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CDS 158 CDSDG 16 F rév.1 fin Original : anglais Assemblée parlementaire de l'OTAN COMMISSION SUR LA DIMENSION CIVILE DE LA SÉCURITÉ LES DEUX GUERRES DE L’UKRAINE : PROTÉGER SON INDÉPENDANCE ET METTRE EN PLACE DE VÉRITABLES RÉFORMES RAPPORT Lord JOPLING (Royaume-Uni) Rapporteur f.f. Sous-commission sur la gouvernance démocratique

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158 CDSDG 16 F rév.1 finOriginal : anglais

Assemblée parlementaire de l'OTAN

COMMISSION SUR LA DIMENSION CIVILE DE LA SÉCURITÉ

LES DEUX GUERRES DE L’UKRAINE : PROTÉGER SON INDÉPENDANCE ET

METTRE EN PLACE DE VÉRITABLES RÉFORMES

RAPPORT

Lord JOPLING (Royaume-Uni)Rapporteur f.f.

Sous-commission sur la gouvernance démocratique

www.nato-pa.int 19 novembre 2016

158 CDSDG 16 F rév.1 fin

TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION..................................................................................................................1

II. MISE À JOUR SUR LE CONFLIT RUSSIE/UKRAINE ET PERSPECTIVES DE RÉSOLUTION......................................................................................................................2A. LA RÉALITÉ DU DONBASS ET LA MISE EN ŒUVRE DES ACCORDS DE

MINSK.........................................................................................................................2B. LA SITUATION EN CRIMÉE OCCUPÉE....................................................................7

III. PAYSAGE POLITIQUE ET PROGRAMME DE RÉFORMES DE L'UKRAINE..................10A. NOMINATION D’UN NOUVEAU GOUVERNEMENT...............................................10B. BILAN DES RÉFORMES EN UKRAINE : LE VERRE À MOITIÉ PLEIN ?...............12C. AIDE INTERNATIONALE À L'UKRAINE..................................................................16

IV. CONCLUSIONS.................................................................................................................18

BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................20

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I. INTRODUCTION

1. Riche de 46 millions d'habitants, l'Ukraine est un pays de l'Est de l'Europe qui doit, à présent, non pas choisir entre l'Ouest et l'Est, mais entre le passé et l'avenir. La « Révolution de la dignité » qui a agité le pays voilà plus de deux ans visait avant tout à transformer les fondements de la politique, de la société et de l'économie en Ukraine. Les enseignements tirés de la première « révolution Orange de Maïdan » en 2004 ont montré qu'il ne suffisait pas de remplacer la « vieille garde » par des politiciens pro-européens autoproclamés pour se débarrasser de la corruption et des méthodes de gouvernance paternalistes. Les échecs des « leaders Orange », à savoir le président Viktor Iouchtchenko et la Première ministre Ioulia Timochenko, ont conduit à l'élection en 2010 de Viktor Ianoukovitch, tout droit sorti du passé, dont le régime notoirement corrompu et autoritaire a expédié Mme Timochenko en prison. Fin 2013, un soulèvement plus virulent, appelé « EuroMaïdan », a prouvé que le peuple ukrainien était bien décidé à tourner la page avec son passé post-soviétique. Dans cette lignée, le gouvernement le plus réformiste de l'histoire de l'Ukraine a été nommé, et un raz-de-marée électoral a suivi, également en faveur de candidats réformistes, lors des élections présidentielle et législatives.

2. Malheureusement, le Kremlin a considéré la décision ukrainienne d'adopter les normes politiques et économiques européennes comme une menace pour les intérêts nationaux russes. Moscou a alors lancé une campagne militaire agressive à peine déguisée qui a résulté dans l'occupation et l'annexion illégales de la Crimée, ainsi que dans un conflit armé persistant dans les régions de Louhansk et de Donetsk, situées à l'est du pays. La Russie a ainsi violé de manière flagrante de nombreux accords internationaux, en premier lieu le Mémorandum de Budapest de 1994, par lequel la Russie s'engageait explicitement à respecter la souveraineté territoriale de l'Ukraine, tandis que cette dernière convenait de renoncer à son arsenal d'armes nucléaires. Comment prendre au sérieux les tentatives timides du Kremlin de justifier les agissements russes par la nécessité de protéger la population russophone en Ukraine sachant que rien n'indique la moindre atteinte aux droits des Russophones par rapport à la période où M. Ianoukovitch était au pouvoir. Bon nombre des leaders de l'EuroMaïdan, ainsi que de nombreux volontaires de l'armée ukrainienne s'expriment d’ailleurs plus aisément en russe. Les agissements de la Russie lui ont valu une condamnation internationale en tant qu'État agresseur, amenant la communauté euro-atlantique à prendre des sanctions et des mesures d'assistance à l'Ukraine, ainsi que des mesures visant à rassurer ses alliés d'Europe centrale et de l'Est.

3. Actuellement, l'Ukraine se trouve face à une tâche peu enviable : tenir les promesses de l'EuroMaïdan tout en essayant de repousser l'agression de la Russie. Dévastée, l'économie du pays n'est restée à flot que grâce au soutien financier international. D'autant que Kiev s'est vue contrainte d'augmenter ses dépenses de défense de 16 % cette année. L'ambitieux processus de réformes est entravé par la mauvaise volonté affichée par les niveaux inférieurs de la bureaucratie et les oligarques. Parallèlement, les perspectives de cessez-le-feu au Donbass sont floues. Sans compter que le pays a récemment été traversé par une crise politique majeure et des querelles intestines. Le contexte international n'est pas plus favorable, les partenaires euro-atlantiques de l'Ukraine étant préoccupés par les menaces terroristes émanant de Daech1, et par la crise des migrants/réfugiés, tandis que Moscou attend des concessions vis -à-vis des sanctions en contrepartie de sa participation aux efforts de lutte contre Daech. Les résultats du référendum non contraignant aux Pays-Bas (61 % des votants se sont exprimés contre la ratification de l'accord d'association UE-Ukraine, avec un taux de participation de 32 %) constituent un obstacle supplémentaire à l'adhésion à l'UE que l'Ukraine appelle de ses vœux.

4. Ce rapport souligne la nécessité pour la communauté euro-atlantique de rester aux côtés de l'Ukraine sur la voie de la réforme et dans ses efforts visant à se défendre contre les agressions. Parallèlement, le rapporteur appelle les politiciens ukrainiens à mettre fin à des querelles politiques inutiles et à se concentrer sur la mise en œuvre du programme de réformes.

1 Acronyme arabe utilisé pour désigner l’organisation terroriste « État islamique »

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II. MISE À JOUR SUR LE CONFLIT RUSSIE/UKRAINE ET PERSPECTIVES DE RÉSOLUTION

5. L'agression russe et l'occupation des territoires ukrainiens constituent le défi le plus immédiat et le plus critique auquel l'Ukraine fait face. L’occupation illégale de la Crimée par la Russie a débuté quelques jours après que M. Ianoukovitch ait fui la capitale en février 2014. En raison des troubles internes et de la pression exercée par la communauté internationale (qui craignait l'escalade), le nouveau gouvernement de Kiev n'a pas tenté de résister vraiment à l'annexion de la péninsule par la Russie. Très vite, les paramilitaires pro-russes ont commencé à prendre le contrôle de certaines parties de l'Ukraine de l'Est et ont annoncé la création des « Républiques populaires » fictives de Donetsk et de Louhansk. Cette fois, l’Ukraine a réagi par une opération armée antiterroriste et, à la fin de l'été 2014, avait quasiment chassé les agents pro-russes hors des frontières de l'est de l'Ukraine. Toutefois, en août de cette même année, Moscou a lancé une invasion militaire massive dans la région du Donbass et a repoussé les forces ukrainiennes. La médiation internationale a abouti à la signature des accords de Minsk en septembre 2014. Les combats ont repris en janvier 2015 lorsque les forces pro-russes ont attaqué une partie de l'aéroport de Donetsk et d'autres sites contrôlés par l'Ukraine. Le nouvel accord Minsk II a été signé en février 2015 avant d'être immédiatement violé par des séparatistes, soutenus par les Russes, qui se sont emparés de la ville stratégique de Debaltseve. Néanmoins, le cessez-le-feu a été largement respecté depuis, malgré quelques incidents mineurs et des tirs d'artillerie continus presque quotidiens. Les tirs émanant de positions sous contrôle russe se sont considérablement intensifiés au cours de la première moitié de 2016 et l’armée ukrainienne continue à enregistrer des pertes sur le front. Selon les estimations, près de 10 000 personnes ont été tuées et des dizaines de milliers blessées lors du conflit armé en Ukraine de l'Est. En outre, les autorités ukrainiennes ont comptabilisé 1,8 million de personnes déplacées à l'intérieur du pays.

6. Le 10 août 2016, le service fédéral de sécurité (FSB) russe a annoncé avoir repoussé des attaques contre la Crimée menées par des « groupes de sabotage terroristes » liés au gouvernement ukrainien, attaques qui, selon lui, auraient entraîné la mort d’un officier du FSB et d’un soldat russe. Les autorités ukrainiennes ont qualifié ces allégations de « fantaisistes ». Après cette annonce, le président Vladimir Poutine a accusé Kiev d’essayer de provoquer un conflit dans la péninsule et a déclaré que discuter de la mise en œuvre des accords de Minsk n’a aucun sens en raison de l’environnement de sécurité actuel. Bien qu’à ce stade, il soit difficile de corroborer la véracité de ces affirmations, ces incidents sont susceptibles d’influer sur un cessez-le-feu de plus en plus fragile et sur les progrès des négociations de paix. Une récente concentration (entre le 7 et le 12 août) de troupes russes en Crimée, impliquant l’acheminement d’armes lourdes et de systèmes de missiles vers la péninsule et le long de la frontière orientale avec l’Ukraine, a renforcé le dispositif militaire de Moscou, menaçant les forces ukrainiennes sur plusieurs fronts (Weinberg, 2016). En réaction, le président Petro Porochenko a ordonné la mise en alerte des troupes ukrainiennes.

