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Cabanes Robert Monographie d'un village d'Antanetilava-Ouest (vallée d'Ambohimiadara), République malgache (Imerina) sl : sn, 1965

Monographie d'un village d'Antanetilava-Ouest (vallée d'Ambohimiadara…horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/... · 2019. 4. 18. · 10e salari§s, venus de ré~ions

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  • Cabanes Robert

    Monographie d'un village d'Antanetilava-Ouest (vallée

    d'Ambohimiadara), République malgache (Imerina)

    sl : sn, 1965

  • l'RDUERE PARTIE LE VILLAGE ET ra SYSTEME ECONCMIQUE

    A - LE RIZ. CIRCUIT D'AUTOSUBSISTANCE.

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    L~ culture dG riz est l'activité essentielle de~out le village. D'Octobre à m~s-avril, elle retient les genspour la plus ~rande partie de ce temps : il faut labourer, semer,repiquer, quelquefois surveiller la récolte, moissonner et bat-tre. Tout le riz produit dans le villa~e est consommé dans levillage; tout le riz produit par chaque famille est entière~entconsommé par chacune d'elles: telle est la car~ctéri8tiquefondamentale de la production. (Voir tableau 1)

    Tous les outils de culture sont appropriés indivi-duellement; le principal est la bêche. La charrue, que des terrains-très durs exigeraient assez forte (att.ela~e de 6 à 8 boeufs)n'est utilisée par personne. La herse est employée concurrementau piétinage des boeufs, parfois, elle est amenée par le salariéqui se loue ainsi avec son matériel.

    La terre à riz se transmet par héritage : divisionen paz-t s égales entre les enfante et déclaration de sucoessionà la mort du père. Lorsque les Gnfante se marient, le père

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    le~ accorde des parts, toutes inférieur0s en général à cellequ'il garde; le repartage se fera à sa mort, selon sa volonté.

    En pxo1ncipe, le droit D. la terre est subordonné à l'accomplis-sement des devoirs envers les morts : réparation ou constructiondes tombeaux après décision du conseil familial, participationaux exhumations. En fait, la question ne se pose pas, ou trèsrarement. La jouissance effective de la terre est totale; en casde v'3nte, que cc soit rizj.ère s ou tanety t le vendeur doits' ad-resser en priorité à ses cohéritiers. En réalité, le vendeur faitconnaître ses intention$ à suffisamment de personnes - toutespr.tr

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    D'où les conflits des propriétaires avec ceux qUi, profitant dela loi qui permet de tra.vailler des terres incultes depuis 5ans, entreprennent de défricher une parcelle.

    Organisation de L~ production •

    Depuis la semence jusqu'à la consommation, le riz estentièrement contrÔlé. Chacun sème son propre riz, le "vaky am-biaty", riz autochtone de bonne qualité nutritive mais de faib-le :rendement. Dans 10 cas où un paysan s'apercevr'ait qu'il n'apas assez de riz pour arriver jusqu'à la semence, il restreindraitsa conso~ltion et cellc'de sa famille, achetant nu besoin duriz pour fik'll1r~er mais gardant le sien pour semer. Repiqué ct ré-colté sur les rizières ffi1cGstrales, il Gst battu et engrangé dansla maison; on fait sécher le paddy au soleil sur des nattes, parpetites quantités, et les femmes le pilent deux ou trois foispar jour pour chaque repas.

    Par d'autres asp0cts le riz est tout aussi important :sa paille permet cle nourrir dans une larfSe mesure le OU les

    boaufs; on donne le son aux cochons; en retour boe~fs et porcsfourniront du fumier pour la rizière. Certains disent n'éleverun boeuf' que pour le fumier; qui plus est, on dit aussi ne cul-tiver les porr~es de terre de contre-saison que pour améliorerla terre à riz, ce qui techniquement est juste.

    Mocle d'exploitation. Le riz est cultivé en quasi-totalité en

    faire-valoir direct. Deux métayers seulement (qui sont aussipropriétaires) d'un p~rent parti à la ville. Le métayage sefait aux 2/3 pour l'explOitant et 1/3 pour le prop~iétaire.Métayage ou location de rizières sont reconduits d'unv annéeà l'autre selon la volonté du bailleur. Touto l1bo:l:'t6 do cu1-ture est L'lissée à caJ.u1 qui travaille. Si au village, le

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    1e métaya~e a l'aspoct d'une relation familiale, de caraotèreautoritaire cependant, il n'en est pns de m~roa au bourg voisinoù le s métayers des p..:;rsonne s ilinstruitcs" parties à la. ville,ou dos commrerç8.nts du lieu, sa plaignent de la dU1'üté de leurpatron. 10 mét;:;wage Gst essentiellement domination du p:t:'oprié-taire sur le &.ét:lyor qui cha~8 fréquemment do PQtron.

    L'entretien des canaux d'irrigation se fait de manièredésordolUlée par cll:lque propriétaire qui répare, selon la positionde sa rizière, un morceau du canal central ou le canal secondairequi y mène • .Ains:L,celui qui sc trouvant plus bas, aura asséchéplutôt sn rizière, risque s'il n'y prend ~arde, de la voir ànouveau inondée par celui qui se ·l.;rouvant plus haut, aura décidéplus tard de réparer ses canaux ct d'assécher la siênne. L'irri-gation de chaque rizière n'ét3nt pas indépendante, l'entretiendGS canaux et un assècheoont adéQuat supposeraient une 13ntentepour l~ réalisation simultanée de ces travaux. Cette ententen'existe p!3.8.

    la. plupart dos travaux des rizières (labourage, her-sage, repiQua~e) sont accomplis par des sQ~~riés. Soule la moisaonse fait on concurrence, par l'entr1aido entre personnes du vil-lage ot les saL~riés.

    10e salari§s, venus de ré~ions SU~QUpJ.ée8 du Sudde l'Imerina, "où l'on ne trouve pas d'argent" passent ré~ièrement au village à l'époque des ~rands tra.V8.UX, et se font en gé-néraJ. embauCher pn:t:' le ~ême ~~tron, ai L~ négociation précédentedu prix de leu±' travail leur a paru raisonnable. Ils sont lJayésà la tâche ~près discussion du chef d'équipe avec le patron,chacuh e stinJ.:ult, préuL'1.blement au travail, le temps de labourexip;é par un ou plusieurs champs. Le salaire peut varieJ." de 100à 175 Fra pr.J..t' jour. Seules les repiqueuses sont payées à la

    journée et leur salaire varie suivant leur nombre par rapport

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    aux travaux ~ GtfactUG~n début de saison quoique peu nombreuses,elles ga~nent 80 Fra p~r jour; en pleine s~i8on, 110 Frs. Nourrifr~f:l.lement (rcp.-"ls sans viande) ct logé à l'étroit par oon employ-eur, le salarié, à la fin de sa tâche, partira plus au Nord en-core où les travaux sont plus retardés, chercher d'autres salai-res.

    Le travail salarié est déjà unecaractéristique dominan-te du mode de production. Il s'étend aux oOllldres tr~vaux : par-fois, pour un travail de tanety d'une ou deux journées, on salarieun jeune d'un village voisin. Pour le "transport du fumier de boeufdans J.es rizières, il arrive qu' on salarie pendant leur journéede con~é, les enfants d'â~e scol~ire habitant les villages voi-sins, 8. 80 Fra.

    Parnllèlem811t 8.U développement du travail saL:trié,Itentr'aïde a été nbnndonnée, jusqu'à devenir ~lnsi-inexistanteactuellement. La seule forme d' entr' aide jamais connue et pra-tiquée au villar~e est le valin-tanana,étymologiquement : prêterla ~~in. Une personne du vilL~~e en,invite d'autres à travaillersur sos rizières, à chc'1rge de revanche lorsque ces o.utres per-sonnes voudront travailler leurs terres. La journée de travail setel"mine par un repas abondant ~t soigné ( le riz est touj oursaccompagné de viande) pris chez l'organisateur.

    On raconte qu'autrefois los équipes d'entr'aido~ro1.lpant tout~sles personnes du village en âge de travaillerefficacement pouvaiont labourer en une journée les rizières dedeux ou même trois familles. Les repas étaient oopieux et l'at-mosphère ~aie; les relations nouées à cette occasion dépassaientla nécessité technique de l'entr'aide. Actuellement l'cntr'aidene se réalise qu'au moment de la moisson du riz, et dans quelquesfamilles seulement. Fils et gendres vont eider leur père et

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    b3au-père. L'entr'nide ne se pr~tique qu'exceptionnellemententre frères ct soeurs d'UllO même ~énération, à moins que cene soit au profit du père. Encore n'est-cG pas une rèp'le géné-raIe, et les 1'ils pouvGnt prétexter d'un tr8..vr.dl p(~rsonnel pourso satlstrnire à l'autorité paternelle. Les cas de rébellion con-tre l'autorité p~ter.nelle sont assez fréquents: décision depr.œtir travn.illcr à l'extérieur du villr'1~e, budget personnelet indépendance oxigés nvant le ~~riQ~e; et même lorsque l'en-tr' aide est effective, olle ne se réalise pns S8.n8 difficulté.Dans L'1 mljorité des cas, elle garde cependant le sens fQmilia1de l'honneur rendu au père. Quand (très rarement) elle se pra-tique entre voisins ou pnrents plus éloignés, elle est le signed'une entente pQrticulière qui se rrJ,'lnifel3te au-delà de L'1. pro-duction.

    Une exception : chez los p~ciens esclaves, les cadets·~ravaillent régulièrement (ou 1'ont travaillar laurs s:::tlariés)au profit?o leur frère aîné, sans que ce dernier soit tenuen retour à leur rendre le travail, ni à romplirtoute autreobligation d'ailleurs.

    Le commerce du ri~. S'il n'y a pas de trnnsnctionsde riz à l'intGriour du village, certains sont obligés d'enp.cll'Jtcr' à L'l périodc de soudure à partir du mois d'octobre etjusqu'au mois d'avril. On achète le riz par petites qUr'1ntitéa,au r,Jnrché, chaque semr.tine, à un autre pays::m ou à un collecteur.Aucune discussion du prix; le riz vaut de l'::œwmt, c'est leDeul produit a~ricole vendu à prix fixe. On peut avoir l'il-lusion de ff1iro Ul'le bonne affa.ire en achetant une corbeilleentière à un prix que l'on discute, mais seul le vendeur conna!tle poids eX:::l.ct. De toute manière : ë1 où vient le riz qu'on achè-te ? pqr quellos mains est-il p~ssé ? pourquoi co~te-t-il 10

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    double qu'à L~ récolte? l'cotent des questions inexplicables.

    Les " Gr~ndes COmpG/~lliG Sil dont on Pe'1.~le mais dont on ne connatt

    pas le nom de llune d'entre elles, profitent du besoin dlar~ent

    du paysallo,à la récolte ct leur achètent le riz; dans le but d' a-

    voir plus d'argent ensuite quand les prix soht plus élevés. Lefait Clue lœ prix montent reste une chose quasi-inexpliquée

    (les prix montent parCG que les paysans ont besoin de riz) etsurtout naturelle. S'il en avait les moyens, le vilh'1.geoisugirait de la même façon que lee compngnies : po~~ uvoir plus

    d'argont.

    Cette production auto-consommée, base de l'alimenta-tion et condition do ~~ survie, cultivée selon des méthodes ances-trales éprouvées, reste rebelle à toute modification techniquede culture. Elle le resterp.. encore un certain temps; on cOlJmonceun pou à p2rler des commerçants du bourg voisin qui pour la pre-mière année ont repiqué en ligne une qu~lité de riz plus produc-tive. Ces nouvelles tachniques seraient plus f~cileme~t ~doptéessi le riz ét3it la seule production et obligeait d'entrer dnnsle circuit commercial. D'autre part, l'on Q. vu que l'on achetaitle moins posaible de riz : cette mmée qui fut rnnuvaisG pour la

    récolte, certains villageois ont commencé dès le mois de juillet

    à ne manger du riz qu'une fois par j our; ~u.."'( autres repus, l'onmangeait du manioc.

    Enfin tout 19 monde d~s le village ~ des activitésannexes dont le. principale ost 12 f~lbrication des ri:anches de

    ·bêche dans L~ ~or@t. Il s'établit donc deux circuits économi-ques séparés; séparés nml au point de vue de la réalité stric-

    tement économique, oais PQr le sens que chacrun prend à l'inté-rieur du village. On cultive 10 riz pOtu' vivre : en avoir

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    suffisamment pour la consomn~tion libère partiellement de lanécessité de se procurer de l'ar~ent; on fabrique des manches"en plus", pour avoir de l'argent.

