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2008.08.25 Hubert Bensoussan ARTICLE DALLOZ

FRANCHISE : SAVOIR-FAIRE ORIGINAL… OU GÉNÉRIQUE?

I – DE L’ORIGINALITE A L’EFFICACITE .............................................................. 3 A. LA GENÈSE DE L’EXIGENCE D’ORIGINALITÉ DU SAVOIR-FAIRE ............. 4

1 – DEUX TYPES DE SAVOIR-FAIRE ........................................................................................ 4 a - Les savoir-faire procéduraux ou formalisés ....................................................................................... 4 b - Les savoir-faire tacites ............................................................................................................................... 4

2 - LA STRATÉGIE DE DIFFÉRENCIATION ........................................................................... 5 a - La stratégie économique ........................................................................................................................... 5 b - La stratégie juridique ................................................................................................................................. 6

B. LA TENDANCE AU SAVOIR-FAIRE GÉNÉRIQUE .................................................. 9 1- L’ORIGINALITÉ EXPRESSÉMENT ÉCARTÉE ................................................................... 9

a – Une exigence d’originalité contestée ................................................................................................... 9 b – L’originalité, désormais inutile en droit ............................................................................................ 10

2 – MIMÉTISME, EFFICACITÉ ET SAVOIR-FAIRE IDOINE ........................................ 11 a – La tendance au mimétisme ................................................................................................................... 11 b – La recherche commune du savoir-faire idoine .............................................................................. 12

II. LES ENJEUX D’UN SAVOIR-FAIRE GENERIQUE .................................... 15 A – DES CRITÈRES PLUS PRAGMATIQUES ................................................................ 15

1 - VALIDATION SUR L’INDICE DE SATISFACTION ..................................................... 15 a - Validation au vu de la satisfaction des franchisés ........................................................................ 15 b – Validation au vu de la satisfaction du consommateur ................................................................ 16

2 – VALIDATION AU VU DES RÉSULTATS DU FRANCHISEUR ET DE LA QUALITÉ DE SES PRESTATIONS .............................................................................................. 17

a – Les résultats ................................................................................................................................................ 17 b – Validation sur des indices de qualité de la prestation du franchiseur .................................. 18

B. DES SANCTIONS MOINS ALÉATOIRES .............................................................. 19 1 – TROIS TYPES DE SANCTION .............................................................................................. 20

a - Les sanctions ............................................................................................................................................... 20 b - Les effets des sanctions .......................................................................................................................... 21

2 – L’EFFICACITÉ FACTEUR DE SÉCURITÉ JURIDIQUE ............................................ 22 a - La difficulté à juger de l’originalité d’un savoir-faire ................................................................... 22 b – La simplicité à juger de l’efficacité d’un savoir-faire ................................................................... 23

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FRANCHISE : SAVOIR-FAIRE ORIGINAL… OU

GÉNÉRIQUE? Depuis 20 ans, le champ des enseignes a fleuri ; sans le charme de la rose, mais avec une culture de déjà-vu rassurante pour le consommateur. La franchise y trouve une place de choix, enrichie par une qualité de savoir-faire voulue parfois hors du commun1 par la jurisprudence. Elle couvre la totalité des secteurs d’activités et intéresse désormais les sociétés de capital-risque voire les banques et assurances qui cherchent à se diversifier ou à compléter leurs gammes de produits. A la différence des autres systèmes de distribution, la franchise suppose une garantie de transmission au franchisé d’un savoir-faire présentant, selon la doctrine dominante et le Règlement d’exemption du 22 décembre 19992, trois caractéristiques voulues essentielles. Celui-ci doit être identifié. Le candidat à la franchise doit connaître la contrepartie précise de son investissement. L’identification avant la signature du contrat de franchise est rarement totale. Dévoiler aux candidats toutes les ficelles du savoir-faire, favoriserait sa porosité. Il est d’usage et licite au regard de l’article L330-3 du Code de commerce relatif à l’obligation d’information précontractuelle, de se contenter d’énumérer, sur le projet de contrat, les domaines concernés par le savoir-faire. Il s’agira notamment des méthodes d’achat, de vente, de la signalétique, des recettes de cuisine ou autres, des logiciels ou de diverses techniques plus ou moins complexes. Dès l’accord concrétisé, la remise des manuels opérationnels (la « bible »), supports essentiels de formation, complète l’identification. Le savoir-faire doit être substantiel. La jurisprudence entend qu’il soit source d’un avantage économique pour le franchisé3. Le savoir-faire doit pouvoir favoriser la compétitivité de l’enseigne, sa réussite. Ainsi, peu importe qu’il soit simple, dès lors que cette « simplicité »… « n’est pas incompatible avec son efficacité commerciale »4. Il doit permettre de

1 Paris, 2 avril 1978, Cah. Dr. Entr. N°5/1980, p. 5 - T. Com Montpellier, 23 mai 1989 n° RG 3302513 et RG 8802215 2 Règlement CE n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 3 Civ. 2e, 10 janvier 2008, RG n° 07-13.558, Contrats Concurrence Consommation n° 3, Mars 2008, comm. 71 4 Paris, 7 juin 2006, in Numéro spécial, Droit de la franchise : LPA 15 nov. 2007 p. 25, "la circonstance que lesdites techniques soient transférées oralement aux franchisés aux cours de stage de formation est sans influence sur la réalité du savoir-faire considéré"

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« réitérer la réussite du franchiseur en assurant au franchisé un avantage substantiel sur la concurrence »5. Il est enfin d’usage d’attendre du savoir-faire qu’il soit original, secret. Le Règlement d’exemption du 22 décembre 1999 définit ainsi cette exigence de secret :

« "secret" signifie que le savoir-faire, dans son ensemble ou dans la configuration et l'assemblage précis de ses composants, n'est pas généralement connu ou facilement accessible ».

Doctrine et jurisprudence considèrent que le caractère « secret » du savoir-faire ne doit pas être entendu de manière absolue. Ses composantes prises isolément peuvent être connues. Ainsi, a-t-il été jugé que « l’originalité, en matière de franchise, peut consister dans la conjonction de divers éléments connus séparément si le franchisé se voit proposer des procédés qu’il ne pourrait découvrir lui-même qu’au prix de recherches longues et coûteuses » 6. En pratique, il arrive souvent que même après assemblage de leurs composants, les savoir-faire de différents réseaux de franchise ayant une même activité soient proches au point qu’il devient parfois grotesque d’évoquer l’originalité. On assiste désormais à la naissance du savoir-faire idoine, propre à certains réseaux de qualité (I), qui met en exergue des critères de validation fondés sur l’efficacité du savoir-faire, plus faciles à apprécier (II).

