-989.

Brewer, J. et Hunter, A. (1989). Multimethod research: Asynthesis of styles. Newbury Park, CA : Sage.

Caracelli, V. J. et Greene, J. C. (1993). Data analysisstrategies for mixed-method evaluation designs.Educational Evaluation Policy Analysis, 15(2),195-207.

Crotty, M. (1998). The foundations of social research.Thousand Oaks : Sage.

Erickson, F. (1986). Qualitative methods in research onteaching. Dans M. C. Wittrock (dir.), Handbook ofresearch on teaching (3e éd.). New York : Macmillan,p. 119-161.

Howe, K. R. (1988). Against the quantitative-qualitativeincompatibility thesis, or, Dogmas die hard.Educational Researcher, 17, 10-16.

Johnson, R. B. et Onwuegbuzie, A. J. (2004). Mixedmethods research: A research paradigm whose timehas come. Educational Researcher, 33(7), 14-26.

Karsenti, T. (1998). Étude de l’interaction entre les pratiquespédagogiques d’enseignants du primaire et lamotivation de leurs élèves. Thèse de doctorat nonpubliée, Université du Québec à Montréal.

Karsenti, T. et Savoie-Zajc, L. (2000). Introduction à larecherche en éducation. Sherbrooke, Québec :Éditions du CRP.

Krathwohl, D. R. (1998). Methods of educational and socialscience research: An integrated approach, (2e éd.).New-York : Longman.

Lincoln, Y. S. et Guba, E. G. (1985). Naturalistic inquiry.Beverly Hills, CA : Sage.

Mark, M. M. et Shotland, R. L. (dir.) (1987). Multiplemethods in program evaluation. New Directions forProgram Evaluation, 35. San Fransisco : Jossey-Bass.

Moss, P. A. (1996). Enlarging the dialogue in educationalmeasurement: Voices from interpretive researchtraditions. Educational Researcher, 25(20-28), 43.

Reichardt, C. S. et Gollob, H. F. (1987). Taking uncertaintyinto account when estimating effects. Dans M. M.Mark et R. L. Shotland (dir.), Multiple methods inprogram evaluation. New Directions for ProgramEvaluation, 35. San Fransisco : Jossey-Bass, p. 7-22.

Van der Maren, J. M. (1995). Méthodes de recherche pourl’éducation. Montréal : Presses de l’Université deMontréal, et Bruxelles : De Boeck Université.

* J’aimerais remercier Clermont Gauthier, titulaire de la Chairede recherche du Canada sur la formation et la professionenseignante, pour les suggestions et commentaires formulés àla suite d’une première version de ce texte.

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Dossier

La gestion de classe : contextes et perspectives

Jean-François DESBIENS

GRIEFPAPCRIE-CRIFPE

Vers le milieu des années 1990s’enclenchait un vaste mouvement deréflexion sur l’avenir de l’éducation au

Québec. Il s’agissait de répondre à un certain nom-bre de constats, dont l’évolution rapide de la sociétéquébécoise, le rapport des enfants à l’apprentissagedans un contexte scolaire apparemment moins favo-rable que par le passé, le fort taux d’échec scolaire,etc. (CSE, 1995). Cette réflexion faisait écho à uneconjoncture quelque peu difficile marquée par unresserrement des finances publiques sur fond de criseen éducation. Elle a conduit, entre autres choses, àrevoir les objectifs et les finalités de l’éducation ainsique les orientations de la formation à l’enseignementde même qu’à remettre en cause les pratiques d’ensei-gnement et de conduite de la classe en vigueur jus-que-là.

La gestion de classe représente un construit relative-ment nouveau puisqu’on situe sa naissance vers ledébut des années 1970 (Jones et Jones, 1998). Ellecorrespond toutefois à un ordre de préoccupationsayant pris sa source en Europe au XVIIe siècle, aumoment où naît la pédagogie (Martineau, Gauthieret Desbiens, 1999) : « un discours et une pratique d’or-dre qui visent à contrer toute forme de désordre dansla classe » (Gauthier, 2005, p. 95). Ainsi, des allusionsplus ou moins explicites à la gestion de classe sontretrouvées chez plusieurs grands pédagogues depuisce temps jusqu’à aujourd’hui. Parmi eux, on retrouveCélestin Freinet, lequel affirmait dans L’éducation dutravail (1960, p. 271) que : « Le souci de la disciplineest en raison inverse de la perfection dans l’organisa-tion du travail, de l’intérêt dynamique et actif desélèves. »

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Aujourd’hui, le sens attribué au construit de gestionde classe englobe l’ensemble des actes réfléchis et si-multanés qu’effectuent les enseignants pour établirun bon climat de travail, créer un environnementfavorable à l’apprentissage (Nault et Fijalkow, 1999)et, plus encore, encourager chez les élèves le dévelop-pement de l’autonomie et de l’autocontrôle(Archambault et Chouinard, 1996). On comprend icique le sens donné à cette idée ne se restreint doncplus à la seule gestion de l’indiscipline. Ainsi, les pra-tiques de gestion de classe touchent-elles l’aménage-ment et la régulation de l’utilisation de l’espace phy-sique, du temps et du matériel sous ses différentesformes de même que la gestion du groupe d’élèvesselon le type de regroupement et la nature des activi-tés et des configurations de travail préconisées. Ellesincluent également la mise en place et l’applicationde règles de vie ainsi que les interventions destinées àprévenir et à corriger les inconduites de même qu’àsoutenir les efforts d’autorégulation des élèves surdivers plans.

Présentée comme le pivot du métier, la gestion declasse exerce une influence considérable sur la qua-lité de l’enseignement de même que sur l’apprentis-sage des élèves (Martineau et al., 1999). Selon Naultet Fijalkow (1999), elle sert depuis longtemps auxdécideurs scolaires de critère implicite dans l’évalua-tion des enseignants. Pourtant, ce n’est qu’assez ré-cemment qu’elle est devenue une compétence formel-lement reconnue désignant un ensemble de gestesprofessionnels distinctifs et constitutifs de la prati-que enseignante (MEQ, 2001). Ainsi, dans le cadrede la formation des maîtres, ce n’est que depuis peuque la gestion de classe fait l’objet d’une formationsystématique. Au Québec, le développement de cettecompétence est partagé entre l’université et les quel-ques milieux de stage visités par les futurs enseignantsdurant leur formation initiale de quatre années. Ce-pendant, comme le rappelle Chouinard dans ce nu-méro, son montage et son rodage s’étalent sur unedurée assez longue dépassant largement le cadre de laformation initiale.

Fait à signaler, ces deux derniers aspects sont extrê-mement sensibles aux effets des contextes. Ceux-ciagissent comme de puissants organisateurs des com-posantes de cette compétence, notamment parce qu’ils

modifient la manière dont les enseignants interprè-tent et anticipent les événements survenant en classeet la façon dont ils adaptent leurs interventions. Enoutre, des contextes changeants, inédits ou instablesposent des contraintes à la mise en œuvre des routi-nes d’organisation ou d’apprentissage ainsi que desschèmes d’action usuels.

Chacun des articles présentés dans ce numéro deFormation et profession consacré à la gestion de classeillustre la spécificité et la complexité de cette fonc-tion pédagogique indissociable de la pratique de l’en-seignement en milieu scolaire. Les différents contex-tes mis en valeur par les auteurs ne sont pas définisque par les caractéristiques des lieux sociophysiquesd’enseignement. Ils le sont aussi par d’autres dimen-sions de l’exercice du métier telles les disciplines etl’organisation du travail enseignant.

Par exemple, l’angle d’entrée choisi par DanielMartin, de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (Québec, Canada), pour discuter dela gestion de classe est l’enseignement en classemultiâge : une réalité bien connue des petites écolesen milieux ruraux et que l’on redécouvre, par obliga-tion ou par choix, dans les grandes écoles des milieuxurbains, notamment en raison de la réalité démogra-phique actuelle. De leur côté, Anne-FrédériqueKarsenti et Glorya Pellerin, deux enseignantes decarrière actuellement impliquées en formation à l’en-seignement à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (Québec, Canada), déterminent lesnombreux défis rencontrés dans l’enseignement avecles technologies de l’information et de la communi-cation de même que certaines stratégies qu’il est pos-sible d’adopter pour enseigner efficacement avec cesoutils.

Pour leur part, Sylvain Turcotte et Carlo Spallanzani,de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada),mettent en évidence les caractéristiques et les défisposés par la gestion de classe en éducation physiqueet à la santé. Ils expliquent aussi comment, sous l’im-pulsion de la récente réforme des programmes de for-mation à l’enseignement, l’équipe des professeurs dusecteur de l’intervention éducative a développé unenouvelle approche de formation à la gestion de classemettant à profit l’analyse vidéoscopique en différé

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des pratiques des stagiaires. Enfin, Jean-FrançoisMarcel, de l’Université du Mirail (Toulouse II) (Tou-louse, France), revisite le caractère privé des prati-ques de gestion de classe en cherchant à en montrerl’ouverture progressive vers des formes davantagecollectives ou collaboratives. Signalons que, de diffé-rentes façons, plusieurs des textes de ce numéro re-prennent cette idée de collectivisation ou de distribu-tion à différents partenaires de la responsabilité degérer la classe. Comme nous le verrons, l’avènementdes nouveaux programmes d’enseignement n’y estpeut-être pas étranger, mais il semble qu’il faille aussicompter sur une évolution des conceptions de la pro-fession enseignante perceptible dans la plupart despays occidentaux.

Ce numéro débute avec la présentation d’une courteentrevue réalisée avec M. Roch Chouinard, profes-seur et chercheur à l’Université de Montréal et coau-teur d’un ouvrage qui connaît un succès d’estimeintitulé Vers une gestion éducative de la classe. Danscette entrevue, le professeur Chouinard nous fait partde ses conceptions de la gestion de classe et de sesperceptions de l’évolution de la formation à l’ensei-gnement à ce chapitre. Il y est également question dela réforme des programmes d’enseignement et de sonimpact sur les pratiques de gestion de classe ainsi quede la recherche sur cette dimension essentielle du tra-vail enseignant.

Références

Archambault, J. et Chouinard, R. (1996). Vers une gestionéducative de la classe. Boucherville : Gaëtan Morin.

Conseil supérieur de l’éducation (CSE) (1995). Pour unegestion de classe plus dynamique au secondaire. Avisau ministre de l’Éducation. Sainte-Foy : Service descommunications du Conseil supérieur del’éducation.

Freinet, C. (1960). L’éducation au travail. Paris : Delachauxet Niestlé.

Gauthier, C. (2005). Le XVIIe siècle et le problème de laméthode dans l’enseignement ou la naissance de lapédagogie. Dans C. Gauthier et M. Tardif (dir.),La pédagogie. Théories et pratiques de l’Antiquité ànos jours (2e éd.). Montréal : Gaëtan Morin.

Jones, V. F. et Jones, L. S. (1998). Comprehensive classroommanagement. Creating communities of support andsolving problems (5e éd.). Boston : Allyn and Bacon.

Martineau, S., Gauthier, C. et Desbiens, J.-F. (1999).La gestion de classe au cœur de l’effet enseignant.Revue des sciences de l’éducation, XXV(3), 467-496.

Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (2001).La formation à l’enseignement. Les orientations.Les compétences professionnelles. Québec :Gouvernement du Québec.

Nault, T. et Fijalkow, J. (1999). La gestion de classe : d’hierà demain. Revue des sciences de l’éducation, XXV(3),451-466.

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Formation et Profession • Octobre 2006 9

Rencontre

D’une carrière de l’enseignement à une autre :points de vue sur la gestion de classe

avec Roch Chouinard

Professeur, Université de Montréal et coauteur de Vers une gestionéducative de la classe (2e éd., 2003, Gaëtan Morin)

Entrevue réalisée par

Jean-François DESBIENS

CRIE-CRIFPE

Jean-françois Desbiens : D’entrée de jeu, merci Monsieur Chouinardde nous recevoir et d’accepter de répondre à nos questions dans lecadre de cette entrevue. Pour débuter, j’aimerais que vous nous parliezde ce qui vous a amené à vous intéresser à la gestion de classe?

Roch Chouinard : Je viens du secteur de l’enseignement enadaptation scolaire. J’ai enseigné pendant 10 à 12 ans dans descentres d’accueil à des élèves qui avaient des problèmes impor-tants d’adaptation scolaire et sociale. Par la suite, je suis de-venu conseiller pédagogique pour le Regroupement des écolesspéciales à la CECM. En tant que conseiller pédagogique, mafonction était d’aider les enseignants à adapter leurs pratiquespédagogiques. Évidemment, cette adaptation concernaitsurtout leur façon de gérer leur enseignement et de gérer lesapprentissages des élèves ou de contribuer à la gestion desapprentissages que les élèves réalisent. Par la suite, j’ai été con-seiller pédagogique pour l’ensemble de la commission scolaireen vue de l’implantation de programmes de cheminementsparticuliers de formation destinés aux élèves en difficulté dusecondaire. Il s’agissait d’appliquer, d’installer des modes degestion différenciés. Je me suis intéressé à l’acte pédagogique, àla gestion de classe, etc., mais aussi à l’élève, particulièrement àsa motivation : ce qu’il fait, ses caractéristiques d’engagementet de persévérance à l’école et l’impact des pratiques pédagogi-ques sur cette motivation.

Graduellement, vous vous êtes intéressé à la gestion de classe. Je com-prends que c’est à travers votre travail de conseiller pédagogique etd’enseignant que vous avez été confronté à cela et que vous vous êtesinterrogé sur les conditions à mettre en place pour favoriser la réussitedes élèves, leur intérêt, leur motivation, etc.

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10 Formation et Profession • Octobre 2006

Quand on enseigne à des populations d’élèves diffici-les, cela peut nous mener au bout de notre ingénio-sité : il faut adapter son enseignement. Si l’on ne tientpas compte des besoins des élèves, on ne pourra passurvivre professionnellement dans ce type de milieu.On risque de ne pas obtenir les réponses attendues etde se décourager. C’est ce qui m’a amené à m’intéres-ser à la gestion de classe, d’abord comme praticien etensuite comme chercheur. La pratique n’est jamaisloin pour moi. Encore aujourd’hui, c’est le bien-êtredes élèves, particulièrement de ceux qui ont des diffi-cultés à l’école, qui va légitimer l’ensemble de mesdécisions.

Le tremplin a donc été votre carrière initiale comme ensei-gnant. Et cela demeure très présent chez vous. Maintenant,si je vous demandais de me parler de l’idée de gestion declasse. Qu’est-ce que cela évoque? Comment définiriez-vouscela, comment baliseriez-vous ce champ? Ces questionsm’apparaissent pertinentes parce que certains auteursprésentent des visions extrêmement restrictives de ce quecela peut être. À l’opposé, d’autres définissent la gestion declasse d’une manière tellement large qu’elle est assimilée àl’enseignement.

D’abord, je veux dire que je n’aime pas l’expression« gestion de classe » et l’idée qu’elle véhicule qu’ungroupe-classe est un peu comme une entreprise. Celadit, l’expression est consacrée et je suis bien obligé del’utiliser. Par ailleurs, il existe plusieurs façons deconcevoir la gestion de classe. Pour ma part, je mesitue plus près d’une vision élargie que d’une concep-tion restrictive, limitée à l’établissement et au main-tien de l’ordre et de la discipline. Pour moi, la ges-tion de classe recouvre deux grandes préoccupations.D’abord, la gestion des relations entre les individusqui composent la classe et la gestion, l’organisation,la régulation des interactions entre les individus quicomposent la classe : les élèves entre eux, les élèvesavec l’adulte ou les adultes et, ensuite, l’organisationet la conduite des situations d’enseignement et d’ap-prentissage. Ce deuxième volet est moins fréquem-ment associé à la gestion de classe, mais il comprenddes éléments importants, notamment la façon de ques-tionner les élèves, de les organiser en structures, engroupes ou individuellement. Je ne vois pas d’anta-gonisme entre la didactique et la gestion de classe.Par exemple, certains prétendent que pour enseignerau secondaire, tout ce dont on a besoin, c’est d’uneexcellente connaissance des contenus disciplinaires et

de la matière conventionnée. Pour d’autres, c’est beau-coup moins important, c’est la connaissance desélèves qui est prioritaire. Je pense que les deux sontabsolument nécessaires, c’est-à-dire qu’on est là pourfaire apprendre, pour instruire : c’est la fonction pre-mière de l’école, socialiser, qualifier aussi, mais avanttout, instruire. Je ne peux pas concevoir qu’un ensei-gnant qui aborde des contenus qu’il ne possède pasou qu’il ne possède que très superficiellement puisseêtre un bon enseignant. Il peut pouvoir faire régnerl’ordre dans sa classe, mais être incapable de faireréaliser des apprentissages à ses élèves. Cette complé-mentarité est à prendre en compte dans la formationdes maîtres.

Parlez-moi de votre perception de l’évolution des pratiquesde formation des futurs enseignants par rapport à la gestionde classe.

D’abord, il y a 10 ou 12 ans, il y avait beaucoup moinsde cours de gestion de classe. Par exemple, quand jesuis arrivé à l’Université de Montréal en 1998, il n’yavait qu’un cours de deux crédits seulement offertaux étudiants inscrits dans nos programmes deformation à l’enseignement au secondaire.Aujourd’hui, on parle de trois crédits, donc d’unelégère augmentation. Cependant, on parle davantagede la gestion de classe dans les autres cours qu’on enparlait auparavant […]. On tient beaucoup compteaussi de la gestion de classe dans les activités deformation pratique, dans les stages.

Cela prend quel visage?

Par exemple, dans les rapports de stage ou dans lesobservations que le superviseur des stages va produirepour l’étudiant. C’est certain qu’on a toujours eu lapréoccupation de l’indiscipline et de la gestion declasse, mais comme ce n’était pas un champ très dé-veloppé, on manquait souvent de vocabulaire pourexprimer des réalités. On avait beaucoup de difficultéà nommer les choses. Par exemple, on disait : c’estimportant d’installer un climat de justice dans laclasse. Mais on pouvait avoir de la difficulté à préci-ser en quoi cela consiste. Autre changement : à l’Uni-versité de Montréal, on avait tendance à donner lecours de gestion de classe un petit peu plus tardive-ment dans la formation. Par exemple, en formationà l’enseignement au secondaire, c’était en troisièmeannée. Les étudiants avaient fait la majorité de leurs

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stages et on ne leur avait jamais parlé de gestion declasse. Quand on l’a déplacé en première année dubaccalauréat en enseignement au préscolaire et pri-maire, les étudiants en étaient ravis. Cela nous a nous-mêmes obligés à transférer le cours en première an-née pour d’autres programmes, comme adaptationscolaire, parce que les étudiants se demandaient pour-quoi ils ne l’avaient pas eux aussi alors qu’ilsestimaient que cela était intéressant, important et utilepour leur stage. En résumé, je pense que ce qui achangé par rapport à ce qui prévalait autrefois, c’estqu’il y a beaucoup plus de cours de gestion de classe,c’est plus généralisé et la préoccupation est beaucoupplus présente dans les curricula de formation.Par exemple, en enseignement au préscolaire-primaireici, il y a deux cours de trois crédits […]. Cela rencon-tre les préoccupations des étudiants puisque lagestion de classe représente leur principale crainte etleur principale difficulté en début de carrière.

La cohésion entre les aspects pratiques et théoriques de laformation à l’enseignement demeure-t-elle toujours un en-jeu?

Oui. Il reste encore beaucoup de travail à faire dansce domaine à mon avis. Il importe de faire en sorteque la formation donnée dans les cours de gestion declasse soit réinvestie au maximum dans les stages. Àcet effet, il convient de favoriser le plus possible leséchanges entre les différents acteurs : professeurs,chargés de cours, superviseurs de stage, enseignants-associés. Une autre piste consiste à favoriser les échan-ges entre les étudiants. À cet effet, différents projetspilotes sont en cours.

Ce qu’on entend maintenant, ce que les superviseursde stage ou les directions d’établissements scolairesnous disent, c’est que les étudiants sont beaucoupmieux préparés. J’ai fait beaucoup d’entrevues d’en-gagement d’enseignants quand j’étais conseiller pé-dagogique et on questionnait régulièrement les can-didats sur leur approche pour installer l’ordre et ladiscipline dans la classe. Souvent, ces derniers ne sa-vaient vraiment pas quoi répondre. On voyait qu’onles embêtait. Si on posait des questions sur les conte-nus, ça allait bien! Aujourd’hui, je crois qu’on a faitdes avancées importantes, en ce sens que les ensei-gnants débutants sont généralement capables de s’ex-primer sur la gestion de classe.

