9
Le National-Populisme des années 30 Leo Muller et le "Luxemburger Volksblatt" Dans son mémoire, rédigé dans le cadre du stage pédagogique, sur "La pensée de l'extrême droite au Luxembourg pendant les années trente" Lucien Blau essaie de réécrire un chapitre oublié, voire refoulé, de l'histoire récente de notre pays. "Dans la mémoire collective luxembourgeoise, écrit-il, l'extrême droite est irrémédiablement associée au national-socialisme et confondue avec ce dernier. Des extrémistes de droite, s'il y en eut, ce ne furent que les seuls 'Gielemännercher', collaborateurs du régime nazi de 1940 à 1944." Cependant il existe bien au Luxembourg une autre tradition d'extrême- droite véhiculant des idées autoritaires, xénophobes et anti-sémites,. Mais comme une fraction impor- tante de cette extrême-droite s'est retrouvée dans la résistance, parce que ses sentiments patriotiques l'opposaient à l'envahisseur nazi, il a été facile après la guerre de jeter un voile pudique sur la période des années trente. L. Blau évoque les années trente à partir d'articles de journaux abondamment cités. A côté du "Lu- xemburger Wort" et des journaux de la jeunesse catholique "De Wecker rabbelt", "Jung Luxemburg" et "Academia" les citations sont prises dans le "Luxemburger Volksblatt" ou dans des feuilles extré- mistes éphémères comme le "National-Echo", le "Luxemburger Freiheit" et d'autres. Le grand mérite de ce mémoire est de nous rendre accessible des textes analysés soit selon de grands thèmes, comme l'anti-sémitisme ou le retour à la terre, soit selon les courants politiques. Ainsi sont présentés par leur programmes et par leur écrits les fondamentalistes catholiques, le national-populisme et les organisa- tions ouvertement fascistes. Mais le lecteur reste sur sa faim, il apprend très peu sur le tirage et l'importance des journaux cités, il apprend peu sur la réalité sociale du mouvement d'extrême-droite. Mais c'est aussi trop demander à un mémoire qui annonce la couleur dès son titre: ce n'est que de la pensée de l'extrême droite qu'il est question. Et ce choix, nous dit l'auteur, est plutôt dicté par le manque de sources que par un apriori méthodologique. Nous avons choisi le chapitre sur le "Luxemburger Volksblatt" que nous publions avec l'autorisation de l'auteur, parce que l'aventure de ce journal et de son rédacteur en chef, Léo Muller, est peu connue et parce que les résultats des élections de 1937 nous permettent de nous rendre compte de la répercus- sion des idées véhiculées par celui-ci. Le texte a été fortement abrégé par les soins de notre rédaction, en supprimant quelques sous-chapitres et surtout la plupart des citations. (ff) Le programme de 1933 Le 27 mai 1933 paraît le premier numéro du quoti- dien "Luxemburger Volksblatt". Il présente cette par- ticularité qu'il publie un programme politique détail- lé prenant position sur tous les domaines de la vie politique, sociale, économique et culturelle, rompant ainsi avec la tradition jusqu'alors existante dans la presse luxembourgeoise. L'autre innovation consiste à taire le nom du rédacteur en chef. Les parents spi- rituels du nouveau-né sont inconnus. Au lieu du nom du rédacteur en chef, le lecteur trouve trois étoiles: "Hauptschriftleiter: ***" On entretient donc savam- ment le suspense en entourant ainsi de mystère le nom du principal responsable du journal. Par cet ar- tifice, l'on essaye d'attirer encore plus l'attention du public et de la presse concurrente. Ça va faire jaser dans les rédactions et les chaumières, voilà assuré- ment le but recherché. oktober 199 27

Nr. 1/1990. Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 und Fort Th ... · pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme "Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes bei der Schulhaltung"

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Nr. 1/1990. Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 und Fort Th ... · pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme "Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes bei der Schulhaltung"

nach höchsten Ehren greift, erlebt leicht den tiefstenSturz. Doch in welche Richtung auch immer dieLösung hinzielt: Fort Thüngen zu zerstören, wäre amTag der Grundsteinlegung und der feierlichen Eröff-nung des glanzvollen Glaspalasts einer massiven Ge-gendemonstration aller in- und ausländischen Ein-wohner würdig, die Wert auf die Geschichte und Er-haltung ihrer Zeugnisse legen. Kein Kulturprojektkann so glanzvoll sein, daß eine ausgesprochene Kul-turschande zu seiner Vorbedingung gemacht wird.Weder die Regierung, noch das Parlament, und erstrecht nicht das Fürstenhaus hat es nötig, es in dieserSache darauf ankommen zu lassen. Noch ist es Zeit

zu einem sachlichen Überdenken und Redressierender verfahrenen Situation. Rosch Krieps

PS in eigener Sache: Aufmerksame Leser mögen indiesen Zeilen scheinbare Widersprüche des Autorszu seinen, ebenfalls das Geschichtsverständnis be-treffenden Ausführungen * or zwei Jahren in den"Cahiers Luxembourgeois" entdecken. Gerade ausder Relativierung der "Historitis" heraus aberschlägt das Pendel in jenem Augenblick um, wo derWahrung der Geschichte echte Gefahr drohe. Dastrifft nunmehr auf Drei Eicheln zu...Die Schlacht um das Fort Th üngen", "forum" 128/129,Juli 1991

"Historitis?", Cahiers Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 undNr. 1/1990.

Le National-Populisme desannées 30

Leo Muller et le "Luxemburger Volksblatt"

Dans son mémoire, rédigé dans le cadre du stage pédagogique, sur "La pensée de l'extrême droite auLuxembourg pendant les années trente" Lucien Blau essaie de réécrire un chapitre oublié, voirerefoulé, de l'histoire récente de notre pays. "Dans la mémoire collective luxembourgeoise, écrit-il,l'extrême droite est irrémédiablement associée au national-socialisme et confondue avec ce dernier.Des extrémistes de droite, s'il y en eut, ce ne furent que les seuls 'Gielemännercher', collaborateurs durégime nazi de 1940 à 1944." Cependant il existe bien au Luxembourg une autre tradition d'extrême-droite véhiculant des idées autoritaires, xénophobes et anti-sémites,. Mais comme une fraction impor-tante de cette extrême-droite s'est retrouvée dans la résistance, parce que ses sentiments patriotiquesl'opposaient à l'envahisseur nazi, il a été facile après la guerre de jeter un voile pudique sur la périodedes années trente.