    Autres cultures et élevage. Les cultures de tanety (manioc, pa-tates, saonjo, pommes de terre) fournissent le complément de l'a-

    limentation aux hommes et aux bêtes, boeufs et porcs. L'élevagedu cochon qui subit de lourdes pertes du fait des épidémies estpeu à peu rcmplacé pnr le boeuf de fosse. Acheté vc~s le moisd'octobre avec l'argent des manches, le boeuf est utilisé pourpiétiner les rizières. Epuisé et am~i~ri, il est placé dans unefosse pour être engraissé. Il est revendu 8 ou 10 mois après,à un boucher ou à un démarcheur avec un léger b:énéfice. Cer-tains ont plusieurs bOGu.fs achetés a.u fur et à mesure de leurséconomies et gardés en prévision d'un "coup dur" ou de dépensesexceptionncllles : exhum~tion, circoncision. En f~it, cet éle-vage ne r~pportG guère. Un bénéfice brut de 10.000 Frs par ansur une b~te est estimé très raisonnable. Certaills déclarententretenir des boeufs sipplement pour avoir le fwnier nécéasuireà-leurs rizières.

    Boeufs et porcs sont achetés et vendus par un nombrefixe de ~ro8 commerçants connus qui imposent leurs prix. Ici aussi,

    totale imptùssance du paysan au sujet du prix; on sait simplementque les variations de prix suivent lu courbe de l'offre et de la

    demande : au moment des travaux les boeufs sont plus chers, lesprix baissent ensuite une fois les travaux finjs. Une certaine

    méfiance règne vis-à-vis de ces commerçants toujours réticentsà payer comptant, 3t que l'on soupçonne de vouloir "roul.er" lepaysan. L'un d'eux a récemment quitté le pays avec d'énormesdettes. On commence à leur refuser la vente à crédit alors qu'onla pratiqti.c couramment entre pnysMs.

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    La culture de pommes de terre sur les rizières en està ses débuts. Tout le monde la pratiquë, mais seule une p3rcellede :l.'izière en général cultivée (60 à 80 Kgs de dernence en moyen-ne). La récolte est partie consommée par les villageois, partieconservée pour ln future semence, partie vendue à des commerçantsd'Ambohimiadana, ou même p~rfois donnée aux cochons. Les prixqui peuvent atteindre 16 Frs en début de récolte, tombent à 5 Frsen pleine récolte. Mais la pomme de terre n'est qu'une cultured'appoint et len faibles qU~ltités vendues ne permettent ~uèred'envisager de la part des villageois une revendication sur les

    prix. La po~ne de terre sert en premier lieu à améliorer la

    ri z:l.ère •

    Les cultures de tanety et l'élevage prennent doncl'aspect d'8ctivités complémentaires à la production du riz.L'élev8."Se, permis en partie par le riz (son et paille).oonstitueavec ce dernier un circuit où l'argent, représenté par les b~tes,est quasi-immobilisé, le bénéfico de sortie étant fait de l'en-grais organique destiné à la rizière. Parfois, en période de p~-.nurie, le porc encore maigre est revendu pour acheter du riz.Quant aux cultures d~~ tanety, leur majeure partie est destinéeà la consommation; elles pcrmetteht de ne pas acheter du riz.Ce circuit d'auto-subsistance basé sur le riz et ponctionnantau besoin le circuit monétaire qui contribue ainsi à le rééqui-librer, est la première caractéristique importante du village,

    son fondement en tant qu'unité séparée de 116xt.érieur.

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    B - LA FABRICATION DES r-IA...1ITCHES DE BECHE. LE CIRCUIT :HONETAlRE.

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    Le surplus monétaire vient principalament du tra-vail effectué duns la forêt, ou pour ceux qui trop vieux ou tropfaibles, ne peuvent y aller, du travail salarié en dehors du vll-la~e.

    On va dans la. forêt toute l'année: sitôt qu'un fo-restier aY8nt besoin d'ar~ent dispose de 5 à 6 jours, il va dansla forôt faira dos manches (voya~o aller-retour : 2 jours 1/2,3 jOt~s). Mais on y va surtout en saison sèche après la moissonet la ~lantution des pommes de terre sur les rizières pour cher-

    cher l'argent qui permettra de payer les impôts, les cotisations

    des exhtüàations, les salariés qui viendront labourer les rizièresau mois d'octobre, etc ••• On va dans la forêt à 2 ou 3, rarementseul, en oarchant très vite, à des distances de 5 à 6 m. l'Unde l'autre, sans se parler. Les équipes de travail sont forméesde pnrents très proches (père ct fils, frères) car on ne s'a-venture jamais seul chns la for~t. ID permis de coupe est prispar un chef d'équipa, plus rarement on commun. Un permis decoupe valable 4 mois et permettant d'ah~ttre 2 arbres coüte1.600 Fra. La composition des équipes n'est pas rigide : celuiqui a terminé le travnil avec son permis de coupe, celui quiexceptionnellement veut travailler dans la forêt, peuvent lefaire avec le pormis de coupe do quelqu'un du village, moyen-nant une redevance de 5 Frs par manche. Quelquefois l'on emploiedes Bcz:uloz:mo, auxquels l'on frtit payer 5 à 10 Frs par m.'111che.Lorsque é/.~alemcnt on a trop de manchcs à emporter, ces derniersles l:)ortent au village pour 15 Fra pièco.

    Le travail dure do 6 h. du matin à 10 h. du soir;

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    il est ent-cGcoupé de t:t'oio :t"'cpns très brefs composés du rizacheté aux Bez~noz~o ct de b3tes ct oiseaux tués our ~lacG.Très peu do conversation ni penB.ant le travail ni pendmlt lerGvas. On dort sous dGS huttes de b~nches. L'outilla~e de cha-c:ue forestier, qui lui appartLmt personnellement, comprend uneh2.che, un ~:rnnd couteau et un grand r~bot. Une fois l'arbre abat-tu, il ost p~rt~~é en autant de lon~ueurs do manche (l,SOm) ct

    ch~cun débite sn lon~ueur. L'efficacité du travail dépGnd do lnqualito de l'8rbre : l'arbre jJunc est tendra ct facile à débiter,l'arbre vi::mx est plus dur. ArrivG au vill::lISG, la forestier rabotelJlus finement les manches, IGS passe à la toile émeurie, les en-duit do ~raissc de boeuf. Ils sont pr&ts pour ~~ vente.

    Le trflvail que nous avonr~ pu obserUer porte sur 7jours complets (voy~e compris). Trois hommes travail~1iGnt, quidébitaient un arbre jeune déjà abattu, ct chacun a f'onfectionnéune trentaine de m~ches, ce qui fait, au prix moyen do 85 Frsle ffiflllche v::mdu au I:1.'lrché, 2.850 ]'r8 pour uno semaine de travailhn.ra8sant qui nécessite 2 ou 3 jOl~S do r~pos.

    k-venj;e. Les f1fl.nches sont vendus au I!lc').rché, Doità do;) c1émFlrchours spécinlisüs d:·U1S Cû commerce, soit à d'autrespaYS:'1.11s. Qu.e lquefois , un l'lutre forestier "habile à vendre" st in-torpose entre les doux, ou un démarcheur connu passe au vilL~gcpOl~ acheter IGS manches en ~ros, mais jn~~is los gens du vill~gene) vendent lQurs rn:""l1che s iJ. des démarcheurs du vil~e.

    La vante se fRit toujours par mnrchanda~e, ~').is ceQ~rchnnda~e no si~nifio plus ~r[uldtchose : on vend pour obtenir unocert~ine quantité d'ar~ent; l'éventail des prix possibles est assezrestreint, ln rol~tion de l'achoteur au vendeur, surtout au ~~rohé, est pr~tiqucmont imperDonnelle. Les vendeurs de m~lches duvilln:~,J l>ré:fà:ront vOl'.dro à dQS commerçants on ~ros plutôt qu'àdes p...'J.ysnns. ks COInt1erçants on ~!r08, quoi

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    moï...'18 ntt8.chés qu 1 eux à une victoire D:Jrsonncllc qui sa tradui-r~it p~r un prix ~8sez fQible, ils Droposent d'emblée le prix(ou uh prix très voisin l~gàr()m(mt inférieur) aui leur 2ssurela r;'large bén8ficiR.ire qu'ils désirGllt. L~i transllction cst fai-t0 r~pid3m~nt; on caG d'Sc~rt trop ~rand antre l'offre et laden~nd3, on passe ~u co~morçnnt SUiV:Ult sans s'étGrnisor en pa-l:loros. D' :"lutro l)art, le rnr:trchand c;.ui f.\ohèta on ~os propose d' emb-léo Ulle sorJ.1me ~ose~~ élevée. Ce n'ost quo lorsqu'on ponso ne pn,sQvoir suffisawmcnt d'nrGent à ln fin du ffiQ:rch8 pnr lQ vente ongros, que l'on vend nu d~"G:::Jil. Il s'afSit alors d'obtenir le prixm.'1xirr,U!1 d.J l'acheteur. Et si, V0rs lrl. fin du m:lrché, l'on est2,rriv6 à obtonir 1.o.yer lours s::tl::triés, travaillent

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    Autres activitQ..8. Tous ceux qui ne vont pas travaillGr dnns

    111 forat ont des aètivit6s annexes qui 188 conduisent à wche:t'-chJr d:}s 8al;ü)."c8, en particulier pendA.l1t J..;~ sn.ison sèche. :fIi0me

    ]Jour coux qui ne mi~rent p::w, los sources de r;Jve.l:lU se trouvent

    en dcho)."s du vill:1ge, tel le ch8.rretier qui frd t à l'occasion

    de s trun,sl)o:rts de briques et de madriors pour des "patronsll

    de villa~es voisins.

    M~is la plupart migrent comme moissonneurs à If~!ja(200 Km), ou Aflbatondrn.zak~ (500 Km), comme briquetoers là oùse trouve llil chantier, corone j~rdiniers à T~n.n~rive. On tientà se différencior dos p;ens que l'on appelle des "slll:triés dela bôche ll puisqu'on ne part jama.is 18.bourer des rizières; d'autre

    p.- trt, l'on' va che rcher de s sulaire s m::lis l' eIl n' e st ~amais le

    salarié ré.',;ulier d'un pr"1tron. Enfin, cette recherche de l'argent

    n'est pf.1S non p]~~s contr81ée, ot sa plus f::üble productivité

    comp::trôe au travr'.il de 1..':1. forôt, permet seulement de subvenir a.uxbesoins immédi8ts.

    Une dernière nctivité importante, apüci~lité des fem-

    mes, est 10 tissll~e des rabanes. Toutes le8 femmes ont un métier

    à tisser de fnbricniïion rJa~achü sur lequel elles tissent desrnbQnos cn f~fin. Elles y trnvnillcnt en toute suison et peuvent

    faire chaque semaine 100 Frs de béné:fice si elles travaillentune p:::rti\3 de lrt journée seuleront, 250 Frs on travaillant toute

    1J.l jotu....née et une pnrtie de ln. nuit. Ics fr3~mes seules vivent en

    /Srnnde p::..rtiG de ces revenus. L'argent des rabanes est lu premier

    consacré aux menus ach~ts hebdomadaires d'épiceria.

    Toutes cos activités créent un surplus d'n.rf~Gnt dont

    il .f -~ut 3nvis8"~GJ.'" rnainten~.ult l'utilisation.

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    - 14 -

    La C~nsor.~ation.

    L~ consom~~tion de riz était ~utr8fois une illfUlifesta-tion essentiello do L~ vic vilL~gcoise; elle ütQit liéo à chaquefois à l'expression de L~ co~~un~uté villn~eoise : boeuf qu'unmourant ordonnait de tuer pour son enterrement ou qu'offrait10 fokonolon~; boeuf :'lchet~ par le mari le premier jour du rùnr-ché nprès le maria.~e ct l'langé en commun; grands repas à ln findes journée s d' entr' aide, pour innugurer une maison, pour le scirconcisions, à l'occasion de 13 première coupe do cheveux desenfants ••• Lors do ces ré'jouissances communcs, :J-c riz était tou-jours pl.'6sent ct 10 repas pria en commun était un signe importnntde ~~ cohésion du vîll~c, la terme du cycle de production, lesens :pl."ofond dG 1:). communnuté vill.::tge oise. 10 nl'Dr'ldihrma est m..-'J.in-tonant la seule occasion où l'on prond un repas commun. C'estln dernière m~rque, très importante, de l'union: il arrive

    que l'on SG rl~ndc à. une exhum.'ltion simplement l')our yrendro 10

    repas, sans attondre l'ouverture du tombeau.

