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TEODOR-FLORIN ZANOAGA UNIVERSITÉ PARIS SORBONNE (PARIS IV) ÉQUIPE D’ACUEIL 4080 «LINGUISTIQUE ET LEXICOGRAPHIE LATINES ET ROMANES» [email protected] Gesellschaft für Sprache und Sprachen (GeSuS) Linguistik Tage 2-4 Mars Freiburg-im-Breisgau

TEODOR-FLORIN ZANOAGA UNIVERSITÉ PARIS SORBONNE (PARIS IV) ÉQUIPE DACUEIL 4080 «LINGUISTIQUE ET LEXICOGRAPHIE LATINES ET ROMANES» [email protected]

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TEODOR-FLORIN ZANOAGAUNIVERSITÉ PARIS SORBONNE (PARIS IV)

ÉQUIPE D’ACUEIL 4080 «LINGUISTIQUE ET LEXICOGRAPHIE LATINES ET ROMANES»

[email protected]

Gesellschaft für Sprache und Sprachen (GeSuS) Linguistik Tage2-4 Mars

Freiburg-im-Breisgau

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Université Albert Ludwigs

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Le but de cette présentation est de montrer quelques mots du vocabulaire de la magie et des superstitions relevés en français antillais littéraire.

Le glossaire que nous avons rédigé a pour but non seulement de synthétiser les informations trouvées dans divers dictionnaires (sens, origine, étymologie, attestations), mais aussi de compléter, dans la mesure du possible, les lacunes de l’étude diachronique et synchronique de ces mots.

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Notre corpus est constitué de trois romans, les plus représentatifs de l’écrivain guadeloupéen Ernest Pépin :

L’Homme-au-bâton (Paris, Gallimard, 1992), pour lequel l’écrivain a remporté le prix des Caraïbes,

Tambour-Babel (Paris, Gallimard, 1996), qui a obtenu le Prix RFO du livre

et

L’Envers du décor (Paris, Du Rocher / Le Serpent à Plumes, 2006).

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MÉTHODOLOGIE

Le modèle de glossaire que nous avons employé dans notre recherche est

celui proposé par André Thibault dans l’article « Glossairistique et

littérature francophone » paru dans la Revue de linguistique romane, n°70

(2006), 143-180.

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Voici le schéma général d’un article :

 ENTRÉE (catégorie grammaticale)

1. “Premier sens du mot rencontré dans le corpus.”

 Contexte (page du roman d’où ce contexte a été extrait)

2. Deuxième sens du mot rencontré dans le corpus (le cas échéant)

Contexte (page du roman d’où ce contexte a été extrait)

Remarques (REM.)

Dans cette partie nous avons inclus des observations portant sur la graphie, la phonétique, la morphologie grammaticale et lexicale et sur les rapports que tel ou tel mot entretient avec le français de référence.

 

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Rubrique encyclopédique (ENCYCL.)

Les informations fournies dans cette partie pourraient faciliter la lecture des

romans d’E. Pépin et être une source d’informations pour les lecteurs qui sont

peu familiarisés avec les réalités des Antilles françaises.

Francophonie (Francoph.) Dans cette rubrique, nous avons marqué les

régions francophones où tel ou tel mot est attesté, notamment les régions

francophones d’Afrique.

 

 

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Commentaire historique et comparatif

Les observations faites dans le cadre de cette rubrique portent sur :

– l’origine du mot ;

– la première attestation dans des sources métalexicales ou des ouvrages qui font références à l’espace antillais. GRL (Google Recherche de Livres) a été un outil de recherche très important pour cette partie du commentaire, étant donné que les sources écrites en français littéraire antillais ont été peu dépouillées.

– la mise en perspective du mot par rapport au reste de la Francophonie ;

– l’existence d’autres formes et acceptions possibles pour le mot.

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Bilan bibliographique (BBG.)

Cette rubrique contient une liste chronologique des sources utilisées pour la présentation de chaque entrée figurant dans le glossaire, par ordre alphabétique.

Précision de nature méthodologique:

Concernant la structure des articles, nous voulons attirer l’attention sur le fait que les définitions proposées s’appliquent au(x) contexte(s) dans le(s)quel(s) le mot a été relevé mais nous avons essayé, autant que possible, de présenter aussi les autres sens de tel ou tel mot du glossaire, s’ils en existent.

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LISTE DE MOTS ANALYSÉS

amarrement N. m.amener-venir / méné-vini N. m.bain(-)démarré N. m.gadèzafè N. m. loa N. m.maliémin N. m., f.maledictionné N. m.manman-dlo N. m.marabouté N. m.protègement N. m.quimboiseur N. m.séancier N. m.soucougnan N. m.vaudou N. m. / Adj.zombi(e) N. m.zombifié Part. passé adj.

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AMARREMENT N. m.

“Sorcellerie”.

 

«— Ce n’est pas malchance, oh ! Ça c’est une affaire de main sale, un amarrement raide-raide. Un coup de maître-sorcier ! Pour Éloi c’est coda, coda, fini à tout jamais ! » (Tambour, 127)

 

■ Innovation lexématique réalisée par dérivation à partir du vb. trans. amarrer “envoûter” avec le suff. -ment exprimant l’action et son résultat.

 

BBG. Absent de toutes les sources consultées.

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AMENER-VENIR / MÉNÉ-VINI N. m.

“Produit végétal destiné à attirer une personne aimée”.

 « Des bas noirs pour un enterrement, un chapeau pour une première communion, une bouteille d’eau de Cologne et souvent un méné-vini ou un talisman. » (Homme, 47)

 

― Emploi métaph.