L. Blau évoque les années trente à partir d'articles de journaux abondamment cités. A côté du "Lu-xemburger Wort" et des journaux de la jeunesse catholique "De Wecker rabbelt", "Jung Luxemburg"et "Academia" les citations sont prises dans le "Luxemburger Volksblatt" ou dans des feuilles extré-mistes éphémères comme le "National-Echo", le "Luxemburger Freiheit" et d'autres. Le grand méritede ce mémoire est de nous rendre accessible des textes analysés soit selon de grands thèmes, commel'anti-sémitisme ou le retour à la terre, soit selon les courants politiques. Ainsi sont présentés par leurprogrammes et par leur écrits les fondamentalistes catholiques, le national-populisme et les organisa-tions ouvertement fascistes.

Mais le lecteur reste sur sa faim, il apprend très peu sur le tirage et l'importance des journaux cités,il apprend peu sur la réalité sociale du mouvement d'extrême-droite. Mais c'est aussi trop demanderà un mémoire qui annonce la couleur dès son titre: ce n'est que de la pensée de l'extrême droite qu'ilest question. Et ce choix, nous dit l'auteur, est plutôt dicté par le manque de sources que par un aprioriméthodologique.

Nous avons choisi le chapitre sur le "Luxemburger Volksblatt" que nous publions avec l'autorisationde l'auteur, parce que l'aventure de ce journal et de son rédacteur en chef, Léo Muller, est peu connueet parce que les résultats des élections de 1937 nous permettent de nous rendre compte de la répercus-sion des idées véhiculées par celui-ci. Le texte a été fortement abrégé par les soins de notre rédaction,en supprimant quelques sous-chapitres et surtout la plupart des citations. (ff)

Le programme de 1933

Le 27 mai 1933 paraît le premier numéro du quoti-dien "Luxemburger Volksblatt". Il présente cette par-ticularité qu'il publie un programme politique détail-lé prenant position sur tous les domaines de la viepolitique, sociale, économique et culturelle, rompantainsi avec la tradition jusqu'alors existante dans lapresse luxembourgeoise. L'autre innovation consisteà taire le nom du rédacteur en chef. Les parents spi-

rituels du nouveau-né sont inconnus. Au lieu du nomdu rédacteur en chef, le lecteur trouve trois étoiles:"Hauptschriftleiter: ***" On entretient donc savam-ment le suspense en entourant ainsi de mystère lenom du principal responsable du journal. Par cet ar-tifice, l'on essaye d'attirer encore plus l'attention dupublic et de la presse concurrente. Ça va faire jaserdans les rédactions et les chaumières, voilà assuré-ment le but recherché.

oktober 199 27

Page 2: Nr. 1/1990. Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 und Fort Th ... · pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme "Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes bei der Schulhaltung"

I

"Geldgier,Habsucht,

Ungerechtig-keit, Trug

und vielSchlimmeres

und Kultur-zerstörendes

mehr; dieÜberfrem-dung ent-

wurzelt unsund raubt

uns dieHeimat."Volksblatt

11.4.34

L'article:"An unsere werten Leserinnen und Leser"explique que s'il y a assez de quotidiens luxembour-geois il existerait néanmoins un besoin pressant pourun quotidien "das abseits von allen Parteibestrebun-gen und ohne Rücksicht auf bestimmte Gruppeninte-ressen zu allen Problemen unter dem rein luxembur-gisch - heimatlichen Gesichtspunkt Stellung nimmt".D'entrée de jeu on se place résolument au-dessus, ouen dehors des partis. Le contexte international et sesretombées sur le Grand-Duché, impose la recherchede nouvelles voies. L'action du journal sera guidéepar les trois impératifs: "travail, autorité et patrio-tisme". L'Etat devra être un Etat fort:

"Der Staat muss ... ein Ordnungsstaat sein, oderer wird auf die Dauer nicht sein. Die Klassenmüssen zueinander stehen, oder das Ganze wirdzugrunde gehen ... Luxemburg aber soll unserbleiben oder wir werden ehrlos und heimatlos seinin einer zerrissenen Welt."

Voilà les thèmes forts du préambule au programmequi sera détaillé par la suite. Le premier point du pro-gramme a trait à la couronne qualifiée de "garant sûrde notre indépendance". On assure la maison grand-ducale de toute sa fidélité. Sous le chapitre 2 "le Gou-vernement" le principe d'autorité est omniprésent.L'on appelle de ses voeux un gouvernement fort etautoritaire qui devrait être au service du peuple et nond'un parti. Le meilleur lien entre le peuple et son gou-vernement est le référendum. Si les compétences dugouvernement doivent être étendues, celles des dé-putés doivent être restreintes. :Si l'on procède à unelecture au deuxième degré du chapitre: "La chambre"l'on doit se rendre à l'évidence que le parlementa-risme n'est pas en odeur de sainteté pour le "Volks-blatt". Si l'on affiche sa conviction démocratiquec'est pour mieux disqualifier ensuite le parlementa-risme existant. L'on assiste à une véritable entreprisede démolition du parlementarisme.

Dans le domaine de l'enseignement, l'accent est mis,pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme"Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes beider Schulhaltung" - sur le caractère chrétien. Il endécoule qu'une interdiction professionnelle doit vi-ser l'enseignant qui est "ordnungsfeindlich". Lemême souci d'ordre, de traditionalisme devra guiderl'enseignement moyen.