    Actuellement, l~ consommation,mis à p~rt les dépensesong,~ées pour les constructions dG tombeaux ct les exhumations,

    dGpe~sos qui ont une significntion nncienne ct interne à la so-

    ciété vil18~eoisG (1) - porte soit sur des objets d'importationsoit sur des objQts présentés au vilL~~e p~r le système commercialtextiles en gr;:mdes p.-..rties, obj2ts divers, lunettes, chn.ussures,nlr'lclline s 3. coudrc, trnnsistors, hrtrmoniums, Gtc •••

    ~-------~-------------------------------~---------~---------------~(1) Encore faut-il porter QU compte de l'évolution flctuellc , l'o-pulence de ccrtnines C~lumntions ct lq volont6 do beaucoup defamillcs restreintes d'avoir ch~cunG lour tombeau.

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    Principal cnrnctère de cette conso~~tion : 0110 n'est pns uti-lisée on vue de l'enrichissement, on vue d'une rcproduction del'ar~Gnt. ~~ phénomène de la consommation s'épuisc en lui-même:on consomme pour consommer. Pourquoi vôtir Qvec rechorche lesonfants 11lutÔt quo d'utiliser davnntngo d' ,mt;rr-tis ? Acheter uneo~chine à coudre au lieu do coudre soi-même ou d'employer ~e

    couturière ? Cotte contin~0noe du point de vue économique devientune qunsi-néoessité du point do vuo viJJ.:l.gcoia : 18. m'lchine àcoudre pout permettre d'asseoir son autorité sur los femmes duvillage auxquelles on l~ Dr~tor~; il semblorn déchoir à une por-sonne du villn~e si 0110 n'hr-tbille pas ses filles en âge de scmarior nussi bien que les nutrcs. Cette consomn~tion, qui n'estpn.s qunntit8.tivoIDont très importante, pnrF.l.1t tot8.loml'mt détormi-née de l' oriériIJur. Elle co lore le s l'F.'.pP O!'t s du villr.~e o.ve c lesystème économique ct si~nifie nu~ant pour los villngcois la par-ticipntion à ln production ct nu pouvoir c1\3 cc système que sonconflit ~voc lui.

    L3 mot d'exploitation f~miliale p:J.rn1t s'nppliqucr à~~ üituation économique du vilL~~e. D'un côté un circuit d'nuto-subsistanco qui fonde le villa~c comme unité ocono~iquc; de l'au-tre, uh circuit commercial qui rééquilibre le système d'auto-subsistance ot ffiet 10 village on rapport nVGC l'extériour. Cetteprésentation poso plusieurs phénomènes contradictoires. La pro-

    priété individuelle se traduit p~r unf:1it dG jouissnnce total :exploitr-ttion et vento font partie du droit de propriété. Ce droitn'on est ]:1.!iS s-crictec:1ont un on ré:::lité cnr il subit certail1Gs

    entorsGs. Par exemple, un frère n.1né, le pèr'3 ét::mt mort, s'ap-

    proprie uno p~rt des rizières do son cn.de~; on peut profiter do

    1::. situation difficile do quelqu'un pour l'appa.uvrir. En dé-volopp:;nt 18, lOGiquo économic!ue de ces exemples (logiaue do ln

    . ".'. ~

    loi du plus fort) on en ser~it arrivé nctuellonent à une situa-tion t~ès différenciée ontro pQuv~es ot riches. Or il n'en est

    •••

  • ."

    - 16 -

    rien. Pourquoi ?

    D'un F.l.utrc côté, le phénomène génér:::tl dG l' nuto-consom-m,.':l.tion do riz nous p:1ra.1t s'nccomoder fort m:li d'un mode de pro-duction strictement individuel (sal::lriée)

    Enfin la gueta frénctiquo de l'argent ne s'accompagnapas d'une utilisation économique cn vue do l'enrichissoroBnt etdo la reproduction dG cet ~r~ent; elle sc réalise entièrementd~ns L~ consomIDQtion d'objets oxtérieurs. Autnnt de tr~its quiposent ln question des r8.pports du vilL~~e F.l.vüC le système écono-mique extérieur •

  • - 17 -

    C - BREVE HISTOIRE ECONOMIQUE m VILLAGE.~-------~-------~------------------------

    Ln séparation de familles ot l'absence d'union dans le

    travail sont des faits que l'on dé91oro dnns le village, pnr com-

    p:trnison ft l'union o.ui régnllit au temps des anc8tres, m8.is donton na consorve l')'lS un souvenir très précis; on so borno à exprimerlr~. d6su..'1.ion : " On 110 tr8.vnille plus en cocmun•• la désunion est

    volont:ù.re •• Ch,r':1.cun tr::wnille pour sn famille " Il La jA.lousio

    règne, co n'est plus comme avnnt ou ch8.cun était content d~ voir

    progresser l'autro " (c'ost un ancien "grr:md" qui pnrle). "Nous

    sommes ici nommés los i{,Sy tr.::~ (ne veut pas ô'bre J:'attrapé)

    et IGS tsy hiho:~:rn.-'1n (ne veut pas être dépttssé). Il n'y a qu'unG

    c01p:'SO duns J.,.-;. vie (fifaninnnll)." Les C8.USOS réelles de l'ab-

    sence d'union restent obscures. On l'explique à poste~or.1 par11"1 plus ~r.~nd0 efficacité tochnique du trnvnil individuel : "Cha-

    CUll vaille à son terrain pr.trce que le trrwnil en commun n' estpas mpide ou fo1.1ors il est 111:11 f::ti t •• Le trnvaiJ.. individuel

    (nvec des sQlnriés) permet de terminer 10 pr~mier et de profiter

    de l' cau quand il faut 18.botU.'er les riziüros " On S::lutc de ces

    eX]Jlicntions :lUX cr'.usos plus générFl.les : l'.'lr,gent, l'éc:t'iturc

    (qui permot de ch~ger de parole), les vaz~ns. Essayone de re-

    constituer les étapos •

    •1 - De la déJ2endancc à ~.. famille.

    L'histoire d'un long conflit dans le vilL~ge révèlo que

    ln. pJ...~tiquc du trnvf:l.iJ.. en commun reposait sur une orp,:misation

    économique et soci~le ~ quclquGS gT:lnds tennient sous leur dé-

    pend:.U1ce une clientolc do petits. B•• orDhtilin à 14 r.ms, est

    .recueilli l)lr lr~. gCl1nd 'mère do R... chez laquelle il travaille

    jusQu'à. son mririf.l~e. R.. orphelin à son tour ost ~ccucilli par

    le b3.'1u-frère de B.. snns enf:lL'1.ts. Il travniJ..le chez lui duquel

    •••

  • J

    ,.

    - 18 -

    il ~90it quelque s rizière s, :p::~s suffisrtrnmon-c pour lui et Sil

    famille, m~is s~s contrepartie on nr~ent ou cn espècos. B,.,

    d'~utr0 pnrt lui donne un terrnin ct l'nidc à construite su

    petite IDr'lison. En l.'.:3vr.mche, R.. doit 13.110r trflvnille:r.' drma L'l

    forêt nvec les fils de B•• e'~ leu"t' pnyc la redcv:mcc de 5 Fra

    p0 r ~~nchc; il doit, d~s los r~pports ~vec B•• ct sos fils,

    montrer une cort:~inü soumission (pn.r exemple, possédant une nii1e

    commune avec un fils do B•• , il doit lui demnndGr ln permission

    d'étGndrc son riz), il achetait du riz à B•• ct son benu-frèro

    ct trnvaillnit sur ]~urs rizières. Sn m~ison même (dimensions

    réduites, murs de türro ct toit do chaUDe) côtoy~t les m'lisonsplus prestigieuses de B•• ct ses fils, lllscrit dnus 10 paysage

    sn dépendn.nco. R•• ccpendnnt, dont l'héritnge était très mince,

    trflvnill(:; d' n.:rr[.\che-piod ct pnrvicnt à sc construiro quolquesriziores personnelles.

    A cette épOque, 10 frère n1né de R•• veut vendre une

    rizière, hérit~e de sn mère à son c~det. Prix: 250 Frs. R•• enoffr0 150 Frs, B•• 175, et l'nchèto. Outre le fait que B.• impose

    sn décision avec 25 Frs de plus, il fRut retenir quo 10 besoin

    d' argent passe outre la coutume (surtout en ce qui concerne le

    terrain d3 ~~izièros) de VClnre à :).'héritier le plus direct.

    DI où 10 mécontentement de R•• envers son frère.

    Deuxième épisode: il y ~ une diznine d'années, R•• veut

    répnrer le tomb:m.u familial; le frère n1né refuse de pnyor sn part.R•• cultive la rizière que son frère avnit vendue à B•• en disant:si tu ne vaux pns honorer lCs morts ct ],)flyc.r tr.t p.'1.rt de 1.'1 répa-

    ration du tombenu, tu ntr:ts p~s droit à l'héritage. Officielloment 1il tente dG r6actu~liser un prDlcipe nncien concernnnt ln trans-

    mission des te"'res pour nssu"t'~r 81). v:llidité fnce à un ncto com-mcrci.'ll. En f::tit, pandnnt 10 :rè~loInont du conflit, ni R•• , ni

    le rny nmnn-drony convoqué pour l~ circonstance, ni les mombrc.s

    du fokol101onn présents nt ont invoqué ce principe. In querelle

    est ré~lée nu j;lrofit de B•• , },..'). vente est confirmée •

    • ••

  • ,

    .(

    - 19 -

    Pour consolider S~ victoire, B•• , 3 ou 4 ans aprèsoette nffllire immatricule tout cs ses terres dont colle où se trou-

    ve la [~~ison do R•• LQ su~f~cG où sc trouve ln ~~ison ntest pasimmatriculée, ~~is le pourtour immédi~t l'est, dG telle sorte

    que l'abri des porcs, l'~irG do batt~~a du riz et les sentiersqui y ~èn~llt font souvJnt l'occasion do disputes. la tension vadurer jusqu'à mn.intenfint." Il Y a un M, R•• Flyant fnit des éco-nomieo, ::". acheté un terrain au Sud du village, à l'écnrt, et esten trn.in d'y construire une m~ison. Au cours d'ur~ réunion quitrl1itait do cc conflit, ln quasi-unnnimité du village s'est fai-te contre B•• et sn sépQr~tion d'nvec R•• qui étnit déjà réelle,a été publiquemont consacrée. L'indép,:md:mce est Je droit de

    chacun.

    Il Y D. une trenta.ille d'années, B•• étnit le plus gr8.l1ddu vill~e. Sn richesse en terrains dÜo on p~rtio à son ml1ri~~e etSI3. position flU 80in du li~n,'v~e (Voir tableau 2) lui .'lssu't'r.ticntle contrÔle ct l'or~anisfltion du travail collectif de Lq majeurepnrtie du vil~~4ù. Il ét~it le soul suffisamment riche pour re-cueillir des parents orphelins ou :liJer ceux qui étnient dans

    Ifl misère : donne» quelques terres, les aider à construi~o uno~~ison. En retour on trnvaillQit pour lui : on raconte que lorsdu transport de fumier d~ns s~ gr~de rizière, 30 hommes trnvail-

    laient "an passe-pf1sse" et terminaient 1(JU1.... trnva11 en une jour-née. Il ne lui reste actuellement qu'une seulc personne, aussisubordonnée à lui que le sont ses fils. Passée inaperçue unebonne p~rtie de Itenquête, elle a déclaré onsuite avoir f~it

    beQucoup d'économies, et nttendrc ln dispute uvec le grand quilui permottrn de construire sn propre m~ioon et de prendre sonindépendnncc. F~co à B•• , il n1y nvnit qu'un ~utre ~ra.nd, moinsriche, et qui n'étend~it guère son contr~le nu-dolà de sos fils;le vil~~~e 6tQit divisé en doux pQrtis concurrents pour L~ réa-lis~tion dos tr.'lvaux, p~rtio f8.miliaux de pf.l.l.""ents très proches -

    •••

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    - 20 -

    le parti de B•• étant enrichi de p~ronts plus éloignés - asseznettement séparés drms l'espace du village. Ln clientèle de F •• ,qui étnit d:::,v8.nt.!1go ~utori t:lire ct considéré plus m,.:1UV::lÏS lm.tron

    que B\., s'est désorg~nisée plus tet, bien ~vant sa mort. Lors

    des disputes de terrnin, il trnitnit sos clients nVGC la IDSme

    sévérité quo les autres personnes et se dispGnsait fréquemment

    de rend~e ou de faire r0ndrc le travail dont il avait déjà béné-

    ficié Gur ses rizières. Ces ~aits, qui ont contribué à lleffon-

    drement de l'entr'nide, doivent être repL~cés d~ns une perspecti-ve historique plus large.