 

« À même la distillerie où, goutte à goutte, ton sang de femme fait sa magie de méné-vini, d’amener-venir. » (Tambour, 112)

 

 

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■ Nom formé par changement de classe grammaticale à partir du vb. sériel amener-venir / méné-vini. La reprise du nom méné-vini par son équivalent du français régional, amener-venir, dans la dernière citation de notre corpus, est un indice d’une intention explicative de l'auteur qui désire avertir ainsi le lecteur que les deux mots renvoient dans le contexte au même référent.

 

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BBG. «sorte d'herbe, Merremia dissecta (Jacq.) Hall. f. (Convolvulaceae)», «produit préparé spécialement avec l'herbe ci-dessus pour susciter l’amour de quelqu'un et l'attirer; philtre d'amour»; «parfum (vendu en flacon) censé attirer la personne aimée» Tourneux / Barbotin 1990 s.v. menné-vini; «produit préparé spécialement pour susciter l'amour de quelqu'un pour soi et l'attirer» Barbotin 1995 s.v. méné-vini; «‛liane-amande-amère’ (Merremia Dissecta): on en fait une lotion à laquelle on attribue la vertu d'attirer les amours; utilisé pour séduire» Ludwig 2002 s.v. menné-vini; «philtre d'amour à base d'herbe du même nom» Barthèlemi 2007 s.v. mennen-vini; «poudre magique censée attirer à soi l'être aimé, philtre d'amour» Confiant 2007 s.v. mennen-vini1.

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BAIN DÉMARRÉ / BAIN-DÉMARRÉ N. m.« Bain qui libère des fils occultes » (Ludwig 2002 s.v. démaré, s.v. ben démaré). « Conseillèrent neuvaines, jeûnes, processions, voyages à Montréal et à Lourdes, pèlerinages, bains démarrés, etc. » (Tambour, 124)

« La ville dégourdissait ses membres et s’offrait un grand bain-démarré pour repartir d’un bon pied. » (Homme, 106)

 

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ENCYCL. Le bain démarré ou bain lustral a une fonction magique aux Antilles. Plus précisément, il sert à se débarrasser de ses ennuis et de tout ce qui est néfaste.  « À minuit, on part de chez soi tout nu (ou vêtu de haillons) pour aller se baigner dans la mer, en emportant une queue de morue. Si l’on est en haillons, on les abandonne dans l’eau. On se passe la queue de morue sur les parties sexuelles, puis, en sortant de l’eau, on se rhabille avec des vêtements convenables et on rentre chez soi. Normalement, on prend ce bain en groupe. Il se pratique souvent sous une forme édulcorée, sans queue de morue, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier. » Tourneux / Barbotin 1990 s.v. ben, s.v. ben démaré.

  

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■ Type lexical qui existe dans les créoles de l'aire atlantique (CG, CMG, CM v. BBG.) et qui se rencontre chez E. Pépin sous les formes bain démarré ou bain-démarré. Le mot est composé de bain n. m. “ablution”, nom appartenant au FR, et démarré, participe passé de vb. trans. démarrer “désenvoûter”, attesté en CM (v. Confiant 2007 s.v. démaré3) et dans Désormeaux3 1992 s.v. démaré («détacher, désenvoûter»).

 Les premières attestations du mot dans GRL date de 1951:   «C'est là qu'on va prendre le bain 'démarré' dont le but avoué est de

'démarrer' ou détacher la déveine persistante.» Eugène Revert, De quelques aspects du folklore martiniquais: la magie antillaise, [s.l.], [s. n.], 1951, 59.

  «'bain démarré' en créole 'bin démaré' qui est un bain pour détacher» Cahiers

de l'Association internationale des études françaises, n° 55 / 1951, Paris, Association internationale des études françaises, Diff. Les Belles Lettres, 171.

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BBG. Ø FEW 15/1 3b *AENMARREN; «bain que l’on prend en fin d’année ou à d’autres moments pour se ‘laver’ de la malveillance des forces occultes.» Telchid 1997 s.v. bain démarré; LetiAntilles 2000, 184; «bain de feuillages qui a la vertu de délivrer des maléfices.» Germain 1980 s.v. démaré, s.v. bain démaré; «Le ben démaré est un bain qui a pour fonction de dénouer un sort; il est prescrit et en général exécuté par un spécialiste; il est plus ou moins complexe et l'on retrouve dans sa composition les plantes de protection disposées près des habitations […].» Vilayleck 1999, 116 s.v. ben démaré; «Pratiques superstitieuses généralement commandées par les ‘quimboiseurs’, la première pour amener ou confirmer la chance, la seconde pour ‘démarrer’, c'est-à-dire ‘dénouer’ la malchance. Pour le détail de ce genre de croyances voir le livre de Paul Labrousse, Deux vieilles terres françaises (Guadeloupe et Martinique), Paris, 1935» Jourdain 1956, 254, s.v. bain de chance et bain démarré, note n° 4; «bain lustral, pour se débarrasser de ses ennuis et de tout ce qui est néfaste.» Tourneux / Barbotin 1990 s.v. ben, s.v. ben démaré;  

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«Pratique superstitieuse pour se débarrasser de ses ennuis et de tout ce qui est néfaste.» Barbotin 1995 s.v. ben démaré; «Bain qui libère des fils occultes.» Ludwig 2002 s.v. démaré, s.v. ben démaré; «bain désensorceleur, désenvoûteur (que l'on prend, en général, le jour de l'an, à l'embouchure d'une rivière ou au bord de mer)» Confiant 2007 s.v. ben-démaré.