Les chapitres 9-16 ont trait au domaine économiqueet social- Les chambres professionnelles ne sont pasacceptées sous leur forme actuelle: "sie stellen in ih-rer heutigen Form ein KlasseYnmoment dar" et doi-vent être reformées selon le "berufsständischen Prin-zip". Un souci évident de mise au pas de la classeouvrière domine dans le chapitre 10 "L'ouvriier - letravail" qui parle à la fois du prolétaire et du capita-liste. On déclare la lutte aux "simulateurs" et au chô-mage volontaire ("freiwillige Arbeitslosigkeit").

Une revalorisation morale du travail de l'ouvrier etle refus de ne voir dans l'ouvrier qu'un simple objetdevront mettre fin à la lutte des classes qui conduiraittout droit au communisme:

"Das Unrecht befindet sich auf beiden Seiten derBarrikaden ... Wir werden danach streben, denArbeiter erkennen zu lassen, daß seine Stelle sichan der Seite seines Arbeitgebers befindet, daß sie

beide zusammengehören, daß ihr Schicksal sie so-lidarisch verbindet und daß es jedem einzelnenvon ihnen nur dann gut gehen kann, wenn es ihnenbeiden zusammengutgeht. "

Si la lutte doit être menée contre la fainéantise, laparesse qui existeraient d'un côté de la barricade, lepatronat lui doit prendre soin de ne pas exploiter ex-cessivement l'ouvrier. Le paternalisme doit guiderson action.

Le programme porte aussi une attention particulièreaux classes moyennes (point 13), présentées commeles parents pauvres de l'économie luxembourgeoise.Il serait la victime des théories libérales "freiwirt-schaftliche Theorien, die bekanntlich dahingingen,daß man alles bloß seinen Weg nehmen zu lassenbrauche, um alles wohlgehen zu sehen". L'interven-tion de l'Etat sera donc nécessaire pour remédier à un"désordre criant". Pour protéger le commerçant onexige:

"Verbot der Beschickung der Krammärkte durchAusländer, oder mindestens Sonderbesteuerungderselben - Revision sämtlicher Handelsermäch-tigungen, die nur an solche Luxemburger erstelltwerden dürfen, die darauf berechtigten Anspruchhaben ... - Verbot der Kooperativen für alleStaats-beamten und Eisenbahner ... - Verbot der Ein-heitspreisgeschäfte. "

Tout connue le commerçant, l'artisanat luxembour-geois doit être protégé contre la concurrence étran-gère. Le libéralisme sauvage et "l'étranger" sont doncidentifiés comme les principaux ennemis des classesmoyennes. "Schutz dem Volkstum" voilà le point fi-nal du programme où s'affichent sans fard les convic-tions profondes du magicien populiste qui a inspiréle programme du Volksblatt: - L'immigration serafortement combattue:

"Es ist eine totale Einreisesperre auf mindestensfünf Jahre ins Auge zu fassen."

Ensuite on devra établir des quotas. - Cette mesuredraconienne devra être accompagnée d'une suspen-sion des naturalisations pour une période égale à cinqans. La pratique des naturalisations devra être sou-mise à des critères plus sévères:

"Der Führungsnachweis genügt zur Verleihungunserer Nationalität nicht; außerdem muss derNachweis erbracht werden, daß der zu naturali-sierende Fremde unsere Geschichte und unsereGeographie kennt und geläufig luxemburgischspricht."

- Le peuple luxembourgeois doit être mis à l'abri desmoeurs dépravantes de certains éléments: "Rück-sichtlose Säuberung von gewissen fremden Elemen-ten, die unser Volk verderben."- Dans cette entreprise de moralisation tout doit êtrebanni qui porterait atteinte à la morale du peuple:"Unerbittlicher Kampf allem volksvergiftendemSchund und Schmutz, auch dem der sich fälschlichauf seinen Kunstwert beruft. "Un enseignement pa-triotique" et une "discipline familiale" renforcée se-ront les corollaires nécessaires à l'élévation moraleet spirituelle du peuple luxembourgeois.

28 forum nr 130

Page 3: Nr. 1/1990. Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 und Fort Th ... · pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme "Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes bei der Schulhaltung"

En guise de conclusion (intéressante sur le plan de lamise en page, car, tel un discours où le ton s'ampli-fierait au fur et à mesure, ce sont ici les caractères quis'aggrandissent en devenant de plus en plus gras,pour frapper de plus en plus fort l'imagination du lec-teur, pour l'inonder sous un flux de paroles) le pro-gramme se prononce pour le statu quo sur le plan del'idéologique sans oublier de relever que l'Eglise ca-tholique bénéficie de toute la sympathie du "Volks-blatt". On veut donc chasser sur les terres de l'Eglisecatholique. Si toutes les autres religions doivent êtreprotégées, les "mouvements antireligieux doiventêtre réprimés".

Puis dans le plus beau style d'un discours électoral,l'apothéose:

"Wir kennen keine Klassen - und keine Klassen-unterschiede. Unser Land ist eine heilige Sache;wir lassen nicht dran rühren. Die Arbeit wirdunsere ganze Unterstützung finden, der Faulheitund Pflichtvergessenheit sagen wir den Kampf an.Kampf der Bestechung! Kampf der Volksvergif-tung! Kampf der Volksverletzung! Das werdenunsere Losungsworte sein. Unser Programm stehtim Dienste des Luxemburger Volkes. Wir habenunser Blatt deshalb "Luxemburger Volksblatt"genannt. Es wird echt luxemburgisch sein, oder eswird überhaupt nicht sein."

Le programme du 27 mai 1933 répond aux critèresque Michel Winnock a retenu pour caractériser le"national-populisme". Ainsi le "Volksblatt" se veutpopulaire. Il oppose le peuple, son bon sens, son hon-nêteté à une classe politique corrompue et avachie

• dans les délices parlementaires. Le "Volksblatt" luiveut rendre la parole au peuple et préconise le réfé-rendum. Le programme du "Volksblatt" se veut so-cial. Il offre sa protection à tous les "petits" contre les"gros". Son public par excellence, mais non exclusi-vement, est celui des anciennes couches moyemiesde l'artisanat et du commerce menacées de prolétari-sation. Enfin le "Volksblatt" est national en sacrali-sant la communauté du même nom au mépris detoutes les autres. "Contre la tradition humaniste, lenational-populisme érige l'égoïsme tribal en idéalspirituel et politique."(1)

Le discours populiste de Leo Müller repose sur troisaffirmations principales: 1) Nous sommes en déca-dence. 2) Les coupables sont connus. Ce sont laclasse politique et l'étranger. Le nationalisme véhi-culé par le programme du "Volksblatt" est un natio-nalisme fermé, exclusif qui veut protéger, fortifier,immuniser l'identité nationale contre l'influence del'étranger. "Tout vient de l'immigration, tout revientà l'immigration", le reste est secondaire, subsidiaire.3) Heureusement voici le sauveur, l'homme provi-dentiel, le rédacteur du "Volksblatt".