I – DE L’ORIGINALITÉ A L’EFFICACITÉ

Dans son acception économique courante, le savoir-faire spécifique confère à son titulaire un avantage concurrentiel, ce qui a sans doute motivé les exigences initiales d’originalité (A). Mais le besoin de performance favorise l’émergence d’un savoir-faire générique de qualité au sein des réseaux de franchise, cristallisant ainsi la notion d’efficacité (B).

5 Toulouse, 25 mai 2004, RG n° 02/02808, Juris-Data n° 2004-247226 6 Dijon, 10 octobre 1990, RG n° 867/1989, Petites affiches 21 décembre 1990, n° 153, p. 34, note Y. Marot

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A. LA GENÈSE DE L’EXIGENCE D’ORIGINALITÉ DU SAVOIR-FAIRE

Missionnée par le comité scientifique de la Fédération Française de la Franchise, une équipe universitaire7 a distingué deux types de savoir-faire (1) dont l’étude permet de mieux comprendre les exigences initiales de différenciation (2).

1 – DEUX TYPES DE SAVOIR-FAIRE

La vie des réseaux permet de distinguer les savoir-faire procéduraux (a) des savoir-faire tacites (b).

a - Les savoir-faire procéduraux ou formalisés

Les savoir-faire procéduraux relèvent le plus souvent du terrain technique, du métier. Il s’agit de savoir-faire maîtrisés. Ainsi, l’organisation de postes de travail, l’établissement de factures, le passage de commandes via un logiciel, le traitement des livraisons, la gestion des stocks, etc. Ces savoir-faire de base sont communs à l’ensemble des points de vente, succursalistes ou franchisés. Ils facilitent la maîtrise des procédures inhérentes au métier considéré. Ils figurent dans les manuels opérationnels et sont enseignés dans le cadre de la formation initiale des franchisés.

b - Les savoir-faire tacites

Les savoir-faire tacites sont subjectifs, peu ou pas formalisables. Par exemple la disposition à décider vite, l’aptitude à coopérer ou à créer la confiance, la capacité à éviter des conflits ou, le cas échéant, à les gérer.

7 Laboratoire d’Intelligence des Organisations de l’Université de Haute Alsace, sous la Direction de Jack Remoriquet (1998) « Le savoir-faire dans la franchise » Université de haute Alsace – LIO, Fédération Française de la Franchise. Pour de plus amples développements sur le savoir-faire, voir H. Bensoussan, Le Droit de La Franchise, 1999, Ed. Apogée, p.121 à 181.

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Ces savoir-faire se traduisent par des actions permettant d’atteindre le but recherché ou de s’en rapprocher, sans que l’on ne puisse jamais garantir le degré d’atteinte de la cible. Ils touchent plus à des règles commerciales, orientées vers la satisfaction du client. Ils se déclinent en éléments qui ne sont pas présents avec la même intensité chez tous les franchisés. Ils cristallisent l’existence d’un différentiel de savoir-faire entre les unités de vente d’un même réseau, qu’elles soient franchisées ou succursalistes, et d’une gradation de ces savoir-faire entre les divers types de réseaux de franchise eux-mêmes8.

C’est sans doute pour compenser le risque d’hétérogénéité lié à une application nuancée des savoir-faire au sein d’un même réseau que les franchiseurs font leur possible pour valoriser et enseigner un savoir-faire largement différenciateur par rapport à celui des concurrents.

2 - LA STRATÉGIE DE DIFFÉRENCIATION

La stratégie de différenciation est tant économique (a) que juridique (b).

a - La stratégie économique

Plusieurs auteurs ont centré le fonctionnement de la franchise sur une stratégie de différenciation9. L’un d’entre eux a ainsi défini la notion de différenciation10 : «…La politique de l’entreprise de vente au détail, qui, opérant sur un marché de concurrence hétérogène ou monopolistique, recherche pour son activité un élément « original » de commercialisation. Son caractère nouveau ou singulier doit apporter à l’entreprise une avance par rapport aux entreprises de son secteur d’activité, et des éléments de personnalisation vis-à-vis de la clientèle… » La stratégie de différenciation pose la question du degré d’originalité du savoir-faire au sein d’un réseau de franchise. Elle postule l’existence d’un savoir-faire totalement original, en mesure de protéger sérieusement le réseau de la concurrence. Il en résulte que le degré

8 Claude Negre « La franchise, Recherches et applications »; Remoriquet (1998) « Le savoir-faire dans la franchise » Université de Haute Alsace – LIO, Fédération Française de la Franchise 9 Boursican (1972) « La franchise commerciale et les possibilités qu’elle offre à la petite et moyenne entreprise » Thèse de Doctorat, Université des Sciences sociales de Toulouse 10 Chamberlin (1950) « The theory of monopolistic competition » Harvard University Press

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d’attractivité du point de vente franchisé, sa réussite dépendraient principalement de l’originalité intrinsèque du savoir-faire. Pour certains, cette originalité peut être caractérisée par les fonctions marketing du réseau qui apportent « l’unicité de l’image du réseau qui constitue un des aspects fondamentaux du système de franchise » 11. Cette approche fut nuancée par un auteur12 qui établit une distinction entre les éléments de différenciation volontaire, relevant de la direction du réseau (que l’on peut classer dans les savoir-faire procéduraux définis supra) et ceux échappant à sa volonté, considérés comme éléments de différenciation de fait (savoir-faire tacites). Le franchiseur met au point un certain nombre de facteurs différenciateurs, inhérents aux produits, à la publicité, à la force de vente. Les franchisés sont eux-mêmes auteurs d’éléments différenciateurs lorsqu’il s’agit par exemple de fixer le prix de vente des produits au consommateur final, ou certaines des modalités de la publicité locale. Tous les éléments d’un concept13 de franchise peuvent constituer des variables pour une différenciation provoquée. Il convient d’agir sur chacune de ces variables pour essayer d’instaurer une combinaison originale optimale.14

b - La stratégie juridique

Les développements qui précèdent n’ont sans doute pas été neutres dans la construction de notre droit de la franchise. Les juges ont d’emblée considéré le savoir-faire comme le signe distinctif obligé du système. Il est vrai que sans la transmission d’un savoir-faire, la duplication d’un concept par un franchisé n’est pas concevable. Sans originalité, elle paraît - a priori - ouverte à tous. La notion de savoir-faire s’est dessinée, alors que le droit d’auteur était en pleine transformation. Le concept d’originalité initialement lié au domaine littéraire et artistique a été progressivement étendu à des produits les plus divers. Depuis une décision du Tribunal civil de la Seine, l’originalité n’était plus considérée comme la caractéristique d’une

11 Weill (1974) « Systèmes verticaux de distribution et structures commerciales » Thèse de Doctorat – Sciences économiques, Université Aix Marseille II 12 Boursican, pré.cit. 13 Le concept est constitué par l’association des moyens mis en œuvre par le chef de réseau (savoir-faire, formation, assistance, marque et signalétique) pour permettre la commercialisation des produits et/ou services de l’enseigne. 14 Boursican, pré.cit.