A. LA RÉALITÉ DU DONBASS ET LA MISE EN ŒUVRE DES ACCORDS DE MINSK

7. Nommé officiellement le « Paquet de mesures » en vue de l’application des accords de Minsk, Minsk II est une feuille de route en 13 points visant à ramener la paix en Ukraine. Elle prévoit un cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes, un échange de prisonniers de guerre, une réforme constitutionnelle sur la décentralisation, un retrait des troupes étrangères, une amnistie, l'organisation d'élections légitimes, une aide humanitaire, la restauration des relations économiques et la restauration de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. En outre, Minsk II a mis en place quatre groupes de travail spécialisés visant à la mise en œuvre des clauses militaires, politiques, économiques et humanitaires entre le gouvernement ukrainien et les régions séparatistes de Louhansk et de Donetsk. La mise en œuvre de Minsk II est supervisée par les quatre signataires, à savoir la France, l'Allemagne, l'Ukraine et la Russie (qui forment le Groupe de contact sur l'Ukraine et sont parfois désignés par le terme de « Format Normandie »), ainsi que par

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la mission de surveillance des frontières de l'OSCE (SMM) en Ukraine, qui compte environ 700 observateurs non armés.

8. Le bilan de mise en œuvre de Minsk II est médiocre. L'échéance de 2015 qui devait marquer la mise en œuvre intégrale de l'accord est dépassée. La SMM de l'OSCE fait état de violations quasi quotidiennes du cessez-le-feu, notamment d'un recours accru aux armes prohibées, dans la région de Donetsk. La sécurité s’est nettement détériorée tout au long de l’année 2016 et le mois de juillet a été le plus meurtrier depuis la signature des accords de Minsk II, les forcespro-russes ayant tué 40 Ukrainiens et blessé 170 autres (Stewart, 2016). Dans son rapport, la SMM de l'OSCE n’identifie pas spécifiquement les responsables des violations du cessez-le-feu, se contentant d’indiquer l’origine des tirs, mais les leaders occidentaux s'accordent pour la plupart à dire que la majorité des échanges de tirs entre les protagonistes est, de loin, à l'initiative des séparatistes pro-russes2. Si l'entreprise visant au retrait des armes lourdes a fonctionné dans un premier temps, la situation à cet égard s'est détériorée ces derniers mois. La SMM de l'OSCE a constaté de nombreuses disparitions d'armes sur les sites de stockage et leur réapparition dans des zones où elles sont interdites. Plus inquiétant encore, l'artillerie lourde aveugle, comme les lance-roquettes multiples Grad, continue d'être utilisée. Ievhen Martchouk, le représentant de Kiev aux pourparlers de paix de Minsk, a déclaré aux médias en juillet 2016 que les forces russes et séparatistes en Ukraine de l’Est ont rassemblé plus de 700 chars modernes prêts au combat.

9. La présence d'armes lourdes dans la région est aussi à l'origine d'un incident international majeur qui s'est produit le 17 juillet 2014, lorsque le vol MH17 de la Malaysian Airlines a été abattu dans l'est de l’Ukraine. Les conclusions du Bureau d’enquête néerlandais pour la sécurité indiquent que l'avion a été abattu par un missile Buk de construction russe. L'enquête criminelle menée par l'équipe commune d'enquête (qui regroupe des procureurs des Pays-Bas, d'Ukraine, de Malaisie, d'Australie et de Belgique) est toujours en cours, et vise à débusquer et à poursuivre les responsables. Un rapport devrait être publié en 2016. Des enquêteurs indépendants, tels que le groupe de journalistes citoyens Bellingcat, ont publié des rapports bien documentés identifiant clairement la Russie comme la responsable. Le rapport de Bellingcat affirme ainsi que le missile Buk appartenait à la 53e brigade de missiles antiaériens. La Russie a eu recours à son droit de veto auprès des Nations unies afin de s'opposer à la mise en place d'un tribunal international concernant la catastrophe du MH17 qui a fait 298 victimes.

2 Par exemple, le 30 mars 2016, le ministre des affaires étrangères britannique Philip Hammond a déclaré à Reuters que la Russie ne respectait pas l'accord de cessez-le-feu en Ukraine et que «  ces derniers mois, nous avons fait machine arrière avec de plus en plus de violations du cessez-le-feu ». En juillet 2016, l’ambassadeur Daniel Baer, chef de la mission états-unienne auprès de l’OSCE, et l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt, ont déclaré que la poursuite du soutien matériel par la Russie aux combattants séparatistes en Ukraine de l’Est « alimente le conflit ». Cependant, la position de l'Allemagne est quelque peu différente : s'adressant aux Nations unies le 29 février 2016, son ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a déclaré : « Aussi bien l'Ukraine que la Russie continuent de violer l'accord de cessez-le-feu en Ukraine de l'Est. »

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Carte de la situation en matière de sécurité en Ukraine de l'est au 16 septembre 2016 Source : ministère de la Défense de l'Ukraine

10. La Russie continue d'ignorer la clause de Minsk II qui exige le retrait des troupes étrangères d'Ukraine de l'Est. Les preuves abondent quant à la présence de troupes russes et de systèmes d'armement dans le Donbass : capture de prisonniers de guerre russes par les forces ukrainiennes, images satellite de l'OTAN, observations par le Commandant suprême des forces alliées en Europe, le général Philip Mark Breedlove, ou encore déclaration d'Alexander Hug, directeur adjoint de la SMM de l'OSCE, indiquant que les observateurs de l'OSCE ont pu constater la présence de soldats et d'armes russes dans la région depuis le début du conflit. Des activistes démocratiques russes, tels que Lev Shlosberg et Boris Nemtsov, ont mené des enquêtes poussées concernant la participation de soldats russes aux combats en Ukraine. Même le président Vladimir Poutine a fait sensation lorsqu'il a admis, à l'occasion d'une conférence de presse donnée en décembre 2015, que Moscou « n'a jamais nié avoir là-bas [en Ukraine] des personnes chargées de certaines tâches notamment militaires » (Reuters, 2015). Oleksandr Lytvynenko, sous-secrétaire à la Sécurité nationale et membre du Conseil de la défense de l’Ukraine, a demandé aux membres de l’AP-OTAN de ne pas commettre d’erreur : c’est la Russie qui conduit l’opération militaire en Ukraine de l’Est. Des éléments de ses forces spéciales et régulières en sont les principaux acteurs. Ces forces ont recours à des moyens et des capacités modernes fournis par la Russie ; le Donbass est devenu un véritable terrain d’essai pour les équipements russes, dont les nouveaux systèmes d’artillerie. Cette région sert également à l’entraînement des forces spéciales et constitue un champ de bataille où l’armée russe teste de nouvelles tactiques. La Russie a en outre déployé trois nouvelles divisions près de la frontière et

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établit une présence qui pourrait être conçue pour une occupation ou des actions militaires à grande échelle. Il semblerait que la Russie renforce également son contrôle des territoires dissidents de Donetsk et de Louhansk en remplaçant la majorité de la première cohorte de leaders séparatistes et en nommant des commissaires issus des services de sécurité russes. Depuis fin 2015, Moscou a augmenté son soutien financier aux entités et a commencé à financer les pensions et salaires, principalement pour les fonctionnaires locaux et les forces militaires séparatistes. Selon les estimations, la Russie dépenserait près d'1 milliard de dollars par an pour soutenir ces territoires dissidents (ICG, 2016).

11. Les observateurs de l’OSCE sont régulièrement confrontés à des menaces et à des manœuvres d’intimidation de militants pro-russes, qui les empêchent d’accomplir leur tâche3. De plus, ces militants ne cessent en outre de refuser à la SMM de l’OSCE et aux autorités frontalières ukrainiennes l'accès à une vaste partie de la frontière russo-ukrainienne le long du Donbass aux mains des séparatistes. La Russie a envoyé près de 50 convois « humanitaires » de l'autre côté de la frontière, dans les « Républiques populaires » du Donbass sans le consentement de Kiev (UNIAN, 2016). Du côté ukrainien, on suspecte que ces convois livrent des armes et des munitions aux rebelles. Étant donné que la Russie ne respecte pas l'ensemble des clauses de l'accord Minsk II, les États membres de l'UE ont décidé en juin 2016 de prolonger de six mois supplémentaires les sanctions économiques prises à l'encontre de la Russie.

12. Le bilan de Kiev dans la mise en œuvre de Minsk II est plus tangible : l'Ukraine collabore activement avec la SMM de l'OSCE. Néanmoins, l'Ukraine doit encore mettre pleinement en œuvre les réformes de décentralisation prévues par Minsk II. Il s'agit là d'une mesure indispensable pour rassurer les populations pro-russes de l'est de l'Ukraine, inquiètes quant au maintien acceptable de leur autonomie. Les amendements correspondant à la Constitution ont été adoptés en première lecture à la Verkhovna Rada (parlement) en août 2015. Cette mesure a été largement saluée par la communauté internationale et ses institutions, y compris par la commission européenne pour la démocratie par le droit (plus connue sous le nom de Commission de Venise) du Conseil de l'Europe. En décembre 2015, l'UE a soutenu les efforts de décentralisation de l'Ukraine à hauteur de plus de 100 millions d'euros.

13. Toutefois, la deuxième lecture des amendements de la Constitution relatifs à la décentralisation n'a pas réussi à obtenir les 300 voix nécessaires au parlement. Les adversaires estiment que ces amendements accorderaient un statut spécial aux régions aux mains des séparatistes, violeraient l'intégrité territoriale de l'Ukraine et permettraient à la Russie de continuer à s'ingérer dans les affaires intérieures de l'Ukraine. Face à la pression exercée par la communauté internationale, les dirigeants ukrainiens explorent de nouvelles voies pour adopter cette législation essentielle. Il convient de noter cependant que Kiev a d’ores et déjà considérablement renforcé l’autorité des autorités régionales et locales, en leur transférant de plus importantes compétences budgétaires. Ces mesures adoptées par Kiev pour renforcer les autorités locales – dans tout le pays et pas uniquement dans les régions de l’est – doivent être prises en considération lors de l’évaluation du bilan de l’Ukraine en matière de mise en œuvre de la clause de décentralisation prévues par Minsk II. Il est difficile d’attendre de Kiev l’adoption d’une législation de décentralisation plus poussée tant que les opposants pro-russes ne mettront pas en œuvre les clauses les plus importantes de Minsk II, à savoir un cessez-le-feu et l’arrêt du soutien transfrontalier fourni par la Russie.

14. La mise en œuvre de Minsk II connaît une autre faille très importante, à savoir l'absence d'élections locales tenues dans les territoires aux mains des séparatistes. La tenue d'élections locales qui seraient reconnues aussi bien par Kiev que par la population locale pro-russe pourrait mettre fin au conflit et restaurer la paix dans le Donbass. Malheureusement, aucun accord n'a été trouvé quant aux modalités de ces élections. Les autorités séparatistes ont refusé de participer aux

3 C’est ainsi, par exemple, que le 29 juillet 2016, des observateurs de la SMM qui suivaient des traces fraîches probablement laissées par un véhicule de combat d’infanterie ont été arrêtés sous la menace d’armes par des séparatistes non loin du village séparatiste de Lukove et enjoints de quitter la région.