    , - DétG~~~tion du vi1L1Be p~r l'extérieur.

    A l'arrivée des promiers nnc8tros nu vilL~ge, .L~ nécos-sité d'entretenir le réseau hydraulique dos rizières cxist.~ntGsct surtout d'ch amén~ger du nouvelles, suppos~it un trnv~i1 col-lectif. Ch8.qu0 vill8.ge devqit d':1utre pflrt :"\ssurer sn. sécurité:nu momJnt ou les b:1tailles entre seigneurs étrJ.ient fré-quentes, il était plus s'Ür pour les h~bitnnts d'un même villagejuché eur SQ colline, d'aller trnv8.iller ensemble lorsqu'ilfr.üL~it descendre (l.::ns L'l. rizière; d'une colline à l'nutre, dessignnux dd. fumé 0 si'~n.'lL'liont l,'l prés0ncIJ cl' ennemis ou de suspects.Cel~ supposait une or~~nisation sociale inteTnc ~u vilL'l~e trèssolide, qui sc tr~dui8nit en gr08 par l'endon~i0 de clan ct lu

    prééminence d'un ou plusieurs hommes, riches ct vieux; cette

    forte cohusion f:~ruili:lle dev::'.it El r exprimor drms un système de

    strltuts dont tout souvenir ost l'lctuelloment perdu !lU vill~gc.

    Ln liberté dent jouissait l!l v~llée vis-à-vis du pouvoir cen-

    t't':'11 dOVi':dt .:Jncora ri.mforcGr cotte cohésion (Cf ln. partie his-

    torique) •

    • ••

  • 1:'

    ."

    21 -

    La colonisation semble avoir été le facteur décisifqui a déclenohé l'évolution de ce système.

    - La libération des esclaves a contribué à ébranler les rapportsde dépendance : les detlX familles du village voisin ont eu uneparcelle laissée par leur rna!tre et l'ont, semble-t-il, facile-ment multipliée - la terre de rizière n'étant pas totalementamén~ée - jusqu'à acheter récemment des parcelles, parmi les' p1tmanciennement cultivées, au beau milieu de h~ vallée. Dès ledécret d'abolition en tous cas, l'indépendance pour ces deuxfamilles semble avoir été réelle : rizières, tanety et maisonpersonnelles. Une seule contrainte, qu'ils n'ont pas tardé àremettre en question un peu plus tard, était celle du travail col-lectif sur les rizières de leur ancien maître et d'autres hommeslibres "~:randsll, au m~me titre que les hommes libres "petits",avec cependant la différence que les hovas (hommes. libres)

    n'allaient jamais travailler sur leurs rizières. D'un pointde vue plus général, il est vraisemblable que la dépendances'est perpet\1(§a: en se dé~:radont, parallèlement au dévelOp-pement du système commercial d'importation.

    - La mise en place du système commercial colonial s'es"t faiteprogressivement, avec l'aide de l'administration. L'llltroduc-tion (1) de l'argent facilite les éc~e8 qui sc faisaiontsurtout par le troc et entre paysans. L'importation de mar-chandises nouvelles, cncoura~ées par l'administration - on

    -~~~--~-~--~--~~---~-~--~~-~~~---~~------------------~-~~

    (1) Ou plutôt, la circulation plus ~énéralisée de l'ar~ent. Aunnrché voisin d' Alarobia, vers 1890, on pouvait avoir un ~rostas de viande avec une fraction de piastre de la ~rosseur d'un~rF.l.in de paddy.

    • ••

  • ,,

    ..

    - 22 -

    arrive ainsi à toucher le moindre coin de brousse et cela con-tribue à laisser le village replié sur lui-m$me - crée des be-soins nouveaux (1). Le système hiérarchiaue où les ancienscontrôlaient l'or~anisation du travail et assuraient,dlns ununivers d'auto-subsistance la redistribution des ~~ssources àl'intérieur du v+lL~ge, est prêt à perdre sn signification.r,' étendue de l' entr' aide se rétrécit; ello se charge, lorsqu1

    elle se perpétue, d'un contenu différent. Elle pre~d l'allured'une compétition entre grands, qui, tout en essayant de fairetravailler le villa~e à leur seul profit, s'efforcent d'attirerun plus ~r..md nombre de travailleurs sur leur terre et d'offrirdes rep~s toujours plus soi~nés. ~hlgré eux, les petits étaiententra1nés dnns cette compétition en tnnt qu'objets bien sar,Illais aussi en tant que sujets lorsqu'ils désiraient que l'ontrava.ille pour eux.

    Vidée de son sons, l'entr'aide périclite et chaquefamillo va e8sayer de vivre seule; l'ar~ent, qui permet de toutacheter, devient l'objet d'une compétition de foyer à foyer.

    Travailler avec quelqu'un devient la crainte de travailler pour

    lui et de s'oublier soi-roGme. Touto atteinte à la propriété d'une

    l)oraOl1ne devient une atteinte à la personne. De nombreuses anee-

    dotes circulent , qui racontent les mille et une manières d'enfaire le moins possible sur le Ch~mp du voisin. L'indépendanceconquise est considérée par touo comme un progl?ès, une évolutionirl."év~iblo. Cette"désunion" a pris actuellement un caractère

    -------~---~-------~--------~-------~~-~----------~------~----~

    ( 1) Un t:l.'oisième facteur de cha.l1gement pout être signa.lé : la findes petites guerros ontre seigneurs vide d~ toute nécessité uneor~anisation fnmilialc forte du village; on épouse des fommesétra~èros ~u cl~n. Celles-ci, au villago, seront, dit-on, dosfacteurs do désunion.

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    - 23 -

    exaoerbé, au point que des travaux d'infrastruct~'e agricole -t6ls que 1 t entretien des canaux d'irrigation - qui gagneraientà être réalisés en commun d'un point de vue strictement écono-mique, sont laissés de c8té pour des motifs à première vue fu-tiles, mais qui na signifient pas autre chose que le caractèrepersonnel (et non économique) des conflits, do même que la na-ture pas soulGment teclUlique mais oociale de l'entr'aide passéo.

    Si le sYEitèrJo cO'.wI!lcrci."lil. 6t:i.'f.Ul~or a contribue: à ùr;truire l' orga.-111f.)Q.tion t:r:lditionaellct et 's'i.l deC~U,1i::o la l3oaiu-'liô d:'1ns cer-tains do ses tr~its ~ctuels, il ne l'n pas cependant remplacéepar un nouvo~u système foncièrement différent. Le village n'apas été intGgré dans une relation commerciale ri~ou~use : impor-.tanoe do l'autosubsista~co, diversité et faible quantité des pro-duits vendus. Le mode actuel ùe sa relation avec le système co~mercial interdit un développement de ces relotions : la ventese fait à l'ave~lette, L~ consommation se définit par le faitdo consommer. Au contraire, l' ar~el1t contribue à rééquilibrerparfois le circuit d'auto-subsistance et renforce en quelquesorte l'opposition du villr'J.l!e - mode do production individueldostiné à la subsistance - et d~ ayat~ma éoonomique oxtérieur -mode de production - reproduction. Un exemple do cette opposi-tion pe~t être reche~ché dans la signification prise par l'ar-gent dans une société économique et celle qu'il a au village.

    - fonctiollnemont actuol : fonctionnement mettant on jeu des f~millos isolées dans des rapports non-économiques.

    Appendice : l'arBe~. La recherche véritablement fiévreuse del'argent ne stQccomp~nc pas d'une utilisation rationnelle, véri-tablement économique. L'argent reste une chose mystérieuse, fa-brication des vazru~~s, qui n'a pas d'existence en soi: l'idéedo plncer c1e l'argent dans une banque de œananarive, à 70 Km duvillage, pour le faire fructifier, est complètement irréelle.

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    - 24 -

    Fabrication des vnzahas, 11 ost un si~e do puissanne : ilpermet de traiter avec l'administration, on le dépense trèsostensiblem~nt lore dos oxhumations, on honore lrétr~orlorsqu'on lui en demande. Devenu médiateur quasi-universeld'échange avec l'extéri~ur (l'argent d'une activité peut êtreemployé à toute autre activité), sa signification au sein du vil-

    lage reste déterminée par les rapports personnels d:~lS lesquels"il ost(ou n'est pas) utilisé: il ne sert jamais à régler un

    conflit entre peroonnes du villu~e; il ne sert que très excep-tionnellemGnt à dos personnes du vill~e pour acheter le -tra-vail de lu b8clB d' nutres personnes du villaP,e; en demanderà un villageois, o'est s'abaisser.

    En fait, ce phénomène semble limité cl. l'échelle du vil-lage; avec d'autres villa~oois do l~ vnllée, les r8L~tions sontplus impersonnelles ot il est cour:mt d'employer dos salariésd'un villril~O voisin situé à 1 Kr:1. Il Y a là un phénomène spé.-cifique au villa~e.

    Notons on outre que si l' absenca da relations économiquesintra-villa~eoisesest une car~ctéristiquo du vilL~ge de l'Oucst,à l'Est par contre ont lieu quelques transactions de riz, ct nême,exceptionnelleocnt, dos villa~eois cherchent des s~laires dansle vi lIage même. Un "grand" de ce villa~G achèt 0 du paddy à larécolte pour le revendre nu àouble de son ,rix d'ac~~t à la pé-riodo de soudure. En fait, il vend SUl'tour au marché et les per-sonnes du villa~a ne 8 1 adra ssent à lui qu' avo c une certaine gêne.Le prix est le même que sur le marché ct la rcl~tion commerciaJ.einstaurée n'entraine aucune autre relation qu'on pOt~rait 'quali-fier de dépend~~te; elle porte au contraire les marques do L~ su-bordinQtion. D0 mêma, les vilL~geois qui cherChent dce saL~iresne s'adressent à d'autres villa~eois qu'en dernier recours; ancorales prix sont-ils légèrement plus élovés pour eux. Il y a une sor-te de pudeur à refuser d'utiliser l'argent 8.U sain du village •

    • • •

  • - 25 -

    D - RAPPORTS n~TERNES AU VILLAGE

    -+--~---~-~--~----------------

    1 - Les conflits d'honneur.-..............------..__..---......----

    La. non-intériorisation d'une logique économiquepar les vill~eois ~es limite à la qU3te frénétique dlune choseincontrôlée. l'ar~ent, ct renvoyant le village sur lui-même dé-termine, au moins de façon négative, 1:3. nn.ture des rapports en-tre les personnes du vilL~~e. Un conflit de 2 personnes n'estjarn.'lis de nû.ture économique : il ne prend de sens que par lasituation de l'individu dans le village. Chacun "se montra"(mj.seho); lUl plus gr::md humilie un plus petit qui a honte(mon~tra)•

    L::t position d'un individu so définit par h~ si-tuation I~~térielle du ménage (rizières, tanety, maisons, tom-beaux, arlluL~ltions (1), ainsi q~e pnr dos détails portant surles objets de consommation. On pourrait citer, à cause de l'exa-cerbation où en est arrivée pour le momGrrt la compétition 10sdépenses d'habillemont faites pour los filles en âge de se ID.'l-rier. De même, les salariés quton a la possibilité do payer,

    ou le nombre de personnes du vilL'1go que l'on F.l. sous son au-

    ~---~--~-~--~---------~--~---..~--------~----~~-~--~----- --..(1) Il s'agit ici de décrire globalement les attributs qui serattachent à la personne. On verra plus loin lùs significations

    diverses quo ces attributs, qualifiés ici de personnels, peuventprendre.