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création purement intellectuelle permettant de savoir si, à travers elle, un auteur avait ou non exprimé sa personnalité. Elle était devenue synonyme de « valeur supplémentaire apportée à la fonction première de l’objet créé » 15. La Cour d’appel de Paris16 avait alors validé cette évolution comme suit : « constitue une œuvre protégeable un modèle de galon de passementerie comprenant une fresque brodée sur un fond de fibranne en deux couleurs » (…) « en l’absence de toute antériorité, il convient de constater que cette combinaison réalise un galon de passementerie se différenciant de ses similaires par des effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle ». La voie était ouverte à ce qui fut alors une mode propre au concept de franchise, l’exigence d’originalité et de spécificité du savoir-faire. Très impliquée dans l’élaboration de règles spécifiques à la franchise, la Fédération Française de la Franchise a ainsi mis l’accent dans sa définition du système sur « une offre de produits et de services faite de façon originale et spécifique ». L’analyse de la jurisprudence met en exergue la sévérité initiale de nos juridictions sur la nécessité d’une originalité appréciée in abstracto, sans tenir compte de la personne du franchisé ni du contexte. Ainsi, l’une des premières décisions rendue en matière de franchise17 sanctionnait le franchiseur en estimant que les procédés qu’il préconisait étaient du domaine public et n’avaient rien de « spécifiquement originaux ». Le Tribunal de commerce de Pontoise18 allait plus loin en exigeant du franchiseur qu’il soit propriétaire d’une ligne de produits originaux. Il exigeait ainsi que le caractère d’originalité soit indétachable du procédé objet de la franchise. Pour certains juges, le savoir-faire devait être « hors du commun et donc empreint d’une originalité extrême » 19. Plus généralement, pendant qu’un droit de la franchise s’est façonné à partir des années 70, le juge a égrené les exigences d’originalité à tous niveaux. Celles-ci étaient lourdes de conséquences car la sanction d’une

15 T. Civ. de la Seine, 27 mars 1936, Ann. propr. ind., 1940, 1948, p. 375 16 Paris, 24 mai 1977, Ann. propr. ind. 1978, p. 216 17 TGI Bressuire, 19 juin 1973, D. 1974, jurispr., p. 105, note Bories 18 T. com. Pontoise, 17 juin 1986, Cah. Dr. Entr. 2/1988, p. 40, note Burst 19 Paris, 2 avril 1978, Cah. Dr. Entr. N°5/1980, p. 5 - T. Com Montpellier, 23 mai 1989 n° RG 3302513 et RG 8802215

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absence d’originalité conduisait à considérer qu’il n’y avait point de savoir-faire. C’est notamment ce qu’a jugé la Cour d’appel de Paris20 qui a prononcé la nullité du contrat pour défaut de cause du fait de l’absence d’un savoir-faire original, le franchiseur se contentant d’assurer la mise à disposition de tout acquéreur d’un matériel et de diffuser les documents techniques d’utilisation. La même Cour21 a confirmé cette position s’agissant d’un concept de marketing téléphonique en constatant que le franchiseur n’apportait aucun justificatif du caractère original de sa méthode de démarchage téléphonique, « que son activité ainsi que celle de toutes les entreprises similaires repose sur un acte banal de la vie quotidienne »… Cette rigueur a sans doute favorisé de nouvelles nuances dès le milieu des années 80. Ainsi, pour la Cour de Versailles22, l’originalité ne s’apprécie plus en fonction d’un seul élément mais d’un assemblage. La Cour tenait également compte de la personnalité du franchisé pour apprécier de la qualité du savoir-faire. Un franchisé qui ignorait tout au moment de son entrée dans le réseau est d’autant moins fondé à contester l’apport du savoir-faire qui lui a été transmis. Dès cette époque, commençait à naître la notion de faisceau d’éléments de nature à valider ou non un savoir-faire. La personnalité du franchisé, sa connaissance ou son ignorance du métier au moment de la signature du contrat, ont pris de plus en plus d’importance. Ce qui peut paraître banal en soi à tel professionnel de l’activité, profite au néophyte23. Ainsi, la reconnaissance par le franchisé de « la valeur et l’originalité du savoir-faire et des méthodes lors de la signature du contrat24» a pu suffire à valider un concept. En corollaire, les rédacteurs de contrats, conseils de franchiseurs, en ont tiré des enseignements surprenants. Nombre de conventions de franchise ont fait « reconnaître » par le franchisé le caractère original du savoir-faire. Pure magie, car l’obligation de confidentialité inhérente à la relation de franchise et la transmission des manuels opérationnels après signature du contrat supposent que le franchisé n’a pas connaissance de la quintessence du savoir-faire au moment de cette « reconnaissance »...

20 Paris, 29 septembre 1992, D. 1995, somm., p. 76, obs. D. Ferrier 21 Paris, 14 avril 1995, n°RG 938334 22 Versailles, 9 décembre 1987, JCP E 1988, Cah. Dr. Entr. 1988, n° 2, p. 42, obs. J.-J. Burst, absence de renouvellement, résiliation du contrat pour faute du franchiseur 23 Colmar, 9 juin 1982, D. 1982, jurispr. P. 553 ; Com, 24 mai 1994, Contrats concurrence consommation n°191 p. 3, Obs. L. Leveneur 24 Douai, 5 décembre 1991, RJDA 1992, 11/1992, N°1009, page 825

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Un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier25 amoindrit encore l’exigence d’originalité, puisque celle-ci n’est requise qu’au niveau de la présentation des produits et non plus à celui des services ou produits eux-mêmes. Ces entorses à l’exigence d’originalité annonçaient la naissance, pour les réseaux performants, d’un savoir-faire idoine, générique.

B. LA TENDANCE AU SAVOIR-FAIRE GÉNÉRIQUE

Le juge n’est plus aussi exigeant qu’il ne le fût en matière d’originalité (1). Le commerce moderne, de plus en plus normé, ne peut qu’exceptionnellement être original. La formation des franchiseurs à optimiser leurs procédures de fonctionnement peut, au contraire, conduire à un savoir-faire quasiment générique (2).

1- L’ORIGINALITÉ EXPRESSÉMENT ÉCARTÉE

Déjà contestée dès le milieu des années 1990 (a), l’originalité est désormais expressément considérée comme inutile (b).

a – Une exigence d’originalité contestée

La Cour de Versailles26 a jugé qu’en mettant ses produits à la disposition de la société franchisée et « en délivrant à cette dernière des conseils adaptés pour la vente de ses produits, même si ces conseils ne présentent aucun caractère original, la société H a satisfait à ses obligations en ce qui concerne la transmission de son savoir-faire ; que c’est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de nullité du contrat pour absence de cause… ». Ainsi, dès avant le nouveau millénaire, une Cour d’appel contestait déjà expressément l’exigence d’originalité.