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élections locales ukrainiennes le 25 octobre 2015 et ont envisagé dans un premier temps de tenir leurs propres élections à une autre date. Cédant à la pression internationale, les séparatistes ont accepté de repousser les élections jusqu'en 2016. Toutefois, les parties du « Format Normandie » n'ont pas encore réussi à s'entendre sur les termes de ces élections. Du côté ukrainien, on exige en toute légitimité que ces élections se déroulent conformément à la loi ukrainienne et avec la participation des partis politiques, des fonctionnaires électoraux, des observateurs et des médias ukrainiens. En outre, les personnes ayant été contraintes de fuir la région en raison du conflit armé devraient être autorisées à prendre part à ces élections. Les entités séparatistes rejettent la plupart de ces exigences et avancent que le côté ukrainien doit avant tout adopter les amendements constitutionnels leur accordant un statut spécial. Toutefois, rien ne prouve que les leaders séparatistes accepteraient de tenir les élections conformément à la loi ukrainienne même si ces amendements étaient adoptés. Si les concepts de « monde russe » et de « Novorossia » (terme utilisé par Moscou pour définir l'est et le sud de l'Ukraine, à prédominance russophone) ont largement disparu de la rhétorique du Kremlin, en réalité, les séparatistes du Donbass et leurs commanditaires à Moscou ne sont pas prêts à accepter le retour de Donetsk et Louhansk sous la juridiction de Kiev. Qui plus est, l’accord sur les modalités des élections sera nul tant que le plus important préalable – la sécurité des votants et des observateurs – ne sera pas assuré. À ce stade, la perspective d’un environnement sûr dans le Donbass occupé est, malheureusement, très mince. Lors du séminaire de l’AP-OTAN à Kiev en juin 2016, les responsables ukrainiens ont déclaré que tenir maintenant des élections dans le Donbass occupé serait un peu comme le faux référendum de mars 2014, tenu dans une Crimée fourmillant de « petits hommes en vert ».

15. Des progrès très limités ont été réalisés en ce qui concerne l'amnistie accordée aux personnes impliquées dans le conflit du Donbass. Kiev continue de se montrer réticente à accepter l'amnistie et l'immunité pour tous les éléments pro-russes. Une loi d'« exception de la responsabilité pénale et administrative pour les événements qui se sont déroulés dans les régions de Donetsk et de Louhansk » a été approuvée en septembre 2014, mais n'a jamais été signée par le président Petro Porochenko. Pour enquêter sur les crimes contre l'humanité commis dans tout le pays et poursuivre les coupables, l'Ukraine a accepté la juridiction de la Cour pénale internationale. Les forces séparatistes exigent que l'amnistie soit accordée avant la tenue des élections locales.

16. Jusqu'à présent, l'échange de prisonniers de guerre et le retour de Russie de prisonniers politiques ukrainiens s'est effectué principalement au cas par cas et doit encore être généralisé. Iryna Gerashchenko, envoyée présidentielle pour le règlement du conflit dans les régions de Donetsk et de Louhansk, a déclaré aux membres de l’AP-OTAN que 80 soldats ukrainiens ont été libérés. Ceci étant, d’après Mme Gerashchenko, 112 otages au moins sont toujours détenus par les partisans de Moscou, certains étant en très mauvaise condition physique.

17. Le procès illégal et la condamnation à 22 ans d'emprisonnement de Nadia Savtchenko, la pilote militaire ukrainienne capturée, a largement attiré l'attention internationale et valu à la Russie une condamnation pour cette injustice. L'absurdité du procès4 tranche avec la bravoure dont a fait preuve Nadia Savtchenko. Depuis sa prison, elle a annoncé qu’elle entamait une grève de la faim et de la soif afin de protester contre sa détention illégale. La communauté internationale, dont des

4 Nadia Savtchenko était accusée d'avoir tué délibérément deux journalistes russes en dirigeant des tirs d'artillerie en direction des positions des forces pro-russes. Les juges ont ignoré le fait qu'elle était déjà en captivité au moment où l'incident a eu lieu, tout comme ils ont ignoré le fait qu'il est impossible d'identifier des personnes en particulier à une si longue distance et de diriger des tirs contre eux. Les autorités russes ont aussi avancé l'argument absurde selon lequel Nadia Savtchenko avait traversé la frontière russe volontairement déguisée en réfugiée (alors qu'elle a en fait été capturée par des rebelles et transportée illégalement en Russie). En détenant et en condamnant Nadia Savtchenko, la Russie a aussi violé son statut d'immunité en tant que membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Nadia Savtchenko était un officier luttant contre les ennemis de son pays sur son propre sol. Certains des sympathisants de Nadia Savtchenko ont appelé le président Poutine, lui-même officier, à faire preuve du respect dû à l'ennemi et à au moins la traiter comme une prisonnière de guerre.

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membres de l’AP-OTAN et son président Michael R. Turner, a à plusieurs reprises appelé le président Poutine à faire un geste humanitaire et à marquer son engagement envers le « paquet de Minsk » en relâchant Nadia Savtchenko. En mai 2016, elle a été finalement libérée en échange de deux agents de renseignement russes détenus en Ukraine.

18. La situation socio-économique et humanitaire dans les régions aux mains des séparatistes est dramatique. La plupart de la population locale peine à survivre et les prix à la consommation y sont deux à trois fois plus élevés que dans le reste de l'Ukraine. Les fournitures médicales manquent cruellement. La corruption prolifère et à part les salaires et pensions russes, la production illégale et la contrebande de charbon semblent y être la seule source de revenus lucrative. La communauté internationale a persuadé Kiev d'assouplir les restrictions imposées à la liberté de mouvement entre les territoires aux mains des séparatistes et les zones contrôlées par le gouvernement, et de revoir les procédures d'enregistrement compliquées qui ont entravé la distribution d'aide humanitaire. Toutefois, les forces pro-russes du Donbass ont accru la pression exercée sur les organisations humanitaires et restreint leur accès aux territoires de Donetsk et de Louhansk sous leur contrôle. En octobre 2015, l'organisation Médecins Sans Frontières (MSF) a appris qu'elle ne pouvait plus officier dans ces territoires. Elle a été accusée de recourir à des psychotropes à des fins d'espionnage (ICG, 2016). L'UNICEF (le Fonds des Nations unies pour l’Enfance) a elle aussi dû cesser ses activités dans la région de Louhansk, aux mains des séparatistes.

19. En juillet 2016, le Bureau du haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a publié un rapport faisant état d’un « manque de volonté d'enquêter » en Ukraine de l’Est sur les exécutions sommaires et les tortures commises par les combattants séparatistes et les soldats ukrainiens. D’après ce rapport, « l’impunité pour les exécutions demeure généralisée, ce qui les encourage et sape les perspectives de justice ».

20. Nul ne sait ce que Moscou prévoit de faire vis-à-vis du Donbass. Le statu quo a un coût économique, militaire et politique énorme pour la Russie. Certains analystes voient dans la nomination de poids lourds de la politique russe, à savoir l'ancien président de la Douma Boris Gryzlov et le vice-Premier ministre Dmitri Kozak, en tant que hauts représentants de la Russie pour les questions du Donbass, un signe de la volonté du Kremlin de trouver une solution acceptable à la situation actuelle et de trouver un accord concernant les conditions du retour de cette région sous la juridiction ukrainienne (Aslund, janvier 2016). D'un autre côté, il est aussi envisageable que tout cela fasse du Donbass un autre conflit gelé (Pifer, 2016). Malheureusement, Kiev ne possède pas non plus de stratégie cohérente concernant la réintégration de la région. Kiev maniant davantage le bâton que la carotte, la population locale s'éloigne du reste de l'Ukraine. Si la population du Donbass n'avait jamais exprimé de tendances séparatistes avant l'incursion de la Russie, et que ces tendances sont absentes des parties des régions de Donetsk et de Louhansk contrôlées par Kiev, bon nombre des territoires occupés envisagent à présent leur avenir avec la Russie. Ce changement est dû à un ensemble de facteurs, parmi lesquels un sentiment hostile vis-à-vis de Kiev, une propagande acharnée en provenance du Kremlin et la dépendance financière à l'égard du soutien budgétaire de la Russie.

B. LA SITUATION EN CRIMÉE OCCUPÉE

21. L'occupation illégale de la Crimée est très différente de celle du Donbass, étant donné que la position de la Russie est ferme et sans ambiguïté : elle considère que la péninsule fait partie intégrante de la Russie. Point final. Parallèlement, la position de l'Ukraine et de la communauté euro-atlantique est tout aussi ferme : l'annexion illégale constitue une violation flagrante de la loi internationale et ne sera jamais reconnue5. La Crimée, où la population russophone n'est devenue

5 Les opinions de certains politiciens occidentaux sont différentes de celle de leur gouvernement sur la question de la Crimée. En particulier, une délégation de 11 parlementaires français conduite par Thierry Mariani s’est rendue en Crimée en juillet 2016. Cette visite controversée a été qualifiée par le gouvernement français de « violation du droit international ». Le ministre français des

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prépondérante qu'après la seconde guerre mondiale, à la suite de la déportation des Tatars de Crimée6, a joui d'une grande autonomie au sein de l'Ukraine. Même les apôtres de la propagande du Kremlin n'ont pu trouver la moindre preuve d'oppression au sein de la population locale par la « junte fasciste » de Kiev. Lors des deux années qui ont suivi l'annexion illégale, les habitants de Crimée, en premier lieu ses minorités ethniques, religieuses et nationales, ont fait face à de graves violations de leurs droits civiques, politiques, et humains. Parallèlement, la Russie investit toujours plus dans le renforcement de la Crimée et le déploiement de forces terrestres et aériennes dans le but de soutenir la Flotte de la mer Noire.