Sur le plan de l’intervention, à quoi le voit-on par contre?Qu’est-ce que les gens du milieu scolaire se disent capablesde faire maintenant qu’ils n’étaient pas capables de faireavant?

Par exemple, le simple fait d’être attentif aux élèvesquand on passe d’une activité à une autre, de rangeravant de partir ou de s’installer pour commencer uneleçon, leur est enseigné en gestion de classe. C’est cequ’on appelle des transitions. Elles sont très impor-tantes. En éducation physique, par exemple, en dé-but et en fin de cours, le fait de ne pas être attentifaux élèves entraîne des difficultés. Ce qu’on entenddire, c’est que les étudiants sont beaucoup plus atten-tifs et davantage conscients. Ils ne sont pas nécessai-rement toujours très habiles à le faire évidemment,parce qu’ils sont en formation initiale. Ensuite, c’estla professionnalisation. Une formation deprofessionnalisation peut durer – on n’arrête jamaisd’apprendre – mais disons que c’est au cours des qua-tre à cinq premières années que se développeront desconnaissances et que seront automatisées certainesconduites : tu n’es plus obligé de faire attention, tufais attention, c’est devenu automatique. C’est devenuun script de comportement d’enseignement. Donc,voilà le genre de choses qu’on entend souvent : lesétudiants qu’on forme maintenant sont davantagepréoccupés, plus aguerris, plus conscients de l’impor-tance de leur comportement en classe.

Je comprends qu’ils parviennent à mieux prévenir les diffi-cultés. Sur le plan de la remédiation, est-ce qu’ils semblentgagner en efficacité?

Oui, mais j’entends moins de commentaires là-des-sus. Ils savent davantage comment intervenir, ils ontun plus grand éventail de patrons d’action. Les pa-trons d’action sont plus variés parce qu’ils ont lu là-dessus, parce qu’on leur en a parlé, parce qu’ils y ontréfléchi. Mais ce ne sont pas des patrons d’action quisont intégrés comme des conduites professionnelles.Ça, ça reste à faire, bien sûr. Cela s’acquiert par l’ex-périence

L’enseignement, comme bien d’autres domaines dans la so-ciété, est traversé par des courants de pensée, par des mo-des. Est-ce qu’il y a des courants de pensée en matière degestion de classe qui sont actuellement plus saillants, plusmarquants parce qu’ils sont dans le discours des enseignantssur le terrain ou dans celui des administrateurs?

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Oui, il y a des courants auxquels la gestion de classepeut facilement être associée.

Par exemple, on a parlé à un certain moment de gestion declasse participative.

Cela en est un. La différenciation pédagogique aussi.Je suis souvent sollicité là-dessus parce que je m’inté-resse à la gestion de classe. Quand on parle de diffé-renciation pédagogique, c’est sûr que cela va toucherla manière d’organiser l’apprentissage, l’enseigne-ment, la pédagogie par projets aussi […] L’utilisationde l’ordinateur suppose également des aménagementsou des éléments particuliers sur le plan de la gestionde classe. Par exemple, faire travailler des élèves enéquipes n’est déjà pas évident, mais les faire travailleren équipes à distance avec l’utilisation des technolo-gies de l’information et de la communication (TIC)…

C’est un défi.

C’est majeur! Par exemple, si on adopte des appro-ches pédagogiques où l’on utilise davantage la péda-gogie de la découverte, où l’élève est amené à explo-rer davantage, à travailler avec d’autres élèves en équi-pes de travail, tout cela vient influencer beaucoup lagestion de classe.

L’actuelle réforme du curriculum aura-t-elle selon vous deseffets sur les pratiques en gestion de classe des enseignants?

Je ne suis pas en mesure de répondre. Je n’ai pas dedonnées tangibles là-dessus. Je n’ai rien lu sur cettequestion précise. On peut toutefois imaginer que siles enseignants ont tendance à utiliser davantage desapproches par projets, cela doit influencer leur façonde gérer la classe.

Il y a un intérêt de plus en plus grand pour la gestion declasse. Cela transparaît dans le discours et dans les program-mes de formation en enseignement. Est-ce qu’il y a plus derecherche qui se fait sur ce sujet? Est-ce que cette recherchetrouve un retentissement dans l’action concrète au quotidiendes enseignants?

Je ne pense pas qu’il se fasse tellement de recherchesur la gestion de classe au Québec. Il y a passable-ment de recherches qui sont conduites sur les pro-grammes de prévention de la violence, mais beaucoup

moins sur des thèmes comme l’insertion profession-nelle des enseignants en relation avec la gestion declasse. J’ai des étudiants qui travaillent sur ces pro-blématiques, mais je vois peu de travaux sur lapédagogie par projets par exemple. Est-ce que c’estplus efficace qu’un autre type d’enseignement ou deformation? Rares sont les travaux de recherche quis’intéressent à cette question.

Quelles sont les perspectives de recherche et de formationen enseignement en ce qui a trait à la gestion de classe? Ona parlé un peu du présent et du passé, mais vers quoi s’enva-t-on?

À mon avis, l’effort de recherche devrait se centrerdavantage sur l’étude de l’efficacité et des conditionsd’efficacité des pratiques pédagogiques. Par exemple,c’est facile de dire que les TIC suscitent la motiva-tion, mais la motivation à quoi? À jouer avec un or-dinateur et à perdre son temps? À apprendre à écrire,à lire, à compter, à acquérir des compétences et à dé-velopper des compétences en sciences humaines eten science de la nature? Quel type de motivation?Est-ce que c’est vraiment efficace? On est forcé d’ad-mettre qu’il y a des lacunes sur le plan de nos con-naissances là-dessus. Puis, à quelles conditions l’utili-sation des technologies en classe est-elle efficace?

Est-ce que je comprends que la perspective serait sensible-ment la même en ce qui a trait à la formation à l’intervention?C’est-à-dire que la réforme est porteuse d’un certain nombred’éléments qui lui préexistaient, mais qu’elle a récupérés etmis de l’avant. Est-ce que les défis en matière de formation àl’enseignement au regard de la gestion de classe consiste-raient à mieux préparer à une plus grande différenciation, àune utilisation plus judicieuse du projet, à une plus grandeintégration des TIC, etc.?

Je dirais que l’habileté pour un enseignant à tenircompte à la fois des besoins individuels des élèves etde ceux du groupe représente un champ qu’il va fal-loir développer, tant au plan de la formation que surcelui de la recherche. Nous y sommes conviés. Parexemple, quelle est la limite? Jusqu’où un enseignantdu secondaire est-il capable d’aller dans la différen-ciation quand il voit six ou neuf groupes de 30 élèvespar semaine? À quelles conditions?

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Classrooms are busy kitchensou Comment gérer une classe multiâge1

Daniel MARTIN

Université du Québecen Abitibi-Temiscamingue - UQAT

L ’image d’une cuisine très occupée,attribuée à Huberman, m’est toujoursapparue comme une métaphore saisis-

sante pour décrire une salle de classe. Cette image estd’autant plus intéressante lorsqu’il s’agit de se repré-senter une classe multiâge (CMA). Ici, plus encoreque dans la classe simple, on imagine différents pos-tes de travail, différentes tâches, des vecteurs asyn-chrones, des coups d’œil sur les assiettes des autres,une clameur intense à un poêlon, un risque de brû-lure, bref un chaos organisé! Voilà pour la métaphore,qu’en est-il de la réalité?

Au Québec, la CMA représente 10 % des classes (FSE,2003). Si elle était autrefois confinée au milieu rural,les contextes démographiques et financiers font qu’onla retrouve maintenant en milieu urbain où, d’ailleurs,son caractère temporaire pose des problèmes parti-culiers sur lesquels nous reviendrons. La CMA amauvaise presse au Québec, mais aussi ailleurs auCanada. En effet, Fradette et Lataille-Démoré (2003)rapportent que les enseignants d’Ontario, s’ils avaientle choix, préféreraient la plupart du temps enseignerdans des classes simples, que les administrateurs sco-laires préféreraient de loin pouvoir former des clas-ses simples et que les parents préféreraient que leursenfants soient placés dans des classes simples.

Pourquoi la CMA est-elle décriée comme un mal né-cessaire par les syndicats d’enseignants? L’idée selonlaquelle cette forme d’organisation scolaire pénalise-rait les apprentissages des élèves y serait-elle pourquelque chose? Ou n’est-ce pas plutôt parce que cesclasses sont tout simplement plus difficiles à gérer?

1 Le dictionnaire de Legendre suggère d’utiliser l’expression« multiprogramme »; la venue d’un seul programme deformation de même que l’importance stratégique de laconception du curriculum militent en faveur de l’expression« multiâge ».

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Le débat sur l’effet des classes multiâges sur lesapprentissages des élèves a fait couler beaucoupd’encre. Ainsi, les échanges musclés entre Veenman(1995) et Mason et Burns (1996) sont devenus desclassiques. Veenman concluait sa synthèse des écritsen affirmant que le rendement cognitif des élèves dela CMA n’était ni pire ni meilleur que celui desélèves de la classe simple. Il ajoutait cependant queces rendements auraient été supérieurs si les ensei-gnants en CMA avaient utilisé des méthodespédagogiques plus appropriées aux situationsd’hétérogénéité et disait que la CMA recélait des avan-tages potentiels.

Sur la base d’un corpus d’études à peu près équiva-lent, Mason et Burns reconnurent que les calculs deVeenman étaient corrects et qu’ils ne permettaientpas, à eux seuls, de conclure en faveur de la classesimple ou de la CMA. Toutefois, ils soutenaient quela CMA était moins efficace. Premièrement, ilsestimèrent que Veenman n’avait pas tenu compte defacteurs — principalement la sélection des élèves et lasélection des enseignants — qui auraient caché leseffets négatifs de la CMA. Si les biais de sélectionentraînent des résultats à peu près équivalents, c’estque l’enseignement en CMA doit y être moinsefficace. Deuxièmement, les auteurs reprochèrent àVeenman de ne pas avoir tenu compte de tous lesécrits qui rapportaient systématiquement les réser-ves des enseignants : charge de travail accrue en CMA,curriculum aminci, manque de temps pour s’occu-per des élèves et pour fabriquer du matériel, etc.Troisièmement, partant de leurs propres travaux enCMA, ils mirent en évidence des pratiques d’ensei-gnement inefficaces conduisant à des pertes de tempsassociées à une mauvaise organisation, à la gestion dedeux ou plusieurs manuels scolaires, à l’enseignementalternatif et au bas niveau taxonomique des tâchesd’exercisation liées à celui-ci ainsi qu’à l’apparenteabsence de travail coopératif entre les élèves. Pourtoutes ces raisons, dirent-ils, la CMA ne peut avoirque des effets négatifs sur le rendement scolaire desélèves.

Même si le débat Veenman – Mason et Burns n’avaitpu permettre de régler une fois pour toutes la ques-tion du rendement cognitif des élèves des CMA, ilavait néanmoins eu l’avantage de mettre en lumièrela difficulté du travail enseignant. Sinon, pourquoienseignants et administrateurs scolaires s’efforce-raient-ils de réduire le nombre d’élèves en CMA?Pourquoi sélectionneraient-ils les élèves? Pourquoitendrait-on à mettre en place des formations spécia-les ou des mesures de soutien pour ces enseignants?Pourquoi essayer d’y placer les meilleurs enseignants?Pourquoi, si ce n’est que le travail y est plus com-plexe? D’ailleurs, s’il est un point sur lequel les écritss’entendent, c’est bien sur celui des difficultés reliéesà la gestion d’une classe multiâge. Ces difficultés ren-dent plusieurs enseignants insatisfaits de la qualité deleur travail (Hohl, dans Gayfer, Gajadharsing et Hohl,1991), ce qui érode insidieusement leur sentiment decompétence. Voilà pourquoi une grande majoritéd’enseignants fuit la CMA avec empressement.

Pourtant, il y a des enseignants qui réussissent enCMA et qui choisissent d’y faire carrière! Comments’y prennent-ils? Les écrits sur la gestion de classe enCMA foisonnent de récits, de témoignages, dedescriptions de besoins ou de programmes desoutien et de formation destinés aux enseignants(Vincent et Ley, 1999). Les pratiques qu’ils décriventconvergent systématiquement vers les observationsque, depuis trois ans, nous recueillons en collabora-tion avec des stagiaires finissantes du BEPEP et leursenseignantes associées (Pellerin, Martin et Nobert,sous presse). Enseigner en classe multiâge requiert lamaîtrise de certains actes professionnels spécifiques.Certes, ceux-ci restent à formaliser de façon précise,mais on peut tout de même en identifier quelques-uns jugés incontournables.

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Gérer du multitâches (des élèves qui nefont pas la même chose et qui nefinissent pas tous en même temps).

Si une classe simple peut fonctionner avec un seulvecteur d’activité, il n’en est pas de même de la CMA.

Savoir quand et comment former desgroupes homogènes ou hétérogènes.

S’il y a différents vecteurs d’activité, il y aura néces-sairement plus d’un groupe. L’erreur fréquente enCMA est d’être perpétuellement à la recherche de laplus grande homogénéité dans la formation des grou-pes. L’enseignement alternatif qui en résulte, c’est-à-dire enseigner frontalement au groupe de huit ans etles mettre en exercice afin d’enseigner au groupe deneuf ans est l’exemple d’une pratique à limiter. Il de-meure que les groupements homogènes sont particu-lièrement efficaces pour certains apprentissages, par-ticulièrement en langues (Wilkinson et Hamilton,2003) et possiblement en mathématiques. Le défi ac-tuel consiste à concevoir et gérer des situations d’hé-térogénéité dans lesquelles les élèves coopèrent.

Repérer dans le curriculum desconcepts noyaux (big ideas, clusters) etles transformer en tâches qui ont unemême unité thématique, mais quisollicitent des niveaux conceptuelsdifférents.

Le concept noyau permet à l’enseignant de déclen-cher une activité en grand groupe, puis d’engager lesélèves dans des tâches distinctes selon les groupementshomogènes ou hétérogènes qu’il a choisis. Travailleravec des concepts noyaux représente pour les ensei-gnants et pour les didacticiens tout un chantier audépart duquel on retrouve la vision d’un curriculumen continu et non plus fragmenté.

Prendre du recul face au manuelscolaire.

Les enseignants qui réussissent en CMA mentionnenttous la charge de travail immense que représentent larecherche et la fabrication de matériel. Or la solu-tion ne semble pas être du côté de l’utilisation systé-matique d’un matériel différent pour chaque annéed’étude, solution qui a pour effet pervers de solidi-fier l’enseignement alternatif. La solution n’est pasnon plus dans la fabrication d’un matériel par cycles,car les CMA chevauchent souvent les cycles. Laconseillance pédagogique, le soutien des collègues etl’économie du temps alloué sont parmi les solutionsqui semblent les plus prometteuses. Certains ensei-gnants n’utilisent sporadiquement qu’un seul manuelpour les deux groupes d’âges et adaptent les activités.Certaines écoles s’échangent annuellement des ma-nuels scolaires afin que les élèves aient à leur disposi-tion des tâches différentes d’une année à l’autre. Dansles écoles en milieu urbain, il arrive qu’on demande àl’enseignant de CMA d’utiliser les mêmes manuelsque dans les classes simples; on peut comprendre unetelle attente, surtout de la part des élèves et des pa-rents, mais cette pratique limite considérablementl’efficacité qu’on peut atteindre dans une CMA. Onle voit, le rapport au manuel scolaire s’inscrit dansune culture collective.

Installer un système de tâches qui rendles élèves autonomes, coopératifs etresponsables de leur cheminement dansce système de tâches.

Pour y arriver, il faut enseigner explicitement l’auto-nomie et la coopération. Les enseignants connaissentl’utilité des systèmes de tâches; un des avantages de laCMA consiste à pouvoir socialiser en douceur lesquelques nouveaux qui, chaque année, s’insèrent dansla classe. C’est un avantage… s’il y a stabilité!

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Colliger la progression des élèves enutilisant des méthodes qualitatives(portfolio, rapports anecdotiques, etc.).

Les pratiques précédentes sont difficilement conci-liables avec une pratique évaluative qui ne reposeraitque sur l’examen solennel.

La CMA s’inscrit comme une exception mal aimée,dans une communauté éducative qui a depuis long-temps misé sur le modèle dominant de la plus grandehomogénéité possible. C’est dans ce contexte qu’aufil des décennies, nous avons tous développé une ex-pertise à gérer des classes simples en oubliant peut-être que gérer une CMA pouvait être plus complexe.On peut comprendre alors que des enseignants nesouhaitent pas se placer dans une situation de désé-quilibre majeur, surtout si l’affectation dans une CMAn’est qu’un accident de parcours dans une classe, enville. Les enseignants qui ont réussi à développer uneaisance dans une CMA mentionnent deux facteursimportants : d’abord, des conditions de travailfacilitantes — on pense ici au nombre d’élèves dans laclasse, mais aussi à du soutien dans l’école — et en-suite, une stabilité qui leur a permis, au bout de deuxou trois ans, de développer une expertise. « Prendre »une CMA, c’est changer de poste de travail; il fautréapprendre. Toutefois, la prise d’expertise n’est pasqu’individuelle, elle est également collective! Parexemple, le rapport au manuel scolaire de même quel’éducation des élèves à l’autonomie et à la responsa-bilité sont des éléments qui concernent l’expertisecollective d’un établissement; stabiliser les élèves etaffecter les tâches, également. Certes, l’enseignant doitapprendre certains actes professionnels spécifiques,mais le fardeau de la réussite ne peut reposer unique-ment sur ses épaules.

Références

Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE) (2003).Les groupes à plus d’une année d’études. Documenttéléaccessible, http://www.fse.qc.net/stock/fra/doc646-1855.pdf; http://www.fse.qc.net/stock/fra/doc482-1445.pdf; http://www.fse.qc.net/stock/fra/doc482-1444.pdf

Fradette, A. et Lataille-Démoré, D. (2003). Les classes àniveaux multiples : point mort ou tremplin pourl’innovation pédagogique. Revue des sciences del’éducation, 29(3), 589-608.

Gayfer, M., Gajadharsing, J. et Hohl, J. (1991). Les classesmultiprogrammes, le mythe et la réalité. Étudecanadienne. Rapport de l’association canadienned’éducation.

Mason, D. et Burns, R. B. (1996). Simply no worse andsimply no better may simply be wrong: A critiqueof Veenman’s conclusion about multigrade classes.Review of Education Research, 66(3), 307-322.

Pellerin, G., Martin, D. et Nobert, L. (sous presse). Sanssoutien, j’aurais coulé avec le bateau : un récitd’expérience de stage en classe multiâge. Viepédagogique.

Veenman, S. (1995). Cognitive and noncognitive effectsof multigrade and multi-age classes: A best-evidencesynthesis. Review of Education Research, 65(4), 319-381.

Vincent, S. et Ley, J. (1999). The multigrade classroom: Aresource handbook for small rural schools. Documenttéléaccessible, http://www.nwrel.org/ruraled/publications/multig1.pdf

Wilkinson, I. A. G. et Hamilton, R. J. (2003). Learning toread in composite (multigrade) classes in NewZealand: Teachers make the difference. Teachingand Teacher Education, 19(2), 221-235.

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Approfondir la réflexion sur les pratiques degestion de classe : l’utilisation de la vidéoscopiepar des étudiants-stagiaires en éducationphysique et à la santé

Sylvain TURCOTTECarlo SPALLANZANI

GRIEFPAPCRIE-CRIFPE

L’insertion socioprofessionnelle desenseignants est caractérisée par laprésence de problématiques reliées aux

conditions d’exercice de l’enseignement, en particu-lier au regard de la gestion de classe. Cet aspectconstitue une préoccupation majeure, tant pour lesenseignants en formation que pour ceux en exercice.D’une part, le développement de cette compétenceprofessionnelle est d’une grande importance puisquel’on considère que la gestion de classe représente lavariable individuelle qui a la plus forte incidence surles apprentissages des élèves (Gauthier, Desbiens,Martineau et Presseau, 2003)1. D’autre part, les com-portements d’indiscipline des élèves représentent unesource importante de stress et d’angoisse autant pourles apprentis (Fernandez-Balboa, 1990; Fortier etDesrosiers, 1991) que pour les maîtres d’expérience(Royer, Loiselle, Dussault, Cossette et Deaudelin,2001), à un point tel que certains enseignants débu-tants remettent en question leur choix de carrière(Caron et Le Brun, 2006). La formation profession-nelle des futurs maîtres doit donc leur permettre dedévelopper les habiletés nécessaires à une gestion ef-ficace de la classe afin de mieux répondre aux défisqui les attendent.