25 Montpellier 4 janvier 1990, D. 1990, somm. 369, 5e esp., observ. D. Ferrier, RD propr. ind., avril 1990, p. 48 26 Versailles, 4 juil. 1996, LPA 7 janv. 1998, n°3, p. 14 et 15, note Y. Marot

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b – L’originalité, désormais inutile en droit

Deux décisions plus récentes confirment cette évolution. La première, de la Cour d’appel de Paris27, rejette l’argument d’absence d’originalité invoqué par le franchisé, après avoir pourtant retenu que le savoir-faire était présenté avec une simplicité certaine. Simplicité du savoir-faire qui, selon la Cour, « n’est pas incompatible avec son efficacité commerciale ». Avec pragmatisme, le juge constate que l’efficacité d’un savoir-faire vaut mieux que son éventuelle originalité. Confirmation lors de cette autre espèce où la Cour28 a jugé que « le manque allégué de particularisme du réseau et des produits proposés ne saurait constituer la justification d’une inexistence alléguée, qu’aucune stipulation contractuelle ou obligation légale ne soumettent l’existence de la franchise à un quelconque caractère innovant ou original des produits ou méthodes distribués dans le réseau ». Cet arrêt stigmatise l’inexistence de règles de droit prescrivant une obligation d’originalité. Certes, le Règlement d’exemption du 22 décembre 1999 vise un caractère relativement secret du savoir-faire dans sa globalité, mais sans que chacune de ses composantes n’ait à être secrète… et encore faut-il que le droit européen soit applicable29, (même s’il est vrai que s’il ne l’est pas, les juges français s’en inspirent30). La Cour enfonce le clou en notant que l’originalité n’est exigée ni dans les produits ni dans les méthodes. En statuant ainsi, le juge a ratifié une situation de fait. Ces dernières années, on a pu en effet constater que l’exigence d’originalité ne paraît faire surface que lorsque le franchiseur n’est pas convaincant sur sa compétence ; elle vient s’ajouter à des constats d’inefficacité du savoir-faire ou des manquements importants du franchiseur à ses obligations.

27 Paris, 7 juin 2006, in Numéro spécial, Droit de la franchise : LPA 15 nov. 2007 p. 25, "la circonstance que lesdites techniques soient transférées oralement aux franchisés aux cours de stage de formation est sans influence sur la réalité du savoir-faire considéré" 28 Versailles, 11 mai 2006, JCP E 2006, pan. n°2550 29 Sur cette notion, voir notamment D. Baschet « La franchise : guide juridique, conseils pratiques » p.297 à 304 30 Cons. Conc. Déc. N° 96-D-36, BOCCRF 20 août 1996, p.408 ; P. Arhel, « L’influence de la réforme communautaire des restrictions verticales sur le droit national », LPA 30 novembre 2001, p.23 et s. ; N. Kouchnir-Cargill et C. Guet « La nouvelle approche du Conseil de la concurrence en matière de restrictions verticales », JCP E n° 3-2002 p.7 et s. ; Y. MAROT « Dans quelles mesures la réglementation européenne peut-elle être applicable aux accords de franchise produisant des effets uniquement sur le territoire français » ; La lettre de la FFF, n° 136 avril 2002 p.2 et s.

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2 – MIMÉTISME, EFFICACITÉ ET SAVOIR-FAIRE IDOINE

De nombreux éléments justifient de fortes ressemblances entre les réseaux performants (a). Il y aurait presque UN savoir-faire idoine, générique, pour les réseaux de qualité (b).

a – La tendance au mimétisme

Nous sommes passés de 34 à 1141 réseaux de franchise entre 1970 et 200731. Naturellement, la multiplication des acteurs sur de mêmes créneaux, et un classique effet de mode, ont induit une baisse notable de l’originalité des concepts. La forte concurrence engendre une surveillance permanente des réseaux entre eux. Panurge ayant ses adeptes, une forme de mimétisme banalise les savoir-faire. Un franchiseur plus rapide qu’un autre pour trouver une solution adéquate dans son domaine d’activité est vite copié. La duplication est d’autant plus aisée que certains acteurs de la franchise, salariés, fournisseurs, prestataires divers ne sont pas nécessairement attachés à une enseigne. La mobilité des intervenants d’un réseau à l’autre est forte. Les clauses de non-divulgation de savoir-faire insérées dans les contrats n’empêchent pas sa porosité. S’agissant plus de stratégie ne bénéficiant d’aucune protection, que de méthodes techniques, la violation d’une obligation de secret est difficile à démontrer. Le mimétisme s’explique aussi par l’existence de deux métiers du franchiseur. Ce dernier est professionnel de la branche d’activité (coiffeur, restaurateur, etc.). Mais il est aussi l’organisateur du réseau. Dans ce deuxième rôle, il doit valoriser la relation humaine, l’image de l’enseigne et une bonne application du concept pour pérenniser l’engagement du franchisé. Le savoir-faire d’organisateur de réseau n’est pas transmissible au franchisé, mais bien des stratégies de fonctionnement sont connues de tous les franchiseurs. Ceux-ci ont au moins la conscience intuitive d’une perte partielle d’identité puisque nombre d’entre eux semblent vouloir la compenser en multipliant les services rendus aux franchisés. Aide à la gestion, à la recherche de clients, au recrutement etc. Ils utilisent des logiciels extrêmement performants qui leur permettent d’assurer les fonctions de contrôle, d’assistance et de formations. Certains chefs de réseau deviennent parfois intrusifs et les franchisés s’en accommodent 31 Fédération Française de la Franchise, Toute la franchise 2008, p.18

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parfaitement..., du moins tant que tout va bien. Les risques de requalification de contrat de franchise en contrat de travail ou du franchiseur en gestionnaire de fait de l’unité franchisée ne sont pas négligeables32. La tendance à l’uniformité est encore renforcée par un souci de rigueur et de compétence de plus en plus partagé en raison d’une volonté d’atteindre LE savoir-faire idoine.