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GADÈZAFÈ N. m. “Sorcier, medium, thérapeute”.  «Les gadèzafè faisaient fortune en proposant des protections variées à base d’hosties ou de calcium. » (Homme, 30) ■ Mot créole présent dans les créoles de l’aire atlantique (CG, CMG, CM v. BBG.) qui renvoie peut-être à l’idée que le sorcier est considéré aux Antilles comme un être doué de facultés psychiques lui permettant de percevoir des réalités supranormales, d’entrer en communication avec des esprits et de trouver des remèdes aux maladies (donc, il ‘regarde’ ou ‘garde’ les affaires). BBG. Tourneux / Barbotin 1990 s.v. gadè-d’zafè; «voyant qui utilise divers moyens (lecture de cartes, écriture automatique, invocation de 'saints', etc.) pour révéler l'avenir de ses clients. Littéralement, c'est un 'regardeur d'affaires'.» Désormeaux4 1992 s.v. gadézafè; Ludwig 2002 s.v. gadèzafé, gadèdzaf; «sorcier, guérisseur, voyant» Telchid 1997 s.v. gadè-d-z’affaires; Confiant 2007 s.v. gadè-d-zafè, var. gadé-zafè.

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LOA N. m.“Esprit, dans le culte vaudou”. « Chienne, bourrelle ou putain-manawa [prostituée], elle est comme Legba, le loa vaudou qui ouvre les barrières de la vie ! » (Tambour, 97)« Mon élève béninoise m’a enseigné l’histoire du roi Béhanzim et de ses amazones, les loas du vaudou et la porte du Non-Retour, l’Arbre de l’oubli […]» (Envers, 67)« Choucoune s’en est allé au pays des loas. » (Envers, 92) ENCYCL. Le loa se manifeste comme une force surnaturelle, anonyme qui s’abat sur l’individu. Celui-ci ne peut retrouver son équilibre qu’en renouant le dialogue avec lui. Pour cela, le pratiquant du vaudou doit lui donner un nom. Ainsi, il y a des loas de la famille, des grands-parents, du pays, etc. Perdre le dialogue avec le loa c’est perdre le dialogue avec la communauté, être livré à l’insécurité (Ce paragraphe est un résumé des idées trouvées dans JointVaudou 2002). 

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Francoph. Haïti. - Mot inclus par P. Pradel dans sa thèse dans le chapitre consacré aux haïtianismes à la page 161:

 

« Pour se rendre favorables les esprits ou loas, les adeptes du vodou organisent en leur honneur des cérémonies propitiatoires appelées services ou manger les âmes […]. » (161).

 

V. aussi DUF 1997 s.v. loa: «divinité, puissance surnaturelle dans le culte vaudou».

 

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■ René Hénane définit ce nom ainsi : « esprit qui prend possession du fidèle lors de la transe » (Hénane 2004 s.v. loa). Et il rajoute un bref commentaire portant sur la transe initiatique où se révèlent les loas :

 

« La transe initiatique a lieu dans le Djevo (chevaux, en créole haïtien), c’est-à-dire dans la chambre d’initiation. Là, l’initié devra devenir le cheval des ‘voix’, car ainsi est désigné celui qui est ‘monté’ par un loa, il en devient le cheval. » Willy Apollon, Le Vaudou – un espace pour les “voix”, Éditions Galilée, 1976, 102 d’après Hénane 2004.

   

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L'étymologie de ce mot est incertaine.

a) Jean Kerboull est l'adepte de l'origine française du mot:

 

«En fait, pourtant, il semble bien que le mot soit tout simplement le français ‘loi’ […] Il est possible toutefois que 'Loa’ (Loi) provienne de ‘Roi’ par alternance des lettres ‘L’ et ‘R’. Cette hypothèse est appuyée par les Index de Loas établis sur les Héritages familiaux d'esprits sacrés. » (Jean Kerboull, Le vaudou. Magie ou religion?, Paris, Éditions R. Laffont, 1973, 50).

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b) Dominique Fattier appuie l’ hypothèse qui fait provenir le mot Loa du fr. Roi, par la correspondance phonétique /r/ > /l/ qui, sans être constante, existe entre français et créole (par ex. ‘broquette’ > [blòkè], 'fronde' > [flõn]) et par le phénomène de variation libre entre les liquides /r/ / l/ qui se manifeste en CH (par ex. [rara / lara]) (cf. ALH, II, 1998, 589-590, 1342).

 

Toutefois, la chercheuse affirme qu'une étymologie africaine du mot peut être également avancée, en s'appuyant sur le livre de S. J. Joseph Fortier, Le mythe et les contes de Sou en pays Mbaï-Moïssala, Julliard, Fortier et Association des Classiques africains, 1967, 21: loa, qui est le nom générique des divinités vaudou pourrait être issu du nom du créateur des hommes, Dieu de l'orage et de la pluie, des populations sara, qui s'appelle Lóa (cf. ALH, II, 589-590, 1342).

L'hypothèse de l'origine congolaise a également été avancée (Cf. J. Verschueren, Le culte du Vaudou, 43, cité dans JointVaudou 1999).

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 BBG. Ø FEW. Jean Kerboull, Le vaudou. Magie ou religion?, Paris, Éditions R. Laffont, 1973, 50; Pompilus 1961; «êtres surnaturels, appelés parfois 'mystères', 'saints' ou 'anges', auxquels sont consacrés la plupart des rites du culte vaudou.» Désormeaux5 1992 s.v. loas; DUF 1997; JointVaudou 1997; ALH, II, 1998, 589-590, 1342; HurbonVaudou 2002; Hénane 2004.