Au Québec, la révision du programme de formationen enseignement de l’éducation physique et à la santéa permis d’intégrer dans sa structure le référentiel descompétences professionnelles à l’enseignement tellesque définies par le ministère de l’Éducation duQuébec (MEQ) en 2001 (MEQ, 2001a). En cohérenceavec les prescriptions du ministère, l’intégration descompétences professionnelles a conduit à une trans-formation de certains des dispositifs d’enseignementassociés aux activités pédagogiques reliées à l’acted’enseigner. Parmi ces dernières, la compétence

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1 En fait, les enseignants considèrent qu’il est difficile de penseren termes de développement et d’apprentissage chez les élèvessans avoir préalablement instauré une gestion de classe efficace(Arrighi et Young, 1987; Parker, 1995).

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professionnelle en relation avec la planification,l’organisation et la supervision du mode de fonction-nement du groupe-classe en vue de favoriser l’appren-tissage et la socialisation des élèves (compétence 6) aété ciblée afin d’ancrer les apprentissages des étudian-tes et étudiants à des situations professionnellesvécues en stage. L’objectif principal de cerenouvellement des dispositifs de formation est decontribuer au développement d’une pratique réflexivechez des étudiantes et étudiants en relation avec lessituations professionnelles reliées à la gestion de classe.Cette pratique réflexive favorise la construction dusavoir d’expérience permettant le développement decette compétence. Celui-ci doit tenir compte desexigences rattachées à la profession enseignante dansle domaine de l’éducation physique et à la santé. Pource faire, il faut resituer le contexte dans lequelévoluent les enseignants en éducation physique ainsique les mandats qu’ils doivent exercer dans le cadrede leurs fonctions, à savoir une affectation à toute laclientèle fréquentant le milieu scolaire. Ils enseignentautant aux élèves du préscolaire, du primaire, ou dusecondaire et peuvent aussi être appellés a intervenirauprès de ceux fréquentant des institutions à voca-tion particulière.

Les enseignants d’éducation physique doivent doncêtre aptes à travailler avec des enfants présentant descaractéristiques variées sur le plan des capacitésphysiques, intellectuelles et sociales. Également, ilsdoivent posséder une expertise diversifiée sur le plandes didactiques puisqu’ils peuvent être amenés àtravailler au développement des habiletés motricesde base et à enseigner une variété d’activités physi-ques qui requièrent des compétences spécifiques.L’enseignement d’une diversité d’activités physiquesentraîne également l’utilisation de divers plateauxextérieurs et intérieurs ou salles qui exigent desaménagements particuliers en ce qui concerne certai-nes conditions d’enseignement telles que la gestiondu temps, des espaces, de la sécurité et de la classe engénéral. De plus, l’ajout d’une nouvelle compétencedisciplinaire (adopter un mode de vie sain et actif)engendre un changement important en éducationphysique et exige de la part des enseignants l’appro-priation d’objets d’enseignement-apprentissagerelatifs à l’éducation à la santé.

Enfin, l’enseignement en éducation à la santé auQuébec n’est pas une exclusivité des éducateursphysiques. En effet, le domaine général de formationà la santé et au bien-être repose sur une intégrationdes apprentissages de diverses disciplines. Or, dans lenouveau curriculum québécois, les domaines géné-raux de formation sont définis comme étant desproblématiques qui échappent aux frontières disci-plinaires. Ainsi, la présence de ce domaine généralsuppose également une action concertée de l’ensem-ble du personnel scolaire, en collaboration avec lesparents, les professionnels de la santé, les responsa-bles de l’aménagement des milieux de vie et tout autreintervenant du milieu scolaire ou communautaire(MEQ, 2001b). En ce sens, l’éducateur physique doitenvisager la collaboration avec d’autres intervenantsdans ses fonctions en éducation à la santé puisque cevolet est une responsabilité de l’ensemble des acteursprésents en milieu scolaire. Les interventions menéesen éducation à la santé doivent transcender lesapprentissages disciplinaires. Le rôle d’intervenant enéducation à la santé modifie donc les procédures ha-bituelles d’enseignement des éducateurs physiques.En effet, l’enseignement de l’éducation physique et àla santé se présente soit par projet-école, inhérent auxcours d’éducation physique, soit dans les cours axéssur la théorie, en salle de classe. Ainsi, il devient né-cessaire pour les éducateurs physiques d’établir unecomplicité sur le plan de la gestion de classe avec lesdifférents intervenants collaborant avec eux.

Il faut donc prendre en considération l’ensemble deces facteurs dans la mise en œuvre d’un programmede formation conduisant à la maîtrise des différentescomposantes liées à la gestion de classe. L’analyse desmodalités associées aux pratiques de formation engestion de classe montre leurs limites actuelles. Eneffet, les formations théorique et pratique ne permet-tent pas de tenir suffisamment compte de l’ensemblede ces facteurs dans des activités de formationoffertes aux futurs maîtres. En outre, les capacités dereconnaissance et d’analyse systématique des notionsvéhiculées par les cadres de référence associés à lagestion de classe n’ont été que trop peu développéesdans les programmes de formation à l’enseignement.

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Jusqu’à maintenant, les activités de séminaire deretour sur les stages ont incité les stagiaires à exercerleurs capacités de réflexion critique sans toutefoisqu’ils profitent d’ancrages très solides permettantl’analyse de leurs pratiques effectives et de leurscontextes de mise en œuvre. Or, le processus derétrospection fait subir des transformations auxactes et aux événements passés et laisse donc une as-sez large part à l’interprétation subjective.

De manière à pallier ces lacunes, nous avons choisid’intégrer le recours à des cadres d’analyse pertinentsà la gestion de classe (exemple : un système d’analysedes incidents disciplinaires) à l’utilisation de lavidéoscopie lors du stage de deuxième année desfuturs enseignants en éducation physique et à la santé.Ceci nous a permis d’élaborer un dispositif pédago-gique axé sur l’analyse de pratiques effectives assistéepar la vidéo en milieu naturel d’enseignement.La vidéoscopie permet d’analyser en différé les prati-ques d’enseignement ainsi que l’identification des sa-voirs mobilisés dans l’action (Desbiens, Roy,Spallanzani et Brunelle, 2004). Ce dispositif est inté-gré à un stage de trois semaines qui se déroule en con-comitance avec un cours de gestion de classe où unedémarche particulière est enseignée au regard de cetaspect du processus d’enseignement-apprentissage.

La mise en œuvre de ce dispositif de formationrepose sur deux étapes. Dans la première, les stagiai-res doivent réaliser, de façon individuelle, l’analysed’une séance d’enseignement filmée lors de la réalisa-tion de leur stage à partir d’un cadre de référencepréétabli afin de favoriser le développement de leurcapacité d’observation. Plus particulièrement, lagestion de classe est analysée à partir du repérage etde l’observation d’incidents disciplinaires ainsi quedes effets des séquences de déplacements et de posi-tionnements lors de la réalisation des tâches d’appren-tissage et de la communication pédagogique (phasesde préparation et d’intégration) sur les incidents dis-ciplinaires identifiés. La deuxième étape consiste à re-grouper une équipe de stagiaires dont l’un des mem-bres présente son autoanalyse de diverses situationsvécues lors de son stage en relation avec le thème.Dans cette deuxième étape, la vidéo permet de parta-ger les situations professionnelles analysées individuel-lement ainsi que de porter un second regard sur

l’analyse réalisée par le stagiaire. De plus, lors de cettemême étape, le processus analytique est supervisé pardes experts qui maîtrisent les notions véhiculées dansles cadres de référence associés au cours de gestion declasse. Cette supervision assure un véritable proces-sus d’approfondissement des observations réaliséespréalablement par les stagiaires. La présence et lerôle de ces experts représentent un soutien impor-tant dans la mise en œuvre de ce type de dispositifpédagogique.

Concrètement, l’analyse de pratiques assistée parvidéo répond à des besoins d’apprentissage et dedéveloppement de la compétence à gérer efficacementune classe. D’abord, elle permet aux étudiants d’ac-quérir une pratique réflexive partant de diversessituations professionnelles pouvant survenir dansl’exercice de leurs fonctions. Cette pratiqueréflexive dépasse largement le cadre d’uneautoévaluation individuelle. Le fait de travailler enéquipes de stagiaires permet aux étudiants de déve-lopper leurs capacités d’observation et la mise enrelation des savoirs mobilisés dans l’action aux savoirsthéoriques. Ensuite, l’autoévaluation de leurs prati-ques les incite à mettre en place un processus de régu-lation des pratiques d’enseignement. Celui-ci est ren-forcé par les autres membres du groupe ainsi que parla présence des accompagnateurs. Enfin, l’observationde pratiques à partir d’un cadre de référence qui guideles étudiants assure un raffinement des activités deformation vécues en gestion de classe en proposantune réflexion systématique sur l’intégration dessavoirs, des savoir-faire et des savoir-être dans lessituations professionnelles.

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La mise en place de ce nouveau dispositif pédagogi-que permet un rapprochement entre les activités d’ap-prentissage proposées dans le cours de gestion de classeet les situations professionnelles auxquelles sont con-frontés les étudiantes et étudiants. Par ailleurs, nuldoute que ce type de dispositif de formation est faci-lement adaptable afin de rencontrer les réalités deperfectionnement des éducateurs physiques déjàen exercice. Ce type de formation s’insère doncparfaitement dans une problématique de laprofessionnalisation de l’enseignement.2

Références

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Caron, L. et Le Brun, H. (2006). Le décrochage desenseignants. Il faut sonner l’alarme. Nouvelles CSQ,26(3), 14.

Desbiens, J.-F., Roy, M., Spallanzani, C. et Brunelle, J.-P.(2004). Utiliser la vidéoscopie comme outil derecherche pour formaliser les savoirs professionnelsdes enseignants d’EPS. Dans M. Loquet et Y.Léziart (dir.), Cultures sportives et artistiques,formalisation des savoirs professionnels, pratiques,formations, recherches (p. 343-347). Rennes : Pressesde la reprographie de l’Université de Rennes 2.

Fernandez-Balboa, J. M. (1990). Helping novices teachershandle discipline problems. Journal of PhysicalEducation, Recreation and Dance, 61(7), 50-54.

Fortier, A. et Desrosiers, P. (1991). Les préoccupationspersonnelles des stagiaires en éducation physiqueau primaire. Revue STAPS, 12(26), 47-59.

Gauthier, C., Desbiens, J.-F., Martineau, S. et Presseau,A. (2003). Mots de passe pour mieux enseigner. Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval.

Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (2001a). Laformation à l’enseignement, les orientations et lescompétences professionnelles. Gouvernement duQuébec.

Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (2001b).Programme de formation de l’école québécoise.Éducation préscolaire, enseignement primaire.Gouvernement du Québec.

Parker, J. (1995). Secondary teachers’ views of effectiveteaching in physical education. Journal of Teachingin Physical Education, 14(2), 127-139.

Royer, N., Loiselle, J., Dussault, M., Cossette, F. etDeaudelin, C. (2001, avril-mai). Le stress desenseignants québécois à diverses étapes de leurcarrière. Vie pédagogique, 119, 5-8.

2 La mise en place de ce dispositif pédagogique a été renduepossible grâce à l’appui du Fonds d’appui à la pédagogieuniversitaire de l’Université de Sherbrooke

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De la dimension sociale de la gestion de classe

Jean-François MARCEL

Université de Toulouse II

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S i la notion de gestion de classe présentedes intérêts heuristiques indéniables,elle me semble toutefois quelque peu

aveugle à la dimension sociale du travail fourni parl’enseignant en ayant tendance à considérer cedernier comme un travailleur isolé par rapport auxautres travailleurs de l’établissement scolaire. Jeconsacrerai ce texte à rappeler, dans un premier temps,que le travail de l’enseignant est en pleine mutationet qu’il se transforme en intégrant des modalitéspartenariales et collectives. Cela m’autorisera à inter-roger la définition de la gestion de classe pour la pro-longer par la nécessaire prise en compte de cettedimension sociale. J’insisterai sur le fait que tout levolet du travail enseignant s’actualisant hors de laclasse et de la présence des élèves, et avec des parte-naires ne relève pas d’un autre métier, mais qu’ilinfluence fortement les pratiques d’enseignement etla gestion de classe. Pour ce faire, j’illustrerai cetteinfluence à l’aide de trois recherches récentes, ce quime permettra, pour conclure, d’interroger la sphèrede la formation à propos de la prise en charge de ladimension sociale de la gestion de classe.

L’évolution du travail enseignant

J’amorcerai mon propos par une analyse qui, depuisTardif et Lessard (1999), a été maintes fois reprise etqui met au jour une évolution importante du travailenseignant (Marcel et Piot, 2005; Marcel, Dupriez,Périsset Bagnoud et Tardif, soumis). Cette évolution,repérable dans la plupart des pays occidentauxet en lien avec la dynamique générale deprofessionnalisation des enseignants, se traduit enparticulier par une rupture avec la perception del’enseignant en tant que « loup solitaire »1. Ainsi letravail de l’enseignant ne se circonscrit-il plus au faceà face pédagogique avec des élèves dans une classe et

1 Pour reprendre l’expression de Mickaël Huberman (1995).

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dans une situation mettant en jeu des savoirs scolai-res (ce qu’on appelle « les pratiques d’enseignement »),mais s’ouvre plutôt à différentes formes de travailcollectif et à différentes modalités de collaboration.Le travail de l’enseignant ne peut donc plus êtreenvisagé uniquement au travers des pratiquesd’enseignement. Il doit maintenant être pensé sousl’angle des pratiques enseignantes. Celles-ci désignentl’ensemble des pratiques professionnelles de l’ensei-gnant, exercées individuellement ou partagées avecles partenaires d’un collectif, mises en oeuvre tantdans la classe en présence des élèves qu’à l’extérieurde la classe, hors de cette présence avec les enfants etse traduisant par des mises en jeu très diversifiées dessavoirs scolaires.

La dimension socialede la gestion de classe

Cette évolution va avoir de multiples conséquences,en particulier sur le développement professionnel desenseignants (Marcel, 2005) – j’y reviendrai rapidementà propos de la formation continue. Elle va égalementremettre en cause une définition restrictive de la ges-tion de classe.

Desbiens et Cardin (2003, p. 128) proposent d’envi-sager la gestion de classe comme «… un ensemble deméthodes et de stratégies, employées pour organiserles activités de la classe, l’enseignement, l’environne-ment d’apprentissage et les interactions de manière àgérer efficacement le temps alloué, à créer un climatpédagogique favorable à l’apprentissage de même qu’àréduire les problèmes de comportements et lesdérangements ». Ils s’attachent ainsi à ne pas lacirconscrire à la seule gestion de la discipline en classeet à l’étendre à l’ensemble des opérations que lemaître réalise, aussi bien dans les phases de planifica-tion que dans celles de la mise en œuvre.

Ce premier niveau d’élargissement de l’empancouvert par la gestion de classe me paraît tout à faitintéressant, car il inscrit les pratiques d’enseigne-ment dans un contexte plus large que le cadrespatiotemporel de la classe et de la présence desélèves. En revanche, il ne prend pas suffisamment encompte, à mes yeux, la dimension sociale du métier

en considérant l’enseignant comme un professionnelsinon isolé, tout au moins seul.

Or, nous l’avons vu, les évolutions du travail ensei-gnant multiplient les phases de travail collaboratif oucollectif. Ces différentes pratiques enseignantes ne sebornent pas à être du travail en plus ou un autre tra-vail indépendant, il s’agit tout simplement d’une autrefacette de ce même travail. Par conséquent, le con-texte de la gestion de classe s’en trouve considérable-ment modifié et les pratiques d’enseignement vontse trouver influencées par les autres pratiques ensei-gnantes.

De l’influence du collectif sur lespratiques d’enseignement

Les modalités d’influence des pratiques collaborativeset collectives sur les pratiques d’enseignement et surla gestion de classe sont diverses. Je me bornerai ici àen citer trois que j’illustrerai à partir de recherchesrécentes.

La mise en œuvre de décisions collectives

Lorsqu’une équipe élabore un dispositif pédagogiquecollectif, celui-ci va affecter la gestion de chacune desclasses. Ainsi, dans le cadre de la prise en charge desélèves en difficulté, les enseignants du cycle 22 d’uneécole élémentaire de 12 classes ont mis en place undispositif de décloisonnement pour l’enseignementde la lecture (deux fois par semaine). Les élèves nerencontrant pas de difficultés sont pris en charge pardes assistants d’éducation tandis que les élèves en dif-ficulté sont rassemblés en petits groupes et travaillentavec les enseignants. Ce dispositif modifie les prati-ques d’enseignement de la lecture en classe ordinaireau moins à deux niveaux :

- celui du diagnostic précis des difficultés des élèvesapparaissant pendant la séance, qui devra ensuiteêtre transmis à l’équipe pédagogique à la fois pourconstituer les groupes et pour informer l’ensei-gnant qui prendra en charge l’élève;

- celui du rythme d’avancée de la séance.

2 Le cycle des apprentissages fondamentaux correspondant auxdeux premières années de l’école élémentaire.

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Bien sûr, le traitement des difficultés est externaliséet pris en charge par le dispositif. En revanche, enrelation d’ailleurs avec l’attention particulière accor-dée aux élèves en difficultés, le déroulement de laséance est nettement adapté en fonction des difficul-tés qui se manifestent, et ce, de manière à ne pas fairedécrocher ces élèves. Nous voyons donc que tant larelation pédagogique que la structuration de la séancese trouvent pour partie sous l’influence des décisionscollectives.

L’élaboration de normes professionnelles auniveau de l’équipe pédagogique

À la différence de l’élaboration des décisions large-ment objectivées, celle des normes professionnellesreste cantonnée dans l’implicite (Van Zanten, 2001).Pourtant, elle aura des répercussions à la fois sur lespratiques d’enseignement et sur le positionnementdes enseignants par rapport aux parents d’élèves.

Se conformant aux injonctions institutionnelles, lesquatre enseignantes d’une école maternelle construi-sent un livret scolaire dont la fonction est à la foispédagogique (rationaliser l’évaluation) etcommunicationnelle (servir de support aux échangesavec les parents d’élèves). Mais l’utilisation de cet ins-trument ne se limitera pas à une dimension techni-que et investira la sphère de la socialisation profes-sionnelle. Ainsi, et à la suite de cette production col-lective, nous avons pu constater :

- un développement très important des pratiquesd’évaluation dans chacune des classes, aussi bienau niveau du temps consacré que des modalitésretenues, faisant montre d’une grande inventivitéqui nous permet de dire que l’engagement collec-tif s’est prolongé par un engagement individuel;

- un positionnement collectif face à la pression exer-cée par les parents d’élèves et focalisée autour dece livret3.

Ainsi, la restitution du livret à une date précise ou lesentretiens avec les parents d’élèves se sont vus rigou-reusement harmonisés. Cette dynamique collectivea progressivement débouché sur un positionnementcollectif des enseignants face aux parents d’élèves,instaurant une distance et un formalisme certain pour

se protéger de l’intrusion des parents dans la classe etdans l’école. Amorcée avec l’introduction du livretscolaire, cette démarche collective a accédé à un de-gré plus élevé quand un parent d’élève a remis en causela compétence d’une enseignante, provoquant unemobilisation solidaire de l’ensemble de l’équipe. Jepourrai ajouter que ces enseignantes se sont ensuiteengagées dans un projet innovant, et son analyse(Marcel et Piot, 2005) montre que cet engagementest en partie sous-tendu par la volonté de démontrerleurs compétences professionnelles aux parents d’élè-ves, voire de construire une identité professionnellecollective.

Le travail partagé et le développement profes-sionnel des enseignants

La coopération entre enseignants va leur fournirl’occasion d’apprendre des autres ou avec les autres(Marcel, 2005). C’est également ce qu’il est convenud’appeler le « professionnalisme collectif ». Dans lecadre d’un projet innovant en collège, une professeuredébutante de mathématiques anime un atelier4 avecun collègue confirmé. Ce compagnonnage profession-nel va lui permettre de modifier la relation pédagogi-que avec ses élèves en étant en particulier beaucoupplus attentive aux stratégies qu’ils mettent en œuvre.Cette évolution s’est faite par observation5 du collè-gue confirmé et par échanges réguliers avec lui, maiselle s’est aussi déployée sur la durée et de manièreprogressive dans l’atelier d’abord, en demi-classeensuite et en classe entière enfin. Nous voyons doncque les pratiques collaboratives de cette enseignanteont eu des répercussions importantes sur sespratiques de gestion de classe.