La presse

Quelles sont les réactions de la pressse luxembour-geoise au programme du "Volksblatt" Dans la pé-riode, allant du 27 mai au 8 juillet, les principauxorganes de presse se positionnent par rapport au"Volksblatt". Ce sont les quotidiens socialiste ("Es-cher Tageblatt") et libéral ("Luxemburger Zeitung")qui les premiers s'intéressent au nouveau venu. Le

grand quotidien catholique "Luxemburger Wort" faitmine d'ignorer le "Volksblatt" et refuse de lui faireune publicité involontaire.

Le "Soziale Fortschritt", organe des syndicats chré-tiens s'intéresse avant tout à l'idéologie qui est à labase du nouveau journal. Le "statu quo" prôné par le"Volksblatt" et la sympathie de ce dernier pour l'E-glise catholique, ne suffisent pas pour lui attirer lesboumes grâces du mouvement ouvrier chrétien:

"Diese Sympathie wird aber nicht begründet mitdem Hinweis auf die göttliche Gründung derKirche und die Wahrheit ihrer Lehren, sondernmit der Tatsache, daß es sich um eine luxembur-gische Volksangelegenheit handle. Das sieht auswie Unterordnung der religiösen unter die natio-na len Belange und gleicht nationalsozialistischenGedankengängen. Jedenfalls lassen die angeführ-ten Sätze es als sehr unwahrscheinlich erscheinen,daß die Redaktion bereit und gewillt sei, die ka-tholischen Prinzipien als weltanschauliches Fun-dament für ihre ganze Betätigung anzuerkennen... auf katholische Durchdringung des ganzenLebens kommt es an ... (2)

La jeunesse catholique réserve un accueil mitigé au"Volksblatt". Le "Wecker rabbelt" trouve que leprogramme du "Volksblatt" contient à la fois, debonnes choses, du moyen et des inepties ("Blöd-sinn"). L'article sur le "Volkstum" est même qualifiéd'excellent. Mais:

"A wer do könnt e Sâtz: In weltanschaulicher Hin-sicht sind wir für den Status quo, das heisst, wirwollen daß alle Weltanschauungen geachtetwerden." Domat kann e Katholik net averstanesin. Et gët nëmmen eng Wo 'recht, an dé ass beimKatholizismus. An e Katholik muss derno truech-ten, dat sëng Religio'n ausgebret gët, well dat assdi ënzeg richteg. Dem Volksblatt seng Sympathiegehe'ert zwar och der katho'lescher Kirch, awernémmen "als luxemburgischer Volksangelegen-heit"... Wien a weltanschaulecher Hinsicht fir deStatus quo ass, de kann neischt ge'nt di Freimau-rer, Freidenker a we'de Rebbich all héscht hun.Am Widersproch domat schreift d'Volksblatt ve'erZeilen önnen drönner: "Die religionsfeindlichenBestrebungen sollen unterdrückt werden ... ". Datass ganz gutt, nëmmen, wi gesot, t'ass e Wider-

Léo Mullerin: Cerf, De l'épuration au G.-D. de Luxembourg après laseconde guerre mondiale

oktober 1991 29

Page 4: Nr. 1/1990. Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 und Fort Th ... · pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme "Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes bei der Schulhaltung"

t il /Penn Feimat und /fapitalisitttis. uberhaupt 3 ivei orne,

perjcf7iedene Dinge find, fo bejonders in unserm e:ande, rvo dasEapitat hauptf äd1 lici? f remdlandijdl ift.

211àn rann deAalb in ittretttbttrg feine heilttattrette p o=

ltii mcacijeii, dii e 3itgleid? die 3ujtiinntung des f reitTdett Eapitals

findet.

Z71att ift entweder mit dem fremden a p i t a 1 undbann gegen .bas fand, oder mit dem £attde tlitd daitiigegen bas fremde 1.fapital und feine Diener.

bitt Drittes gibt es nic7t 1

Volksblatt 17.8.37, S. 4

sproch, offenbar begûng fir d'Abonnenten derrnat zefänken." (3)

La publication d'une lettre de la "Nationale Arbeiter-und Mittelstandsbewegung" dans l'édition du 01-02juillet 1933 (4) du "Volksblatt", où ce mouvementidéologiquement très proche du "Volksblatt", lui as-sure son soutien, fait réagir le "LW". Dans son édito-rial du 8 juillet, le "Luxemburger Wort"s'inquiètede la montée de forces politiques, qui imiteraient lemouvement national-socialiste allemand, et auraienttourné le dos aux enseignements sociaux de l'Églisecatholique:

"Unter den Schlagwörtern 'Arbeit, Autorität undHeimattreue" verbergen sich nationalsozialisti-che Machtgelüste, denen das Luxemburger Volknur ein Hohnlächeln entgegenbringt. Man suchtden Parlamentarismus zu diskreditieren, Kammerund Regierung demagogische Absichten zu unter-schieben und so das bestehende Staatssystem zuunterhöhlen... Schon besitzen wir auch in Luxem-burg eine 'Nationale Arbeiter- und Mittelstands-bewegung ... die neue Bewegung stellt sich ge-schlossen hinter das luxemburgische Faszisten-blatt. "(S)

Comment le "Volksblatt" réagit-il à ses critiques? Le3 juillet, donc après avoir cultivé le secret pendantplus d'un mois (ce qui pour un quotidien est considé-rable) le voile est levé. Au lieu des trois étoiles quiont jusqu'alors orné le journal, figure maintenant lenom de Leo Müller *, qui a travaillé pendant 112 ansà la rédaction du "LW". C'est donc un homme, quipossède une longue expérience du métier de rédac-teur, qui commît en profondeur le paysage poliitique,les hommes politiques, les traditions, les rouages.