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MALIÉMIN / MALIÉMIN N. [v. REM.]1. “Divinité du culte hindou de la Martinique”.  « Elle était sur le point d’aller se mettre toute nue sur un pont, à minuit, pour débarrer le chemin de sa vie, lorsqu’elle songea avoir oublié la toute-puissance de Maliémin. » (Tambour, 32) [une brève note en bas de page informe le lecteur que Maliémin a le sens de «déesse des cultes hindous originaire du sud de l’Inde» et que ce nom existe aussi sous la forme Mariémin]

« À l’issue de toutes ces roueries d’oiseau-Piade [espèce d’oiseau, Vireo altiloquus], la cérémonie eut lieu dans les terres lointaines de Capesterre où Shiva, Kali, Maliémin accomplissaient miracles sur miracles, transformant en gros richards de pauvres Indiens débarqués sans même une vache, mais avec de belles femmes à l’encens tourmenteur et des modèles d’implorations attrape-chance [qui apportent la chance] ! » (Tambour, 33) 2. “Fête consacrée à Maliémin, une divinité du culte hindou de la Martinique, pendant laquelle des animaux sont sacrifiés”.  « Il retrouvait les images d’un maliémin, des odeurs de sang de cabri [chèvre des Antilles] et de colombo et des visages d’Indiennes si belles et gracieuses. » (Homme, 41)

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REM. Maliémin étant à l’origine un mot créole, il est difficile d’établir son genre au passage en français régional. En tant que nom propre désignant une déesse, Maliémin devrait être en français un nom féminin. En tant que nom commun, il est masculin (v. l’exemple du 2e sens de notre corpus).

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ENCYCL. H. Poullet nous a témoigné dans son courriel du 29 janvier 2009 que cette déesse originaire du pays tamoul, qui représente la vie et la fécondité, mais qui n’y joue qu’un rôle secondaire, est devenue la divinité la plus évoquée parmi les hindous habitant les Antilles, à tel point que le seul grand temple hindou de Guadeloupe, qui se trouve à Capesterre, lui est dédié. Maliémin a la réputation d’être terrible, pouvant attirer autant des faveurs extraordinaires que les pires des malédictions.

 

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■ 1. Type lexical qui existe en CM (v. BBG.) et qui se rencontre chez E. Pépin sous la forme Maliémin. Le nom Maliémin est une déformation du mot hindou Mariamman sous lequel est connu cette divinité en Inde (cf. Laënnec 2000, 314). 2. Innovation lexématique formée par métonymie (le nom propre est devenu nom commun).

BBG. Arch. pers.; «divinité principale du culte hindou de la Martinique» Confiant 2007 s.v. Mariémèn, var. mayémen; Laënnec 2000.

 

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MALÉDICTIONNÉ N. m.

“Personne maudite”.

 

« […] ceux dont les mains sont tapissées de poils-fainéants, ceux qui pillent la nasse d’autrui et puis les matamores [vantard plus courageux en paroles qu'en actes], les arrogants, les aristocrates, les astiqueurs de puces [personne qui perd son temps avec des choses inutiles], les mendianneurs [mendiants], les malédictionnés et toutes les sortes d’inutiles abonnés par erreur à la vie des humains. » (Tambour, 90)

 

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■ Mot formé par changement de classe grammaticale à partir de malédictionné part. passé adj. du vb. *malédictionner, créé à partir du n. f. malédiction “action de maudire et le résultat de cette action” avec la dés. -er. Il existait en ancien français (v. BBG.). Toutefois, chez Ernest Pépin, il ne doit pas être interprété comme un mot du français d’autrefois. Son absence des dictionnaires créoles est un indice qu’il n’est pas vivant aux Antilles. Il s’agit plutôt d’un phénomène de polygenèse: le fait qu’il apparaît en ancien français est chez Ernest Pépin n’est qu’un coïncidence fortuite. Il est très probable que l’auteur l’ait inventé lui-même.

 

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BBG. FEW : 6/1, 85b : mfr. malédictionné (adj.) “couvert de malédictions” (1490, Molin). Ø BLF; Absent de toutes les autres sources consultées.

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MANMAN-DLO N. f.

“Personnage féminin de récits fantastiques antillais qui ressemble à la Sirène”.

 

« Croyaient en manman-dlo ! » (Envers, 127)

 

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ENCYCL. La manman-dlo est la protagoniste de plusieurs légendes et contes antillais. Elle existe sous diverses formes dans l’imaginaire de toutes les civilisations riveraines et en Europe, c’est la sirène qui lui ressemble le plus. Manman-dlo est, donc, une «sorte d'ondine ou de sirène que l'on retrouve dans les contes antillo-guyanais (c'est par exemple la Watur Mama au Surinam) et dont on ne saurait exactement déterminer les origines. Le monde occidental n'ignore pas ces créatures à la fois ensorcelantes et maléfiques (encore qu'elles puissent dans certaines conditions être bénéfiques aux pêcheurs qui peuvent se concilier leurs bonnes grâces). Mais on les retrouve sous forme de génies des eaux en Amérique centrale ou en Amérique du Sud dans les cultes d'origine africaine, notamment le vaudou haïtien et le candomblé brésilien. En Afrique noire, ces génies étaient souvent associés aux lamentins, mammifères aquatiques qui, on le sait, étaient très nombreux à l'origine aux Antilles.» Désormeaux6 1992 s.v. manman d'l'eau).

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■ Mot créole rencontré dans l’aire atlantique (CMG et CM v. BBG.) Sylviane Telchid le considère comme un mot du F. R. A. Cela nous détermine à l’analyser comme un nom du français, composé de deux mots créoles : manman n. f. “mère de famille”, appellatif affectueux et l’un des premiers mots que les enfants apprennent à articuler, et dlo, équivalent créole pour eau, formée avec l’agglutination de l’article partitif de l’. Toutefois, R. Confiant fait la précision qu’en F. R. A., la graphie du mot serait plutôt manman d’leau (v. Confiant 2007 s.v. manman-dlo).

 

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BBG. Ø FEW MAMA 6/1, 133ab-134ab; AQUA 25, 63b, 64a, 67a; «personnage des contes antillais qui fait du tort aux humains, equivalent à la Sirène.» Telchid 1997 s.v. manman-dlo; «sirène redoutable» Germain 1980 s.v. manman-dlo; «sorte de sirène qui, d’après la croyance populaire, vient sur le rivage et emmène ses victimes sous la mer» Barbotin 1995 s.v. manman dlo; Désormeaux6 1992 s.v. manman d'l'eau; «divinité aquatique, mi-femme mi-poisson, que l’on dit vivre dans les rivières ou les embouchures» Confiant 2007 s.v. manman-dlo.