b – La recherche commune du savoir-faire idoine

La structuration et l’actualisation permanente du savoir-faire sont indispensables aux deux métiers du franchiseur. Elles permettent parfois de maintenir, au moins pour un temps, un savoir-faire original. Mais si ces qualités sont une clef d’adaptation au marché et à la concurrence, car elles optimisent les métiers, elles constituent aussi un vecteur de banalisation du savoir-faire en induisant les acteurs à mettre en oeuvre des stratégies proches. La convergence des savoir-faire est facilitée par le besoin d’excellence du franchiseur, à qui il incombe de permettre à d’autres de réussir durablement comme il a réussi. Ce besoin conduit les meilleurs chefs de réseau à affiner des procédures de fonctionnement au niveau des moindres détails de l’exploitation du concept, dans une logique de perfection. La qualité des résultats du franchiseur est améliorée par de telles procédures33. Mais en cherchant les meilleurs moyens d’exploiter une même activité, les franchiseurs cristallisent bien des points communs entre eux. 32 Le risque de requalification du contrat de franchise en contrat de travail n’est jamais loin. Ainsi, en a-t-il été, sur le fondement de l’article L. 781-1.2 du Code de travail, pour ce réseau de transport de petit colis, France Acheminement dont le franchiseur organisait quasiment toute l’activité (Montpellier, 15 décembre 2004, JCP G n° 22, 1er Juin 2005, IV 2231 ; Toulouse, 13 octobre 2006, in Dossier spécial de la franchise : LPA, 15 novembre 2007, p.12). Il en a été de même notamment pour une chaîne d’hôtels où il a été jugé que les franchisés « ne disposaient d’aucune autonomie réelle dans la gestion de l’hôtel […], qu’ils devaient recueillir l’accord de la société (franchiseur) pour tout engagement ou paiement, que cette société contrôlait la gestion de l’hôtel en adressant des directives dont elle contrôlait l’exécution, en effectuant des visites mensuelles, et en leur imposant de rendre compte de leur bonne exécution, et qu’en cas d’inobservation de ces directives, elle disposait d’un pouvoir de sanction… » La juridiction saisie a pu en déduire que le franchisé se trouvait placé « …dans un état de subordination à l’égard de la société… » (franchiseur) et qu’il était ainsi lié par un contrat de travail (Com, 16 janvier 2008 JCP E n° 30, 24 Juillet 2008, 1981). Certains franchiseurs se sont même vus attribuer une fonction de dirigeant de fait. Ainsi, la Cour d’appel de Pau a-t-elle constaté un état de dépendance économique de sociétés franchisées privées de toute initiative dans « la gestion de leurs recettes » pendant quatre mois. En l’espèce, le franchiseur qui avait commis des fautes de gestion a été condamné à supporter leurs dettes suite à la liquidation judiciaire dont elles ont été victimes (Pau, 29 février 2000). 33 Laboratoire d’Intelligence des Organisations de l’Université de Haute Alsace, sous la Direction de Jack Remoriquet (1998) « Le savoir-faire dans la franchise » Université de haute Alsace – LIO, Fédération Française de la Franchise. Différents réseaux de réparation et d’entretien automobile ont été analysés. Il en est résulté clairement un net bénéfice pour ceux dont les procédures de fonctionnement étaient mises en place à tous les niveaux.

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L’exemple de l’immobilier, devenu l’un des piliers de la franchise des années 2000 avec une multiplication exponentielle des agences, est significatif. Il y a quelques années déjà, est apparu l’écran de présentation de biens en vitrine. Aujourd’hui, une majorité de réseaux disposent de tels outils, comme ils disposent d’un site Internet avec présentation détaillée des biens. La convergence des savoir-faire peut aussi concerner l’actualisation de la stratégie contractuelle. Lorsque le Règlement d’exemption du 22 décembre 1999 a limité à 5 ans la validité des clauses de non-concurrence et d’approvisionnement exclusif, bien des franchiseurs ont calqué la durée de leur contrat type de franchise sur cette durée, alors même que la durée d’amortissement de l’investissement du franchisé est souvent plus longue !... Bien des réseaux s’accordent sur la nécessité de dire bonjour au client, de l’accueillir au mieux, de veiller à la présence du sel et du poivre sur chaque table, mais aussi sur des pratiques plus complexes comme l’élaboration de logiciels permettant le contrôle sur l’adéquation du franchisé au concept, avec, notamment, l’établissement de ratios de gestion. L’acuité à rechercher les meilleurs procédés, simples ou complexes, et à en contrôler au mieux l’application est un vecteur de convergence des savoir-faire. Dans ce contexte, la satisfaction du consommateur constitue le guide principal. Cette tendance à l’uniformisation n’est d’ailleurs pas réservée à la franchise. Il en est ainsi notamment pour la course automobile en Formule 1 où chaque modification du règlement aboutit à des adaptations similaires des constructeurs, ce, malgré des savoir-faire voulus particulièrement secrets. Même au niveau de simples véhicules de tourisme, on constate des ressemblances troublantes entre marques du fait d’une conception optimisée par ordinateur. Les savoir-faire des réseaux se chevauchent ainsi allègrement. La pluie de Marques et d’Enseignes qui nous inonde est-elle seulement compatible avec une quelconque forme d’originalité ? Si chaque franchiseur trouvera, à un moment donné, des procédés qui lui seront spécifiques, la proximité des autres réseaux ne rendra l’originalité guère plus pérenne que la rose, en dehors des rares cas de savoir-faire techniques pouvant faire l’objet d’un dépôt de brevet.

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Pour autant, il ne paraît pas justifié de s’en inquiéter. Même devenu banal, le savoir-faire du franchiseur peut être très efficace. Les meilleurs réseaux expérimentent longuement chaque procédé, ils tirent profit des retours d’expérience des franchisés et agrémentent progressivement leur concept de qualités qui s’inscrivent dans le savoir-faire idoine du moment, celui qui, pour une activité déterminée cadre au mieux avec la double attente, du franchisé et du consommateur ; celui qui s’impose à l’élite. On peut certes opposer qu’à l’image de celui de la musique, le domaine du savoir-faire peut se décliner à l’infini, ce qui devrait exclure, a priori, toute similitude de savoir-faire entre les réseaux. Mais les franchiseurs ne sont, en principe, pas des artistes. Il est beaucoup plus difficile de créer des concepts originaux lorsque la combinaison des notes doit être source de profit pécuniaire. Sans art, le franchiseur compétent se différencie par son acuité à réussir en mettant en œuvre sérieusement et harmonieusement des procédés, en général connus. Le savoir-faire idoine est générique. A l’époque des normes – ISO ou autres –, les franchiseurs se forment avec assiduité. Il arrive que pour les mêmes domaines, ils aient les mêmes formateurs. Ils veillent à ce que leur personnel reçoive une formation adéquate et sont sensibilisés à la nécessité d’exploiter un savoir-faire avant tout adapté au contexte ambiant, nuancé et actualisé en permanence. Ils savent que le respect des procédures est efficient. Ce contexte incline à la similarité, et la crainte de banalité est occultée par une obligation d’efficacité. Paradoxalement, l’instauration d’une rigueur dans l’élaboration et la conduite d’un savoir-faire tend à exclure toute originalité. Exiger que les savoir-faire efficaces soient également originaux, reviendrait à interdire le système de franchise à nombre de bons professionnels. La plupart des chefs de réseaux performants ne cherchent d’ailleurs plus l’originalité à tout prix, même s’ils s’en prévalent ostensiblement quand ils en sont pourvus. Ils misent désormais sur la qualité de leur fonctionnement. Il convient donc de s’attacher aux critères de validation du savoir-faire désormais les plus couramment retenus par le juge.