    • ••

  • - 26 -

    torité. OornIDent définir l'autorité ? L'on pouvait constaterlors des premières réunions, qu'un certain nombre de personnesparla.ient toujours en premier lieu, qui étaient appuyées etcommentées ensuite pnr le reste du village. Le fait qu'on lesécoutait étnit dû à IG~~ position de riches et d'nncions ausein du villa~e. Un fort parleur, vieux mais pauvre n'est utiJ.eque pour présenter 10 village à l' étra.nt;cr; il n'est pastlécouté ll •Rappelons que cette autorité du riche no sc prolonge pas dansun contr81e économique des vilL~gGois. Mais il n'hésite pas à

    •contredire les ::mciens, brutalement. En réalité, sorti du vU-L~ge, il sc rotrouve sur un pied d'égalité avec ses compatriotes.Au village, il :i:.'ocherche un s-'liatut que le monde extérieur luirefuse.

    Ces divers indices de la richesse n'ont qu'unaaJmaronce économique; ils se rattachent à la par sonne qui l-.;spossèdo ct font partie d'olle-même dans sos relations avec lesautres p3rsonnes du vill~e. Le pr.incipe du fonctio~~emontintorne du village ost une sorto de recherche de défense etdo dévoloppement de l'honneur personnel, honneur qui retomberasur 1Gs ancôtres (ou l'ancêtre) directs, toutes los personnesdu villr'ltSe étant parentes. 03 principe est vérita.blement propreà chaque vil~lge. Avec les hamoaux voisins, on peut ~voir desrelations économiques, médiatisées par llargent, davantage'impersonnelles. On pourrait déterminor le principe suiva.nt :moins il y a de l~L~tions; plus ellos sont impersonnelles etplus los conflits d 'honneur peuvent at~c JvaC'1.\és. A un nivea.ul'luo ~énéral, J.oo :rolations d'honnour s' (J1?l)QS~lt' au:;t: relationsimpersonnelles et déterminent une spécificité du. village.

    Cette compétition - on pGut l'appeller jusqu'icicontaIDlJ1::l.tive, puisqté'GJ1ene met pas les personnes directementen rapport - se déroule ~~bituellement do manière discrète •

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    - 27 -

    J::.unais d'ostentn.tion : on n'nccuse jamais quelqu'un de" scmontrer lt en réunion, m~is plutôt dnns les entretiens indivi-duels, de préférence 0n tête-à-tête; sauf dans le cas où unepersonne sc trouve pratiqueIIlCnt misG en accusation devant lefokonolon8,. Thms la rénlité, de petit s détails peuvent prendrel'alluro d'~~e provocation: il s'établit ainsi un dialo~emuet entre los personnes du villa~e don.Jli les paroles sont re-présentées par un toit de tôle, une varangue nouvelle, dos cul-tures plus réussies, Ull enfant mieux habillé.

    A la base do cette situation donc, la position in-d~pendante de chlique i11dividu sur son exploitation familiale.Le même car~).ctère "personnel" sa retrouve d:lns les conflitsqui mottent diroctèIIlent les vill,']'~Gois en l'apport.

    - La plupart des conflits portent sur la terre :

    qUo~olles de propriété, de limites, de détérioration des cul-

    tures par des anin~~ux ou des personnos, d'entretien des canaux•••Une quarelle de propriété peut surprendre dans une ré~ion où

    toutas les terres, riziGres et tanGty, sont appropriées. Laslimites de t811ety sont pourtant moins précises et font plusfacilement l'objet de cOlltestntions. L~ propriété, enregistréesur l'acte de succession do chacun, est généralomant respectée 1une querelle na survient qu'au momcllt de l'exacerbation d'unconflit, dont les étapes précéàentes ont été plus bénignes.C'est, semble-t-il, le degré maximum de la mésentente, et l'onn'hésite pas à faire appel à des agents de l'extérieur ot nondes moindres. La partie nttaquée recherche do son côté desavocats va~~bles hors du village; le fokonolona n'a l'ion àdirG dmls la débat ct ce n'ost p~s lui qui le tranchera •

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    ..

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    - 28 -

    Los bêtes qui détériorent les cultures constituentune occasion cournnte d'altercations. Le propriétaire de labête rapideIOOnt identifié, pout retrouver le lep.demain matinsa bête morte devant L"l porte. Plus souvent, ce sont des ex-

    plications, en attendant que l'occasion sc présente pour la

    partie lésée de pJ:'endre sa revanche, par exem.ple en agrandissant

    lé~èro~cnt son ch~mp aux dépens do celui du voisin.

    Un Ch~Dp do manioc n'est pas un moyon de productionftyant une exist~mce indépendante, c'est un Oh::UDP appartenantà une personnc bien déterminée ot ayant appartenu à des ancGtrcsé~alomGnt connus. Reculer J..,.~ muraillo du champ du voisin n'aaucune si~nification économiquc pour celui qui le f~it, c'estatt~qu0r 10 voisin dans sa porsonne, le provoquer ct sc mesureravec lui. En retour, 10 provoqué défend son honneur.

    Un neveu dit de son oncle : " Il est méchant contremoi; si une de IDes poules gratte un de ses pieds de patate, illa tue, S'il L~isse sos boeufs aller dans mon champ ct que jele lui fasse remarquer, il répond : " :Nême votre vie est à moi,vous n'nvez pas 103 tiers do ce quo j'ai Il. Quoique brutnJ.e dans

    L~ forme, cette réponse est normale et pour l'oncle et pour lenevou. Avoir trois fois plus de biens qu1un autre est une situa-tion dont il est h'lbitu

  • J

    .'

    - 29 -

    Pour 10 ~:cand, il no st agit pas do profiter 6oonomiquemGnt d'unesituation, mais de se montrer, aux dépens d'un inférieur ou d'unégal; terres, bêtes, cultures n'ont une existcnco que dépendantedo 1.':1. personne.

    Une dernière prouve de l~ non-existenco objectivedeo richesses pourrait êtrd trouvée drolS le f~cilité avec 1.~quelle on abandonne leur poursuite. F •• , à 1,.'1 suite d'un malheurqui l'a ruiné, déclare : Il A quoi bon t oujours che rcher de 11 ar-~ent ? Il vient, il part. Il me suffit d'en avoir assez pournourrir ma famille Il. Un gr8.nd du village voisin, après lesdécès successifs de 4 de ses fils en bas âge, a abandonné lacompétition avec ses frères. Non seulement on le respecte dufait de ses ~allleurs, m~is lui-même décl~re vaines toutes lesdisputes et ambitions des villageois.

    On pourrait donc affirme!' le principe suivant : la 101du plus fort n'est pas bâtie sur la volonté do dominntion oud'exploitation économique dlune personne, m~is sur la volonté dedomination de la porsonna ellc-même. Or, dominer une personnasi~nifiù justement que l'on ait une porsonne cn face de soi:tUle personne a dGS attributs essentiels indispensables à sonexistence dG personne, dont le principal ost la terre. Attaquerla torre, c'est o..ttllquer toute la pl3rsonnc; lui supprimer laterre, c'est l t anéantir. Le système trouve là ses propreslimites ; pOt~ que les rapports personnels puissent sc perpé-tuer, il faut que les personnes existent. La base de cotte so-ciété est G~o.litairc on pout parler d lune communauté. Et l'onpeut dire en même tomps que cette commun::l.Uté ne peut d' e11e-m~mG sc développer, au sons occidontal, par le mOYGn des con-

    flit sint orne s.

    • ••

  • ".

    - 30 -

    2 .. ra sitUc'1.tion de conflit.

    Il n'~ a pns de systèmes do st~tuts fQmili~ux quirèglcmontont l'uSFlfSo dc la richesso. Le souvenir d'obli~a"tionsfamilL31es liéos à JP.. position au soin dG ~~ f~mille eat "trèsestompé; et l~ ~énéalo~ie est on grande p-urtie oubliée; elleest devenue l'affaire do spécialistes du bourg voisin quo l'onreco~~de à l'enqu8teur de fréquenter. Dans le viliage voisin,l'nncien ~rnnd (son grand-père avait 2 esclRves) devonu p~uvreost spécialeoent ~ccablé par ses anciens s0rviteurs. Il a dupayer 200 Frs pour une poule qu'avfiit r.m.~ée son cochon (seulcns de conflit ré~lé pnr l'argent) et cela Balgré la présen-tation toute de respect que ces derniers font do lours rolationsavec lui.

    Le conflit n' étn.nt pas de nnture économique n' Gntra!nepas une domination volontaire et délibérée de la part du supé-riour, simplement des humilintions occasionnelles; de même, l'in-férieur ne pout prondre conscience d'une situation aggravée:leur situ.-'ltion est reconnue norm'lle pn.r chr'lcun d'eux, stable

    ~~is pas définitj~e. Le dominé no conçoit p~s sa situationcomme inéluctable; à la pInce du ~rand, il ~~i~it de m~mG;s'il les critique, c'est parce qu'il les envie, et qu'il saitqu'il pourra peut-être un jour ficcéder à l::t même position qu'eux.Leur opposition n3 peut pas sc cristalliser et se développer.Inv0rsonent, colui qui n'ricoepte pas sa situ~tion f'lit l'objetdo critiqUJ s unanimes.

    Un cas assez exceptionnel se produit dans le village.B••• est le seul du village à rechercher des salaires n' importCi

    • ••

  • ;

    ."

    - 31 -

    OÙ, RoU dehors ct d::lns 10 villr'lge. On le pf.WO à 1:1 t~che; aprèsavoir reçu son a.r~cnt, il f nit la moitié do son trflvail, puis

    s'en vu aillours où il roconwoncc L'l même chose jusqu'à son

    retour d~ns l~ villa.ge où le cycle redé~~rre. Que ce cas puisse

    se roproduir.J Q-G sc répéter assez systém'ltiquement est déjà

    extraordinaire. Toujours est-il que, n'acceptant pas sa si-

    tuation d'infériorité, il f~it l'unanimité du village contre

    lui. "Il sf.~lit le villa~e ".

    Il pout paraître surprenant que l~ richesse ne soit

    PflS utilisée 811 vue de L'l domination sur les personnes. Mais l'on

    a rem~.1.rqué 1::1. tenF.l.cité avec lD.quelle chacun rechercho et défend

    son indépendance, autant supérieurs qu'inférieurs. D'autre part,

    la. situation du villqge no présente pas des écarts très impor-

    t:111tS cntro pa.uvrGS et :t.'>ichcs; l.

  • •-,f •

    .....

    .'

    - 32 -

    contre qui veut ~andir. Il n'y a aUCillle instance supérieuredu village destinée à arbitrer les conflits; le fokonolona esten prL~cipe absent lors des disputes et des réconciliations.Les villageois prennent parti individuellement et refusent dese laisser prendre à parti publiquement; l'habitude de la réu-nion a été en partie créée par l'enquête. Il était frappant deconstater ~u début la gêne qu'éprouvaient certains à s'exprimerpubliquement. Le fait que les personnes sont absentes du villa-ge durailt une moitié de l'année peut l'expliquer en partie. Quandune aff~.dre !le peut se ré~ler entre les cieux parties, on faitappel à Ull tiers extérieur, en général le maire, mais pas obli-~atoirement à Q~ représentant de l'administration. La faillitedes ancienü devant un rôle qui leur était traditionnellementdévolu - rôle qui tenait aussi à leur puissance ~ eot si~naléeavec amertume, parfois avec ~ressivité. Ils se comportent com-me cles villa.(~eois ordinaires : Il les ray-ama.ll-dreny ne donnentpllS de modèle, ne di sent pas cc qu' il faut faire. Je les tutoie

    ~rce que jo ne vois pas pourquoi ils sont ray ::ll'Dan-dreny. Aucundes jeunes nC'refuser~i~ de les écouter s'ils disaient quelquechose; mais ils ne font que re~."lrder et poursuivre ceux qui sontattrapés par Ul'l malheur. Ils ne disent pA.8 ce qu'il faut fairecomme bien, mais ils flattent les vainqueurs et pour&'Uivent lesvaincus ".