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MARABOUTÉ N. m.

“Personne qui est victime d’un ensorcellement”.

 

« De guerre lasse, elle fit le vœu de s’habiller en blanc jusqu’à la guérison du marabouté. » (Tambour, 125)

 

 

 

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Francoph. Sénégal («victime d’un envoûtement» N’DiayeSénégal 2006 s.v. marabouté). Le verbe marabouter qui a, à la voix passive, le sens de “être l’objet d’un maraboutage, être la victime d’une pratique magique maléfique” est attesté dans plusieurs pays africains : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Nigéria, Sénegal, Togo (v. UREFAfrique 1988). Pour la Côte d’Ivoire, v. aussi LafageIvoire 2002.

 

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■ Nom formé par changement de classe grammaticale à partir du part. passé du vb. marabouter, bien représenté en fr. rég. d’Afrique, lui-même formé à partir de marabout n. m. “sorcier”, mot d’origine arabe qui a pénétré en FR par l’intermédiaire du port. maraboto (cf. TLFi). Rien ne prouve qu’il est vivant aux Antilles, sa présence s’expliquant par la volonté de l’auteur Ernest Pépin qui nous a témoigné dans son courriel du 3 décembre 2008 qu'il a l'intention de «marier les vocabulaires issus de la francophonie »

 

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BBG. Ø FEW 19, 171a MURĀBIT; Arch. pers.; «envoûter, faire envoûter» DUF 1997 s.v. marabouter; UREFAfrique 1988 s.v. marabouté; LafageIvoire 2002 s.v. marabouté; N’DiayeSénégal 2006 s.v. marabouté.

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PROTÈGEMENT N. m. 1. “Protection plus ou moins symbolique qui détourne le mal”. « J’en ai déjà fait tous les modèles de prières, de protègements et de manœuvres salvatrices et rectificatrices sans obtenir pas même une rognure d’ongle de résultat chrétien. » (Tambour, 72) 2. “Amulette”. « Elle rongea mot à mot le recueil des quarante-quatre prières sans obtenir pièce [aucune] délivrance. Elle rumina de très saintes neuvaines pour rien. Elle composa [assembla] des pentacles, des protègements. Elle absorba force [beaucoup de] breuvages tous plus amers les uns que les autres et n'eut que la peine de tordre sa bouche en grimaces d'avalement.» (Tambour, 32)

  

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■ Type lexical qui existe dans les créoles de l'aire atlantique (CG, CM v. BBG.) et qui se rencontre chez E. Pépin sous la forme protègement. Le mot est formé par dérivation à partir de protéger vb. trans. et le suff. -ment qui indique l’action et son résultat. Dans la seconde citation, protègement apparaît comme une forme d’explication en F.R.A. pour le mot pentacle du FR.

 

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BBG. Ø avec ce sens FEW  (9, 469b); «Synonymes montage, protection» [sans autre précision] Telchid 1997 s.v. protègement; Pinalie 1992, 178 s.v. pwotèjman; «amulette protectrice» Ludwig 2002 s.v. pwotèjman.

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QUIMBOISEUR, QUIMBOISEUSE N. m., f.“Sorcier, sorcière”. « Elle décanta vers les quimboiseurs. Tous reconnurent la profondeur du mal. » (Tambour, 124 + 31)« […] il s’exila au fin fond des bois et c’est aussi à cause de ce temple qu’il fut reconnu comme le plus grand quimboiseur de tous les temps, consulté en cachette, du premier serein nocturne [fraîcheur du soir] au premier chant du coq ordinaire […] » (Tambour, 142 + 200, 222 ; Envers, 10) « Pays épileptique, malmené par ses démons et toujours en quête d’un quimboiseur. » (Envers, 111) « Elle courut de maison en maison, de lolo [petit épicerie traditionnelle où l’on trouve de tout] en lolo et surtout elle confia aux marchandes le soin de divulguer la version du quimboiseur. » (Homme, 26 + 25, 42, 180)« Les femmes, de plus en plus rares, se cachaient ou se livraient à toutes sortes de charlatans prétendument quimboiseurs en réalité exploiteurs sans vergogne, suppôts de Satan plus lubriques que mille boucs réunis. » (Homme, 177, 184)« Comment savoir qu’Anita, la grosse, était une réputée quimboiseuse ? » (Envers, 39 + 44) 

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■ Type lexical qui existe dans les créoles de l’aire atlantique (CG, CMG et CM v. BBG.) et qui se rencontre aussi chez E. Pépin sous la forme quimboiseur n. m. / quimboiseuse n. f.

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1re attestation (GRL) dans une source écrite en anglais: 1890: « Under the tamarinds of the Place du Fort, a quimboiseur plied his ghastly calling […]. » Youma: The Story of a West-Indian Slave, écrit par Lafcadio Hearn, New York, Harper & Brother, 1890, 151. 1re attestation dans une source écrite en français: 1892:  « Mais prenez garde: le quimboiseur a mille cordes à son arc. » Ludovic Drapeyron, Charles Vélain, Revue de géographie annuelle, Paris, C. Delagrave, 1892, 445. Le mot est formé par dérivation à partir de quimboiser vb. trans. “ensorceler” et le suff. -eur (pour le m.) et -euse (pour le f.) indiquant l’agent de l’action. Quimboiser est formé, à son tour, sur le radical quimbois, qui serait, d’après Élodie Jourdain, d’origine délocutive (« < tiens, bois ! ‘phrase dite par le sorcier qui administre un philtre ; c’est du moins l’explication la plus plausible qu’on ait trouvée jusqu’ici pour ce mot. », selon Jourdain 1956, 254).