3 Par exemple, plusieurs parents d’élèves photocopiaientl’ensemble des fiches d’évaluation pour faire réviser leurenfant.

4 Consacré à la préparation d’un scénario de film sur lacitoyenneté au collège.

5 Nous retrouvons l’apprentissage vicariant développé parAlbert Bandura (1980).

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De la formation des enseignants

Après m’être efforcé de montrer brièvement, à par-tir de trois exemples tirés de recherches récentes, quela gestion de classe ne peut être considérée commeune affaire individuelle ne concernant qu’un ensei-gnant dans sa classe, mais qu’elle est en relation avecla dimension sociale du métier d’enseignant (les pra-tiques partenariales et collectives), je terminerai enm’interrogeant sur la prise en compte de cet état defait par la formation des enseignants.

En France, les référentiels de compétences des ensei-gnants évoquent cette question (autour du savoir tra-vailler ensemble), mais force est de constater qu’elleest peu présente dans la formation initiale. À monavis, elle relève davantage du cadre de la formationcontinue au travers de modalités d’accompagnementdes équipes pédagogiques des écoles ou des établisse-ments. Plusieurs dispositifs peuvent alors être envi-sagés, certaines formes d’analyses des pratiques,l’autoévaluation d’un dispositif ou d’un établissementou la recherche-formation, par exemple. Danschaque cas, il apparaît que ces dispositifs peuventcombiner des objectifs de recherche sur laprofessionnalisation et des objectifs de formation(pour la professionnalisation des enseignants). Ilspeuvent ainsi contribuer à réconcilier la sphère de larecherche et celle de la formation à la condition sinequa non de ne jamais confondre les objectifs et lesmodalités de légitimation de l’une et de l’autre.

Références

Bandura, A. (1980). L’apprentissage social. Bruxelles :Mardaga.

Desbiens, J.-F. et Cardin, J.-F. (2003). La gestion de classe :mal nécessaire ou apport à la professionnalitéenseignante? Dans G. Baillat, P.-A. Martin et D.Niclot (dir.), Vers quelle professionnalité enseignanteen France ou au Québec? (p. 127-138). Documents,actes et rapports pour l’éducation : CRDP deChampagne-Ardenne.

Huberman, M. (1995). Networks that alter teaching:Conceptualizations, exchanges and experiments.Teacher and Teaching: Theory and Practice, 1(2), 193-211.

Marcel, J.-F. (2005). Apprendre en travaillant. Contributionà une approche socio-cognitive du développementprofessionnel de l’enseignant. Note de synthèse nonpubliée en vue de l’obtention de l’habilitation àdiriger des recherches, Université de Toulouse IIle Mirail.

Marcel, J.-F., Dupriez, V., Périsset Bagnoud, D. et Tardif,M. (ouvrage soumis). Coordonner, collaborer,coopérer : de nouvelles pratiques enseignantes.Bruxelles : De Boeck.

Marcel, J.-F. et Piot T. (dir.) (2005). Dans la classe, hors dela classe. L’évolution de l’espace professionnel del’enseignant. Paris : INRP.

Tardif, M. et Lessard, C. (1999). Le travail enseignant auquotidien. Expérience, interactions humaines etdilemmes professionnels. Bruxelles : De Boeck.

Van Zanten, A. (2001). L’école de la périphérie. Scolarité etségrégation en banlieue. Paris : Presses Universitairesde France.

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Chronique du milieu scolaire

Quand la gestion de classeapprivoise les TIC

Anne-Frédérique KARSENTIGlorya PELLERIN

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Introduction

La compétence Exploiter les technologies de l’informa-tion et de la communication (TIC) (MEQ, 2001a) apour mandat, entre autres, de favoriser les apprentis-sages du Programme de formation de l’école québé-coise (MEQ, 2001b). Toutefois, l’obligation profes-sionnelle d’amener les élèves à la développer entraîneplusieurs réactions mitigées chez les enseignants. Eneffet, malgré les avantages de l’utilisation des TIC enenseignement maintes fois soulevés par différentschercheurs (Chouinard, 1998; Grégoire, Bracewell etLaferrière, 1996; Karsenti, 2003), une grande hésita-tion à s’investir dans le développement de cette com-pétence en classe persiste compte tenu, entre autres,d’une distribution non uniforme des ressources in-formatiques dans les écoles et d’une gestion de classeboiteuse lors de situations les intégrant.

Dans cet article, nous commençons par illustrer som-mairement différentes situations vécues dans certainsmilieux scolaires du Québec. Ensuite, nous présen-tons des pistes de réflexion afin de parvenir à unemeilleure gestion de classe dans un contexte visantl’intégration pédagogique des TIC.

Des configurationspersonnalisées

Ève enseigne dans une école urbaine où l’on retrouveun laboratoire informatique comprenant 20 postes,tous branchés à Internet. Un projecteur multimédiaest installé dans la pièce. Éric, quant à lui, œuvre dansune école rurale munie d’un petit laboratoire de septpostes où seulement deux ordinateurs sont branchésà Internet. Une imprimante est rattachée à un seul

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poste installé dans la salle des enseignants. Finalement,Marc est en poste dans une école urbaine accueillantdes élèves de premier cycle annexée à une école plusgrande regroupant les élèves du deuxième et du troi-sième cycle. Seul le second établissement comporteun laboratoire aménagé alors qu’un poste non bran-ché sur Internet est disponible dans chacune des clas-ses des deux écoles.

Comme nous pouvons le constater, chaque école pro-pose une configuration de son parc informatiquecomptant son lot d’avantages et d’inconvénients.Pensons notamment aux élèves de Marc qui doiventse rendre dans un autre établissement pour profiterdes équipements informatiques. Que dire encore desélèves d’Éric qui doivent imprimer en transférantleurs données par disquette d’un ordinateur à l’autre.Il ne faudrait toutefois pas croire que les contraintesesquissées sont incontournables. Il importe plutôt defaire ressortir le potentiel de chaque organisation.Pour ce faire, nous proposons des pistes d’action quipermettront d’en apprécier les atouts et d’en mini-miser les écueils pour la gestion de classe.

Peu importe la nature et l’organisation du matérielinformatique de l’école, il est possible d’en maximi-ser le potentiel. En effet, avant de sélectionner l’ap-proche la plus appropriée, une identification des pos-sibilités techniques est incontournable : quelles sontles activités pédagogiques qu’il est possible de mettreen place pour rechercher, organiser et produire del’information? Ce repérage ouvre la porte à une va-riété de scénarios impliquant une utilisation diversi-fiée des TIC. Par exemple, conscientes qu’un seulordinateur branché à Internet dans un laboratoireminimise indéniablement l’accessibilité à des banquesd’informations, nous suggérons plutôt d’élaborer desactivités de type « création ou production » (mise enpages, élaboration de diaporama, autres) dans lesquel-les la recherche d’informations se fera plutôt à la bi-bliothèque. Par contre, bien qu’essentiel, ce choixd’activité ne garantit pas le succès de la gestion declasse. La planification d’approches appropriées adap-tées aux besoins des élèves et au matériel informati-que disponible s’avère donc une priorité.

Une planification clairvoyante :prévoir l’imprévisible

Que ce soit dans une classe ou dans un laboratoire,toute utilisation d’un système informatique demandeune préparation qui permet l’anticipation d’un maxi-mum d’imprévus. C’est donc très rapidement que lesenseignants réalisent que la planification de la ges-tion de classe dans un contexte impliquant l’utilisa-tion des TIC est à la base d’interventions de qualité.

Planifier des approches adaptées et différenciées

Prioritaire dans une planification intégrant les TIC,le choix d’approches appropriées adaptées aux lieuxet au nombre d’ordinateurs fonctionnels assure cer-tainement une participation active, juste et équitableainsi qu’une motivation accrue de la part des élèvesface aux tâches proposées. L’enseignant a tout avan-tage à s’attarder à la situation prévue en anticipanttoutes les éventualités : seuls ou en équipes, que fe-ront les élèves qui n’auront pas accès à l’ordinateurpendant ce temps? Des activités enrichissantes sont-elles planifiées? Est-ce que le local est aménagé de fa-çon que certains puissent travailler à des tables pen-dant que d’autres travaillent à l’ordinateur? Comments’effectuera la rotation pour que tous aient accès àl’outil informatique?

À cet effet, pour une classe munie d’ordinateurs, nousproposons le tableau de programmation ou le travailen ateliers (Caron, 2003) dans lesquels on insère unetâche impliquant l’utilisation des TIC. Ces approchespermettent à tous les élèves de s’investir à leur rythmeou selon un horaire préétabli dans le développementde la compétence TIC tout en les amenant à répon-dre aux intentions didactiques préalablement déter-minées par l’enseignante. Évidemment, il importe desonger aux modalités à mettre en place afin qu’unerotation s’effectue dans un temps respectable et adaptéaux besoins des élèves. En laboratoire, il est possiblede prévoir une tâche de type « papier-crayon » pou-vant s’effectuer par une partie du groupe au centredu local, sur des tables installées à cet effet, pendantque l’autre partie du groupe sera mobilisée devant lesordinateurs. La gestion en sera ainsi facilitée et lespertes de temps en cas de problèmes techniques severront minimisées.

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Planifier l’organisation pédagogique

Que ce soit pour un projet ou une simple activité oùles TIC sont mises à contribution, l’enseignant doitplanifier l’organisation pédagogique de sa classe.Parmi les dimensions incontournables à prévoir,mentionnons entre autres les routines, les procédu-riers, les consignes et les responsabilités en lien avecles aspects techniques des outils informatiques.

C’est souvent dans le but d’accroître l’autonomie desélèves que l’on préconise l’utilisation de procédurierset de routines d’organisation. Les procéduriers per-mettent aux élèves de suivre, étape par étape, le dé-roulement de l’activité et de composer avec les fonc-tionnalités propres aux TIC tout en conduisant audéveloppement de leurs capacités à les utiliser. Cettefaçon de faire rend les élèves plus autonomes dansleurs apprentissages et, par le fait même, assure uneplus grande disponibilité de l’enseignant qui peut alorss’occuper, entre autres, de certains élèves en difficulté.Dans le même ordre d’idées, il importe de mettre surpied un plan de dépannage qui lui permette de se dé-gager des tracas organisationnels et des problèmesponctuels d’ordre technique pour s’attarder à des in-terventions d’ordre pédagogique ou didactique. Ceplan de dépannage peut consister à déléguer la réso-lution de problèmes techniques ou procéduraux sim-ples à des élèves reconnus comme ayant davantagede facilité avec les fonctions informatiques. Ces« experts » formés préalablement pourraient appor-ter de l’aide à des pairs incapables, par exemple, d’en-registrer des données ou ayant oublié la procédurepour copier-coller une image. La possibilité de faireappel à d’autres classes, à une ressource informatiquedisponible dans l’école ou même à des parents béné-voles est également un moyen de rendre la gestion declasse plus agréable et efficiente.

L’adoption de routines efficaces réglant les entrées etles sorties dans un laboratoire informatique, la quêteou le remisage de documents, d’accessoires ou d’outilsnécessaires à la réalisation des tâches ou encore laconduite à tenir en cas de panne localisée peut amé-liorer considérablement la gestion du groupe d’élè-ves. Ici encore, le fait de prévoir l’aide d’élèves res-ponsables pour ouvrir et fermer des ordinateurs, et

pour distribuer et ramasser des feuilles ou autres ac-cessoires en début et fin de cours ouvre certainementde grandes possibilités aux enseignants qui n’osentenvisager de gérer seuls de telles situations avec desélèves débutants.

Les périphériques : une question de diversificationdes possibilités d’action

Outre les activités pédagogiques possibles et l’acces-sibilité à Internet, il peut être également facilitant surle plan de la gestion de classe de se doter de périphé-riques permettant encore une fois une diversificationdes actions ainsi qu’une organisation de classe plusefficace et dynamique. Numériseur, caméra numéri-que, projecteur multimédia, tous ces périphériquesoffrent d’innombrables possibilités techniques quiinflueront sur la gestion de classe, soit en améliorantla motivation des élèves ou, en ce qui concerne plusprécisément le projecteur multimédia, en offrant uneplateforme de présentation qui minimisera les inte-ractions en cours de réalisation.

Les élèves experts : une piste àexplorer pour faciliter la gestionde classe

Dans un contexte d’apprentissage bien encadré, dis-posant d’un matériel fiable et offrant des situationsd’apprentissage soigneusement planifiées, pourquoine pas faire confiance aux enfants et croire en leurcapacité à se débrouiller de même qu’à s’entraider?Laissons-les nous impressionner en leur donnant l’oc-casion d’assumer des responsabilités à leur mesuredans la perspective d’une gestion participative d’acti-vités impliquant les TIC.

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Références

Caron, J. (2003). Apprivoiser les différences. Guide sur ladifférenciation des apprentissages et la gestion descycles. Montréal : Les Éditions de la Chenelière.

Chouinard, J. (1998). Permettre aux élèves de l’adaptationscolaire de s’approprier les nouvelles technologies del’information et de la communication (NTIC). Cemisnational en adaptation scolaire, Commissionscolaire de Montréal.

Grégoire, R., Bracewell, R. et Laferrière, T. (1996). L’apportdes nouvelles technologies de l’information et de lacommunication (NTIC) à l’apprentissage des élèves duprimaire et du secondaire : revue documentaire,www.fse.ulaval.ca/fac/tact/fr/html/apport/apport96.html

Karsenti, T. (2003, avril-mai). Favoriser la motivation etla réussite en contexte scolaire : les TIC feront-ellesmouche? Vie pédagogique, 123, 27-31.

Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (2001a). Laformation à l’enseignement. Les orientations, lescompétences professionnelles. Québec :Gouvernement du Québec.

Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (2001b).Programme de formation de l’école québécoise.Version approuvée. Éducation préscolaire.Enseignement primaire. Québec : Gouvernementdu Québec.

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Chronique internationale

Quelques réflexions sur l’apport de laformation à distance à la préparation desmaîtres en contexte africain

Christian DEPOVER

Université de Mons-Hainaut,Belgique Profitant de l’invitation du CRIFPE

à intervenir dans sa chroniqueinternationale, nous avons choisi

d’évoquer une problématique qui nous paraît centralepour l’avenir des systèmes éducatifs des pays du Sud,en particulier pour ceux situés sur le continentafricain, à savoir la formation des maîtres et, plusparticulièrement, la manière dont les technologies dela distance peuvent contribuer à cette formation.

L’observation de l’évolution récente des systèmeséducatifs africains conduit à constater un large mou-vement d’ensemble, souvent orchestré par les orga-nisations internationales, qui amène ces systèmes àse rapprocher dans leurs structures, voire dans leursexigences de ce qu’on a de plus en plus tendance àconsidérer comme des normes internationales.Toutefois, une analyse plus fine permet de constaterque les divergences restent considérables.

Si, au niveau de l’enseignement de base, se metprogressivement en place une formation unique quiaccueille les jeunes à partir de 6 ans (rarement avant,car l’enseignement préscolaire est très peu développé)jusqu’à 14 ou 15 ans, par la suite, l’enseignementsecondaire reste généralement fortement contingentéet recueille en nombre limité les sortants du primaire.Les filières alternatives techniques ou professionnel-les restent dans l’ensemble embryonnaires et peuattractives pour les jeunes.

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En ce qui concerne l’ajustement des exigences, mêmesi les curricula sont le plus souvent largement inspi-rés de ceux des pays développés, les acquisitions sco-laires évaluées par des épreuves de rendement restenttrès en deçà des attentes. Les rares pays africains quise sont engagés dans des évaluations internationalescomme PISA ou TIMS se sont retrouvés très large-ment distancés. Même si les arguments ne manquentpas pour souligner le caractère inéquitable de tellesévaluations pilotées par des organismes spécialisés is-sus le plus souvent de pays dont le niveau de déve-loppement et la culture sont fort éloignés de la réa-lité des pays africains, elles ont au moins le mérite defournir une image du niveau d’enseignement dans lespays concernés basée sur des données objectives plu-tôt que, comme c’est trop souvent le cas, sur les ré-sultats de quelques écoles d’élite réservées à un nom-bre limité de privilégiés.

Le double mouvement d’ajustement que nous venonsd’évoquer a contribué à créer une pression considé-rable sur les systèmes de formation des maîtres tanten ce qui concerne son développement quantitatif quequalitatif. La généralisation de la scolarisation pri-maire à l’horizon 2015 mise en avant dans le cadredu programme « Éducation pour tous » (EPT) ne res-tera qu’un vœu pieux (comme tant d’autres dans ledomaine de l’éducation) si les investissements enmatière de formation des maîtres ne font pas l’objetd’une planification soigneusement maîtrisée.

Différentes stratégies sont observées dans ce domaineet certaines peuvent parfaitement coexister au seind’un même système éducatif.

Une première stratégie correspond à un effort d’ajus-tement par rapport à ce qu’on trouve dans les paysdu Nord qui conduit à former les maîtres dans le ca-dre d’un cycle d’études de deux à quatre années aprèsl’enseignement secondaire. Il s’agit là d’une appro-che non seulement coûteuse, mais aussi peu flexiblepuisqu’elle introduit une inertie importante dans lesystème (plusieurs années séparent le début de la for-mation et l’entrée en fonction) qui permet difficile-ment de faire face à des besoins non strictement pré-vus. De plus, une partie importante de la formationpostsecondaire est souvent consacrée à fournir uncomplément de formation générale, ce qui, au vu decertaines études, serait d’un apport limité à l’effica-cité pédagogique.

Une autre stratégie, qui a souvent été pratiquée enAfrique, consiste à recruter des enseignants disposantd’un niveau de formation ne dépassant que de quel-ques années celui auquel ils sont amenés à enseigner.Par exemple, un maître du primaire sera recruté auniveau de la fin du premier cycle du secondaire. L’ef-ficacité d’une telle stratégie, qui a souvent été miseen place pour faire face à une pénurie d’enseignants,dépend essentiellement de l’existence et surtout de lapertinence de la formation pédagogique qui sera miseen place au moment du recrutement. D’après certai-nes études, des formations pédagogiques, même decourte durée (de l’ordre de deux à trois mois), peu-vent conduire à préparer des maîtres dont l’efficacitépédagogique n’aurait rien à envier à ceux ayant béné-ficié d’un cursus général plus étendu. Ce type de po-litique de recrutement, généralement mis en œuvrepour répondre à un déficit conjoncturel d’enseignants,est toutefois difficilement acceptable sur le long terme,car il conduit à la constitution d’un corps d’ensei-gnants très hétérogène dont le niveau de formationdiffère fortement selon le moment où ils sont entrésdans la carrière.

Une troisième approche prend en compte l’idée queles futurs enseignants recrutés avec une formationgénérale suffisante peuvent être mis sur le marché àpartir d’une préparation pédagogique de base, maisque des compléments obligatoires doivent leur êtrefournis dans les premières années (et parfois par lasuite également) de leur activité professionnelle. Cetteconception qui s’inspire de l’idée de formation toutau long de la vie s’accorde assez bien avec les besoinsdes pays du Sud puisqu’elle permet de réagir rapide-ment à une augmentation de la demande sans exigerun investissement initial trop important.

Lorsqu’on observe les projets déployés actuellementen Afrique et plus particulièrement ceux ayant béné-ficié du soutien des bailleurs de fonds internationaux,cette troisième stratégie est très fréquemment évo-quée. De nombreux dispositifs capitalisent en effetsur une formation pédagogique de base assortie decompléments planifiés en cours de carrière pour les-quels des ressources de formation à distance sont sou-vent mobilisées.

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Placée dans ce contexte, la formation à distance peutapparaître comme une réponse crédible aux énormesbesoins de formation des maîtres, mais aussi à l’étatdes infrastructures. Qu’elle utilise des moyens classi-ques basés sur l’envoi de documents ou des technolo-gies modernes s’articulant sur la communication parsatellite et l’Internet, la formation à distance ne man-que pas d’arguments pour séduire les décideurs lo-caux qui y voient souvent une opération de prestigesusceptible d’attirer les bailleurs de fonds internatio-naux.

De plus, ce qui jusqu’il y a peu pouvait être consi-déré comme une barrière technologique devientaujourd’hui un avantage. En effet, il est fréquent quela communication par satellite et l’Internet passe làoù les voitures ne passent pas parce que les routessont inutilisables. À l’instar des téléphones portables,la communication numérique progresse à grands passur le continent africain (du moins dans les villes lesplus importantes) et permet de constituer des relaislocaux pour des dispositifs de formation solidementimplantés.