Batty Weber

Quelle satisfaction devait ressentir Leo Müller lors-que ceux qui l'avaient toujours combattu comme"fasciste" et "xénophobe", se déclaraient soudainaussi partisans de la notion de "seuil de tolérance".Ainsi Leo Müller ne manque pas de reproduire, dansles colonnes de son journal l'article de la "Luxem-burger Zeitung" intitulé: "Uberfremdungsgefahrfür Luxemburg" où l'on peut lire:

"Es unterliegt keinem Zweifel, daß unser LandGefahr läuft, in einem für unsere Wirtschaft unzu-lässigen und für unser Volkstum unerträglichenMaße überfremdet zu werden. Besonders hier inder Hauptstadt merkt man das auf Schritt un Trittauf der Straße, in den Trambahnwagen, in den Ca-féhäusern, bei öffentlichen Veranstaltungen allerArt. Uberall übertrumpft das Ausländische dasLuxemburgische. " (7)

Lorsque Batty Weber se joint à la campagne xéno-phobe, Müller y voit la confirmation de la justessedes analyses:

'Wir unterschreiben diese Worte umso lieber, alssie die Gedankengänge wiedergeben, die wir seitJahren vertreten, ohne dabei leider das nötige En-gegenkommen und Verständnis bei denen gefun-den zu haben, die das Schicksal unseres Volkes inder Hand hatten und noch haben. Ihre Verantwor-tung ist ungeheuer." (8)

Si Müller peut souscrire, sans la moindre hésitation,à l'article de Weber, c'est que celui-ci est une copieconforme de ceux du Volksblatt:

"Wer auch nur kurze Zeit, eine Woche, zweiWochen, von Luxemburg abwesend war, dem fälltes bei seiner Rückkehr auf, daß in der Masse desVerkehrs, auf den Straßen und in den Lokalen, dasfremde Element schon wieder um einen Gradstärker vertreten ist. Es kann einem geschehen,daß man minutenlang auf dem Bürgersteig in derGroßstraße oder im Bahnhofsviertel und anders-wo nur deutsch, viel seltener Französisch redenhört. Die Schulkinder erzählen, daß in der Schuledie Fremden, den Ausschlag geben. Und esscheint immer ärger zu werden." (8)

On ne saurait mieux broder sur le thème de la montéeincessante, sur une période très courte, du niveau del'immigration qui submergerait le pays. Si Webervoit que la première conséquence de cette immigra-tion est d'ordre économique, le plus grand danger estcependant constitué par ce qu'il appelle: "Uberfrem-dung unserer völkischen Wesenheit". Puis il se lancedans une véritable défense de ce qui constitue pourlui la particularité, l'identité d'une culture luxem-bourgeoise qu'il ne veut pas considérer, vu la situa-tion de carrefour du pays, comme la résultante desinfluences françaises ou allemandes:

"Wir sind innerhalb unserer Landesgrenzen, soeng sie sein mögen, ein in seinem Charakter, wiein seiner Sprache und Kultur abgeschlossenes,national selbständiges und selbstbewußtes Volks-ganze. Wir legen Wert darauf es zu bleiben. Wärenwir hier nur eine schwach nuancierte Fortsetzungeines Nachbarn von Ost und West, so hätte unserepolitische Selbständigkeit weder Zweck nochWert. Darum ist das Festhalten an unserer luxem-burgischen Eigenart für uns unabweisbare Pflichtder Selbsterhaltung. Das Aufgehen in fremder Artwäre für uns der Anfang vom Ende unserer Selb-ständigkeit." (8)

Batty Weber, comme tant d'autres avant et après lui,succombe au réflexe de mystification de l'identitéculturelle luxembourgeoise, en se faisant tribun xé-nophobe pour dénoncer la perte de l'idenité cultu-relle:

30 forum nr 130

Page 5: Nr. 1/1990. Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 und Fort Th ... · pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme "Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes bei der Schulhaltung"

"Sind unsere luxemburgischen Vereine und Grup-pierungen überhaupt sich der Gefahr bewußt, dieauch geistige Uberfremdung bedeuten kann,durch Einf lußnahme fremder Geistigkeit in ir-gendwelcher Form und auf irgendwelcher Stufe.Soll es soweit kommen, daß wir einen Verein derLuxemburger in Luxemburg selbst gründenmüssen?" (8)

Si nous nous sommes attardé sur Batty Weber, quiest un des coryphées du libéralisme, alors que le sujetest plutôt Leo Müller ou le "Volksblatt", c'est juste-nient pour montrer que la xénophobie déborde large-ment sur d'autres courants intellectuels, que l'on nepeut pas la cantonner dans un seul courant de pensée.Mais qu'elle existe de façon latente, et qu'il suffitd'un contexte de crise économique pour que monte àla surface ce qui en temps "normaux" somnole auplus profond de beaucoup de Luxembourgeois. Enplus, l'étroitesse de notre pays, sa faible démogra-phie, ne se prête-elle pas à merveille aux chantres du"Volkstum" pour prouver, chiffres à l'appui, que lesacro-saint "seuil de tolérance" est plus qu'atteint, etque la menace de la perte de l'identité nationale (tellequ'ils la définissent c.-à-d. comme statique et noncomme l'empreinte des influences étrangères sur leplan culturel) est réelle.