22. Des violations des droits humains et des atteintes aux droits fondamentaux en Crimée, en particulier en ce qui concerne les opposants à l'annexion, ont été constatées par plusieurs organisations internationales. Selon les défenseurs des droits humains internationaux, au cours des deux dernières années, les autorités n'ont pas conduit les enquêtes qui s'imposaient concernant les opérations menées par des groupes paramilitaires armés ayant pris part à des actes de torture, à des exécutions extrajudiciaires, à des disparitions forcées, à des attaques et à la violence faite à des activistes et journalistes tatars de Crimée et pro-Ukraine (HRW, 2016). En outre, selon les informations collectées par l'OSCE, seuls 3 427 résidents permanents de Crimée ont pu rejeter la citoyenneté russe automatique à la date échéance d'avril 2014. Les habitants, qui n'ont pas réussi à obtenir de passeports russes ou ont rejeté l'obligation de prendre la citoyenneté russe font face en permanence à des obstacles qui les touchent à chaque aspect de leur vie, notamment pour trouver un emploi, bénéficier des services sociaux et posséder un bien immobilier (OHCR, 2016). En juillet 2016, le Service fédéral de la surveillance financière et budgétaire de Russie a publié une liste de 21 personnes nées dans la péninsule ukrainienne de Crimée considérées comme « terroristes et extrémistes ». Cette liste inclut des journalistes, des activistes civils et des prisonniers politiques ayant critiqué l’occupation de Moscou et l’annexion illégale de la Crimée (RFE/RL Ukrainian Service, 2016).

23. Estimés à un nombre de 300 000, les Tatars de Crimée ont subi de mauvais traitements et ont fait l'objet d'abus ciblés. Les chefs de file tatars de Crimée et les membres de leur Conseil, le Mejlis, sont restés des opposants virulents à la règle des autorités de fait en Crimée. Pour leur participation aux événements de février 2014, les manifestants tatars de Crimée se sont exposés à des poursuites pénales. En mars 2015, lorsque les tentatives préliminaires visant à obtenir le soutien pour le Mejlis ont échoué, les autorités de fait ont adopté des politiques répressives, visant le Mejlis et ses activistes. Les leaders du mouvement national tatar de Crimée et les anciens présidents du Mejlis, Moustafa Djemilev et Refat Choubarov, se sont vus interdits d'entrée en Crimée. En avril 2016, la Cour suprême de Crimée a déclaré que le Mejlis était une « organisation

affaires étrangères Laurent Fabius a déclaré : « Se rendre en Crimée sans la permission des autorités ukrainiennes signifie reconnaître les prétentions de Moscou ». Cette visite a également été vigoureusement condamnée par Kiev. Lors de son séjour en Crimée, M. Mariani a émis des commentaires impliquant la reconnaissance des résultats du « référendum » du 16 mars 2014 en Crimée.

6 La Crimée possède une longue histoire et a été au croisement de différentes civilisations, en particulier grecque et turcique. Pendant des siècles, la population tatare turcique a constitué la majorité des habitants de la péninsule. La Crimée n'est devenue une partie de l'Empire russe qu'à la fin du XVIIIe siècle. Les Tatars ont continué de constituer une proportion importante de la population de la région jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, quand le gouvernement soviétique a commencé à déporter de vastes groupes tatars en Asie centrale afin de punir cette ethnie de sa supposée collaboration avec les forces allemandes. En conséquence de quoi, la composition démographique a considérablement changé dans la région depuis 1944. En 1954, Moscou, sous le règne de Nikita Khrouchtchev, a transféré l'oblast de Crimée à l'Ukraine à l'occasion du 300e anniversaire de l'appartenance de l'Ukraine cosaque à la Russie. Ce transfert avait aussi une justification géographique, à savoir l’existence d’un corridor terrestre entre l'Ukraine et la Crimée. Depuis l'indépendance de l'Ukraine, les Tatars ont commencé à retourner vers leur pays d'origine, mais seulement par petits nombres. Si bien qu'ils ne constituent actuellement qu'à peine 14 % de la population. La population tatare a largement appuyé le statut de la Crimée en tant que territoire autonome de l'Ukraine. D’après le recensement de 2001, les Russes ethniques représentent 58 % de la population de la Crimée. Ils sont suivis par les Ukrainiens ethniques, avec 24 %.

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extrémiste » et que ses activités étaient interdites sur le territoire russe et en Crimée illégalement occupée. Une délégation du Conseil de l’Europe sur les droits humains conduite par un diplomate suisse, l’ambassadeur Gérard Stoudmann, s’est rendue en Crimée en janvier 2016 et a constaté que la loi draconienne russe sur l’extrémisme semble « cibler principalement les Tatars de Crimée, entretenant souvent des liens avec des parents ou des amis en exil, car ils sont considérés par les autorités locales comme la principale menace d’extrémisme et de dissidence à l’encontre de l’ordre actuel ». La délégation du Conseil de l’Europe a eu l’impression que les cas de répression visent des opposants individuels plutôt que de refléter une politique de répression collective contre les Tatars de Crimée en tant que groupe ethnique. La délégation redoute cependant que le fait que le Mejlis ait été qualifié d’« organisation terroriste » indique « un nouveau niveau de répression ciblant la communauté tatare de Crimée dans son ensemble » (CoE, 2016).

24. Les exigences de réenregistrement conformément à la loi russe sur les ONG, les organes de presse et les organisations religieuses auraient augmenté à l'encontre des opposants à l'annexion russe (OSCE, 2015). À la date échéance de réenregistrement de janvier 2015, seuls 232 organes de presse étaient autorisés à poursuivre leurs activités en Crimée, ce qui constitue une forte baisse par rapport aux près de 3 000 enregistrements d'avant l'annexion (OSCE, 2015). Les fers-de-lance des médias et publications les plus suivis par les Tatars de Crimée, notamment l'agence de presse de Crimée QHA et la chaîne de télévision ATR, n'ont pas pu se réenregistrer et ont dû cesser leurs activités en Crimée. En Ukraine, les agences de presse, fournisseurs Internet et téléphones portables n'ont qu'un accès limité, voire aucun accès, à la péninsule. Les langues tatare et ukrainienne en Crimée sont progressivement retirées des programmes scolaires.

25. De même, en raison des exigences de réenregistrement, de nombreuses communautés religieuses officiant en Crimée avant l'annexion ont perdu leur statut légal. Selon le ministère de la Justice russe, 365 communautés religieuses actives en Crimée ont été réenregistrées, tandis que plus de 1 000 ont perdu leur statut légal (OSCE, 2015). Malgré la pression grandissante exercée par les autorités de fait, l'Église orthodoxe d'Ukraine du patriarcat de Kiev a choisi de ne pas suivre les procédures de réenregistrement. Au moins cinq églises ont été fermées dans la péninsule (OHCR, 2016).

26. Les autorités de fait de Crimée continuent d'exproprier (ou de « nationaliser ») les propriétés et entreprises publiques ukrainiennes, ainsi que de nombreuses propriétés privées et entreprises appartenant à des habitants de Crimée. En février 2015, alors que les autorités de fait de Crimée identifiaient 250 entreprises publiques nationalisées, le ministère de la Justice ukrainien estimait que le nombre réel de ces entreprises s'élevait à 4 000 (OSCE, 2015). Les propriétaires de ces biens n'ont reçu aucune compensation.

27. Pour attirer l'attention de la communauté internationale sur cette situation en Crimée, les activistes ukrainiens et tatars de Crimée ont lancé un « blocus civil » en septembre 2015 afin de couper toute relation commerciale avec la péninsule. Les activistes ont réussi à saboter l'alimentation électrique reliant l'Ukraine continentale à la Crimée. Une partie de cette alimentation a été restaurée à la mi-décembre, mais l'avenir de cette liaison électrique demeure incertain en raison des conflits de contrat qui existent entre la compagnie énergétique d'Ukraine et les autorités de fait de Crimée. Moscou s'est attelée d'urgence à des projets d'envergure visant à raccorder la Crimée à l'infrastructure russe, notamment en mettant en place un pont de 4,5 milliards de dollars et en installant des câbles électriques à travers le détroit de Kertch7.

28. L'économie de la péninsule a été touchée par l'inflation dont le taux, en 2015, s'est élevé à 26,4 %, ce qui est largement supérieur à l'inflation moyenne en Russie à 12,9 %. Le tourisme, principale activité économique, est en déclin. Sur les cinq prochaines années, le gouvernement russe s'est engagé à verser à la Crimée 18 milliards de dollars d'aide aux subventions fédérales, à

7 Le 1er septembre 2016, le gouvernement des États-Unis a inscrit les sociétés construisant le pont destiné à relier la Russie continentale à la Crimée illégalement annexée sur la liste noire actualisée des entreprises soumises à des sanctions.

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des avantages sociaux supplémentaires, à l'amélioration de l'infrastructure et à l'augmentation des retraites. Toutefois, les propres problèmes économiques que connaît la Russie rendent ces promesses difficiles à tenir. Lors de sa visite en Crimée en mai 2016, le Premier ministre Dmitri Medvedev a été confronté à des résidents locaux se plaignant du non-ajustement des retraites sur la hausse des prix. Il a été contraint d’admettre publiquement qu’« il n’y a tout simplement plus d’argent aujourd’hui » (RFE/RL, 2016).

29. Depuis l'annexion, la Russie a largement augmenté ses capacités militaires en Crimée. Outre la Flotte de la mer Noire de Russie, basée à Sébastopol depuis l’ère de l'Union soviétique, et même avant, conformément à un contrat de bail à long terme passé avec l'Ukraine, un groupe de forces correspondant à une armée interarmes a été déployée en Crimée, soutenue par une division d'aviation constituée d'une force aérienne et de défenses aériennes avancées (IISS, 2016). Les agences de presse russes ont signalé que plus de 15 nouveaux navires de combat russes étaient venus renforcer la Flotte de la mer Noire en 2015. La Russie prévoit de consacrer 2,3 milliards de dollars à cette flotte qui devrait compter 80 nouveaux navires d’ici à 2020 (Manea & Visan, 2015). D’ici à 2018, la flotte devrait recevoir six nouvelles frégates de classe Amiral Grigorovitch et six nouveaux sous-marins de classe Vershavyanka. Qui plus est, le service de presse du district militaire du sud de la Russie a ajouté que les unités possèdent deux brigades de missiles balistiques Iskander-M. En août 2016, la Russie a déployé en Crimée des systèmes de missiles S-400 dont la portée peut atteindre 400 km (Reuters, 2016). En modernisant la Flotte de la mer Noire et en renforçant la Crimée, la Russie a accru ses capacités en ce qui concerne ses opérations de déni d'accès / interdiction de zone (A2/AD), ce qui constitue une menace qui inquiète de plus en plus l'OTAN (Klein, 2016).