    Tout naturellemeilt, le principe du chacun pour soi persisteau-delà de l'univers ~~tériel persolll1el. Les manifestations decohésion internes au vil~e qui à l'occasion du travail en com-mun j?ar exemple, scellaient l'union, ont dispr-tru.. On dit: ilLefiraisana (la véritable union, ln fr~ter.nité) n'existe plus; ilne re ste IJlus que l'exhumati on, et le fokonolona n'existe plusque dans l'union dnus la joie (exhumation) et le malheur (en-te rl."ement , m..qladie) Il •

    • ••

  • 1_

    - 33 -

    L'observation de ln vie quotidienne montre de nombreux8i~nes de fisarahana (désunion, séparation). On s'abstient d'allerman~or chez le voisin de peur d'être empoisorulé. Ch~cun est soup-çonné (J.os voyages fréquents dans la forêt favorisent ces soup-çons) d'être plus ou moins sorcier par une pœrsonne du villa~e;et il HO trouve toujours quelqu'un pour décl:,li'er anormale laoort d'une p·"]rsonne au villatSe. En f::..üt, il n'y a pas eu de mé-

    moire d'ancien, un empoisonnement ou un ensorcellement tlUelconqueau village. 11 reste que les seuls repas véritablement communs

    à tout le vill:1.ge ont lieu lors du farnadihana. Cela ne veut pasdira que personne ne man,~!.e jamais c11e3 personne, mais les familleschez lesquelles une personne peut aller sont peu nombreuses. Deretour au village, B•• se trouve vexé qu'un voisin ait nourrison enfant pendant son absence, alors que sa femme se trouvaitau village. Un a1né refuse dl acoompagner son cadet pour allerdemander la m~in d'une femme dans un vil~age voisin. La cons-truction des maisons n'est plus une affaire du village, maisune affaire indi'Vidua1.lo correspondant avac le fait qu'on ne peutêtre indépendant sans avoir Ulla maison personnelle. On cache même,lorsqu'ellso Gont bonnes, ses relations avec l'extérieur.

    ws femmes elles-mêmes contribuent, dit-on à a.g~raver108 conflits: elles font l'objet d'une compétition entre hommos.Il n'y a pas de règle morale ou familiale qui interdir~it ouassurerait la circulf-ltion des fommes. Beaucoup d'ailleurs sontissues de vilL~ges assoz éloignés avec lesquels on a perdu lesliens do F.l.rcnté. Avoir pris beaucoup de femmes est une caracté-ristiquo do la grandaur, caractéristique qui n'est pas essentielleet qui reste aubordolLnée à la richesse. Le pr~~cipe est toujours

    •••

  • le même

    - 34

    à travors la femme priee c'est le r~ri qu'on vise (1).

    ..

    2.. - La conscience d'une im,;easse.

    Après la réunion assez v.iolcnte où a été étnlé leconflit princip:ll entre R•• et B•• , s'est tenue quelques joursaprès une réunion de r6concil~~tion où, dans une atmosphèresolennelle, s'est affir.a6e ~i pusill~nimité de ces querelles.

    A ce moment-là, cette affirmation était ambigÜe ca.r elle pou-

    vait signifier aUGsi bien ln volontü du vil~e de se refermerà l'ét~~er, qu'une véritable conscience de l'topasse où me-naient ces conflits. Plus tard cependant, la révélation spontanéede nouvelles disputes montre qu'à ce moment-là le village nL-mi-

    festait Ull désarroi certain. Les femmes, en particulier, rési-

    dant en permanence au villa~e, semblent les plus excédées. A

    preuve, un incident Qui s'est déroulé pendant l'enquête.

    Avant la révélation des conflits, au cours d'une

    querelle ,=mtre 2 femmes pour une Cluestion d'adultère, l'une d'elles

    a dit: " 011 a menti 10rsClu'on a dit qu'il y avait l'union et

    c'est R•• qui a emp~ché de parler; mais mainten:mt je vais parler".

    (1) Z•• raconte: La ferr~e de R•• est toujours à moi. Avant monmariage, il ava. i t une autre femme Que j'ai prise. R.. nous a sur-pris un j our ct ID' a dit: " Tu verras toi aussi quand tu auras

    une fenune ". Il a renvoyé SR femme et en a pris une autre avec

    laquelle il est marié lé~itimement. Après mon maria~e, R•• prendIl),'3. femmo et pour lui montrer que je suis auesi fort que lui, j'ai

    dOQandé à sa propre femme et elle a accepté. On est là comme desrivaux et jflmais on ne se fait entrei;- l'un l'autre dans la. maison•

    •••

  • "f

    -.

    l'

    - 35 -

    Ce sont deux femmes (représentant chaque partie) qui sont venuesconter l'incident et proposer de le résoudre; et clest· à la finde lcn:œ réunion qu'a été tirée la conclusion suivante a. la révé-lation de la désunion nt est pns terminée, ÇIl va être au tour des

    hommes mnintenant. Elles ont à ce moment volontairement décidépour leur propre compte de briser le mur du silence sur le fonc-tionnement interne du vill....3.ge en indiquant dt aut re P8.rt que lamême situation de désunion ré~nait parmi les homoes.

    La sit~~tion interne du village paraît donc pénible auxvillageois eux-mêmes et la volonté de ré-union est certaine. L'onverra dans le chapitre suivant comment se réalise cette volonté,à un nive~u qui dépasse le village. A l'irrè6rieur du village,le~ (convention du village) a commencé à réaliser un débutde réunion. Il .'J. été réalisé par les village ois eux-m~mes à unmoment où l'équipe d'enquSte était absente du village. Il estintéressant d'cn exaoiner les principaux points.

    Le premier oblige à se rendre visite lOrs d'une maladieou d'une morl et à offrir une cotisation fixe aux parents.

    Le second essaie de redonner vie au fokonolonn ct préco-nise le rè~lement des conflits à l'intérieur du village. Pour ce-la un bureau fait d'811ciens et de jeunes a été élu. Ce n'est quelot'sque les plaignants ne seront pas arrivés à s-entendre devantl'assemb~éo du village qu'ils pou~ront porter leur conflit àl'extérieur.

    On décide enfin de réparar ol1Bemble 10 grand caltaI dt ir-ri~atioll des rizières. Ces décisions-là montrent bien le désiret la possibilité d'une ré-union à l'intél.~ieu:r du villuge. No-tons bien que tO~Ges ces décisions-là doivent être présentéesdans l'optique d'un renforcement dQ l'mlité du village oontre

    •••

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    .~ .

    . '-

    - 36 -

    l'extérieur et d'une mise en pratique des paroles des ancêt~s.

    4 - Une possibilité d'évolution nouvelle.

    Dans un village voisin sc trouve un grand qui, st é-tant approprié il y a UL~e dizaine d'années des terres de tenetynon cultivées, emploie systé~~tiquement des saL~riés de l'ex-térieur pour faire ses travaux. DOUller des saL~ires. c'est êtretL~ grand, le salarié est un objet rattaché à la personne, au m~metitre que la maison par exemp~e.

    La. relation change de nature '101.:·sque l'on décided'employer des salarién du village. Ce ~rand-là. appelons-leM•• , ~ un permis dQ coupe qui lui donne le droit d'abattre desarbres dans la for~t pour f~ire des manches de bêche. Il acceptect tous ceux qui ont dr.:~s ~rmis de coupe l'acceptent auesi, quodes Bcznnozano viennent f~irc des manches sur leura arbres moyen-nant une redevance d'} 5 ou 10 F··.'s par rllanohe. Or, M•• fait payerle m~rnc prix à ceux du villatSe qui viennent travailler avec lui::tlors que la rcdevancéj pour les personnes du vill~e est de 5 Frsou même quelquefois Gratuite. Tout le moni e pense qu'il exagère.Beaucoup de coux qui ont tr8.vaillé avec lui ne recommencent plus."Pour lui, c'est l'argent qui parle fi. La :relation monétaireeffraie parce qu'elle est sy.stépatique. Elle ne tient pas comptedes div8rscs porsomles connues à l'intérieur du vilh1~e elle ni-velle les individualit és à 10 Fra le IDr'lncho. F.. critique "io-lemcont M•• : lui-m~me laisse parfois des vilL~geois travaillergratuitement avec son permis de coupe· Par contre il profite leplus tranquillcmGl1.t du monde d'unG situation où il peut subtili-ser plusieurs manchos à un compagnon da travail. Objectivement,l'oxploi"tn.tion est la m6mc d::ms les deux cas, mais dans le pre-mier elle a un caractère d~terminé, irrémédiable qui fait pren-dre conscience au petit de sa situation d'infériorité •

    •••

  • - 37 -

    Un phunomèno semblable s'est reproduit lorsque lesdeux maçons ont chorché dans tout le village des r:i:)..."1oeUVl:'es pourpartir tr:::tvailler 8.vec eux. Le salr'1ire proposé était de 22.000 FrChaque fois les réponses ont 0té à peu près semblables à celledu père qui répond pour son fils de 19 f.UlS : " Il ne faut jamaisdire ça ::'.ux petits; vous, vous alloz prendre 60 ou 70.000 ]i' et

    vous n'allez lui donner simplement que 20.000 Fr. Il ne faut pasfaire comme ça puisque vous êtos du môme pays. Si vous voulGZ

    l'emmener là-b~s pour lui appxondro à fuire ~açon, d'acoord,

    ID8.is comme ma.!loeuvre, CG n'ost pas raisonnable •• l1

    Le ~~çon : Maie vous voyez bien que le salaire dépend de sonsavoir.

    Le père : Ce n'est pns raisonnable, nous sommes du même pays.

    :b"'inalemont le r.Jr~çon a. embauché un jeune· de 16 ansque Bon père a consenti à l~issor partir on disant : Il Il n'~a plus assez do rizières maintenant, il pourra trouver là-basdes occ8.sions de sc débrouiller ll •

    Si la relation monétaire intra.-villageoise rép~osurtout aux potits, l'emploi de salariés du village, vors lequels'orientent de rarcs personnes, est on mesure de transformerles rolF:l.tions È'. l'intérieur du villa~e. Déjà, certains ont prisune Qvance visible, ct chaoun s'aperçoit que celui qui emploiedee salariés a~randit régulièrement son cllamp chaque année etvond d~vfU1tage de manioc et de po~~es de terre. On essaie lamême choso uvec plus ou moins de succès et ceux qui échoueront:t'isquunt de devenir le s salariés de s autres qui roussiront.Déjà au village voisin, deux familles cherchent des salairesà l'intérieur du villnge. Bien ne prouve à priori que ce sa-

    laire en soit vér~hablGmont un, et il est m~me probablo que la.

    •••

  • - 38 -

    reL~tion de saL~riat aura au départ la caractéristique du coupledomination-subordination, toujours dans l~ perspective d'unerecherche de pouvoir à l'intérieur du vill~e. Cepcndant, l'emp-loi de n'importe quels sn.1Jlriés oblige à fn.ire une certaino comp-tabilité. Lorsque quelqu'un tr~vaille son propro champ de manioole ~ain est fait do la dif'féroncc entre le prix d' nche.i1 des ti-~es, et le prix de vente du ch:::unp si le cmmp est vendu. Travf.l.ilct temps ne comptent p~s. Celui qui emploie des salriés doitcompter le prix du labour, du sarclalSe et quelquefois du ramas-s~e de 1:::1. récolte. Le passap;ü de l'état actuel des relationspersonnelles à un état de relations impersonnelles, économiquesreprésente un saut qualit8.tif, et il parn.1t difficile de prévoircomment il so réalisera. Néanmoins, le personnago de M•• semblepouvoir faire figure de modèle pour l'avenir.

    Ancien co~nerçant au bourg voisin, il a interrompuson comnlcrco contrairement à boaucoup d'autres qui, bien que

    f~isant peu de bénéfices, préfèrent ~~térialiscr leur argont enbiens - parce qu'il ne ga~ait pas suffisamment. Il achète 1 tonnade paddy lors de le':1. récolte pour le revendre au double de sonprix d'acl~'J.t lors do· ]~ soudure. Il achète chn.que sG~~ine unec0ntaino de mGnchcs n.ux forestiers pour aller les revendre àTnnm1~rive où il loue une pièce pour 106 ont reposer. Forestierlui-m8rne et fabricant de piro~ues, il dirige une équipe d'unedizaine de personnes, dont certaines sont du villa~e, ~~is tra-vr.dlle'3.nt en dehors du vill~e. Enfin, il ne touche jamais labache lui-m8mo et emploie des salnriés pour le moind:t'e de sestravaux. Dénoncé il y a une diznine d'années pn.r l'un de sesfrèreo pour abattage illicite d'~rbTco, et condaLUlé à une amende

    de 150.000 ft, il a travaillé avec h~rgne depuis, et redevenu main-tenp...nt un grand, semble bion décidé à poursuivre son chemin.Vivant au villa~e l ou 2 jours pnr semaine, il entretient assez

    •••

  • ,. -

    ,-

    - 39 -

    peu de relations avec lui, soit qu'il s'abstienne volontairementdten nvoir, soit qu'on le rojette plus ou moins de l~ comm~~utévilJn.geoise. "Pour lui, c'est l'ar~cnt qui parle". Pour le momentcependant, sa domination ne s'exerce qu'avec difficulté sur lespersonnes du villa~e et toujours en dehors du villago.