Toutefois, la formation à distance, même relayée parune technologie séduisante, ne constitue pas en soiune solution au déficit, en nombre et en qualité, demaîtres dans les pays du Sud. Par contre, comme noustenterons de le montrer dans la suite de ce texte, nouspensons qu’elle est susceptible de remplir un rôle decatalyseur conduisant à une meilleure prise en chargedes besoins en cette matière.

Tout d’abord, nous tenons à souligner le fait que lanotion même de formation à distance s’est fortementassouplie ces dernières années. D’une vision monoli-thique consistant à offrir l’ensemble d’une formationà distance pour répondre à des problèmes d’accessi-bilité physique, on est passé à des dispositifs combi-nant distance et présence selon des dosages subtilsrépondant à certains besoins de formation spécifiques.Concomitamment à cet assouplissement, on a assistéà une diversification des opérateurs et donc à un élar-gissement très important des expertises dans le do-maine.

Ce bouillonnement d’intérêt autour de la formationà distance a conduit à développer de nouvelles mé-thodologies qui nous paraissent particulièrementadaptées à la mise en œuvre de ce que certains quali-fient de « formation en alternance ». À l’instar de cequi se passe depuis longtemps dans de nombreux paysau niveau des formations professionnelles à caractèretechnique ou artisanal, la possibilité d’alterner despériodes de formation théorique et des périodes deformation pratique en contexte réel s’imposeaujourd’hui comme une évidence en matière de for-mation des maîtres.

Bien évidemment, il ne suffit pas de parler de forma-tion en alternance ni même d’avoir la volonté d’aug-menter les périodes de stage pour modifier en pro-fondeur le processus de formation des maîtres. Pourobtenir les effets espérés d’une véritable alternance,il est essentiel d’en arriver à une réelle intégrationdes aspects théoriques et pratiques de la formation.Or, on sait qu’une telle intégration ne peut être obte-nue sans un changement radical de point de vue quiexige que la formation pratique soit valorisée au mêmetitre que les savoirs théoriques en considérant queces derniers sont au service de la formation pratiqueet non pas l’inverse. Conceptuellement, la distance àfranchir est bien plus considérable que la distancephysique qui peut séparer apprenant et formateur.Cet aspect est d’autant plus délicat en milieu africainque la connaissance théorique est souvent très forte-ment investie par l’école au détriment des savoirspratiques qui relèvent davantage de la sphère fami-liale ou clanique.

Un autre aspect lié à la mise en œuvre d’une vérita-ble alternance concerne l’organisation matérielle dudispositif. C’est sur ce plan que l’apport des outils etdes méthodologies propres à la formation à distancepeut, à notre sens, être le plus significatif. En effet,l’un des freins à la mise en pratique se situe souventdans la distance qui sépare les lieux où la formationproprement dite est organisée et ceux où la pratiqueeffective peut être réalisée. Le rapprochement desdifférents partenaires du dispositif est essentiel dansce domaine. Il s’agit non seulement de maintenir lecontact entre l’élève-maître et le centre de formationdont il est issu, mais aussi d’assurer un lien étroit en-tre le maître de stage et ce centre. Sur ce plan, la créa-

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tion d’une véritable communauté basée sur les con-tacts physiques mais aussi sur la possibilité d’échan-ger à distance peut être d’un apport considérable. Àcette triade, il convient bien entendu d’associer lesinspecteurs et les conseillers pédagogiques, dont lerôle en Afrique (tout au moins dans les régions fran-cophones) est souvent essentiel au bon fonctionne-ment du système éducatif.

L’idée de communauté d’enseignants mériterait, ànotre sens, d’être davantage exploitée en milieu afri-cain où les notions d’entraide et de solidarité sontgénéralement ancrées dans la culture traditionnelle.Il est clair que le maître frais émoulu de son centre deformation qui se retrouve en milieu rural loin de touteressource d’encadrement aurait beaucoup à gagner àêtre épaulé par des collègues plus avertis prêts à par-tager leur savoir.

Un autre bénéfice induit de l’approche en alternancese situe sur le plan de la formation permanente desenseignants, qui fait souvent défaut dans les pays duSud. En effet, la pratique effective de l’alternanceconduit à réduire progressivement la différence en-tre formation initiale et formation continue. Certes,les activités pratiques seront au départ très fortementencadrées par le maître de stage et les professeurs res-ponsables de la formation initiale mais, progressive-ment, une autonomie plus grande pourra être don-née à l’élève-maître jusqu’à ce qu’une certificationatteste de sa capacité à gérer une classe en autonomie.Ce passage de la pratique encadrée à la pratique auto-nome gagnerait, nous semble-t-il, à être davantageconsidéré comme un continuum plutôt que commeun tout ou rien, de sorte que même un maître certifiédisposant d’une longue expérience comprenne mieuxtout ce qu’il a à gagner des conseils qu’il recevra d’undirecteur, d’un conseiller pédagogique ou d’un autrecollègue. Sur ce plan également, la notion de com-munauté, et surtout les valeurs qui y sont attachées,pourrait contribuer à consolider l’idée que l’appren-tissage est un processus permanent et que toutes lespersonnes avec lesquelles notre vie professionnellenous mettra en contact pourront utilement contri-buer à ce processus.

Enseignement à distance et formation en alternance,duo gagnant pour la formation des maîtres dans lespays du Sud? L’avenir nous le dira… mais nous som-mes persuadés que, pour qu’une telle associationpuisse avoir un impact significatif sur le développe-ment de l’enseignement en Afrique, il est essentielque formations pratique et théorique soient intime-ment et continuellement liées. Pour répondre auxénormes besoins en maîtres que connaissentaujourd’hui la plupart des pays africains, on ne peutse contenter de reproduire les solutions qui ont plusou moins bien fonctionné dans le Nord. Il fautinventer de nouvelles approches solidement ancréesdans la réalité locale et les construire en s’appuyantsur des acteurs de terrain enthousiastes et compétents.Il faut expérimenter, localement et à petite échelle,pour ne pas courir le risque de se lancer dans des pro-jets inadaptés qui consommeront des ressources im-portantes pour des résultats incertains. Il faut diver-sifier les approches pour ne pas mettre tous ses œufsdans le même panier et résister aux solutions toutesfaites proposées par les experts qui pensent que cequi a marché chez eux convient ailleurs.

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Chronique de la langue française

Enseignement :une norme pour la langue parlée1

Luc OSTIGUY (UQTR),Flore GERVAIS (U de M),Monique LEBRUN (UQAM) Pour l’enseignant, en formation ou en

exercice, la maîtrise de la langue oralerevêt une importance professionnelle

primordiale. En effet, la langue orale constitue lemode de communication qui, en salle de classe, pré-domine sur tous les autres. On attend des enseignantsqu’ils aient de nombreuses compétences en langueorale, entre autres celle d’être capable d’utiliser le« niveau de langue socialement admis » ou, en d’autresmots, la langue orale standard, ou soutenue2 (pronon-ciation correcte, énoncés bien formés, mots justes).L’importance d’accroître cette capacité chez lesfuturs enseignants se justifie, notamment, par desmotifs qui sont de l’ordre des attentes sociales, desnécessités pédagogiques et des grandes politiquesinstitutionnelles. En effet, en 2001, le ministère del’Éducation du Québec (MEQ) a émis de nouvellesorientations pour la formation initiale des maîtresqui prennent la forme d’un référentiel centré sur ledéveloppement de 12 compétences professionnelles.La deuxième compétence établie par le MEQ, « com-muniquer clairement et correctement dans la langued’enseignement, à l’oral et à l’écrit, dans les diverscontextes liés à la profession enseignante », évoque lamaîtrise d’une langue orale normée, standard, soute-nue. Pour le MEQ3, toute personne ayant des res-ponsabilités éducatives en contexte scolaire est unenseignant du français écrit et parlé, qu’il en fasse ounon une spécialité. L’enseignant doit donc pouvoirs’exprimer dans une langue de qualité.

1 Reprise revue et corrigée d’un article paru dans le no 142 deQuébec français (« Une norme pour la langue parlée del’enseignant et pour l’enseignement ») et constituant unesynthèse d’un rapport de recherche sur la langue parlée pardes étudiants en formation en enseignement. Voir Ostiguy,Champagne, Gervais et Lebrun (2005) dans les références.

2 Le terme « langue standard » renvoie ici au registre du françaisparlé adopté par la Société Radio-Canada dans ses bulletinsd’information et dans ses émissions d’affaires publiques.Nous utiliserons plutôt dans cet article les termes « languesoutenue » ou « français soutenu ».

3 Devenu depuis le ministère de l’Éducation, du Loisir et duSport (MELS).

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Qu’est-ce qu’une langue parlée de qualité? Il existeau sein de la communauté québécoise un modèle lin-guistique qui sert de référence et à partir duquel lesusages sont classés comme corrects ou familiers (dits« incorrects » au regard de la norme). Bouchard etMaurais (2001) rapportent que la langue telle qu’elleest parlée ou lue par les présentateurs des bulletinsd’information de la Société Radio-Canada4 seraitencore perçue comme un modèle de langue pour71 % des Québécois francophones. Cependant, ilexiste un certain nombre de particularités québécoi-ses n’appartenant pas au français international ou« radiocanadien » qui ne sont pas pour autantperçues, par la population en général, comme desusages incorrects. Par exemple, sur le plan de la pro-nonciation, il y a l’affrication des consonnes t et dquand elles sont suivies des voyelles i et u (tu pro-noncé « tsu », du « dzu », dis « dzis », petit « petsit »).Tenant compte de cet aspect, Gagné, Ostiguy,Laurencelle et Lazure (1999) ont élaboré, pourl’enseignement de la langue orale au primaire et ausecondaire, un contenu linguistique composé d’unensemble de prononciations de phonèmes et de mor-phèmes grammaticaux qu’une majorité de Québécoisperçoivent comme relevant du registre soutenu de lalangue, et présentant une fréquence d’utilisationélevée dans les échanges. À notre avis, un tel contenulinguistique peut constituer, d’une part, pour les en-seignants du Québec et, a fortiori, pour les futurs en-seignants, un modèle de langue parlée comme réfé-rent personnel et un objet d’enseignement, et, d’autrepart, pour leurs élèves, un objet d’apprentissage per-tinent.

Ce qui figure au tableau 1 constitue un tel contenu :26 variables linguistiques relevées dans des études surle français parlé par la population québécoise de tousgroupes d’âges et de toutes appartenances sociales5.Ces études ont mis en évidence l’existence de sons dela langue ou de mots grammaticaux présentant desvariantes. Par exemple, la voyelle [ε:] des mots maî-tre et scolaire peut être diphtonguée en registre fami-lier : « maétre » [maetR] et « scolaére » [skòlaeR]. Demême, le mot tout, adjectif indéfini, adverbe ou pro-nom, est prononcé « toutte » en français familier, quelque soit le genre ou le nombre : « toutte le groupe »,« les gars, i’ sont touttes partis ». Ces sons et ces mots

présentant plus d’une prononciation (voyelle [ε:] nondiphtonguée en français soutenu, diphtonguéeen français familier), dont une est jugée plus correcteau regard de la norme et présentée comme étantstandard ou soutenue, sont dits « variables linguisti-ques ».

Les variantes soutenues du tableau 1 sont aussi cellesqui composent, en partie, le modèle de langue parléede la SRC. Toutefois, certaines prononciations dufrançais québécois moins admises dans ce modèle nefigurent pas dans le tableau, entre autres, l’affricationdes consonnes t et d évoquée plus tôt et l’ouverturedes voyelles i, u et ou en syllabe accentuée entravée(ville prononcé [vIl], russe [RYs], coude [kUd]). Nousn’avons pas tenu compte de ces quelques prononcia-tions québécoises largement utilisées, et ce, même pardes Québécois soucieux de bien s’exprimer, puisquedes études sur les attitudes des Québécois par rap-port à leur langue parlée ne montrent pas clairementqu’elles sont considérées comme des caractéristiquesd’une langue de moins bonne qualité (Ostiguy etTousignant, 1993).

Qu’en est-il de la langue parlée par des étudiants enformation à l’enseignement? Dans notre étude, dontnous présentons ici une synthèse, nous poursuivonsl’objectif général de vérifier dans quelle mesure lesfuturs enseignants utilisent le français oral soutenulorsque la situation l’exige. Pour ce faire, nous avonsmesuré l’emploi des variantes soutenues des variablesfigurant au tableau 1 dans les productions orales dequelque 75 étudiants de trois universités québécoisesse destinant à l’enseignement du français ou des ma-thématiques. Au moment de l’étude, ces étudiantsétaient en 3e année de formation. L’objectif de l’étudeleur avait été présenté sous la forme de ce libellé :« Le projet a pour but de dresser un profil des com-pétences des futurs enseignants au secondaire pource qui est de la maîtrise du français oral soutenu ». Lacollecte des données linguistiques s’est effectuée dans

4 La télévision nationale au Québec et au Canada.5 Les variables figurent au tableau 1 avec leurs variantes

soutenues et familières respectives. Pour une présentationdétaillée des variantes, nous invitons le lecteur à prendreconnaissance de l’annexe 3 dans Ostiguy et al. (2005).

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le cadre d’une entrevue dirigée, en petits groupes de5 ou de 6 étudiants. Après leur avoir donné la consi-gne explicite d’utiliser une langue des plus soignées,on leur demandait, à tour de rôle, d’exprimer orale-ment leur degré de satisfaction par rapport à leur for-mation pratique en stage.

Les résultats indiquent que, pour l’ensemble des va-riables linguistiques du tableau 1, les futurs ensei-gnants présentent un taux moyen d’utilisation desvariantes soutenues de 51 %. En comparaison, Reinke(2005), dans son étude sur la langue parlée à la télévi-sion québécoise, obtient, pour à peu près les mêmesvariables linguistiques, un taux de 89,3 % d’utilisa-tion des variantes soutenues dans des bulletins et desémissions d’information, de 70,7 % dans des émis-sions d’affaires publiques et d’intérêt général, et de56,7 % dans des émissions de variétés. Si la langueparlée des futurs enseignants doit avoir comme mo-dèle celle des présentateurs de bulletins d’informa-tion ou, à tout le moins, celle des animateurs d’émis-sions d’affaires publiques, on peut conclure que lesperformances des étudiants devraient être meilleures,du moins pour ce qui est des variables linguistiquesétudiées.

Comment expliquer ces résultats? Selon nous, les fu-turs enseignants ont non seulement peu consciencedes variantes de registre de la langue parlée, mais ontaussi peu conscience de leur propre façon de s’expri-mer. De plus, il n’est pas certain qu’ils aient des atti-tudes tout à fait positives à l’endroit de ce registre,que plusieurs avouent ne pas maîtriser ou qu’ils con-sidèrent comme un obstacle potentiel à la communi-cation avec les élèves.

Quelles conséquences tirer de ces résultats? Puisqueles futurs enseignants sont appelés à devenir aussi desmodèles linguistiques de langue parlée pour les élè-ves, les universités devraient ajouter au programmede formation de ces derniers un enseignement spé-cial conduisant à l’amélioration de leurs attitudes àl’endroit de ce registre de langue, à l’accroissementde leur sensibilité aux variantes soutenues ainsi qu’àl’augmentation de leur usage. Dans ce cadre, les va-riantes linguistiques figurant au tableau 1 pourraientconstituer, pour le formateur œuvrant auprès des étu-diants se destinant à l’enseignement, des pistes utiles

pour la constitution d’outils de diagnostic et d’éva-luation des performances en français oral soutenu desfuturs enseignants.

Enfin, il semble important de souligner que cette pré-occupation pour la langue parlée ne devrait pas êtrel’apanage de la formation initiale uniquement. Lemilieu de l’enseignement devrait également se préoc-cuper de jouer adéquatement son rôle de modèle lin-guistique en valorisant l’usage d’une langue de qua-lité, et ce, non seulement en salle de classe, mais éga-lement dans l’école tout entière, c’est-à-dire auprèsdes enseignants de toutes les disciplines et auprès detous les acteurs impliqués dans l’éducation des jeu-nes.

Références

Bouchard, P. et Maurais, J. (2001). « Norme et médias. Lesopinions de la population québécoise », Raymond,D. et Lafrance, A. (dir.). Terminogramme, no 97-98, Ville Saint-Laurent : Les publications duQuébec, p. 111-126.

Gagné, G., Ostiguy, L., Laurencelle, L. et Lazure, R. (1999).Recherche didactique sur l’utilisation de variantesphoniques du français oral soutenu chez des élèvesquébécois. Montréal, Département de didactique,Université de Montréal, collection« L’enseignement-apprentissage des matières, SérieRecherche et essais ».

Ostiguy, L., Champagne, É., Gervais, F. et Lebrun, C.(2005). Le français oral soutenu chez des étudiantsquébécois en formation à l’enseignement ausecondaire. Montréal, Office québécois de la languefrançaise, coll. « Suivi de la situation linguistique »,étude 4, http://www.olf.gouv.qc.ca/ressources/sociolinguistique/index_indic.html

Ostiguy, L. et Tousignant, C. (1993). Le français québécois :normes et usages, Montréal : Guérin universitaire.

Reinke, K. avec la collaboration d’Ostiguy, L. (2005). Lalangue à la télévision québécoise : aspects socio-phonétiques. Montréal, Office québécois de la languefrançaise, coll. « Suivi de la situation linguistique »,étude 6, http://www.olf.gouv.qc.ca/ressources/sociolinguistique/index_indic.html

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Variables Variantes familières Variantes soutenueslinguistiques

Phonèmes

1-(a#) [ò] Canada, tu vas, Clara, j’veux pas que [a] ~ [a]2-(wa#) moé [mwe], toé [twe] moi [mwa], toi [twa]3-(wa#) [wò] trois, bois, mois [wa]4-(a:.) [ò:] gagner, passé, lâcher [a:] ~ [a]5-(ε:C#) [ae] maître, secondaire, scolaire, neige [ε:]6-(a:C#) [ao] classe, espace, rare, tard [a:] ~ [a:]7-(ò:R#) [aoR] encore, alors, il sort, corridor [ò:R]8-(œ:R#) [aøR] professeur, heure, erreur [œ:R]9-(wa:C#) [wa- ] ε [wao] boîte, noir, croire [wa:]

Morphèmes

10-(prép. + art.) sa, ses, à, dan, dins sur la, sur les, à la, dans la, dans les11-(L) j’ai pris ‘a ~ ‘es feuilles la, les

on peut pas ‘a voir, i’es écoutent pas la, les12-(lui) j’i donne, pour i dire que… lui13.1-(CC#) j’étais au deuxième cyc’. cycle13.2-(CC#V) elle peut êt’ intéressante être intéressante13.3-(CC#C) il voulait un exemp’ d’horaire exemple d’horaire14-(tout) touttes les étudiants tous les

je les prends touttes tousc’est toutte de travers tout de travers

15-(elle) a dit que …, al a eu elle dit que, elle a eu[ε:] partie elle est partie

16-(elles) i’ sont belles elles sont17-(ils) i’ ont des codes de discipline ils18-(il) i’ est sorti il

‘fallait que j’trouve la clé il fallait19-(ne) j’y vais pas je n’y vais pas20-(j’suis) ch-t-une personne timide j’suis une personne

j’me sus rendu compte de ça j’me suis rendu

Tableau 1.Grille d’analyse du français oral soutenu

Remarques : Dans les notations des variables : 1) le dièse (#) signifie que le son est en finale de mot : Canada,moi, trois; 2) le symbole [ò] renvoie au « o » ouvert; 3) le deux-points signifie que la voyelle est longue : gagné,maître, classe; 4) le point dans (a:.) signifie que la voyelle est en finale de syllabe à l’intérieur de mot : passé[pa:.se]; 5) le symbole C signifie que la voyelle se situe dans une syllabe finale se terminant par une ou deuxconsonnes : maître [mε:tR]; 6) le symbole R signifie que la voyelle en question se situe dans une syllabe finalese terminant par la consonne [R] : fort [fò:R], heure [œ:R].