La "NationaldemokratischeHeimatbewegung" (1934)

Ceux qui avaient flairé le 27 mai 1933 les ambitionspolitiques de Leo Müller, avaient vu juste. Dans l'ar-ticle "Der Weg in die Zukunft" (24.02.1934) apparaîtpour la première fois le concept de "nationale Demo-kraten". Le 24 mars 1934, sous le titre "Die luxem-burgische Heimatbewegung", le "VB" explique unenouvelle fois le pourquoi de la nécessité de la fonda-tion du nouveau mouvement, qui est présenté commeun "mouvement, populaire situé hors des partis". 11ne serait pas une invention théorique, mais puiseraitses forces profondément dans le peuple luxembour-geois. Voilà donc prouvée la légitimité politique dumouvement. Au peuple divisé, déchiré sur le planéconomique et spirituel, le "VB" of-fre l'alternative qui consiste à se ré-veiller et à lutter contre le "veninmatérialiste" qui serait à la base deses divisions.

en particulier libéraux et cléricaux, pour organiser lesjeunes. Müller, qui se défend de vouloir abuser de lajeunesse, propose la formation d'un "grand mouve-ment de jeunesse véritablement luxembourgeois etnational" qui lutterait contre la "pénétration étrangè-re". Pour populariser son mouvement et trouver les21 candidats manquants, Müller entreprendra en1934, pendant les mois de mars, avril et début mai,une tournée du pays. Les réunions publiques sont an-noncées dans un encadré à la "une", toujours selon lemême modèle: "Leo Müller, rédacteur en chef du"Volksblatt" parle sur le sujet: "Les Temps nou-veaux" - Pas de chasse aux voix - Pas de politiquepoliticiemce - chacun est le bienvenu." Mais il devrase résigner à l'évidence que ce ne sera pas (encore)pour cette fois-ci, que la création d'un nouveau mou-vement est une chose ardue. Le 12 mai 1934, il pré-conise l'abstention aux élections car "le mouvementnational démocratique et patriotique ne participerapas aux élections du 3 juin." (10) L'échec n'est pour-tant pas avoué. Selon Müller "ces élections n'ontaucune signification et importance et ne constituentmême pas une phase dans notre lutte"(11).

Leo Müller consacrera toute son énergie au "Volks-blatt". Ce n'est que deux ans plus tard qu'il s'estimeraassez fort pour s'essayer une nouvelle fois au jeu dela politique politicienne. Si le "Volksblatt" réussit àsurvivre cela prouve qu'il répondait à un besoind'une certaine frange de la population, qui s'identi-fia it aux idées que Müller développait dans les colon-nes de son quotidien.

L'exemple (à suivre) de LéonDegrelle

C'est avant tout vers la Belgique que Muller se tour-nera. Là un jeune homme politique a rompu ses liensavec le parti catholique, pour fonder son proprejournal et mouvement politique. C'est de Léon De-grelle et du "rexisme" que nous voulons parler.

C'est à partir de novembre 1935 que le "Volksblatt"commence à s'intéresser de très près au mouvement

"Par ici les jeunes" (9) s'exclame le"Volksblatt" sur un quart de page,pour s'attaquer ensuite aux géronto-crates qui siégeraient au parlement:l'âge moyen des députés dépasseraitcinquante-quatre ans. La génération "-des 25 à 35 ans serait absente et larreprésentation populaire se priverait 'ainsi de nouvelles forces, de nouvel-les idées, d'hommes nouveaux et denouvelles énergies. Dès la naissancedu mouvement, Leo Müller se lancedans un véritable "culte de la jeunes-se" en essayant de récupérer le sen-timent de désaffection qui selon luiexisterait au sein de la jeunesse àl'égard de la classe politique. LeoMüller veut participer à la lutte que

oktober 1991

Carlo Schmitz

Page 6: Nr. 1/1990. Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 und Fort Th ... · pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme "Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes bei der Schulhaltung"

La notion de"seuil de

tolérance",qui connaît

de nos joursau Luxem-

bourg et dansd'autres pays

européensune grande

fortune, n'estpas absente

du réquisi-toire xéno-

phobe du"Volksblatt".

rexiste de Léon Degrelle. Le .5 novembre, il relatedans l'article "Die belgischen Katholiken sind nichtmehr zufrieden" (12) la polémique qui a opposé, troisjours auparavant, lors de la tenue à Courtrai ducongrès annuel de la "Fédération des associations etcercles catholiques", Léon Degrelle et le présidentPaul Segers. L'article rapporte comment Léon De-grelle, qui avait fait prendre place dans la salle ducongrès à trois cents jeunes rexistes, entame devantl'assistance un véritable réquisitoire d'une extraordi-naire violence contre le Parti catholique et ses repré-sentants présents. L'article est construit de telle façonque l'opposition entre les jeunes catholiques et lesvieux leaders doit sauter aux yeux:

"Die jungen Katholiken sind nicht mehr zufriedenmit den althergebrachten Pa rteimethoden. Siewollen Taten sehen. Ich spreche nicht nur imNamen der Rexisten, sondern im Namen aller Ka-tholiken, die der Ansicht sind, daß es anderswerden muß ... Es genügt nicht zu rede n, man mußdie katholische Bewegung erneuern, derart, daßsie die Herzen der Massen wiedergewinnt. DieJungen haben ihre Mission erfaßt. Die Führeraber wollen sie nicht anerkennen, sie wollen nurWorte keine Taten ... Ihr habt nicht den Mutgehabt die Verkauften und Unfähigen auszuschif-fen. Die Partei kann sich so nicht mehr retten."

étouffer dans l'oeuf tout mouvement de rébellion dela part des jeunes:

Lorsqu'en prévisions des élections du 24 mai 1936,Degrelle se lance dans une campagne, comme onn'en avait jamais vu, le "Volksblatt", renseigne sur lalutte du jeune chevalier courageux contre les partishistoriques. Lorsque les rexistes obtiennent un succèsfoudroyant aux élections de mai 1936: 271.491 suf-frages soit 11,49 % des voix et 21 sièges, Leo Müllerjubile et fête dans les colonnes de son journal ce suc-cès comme le sien. Cette communauté de vues nesaurait être mieux illustrée que par la rencontre desdeux dissidents catholiques. Elle a lieu le 28 mai àClervaux, quatre jours seulement après le triompheélectoral de Degrelle. Cette rencontre des deux Léonest relatée à la "une" de l'édition du 30-31 mai 1936(15): Après sa belle victoire Léon Degrelle auraitchoisi Clervaux pour se remettre des fatigues de labataille électorale. Son choix se serait porté sur cetteville qui ressemble beaucoup à sa ville d'origineBouillon. L'attirance pour le Grand-Duché viendraitdu fait que du sang luxembourgeois coule dans sesveines:

"Degrelle ist nämlich ein halber Luxemburger,seine Mutter trägt den bestbekannten, altoeslingerNamen Boever und stammt aus dem Kanton Clerf,wo der junge Degrelle heute noch Verwandte hat."