 

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BBG. GRL; «sorcier» DUF 1997 s.v. quimboiseur; «sorcier, voyant, féticheur» Telchid 1997 s.v. quimboiseur; «sorcier qui use de quimbois» Jourdain 1956, 254 quimboiseù; «sorcier» Tourneux / Barbotin 1990 s.v. kenbwazè; «sorcier» Ludwig 2002 s.v. kenbwazè, kyenbwazè; «sorcier» Confiant 2007 s.v. tjenbwazè; Thibault 2008 (une seule occurrence chez J. Zobel).

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SÉANCIER n. m.

“Sorcier qui a la capacité de voir l'avenir”.

 

« C’était le fantôme d’un grand séancier qui s’était pendu l’année dernière en laissant une lettre dans laquelle il jurait de régler leur compte à toutes les femmes. » (Homme, 26)

 

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REM. H. Poullet nous a témoigné dans son courriel du 27 juillet 2009 que pendant cette séance qui est accordée pour une somme variant actuellement entre 100 et 500 euros et qui dure entre 15 et 30 minutes, le sorcier doit ‘s'endormir’ pour entrer en contact avec les esprits qui parlent par sa bouche, trouver les causes des problèmes et indiquer les moyens de s'en sortir.

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■ Type lexical qui existe dans les créoles de l’aire atlantique (CG, CM v. BBG.) La plus ancienne attestation du mot en contexte antillais que nous avons trouvée dans GRL date de 1968. Le mot semble être un dérivé avec le suff.

-ier, qui indique l'agent, à partir du n. f. séance, qui désigne aux Antilles un entretien privé au cours duquel le sorcier analyse l'affaire de son client et préconise les mesures appropriées.

 

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BBG. GRL; Arch. pers.; Telchid 1997 («Voyant (e), sorcier (e), guérisseur (euse).» s.v. séancier (ère) n. Synonymes gadé-d-z’affaires, quimboiseur; «homme exerçant les fonctions de sorcier, de devin et de guérisseur» Thibault 2008 s.v. séancier; «voyant» Ludwig 2002 s.v. séansyé / séansyé; «devin, voyant […] séansié» s.v. séyansié; «consulter un séancier (sorcier)» Pinalie 1992 s.v. gadé-zafè, s.v. consulter; «séyansyé» Ibid., s.v. sorcier; Maurice Mességué, André Gayot, Ce soir, le diable viendra te prendre : la sorcellerie aux Antilles, Paris, R. Laffont, 1968, 110 : «Enfin ils ne l'avaient pas regretté : le séancier avait confirmé... Le séancier leur avait proposé son aide.»

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SOUCOUGNAN N. m.

“Être qui a le pouvoir de se dépouiller de sa peau, de voler sous forme de boule de feu et qui suce le sang des animaux et parfois des humains”.

« C’était un soucougnan dont une femme avait volé la peau, l’empêchant de retrouver sa forme humaine. » (Homme, 27)

« Or il est indéniable que le peuple croit aux zombies, aux soucougnans, aux mofrasés [personne qui a la possibilité de se transformer en animal] et à l’Homme-au-Bâton !» (Homme, 151)

  

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■ Type lexical qui existe dans les créoles de l’aire atlantique (CG, CMG et CM v. BBG.) et qui se rencontre chez E. Pépin sous la forme soucougnan.

1re attestation (GRL): GRL: 1841:

 

« On concevra aisément la présence de ces sentiments dans le cœur de ce vieillard lorsqu’on connaîtra les idées de mal et de grossière superstition attachées au mot soucougnan, et la créance [sic] avec laquelle elles étaient reçues dans un esprit aussi peu cultivé que le sien. Le soucougnan est une personne qui s’est liée avec le diable par un pacte secret. » (11 mars 1841, 2e feuille, 2e colonne) M. Ledru-Rollin (dir.), Journal du palais : recueil le plus ancien et le plus complet de la jurisprudence, Paris, Typographie de Wittersheim, 1841.

 

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Selon Élodie Jourdain il s’agirait d’un mot d’origine dahoméenne (La chercheuse affirme qu’en fon, une langue parlée au Bénin, soukou a le sens de “nuit sans lune” (sens qu’on retrouve à la Guyane, où soukou a le sens d’“obscurité, nuit noire”) et gnan, en fon, a le sens de “maître” ; le soukougnan serait, donc, le maître de la nuit sans lune, le sorcier, cf. Jourdain 1956, 168.

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BBG. GRL; Ø TLFi; « Être maléfique qui serait en humain transformé en boule de feu. Synonyme VOLANT. Variantes SOUKLIAN, SOUKLIAN-VOLANT. » Telchid 1997 s.v. soucougnan; « À la Martinique, le soukougnan [sic,italiques] a la faculté de sortir de sa peau pour vaquer à ses occupations malfaisantes, et quelques personnes osaient autrefois se vanter d’avoir trouvé de ces peaux abandonnées et d’y avoir versé une pimentade corsée pour empêcher le propriétaire de l’endosser. À la Guadeloupe, le soukougnan [sic, avec italiques] peut revêtir des formes animales pour pénétrer chez ceux à qui il désire nuire. La même croyance existe à la Martinique où l’on suspecte beaucoup les ‘bêtes voyées’, mais on ne les appelle pas soukougnans. » Jourdain 1956, 168; «soukougnan (M.) = esprit mauvais » Ibid. , 297; «(mot africain): Fantôme errant dans la nuit noire sous la forme d'une boule de feu.» Germain 1980 s.v. soucougnan; « “soukougnan”, sorcier qui vole dans les airs de la nuit en émettant de la lumière » Tourneux / Barbotin 1990 s.v. soukougnan ;  