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Morphosyntaxiques

21-(quand) Quand qu’on est sorti, … Quand [t] on est sorti22-(ce que) il a su qu’est-ce qu’ on voulait … ce qu’on voulait

Qu’est-ce qu’on veut, c’est … Ce qu’on veut, c’est …23-(QU) j’me souviens c’est comment, une classe. comment c’est, une classe

j’sais pas c’est quoi la clientèle qu’on a. … quelle est la clientèle24-(Est-ce que?) i’ aurait-tu d’autres questions? Est-ce qu’ il y aurait …?25-(Q partielle) Comment qu’ i va m’évaluer? Comment va-t-il m’évaluer?

Comment est-ce qu’il ….Que c’est que j’vas faire? Qu’est-ce que j’vais faire?a s’prend pour qui, elle? Pour qui se prend-elle?

26-(pron. relatifs) la classe que je vous ai parlé dontla classe qu’ i’ étaient vingt était difficile dans laquelle ils étaient ...la classe que j’avais le plusde difficulté avec eux, … avec laquelle j’avais ...j’avais certaines écoles de prédéterminéesque je voulais pas aller où je ne voulais pas aller

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Chronique didactique

S’exprimer en bon français :de quel français s’agit-il?Représentations d’étudiants maîtres en éducation

préscolaire et enseignement primaire

Martine MOTTET

CRIFPE-Laval

Quelle place doit-on réserver dans la formation initialeà la qualité du français oral de nos étudiants ? En tantque futurs enseignants, ils seront sur ce plan des modèleslinguistiques marquants pour les élèves. Même si depuisquelque temps les programmes de formation portentdavantage attention à cette dimension, devenue unecompétence professionnelle prescrite, on peut se deman-der si elle a encore toute l’attention qu’elle mérite. Dansce texte, Martine Mottet rend compte d’une enquête ré-cente sur ce sujet auprès d’étudiants maîtres et proposequelques pistes au regard de leur formation.

Nouvellement engagée à la Faculté des sciences de l’édu-cation de l’Université Laval, Mme Mottet jouit d’unelongue expérience en linguistique et en technologie édu-cative. Elle vient de terminer à l’Université de Mon-tréal une thèse de doctorat ayant pour titre « Aspects descompétences initiales d’étudiants maîtres en éducationpréscolaire et enseignement primaire à l’égard du fran-çais oral, de la culture et de leurs interrelations ».

Jean-François Cardin

Responsable de la chronique Didactique

D ans les médias, les études linguis-tiques et les rapports gouverne-mentaux, sans compter les conver-

sations privées, on déplore régulièrement et unani-mement la faible qualité de la langue orale des jeunesQuébécois. Ce consensus s’étend à la responsabilitéde l’école de les former à la maîtrise du français oralstandard, comme en témoignent notamment lerapport Inchauspé (1997) et le rapport Larose (2001).

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Dans la foulée de ces préoccupations et débats, leministère de l’Éducation a accordé une plus large partà la communication orale dans les programmes deformation au préscolaire, au primaire et au secondaire.Il a également inclus dans le programme de forma-tion à l’enseignement une compétence fondamentaleportant sur la communication orale et écrite, selonlaquelle les étudiants maîtres doivent, au termede leurs études, posséder une maîtrise « incondition-nelle » de la langue parlée afin d’être des modèles lin-guistiques pour leurs élèves.

L’énoncé de cette compétence soulève plusieurs ques-tions. Dans le texte qui suit, nous ferons l’examen dedeux d’entre elles, à savoir ce qu’est une expressionorale de qualité sur le plan linguistique et quels sontles besoins de formation des futurs enseignants à cetégard.

La norme du français oralquébécois

Depuis plusieurs décennies, nous assistons à de vifsdébats sur la langue parlée au Québec. Journalistes,linguistes, enseignants ou parents, tous ont une opi-nion sur la question et la défendent farouchement.Au fil des ans, on s’est interrogé sur la langue queparlent ou devraient parler les Québécois : s’agit-il,par exemple, du même français qu’on parle en France,d’un français qui nous est propre ou encore du joual?

Pour répondre à la question, il faut d’abord se pen-cher sur les divers usages de la langue, en l’occurrencele français. La langue est en effet un système non passtatique mais dynamique que ses locuteurs font évo-luer dans le temps, dans l’espace, en fonction de leurmilieu social et des situations de communication. Cesusages présentent des variantes sur les plans phonéti-que, morphologique, lexical et syntaxique. Exami-nons quelques exemples.

Si au XIXe siècle on trouvait normal, à l’instar deSéraphin Poudrier1, de dire moé, cette prononciationnous semble maintenant anachronique. Autrementdit, cette variante phonétique marque socialement lapersonne qui l’emploie aujourd’hui.

Par ailleurs, l’affrication des consonnes t et dprononcées ts et dz dans tsu et dzur passe tout bonne-ment inaperçue chez les locuteurs québécois :l’affrication est acceptée au Québec. En revanche, diremon paère au lieu de mon père ou encore ma faire aulieu de j’vais faire est stigmatisé. Le sont également,par exemple, l’erreur morphosyntaxique la fille queje te parle et le calque de l’anglais la fille que je sorsavec.

On s’attend de plus à ce qu’une personne s’exprimantbien s’adapte à la situation de communication, c’est-à-dire à son degré de formalisme ou au statut de sesinterlocuteurs. Par exemple, si l’on dit volontiers àses proches je suis tanné de ses colères, on adopteraplutôt, en public, la formulation j’en ai assez de sescolères.

Cette hiérarchisation des usages, ou différenciationdans le traitement social des variantes liées au temps,à l’espace, au milieu social et à la situation de com-munication, amène l’ensemble des locuteurs d’unecommunauté à privilégier implicitement l’un des re-gistres – en l’occurrence le registre dit « standard » –comme la norme des communications publiques.D’ailleurs, dès 1977, les membres de l’Associationquébécoise des professeurs de français (AQPF) avaientadopté la proposition suivante :

« Que la norme du français dans les écoles du Québec soitle français standard d’ici. Le français standard d’ici est lavariété de français socialement valorisée que la majorité desQuébécois francophones tendent à utiliser dans les situa-tions de communication formelle. »

Voilà donc ce que nous entendons par une expres-sion orale de qualité, sur le plan linguistique. Touten admettant sans peine que l’on recoure à la languefamilière en situation de communication informelle,nous valorisons l’emploi d’une langue orale standarden situation de communication publique ou formelle,a fortiori en enseignement. Corbeil (1993, p. 28)souligne d’ailleurs que « (…) l’école a pour objectif de

1 Personnage du roman de Claude-Henri Grignon intituléUn homme et son péché, dont l’intrigue se déroule pendant lacolonisation du nord du Québec au XIXe siècle. Le roman aété adapté pour la télévision sous le titre Les belles histoires despays d’en-haut.

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former des caméléons linguistiques, des locuteurscapables de passer d’un registre à un autre aveccompétence et naturel, en langue parlée et en langueécrite. » Offrir à tous les élèves du Québec, quelleque soit leur origine sociale ou culturelle, l’occasiond’apprendre la norme du français québécois au con-tact d’enseignants qui la maîtrisent nous semble uneentreprise démocratique incontournable. De plus,dans un contexte où la diversité linguistique et cultu-relle croît beaucoup plus vite chez les élèves que chezles enseignants, il importe que ces derniers adoptentune expression orale standard pour favoriser la com-munication avec les élèves et leurs parents.

Des connaissances insuffisantessur les compétences initiales desfuturs enseignants

Afin d’offrir aux étudiants maîtres un enseignementapproprié, il nous apparaît essentiel d’examiner leursbesoins de formation, autrement dit de déterminerquelles sont leurs compétences initiales en matièrede communication orale.

Cependant, très peu d’études ont porté sur la ques-tion. Les compétences linguistiques en productionorale des futurs enseignants ont fait l’objet de deuxrecherches (Gervais, Ostiguy, Hopper, Lebrun etPréfontaine, 2001; Ostiguy, Champagne, Gervais etLebrun, 2005). Les résultats montrent qu’ils produi-sent autant de variantes familières que de variantesstandards, même en situation formelle de communi-cation. Pour ce qui concerne leurs représentations dela langue, nous n’avons que le témoignage de six étu-diants (Lebrun et Baribeau, 2001); d’après eux, le fran-çais oral standard correspondrait à la langue employéepar les lecteurs de nouvelles de Radio-Canada alorsque les faiblesses les plus courantes en français oralseraient liées à une articulation relâchée, à la pauvretédu vocabulaire ainsi qu’à l’emploi du joual et d’angli-cismes.

Étude des représentations àl’égard de la norme

Nous avons donc entrepris d’examiner les représen-tations des étudiants maîtres à l’égard d’une expres-sion orale de qualité. À cet effet, nous avons sondé69 futurs enseignants, avant leur formation en com-munication orale.

Voyons d’abord quelle représentation globale de lanorme se dégage des réponses des étudiants. Nousleur avons demandé de nommer une personnalitépublique québécoise qui s’exprime en français stan-dard. À cette question ouverte, 52,4 % d’entre euxont choisi des lecteurs de nouvelles soit, dans l’ordre,Bernard Derome2 de la Société Radio-Canada, suivide très près par Sophie Thibault et par Pierre Bru-neau, tous deux de TVA, la deuxième chaîne de télé-vision francophone au Québec; 19 % des sujets ont,quant à eux, nommé des animateurs d’émission d’af-faires publiques. Soulignons que Reinke (2005) amontré que la langue parlée à la télévision québécoisevarie, sur le plan phonétique, en fonction du carac-tère plus ou moins formel des émissions et non enfonction des chaînes de télévision, comme on pour-rait être tenté de le croire. Les étudiants de notre re-cherche semblent donc bien percevoir ces distinctionset posséder une représentation globale juste du fran-çais québécois standard qui, à certaines nuances près,pourrait être assimilé à la langue des lecteurs de nou-velles si celle-ci n’était un écrit oralisé.

Nous avons aussi demandé aux étudiants s’ils esti-ment que parler en français standard, c’est parlercomme des Français3. Une minorité d’entre eux, soit10,3 %, sont d’accord ou tout à fait d’accord aveccette idée. Ce résultat est similaire à celui queBouchard et Maurais (1999) avaient obtenu en po-sant la question à 1591 Québécois francophones. Lesétudiants semblent donc considérer, avec raison, qu’ilexiste une norme du français propre au Québec.

2 Chef d’antenne de la télévision publique francophone duCanada et personnalité-vedette de l’information téléviséedepuis plus de 35 ans.

3 Pour nombre de Québécois, l’archétype de l’Européen est unFrançais.

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Voyons maintenant comment s’actualise cette repré-sentation de la norme lorsque nous présentons auxfuturs enseignants diverses variantes familières oustandards. Sur le plan phonétique, les étudiants sonttrès partagés : 47 % croient à tort que l’élision du emuet constitue une variante familière dans j’te com-prends. Ce pourcentage atteint 66,6 % lorsqu’à l’éli-sion du e muet s’ajoute la substitution du son ch auson j comme dans ch’suis. Cette substitution est pour-tant incontournable, sur le plan physiologique, enraison de l’assimilation des consonnes sonores (j) auxconsonnes sourdes (ch et s). Sur le plan de la pronon-ciation des consonnes finales, 26,1 % estiment à tortque les variantes quat’filles et quatre filles appartien-nent toutes deux au registre standard. En outre, surle plan syntaxique, 73,2 % estiment – également àtort – que le français standard exige la prononciationde tous les ne dans la forme négative (nous souli-gnons).

Enfin, à propos du lexique, seulement 30,4 % des étu-diants admettent que les variantes ça m’achale et çam’énerve peuvent être toutes deux employées selonque la situation de communication est informelle ouformelle. De plus, les étudiants considèrent trèsmajoritairement (85,3 %) – et ce, avec raison – quedes québécismes comme tuque et mitaines, qui décri-vent une réalité « bien de chez nous », sont tout à faitlégitimes en langue standard.

Pour encore mieux cerner les principales connaissan-ces et préoccupations des étudiants à l’égard de lanorme, nous les avons interrogés à propos de leurstrois principaux points forts et points faibles de mêmequ’au sujet des trois principales erreurs à corriger chezles élèves. Dans l’ensemble, les étudiants signalent deréelles erreurs linguistiques. Ils soulèvent le plus sou-vent des erreurs de morphosyntaxe qui concernentles verbes, notamment l’emploi du conditionnel avecla conjonction si (si… j’aurais), ainsi que l’accord engenre (une belle autobus). Le lexique occupe ladeuxième place dans leurs préoccupations : précision,propriété et variété du vocabulaire, élimination desanglicismes et des mots bidons tels que genre, commeet style. Enfin, la phonétique occupe la dernière place,ce qui s’explique peut-être par le fait qu’elle est pro-pre à l’oral tandis que la morphosyntaxe et le lexiqueconcernent aussi l’écrit, plus souvent enseigné à l’écoleque l’oral.

Nous avons ensuite classé les variantes relevées parnos sujets en fonction des 33 catégories établies parGervais et al. (2001) au cours d’une étude où les cher-cheurs avaient demandé à 285 futurs enseignants des’exprimer en français standard. Nos étudiants ontrelevé des variantes appartenant à 18 des 33 catégo-ries, soit un peu plus de la moitié. Cependant, saufpour les erreurs liées aux verbes et à l’absence systé-matique de ne dans la négation, peu d’énoncés con-cernent cinq des sept variantes familières les plus sou-vent produites par les sujets de l’étude de référence4:simplification du groupe de consonnes finales devantune consonne (êt’ parti), variante familière d’un pro-nom sujet (a dort ou les filles, i sont), suppression d’uneconsonne (le premier cyc’), diphtongaison à grandeprofondeur (scolaère) et variante familière d’un con-necteur (quand qu’on).

Apprendre en quoi consiste lanorme

Nous constatons que les futurs enseignants ont uneappréhension globale assez juste de la norme du fran-çais oral québécois. En revanche, dans l’ensemble, ilsne savent pas ce qui constitue une variante familièreou une variante standard. De plus, s’ils sont capablesde nommer avec justesse un grand nombre de varian-tes familières, surtout celles qui relèvent aussi de lalangue écrite, ils ne semblent toutefois pas conscientsde celles qui sont les plus fréquentes dans leur proprediscours.

Il faut sans contredit que les futurs enseignants sa-chent en quoi consiste la norme du français oral qué-bécois et soient en mesure de distinguer les variantesfamilières des variantes standards. En rehaussant leurconnaissance du français oral standard, autrement diten sachant avec certitude ce qu’il convient de dire etde ne pas dire en situation formelle de communica-tion, ils mettront en place les bases d’une communi-cation orale de qualité.

4 Ces sept variantes familières représentent, selon les chercheurs,88 % de toutes les variantes familières produites par les sujetsde leur étude.

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Références

Bouchard, P. et Maurais, J. (1999). La norme et l’école.L’opinion des Québécois. Terminogramme. Lanorme du français au Québec. Perspectivespédagogiques, 91-92, p. 91-116.

Commission des États généraux sur la situation et l’avenirde la langue française au Québec et Larose, G.(2001). Le français, une langue pour tout le monde :une nouvelle approche stratégique et citoyenne.Québec : La Commission.

Corbeil, J.-C. (1993). Le français au Québec, une langue àrestaurer? Vie pédagogique, 86, 27-30.

Gervais, F., Ostiguy, L., Hopper, C., Lebrun, M. etPréfontaine, C. (2001). Aspects du français oral desfuturs enseignants : une étude exploratoire. Québec :Conseil de la langue française.

Groupe de travail sur la réforme du curriculum etInchauspé, P. (1997). Réaffirmer l’école : rapport duGroupe de travail sur la réforme du curriculum.Québec : Ministère de l’Éducation.

Lebrun, M. et Baribeau, C. (2001). La découverte de l’artdu possible en enseignement du français. Dans P.Jonnaert et S. Laurin (dir.), Les didactiques desdisciplines : un débat contemporain. Sainte-Foy :Presses de l’Université du Québec, p. 133-154.

Ostiguy, L., Champagne, É., Gervais, F. et Lebrun, M.(2005). Le français oral soutenu chez des étudiantsquébécois en formation pour l’enseignement ausecondaire. Québec : Office québécois de la languefrançaise.

Reinke, K. (2005). La langue à la télévision québécoise : aspectssociophonétiques. Québec : Office québécois de lalangue française.

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Chroniquesur l’insertion professionnelleen enseignement

Que peuvent faire les directions d’écolepour favoriser l’insertion professionnelledes nouveaux enseignants?

Stéphane MARTINEAU

Anne-Marie VALLERAND

CRIFPE-LADIPE

Introduction

Plusieurs auteurs mettent en évidence le rôle crucialde la direction d’une école dans l’insertion et larétention des enseignants débutants. Par ailleurs, unsondage effectué auprès de 359 enseignants ayantquitté la profession révèle que le principal facteurd’abandon de l’enseignement est le manque desoutien aux enseignants débutants de la part desadministrateurs (Eggen, 2002). Même constat dans larecherche de Johnson et Birkeland (2003) où lesenseignants débutants interrogés citent leur insatis-faction quant au soutien administratif plus souventqu’aucun autre facteur contribuant au changementd’école. La question du rôle des directions dans lesoutien à l’insertion professionnelle apparaît doncimportante et c’est pourquoi ce texte présente unebrève synthèse des écrits sur le sujet.

Le recrutement

Un des premiers rôles de la direction auprès desnovices est le recrutement. En effet, dans plusieursécoles, c’est à la direction qu’il incombe de recruterles nouveaux enseignants. Comme le souligneBrossard (1999b), la sélection du personnel est trèsimportante si la direction veut s’assurer que le climatde l’école est favorable. Pour ceux qui seront

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sélectionnés, la direction représentera souvent le pre-mier contact humain dans l’école (Brock et Grady,1997). Il est donc crucial que cette rencontre se passebien afin que par la suite, le débutant se sente à l’aisede demander du soutien à la direction, le momentvenu.

Selon une étude de Wood (2005) portant sur le rôlede la direction dans un programme d’insertion, lafonction de recruteur est particulièrement impor-tante. En effet, le fait d’être employé directement parla direction peut avoir une influence sur la rétentiondes novices et sur leur façon de faire face aux problè-mes : « When faced with challenging classroomdilemmas, these novice teachers often persevered longerin solving their problems than those who had notexperienced this direct recruitment by a siteadministrator. » (Wood, 2005, p. 53).

L’accueil

Selon Vogel (2004), une fois les novices recrutés, lapremière tâche de soutien qui incombe à la directionconsiste à fournir aux nouveaux enseignants certai-nes informations sur le fonctionnement et l’organi-sation de l’école. Le ministère de l’Éducation duQuébec (1996)1 renchérit en soulignant que la direc-tion doit entre autres informer le novice sur le projetéducatif et les règles de vie et de conduite de l’école,les services disponibles et l’organisation physique del’école. La direction peut également informer lenovice sur les ressources qui sont à sa disposition etles mesures de soutien disponibles. Par exemple, siun programme d’insertion est offert dans la commis-sion scolaire ou l’école, la direction doit veiller à enaviser le novice.

En plus de son rôle d’information, la direction a unimportant rôle d’accueil lors de la rentrée scolaire.Baillauquès et Breuse (1993) présentent ce rôle en cestermes : « Mettre le nouveau venu à l’aise, lui faciliterle travail, lui apporter l’aide ou le conseil qu’il solli-cite, lui faire sentir qu’il n’est pas un intrus mais uncollègue à part entière avec lequel il va faire bon tra-vailler, doit être l’objectif premier de l’accueil. »(p. 157).

Lors d’une table ronde sur l’insertion professionnelle,réalisée avec dix gestionnaires québécois (Céré, 2003),les participants ont souligné la nécessité pour les di-rections d’établissements scolaires d’offrir un accueilpersonnalisé aux nouveaux enseignants en début d’an-née et même d’organiser une réunion collective avectous les enseignants débutants. Une autre mesure d’ac-cueil visant à bien informer les nouveaux enseignantsen début d’année consiste à leur offrir un dossier d’in-formation contenant divers documents tels que laconvention collective, le projet éducatif, le code devie de l’école, etc.

Enfin, la direction doit informer le débutant de sonhoraire, lui faire visiter l’école et le présenter auxautres enseignants ainsi qu’aux autres membres dupersonnel (MEQ, 1996). Les personnes ressourcesavec lesquelles l’enseignant pourrait devoir interagiren cours d’année lui seront alors présentées.

Les attentes

Il est particulièrement important que la direction fasseconnaître dès le départ ses attentes envers le débu-tant. Cela permettra d’établir une communicationauthentique entre la direction et le novice. De plus,selon Brock et Grady (1997), qui ont mené une étudesur le rôle de la direction dans l’insertion des ensei-gnants débutants, les nouveaux enseignants souhai-tent répondre aux attentes de la direction et s’ils sen-tent qu’ils ne sont pas en mesure de le faire, ils peu-vent se sentir frustrés, anxieux ou abandonnés, ce quinuira à leur bonne insertion professionnelle.