"Le coup de Courtrai" de Degrelle montre l'identitéde vue entre Müller et Degrelle. Müller n'adressait-ilpas les mêmes reproches au parti catholique luxem-bourgeois? Ne l'avait-il pas précisément accusé desmêmes symptomes de dégénérescence lors de lacampagne électorale de 1934. A propos du "coup deCourtrai", l'historien Jean Michel Etienne écrit: "Ilest certain que le "coup de Courtrai" ne pouvait amé-liorer les relations de Rex et de l'Eglise. Et il n'estsans doute pas particulièrement téméraire d'y voirune des causes du décret épiscopal du 20 novembre1935, pris par le cardinal Van Roez, qui condamne lemouvement sans équivoque, quoique de manière mo-dérée. Le "coup de Coudai" et le blâme épiscopal quien résulte marquent la fin d'une période du rexisme.Jusque-là en effet, il apparaissait comme une dissi-dence, parmi d'autres, du Parti catholique, ou, tout aumoins comme un mouvement parallèle.... En fait l'é-quivoque va se lever très rapidement et dès 1936 plusaucun doute ne peut subsister sur le caractère totale-ment indépendant du mouvement". (13) Et c'est cecaractère indépendant qui intéresse Leo Müller! L'é-norme scandale que fit le congrès de Courtrai, eutnaturellement aussi ses répercussions au Grand-Du-ché et le "Soziale Fortschritt", organe des syndicatschrétiens croit devoir mettre en garde les jeunes ca-tholiques luxembourgeois contre Degrelle.(14)

Leo Müller prend la défense de Degrelle, mieux, ilexplique aux jeunes les buts et les intentions du mou-vement rexiste. L'intention de Müller est clairecomme de l'eau de roche: il faut battre le fer tant qu'ilest chaud et animer les jeunes catholiques luxem-bourgeois qui reprochent les mêmes faits à leurs di-rigeants, à sauter le pas, à se constituer indépendam-ment du parti, ou mieux encore, rejoindre celui quidepuis deux ans déjà a coupé le pont avec le "parti dela droite", et qui par l'intermédiaire du "Volksblatt"cherche à construire un nouveau mouvement. LeoMüller reproche au "Soziale Fortschritt" de vouloir

A partir du 29 mai 1936, le "Volksblatt" reproduitdans une rubrique journalière intitulé: "Est-ce queRex a un programme?" un article du député rexiste,Dr. phil. Jean Denis.

La "NationaldemokratischeBewegung" (1937)

L'appel de 1936 (16) ressemble comme un jumeau àcelui de 1934. Müller y répète que la création d'unquotidien indépendant n'avait été qu'une étappe danssa volonté de rénover la politique et de la libérer del'emprise des partis. Un deuxième pas devra suivrequi sera la formation d'un nouveau mouvement.

Dans sa volonté d'appliquer les recettes du rexismeà la situation luxembourgeoise, Leo Müller en ap-pelle à la jeunesse. Tout d'abord, il s'entoure dejeunes collaborateurs, tel un Eugène Ewert ou un A.Bourg. C'est du côté de la jeunesse qu'il croit pouvoirtrouver ses premiers militants. Le rexisme n'est-il pasun mouvement de génération? Les chefs de Rex nesont-ils pas très jeunes? En 1936 Degrelle, commeJean Denis, a tout juste trente ans. "Quant aux mili-tants, aux adhérents rexistes, ils sont pour la plupartissus de l'A.C.J.B., comme Degrelle lui-même. Bienplus, il semble que bon nombre de jeunes rexistes,soient non seulement à l'Université, mais encoredans les classes terminales des collèges ou des athe-nées".(17) Leo Müller lorgne du côté des jeunes ca-tholiques, qui éprouvent une certaine attirance pourdes solutions autoritaires, qui sont imprégnés demaurassisme. Il veut les convaincre de quitter le "par-ti de la droite", où ils ne constituent qu'une minorité.Tout comme Rex, Leo Müller veut offrir une place àces jeunes. Toute une série d'articles, consacrés à lajeunessse, vont suivre l'appel du 19 juin. Le culte de

32 forum nr 130

Page 7: Nr. 1/1990. Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 und Fort Th ... · pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme "Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes bei der Schulhaltung"

la jeunesse sera un élément fondamental de l'idéolo-gie national-démocrate. £djtujI3 mit der Parteipolitik.La campagne électorale 1937

Le 21 mai 1937, le "VB" met fin au suspense et pré-sente à la "une" du quotidien les 15 candidats de la"liste démocratique" pour la circonscription électo-rale du "centre" Ce sont1. Pierre Besch, contrôleur aux chemins de fer,Luxembourg2. Jean Edinger, constructeur de voitures, Luxem-bourg-Gare3. Robert Gangler, directeur d'assurances, Oetra

Dr Charles Jones, médecin, Luxembourg5. Michel Kalmes, menuisier, Luxembourg-Verlo-renkost6. Armand Leich, représentant-général, Luxem-bourg-Hollerich7. Gust Loeven, relieur, Weimerskirch8. J-P Mahowald, maître-couvreur, Luxembourg-Ga re9. Leo Müller, rédacteur en chef, Luxembourg-Bon-nevoie10. Franz Niedercorn, paysan et commerçant, Sand-weiler11. Pierre Prüm, avocat, Luxembourg12. Eugen Schaus-Arend, avocat, Luxembourg13. Albert Schumann, employé privé et conseillercommunal à Bertrange14. Fritz Stronck, employé privé, Luxembourg15. J-P Welter (Thériente), rédacteur, Luxembourg

Un accord entre cette liste et celle de la circonscrip-tion du Nord intitulé "Liste libre des agriculteurs,classes moyennes et ouvriers" fut scellé. La liste oùdomine fortement l'élément "classes moyennes" estdu point de vue politique un ensemble assez hétéro-gène: Edinger, Gangler, Jones et Kalmes sont d'an-ciens libéraux en rupture avec leur ancienne famillepolitique. Pierre Prüm a tout comme Leo Müller rom-pu avec le "parti de la droite".