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«créature diabolique (généralement un 'gengajé' volant comme un oiseau et s'en allant boire la nuit le sang de ses victimes. Le mot, selon Michel Leiris, qui s'appuie sur Jean Cremer (Matériaux d'ethnographie et de linguistique soudanaises: Dictionnaire français-peul, dialectes de la Haute-Volta) et sur F. V. Equilbecq (Contes indigènes de l'Ouest africain français), pourrait être d'origine peul: «sukunyadio» désignant le sorcier qui se dépouille de sa peau pour pouvoir voler.» Désormeaux7 1992 s.v. soucougnan ou souclian; «soukouyan, souklyan» Pinalie 1992 s.v. sorcière; «loup-garou» Rézeau 1995 s.v. 14 et 30 nov. 1879, 12 juillet 1880, 11 nov.1881, 26 mai 1882; « Personne qui se transforme en boule lumineuse et se déplace en l’air la nuit ; on l’appelle aussi soukounyan. » Barbotin 1995 s.v. volan1; «sorcier, sorcière ; mort ambulant» Anglade 1998 s.v. souklyan / soukouyan; «(Mart.) Être maléfique représenté sous la forme d’une boule de feu.» ; (Haïti) Être maléfique représenté sous la forme d’un sorcier volant, diffusant de la lumière la nuit.»; «est plutôt connu en Guadeloupe » LetiAntilles 2000 s.v. soucougnan ou souclian; « Être mythique né de la métamorphose d’une personne qui quitterait sa peau la nuit pour se transformer en oiseau de feu » Ludwig 2002 s.v. soukougnan / soukounyan / soukouyan; « personne qui se transforme la nuit en créature volante (décrite souvent sous la forme d’une boule de feu) pour aller commettre des actions maléfiques » Confiant 2007 s.v. soukliyan, syn. soukougnan. 

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ZOMBI(E) N. m. “Fantôme d’un mort”. « Or il est indéniable que le peuple croit aux zombies, aux soucougnans, aux mofrasés* et à l’Homme-au-Bâton ! » (Homme, 151+ 95, 127, 135, 151, 175 ; Envers, 82) « […] en roulant des yeux vides de zombi […]. » (Tambour, 123 + 126, 142, 196) — Moko-Zombi N. m. “Personnage carnavalesque qui marche sur des échasses”.  « […] conduits par un immense Moko-Zombi aux gestes de chef d’orchestre. » (Tambour, 162)

  

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REM. 1. Zombi et zombie se rencontrent aussi en FR (v. TLFi). 2. Les deux formes graphiques sont masculines.

 

ENCYCL. La conception du zombi est différente en Haïti par rapport à la Martinique. Le zombi haïtien est un mort ressuscité par des forces maléfiques et soumis par un prêtre qui s’appelle houngan. À la Martinique, le zombi est plutôt l’esprit d’un mort qui cherche son repos qui peut prendre l’apparence d’un camarade, d’un compagnon de voyage ou d’un animal. Toute créature rencontrée après la tombée de la nuit peut être un zombi. Si l’on veut savoir s’il s’agit d’un vrai zombi, il faut essayer de le piquer avec une aiguille. LétiAntilles 2000 s.v. zombi, passim.

 

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Francoph. Haïti

 

« Le ‘vaudouisant’ croit à la survie des morts qui se manifestent aux vivants sous la forme de zombis ou revenants ; il vit dans la terreur perpétuelle du wanga, c’est-à-dire du mauvais sort qui peut lui être jeté par un ennemi ou un envieux, ou dans la crainte du mauvais air, c’est-à-dire de l’esprit malin qui menace sa vie et celle de ses enfants. » Pompilus 1962, 161.

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■ Type lexical qui existe dans les créoles de l’aire atlantique (CG, CMG, CM, CH, CL v. BBG.) et qui se rencontre chez E. Pépin sous les formes graphiques zombi ou zombie.

1re attestation (GRL): 1788:  « Les Nègres qui l’aimoient [un indien décédé] s’épuisèrent en conjectures. Les uns prétendoient que les Zombis [en note : Les Zombis jouent un grand rôle parmi les Nègres : ce sont leurs larves, leurs farfadets] l’avoient enlevé » Mercure de France, 3 mai, 106. 1re attestation en tant que mot créole: 1797:   « un conte de Zombi [en note : mot créol [sic] qui signifie esprit, revenant] Moreau, 70. – Ducœur 1802, 349 le donne comme mot créole, équivalent de fr. revenant : « Zomby. Il n’est nommé ainsi que dans l’acception d’esprit revenant» ; MasséTrinidad (1879) » RézeauSt-Domingue 2008 s.v. zombi. Le mot est d’origine africaine selon le TLFi qui ne donne malheureusement que très peu de précisions.  

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BBG. GRL; « zombie, esprit. » Telchid 1997 s.v. zombi; TLFi s.v. zombi, zombie; « Les zombis, soucougnans, volantes, mounes mò, sont les esprits mauvais, incarnations de sorciers ou de trépassés qui peuplent l’obscurité aux Antilles; zombi et soucougnan sont deux mots venus d’Afrique […]. » (Jourdain 1956, 53 (an zombi), 247 (zombi, dans le chapitre consacré à la religion), 297 («zombi = esprit malfaisant», dans le chapitre consacré aux survivances dialectales et aux emprunts étrangers); «esprit malfaisant qui hante les nuits antillaises» Germain 1980 s.v. zombi; « fantôme d’un mort, revenant »; «revenant, fantôme » Tourneux / Barbotin 1990 s.v. zonbi et moko-zonbi ; Rézeau 1995 s.v. zombi, 26 oct., 14 et 30 nov., 16 déc. 1879, etc.; «revenant, le plus souvent mal intentionné, selon certaines croyances vaudou des Antilles.» DUF 1997 s.v. zombi, zombie; « personne que le bokò met en catalepsie et qu’il exhume le soir même de son inhumation pour le faire travailler à son profit » Anglade 1998 s.v. zonbi ou sombi; « Fantôme » Barbotin 1995 s.v. zonbi; «Très laid. Ou lèd kon moko zonbi: Tu es laid comme un méchant fantôme.» Barbotin 1995 s.v. moko zonbi;