III. PAYSAGE POLITIQUE ET PROGRAMME DE RÉFORMES DE L'UKRAINEA. NOMINATION D’UN NOUVEAU GOUVERNEMENT

30. Suite aux élections présidentielle et législatives qui se sont tenues en 2014, l'Ukraine semble désormais armée pour élaborer efficacement ses politiques. Le président réformiste Petro Porochenko a été élu au premier tour, tandis que les partis pro-occidentaux ont remporté une vaste majorité au parlement8. Le gouvernement du Premier ministre Arseni Iatseniouk comptait un certain nombre de réformateurs nés à l'étranger et s'est lancé dans la mise en œuvre d'un ambitieux programme de réformes. Toutefois, les politiciens ukrainiens n'ont pas réussi à surmonter entièrement les influences personnelles, oligarchiques ou celles de leur parti, ce qui a relancé les luttes de pouvoir aux plus hauts échelons de l'État. Tout d'abord, le gouvernement central s'est engagé dans des conflits avec des dirigeants régionaux trop indépendants, comme le milliardaire Ihor Kolomoïsky, qui a grandement contribué à empêcher les avancées des forces pro-russes dans la région de Dnipropetrovsk avant de commencer à défier Kiev. Le président a fini par démettre M. Kolomoïsky de ses fonctions. Un conflit est également né entre le Premier ministre Arseni Iatseniouk et le gouverneur de la région d'Odessa (et ancien président de la Géorgie) Mikheil Saakashvili, resté à son poste grâce au soutien du président.

31. Étant donné que la Constitution ukrainienne accorde des pouvoirs comparables à la fois au président et au Premier ministre, les tensions entre les deux postes sont quasiment inévitables. Fin 2015, la coalition au pouvoir s'est effectivement effondrée. L'antagonisme qui grondait s'est transformé en un conflit ouvert en février 2016, lorsque le ministre de l'Économie Aivaras Abromavicius, né en Lituanie, a annoncé sa démission, la justifiant par l'impossibilité de

8 Les principaux vainqueurs ont été le bloc Porochenko et le Front populaire, dont le leader Arseni Iatseniouk a été confirmé au poste de Premier ministre. Trois autres partis, à savoir Samopomitch (qui signifie autosuffisance), populaire dans l'ouest de l'Ukraine, soucieux de la patrie, le parti radical populiste et le parti « Patrie » de l'ancienne Premier ministre Ioulia Timochenko ont également soutenu le gouvernement. Un bloc d'opposition relativement faible, vestige du parti des régions de M. Ianoukovitch, a constitué la seule force d'opposition au nouveau leadership au sein du parlement.

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mener à bien les réformes et par les pressions qu'il a subies afin de prendre des décisions non transparentes9. Même si ces critiques étaient en grande partie dirigées à l'encontre d'Ihor Kononenko, confident du président Porochenko et directeur adjoint de la faction parlementaire du bloc de Petro Porochenko, le président a annoncé son soutien à M. Abromavicius et a appelé à une refonte du gouvernement. Cependant, les partisans du président au sein du parlement n'ont pas réussi à obtenir suffisamment de voix pour écarter M. Iatseniouk. Le Premier ministre a finalement cédé à la pression et présenté sa démission en avril 2016.

32. Les deux partis principaux, à savoir le bloc Porochenko et le Front populaire, avaient convenu de former une nouvelle coalition, même s'ils dépendent de petits partis et de députés indépendants pour conserver la majorité au parlement. Le 14 avril 2016, le président du parlement et proche allié de M. Porochenko, Volodymyr Groïsman, a été nommé Premier ministre. La composition de son cabinet reflète la tendance actuelle qui consiste à davantage s'appuyer sur les figures politiques locales plutôt que sur des technocrates nés à l'étranger. Beaucoup s'accordent à dire que la nomination du nouveau gouvernement reflète le renforcement du pouvoir du président. Dans son discours inaugural, M. Groïsman a fait de la lutte contre la corruption sa priorité ultime. La vice-Première ministre ukrainienne pour l’Intégration européenne et euro-atlantique, Ivanna Klympush-Tsintsadze, a assuré aux membres de l’AP-OTAN que le nouveau gouvernement est fermement décidé à mettre en œuvre les réformes fondamentales sur le double plan institutionnel et de la défense en dépit des contraintes imposées par la guerre. Au cours de ses 100 premiers jours d’existence, le gouvernement Groïsman a présenté 177 projets de loi au parlement, dont 11 ont été adoptés (Aslund, août 2016).

33. Reste à savoir si la nomination du nouveau gouvernement saura mettre un terme à la l’instabilité politique persistante que connaît le pays. Des élections législatives anticipées sont toujours possibles. Cette option a la faveur des forces politiques de plus en plus populaires : le parti « Patrie » de Mme Timochenko, qui doit sa popularité aux promesses économiques de sa dirigeante et au fait que la pilote héroïque Nadia Savtchenko apparaissait en premier sur sa liste électorale, le bloc d'opposition et un mouvement anti-corruption conduit par le gouverneur d'Odessa, M. Saakachvili. Pour sa part, le Front populaire de M. Iatseniouk a perdu de si nombreux partisans que le parti n'a même pas pris part aux élections locales d'octobre 2015. Lors de celles-ci, les partis pro-occidentaux l’ont à nouveau emporté, mais les forces associées à l’ère Ianoukovytch – le bloc Opposition et « Notre terre » – ont commencé à récupérer leur soutien électoral, surtout dans le sud et l’est du pays. L'instabilité politique actuelle en Ukraine a été invoquée comme étant la raison principale du report de versement de la dernière tranche d'aide financière du Fonds monétaire international, qui fait partie d'une enveloppe financière de 17 milliards de dollars au total.

34. La fracture entre la partie centrale et occidentale pro-occidentale et ukrainophone de l’Ukraine et la partie orientale et méridionale principalement russophone est aujourd’hui moins marquée que sous le précédent régime, mais elle est toujours là. D’après une enquête menée en 2016 par l’Institut sociologique de l’Académie des sciences ukrainienne, plus de 60 % des Ukrainiens de l’ouest et du centre s’identifient d’abord et avant tout comme des citoyens de l’Ukraine, contre 45 % dans le sud et dans l’est. Entre 39 % et 47 % des Ukrainiens de l’est et du sud s’identifient avant tout à leur ville ou à leur région. Seuls quelque 30 % des habitants du Donbass sont fiers d’être des citoyens ukrainiens, contre 77 % dans l’ouest de l’Ukraine. Parallèlement, la majorité des Ukrainiens russophones soutient l’intégration européenne de l’Ukraine. 25 % des personnes interrogées seulement se disent favorables à une union plus étroite avec la Russie et le Bélarus, contre 61 % en 2010 (DIF, 2016).

9 Dix ambassadeurs occidentaux basés à Kiev, dont les ambassadeurs de France, d'Allemagne, du Royaume-Uni et des États-Unis ont publié une déclaration dans laquelle ils ont exprimé leur profonde déception à la suite de la démission d'un ministre « qui a permis des avancées concrètes dans les réformes de l'Ukraine » et ont appelé les politiciens ukrainiens à « mettre de côté leurs querelles de paroisse » et à « agir en faveur de réformes vitales pour le pays ».

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B. BILAN DES RÉFORMES EN UKRAINE : LE VERRE À MOITIÉ PLEIN ?

35. Le gouvernement Porochenko/Iatseniouk a promis au peuple d'Ukraine de transformer le pays en une démocratie européenne. Le programme de M. Porochenko, intitulé « Stratégie 2020 » identifie 60 paquets de réformes conçus pour préparer le pays à son entrée dans l'UE d'ici à 2020. Des réformes radicales sont en effet nécessaires pour rattraper le temps perdu par l'Ukraine alors que, dans les années 1990, d'autres pays d'Europe centrale et de l'Est s'imposaient des réformes conformes aux standards européens10.

36. Le bilan des réformes de l'Ukraine est mitigé depuis les manifestations de l’EuroMaïdan voilà deux ans. Certaines réussites sont impressionnantes : le système politique de l'Ukraine est compétitif et les élections aussi bien présidentielle, législatives que locales ont été transparentes et jugées globalement positives. Bien que les médias soient vulnérables à l’influence des oligarques, ils sont assurément pluralistes11. La décentralisation fiscale de l'Ukraine et le renforcement des gouvernements locaux sont, eux aussi, des réalisations marquantes. Les budgets locaux dépendent désormais beaucoup moins des subventions après une diminution importante de cette dépendance, qui est passée de 96 % en 2014 à 74 % en 2015 (RPR, 2015). En raison du nouveau système de budgétisation, le financement des services locaux d'application des lois, de santé et d'éducation est désormais transféré au niveau du district.

37. L'Ukraine a également largement réussi à reproduire la réforme de la police, entreprise avec succès en Géorgie : désormais, les patrouilles de police ukrainiennes se composent d'agents mieux rémunérés, mieux formés et moins corrompus. Tout comme en Géorgie, le grand public a désormais beaucoup plus confiance dans les nouvelles forces de police, le niveau de confiance étant passé de 5 à 85 % (Carnegie Endowment, 2015).

38. Sous la direction de ministres des Finances et de l'Économie, tout acquis à la cause de la réforme, l'Ukraine a consenti de gros efforts pour améliorer les conditions commerciales, réduire la charge administrative et maintenir le déficit budgétaire sous contrôle (1,6 % du PIB en 2015 contre 4,5 % en 2013) tout en simplifiant et en réduisant le fardeau fiscal (notamment en mettant en place un taux « forfaitaire » de cotisation de sécurité sociale). En 2015, le pays a connu un grave repli économique (15,9 %), tandis que l'inflation s'élevait à pas moins de 46 % et que les réserves en devises tombaient à 5,6 milliards de dollars en 2015 (Krasnolutska 5 août 2016). Cette année, le PIB devrait croître, bien que dans de faibles proportions (1,5%) et les réserves en devises devraient plus que doubler. Cette année aussi, les prix n’ont augmenté que de 12 % et la valeur de la monnaie est stable depuis 2015. Le soutien financier international est essentiel pour cet effort de stabilisation.

39. Alors que la zone de libre-échange approfondi et complet (DCFTA) entre l'UE et l'Ukraine entrait en vigueur au 1er janvier 2016, la Russie et l'Ukraine, dans le même temps, s'imposaient mutuellement de nouvelles sanctions sur leurs marchandises respectives. En plus de ces restrictions, Moscou a également imposé une interdiction temporaire du transit par route et par rail

10 Pour s'en convaincre, il suffit de faire le parallèle avec la Pologne, pays de taille similaire dont la situation économique était comparable à celle de l'Ukraine au début des années 1990. Cependant, à l'heure actuelle, le PIB par habitant de la Pologne est quasiment trois fois plus important que celui de l'Ukraine.