En plus d’être formulées clairement, les attentes dela direction envers les novices doivent donc être réa-listes afin que ces derniers puissent y répondre con-venablement. Malheureusement, selon une étudemenée par Martineau (Martineau et Presseau, 2003),il semblerait que ce ne soit pas toujours le cas et queles attentes de la direction envers les débutants soientsouvent particulièrement élevées. En effet, cette étuderévèle que la direction attend notamment des novi-ces qu’ils soient capables de bien gérer la classe, qu’ilsparticipent activement à la vie de l’école, qu’ils aientune bonne confiance en eux, qu’ils agissent à titre demodèles pour les élèves, qu’ils maîtrisent différentesméthodes pédagogiques et qu’ils soient capables de1 Aujourd’hui devenu le ministère de l’Éducation, du Loisir et

du Sport (MELS).

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travailler en équipe avec leurs collègues. Ces nom-breuses attentes peuvent être source de stress chez lenovice, qui ne possède pas nécessairement toutes cescompétences et connaissances dès l’entrée dans la pro-fession et qui doit donc apprendre à les développerprogressivement afin de répondre aux exigences dela direction.

Une relation positive

De manière plus générale, plusieurs recherches souli-gnent que l’insertion professionnelle des débutantsest facilitée s’ils peuvent entretenir une relation posi-tive avec la direction de l’école. Pour les administra-teurs scolaires, l’établissement d’une telle relation avecles enseignants novices implique notamment uneattitude d’ouverture, de respect, de disponibilité etd’écoute. La direction doit démontrer qu’ellecomprend que les enseignants novices n’ont pas beau-coup d’expérience et qu’ils peuvent parfois faire deserreurs. Ainsi, les enseignants débutants pourront sesentir à l’aise d’aller consulter la direction ou de luifaire part de problèmes.

En outre, le débutant doit être reconnu comme mem-bre à part entière de l’équipe-école, c’est-à-dire qu’ildoit être considéré comme égal aux autres enseignantset qu’il doit pouvoir bénéficier des mêmes privilèges(Jobin, 2003). Ainsi, qu’il soit permanent ou non,enseignant suppléant ou régulier, l’enseignant débu-tant mérite la même considération de la part de ladirection qu’un enseignant d’expérience.

Afin de favoriser la communication, il faut égalementque la direction indique clairement aux débutantsqu’elle est disponible pour eux et qu’elle a du tempsà leur consacrer. Une direction trop occupée, uneporte de bureau trop souvent fermée ou une attitudeirrespectueuse ou dictatoriale envers les débutantspeuvent décourager ces derniers de faire appel à ladirection en cas de besoin.

Le renforcement positif est également important pourfavoriser une relation positive entre la direction etles enseignants débutants et ainsi faciliter l’insertionprofessionnelle. En effet, les commentaires positifsprovenant de la direction peuvent grandementcontribuer à augmenter l’estime de soi et le sentiment

de compétence du novice. Il s’avère donc importantque la direction souligne aux débutants qu’elle estsatisfaite de leur travail et qu’elle les apprécie. Toute-fois, il est aussi nécessaire que la direction offre, enplus des commentaires positifs, une critique construc-tive visant à l’amélioration de la pratique pédagogi-que du novice.

Enfin, la direction doit maintenir une communica-tion régulière avec les débutants en les informant dela tenue des réunions, des dates limites (par exemplepour la remise des bulletins) et des événements à ve-nir (colloques, activités spéciales dans l’école, ateliersde formation, etc.).

Le mentorat

Certains auteurs indiquent que la direction peut aiderles débutants en favorisant l’instauration d’unsystème de mentorat (Angelle, 2002; Nault, 2003;Vogel, 2004; Wood, 2005). Lorsque cela est possible,la direction assignera au débutant un mentor ensei-gnant la même discipline ou le même niveau.En outre, il peut être très intéressant, à la fois pour lenovice et pour le mentor, d’avoir du temps de libéra-tion d’enseignement ou d’autres tâches pour serencontrer afin de discuter et de planifier ensemble.La direction doit donc veiller à leur allouer suffisam-ment de temps libre. Enfin, elle doit avoir descontacts réguliers avec les mentors et les novices pours’assurer que le mentorat est efficace.

La direction peut également agir elle-même à titre dementor en observant les enseignants débutants et enleur offrant rétroaction et conseils (Angelle, 2002;Eggen, 2002). Selon une étude qualitative sur la so-cialisation des enseignants débutants, la qualité dumonitorat2 offert par l’administration est très varia-ble (Angelle, 2002). Ainsi, dans certaines écoles, ladirection offre un monitorat de qualité en effectuantdes visites régulières en classe et en offrant unerétroaction immédiate aux enseignants. Cette rétroac-

2 Dans les écrits, on parle de mentorat dans le cas del’accompagnement d’un novice par un enseignant chevronnétandis que le terme monitorat (ou monitoring) est utilisé pourdésigner l’accompagnement réalisé par le direction elle-mêmeauprès de l’enseignant débutant.

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tion doit porter à la fois sur les points positifs et surles faiblesses du novice et elle peut s’effectuer soit parécrit ou oralement. En outre, l’observation en classepar la direction peut parfois être annoncée à l’avanceau novice, et parfois non. Dans d’autres écoles où lemonitorat offert est moins efficace, les observationsen classe et la rétroaction sont absentes ou ne sontpas assez fréquentes pour assurer un véritable suividu novice et lui permettre de progresser.

Enfin, pour que l’observation en classe soit bénéfi-que, il est impératif que les novices ressentent que ladirection les observe afin de leur permettre de s’amé-liorer et non dans le but unique de les critiquer. Lesdébutants doivent donc être informés à l’avance desobjectifs de l’observation que sont le soutien, l’amé-lioration des performances du novice et l’évaluationformative. Selon Wood (2005), la rétroaction offertepar la direction à la suite de l’observation est particu-lièrement importante : « As instructional leaders, prin-cipals need to give regular, systematic feedback to no-vice teachers on their pedagogical approaches, contentknowledge, and classroom management strategies. »(p. 48). Wood ajoute également que cette rétroactionpermet au novice de mieux cerner lesattentes de la direction.

Dans les commissions scolaires où une évaluationformelle de l’enseignant par la direction est prévue,l’observation est encore plus essentielle. En effet,comme l’indique le COFPE (2002), l’évaluation del’enseignant débutant doit être précédée d’une éva-luation formative basée sur l’observation et suivied’une rétroaction par la direction, ainsi que de mesu-res de soutien et d’activités de formation pour com-bler les lacunes ou les difficultés observées.

Une autre mesure moins fréquemment rencontréedans la littérature, mais qui pourrait s’avérer tout aussiintéressante, est la modélisation de leçons par la di-rection (Wood, 2005). La direction vient alors dansla classe du débutant et prend en charge le groupependant que le novice observe les stratégies pédago-giques utilisées.

Les conditions de travail

Les administrateurs scolaires doivent assurer les con-ditions de travail les plus adéquates possible, et ce,autant pour les enseignants d’expérience que pour lesnovices (Vogel, 2004). En effet, la direction influencedirectement plusieurs des conditions de travail ren-contrées par les enseignants à l’école : disponibilitédes ressources, climat de travail, accès à la formationcontinue, composition des horaires, etc.

Selon Colley (2002), la direction a un rôle à jouerdans la construction d’une culture scolaire favorableà l’insertion des débutants. En effet, la direction doitfaire en sorte que l’insertion professionnelle soit con-sidérée comme une responsabilité collective, parta-gée par tous les membres du personnel de l’école. Enoutre, si un programme d’insertion est en place dansl’école ou dans la commission scolaire, la directiondoit le considérer comme étant utile et s’assurer d’enfaire la promotion à l’école et d’en superviser le bonfonctionnement (MEQ, 1996; Wood, 2005).

La direction doit également encourager le travail encollégialité de même que l’esprit de collaboration etd’entraide parmi le personnel enseignant (Baillauquèset Breuse, 1993; Feiman-Nemser, 2003; Lamarre,2004), ce qui permettra aux débutants de s’intégrerplus rapidement et plus facilement dans l’équipe-école.Également, une école qui bénéficie d’une culture axéesur la résolution de problèmes et sur le principe decommunauté d’apprentissage est particulièrement« aidante » pour les débutants, puisqu’elle leur per-met d’envisager des solutions aux difficultés rencon-trées (COFPE, 2002; Feiman-Nemser, 2003). Bref, parsa grande influence sur les valeurs et la philosophiede l’école, la direction a le loisir d’instaurer un cli-mat et une culture scolaires qui soutiennent l’inser-tion des novices.

Afin de favoriser la rétention des débutants, la direc-tion devrait également s’assurer que les novices n’ontpas une tâche de départ trop lourde (Baillauquès etBreuse, 1993; Eggen, 2002; Lamarre, 2004). Ainsi, dansla mesure du possible, le novice ne devrait pas êtreassigné aux classes les plus difficiles, c’est-à-dire à cel-les comprenant un grand nombre d’élèves ayant desbesoins spéciaux (troubles d’apprentissage, troubles

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de comportement, etc.). Pour faciliter la tâche desdébutants, il faudrait également limiter – mais pasnécessairement éliminer – les tâches supplémentaires :formulaires à remplir, activités parascolaires, partici-pation aux comités, etc. Malheureusement, c’est plu-tôt le contraire qui se produit actuellement et, commele soulignent plusieurs auteurs, les novices, puisqu’ilschoisissent en dernier leur affectation, sont trop sou-vent ceux qui héritent des tâches les plus difficiles etdes horaires les moins intéressants (Martineau,Presseau et Portelance, 2005).

En outre, plusieurs débutants se voient affectés à unetâche qui ne correspond pas à leur formation initialeet doivent alors enseigner à un niveau ou dans unediscipline pour lesquels ils n’ont pas été formés. Cettesituation rend leur insertion plus difficile et c’est pour-quoi la direction devrait éviter de donner une tâched’enseignement en dehors de la certification du dé-butant. De même, comme le suggère Angelle (2002),la direction peut aménager un horaire facilitant pourles débutants, notamment en réduisant le nombre depériodes d’enseignement consécutives sans pause eten limitant le nombre de planifications de leçons.

La direction peut également prendre une autre me-sure pour faciliter les premières années d’enseigne-ment, celle d’offrir aux débutants une tâche réduiteet de leur allouer du temps de libération (Nault, 2003;Vogel, 2004). Ce temps pourrait être utilisé pour laplanification, pour les rencontres avec un mentor,pour effectuer de l’observation dans la classe d’ensei-gnants expérimentés ou encore tout simplement pourdiscuter du vécu professionnel entre novices. L’ob-servation d’enseignants vétérans s’avère particulière-ment utile pour les novices, car elle leur permet devoir comment ces enseignants font face aux diversdéfis et problèmes rencontrés au quotidien et ainside s’approprier de nouvelles stratégies pédagogiques(Angelle, 2002).

En outre, la direction doit s’assurer que les enseignantsdébutants ont toutes les ressources nécessaires pourenseigner. Il faut donc veiller à ce que le matériel soiten bon état et en quantité suffisante, et à ce que lenovice connaisse le fonctionnement des divers appa-reils pouvant l’aider dans son travail (photocopieuse,rétroprojecteur, ressources informatiques, etc.).

Le développement professionnel

La direction a également un rôle important dans ledéveloppement professionnel et la formation conti-nue des novices (COFPE, 2002; Darling-Hammond,1999). Elle doit s’assurer d’instaurer une culture deformation continue à l’école et elle doit demander àla commission scolaire de mettre en place des mesu-res de soutien pour les nouveaux enseignants (Bros-sard, 1999a). De plus, en informant les débutants surles formations continues offertes et en les encoura-geant à participer à de telles activités, elle favoriseleur plein épanouissement professionnel, tout en leurpermettant d’acquérir de nouveaux outils pour exer-cer leur métier efficacement.

Enfin, la direction devrait offrir un soutien aux dé-butants quant à la gestion de classe : formations, grou-pes d’entraide, soutien individuel, etc. (Céré, 2003).De même, il serait important que la direction joueun rôle de leader pédagogique en engageant les nou-veaux enseignants dans des discussions sur la prati-que enseignante et sur la pédagogie (Angelle, 2002).

Conclusion

Les directions d’établissement ont un rôle crucial àjouer dans le processus d’insertion professionnelle desdébutants en enseignement. Elles sont en mesure, dansbien des cas, de faire pencher la balance du côté de laréussite de ce processus. Il semble donc primordialque les directions d’école soient conscientes du rôlecapital qu’elles jouent afin de mettre en place lesmesures nécessaires d’accueil, de soutien et d’enca-drement des nouveaux enseignants dans nos écoles.Évidemment, il s’agit là d’un autre défi qui s’ajoute àune tâche déjà particulièrement lourde pour celui oucelle qui assume la direction d’un établissementscolaire.

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Références

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Formation et Profession • Octobre 2006 49

L’achronique*

Mamma science et Sainte Méthode :entretien piégé avec mon ami Antoine

M’hammed MELLOUKICRIFPE-LAVAL A ntoine est mon ami, pas le vôtre.

Comme chacun sait, on peut piégerson ami pour une bonne cause, sur-

tout si on sait qu’il est vendu à ladite cause. C’est ceque j’ai fait, en tout état de cause, avec mon ami An-toine. La cause? Celle d’une certaine conception dela recherche, que le gros du milieu universitaire boude,c’est le moins qu’on peut dire, s’abreuvant aux iné-puisables tétons de la mamma science. Enfin, unecertaine science, que mon ami Antoine rejette, et moiaussi, en raison justement de la stérilité, sinon du ve-nin, de ses mamelons. Nous avons donc échangé descourriels, et c’est là que je l’ai piégé. C’est ensuiteque je l’ai informé. Et c’est là qu’il a dit oui. Je lesavais, de toute façon. Nous vous autorisons à lirenos échanges. Motus et bouche cousue, capisce?

De Med : 15 octobre 2005

J’ai appelé plusieurs fois aujourd’hui à la Villa Medicaoù tu reprends des forces après la première opéra-tion. On m’a appris que tu venais de partir pour unemaison de convalescence. Comble de la déception,on avait déjà classé/archivé ton dossier. Est-ce parcause de l’efficacité canadienne, parce qu’il y a desgens qui oublient vite les gens, ou parce que tu as étéun peu trop mnioumniouchant avec les infirmières?L’infirmière de service, à l’accent pas québécois, étaittrès gentille. Mais quand c’est archivé, c’est archivé,m’sieur. Parfois j’aimerais bien que ma tête soit faitede la sorte, avec des classeurs, dont certains verrouillésà jamais.* Achronique (astron.) : Se dit du lever d’un astre simultané au

coucher du Soleil ou du coucher d’un astre simultané au leverdu Soleil.

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On m’a dit que tu avais un cellulaire. J’imagine quel’accès y est réservé. Sacré Antoine! Dis-moi seule-ment où je peux te joindre. J’ai presque terminé lalecture de ton ouvrage Les poqués de la pédagogie, quise laisse dévorer comme un roman. Les Chers collè-gues en prennent pour leur rhume et ça me va droitau cœur. La science aussi. L’autre, celle qui n’est pasla nôtre. Nous nous comprenons!

D’Antoine : 17 octobre 2005

Est-ce que tu te paies ma tête quand tu dis que Péda-gogie des poqués se lit comme un roman? De toutefaçon, ça ne me dérange pas du tout quand la per-sonne qui se paie ma tête a, pour ce faire, un talentqui est à la hauteur du prix de ma tête. Ce qui est toncas!!! Alors, vas-y, mon gars. J’aurai mon tour!

De Med : 23 octobre 2005

Antoine, tu ne changeras donc jamais. Tu es bourréde préjugés. Contre la recherche scientifique, contreles chercheurs, contre l’objectivité, contre ce que tuappelles « les chers collègues », et je devine le sar-casme derrière l’expression. Ça, ça peut passer, maiscontre le roman, ça non. Quand je t’ai dit dans monprécédent message que ton livre se laisse lire commeun roman, tu me demandas, deux jours plus tard, sije n’étais pas tombé sur la tête. Je l’ai eu dans le baba,ta question, moi qui incite les étudiants à prendre leroman pour exemple de la construction d’un bontexte, que beaucoup de tes chers collègues devraientsuivre. Ne crois-tu pas que cela éviterait à nombred’étudiants d’avoir à recourir à des expédients pourdigérer l’indigeste et que cela augmenterait, mieuxque les plans de performance, le taux de fréquenta-tion des études universitaires? Pourquoi te justifies-tu tant, dans les Poqués de la pédagogie, de n’avoir passuivi la méthode scientifique? Pourquoi ces détoursqui n’en finissent plus pour dire que tu ne crois pas àl’objectivité et que, en sous-texte, les chers collèguesétaient pour quelque chose dans cette perte de la foien cela même qui fait une partie de notre existence, ànous, chercheurs qui croyons à ce que nous faisons,et le faisons comme nous croyons devoir le faire?Peux-tu t’expliquer, ami Antoine?

D’Antoine : 22 août 2006

Libre à toi de dire que je suis bourré de préjugés àl’endroit de la recherche et des chercheurs. Si c’est leprix à payer pour me démarquer d’une certaine con-ception par trop dominante de la science, je suis prêtà le payer, surtout si cette dette consiste à inviter unami à des lunchs épistémologiques au cours desquelsnous pourrions lyncher une fois pour toutes les« chers collègues » qui font tant de tort à la science, lavraie! Nos rencontres pourraient s’appeler : lunchpour lyncher, non?

Si j’insiste tant pour me démarquer des tenants de laSainte Méthode, c’est pour deux raisons. Première-ment, j’avais besoin de prendre mes distances par rap-port aux aberrations du monde de la recherche et àtous les maux qui affligent cette forme de recherchequi se dit Scientifique. Dogmatisme et étroitesse d’es-prit; scientisme et pensée magique; manque d’imagi-nation et inhibition méthodologique; prétention, ar-rogance et fatuité; froideur et insensibilité; préten-tion de neutralité et d’objectivité; tentationhégémonique et inquisition; prédation, plagiat etfraude, hypocrisie, intrigues et trahisons, tous autantde fléaux qui menacent constamment ce « tout petitmonde » dont parle David Lodge avec tant d’humouret de pertinence. Une façon de se soigner ou de pré-venir ces maux qui nous menacent consiste à adopterdes comportements marginaux au regard de ces pra-tiques de recherche qui n’ont strictement rien à voiravec le développement des connaissances. C’est lecamp que j’ai choisi.

On l’aura deviné, je ne suis donc pas un orthodoxede la Sainte Méthode. Au fait, je devrais dire : je nesuis plus un orthodoxe, car je l’ai déjà été. Bien quej’aie toujours été un peu rebelle, il n’empêche que jefus un temps, qui correspond aux premières annéesdans le métier, orthodoxe de stricte obédience. En cesens, j’ai la base, j’ai le kit pour tenir tête à tous lesarrogants de la Terre. Mais aujourd’hui, c’est terminé.Ce n’est donc pas par défaut, mais bien par choix queje suis devenu au fil des années au mieux un hybride,au pire un hérétique de la Sainte Méthode.Méthodologiquement hybride, épistémologiquementhérétique.

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J’ai abjuré la religion de la Sainte Méthode scientifi-que, mais en même temps, je veux faire un travailauquel ses disciples devront accorder crédibilité, et jeprétends pouvoir le faire. C’est là la deuxième raisonpour laquelle j’ai choisi de prendre mes distances parrapport à un monde de la recherche où le chercheurest devenu plus important que la recherche. Quandje dis que je veux faire un travail auquel ses disciplesdevront accorder crédibilité, je reconnais par-là queje n’ai pas le choix puisque, dans ce tout petit monde,ce sont eux qui font la loi. Ils appartiennent à ce quej’appelle « le paradigme dominant ». Or, il en est desparadigmes scientifiques comme des classes sociales :il y en a toujours un qui domine les autres à un mo-ment donné.

Mais qu’est-ce donc au juste que la science? Aprèstant d’autres, je risque une réponse. Cette réponseest double et ses deux termes sont en quelque sorteinséparables. D’un point de vue épistémologique, jedirai que la science avec un petit s est la démarche deconnaissance qui propose la meilleure explication quenous ayons d’une chose ou d’un phénomène à unmoment donné. C’est aussi celle qui résiste le mieuxà sa contradictoire. Mais il existe aussi quelque chosequi aime s’appeler la Science avec un grand S. D’unpoint de vue sociologique, la Science est l’explicationdes choses et des phénomènes qui domine à un mo-ment déterminé, l’explication hégémonique qui n’estpas nécessairement la meilleure, selon PaulFeyerabend, mais la plus puissante, politiquementparlant.