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II. LES ENJEUX D’UN SAVOIR-FAIRE GÉNÉRIQUE

Plus n’est besoin de l’originalité pour qu’un savoir-faire soit validé. La jurisprudence fait émerger un faisceau de critères pragmatiques de validation fondé sur l’efficacité (A). Ceux-ci favorisent la sécurité juridique au niveau des sanctions (B)

A – DES CRITÈRES PLUS PRAGMATIQUES

Satisfaction (1), résultats du réseau et qualité des prestations du franchiseur (2) sont désormais les critères essentiels de validation.

1 - VALIDATION SUR L’INDICE DE SATISFACTION

La validation du savoir-faire peut être justifiée par la satisfaction des autres franchisés (a) ou celle du consommateur (b).

a - Validation au vu de la satisfaction des franchisés

La validation la plus simple est réalisée lorsque le franchisé contestataire sur la qualité du savoir-faire se voit opposer des justificatifs de son parfait contentement et de la qualité de la formation et de l’assistance reçues. Les franchiseurs ont coutume désormais de faire remplir des fiches de satisfaction ou d’insatisfaction à la suite des formations et de certaines opérations d’assistance. Lorsque, stratégiquement, le franchisé conteste la qualité du savoir-faire, il a le plus souvent oublié ses déclarations élogieuses… Le juge les lui rappelle en rejetant ses demandes. Ainsi, a-t-il été jugé34 « Considérant que les appelantes ne contestent ni avoir utilisé l’enseigne E…P… et les signes distinctifs » … « ni avoir aménagé leur magasin en suivant les spécifications du franchiseur ; qu’elles ne se plaignent pas de la formation initiale ; que, tout au contraire, B… a écrit à O… le 19 octobre 1998 « Nous tenons par la présente à formuler notre satisfaction quant au lancement de 34 Paris, 23 nov. 2006, in Numéro spécial, Droit de la franchise : LPA 15 nov. 2007, p. 25

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notre magasin de Boulogne tant pour votre aide à la réalisation de cet excellent outil de travail que pour l’efficacité des équipes qui vous entourent » »… Quel bel aveu de qualité de savoir-faire !... Lorsque l’on connaît l’hostilité des juges à l’égard d’une argumentation incohérente mettant en exergue la mauvaise foi du plaideur, on sait bien que la production de ce type de pièces démontrant la satisfaction du franchisé a un effet rédhibitoire sur la demande de ce dernier. La validation peut résulter aussi de la satisfaction des autres franchisés du réseau. Ainsi, une société franchiseur d’un concept de vêtements de sport issu des Etats-Unis s’est vue reprocher un savoir-faire inefficient en France. Pour écarter les griefs du franchisé et valider le concept, le juge a noté qu’un manuel opératoire avait été remis au franchisé, que des réunions de travail avaient été organisées, que le franchisé bénéficiait d’une assistance continue au moyen de bulletins de liaison, de réunions et de stages de formation, que les méthodes initialement mises au point aux Etats-Unis avaient été adaptées à la clientèle française depuis 1981, et qu’enfin une attestation du Président de la Fédération Française de la Franchise disposait que « l’admission de la société A… parmi les membres de cette fédération n’a pu être acceptée qu’après enquête auprès de ses franchisés notamment quant à l’exécution du savoir-faire transmis »35. Clairement, la juridiction saisie a considéré qu’elle avait affaire à un franchiseur sérieux.

La décision a panaché plusieurs critères, mais il est intéressant de constater l’importance qu’elle accorde à la satisfaction des franchisés. Il est vrai que lorsque ceux-ci ne sont pas satisfaits, ils le font savoir avec véhémence. En corollaire, leur contentement doit être pris au sérieux.

b – Validation au vu de la satisfaction du consommateur

Le consommateur a pouvoir de vie ou de mort sur un réseau. Si le concept ne lui convient pas, il le boude. Le candidat à la franchise doit connaître la perception du consommateur sur le type de produits commercialisés. Celle-ci peut se déduire de la réputation du réseau. Ainsi a-t-il été jugé par la Cour de Paris36, pour valider le concept de

35 Paris, 22 sept. 1992 - JurisData n° 1992-022775 36 Paris, 1er décembre 1989, RG n°88/26905

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formation Pigier, que celui-ci « donnait aux élèves la certitude qu’il n’y aura pas de dérapage quant à la qualité de l’enseignement dispensé ».

2 – VALIDATION AU VU DES RÉSULTATS DU FRANCHISEUR ET DE LA QUALITÉ DE SES PRESTATIONS

Les résultats du franchiseur (a) comme les indices de qualité de sa prestation (b) constituent aussi des critères de choix pour la validation du savoir-faire.

a – Les résultats

Le franchiseur doit apprendre au franchisé à réussir comme lui-même a réussi. La Cour de Paris a jugé récemment que l’« efficacité commerciale » est essentielle, peu important que le procédé fût simple37. Il s’agissait en l’espèce d’un concept de bijouterie fantaisie. Un résultat, même limité au maintien du réseau sur le marché, peut suffire à valider un savoir-faire. Ainsi, à propos d’un concept d’épilation, il a été jugé que même si les espérances de succès envisagées par le franchiseur n’ont pas été comblées, le concept n’est pas privé « de toute valeur, laquelle est d’ailleurs suffisamment établie par la survivance du réseau »38. Le critère du résultat est le plus séduisant mais il n’est pas toujours applicable. En effet, lorsque le franchisé assigne le chef de réseau, ses propres résultats sont en général mauvais. De plus, une conjoncture nationale difficile peut fragiliser ceux du réseau dans son ensemble, sans nécessairement que le franchiseur ne soit incompétent. Dès lors, si les bons résultats seront en général synonymes de qualité du concept, les mauvais ne l’invalideront pas automatiquement. Le franchiseur, tenu par une obligation de moyens, doit démontrer la qualité de ses prestations.