    ~~is une série de conditions objectives, la ~essiondémographique, L'l dé~radation des rapports de prix et des mar-chandises importées {1) von.t n.;mm:v:or J.oa ...différellces enooreminimes entre grands et petite. L'insui'fisa.l1.ce de 1:1 productionrizicole, détruisant le cycle d'auto-subsistmlce qui assuraitjusqu'ici une stabilité cannino au villr.l.ge, obligera les petitsà :rochercher de l'argent pour se nourrir. Vu dG l'extérieur, il

    ne fait pas de doute que le vil1815e sera forcé de rentrer .dans

    un système et des ~pports économiques à moins d'un exode rural

    massif - peu probable - qui permettrait de conserver ~'l société

    vill~~eoise actuelle. Certains villa~cois se rendent compte decette situation, et l~s plus n.isés luttent déjà pour nssu:rorl' p..venir de leurs enfr.mt s.

    Le système économique pénètrerait donc le village "parJ...'l force des choses". L'on a vu cependant

  • i

    ...

    ..

    - 40-

    l'a, dallS UllO certaine mesure perturbé, mnis n'a pas Gté"intériorisé", compris p~r los villageois, exclut une :;t9cvendi-cntion contre cc systèmo économiquo, ~~is en favorise une con-tre l'~xtérieur en ~énéral. n~s le cas du système colonialou administration ct COlIll"OClrCG ét;:lient effectivement une seuloet m~mc chose, cette revendication a dos ch:mcGS d'êtro encoreplus durc et juste. Enfin, cette opposition à l'oxtériGur nousp::tra1t correspondre aux volontés do réunion internes au v:Llla.p.;o.Il faut oxnmin~r ~~intenant l'histoire ct 10 contonu de cetteunion•

  • ".

    II PARTIE LE VILLAGE ET L'ADMINISTRATION

    - 41 -

    ..._------------_..--------...------..---.......-

    L'impossibilité pour chaque personne de se projeter

    dans un avenir économiQue dé~init une licite essentielle do l'u-

    nivers villageois ~ctuel. Du m~me coup, cetto sit~~tion oommune

    définit une unité du vill~e. Lion a vu que le jeu des conflits

    personnels était m..'ll supporté à 11 intérieur -du village. Le sys-

    tème des statuts f~miliaux n'offre m~me pns le motlle dro18 lequel

    ils pourrlliel1t s ' infiltrer, chaoun oOl1oevre.nt comme une donnée

    irréversible - les uns comma une libér~tion, ~os nutres oomme

    un déo~'lrgemcnt de leurs responsabilités - l'indépendanco acquise

    par chllquG famille. LI unité du village ne pourra se faire qu'à

    un niveau autre que celui où se jouent les conflits JlersonneJ.s,

    f::J.ce à tout évènement, tout personna~e ou toute situation pla-

    çant les villatSeois dnns une position commune. L'union du vil-

    lage S

  • •·1 "

    - 42 -

    de la ~~ladie de Teschen ost déjà perdu; mê~e 10 vétérinairen'y peut rien. Seule issue : le tuer avant qu'il ne meure. De-vl'\.nt ce ma.l absurde et susceptible d'atteindrG tout le monde,la solid~rité du village se œanifeste et chacun achète au pro-priétaire une part du cochon. Bien que L~ somme soit parfoisimport~te (durnnt notre présence, 3 porcs ayant. crevG ensemble,cfu~que famille a du verser une cotisation de 1.000 ~) chacunpaye inté~rGle~ent sa part, môme s'il ne possède pns do cochon.

    Les ffi:lrC!.UQS d'ùntente commune ont un nom; c'est le·fireisana. D'autres termes pouvent désigner d'autres modr.ù..itésde l'union : l'éch~nge de travail entre plusieurs familles senOIn!àe vnlin-tanana; un trava.il collectif utile à toute L~ com-munauté, tel l.r'l réparation des cnnaux, fiur::ùla-minsêr. Cos deuxformes do travail, inolues dmls le firaisnna, ont disparu. Cer-tains déplorent amèrement cette disparition, accusant l'argentet les vn.z:ili.'J.s; en fait chacun s'est plus ou moins accomodé decotte situation. Chez certains anciens cepündant, toute cetteamertume refoulée peut pn.rfois se réveiller en sursaut dans L'lrecherche désespérée d'un signe d'union; de firaisuna. Ainsi,d~s un haoe:lu voisin, un rflY am:m-drcny dGchu, pauvre, souventhumilié p~r les ~r~nds du villn.ge, avait réussi ce tour de force;en entra1n~t del~ière lui L~ masse dos petits, de fairo, pouaprès notre ~r.rivéo ct grâce à 0110, l'unité du village pour laconstruction d'un puit s. Los ~rands évidemment ne ff-l.isaient quesuivre mollement, m'lis l'union n. été pour un temps démontrée.Dow.tnt certnines pnroles reprises de s :mcêtres ct fustin;eantl'individualisme :lctuel, 'Une union peut se reformer. t·bis enfnit cette rGalisation-témoin de l'union h'en était qu'un signe:olle ne met )Jas en cause lB. vie quotidienne de Cfu'lCUn; olle estprovisoire. Enfin, elle est oxécut éo en f ace do "bons étrantSors"

    •••

  • . 1 -

    - 43 -

    auxquels on veut présenter une façade d'unité. Né~moins, L~volonté de ré-u..'l1.ion ost bien réelle. C'est un phénonène natureldans le déroulement do ltenqu~te, qu'après ~~ connnissQnce desconflits, on désire L~ réunification. Celle-ci ne peut porter,a-t-on dit, sur les problèmes économiques i.nternes au village,

    tout au plus re st8.ure-t-on une unit é Il sociaJ.e Il (Cf 1.-'). conventiondu fokonolona) qui L~sse de ceté le fond réel du problème del'union qui ne pourrait véritablement àe faire, dlun point do

    vue strictement objectif, que par ~~ prise de conscience de lasit~~tion économique des villageois fnce au système économiqueextérieur.

    Au-delà du village, à l'échelle de ln vallée par exemple,ln re18tion d'honneur n'est plus un princip~ de fonctionnementcomme elle l'est à intérieur du village. Los r01atiolls sont plusimpersonnelles. Au r.r:rché CG phénomène semble encore plus évident;mf.lis une rel.'ltion "réifiée" supposerait que le vilL'lgeois perçoi-ve son p:J.rtenairo en tant qu r objet fourniœeur de t~ls produitsdéterminés. En réalit é les CrtS sont r8.res où ln fonction primeL'J. personne : 10 commerçant est connu puisqu 1 il e st du pays (1),il dit lui-m~mo son indépendance vis-à-vis des prix et le pay-san ne parçoit pas son activité comme inté~rée dn.ns une organisa-tion cOI!lIl1erciale ranis comme un moyen - plus efficace que lafabricntion des IDQnches de bêche bien sûr, n~is de m~mo n~turo dnface des détenteurs d'l1rgcnt - de "ga~ner l'f.lrgent". Ltimperson-n::tlité dos mpports ne doit pns tromper : paysnn et commerçant

    se trouvGnt d::ms une situ::l.tion identique face aux possesseurs de

    ----...........------------...--------_...---~............_---...-----_.._-------(1) Seuls le commerçant de T::mnnm"ive qui se rend au marché unefois pnr semaine et qui vend seulement des articles d'importationà prix fixe, semble ~G pas ontrer dans la caté~oric dos cO~orç:J.!lts connus.

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    l'nr~ont, ~ouvernement et vnzahns. Le d6veloppemont de la classedes commerçants du bourg voisin s'est f~ir8 en harmonie totaleavec los villages. Ch~cun gurde L~ clientèle de son lieu d'ori-gine et sa boutique c st le dimr.mche un lieu de rendez-vous detous ses compatriotes. Cetto sit~~tion c ~~une amène à considé-rer la volonté de réunion à un niveau plus l::l1.~~Q, à considérerla position du m~g~che vis-à-vis du colonisateur at le contenu

    du n'ltionalisrr.e ~1ctuel. Pour c03l11 il :fhut coramencer pn.r l! Stude

    de l'histoire pré-c01oniale.

    A - L' HISTOIRE

    Andriamasinavalonn. (1675-1710) pré-nnificftteur del'Imerinn avait installé à Andramasinn une de ses épouses ctplusieurs mombres de son cl~. Ses ùescendants, nomoés Vatosolasc dirigèrent progrossivement vers l'Est ct doux petits seigneursconstruisirent l0ur paL~is à une quinznine de km do ln valléoétudiée. Plus tn.rd Andrr.un8.sinn devint chef-lieu du Vnkinissisaonyl'une des 6 parties de l'Incrina sous Andriannmpoinimerina etest actuellement chuf-lieu de sous-préfecture.

    L:: peuplement de l ....t région dt Ambohimiadn.rm a commencéà 1.'1 fin du r~~ne d' Andrinnampoinimerina (fin du l8èmc) et s'estpoursuivi jusqUG sous R~avalona l (1828-1861).Oe sont des Tsi-ID:-lh:lfotsy ct Tsiarond::-.b.y (cLm du seiP,n0ur Andriam..'lhcritsialaintr.u~

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    désignés soue 10 teme g6nérique Ts~r:).voninahitrn (1) venusd'Amb~tom~~n et d'Jmt~nam~~zn nu Nord qui vinrent s'installerdans l~ région à Bcvnhy et Ambohits~ra. CellX de Bcvahy descen-dirent plus tnrd près de l~ rizière ct fondèrent un vilL~ge

    qu'ils appelèrent Ambohimiadana (l~ villa~c des ~ens heureux)

    Parmi ces premiers mi~rants se trouvaient 20 soldats envoyéspour déf.Jn.c1re ln. ré/:?;ion contre les incursions beznnoz::mo •

    Ln tr~dition rapporte (c'est un fait univorselle~entconnu dnns l~ région) que l~ valléo nctuello fut g8gnée pnr lesTSr.lJ:'Qvonin::thitra sur le s Vntosolo. - qui n' aVllient pas occupéscotte vnlléo mais qui s'en trouvaient très proches - lors d'unecompétition de labour. Ces derniers Wlront donc so replier unpeu plus à l'Ouest. Un cort~ün mépris subsiste encore à l'égarddes Vatosola quo l'on f\.CCUSC dG ne pns pratiquer comme il scdoit le culte d0S tlllcctros ("ils font l'exhuID.-'1tion pour l' l1r~en"tl')Actuellement ct depuis une vi~t:lino d' r.ml1ées environ, los ma-

    I

    rlages entre ces deU,."'C clr.ms sont permis.

    On estime à 15.000 hommos L~ population actuelle des

    Tsaravoninnhitra. Le souvonir de ltur illustre descendance se ~~-

    nifoste encore en deux endroits du cnnton, centres du culto des::tncêtros; à Ihnr~~L~zn. où o'étnit installé U11 petit seigneur

    -~-----~-----------------~-----------~---~~~--------~-~--~------( 1) Litté:rnlement "comblés d 'hOlmGUr". Los TS8.r~vonin::ù1itra deJ..~ ré~ion, on mison semble-t-il. de leur Gmigmtion sur U-11. ter-ritOire frontière, furent dispensés des corvées suiv~ltes 1port du roi en filQnj:mn., {.!Ilrdo à AI!lbohimrmgQ, envoi de l' eFl.Ubleue pour lr.l fabric~tion dos poudres, t~xes vnr b~che. Lescorvéesét~iGnt ~ssurées pur les soldats qui surveillnient lesfrontières.

    • ••

  • .....

    - 46 -

    descondu de Bevnhy, ct où l'on offr~ périodiquenont dos s~crifices dG volailles aux mnnes dos ::..ncêtres; à Hananjara où ont étéconservés des .§.:'lIDp~ (idoles, objots-souvonirs) dos nncôtros aux-quelles on B~crifie un boeuf chaque année. Le boeuf, qui doitaccepter son sncrifico et sc coucher à l'endroit prévu, (sinonil n'est p~s s~crifié ot on on f~it v~nir Ull autr~) signifie,selon un infor~~tGur, le c~rnctèr~ non contr~ignant du culte

    r;;ndu ~u:x: :mcêtres on mêine temps quo 10 pouvoir tout de bien-

    veillance et non de crainte qu'ils détiennent.