Et j’insiste sur l’idée de domination parce qu’elle re-cèle la dimension essentiellement politique de cetteinstitutionnalisation de la démarche de connaissancequi s’appelle la Science qui s’écrit avec un grand S!L’histoire de Galilée est pour moi la plus belle preuvede l’existence de deux sciences : la science et la Science.S’inspirant des travaux de Copernic, Galilée avait lascience (avec un petit s…) de la place de la Terre dansl’univers, l’Église en avait la Science. Pour éviter lebûcher de l’Inquisition, Galilée a dû accepter l’hégé-monie de la Science. Et pourtant, elle tourne, ron-chonnait-il… Et dans la recherche moderne, le brasséculier de l’Inquisition, c’est la sanction négative despairs et le refus des subventions qui s’ensuit! Dans

ces conditions, mieux vaut abjurer, quitter et courirles risques de la liberté épistémologique que de se sou-mettre au jugement des pairs qui fait aujourd’hui foide tout. Et avec le temps, le jugement ne porte plussur la découverte et l’avancement des connaissances,mais sur la conformité à l’orthodoxie de la tribu; laquestion principale des pairs n’est plus : es-tu capablede nous prouver qu’en procédant ainsi, tu vas faireavancer les choses? Mais plutôt : es-tu capable de nousprouver que tu es aussi bon que nous, que tu es le meilleurparmi ceux qui demandent leur admission dans le clan?Dès lors, on ne cherche plus pour faire avancer lesconnaissances, pour découvrir ou expliquer quelquechose. On cherche pour prouver qu’on est le meilleur.Ce qui importe aujourd’hui, ce n’est pas de trouver,c’est de prouver. Pour moi, c’est une perversion del’activité de recherche par une technocratie plus éprised’imposer son pouvoir et sa renommée que de fairereculer les frontières de l’ignorance.

Cela conduit inévitablement à cette inhibition mé-thodologique qui pousse le chercheur à esquisser desdevis de recherche tellement étriqués, tellement con-servateurs qu’il a toutes les chances de tout vérifier etque, surtout, il ne prend aucun risque de faire avan-cer les connaissances! C’est en dérision de cette inhi-bition attentatoire à l’avancement des connaissancesqu’avec des collègues aussi rebelles que moi, j’avaisfait le projet de demander une subvention pour fon-der un périodique consacré aux hypothèses non véri-fiées, que nous aurions appelé « La poubelle sociologi-que trimestrielle – The Sociological Garbage CanQuarterly ».

De Med : 23 août 2006

Cher Antoine, j’ai bien reçu ton message d’hier. Jesuis d’accord pour que nous lunchions bientôt parceque, au-delà des conceptions et des pratiques de larecherche, que l’on peut mettre à l’endroit et à l’en-vers d’un tour de main, il y a notre éternel débat, ilfaudra bien reprendre la discussion là où nous l'avi-ons laissée il y a exactement un an, juste avant tonregrettable accident. Oui donc pour un prochainlunch. Je te remercie de t’être laissé entraîner dans lesoi-disant piège que je t’ai tendu par mes questions.

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ChroniqueRendez-vous avec la recherche

Entretien avec Johanne Lebrun,professeure de didactique des sciences humaines

à l’Université de Sherbrooke

Entrevue réalisée par

Suzanne-G. CHARTAND

CRIFPE-LAVAL

Suzanne-G. Chartrand : Madame Lebrun, vous êtesdidacticienne des sciences humaines au primaire et vous avezmené une recherche sur l’incidence d’une pédagogie qui visele développement de compétences sur les manuels de scien-ces humaines et, conséquemment, sur l’enseignement decette discipline au 3e cycle du primaire. Qu’est-ce qui vous aincitée à mener cette recherche?

Johanne Lebrun : Cette recherche s’inscrit dans lacontinuité de ma thèse et de maints autres travaux derecherche sur l’importance des manuels scolaires dansles pratiques d’enseignement menés au Centre de re-cherche sur l’intervention éducative (CRIE). Selonces recherches, les manuels scolaires contribueraienten grande partie à définir les savoirs qui seront ensei-gnés en classe, les stratégies pédagogiques et didacti-ques qui seront employées par les enseignants, la pro-gression attendue des élèves au cours de l’année, lecheminement qu’ils doivent parcourir pour acquérirles savoirs, leur degré de participation dans les activi-tés et le mode de reconnaissance de leurs acquis. Plusque de simples outils éducatifs, les manuels apparais-sent comme un déterminant incontournable des pra-tiques éducatives. Ils agissent en quelque sorte commeoutils d’information et de formation continue pourles enseignants. En ce sens, il importe de les analyserafin d’en dégager les apports et les limites.

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Le nouveau curriculum dans le domaine des sciences hu-maines, appelé « univers social » par le MELS, semble trèsexigeant pour les élèves, les enseignants et les concepteursde matériel didactique. En tant que didacticienne, que pen-sez-vous de l’exigence de développer les compétences vi-sées par le programme?

Exigeant certes, mais néanmoins fort intéressant surle plan des apprentissages possibles pour les élèves. Àmon sens, le nouveau programme d’études en uni-vers social, malgré ses imperfections, représente unrenouveau notable pour l’enseignement de la géogra-phie, de l’histoire et de l’éducation à la citoyenneté.L’enseignement de ces disciplines a longtemps étécantonné à des finalités patrimoniales qui accordentla primauté à la transmission de connaissances fac-tuelles sur la société d’appartenance de l’élève. Or,l’acquisition de ces connaissances, bien qu’indispen-sable, a une portée limitée si elle ne contribue pas audéveloppement d’une grille d’interprétation des dy-namiques sociales dans le temps et l’espace, qui per-mettra à l’élève de jeter les bases d’une compréhen-sion du fonctionnement des sociétés. C’est au déve-loppement de cette grille d’interprétation que nousconvient les trois compétences disciplinaires cibléespar le programme. Pour ce faire, l’élève doit déve-lopper son raisonnement au moyen d’une démarched’apprentissage systématique et rigoureuse.

Dans quelle mesure les manuels scolaires que vous avezanalysés actualisent-ils la démarche d’apprentissage préco-nisée dans le programme d’études du ministère de l’Éduca-tion?

Les résultats de l’analyse, encore partiels, révèlent quela démarche préconisée par le programme est large-ment escamotée. Ainsi, celui-ci se substitue en grandepartie au travail cognitif de l’élève en lui fournissantles interrogations, les tableaux de compilation ou lesschémas organisateurs et les réponses. La démarchedevient en quelque sorte un outil de téléguidage del’élève vers la découverte des réponses attendues.Cette situation vient grandement limiter le dévelop-pement des compétences disciplinaires et transversa-les, notamment d’ordre intellectuel et méthodologi-que.

Quel est le rôle dévolu à l’enseignant dans ce matériel didac-tique et qu’en pensez-vous?

Les manuels scolaires accordent essentiellement à l’en-seignant un rôle de médiateur pédagogique et organi-sationnel qui intervient en marge des savoirs à ensei-gner. La tâche de l’enseignant consiste à exécuter, àadapter et à rendre intelligibles les étapes préidentifiéespar le manuel. Selon l’utilisation qui sera faite enclasse, le manuel se pose potentiellement en substitutau travail de l’enseignant. Certes, il faut se garder d’éta-blir un lien direct entre les propositions des manuelsscolaires et l’utilisation effective que les enseignantsen font. Toutefois, tels que conçus présentement, lesmanuels scolaires sous-tendent une vision sommetoute assez techniciste du travail enseignant.

Les critères d’évaluation du matériel didactique sont-ils co-hérents avec le renouveau pédagogique? Comment pour-raient-ils servir de guides aux concepteurs de moyens d’en-seignement?

Le passage d’une pédagogie par objectifs s’ancrant àun fondement néobéhavioriste à une approche parcompétences qui se réclame du constructivisme nepeut être assuré par une simple mise à jour des ma-nuels en fonction des nouveaux programmes d’étu-des. Or le MELS a récemment modifié ses critèresd’évaluation du matériel didactique sans, d’une part,repenser en profondeur le rôle du manuel scolairedans une intervention éducative de type constructi-viste et sans, d’autre part, revoir le sens même de l’ap-probation des moyens d’enseignement, dont les faillessont dénoncées depuis très longtemps par maints ac-teurs du milieu scolaire. Les résultats d’une analysecomparative des « anciens » et des « nouveaux » critè-res d’évaluation montrent qu’on évalue surtout laprésence des éléments contenus dans le programme,mais qu’on ne se soucie pas assez d’évaluer la perti-nence de chacun par rapport à l’ensemble.

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Par exemple, les évaluateurs s’assurent de la présencede questions, sans examiner l’adéquation de ce ques-tionnement au contenu et au processus cognitif enjeu. Il en résulte une centration sur la forme. Parailleurs, l’analyse comparative illustre qu’on main-tient le manuel dans son rôle de condensé d’un pro-gramme d’études destiné à transmettre un contenuprédéterminé et préstructuré. En effet, les nouveauxmanuels cherchent toujours à se substituer au travailde l’enseignant et à la démarche d’apprentissage del’élève par l’entremise d’une démarche d’enseigne-ment-apprentissage complète qui inclut l’évaluationdes apprentissages.

Quels sont les impacts de la transformation du curriculumen sciences humaines sur la formation des futurs ensei-gnants?

Les compétences disciplinaires et transversales à dé-velopper au primaire ainsi que celles devant être maî-trisées par les futurs enseignants nécessitent derevisiter nos pratiques de formation initiale. On nepeut pas envisager, par exemple, le développementde la compétence à « interpréter le changement dansune société et sur son territoire » sans prendre enconsidération la nécessité d’une formation à l’argu-mentation et son développement par l’élève. En outre,la reconfiguration curriculaire vient renforcer l’arti-culation du didactique et du pédagogique, tous deuxnécessaires à la mise en place de situations d’appren-tissage ouvertes, complexes et problématisées. Le dia-logue entre les didacticiens des différentes disciplineset entre didacticiens, pédagogues, psychologues, etc.devient ainsi une nécessité afin de permettre l’inter-relation entre les différents apprentissages prescritspar le curriculum. Le défi est donc tout aussi impor-tant du côté des formateurs universitaires que du côtédes enseignants en ce qui concerne l’actualisation dece nouveau programme d’études.

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Formation et Profession • Octobre 2006 55

Livres

Desaulniers, M. P. et Jutras, F. (2006). L’éthiqueprofessionnelle en enseignement : fondements etpratiques. Québec : Presses de l’Université duQuébec.

Lise-Anne ST. VINCENTUniversité de Montréal

Destiné avant tout à la formation desenseignantes et enseignants des écolesprimaires et secondaires du Québec,

cet ouvrage se veut un guide pour le développementde la compétence liée à l’éthique professionnelle.Ce livre est basé sur le cadre de référence en éthiqueprofessionnelle développé par Legault (1999)1 à la suitede certaines recherches menées auprès de différentsprofessionnels. Il vise à aider les enseignantes et en-seignants à saisir la nature éthique de leur travail et àexercer leur jugement professionnel dans les situa-tions qui comportent des enjeux éthiques. Les situa-tions problématiques sont diverses et nombreusesdans l’exercice de l’enseignement; elles se présententdès les premiers stages en formation des maîtres.Nombre d’enseignantes et enseignants se sentent dé-munis devant ces situations problématiques à l’école.Ceux-ci perçoivent, de façon intuitive, que certainsenjeux exigent réflexion et intervention, mais ils nesavent pas comment s’y prendre pour les résoudre.Ils prendront position, par exemple, en s’appuyantsur des repères de leur éducation familiale et religieuse,sur leurs croyances ou leurs valeurs, ou encore se con-formeront à des règlements ou normes institution-nels, sans vraiment comprendre si ces derniers sontadéquats ou non dans la situation. Par ailleurs, lemouvement de professionnalisation, qui émerge ac-tuellement au Québec, vise une éthique profession-nelle collective à laquelle tout le corps enseignantpourrait éventuellement se référer et dans laquelle ilpourrait se reconnaître. Toutefois, dans la perspec-tive de développer leur éthique professionnelle demanière individuelle et collective, les enseignantes et

1 Legault, Georges A. (1999). Professionnalisme et délibérationéthique. Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec.

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enseignants doivent d’abord clarifier certains conceptsde base en éthique professionnelle et établir le cadrede référence social dans lequel ils se situent.

Le livre est divisé en deux grandes parties et com-prend une dizaine de chapitres. La première partiecampe les fondements théoriques et le cadre socialoù viennent prendre appui la démarche de formationet les méthodes d’apprentissage proposées dans le li-vre. Dans ces chapitres, on explique l’émergence dudéveloppement de l’éthique professionnelle de façongénérale dans le monde occidental et plus particuliè-rement au point de vue du cadre social et culturel duQuébec actuel, mis en évidence par la réforme desprogrammes en enseignement. On présente aussi desdéfinitions essentielles telles que la morale et la déon-tologie, et on traite des modes de régulation commele droit. On décrit également le cadre légal etrèglementaire de la profession enseignante et certai-nes structures communes à tous les citoyens (lois,règles, codes, conventions). On examine par ailleursla question de la création d’un ordre professionnel.Enfin, on précise comment la construction de l’iden-tité professionnelle est liée à celle de l’éthique profes-sionnelle.

La deuxième partie du livre présente les diverses com-posantes de l’éthique professionnelle des enseignan-tes et enseignants dans le milieu de la pratique. Dansces six derniers chapitres, on s’intéresse à l’impor-tance des finalités éducatives, découlant de consen-sus sociaux, pour donner un sens aux interventionséducatives. On précise ce que signifie une interven-tion éducative pour mieux en comprendre les limites(abus ou négligence). On observe aussi la relationpédagogique, en définissant les qualités profession-nelles reconnues comme essentielles dans cette rela-tion. Ensuite, certaines questions éthiques sont po-sées en ce qui a trait à la relation au savoir dans l’en-seignement. Ainsi, dans la réforme, les enseignanteset enseignants sont considérés comme des passeursculturels. Cela démontre la nécessité de mettre leursconnaissances à jour et l’obligation d’une formationcontinue. On poursuit en expliquant la notion desvaleurs personnelles et professionnelles, et leur rôle

dans la construction d’une éthique professionnelle.Finalement, on situe l’éthique professionnelle ensei-gnante dans le cadre de l’école et la responsabilité desenseignantes et enseignants quant à la réussite des élè-ves.

Dans l’ensemble, l’ouvrage présente dans un discoursaccessible, avec des exemples concrets, les élémentsde base pour s’approprier ce qu’est l’éthique profes-sionnelle en enseignement. Il tient compte de l’ac-tuel contexte social et culturel du Québec, et offreainsi, pour les enseignantes et enseignants, des repè-res utiles pour circonscrire des concepts-clés. De plus,il permet, à travers les exercices proposés en fin dechacun des chapitres, de susciter des débats de fonden enseignement favorisant l’intégration des notionsprésentées.

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Vient de paraître

La formation à l’enseignement des sciences et destechnologies au secondaire dans le contexte desréformes par compétencesSous la direction de Abdelkrim Hasni, Yves Lenoir et JoëlLebeaume. Collection Éducation-Recherche, Presses del’Université du Québec (2006).

Comment enseigner les sciences et lestechnologies à l’école et commentformer les enseignants dans ces domai-

nes ? Voilà deux questions récurrentes dans lessystèmes éducatifs de la plupart des pays occidentaux.Le contexte socioéducatif actuel, les récentesréformes des programmes d’études et le courant deprofessionnalisation des enseignants renouvellent lesquestionnements en lien avec ces deux problémati-ques fondamentales : Quels contenus et quellesmodalités d’enseignement doit-on retenir pour cesdomaines de savoirs ? Quelle est la pertinence dessavoirs scientifiques et technologiques enseignés parrapport aux savoirs requis dans les différentes sphè-res et activités sociales ? Quels enjeux éducatifs etsociaux doivent être véhiculés par les sciences et lestechnologies à l’école secondaire ? Quelle formationdes enseignants mettre en place pour répondre auxnouvelles attentes à l’égard de l’éducation scientifi-que à l’école ?

Les textes qui composent cet ouvrage éclairent cesproblématiques, en considérant notamment la notionde culture scientifique et technologique, l’intégrationou non des sciences et des technologies, les liensentre les disciplines scientifiques et les disciplinesscolaires, la contribution des travaux pratiques auxfinalités de cet enseignement, la formation à l’ensei-gnement et ses liens avec les pratiques enseignantes.

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Les membres du CRIFPEChercheurs réguliers

Anadón, Marta Élisa UQACBédard, Johane U. de SherbrookeBrassard, André U. de MontréalBrodeur, Monique UQAMCardin, Jean-François U. LavalChartrand, Suzanne-G. U. LavalCouturier, Yves U. de SherbrookeDeaudelin, Colette U. de SherbrookeDesbiens, Jean-François U. de SherbrookeFalardeau, Érick U. LavalGauthier, Clermont U. LavalGervais, Colette U. de Montréal

Beaudoin, Huguette U. LaurentienneBélanger, Jean-D. U. LavalBiron, Diane U. de SherbrookeBlais, Jean-Guy U. de MontréalBoivin, Marie-Claude U. de MontréalBorges, Cecilia U. de MontréalBouchamma, Yamina U. de MonctonBoudreau, Pierre U. d’OttawaBoutet, Marc U. de SherbrookeCarignan, Nicole UQAMCorrea Molina, Enrique U. de SherbrookeCrespo, Manuel U. de MontréalDavid, Robert U. de Montréal

Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignanteFaculté des sciences de l’éducation, Pavillon Marie-Victorin, Université de Montréal

90, Vincent d’Indy, Montréal (Québec), Canada H2V 2S9

Courriel : [email protected]

Nous invitons tous les lecteurs du bulletin Formation et profession à visiter le site du Centre à l’adresse

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Gohier, Christiane UQAMHasni, Abdelkrim U. de SherbrookeJeffrey, Denis U. LavalKalubi, Jean-Claude U. de SherbrookeKarsenti, Thierry U. de MontréalLarose, François U. de SherbrookeLebrun, Johanne U. de SherbrookeLessard, Claude U. de MontréalLenoir, Yves U. de SherbrookeMartin, Daniel UQATMartineau, Stéphane UQTR

Dembelé, Martial U. de MontréalDesjardins, Julie U. de SherbrookeDesrosiers, Pauline U. LavalDezutter, Olivier SherbrookeÉthier, Marc-André U. de MontréalGérin-Lajoie, Diane U. de TorontoGuérette, Charlotte U. LavalGuilbert, Louise U. LavalGuillemette, François UQACHébert, Manon U. de MontréalHrimech, Mohamed U. de MontréalLaurier, Michel D. U. de MontréalLarrivée, Serge U. de Montréal

Marzouk, Abdellah UQARMaubant, Philippe U. de SherbrookeMellouki, M'hammed U. LavalMujawamariya, Donatille U. d’OttawaPelletier, Guy U. de MontréalSaint-Jacques, Diane U. de MontréalSavoie-Zajc, Lorraine UQAOSimard, Denis U. LavalSolar, Claudie U. de MontréalSpallanzani, Carlo U. de SherbrookeTardif, Maurice U. de Montréal

Legendre, Marie-Françoise U. LavalLoiola, Francisco U. de MontréalLepage, Michel U. de MontréalMalo, Annie U. d’OttawaMontgomery, Cameron U. d’OttawaMukamurera, Joséphine U. de SherbrookeNault, Thérèse UQAMPortelance, Liliane UQTRPresseau, Annie UQTRRaby, Carole UQAMSamson, Ghislain U. de SherbrookeSasseville, Bastien UQARTerrisse, Bernard UQAM

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Thierry KarsentiDirecteur du CRIFPESecrétariat : Linda MainvilleU. de Montréal(514) 343-7880

Clermont GauthierDirecteur du CRIFPE-LavalSecrétariat : France WalshU. Laval(418) 656-3730

Claude LessardDirecteur du CRIFPE-MontréalSecrétariat : Micheline GouletU. de Montréal(514) 343-6411

Philippe MaubantDirecteur du CRIESecrétariat : Lise HermonU. de Sherbrooke(819) 821-8000 poste 1091