11 Il convient cependant de noter une série d’attaques récentes contre des journalistes en Ukraine. En mai 2016, un site web nationaliste a publié des milliers de courriels contenant des informations personnelles sur un certain nombre de journalistes ukrainiens. Cette divulgation controversée a été saluée par le ministre de l’Intérieur, tandis que la vice-ministre de la Politique de l’information Tetyana Popova a annoncé sa démission en guise de protestation. Certains journalistes demeurent confrontés à des menaces et même à des agressions, comme Mykhaïlo Tkach, qui participe au programme d’investigation Skhemy. Le journaliste d’investigation bélarusse primé Pavel Cheremet a été assassiné à Kiev en juillet 2016. En septembre, un immeuble de la chaîne Inter TV proche de l’opposition a été incendié.

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de marchandises ukrainiennes sur le territoire russe. Toutefois, étant donné que les échanges de l'Ukraine ont été réorientés vers d'autres marchés, ceux entre la Russie et l'Ukraine ayant chuté de 50,6 milliards de dollars en 2011 à 12,5 milliards au cours des dix premiers mois de 2015, les conséquences négatives pour l'Ukraine sont restées gérables (Carnegie Endowment, février 2016).

40. Le gouvernement a également entamé le processus douloureux mais nécessaire visant à réduire les subventions dans le secteur de l'énergie, qui à elles seules représentaient un bon 10 % du PIB. Une étape très importante a consisté à réformer le secteur du gaz, traditionnellement le moins transparent de l'économie, lié de près aux intérêts personnels de certains oligarques et politiciens de haut rang. Les prix du gaz naturel pour les ménages et les usages commerciaux ont été unifiés. La principale compagnie d'énergie d'Ukraine, Naftogaz, se transforme actuellement en une entité de type commercial. L'influence exercée par Gazprom en Ukraine a largement diminué du fait d'une nouvelle infrastructure permettant à l'Ukraine de recevoir du gaz d'Europe centrale. En fait, entre novembre 2015 et juin 2016, l’Ukraine a pu se permettre de ne pas acheter de gaz à Gazprom, les deux pays étant les protagonistes d’une âpre querelle sur le prix du gaz russe et la redevance ukrainienne du transit du gaz (Zachmann, 2016). L'Ukraine a également adopté une législation essentielle visant à améliorer l'efficience énergétique, problème d'une importance stratégique pour le pays12.

41. L'Ukraine a fait des progrès notables dans l'amélioration de ses systèmes de gestion des frontières et des migrations, ainsi que dans la mise en place des passeports biométriques. La Commission européenne a, par conséquent, suggéré d'exempter les citoyens ukrainiens de l'obligation de visa lorsqu'ils pénètrent dans l'espace Schengen pour un court séjour.

42. Enfin, les autorités ukrainiennes ont consenti des efforts pour renforcer les forces armées et en 2015 ont réussi à faire passer les rangs de ses soldats de 146 000 à 280 000 (Carnegie Endowment, 2015). Comme les grandes puissances occidentales sont réticentes à fournir des armes létales à l’Ukraine, Kiev doit s’appuyer sur ses producteurs d’armes nationaux pour fournir équipements et munitions à son armée dont les effectifs sont en forte augmentation. Kiev pense pouvoir remplacer graduellement les armes soviétiques de ses forces armées par des systèmes d’armement de haute qualité produits sur son territoire (UT, 2016). Cependant, l’Ukraine a besoin d’une aide étrangère pour certains équipements, comme les systèmes de reconnaissance et de surveillance (Scarborough, 2016). Plusieurs réformes ont été adoptées par le ministère de la Défense afin d'améliorer l'efficacité des militaires et d'endiguer la corruption, notamment un système d'approvisionnement en ligne, un examen polygraphique des candidats à des postes financiers et la mise en place de contrats de service militaire sur le court terme (RPR, 2015). Un point important à noter : l’adoption par l’Ukraine d’un Bulletin de défense stratégique, feuille de route pour l’adoption et la mise en œuvre des standards de l’OTAN et la promotion d’une plus grande interopérabilité entre les forces ukrainiennes et alliées. L’Ukraine prévoit également une transition vers un leadership intégralement civil du ministère de la Défense d’ici à 2018, bien que certains membres au sein de l’AP-OTAN estiment que cette transition aurait dû intervenir plus tôt.

43. Ces réalisations sont pour le moins remarquables, surtout si l'on tient compte des circonstances exceptionnelles et des défis auxquels le pays est confronté, aussi bien en interne qu'à l'extérieur. Toutefois, du point de vue de nombreux Ukrainiens, ces réussites sont 12 L'Ukraine demeure l'un des pays les plus inefficients au monde en matière d'énergie, en partie en

raison des mécanismes de corruption qui minaient le secteur de l'énergie. L'intensité énergétique de l'Ukraine – le ratio de la consommation énergétique par rapport au PIB – est trois fois supérieure à la moyenne européenne. Selon l'Agence internationale de l'énergie, en mettant en œuvre les normes européennes en matière d'efficience énergétique, l'Ukraine pourrait économiser plus de 20 milliards de m3 de gaz naturel chaque année. La production de gaz nationale de l'Ukraine s'élève à environ 20 milliards de m3 (et pourrait bien passer à 27-30 milliards de m3), alors que sa consommation de gaz atteint environ 48 milliards de m3 à l'heure actuelle. Si l'Ukraine atteignait le niveau d'efficience énergétique de ses voisins européens, elle pourrait devenir totalement indépendante du gaz russe.

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contrebalancées par le fait que la sphère politique demeure dominée par les oligarques et des fonctionnaires corrompus qui n'ont pas été traînés en justice. Dans les faits, l'État de droit est fragile. Le système judiciaire doit encore être en grande partie réformé et des doutes subsistent quant à l'objectivité des procureurs. Si les électeurs se trouvent devant un vrai choix lors des élections et que le décompte des voix est équitable, l'OSCE a néanmoins exprimé des inquiétudes en ce qui concerne les intérêts commerciaux qui influencent le processus électoral. L'Ukraine a aussi peu fait en matière de réforme des régimes de retraites et des sociétés publiques. En dépit des progrès enregistrés sur tous les fronts, de récentes enquêtes révèlent que 68 % des personnes interrogées pensent que l’économie se trouve dans un piteux état, 76 % estiment que le pays va dans la mauvaise direction, 14 % seulement font confiance au leadership de M. Porochenko et 70 % ne font pas confiance au nouveau gouvernement (Weir, 2016 ; Carnegie Endowment, juillet 2016).

44. Même si le gouvernement post-Maïdan a pris de grands engagements visant à éradiquer la corruption, cette dernière demeure la plus grande menace qui plane sur la sécurité et la stabilité nationales avec le conflit qui règne en Ukraine de l'Est. À la différence de ses prédécesseurs, le nouveau leadership ukrainien est ouvert à la discussion quant à l’ampleur du problème, mais les citoyens ukrainiens sont frustrés par le décalage entre la parole et les actes. Une enquête révèle qu’environ 80 % des Ukrainiens pensent que le niveau actuel de la corruption est égal ou supérieur à ce qu’il était avant l’EuroMaïdan. Toutefois, la part des personnes interrogées qui ont personnellement été confrontées à la corruption n’a pas augmenté, ce qui permet de penser que la sombre perception de la corruption en Ukraine résulte dans une certaine mesure d’une conscience accrue du problème parmi les Ukrainiens. On constate un net renforcement de la conscience civique dans la population : quelque 65 % des Ukrainiens considèrent comme injustifiable le fait de donner ou d’accepter des pots-de-vin (Carnegie Endowment juillet 2016).

45. Si les Ukrainiens sont confrontés au quotidien à la nécessité de verser des petits pots-de-vin, en particulier pour les soins de santé et l’éducation, la corruption la plus préjudiciable est celle qui se joue à un niveau plus élevé. L'Ukraine a finalement, en octobre 2014, adopté une législation d'envergure concernant la lutte contre la corruption, qui comprend tout un ensemble de mesures allant dans ce sens. Ces mesures comportaient notamment la mise en place d'organismes spécialisés dans la lutte contre la corruption, en particulier le Bureau national de lutte contre la corruption (NACB). Selon une évaluation réalisée par la Commission européenne, la mise en place du NACB se fait dans les temps : près de 100 enquêteurs ont été recrutés et formés. Ils ont déjà réalisé leurs premières enquêtes, qui ont abouti à l’arrestation de gens qui, auparavant, auraient été considérés comme intouchables. Ces enquêtes ont également contribué à l’ouverture de poursuites contre six juges accusés de corruption dans des procédures judiciaires. D’après une étude récente, le NACB – qui n’a entamé ses activités qu’à la fin de 2015 – a déjà lancé 148 enquêtes criminelles, gelé 220 millions de hryvnias ukrainiennes de revenus illégaux et soumis 15 cas aux tribunaux. Ceux-ci n’ont toutefois pas fixé de date pour la tenue d’un seul procès à ce jour et semblent faire obstruction aux enquêtes du NACB. En l’absence d’efforts pour promouvoir l’indépendance de la justice, les efforts louables du NACB continueront probablement à être entravés (Firestone, 2016).

46. Lors du séminaire de haut niveau qui s’est tenu à Kiev en juin 2016, les membres de l’AP-OTAN ont appris que le Bureau ne disposait pas d’un soutien politique ni de capacités suffisants. Qui plus est, le NACB ne pourra pas être entièrement opérationnel sans un bureau du Procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption. Si la mise en place de ce nouveau bureau a débuté (un procureur spécial chargé de la lutte contre la corruption ayant été nommé le 30 novembre 2015), la Commission européenne émet cependant des doutes quant à son indépendance et à son intégrité, principalement en raison des manquements constatés dans le processus de sélection des dirigeants du bureau (EC, 2016). L'Ukraine met également en place une Agence nationale pour la prévention de la corruption (NAPC), chargée de contrôler les déclarations de patrimoine. À la suite de récentes réformes, les registres fonciers peuvent désormais faire l’objet d’un examen public, ce qui aiderait les journalistes et d’autres personnes à

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mener leurs enquêtes. De nouvelles lois ont également été adoptées concernant le financement des partis politiques et le recouvrement des actifs13. Signalons enfin que le nouveau système de passation électronique des marchés publics (pro-Zorro) s’avère efficace et est largement salué au niveau international (Carnegie Endowment, juillet 2016).