37 Paris, 7 juin 2006, in Numéro spécial, Droit de la franchise : LPA 15 nov. 2007 p. 25, "la circonstance que lesdites techniques soient transférées oralement aux franchisés aux cours de stage de formation est sans influence sur la réalité du savoir-faire considéré" 38 Paris, 23 novembre 2006, in Numéro spécial, Droit de la franchise : LPA 15 nov. 2007, p. 25

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b – Validation sur des indices de qualité de la prestation du franchiseur

Pour être performant, le franchiseur doit avant tout avoir expérimenté son savoir-faire à tous les niveaux (adaptation de l’emplacement, signe de ralliement de la clientèle, approche du consommateur, communication, formation, animation, positionnement par rapport à la concurrence, etc.). Il est d’usage que les tests soient réalisés à partir d’établissements pilotes qui permettent de cibler les avantages et inconvénients du concept et d’en apprécier tous les coûts. Une bonne expérimentation du savoir-faire, démontrée, peut favoriser sa validation39. La qualité de la transmission du savoir-faire, de la formation et de l’assistance apportées au franchisé - qui lui fournissent les moyens de réussir et d’être en permanence au fait des dernières innovations - constitue un autre critère de validation. S’agissant d’une franchise de location de véhicules, la Cour de Paris40 a validé la transmission d’un savoir-faire, retenant que le franchisé avait suivi une formation et reçu, pendant l’exécution du contrat, différents documents actualisés mettant à jour le savoir-faire. Dans ce contexte, elle a renversé la charge de la preuve de la bonne fin de l’obligation d’assistance du franchiseur, en la mettant à la charge du franchisé : « considérant que, s’agissant du défaut allégué d’assistance […] M.L. ne rapporte, par aucune pièce ou attestation probante, la réalité des manquements qu’il invoque… ». Ainsi que le rappelle un auteur41, la réalité et le sérieux du savoir-faire s’apprécient également par l’organisation « mise en place par le franchiseur pour transmettre son savoir-faire et assurer à ses franchisés son assistance continue (école et stages de formation, organisation de nombreuses réunions, visites régulières des magasins des franchisés) ». Le juge apprécie les critères de manière globale. Il doit émaner du réseau une impression de sérieux. Dans ce cadre, l’ancienneté du réseau peut constituer un critère42. Dans un monde d’affaires difficile, 39 Paris, 23 févr. 1979, LPA 23 juil. 1979, n° 88, p.3 note J. Guyenot 40 Paris, 21 juin 2006, RG n° 04/16234 41 Dominique BASCHET, La franchise, Guide juridique Conseils pratiques, Gualino p.146 42 Paris, 9 mai 2001, RG n° 99/016415 ; Paris, 18 juin 1992, RJDA 1993 n° 106

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l’existence d’un réseau depuis plusieurs années est un gage de compétence, de même que sa notoriété43. Ainsi, plusieurs éléments périphériques au savoir-faire concourent à sa validation. En leur absence, un savoir-faire de moyenne qualité peut facilement être rejeté. Ainsi, récemment, la Cour de Cassation44 a fait renaître l’exigence d’originalité, dans un contexte où il n’y a pas eu d’exécution du contrat. En l’espèce, il s’agissait d’un contrat de franchise dit de « sous-licence sous conditions », assorti d’une condition suspensive tenant à l’ouverture du magasin. Le magasin n’a jamais été ouvert et le franchisé a demandé la restitution du droit d’entrée qu’il avait payé. Le franchiseur s’y est opposé sur le fondement d’une transmission de son savoir-faire au franchisé. Pour faire droit à la demande du franchisé, le juge du fond, suivi par la Cour de Cassation, a estimé que le savoir-faire manquait de consistance et d’originalité et qu’il n’était que « le résumé d’un traité de boulangerie ». Il est probable que si le contrat avait été exécuté pendant un certain temps, avec des prestations de qualité de la part du franchiseur, l’issue eut été différente… Si le franchiseur peut théoriquement limiter contractuellement le domaine de son savoir-faire, la tendance actuelle à transmettre au franchisé toute la chaîne de compétences nécessaires à l’exploitation de son unité est opportune. Il convient bien sûr, que l’apport du franchiseur soit potentiellement efficient à tous les niveaux du concept, y compris les plus élémentaires et qu’il se réalise dans le respect de l’indépendance juridique de son partenaire. Le chef de réseau doit donc se garder de se focaliser sur une recherche d’originalité. La qualité d’un savoir-faire se mesure bien moins à sa singularité qu’aux moyens qu’il procure à l’ensemble du réseau en vue de sa réussite. Cela simplifie la tâche du juge au niveau des sanctions qu’il peut être amené à prononcer.

B. DES SANCTIONS MOINS ALÉATOIRES

La déficience de savoir-faire engendre le plus souvent soit la nullité du contrat de franchise sur le fondement de l’absence de cause ou d’objet, soit, plus rarement, sa requalification ou sa résiliation (1). En toute

43 Paris, 9 mai 2001, préc. 44 Cass. Com, 26 juin 2007, arrêt n° 06-13.211

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hypothèse, la sécurité juridique est plus grande sans le besoin d’originalité du savoir-faire (2).

1 – TROIS TYPES DE SANCTION

Nous dénombrerons trois types de sanctions (a), et leurs effets (b).

a - Les sanctions

Le savoir-faire est le pivot du contrat de franchise. De sa validité dépend celle de la relation de franchise dans son entier. A une époque où les faux franchiseurs, sans réel savoir-faire, étaient légion, le juge multipliait les nullités. Cela a donné lieu à une jurisprudence fournie.

i. La nullité est la sanction la plus fréquente. Le juge utilise souvent le fondement de l’absence de cause visée à l’article 1131 du Code civil, pour sanctionner les contrats de franchise de nullité45. Il se fonde également sur l’article 1108 du Code civil, selon lequel le contrat doit avoir « un objet certain qui forme la matière de l’engagement ». L’objet constitue une des conditions de validité de la relation. C’est ainsi que la Cour Suprême a annulé un contrat de franchise dont l’objet était considéré indéterminé46. Les nullités de contrat liées à l’absence d’objet sont nombreuses. La Cour d’appel de Montpellier47 a annulé un contrat de franchise dont le savoir-faire ne correspondait en rien aux promesses du franchiseur. En l’espèce, ce dernier s’était engagé à livrer un concept réduisant de 75 % le temps de travail en permettant de diminuer la masse salariale. S’estimant trompé, le franchisé a demandé la désignation d’un expert qui a conclu que le concept en cause ne pouvait apporter qu’une économie de masse salariale limitée à 10 %... La Cour en a conclu que le concept ne correspondait pas à l’objet du contrat et devait être annulé.

45Com., 26 juin 2007, in Numéro spécial, Droit de la franchise préc., p. 24 ; Contrats , conc., consom. 2007, comm. 299, note M. Malaurie-Vignal ; Paris 25 févr et 11 juin 1992 3è et 5è esp., D.1992 somm. p.392, obs Ferrier ; Com. 10 mai 1994, RJDA 1994 n° 995 ; Com, 30 janv. 1996, JCP E 1996 II, 825, note Jamin ; Com., 26 mars 1996, Contrats, conc., consom. 1996, comm. 98, note Leveneur ; RJDA 1996, n° 911 46 Com., 21 mars 1995, RJDA 1995, n° 1193 (le concept n’était qu’à l’état de projet lors de la signature du contrat) Versailles 7 mars 2002, DRDA 2002/10 n° 10 p.7 ; RJDA 2002 n° 756. 47 Montpellier, 7 janvier 2003, RG n° 01/05153

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ii. La requalification de la convention de franchise en contrat de licence de marque48 ou d’enseigne49 , en contrat de fourniture assorti d’un droit d’usage de la marque et de l’enseigne50, de mise à disposition d’un signe de ralliement de la clientèle51, ou de gérance salariée52, est parfois mise en oeuvre par le juge. iii. La résiliation du contrat, plus courante, peut enfin être prononcée pour inexécution fautive au visa de l’article 1184 du Code civil53. La résolution paraît évidente lorsque le contrat de franchise lui-même prévoit cette hypothèse de sanction en cas de non transmission de savoir-faire54. Elle s’impose aussi lorsque le franchiseur ne prouve pas qu’il a effectivement transmis un savoir-faire au franchisé55.

b - Les effets des sanctions

La requalification du contrat en contrats divers et la résiliation engendreront des dommages-intérêts dont le montant est apprécié selon nos règles classiques qui imposent de justifier d’un préjudice et d’une relation de cause à effet avec la déficience reprochée.