    Antnnetilavu se trouve respectivement à 10 et 15 knde cos deux lieux de culte. Personne nu villnge n'y participe.L'i~pL~ntntion missionnnir;; d~ns lQ région ost très uncionne(1 siècle ,:;nviron). ID temple, ::.lSSOZ ISrand, commo L'l belle église"l:~ cat!J.édrole", construits ~vec los fonds cles fidèles, témoi.N,rontde 1::>. "christinnis:J.tion" du pays. En réalité si l'on cOI"!1ptnit les~ens qui, pour Dotif religieux, ont ~b::.lnnonné l'Gxhu~'ltion, onen trouverait très peu; les doux pratiques paraissent tout à faitconpntiblcs ou même complémcnt~iros. Ensuite l'on ost protestnntou catholique un pau par hasnrd, PQrce ~ue les ancôtres l'ét:J.ient.Au vilL'lge, tout le monde cst protestnnt. R'linisonni~tnnu, fonda-teur du villnge, possédnit 10 terrain sur lequel ost constl~itGl'é~lise cntholiquo actuelle. Le père d'~lors, voulant acheterle torrain, l' invi tait souvont à m'l~er ot lui f;'lisni t de p",+'1tsdadeuux en argont. Ay:mt demandé à Rainisoahiantnno. de lui van-dre le terrain, ce dernier refusa. Le père lui rétorqua alorsqu'il aVilit déjà pn.yé ce terrain nvec tous los ctldenux qu'il

    lui aVIlit donnés ct se l' nppropria. Dès lors, RUl'liso:llliantana

    devint protostnnt ct interdit à tous ses dcscend~nts d'êt~e

    cntholiques.

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    Le tumple est le lieu de roncontre de tous les fidèlesde L~ vnlléc. Ce li0u do rencontre ost extériGur au vilL~e etlos problèms intùrnes n.u. villnge n'y sont jnnlEtis évoqués. Onno doit pas y porter les conflits personnels car 10 templo,c'est le fitiav:~a, ~ermG ~~lgQcho do la bonté év~~éliQuo etdo l'~mour mutuel, sorte de communnuté désirée et réalisée au-

    delà do la vie concrète et sans relrltion r.l.vec eilor les hommesno pr::ttiquent que très ocoasionneilomont. Il semble quo la com-m~~uté religieuse doive ~tre interprétée comme une volonté doré-union, somblable à celle quo l'on souhn.itc RoU village nprès11). révélation do 1!1 désunion. Pnr exemplG, les fommes se réu-nissent p~rfoi8 le soir lorsque les hommes sont dnns ln forêt.On met le boisse::tU sur les conflits internes IlU village (paBsur tous, il y en :J. d'irréductibles ct certp.ines n'iront jnnmiadllUs L~ maison de telle voisine) et on chnnto des c::mtiques;onsuite l'on puri so couchor tout de suite nprès 10 ch811t sansdiscutor. Telle est bien l'atmosphère du temple; los prôchesexaltent une union éVf.lngélique dG crlr::lctère qUGlquo peu oythiquG,Sro1S exomples concrets, actuols.

    Il fnut ajout Gr, d~ns le c~s pnrticuli0r~ qui no?Sconccrne, que le tc~ple est dirigé pur un pasteur et un tréaoriGrhostiles à l'administrntion actuelle. Le trésorier est en mêmetemps l' nncit1n m,'1ir(~ qui :lvnit été élu face à elle.

    Los r a.pports de la popul;~tion IlVOC le pouvoir pré-colo-nial ont été moins tondueo qu' aillours vues le s faveurs spécia-les dont jouissf"ticnt les TSr-:Lravonin8.h.itrR. en ce territoire fron-tière. Leurs par0nts restés dQns le Nord ne jouissnient p:lS dop::trcils privilè~es. Do plus les travaux collectifs d'infrastruc-ture ct la justice étaient assurés localement p~r 3 tomponarivo(ma!tres dGS 1000) choisis PQrmi les homrJes librGs arrivés àBevahy. Les visites dJS seigneurs restés d~ns le Nord étaient

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    peu fréquentes et zoapides (nucun~ dnns 1,.'1 rBgion). Cetteautonomie contraste ~VGO l'histoire du reste de l'Imerina.

    Depuis Andrinnaopoinimcrinn qui étnblit les b~eesde l'Etnt jusqu'à nos jours (1)t l'histcire politique et adminis-trative est celle d'une centr~lisntion ~ccrue, d'un encadrementde plus en plus étroit part::mt do ln.. cnpitnlc ct f;trriv::mt jus-qU'!lU h'1IDe::m. Aucune rupture aux ét~pes do 1::1. colonis,~-ttion etde l' indr~pend~nce; Gnlliéni resserre l' :)nc~drement pllr le décretde 1902 qui instn.uro chefs de vil1::l€~e et chi)fs de quartier, déc-ret on vi~eur nctucllemcnt. Localement donc la mise en t'npportde 1,.'1 popul::ttion avec 113 pouvoir centrnl n'a du sc fni:re, defuçon intense, ~u'au moment de l~ colonisation.

    L8. période coloniq1e

    Peu d'infor~'1tions sur les débuts de L'1 colonis~

    tioa. Personne n'a pnrlé d'une p~rticiplltion do 1:1. région à 1a

    révolte des Fahavalo; on était assez loin de Tan~r~ive et àl'écn.rt de toute voie de communication. Ecoutons un 8.llcic3fi :" Depuis 1.'01. colonisation, ont.lfo.it travailler les gens par peUl::'

    ot il Y a des gens qui cherChent l'honneur individuel. Donc l'a-mour ct le respect du roi sc ch~lngent cm peur ct r.lninten:mt cha-cun cherche l'honneur personnel pour lui et l'union est rompue.Avnnt qunnt on dit oui, personne ne peut so cont;rodire, maism.~inten::tnt on emploie l' écriture et on no f.'1i t lüuS attentionà la parole déjà dite". Dmls ln vnllée, les Ildministrntcurslocn~, 'installés depuis une trentaine d'années et toujoursen pL'lce, ~Qrdcnt t ouj oU[' S 1.':1. même conception de leur r8le q~est de trnnsmettre ct faire exécuter les ordres. Seule différence

    •••

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    ......,;

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    actuellement : le trnvnil gri.l.tuit sur los rizières du chef

    de quartier n'Gst plus oblig~toire ct presque tout le mondo s'yost soustrnit •

    ~~ cette région à la lisièrù do la forêt de

    l'Est 6tait suspoctée d'aide à la rebellion (1). Deux personnes

    du village ont eu leur femme et leur neveu tués "à v"Ue" pnrles "S6négalnis" nux ordres des :frnnçais; dos l"eprésllilles é-tnient effectuées dllns les villages : vol ou oeurtres do bêtesviol de femmes. Pendant plusiours mois les vilL~ges sont ~stésdéserts, ce qui st1.:ffisait pour loé suspecter de :rébellion. Losouvenir de cette lo~ique de ln répression reste encore vivaceaujourd'hui et les renseignements donnés par les mômGs person-nes sur leur comportement en 1947, BoU début ct en fin d' enquôte,sont diamétralement opposés. Il y eut une cent~ine d'exécutionspubliques sur l'actuelle place de la m~irie du bourg (2); 90 %des personnes ét~ient d'opinion M.D.R.M.; quelques-unos f.ivniontpris le lllâquis avoc les rebelles. les indic::l.teurs, parmi les-quels les responsnbles locaux de l'administrntion, sont tousen place actuellement; on en ~ même choisi un très renommé,pour'prendre récemment un poste administratif.

    La surprise brutale de la répression f.i profondémentmarqué les gens :" Le repli sur soi et L'l méfiance datent de1947; cc n'est que mnintônant que les gens commencent à être

    ~~~--------~~---~---~~------------~~-~--~------~------~---~~-----

    (1) Une listG de militants du Nouvemcnt Démocr8.tiquc de Rénova-

    tion M8.l~ache sc trouve aux nrchives de 1.-'.l Sous-Préfecture. Ceparti récl~nQit L~ trf.insfo~~tion do ~l~dng~scar en Etat associéde l'Union FrançQise.(2) liOn attnchnit les ll1.'lins derrière le dos. On tirnit d'abordd'assez loin puis do plus près dans l'oreille. Le sang coulaitCOI!lr.:lC do l,'eau sur 1.-'1 pL-'lce. Dans lcs bois, on tirnit sur tousceux qu' on voyait".

    • ••

  • - 50 -

    p1.us "décont!~"1;'J·:.:6s" :ra.contc un ancien responsr.tble politique.Le fnit que les éléments les plus conscients de 1.-'1. popuJ..ation

    ne soient p8.S restés inactifs, fnitassez rnre semble-t-i1. dans

    J.es crunp~nes de l'Imeril1a, pnra1t important pour l'an::ùysG desrn.pports de 18. popul3.tion n.VGC le pouvoir colonia1., et p.'lr voiG

    de conséquence, ::l,VOC 10 pouvoir actuel.

    In présence dG tout étrAnger au villnge et surtout

    d'un f~nçn.is crée véritablement un phénomène d'unification tou-

    jo~s en forn~tion, m~me d~ns la pire mésentonte à l'intérieur

    du village. Le vn.z:ih.:.:'l. est un ::;:ersonnage mystérieux, une source

    inépuisable d'r.trgent qu'on lui retire avec l'aide des ancôtres.

    Cette mlpériorité sc traduit p~r des dictons. En voici un :Il Lorsque Dieu a créé le monde, il s'en est m::U1qué d'une journée

    pour que les betsimis8raka soient des Chions, d'une ::l.utre journée

    pOUL' que les merinas soient des betsimisn.rnka, et d'une journéeencore pour que les fr::mç8.is soient des mGrinf.\s". I30::.ucoup en-gagent à se r.léficr des français, d'autnnt plus dan~oreux qu'ilsse disent ?.JIlis (allusion aux agent a de la Sûreté en 1947 qui en-gageaient ln. popu18tion à dénoncer les rebelles), ct qui ~yant

    a.ppris L'1 politique aux m::tlgllches, ne pourront jr.un:1.is se f::üre

    dépqsser pnr leurs élèves. Enfin leur puissance est toujours

    présente; on se SOuvient de cc "mon pèro numônier--capitaine"

    qui, venu assister ~tUX éxécutions publiques, novait déclaré dr.ulS

    un discours : Il Comment Gtcs-vous maintenant n.vec votre Ravoahangy

    (1) ? Vous ôtes comme des marmites de terre en faoe de ~~mitesde fer ".

    Depuis ltindépendnnco on n'a plus à fnire quotidien-nemon"(; :J.ux vnz:Ùlf.1.s et ctest tout naturellement que l'administra-

    tion ::.ctuelle, en l'absence d'une revendication populp.ire d'in-

    dépendance, e. pris sur elle la ch:'lrge d'''extériorlté'' et de

    puissance qu'ils symbolisaient. D'qutra part, l'on n vu l'ina-

    (1) Député du M.D.R.M., condamné à mort en 1947 •

    •••

  • .. '""'.,. ..

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    movibilité des :responsablos locllux. !.es rapports Ilvec ln popula-tion restent tendus actue~lement. ~1 1959 ct 1964, le conseilmunicipal qui se déclr'1.rait "FokonolonllU et Qui sc présentaitcontre a'administration a été élu. LGs interventions actuellesdé l'ndministration au village restent m~rquées pnr ce passé •

    LI image qui reste actuellement d'une administ:.:aationcoloniale p::l.ra!t comm1.nder dfll1S une certnine mesure L'\ volonté de

    réunificntion nctuelle. Il n'est pas possible do vérifier si cette

    image fat absolumGnt vrnie localement, m~is son importnnce résideà un n.utre niveau, au niveau idéologique. La relation au pouvoircentral se ré::1.lisnit, dit-on, à la période pré-coloniale sous laforme de L~ recherChe d'un honneur collectif (honneur de clan oud'une tribu entière) décerné par un souverain nimé ot respecté.Le roi a un c~ractèrc sllcré ct si le gouverneur général qui leremplace est é~lenent dispensé de critiques, ln recherche del'honneur individuel face à une ndministration étr:mgère quol'on craint, devient 'lU1e nouvelle fo:rmulo de conduite. Le pou-voir n'cst plus dFU1s le prolongement du système de cnstos "in-tériorisé" pnr Chnoun. De là, doux systèmes d'horulCur coexistantsct s