47. Le 1er septembre 2016 a été marqué par un jalon important dans la lutte contre la corruption, en Ukraine avec le lancement du système de déclaration électronique pour les responsables publics. En octobre 2014 déjà, une loi avait été adoptée obligeant ces responsables à remplir une déclaration électronique révélant tous leurs avoirs financiers, y compris ceux détenus par les membres de leur famille – les fausses déclarations étant sanctionnées par des poursuites judiciaires et des enquêtes pour corruption étant prévues en cas de discordance entre les avoirs déclarés et les revenus. Les multiples tentatives pour affaiblir ou retarder l’adoption de la loi semblent avoir échoué à ce jour, bien que la cour constitutionnelle d’Ukraine examine actuellement un appel introduit par 48 parlementaires pour l’abrogation des dispositions les plus critiques de la loi (Krasnolutska, 31 août 2016 ; Cohen, 2016).

48. Au total, les nouveaux mécanismes mis en place n'ont pas eu un impact significatif sur la lutte contre la corruption. Même si des poursuites pénales ont été engagées à l'encontre de hauts fonctionnaires, pratiquement aucune n'a donné lieu à un procès ou à un recouvrement des fonds détournés. En 2015, l'ONG Transparency International classait l'Ukraine au 130e rang sur 177 en matière de corruption, ce qui en faisait le pays le plus corrompu d'Europe. Nombreux (94,4 %) sont les Ukrainiens qui placent la corruption parmi les trois principaux maux dont souffre l'Ukraine, selon une enquête menée par l'Institut international de sociologie de Kiev. Beaucoup en Ukraine s'accordent à penser que la lutte contre la corruption est entravée par le ministère public. Le procureur général, Viktor Shokin, considéré comme faisant partie de la « vieille garde », a fait l'objet de nombreuses critiques pour avoir fermé les yeux sur les nombreux cas de détournements se chiffrant à plusieurs milliards de dollars, que des enquêteurs indépendants ont révélés par le biais des médias (Aslund, janvier 2016). M. Shokin a été poussé à la démission en février 2016, mais non sans qu'il ait au préalable renvoyé son adjoint géorgien, David Sakvarelidze, considéré comme le principal réformateur pro-occidental au sein du ministère public ukrainien. Malgré la disparition de M. Shokin, rien ne prouve que le ministère public sera à l'abri de la corruption. En mai 2016, le président a nommé son proche allié Iouri Loutsenko, ancien ministre de l’Intérieur et chef du groupe parlementaire de Porochenko, au poste de nouveau procureur général. Celui-ci a déclaré au parlement ukrainien qu’il était déterminé à « mettre un terme au système actuel, inefficace et partiellement criminel » (Polityuk, 2016). Un peu plus de 100 jours après son entrée en fonction, Iouri Loutsenko s’en est déjà pris agressivement à des responsables liés au régime Ianoukovitch. À ce jour, il a introduit des actions en justice contre l’ancien chef de la majorité législative, l’ex-ministre de la Justice, de multiples dirigeants de banques en faillite, un ancien juge de haut rang et entamé des poursuites contre des responsables de la sécurité impliqués dans des violences contre des manifestants lors de l’EuroMaïdan et l’exécution de plusieurs d’entre eux (Karatnycky, 2016).

49. Les Ukrainiens n'ont toujours pas confiance dans leur système judiciaire. Une enquête menée par le Centre ukrainien pour les réformes politiques et juridiques a montré que la corruption généralisée des juges (94 %) et leur politisation (81 %) constituaient les principales raisons de la défiance de la population vis-à-vis du système judiciaire. Même si le gouvernement, avec l'aide de la commission de Venise, a élaboré une stratégie des réformes judiciaires pour la période 2015-2020, la mise en œuvre et l'adoption de ces réformes si essentielles s'avèrent lentes. En juin 2016, le parlement a adopté un ensemble de réformes constitutionnelles cruciales, visant à rendre les juges plus professionnels et plus indépendants des influences politiques. Cette législation limite également en partie l’immunité qui les mettait à l’abri de poursuites judiciaires en cas de fautes professionnelles. Soutenues par plus de 300 juristes, ces réformes ont été largement

13 Selon les autorités ukrainiennes, le régime de M. Ianoukovitch aurait sorti 32 milliards de dollars du pays en liquide, début 2014, dont seule une petite partie aurait depuis été recouvrée.

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saluées par la communauté internationale et sont essentielles à la poursuite du soutien accordé par le FMI à l’Ukraine (EurActiv, 2016).

50. La crise politique vécue par l'Ukraine a été exacerbée par les révélations des « Panama Papers », indiquant que l'ancienne entreprise du président, qu'il s'était engagé à vendre au moment de son élection, était gérée par le biais de comptes offshore. Le président Porochenko a expliqué qu'il n'était pas intervenu dans la gestion de ces biens depuis son élection, mais qu'il avait délégué cette charge à des sociétés de consultance et à des cabinets d'avocats. Selon lui, l'entité légale offshore était nécessaire pour bénéficier d'une fiducie sans droit de regard et faisait partie d'une restructuration préalable à la vente. Néanmoins, ces révélations ont sérieusement écorné la réputation du président auprès des Ukrainiens.

51. Il reste encore énormément à faire en matière de dérégulation, car les marchés commerciaux demeurent faussés par des exigences complexes et inutiles sur le plan des autorisations, qui augmentent le coût de l’activité économique dans le pays. Le secteur ukrainien des petites et moyennes entreprises n’est pas assez développé et les réglementations posent un véritable problème aux petites sociétés, incapables de faire face à cet écheveau de règles et de procédures. Une enquête réalisée en 2015 auprès des cadres et dirigeants à la demande de la chambre de commerce américaine en Ukraine a révélé que la raison la plus fréquente de se livrer à la corruption réside dans le désir d’accélérer des procédures administratives tatillonnes (Carnegie Endowment, juillet 2016). Il y a en outre beaucoup trop d’entreprises publiques, ce qui représente une charge colossale pour les finances publiques et favorisent la corruption.

52. En conclusion du présent chapitre, il est important de noter qu’en Ukraine, il existe encore de puissants oligarques opposés à des réformes institutionnelles fondamentales. Ils sont représentés à la Rada et œuvrent minutieusement au ralentissement des amendements constitutionnels. Ces oligarques continuent à contrôler une grande partie des médias et parviennent à saper certaines des réformes les plus importantes dans la société ukrainienne. La majorité actuellement au pouvoir est fragile et le gouvernement devra compter sur le vote de députés influencés par certains de ces oligarques. Le populisme est omniprésent et de nombreux politiciens font aux citoyens des promesses qu’ils ne pourront pas tenir. Cela ne fait que renforcer la position de ceux qui cherchent à contrecarrer un changement fondamental. Le nouveau gouvernement est confronté à la tâche peu enviable qui consiste à démanteler le système oligarchique et à placer le pays sur la voie européenne du développement. Ces efforts nécessitent un soutien international s’inscrivant dans la durée.

C. AIDE INTERNATIONALE À L'UKRAINE

53. Depuis le début du mouvement de l'EuroMaïdan en faveur de l'accord d'association UE-Ukraine, et en tenant compte du fait que le principal objectif stratégique de l'Ukraine est son intégration à l'Europe, il paraît logique que l'UE soit l'acteur principal soutenant la transformation de l'Ukraine. Juste après la « Révolution de la dignité » en 2014, l'UE et les institutions financières européennes ont engagé 11 milliards d'euros dans l'aide à la stabilisation politique, économique et financière de l'Ukraine.

54. L'UE assure une aide macrofinancière (2,2 milliards d'euros en financements à faible taux d'intérêt ont été versés depuis le déclenchement de la crise début 2014), un soutien budgétaire et une aide humanitaire sous forme de subventions, d'une assistance technique et d'un soutien indirect par le biais de préférences commerciales accordées dans le cadre du DCFTA, entré en vigueur le 1er janvier 201614. L'UE a également constitué le Groupe d'aide à l'Ukraine qui se compose d'experts venus d'institutions et d'États membres de l'UE, dans divers secteurs, chargés de fournir aux autorités ukrainiennes conseils et assistance dans les secteurs des réformes. En

14 Les résultats du référendum consultatif aux Pays-Bas indiquent que certaines composantes de l'association UE-Ukraine pourraient être revues. Les dispositions relatives au libre-échange sont actuellement appliquées dans un format « provisoire ».

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outre, l'UE a aidé l'Ukraine à transformer son secteur énergétique. L'UE et l'Ukraine finalisent également le mécanisme d'exemption de visa tandis que le Parlement européen a lancé un programme visant à renforcer le rôle et les capacités du Parlement ukrainien.

55. Le FMI procure une aide financière vitale qui permet de maintenir l'économie ukrainienne à flot. En mars 2015, le FMI a annoncé un programme de renflouement sur quatre ans au profit de l'Ukraine d'une valeur de 17,11 milliards de dollars en prêts. En 2015, l'Ukraine a obtenu les deux premières tranches, à savoir 5 milliards et 1,7 milliard de dollars, respectivement. Depuis octobre 2015, la troisième tranche est repoussée en raison des inquiétudes suscitées par la lenteur des progrès réalisés par l'Ukraine en matière d'amélioration de sa gouvernance et de lutte contre la corruption, et en réduisant l'impact des intérêts particuliers sur l'élaboration des politiques. Selon Christine Lagarde, directrice générale du FMI, « sans effort conséquent afin de donner un second souffle aux réformes de la gouvernance et à la lutte contre la corruption, il est difficile d'envisager une poursuite et une réussite du programme de soutien du FMI » (IMF, 2016). Au moment de la rédaction du présent rapport, le FMI est sur le point de débloquer un nouveau prêt destiné à l’Ukraine. Initialement chiffré à 1,7 milliard de dollars, ce prêt serait désormais ramené à 1 milliard de dollars environ. Le déblocage de cette tranche d’aide et l’approbation du conseil d’administration du FMI devrait permettre à l’Ukraine d’accéder à un financement supplémentaire, dont une garantie de prêt d’un milliard de dollars et 600 millions d’euros de l’UE (Siebold, 2016, Aslund, août 2016).