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« Zombi, revenant, fantôme, esprit » Valdman 1998 s.v. zonbi; LetiAntilles 2000 s.v. zombi; « zombi, esprit » Ludwig 2002 s.v. zonbi; « (afr. [mot d’origine africaine] zombie (sorte de revenant) » Confiant 2007 s.v. zonbi; ibid., l’explication suivante tirée de H. Migerel, La migration des zombis: survivances de la magie antillaise en France, L'Harmattan, 2000 : « Dans les Antilles françaises, le terme zombi est vaste et n’a rien de commun avec les morts-vivants d’Haïti, esclaves d’un ‘boko’ dont la nourriture hyposodée accentue l’état d’obéissance léthargique. En fait, il serait plus correct de dire ‘esprit’, mort rôdant dans l’attente d’être ‘replacé’ (mis dans sa tombe). Si pour le sorcier, il est simple d’invoquer un trépassé, de lui confier une mission persécutive, pour le Gadé-Zafè la difficulté réside dans le fait qu’il doit mener à bien le ‘travail’. Enlever un ‘esprit’ d’une maison ne suffit point, encore faudrait-il savoir le replacer. Aussi beaucoup de morts rôdent, la nuit venue, dans les carrefours, attaquent les braves gens ou les accompagnent chemin faisant. »; « À Saint-Domingue, un esprit follet, le gob[e]lin, est appelé un zombi, le zombi. On dit Dans tel endroit, il y a des zombis. Gare le zombi, dit-on aux enfants. » RézeauStDomingue 2008 s.v. zombi.

 

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ZOMBIFIÉ Part. passé adj.

“Transformé en zombi”.

 

« L’ancienne usine Marquisat, zombifiée, flottant dans son passé d’usine à sucre. » (Envers, 38)

 

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■ Ce mot est formé à partir du vb. zombifier (formé lui-même sur zombi n. m. avec le suff. ‑(i)fier qui implique l'idée de transformation). Le mot semble avoir une connotation plaisante.

Quelques attestations dans GRL dont la plus ancienne date de 1974:  «vont-ils laisser ‘zombifier’ leur petit ?». Alix Mathon, écrivain haïtien, Le drapeau en berne, Port-au-Prince, [s. éd.], 1974, 140. Une attestation apparaît également chez l'écrivain québécois Hubert Aquin, dans Trou de mémoire : roman (Montréal, Bibliothèque québécoise, 1968, 24 :  «Il faut zombifier à mort la chambre bassement basse du Bas-Canada et tout faire sauter.»  Toutefois, dans ce dernier cas, il s'agirait plutôt d'un emploi isolé. André Thibault nous a témoigné que zombifier est compris par les Québécois, mais il n'est pas ressenti comme propre au fr. québécois. 

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BBG. GRL; Arch. pers.; Jean Bernabé, Fondal-natal, vol. 1 (Le cadre anthropologistique, la description syntaxique), Paris, L’Harmattan, 1983, 86 («[…] le mot créole zonbi est emprunté par le français qui procède d’ailleurs aux dérivations zombifier, zombification, réintroduits dans le créole […].»).

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CONCLUSIONS

Les mots du vocabulaire de la magie et des superstitions désignent :

des notions liées à la sorcellerie (amarrement),

des ‘agents’ de la magie (quimboiseur),

des ‘patients’ (malédictionné, marabouté),

des personnages fantastiques (loa, Maliémin, manman-dlo, soucougnan, zombi(e)),

des pratiques magiques (bain(-)démarré)

et

des ‘instruments’ magiques (amener-venir, protègement). 

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Du point de vue étymologique, il est à remarquer

le nombre important de mots d’origine africaine (loa, marabouté, soucougnan, vaudou, zombie)

un mot d’origine hindoue (maliémin)

des ‘emprunts directs’ que l’auteur a fait à d’autres variétés de français, qu’il a lu dans divers ouvrages francophones ou qu’il a rencontré pendant ses voyages (marabouté)

et

des inventions lexicales de l’auteur (malédictionné). 

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Employés fréquemment par le narrateur et par ses personnages, les mots du vocabulaire de la magie et des superstitions dans les romans d’Ernest Pépin confèrent à l’univers antillais décrit une nuance de mystère et poussent le lecteur à avancer dans la lecture.

 

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Ces mots sont également une source d’ambiguïté, le lecteur étant souvent dans l’impossibilité de déchiffrer le texte et d’associer les référents appropriés à certaines notions. Un glossaire ou une aide de la part d’un locuteur créolophone sont parfois indispensables à une bonne compréhension du texte.

 

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Les mots du vocabulaire de la magie et des superstitions ne font pas partie du vocabulaire ‘passif’ du français régional des Antilles. Leurs attestations en créole montrent qu’ils ne sont pas employés seulement en littérature pour évoquer des notions et des pratiques magiques d’autrefois, mais que la magie et les superstitions sont particulièrement enracinés dans l’esprit des Antillais, âgés ou jeunes, et qu’aucun point de vue ne peut les dissuader de ce qu’ils croient être des idées bien fondées. Le vocabulaire magico-religieux montre, donc, que, même aujourd’hui, dans l’espace antillais on recourt souvent aux forces de l’irrationnel pour trouver des solutions et expliquer des événements de la vie courante.

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