Lorsque la nullité est prononcée, le contrat est censé n’avoir jamais existé. Le franchiseur doit rembourser au franchisé le montant des droits d’entrée et des redevances perçues. Le chef de réseau peut aussi être condamné à lui payer des dommages intérêts en fonction du préjudice justifié. Mais les franchisés ont, semble-t-il, du mal à apporter cette justification. Ainsi, pour un savoir-faire sans consistance, une décision56 a fait droit aux demandes de restitution de toutes les sommes versées par le franchisé au franchiseur, mais a refusé les demandes de dommages intérêts supplémentaires, aucun préjudice n’étant démontré à ce titre.

48 Versailles, 7 mars 2002, RJDA 2002 n° 756 49 T. Com Paris, 3 mai 1994, Gaz. Pal 27 juil. 1994. 50 Paris 7 juin 1990, IRP. 176 51 T. Com Paris, 3 mai 1993, Gaz. Pal 1994, 2, somm p. 460 52 Cass. Com 3 mai 1995, D. 1997, jurispr., p.10, note Amiel-Cosme ; D. 1997 Somm., p.57, obs Ferrier 53 Cass. Com. 24 mai 1994, Contrats , conc., consom. 1994, comm 191, obs. Leveneur 54 Paris, 19 juillet 2006, Contrats , conc., consom. 2007. comm.9, obs. M. Malaurie-Vignal 55 Nîmes, 14 févr. 2006, In Numero Spécial droit de la franchise LPA 9 nov. 2006, p.10 ; Com. 27 janvier 1998, Bull. Act. Lamy droit économique, 1998 n° 213, p.7 s., obs. P. Storrer ; Nîmes, 14 févr. 2006 56 Toulouse, 7 décembre 2004, RG n° 03/02244

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Sanctionnant par la nullité un contrat de franchise du fait de l’absence de savoir-faire, une autre juridiction57 a ordonné le remboursement de l’intégralité des sommes versées par le franchisé au franchiseur, sans toutefois faire droit à la demande de dommages intérêts supplémentaires, là encore du fait de l’absence de justificatifs d’un préjudice.

Il arrive que l’absence de savoir-faire prenne une tournure pénale. Ainsi, à propos d’un concept de bijouterie fantaisie58, un pseudo franchiseur a-t-il été condamné à trois ans de prison ferme pour avoir trompé ses franchisés à plusieurs niveaux dont celui du savoir-faire. Le tribunal a souligné notamment l’absence d’un savoir-faire organisationnel permettant au pseudo chef de réseau de créer, d’animer et de pérenniser un réseau en relation avec le concept de franchise. Le fait d’entretenir auprès des candidats l’espoir de leur transmettre un savoir-faire apparaissait dès lors comme frauduleux. En l’espèce, le montant des condamnations au bénéfice des franchisés s’est élevé à plus de trois millions d’euros. De plus, la Fédération Française de la Franchise, constituée partie civile, a été reçue et déclarée fondée dans sa demande de condamnation à l’euro symbolique. Quelle que soit la sanction, la disparition progressive du critère d’originalité favorise une plus grande sécurité juridique.

2 – L’EFFICACITÉ FACTEUR DE SÉCURITÉ JURIDIQUE

Il est beaucoup plus difficile pour le juge d’apprécier de l’originalité d’un savoir-faire en vue d’une sanction (a) que de vérifier s’il est bien en présence d’un savoir-faire efficace (b)

a - La difficulté à juger de l’originalité d’un savoir-faire

La notion d’originalité peut être fluctuante, au gré des créations auxquelles les juges l'appliquent. 57 Montpellier, 27 novembre 2001, RG n° 00/05196 58 Trib. Corr. Grasse, 18 décembre 2007, Franchise Magazine, 30 janv. 2008, « Blue Spirit France : l’absence de savoir-faire est au centre du délit », Me O. Tiquant et Me S. Meresse

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Traditionnellement, l'originalité s'apprécie au travers d'un prisme exclusivement subjectif, l'empreinte de la personnalité de l'auteur révélée par l'œuvre. Rechercher un ou plusieurs critères révélant l'originalité de n'importe quelle œuvre, artistique ou à vocation purement commerciale est un vœu pieux. Tout au plus certains indices pourront mettre le juge sur la voie, dont le premier sera la nouveauté, une forme d’originalité temporaire. Le juge n’a pas été formé au savoir-faire comme le franchiseur ou le franchisé. En principe, il n’a pas non plus de formation dans le domaine d’activité commerciale concerné. Se prononcer valablement sur l’originalité d’un savoir-faire, dans un contexte où deux avocats compétents soutiennent avec intelligence deux thèses opposées basées sur des arguments essentiellement subjectifs, relève d’un tour de force. Seule une expertise pourrait répondre utilement à une interrogation sur l’originalité. Mais on le sait, le processus est fort long, et le plus souvent coûteux. La mise en retrait de l’originalité comme critère de validité du savoir-faire, au profit de son efficacité, rend la tâche de la juridiction saisie plus aisée.

b – La simplicité à juger de l’efficacité d’un savoir-faire

Pour juger de l’efficacité du savoir-faire, des critères objectifs permettent de limiter considérablement l’aléa judiciaire. Ainsi, les résultats du franchiseur, ceux de chacun des franchisés du réseau, et même, dans certains cas ceux du franchisé concerné par le procès peuvent constituer de sérieux éléments de preuve. Lorsque la conjoncture nationale est mauvaise, le juge peut vérifier que dans une conjoncture normale, le savoir-faire a été profitable. Analyse des bilans, attestations de franchisés, satisfaction du consommateur. Les moyens sont simples et convaincants. Ainsi, tant au niveau de l’exploitation du concept, qu’à celui des sanctions à appliquer, l’évolution constatée vers la recherche du savoir-faire idoine est positive pour la franchise. Dans ce contexte, le savoir-faire du franchiseur peut être défini simplement comme une combinaison expérimentée de moyens identifiés et structurés, apte à conduire chacun des maillons d’un réseau de franchise au succès.

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Hubert BENSOUSSAN Avocat au Barreau de Paris