56. Les nouveaux dirigeants de l’Ukraine n’ont pas introduit de candidature officielle d’adhésion de leur pays à l’OTAN. Toutefois, l'Alliance est considérée comme un partenaire majeur et un allié idéologique de l’Ukraine. De hauts responsables ukrainiens, dont le président du parlement Andry Parouby et la vice-Première ministre de l’Ukraine pour l’Intégration européenne et euro-atlantique Ivanna Klympush-Tsintsadze ont déclaré aux membres de l’AP-OTAN que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN fournirait à terme des garanties de sécurité à leur pays et contribuerait à la stabilité en Europe. À ce stade, Kiev a toutefois choisi de centrer tous les efforts nécessaires pour répondre aux normes de l’Alliance et expliquer à ses citoyens les avantages d’une intégration à l'OTAN avant de poser officiellement sa candidature au Plan d’action pour l’adhésion. La popularité de l'OTAN a considérablement augmenté depuis le début du conflit avec la Russie. Selon une enquête d'opinion menée en juillet 2015, 64 % des Ukrainiens se disent en faveur de l'adhésion de leur pays à l'OTAN (Vorobiov, 2015). D’autres sondages donnent des résultats différents : une enquête menée par l’Institut sociologique de l’Académie des sciences ukrainienne constate que les pourcentages des partisans et adversaires de l’adhésion à l’OTAN sont les mêmes, tous deux atteignant 38 % (StopFake, 2016). Une récente enquête réalisée par le centre Razumkov a montré que 41 % des Ukrainiens rejetteraient un accord impliquant une « garantie » de non-adhésion de l'Ukraine à l'OTAN en contrepartie de la paix en Ukraine de l'Est.

57. L'OTAN a réagi à l'intérêt croissant de l'Ukraine pour des contacts plus rapprochés. À l'occasion du sommet du pays de Galles de l'OTAN en 2014, l'OTAN et l'Ukraine ont lancé un ensemble complet de fonds fiduciaires destinés à moderniser les capacités de l'Ukraine en matière de sécurité et de défense dans les domaines suivants : logistique ; commande, contrôle et communications ; cyberdéfense ; gestion des carrières militaires ; réadaptation médicale. En juin 2015, à la suite d'une requête exprimée par l'Ukraine, l'OTAN a convenu de lancer un autre fonds fiduciaire destiné à la lutte contre les engins explosifs improvisés (EEI), visant à aider l'Ukraine à améliorer ses capacités de sécurité et de défense. Ce projet d'aide aux communications tactiques a pour principale mission d'identifier les excédents dans les budgets des États membres de l'OTAN qui peuvent être alloués en tant qu'aide à l'Ukraine, éventuellement complétés par de nouvelles acquisitions afin d'obtenir des capacités cohérentes et complètes en coordination avec des projets bilatéraux nationaux. Les effectifs du bureau de liaison de l’OTAN en Ukraine ont triplé.

58. Lors du sommet de Varsovie en juillet 2016, les dirigeants alliés ont salué l’intention de l’Ukraine d’approfondir son Partenariat spécifique avec l’OTAN et de continuer à contribuer aux

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opérations dirigées par l’Alliance alors même qu’elle se défend contre les agressions de la Russie. Les dirigeants alliés et ukrainiens ont approuvé le Plan d’aide complet visant à consolider et à renforcer le soutien de l’OTAN à l’Ukraine, par le biais notamment de capacités sur mesure et de dispositions visant à renforcer les capacités dans les secteurs de la défense et de la sécurité. L’aide de l’OTAN devrait renforcer la capacité de résistance de Kiev face à un large éventail de menaces, y compris des menaces hybrides. Les pays alliés contribuent également au développement des forces armées ukrainiennes par le biais d’initiatives multinationales, comme la brigade composée d’effectifs lituaniens, polonais et ukrainiens.

59. L'Ukraine reçoit une aide bilatérale importante de la part des États membres de l'UE et de l'OTAN. Les États-Unis en particulier interviennent et proposent une aide destinée au secteur de la sécurité en Ukraine. Les États-Unis ont fourni à l'Ukraine des ressources militaires non létales, mais l'administration Obama s'est refusée jusqu'à présent à proposer des armes, malgré les voix qui se sont élevées au Congrès pour défendre l'idée d'une aide allant plus loin et fournissant des « armes défensives », telles que des armes portables antichars. Depuis que la crise a débuté fin 2013, les États-Unis se sont engagés à fournir plus de 760 millions de dollars d'aide à l'Ukraine, en plus des deux fois un milliard de garanties en prêts. Des conseillers économiques et techniques états-uniens ont aussi prodigué leurs conseils à une douzaine de ministères et localités en Ukraine (Morelli, 2016)15.

60. L'Allemagne a prodigué une aide directe à hauteur de presque 200 millions d'euros, mise à disposition en 2015, contre 130 millions d'euros en 2014, sans compter 500 millions d'euros de garanties de prêts. En 2015, le gouvernement allemand a en outre offert 18 millions d'euros supplémentaires d'aide humanitaire. Agissant au nom du ministère fédéral des Affaires économiques et de l'énergie, un groupe de conseillers allemands conseille le gouvernement ukrainien concernant les questions d'ordre économique et social (Federal Foreign Office, 2016).

61. Pour 2015-2016, le Royaume-Uni propose un dispositif substantiel de financement de programmes visant à aider l'Ukraine dans ses progrès en matière de réformes, de communications, de réconciliation nationale et de gestion de la situation humanitaire. En 2015, le Royaume-Uni a formé 2 000 membres des forces armées ukrainiennes dans divers domaines, dont les anti-EEI, les opérations menées en environnements urbains, les soins médicaux, la logistique et la planification des opérations. Le Royaume-Uni a également offert à l'Ukraine plus d'1 million de livres sterling d'équipements (Ministère de la défense du Royaume-Uni, 2016). En mars 2016, le Royaume-Uni a annoncé qu'il doublerait son aide militaire à l'Ukraine (Ministère de la défense de l’Ukraine, 2016).

IV. CONCLUSIONS

En guise de conclusion, le rapporteur tient à souligner les deux points suivants :

62. Premièrement, la communauté euro-atlantique, liée par ses engagements vis-à-vis des valeurs de démocratie, de liberté, de droits humains et d'État de droit, doit réaffirmer sa volonté de soutenir l'Ukraine et prendre des mesures supplémentaires significatives pour l’aider dans sa lutte pour l'indépendance et l'intégrité territoriale. La communauté euro-atlantique doit faire preuve de patience et de solidarité, et être prête à augmenter son aide financière directe, ainsi que l'expertise mise à la disposition de l'Ukraine en matière de réformes. Chacun se doit de comprendre que la transformation de l'Ukraine ne peut pas se faire en un jour et s'accompagnera nécessairement de son lot d'échecs. La refonte institutionnelle de l’Ukraine représente un sérieux défi pour un pays 15 Selon la sous-secrétaire d'État des États-Unis, Victoria Nuland, plus de 266 millions de dollars d'aide

états-unienne ont été consacrés au secteur de la sécurité, notamment à la formation de près de 1 200 soldats et de 750 gardes nationaux ukrainiens, mais aussi à la mise à disposition de 130 véhicules multiroues à haute mobilité, 150 lunettes de vision nocturne et 585 dispositifs de vision nocturne, plus de 300 radios sécurisées, cinq robots de neutralisation des explosifs, 20 radars de détection des mortiers et plus de 100 SUV civils blindés.

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confronté à un lourd héritage soviétique et à des décennies de mauvaise gouvernance. Néanmoins, il serait injuste de dénigrer les efforts consentis par l’Ukraine. Ces efforts seront deux fois plus efficaces si la population ukrainienne et les responsables politiques du pays perçoivent des manifestations tangibles de l'engagement de la communauté euro-atlantique, qui doit éviter de succomber à la lassitude. Les membres de l'OTAN et de l'UE doivent poursuivre leurs efforts diplomatiques visant à inciter la Russie à revenir sur la rigueur de sa politique. Les tentatives de normalisation des relations avec la Russie ne peuvent pas se faire aux dépens du droit de l'Ukraine à faire des choix stratégiques et à opter pour les alliances qu'elle souhaite. À ce stade, la seule solution consiste à maintenir les sanctions prises à l'encontre des fonctionnaires et entités en Russie qui sont à l'origine de la déstabilisation de l'Ukraine. Annuler le régime actuel de sanctions sans obtenir de concessions de la part de la Russie reviendrait à encourager celle-ci à agir en toute impunité. Un agresseur n’est prêt à suivre la voie de la paix que lorsqu’il est confronté à un front international solide et uni. La communauté internationale doit constater des résultats tangibles concernant la mise en œuvre de Minsk II. La Russie et ses partisans doivent en particulier cesser immédiatement leurs violations du cessez-le-feu et restituer le contrôle frontalier du Donbass à l’Ukraine. La présence d’une mission internationale de police au Donbass sera essentielle pour y restaurer la sécurité et créer les conditions propices à des élections locales libres selon la loi ukrainienne. La communauté internationale démocratique se doit aussi de ne pas perdre de vue le fait que la Crimée a été de facto annexée illégalement par la Russie et de faire savoir sans ambiguïté que cette annexion illégale ne sera jamais reconnue.

63. Deuxièmement, les dirigeants ukrainiens doivent comprendre que le niveau d'aide internationale accordé à leur pays dépend directement de leur capacité à tenir leurs promesses de réformes. Il est de leur responsabilité de faire montre d'actions concrètes prouvant leur volonté de tourner la page des anciennes pratiques malsaines de gouvernance. Ils doivent faire montre d'actions concrètes témoignant de leur détermination à mettre fin sans exception aux mécanismes de corruption, de clientélisme et d'oligarchie. Ils doivent soutenir un ordre constitutionnel reposant sur des valeurs de tolérance, d'inclusion, de pluralisme et d'engagement indéfectible vis-à-vis des droits humains et des minorités. Le conflit avec la Russie instaure un contexte très difficile pour la mise en œuvre de réformes politiques, mais Kiev doit tirer parti du fait que l'agression perpétrée par la Russie a engendré un sentiment d'unité nationale et donné naissance à une vision stratégique commune de l'avenir de l'Ukraine. Cette opportunité de transformer le pays en profondeur ne doit pas être gâchée. Il est temps pour les politiciens ukrainiens de s’abstenir de querelles politiques destructrices, de faire passer les intérêts du peuple ukrainien avant les leurs, de se consacrer aux réformes ardues mais nécessaires pour le reste de leurs mandats parlementaires et présidentiel et de prendre conscience qu’à moins qu’ils ne s’attaquent aux causes profondes de la corruption et aux faiblesses du système judiciaire, ils ne peuvent espérer bénéficier de la sympathie et du soutien pleins et entiers de leurs amis dans les pays occidentaux.

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