La question que se pose l'historien est celle de savoirsi ces hommes venus d'horizons politiques diverspartagent les opinions de Leo Müller, ou s'ils sontseulement à la recherche d'un tremplin pour se lancerdans la politique politicienne? Müller ne leur a-t-ilpas promis l'indépendance complète en cas d'élec-tion à un mandat de député? Qui se sert de qui'? Mül-ler profitera en tout cas du renom de Prüm, ancienministre d'Etat, et de Jones, ancien président des"Jeunes Gardes Radicales-Progressistes". N'a-t-ilpas mené toute une campagne axé sur le thème de lajeunesse? Les transfuges libéraux (lui) faciliterontsans doute aussi la percée au sein de l'électorat desclasses moyennes, dont le "Volksblatt" s'est toujoursvoulu le défenseur face à la concurrence étrangère.

Si pour la gauche et les libéraux la liste n'est qu'un"remake" du rexisme, le "Wort" lui y voit un mélangehétérogène composé par des "längst abgetakelte undaus allen Windrichtungen hergeholte Größen".(18)

Les résultats électoraux

La tentative de Leo Müller sera couronnée de succès.Un rêve qu'il avait caressé depuis 1933 se réalisera.Sur sa carte de visite, il pourra, après le 6 juin, écrire:Leo Müller journaliste et député.

Les résultats des différentes listes en compétitiondans la circonscription électorale du "centre"liste 1, "radical-libérale"

99.029 suffrages

(2 sièges)liste 2, "démocratique" 102.013 suffrages

(2 sièges)liste 3, "parti ouvrier" 186.066 suffrages

(4 sièges)liste 4, "parti de la droite" 223.153 suffrages

(5 sièges)A Luxembourg-Ville, les résultats obtenus par lesdifférentes listes sont les suivantsliste 1:liste 2:liste 3:liste 4:

70.581 suffrages80.906 suffrages

126.433 suffrages132.532 suffrages

Sur la liste "démocratique", le classement des cinqpremiers est le suivant pour l'ensemble de la circons-cription "Centre"Müller 13.043 suffragesPrüm 12.620 suffragesSchaus 9.039 suffragesJones 8.696 suffragesWelter 6.283 suffrages

A côté de Leo Müller, ce sera Eugène Schaus qui.siègera à la Chambre. Prüm se désistera, car il estégalement élu sur la liste de la circonscription "nord".A Luxembourg-Ville, Müller (10.033 suffrages) ta-lonnera de près les matadores des partis traditionnels.Bodson du "partii ouvrier" obtient 11.433 voix. Origerdu "parti de la droite" réunit 10.592 voix. 559 voixséparent donc Leon Müller de son ancien patron du"Luxemburger Wort".

L'adhésion populaire à la personne de Müller peutaussi être mesurée par les "suffrages personnels"qu'il recueille. A Luxembourg-ville, Müller vient entête du classement si l'on prend en compte les suf-frages personnels:1. Müller 6.7582. Prüm 6.5913. Diderich (radical-libéral) 6.5584. Hamilius (parti de la droite) 5.5505. Cohen (radical-libéral) 5.2856. Origer (parti de la droite) 4.6787. Bodson (parti ouvrier) 4.486

Pie Çarteipolitit' Ilat fil itttsällig erwiesen, bie Shcwierig.

Poitou unf erer Seit 3u löf en. Sie gibt ,aufierbent bem Volte ein

23ilb tro f tlof egter 3er f all renlleit nnb progratnmlo figteit. nur in

3wei 4unften bleiben bic Parteien ['id? Ponf equent : in iliumrikf idltslof ert Willen 3ur Z11adlt Unb in ihrer 4ilflofigfeit wenn

fi an bic 2111 d?t gelangt jïnb.

L1nb bod7 bebarf gerate jet3t bic Dolfsf üll rung lflarbenfen,

ber, unabhängiger, unparteiif dler Zlianner.

I Die VolPsf iiliruug aus ber Daumier ber partei 'Jiltrigett unb

bes Jnteref f enwu[tes lleraus3ullebeu unb fie wieber auf ben rca.

leu 23cben bes 5emeintz otils 3u [teilen, wirb besllalb bas erfte

23c ftrebett alter wahren Voles, unb Vaterlaubs f reunbe fein.

in: Volksblatt 15.3.35, S. 1

llekr

oktober 1991 33

Page 8: Nr. 1/1990. Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 und Fort Th ... · pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme "Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes bei der Schulhaltung"

I

Maintsarticles

dépeignentles dangersque courrait

le "Luxem-burgertum"

menacé entreautres dans le

domaine lin-guistique par

le "Kauder-welsch" que

parleraient lesimmigrés.

I

Ces résultats nous inspirent les commentaires sui-vants: Une comparaison avec les résultats de 1931 estdifficile car il y avait alors six listes en compétition:les "radicaux-socialistes", les "indépendants", les ra-dicaux, les socialistes, le "parti de la droite" et lescommunistes. A la différence de 1931, le 6 juin 1937les "radicaux-socialistes" et les "radicaux" présententune liste commune "radical-libérale". Si en 1931, lesdeux familles libérales réunissaient à Luxembourg-Ville 104.648 suffrages, la seule liste "radical-libé-rale" ne recueille en 1937, malgré l'augmentation dunombre des électeurs, que 70.581 voix. "Le parti dela droite" perd à Luxembourg-Ville, par rapport à1931 11.470 voix. Si, à Luxembourg-Ville, la diffé-rence entre la droite et les socialistes fut en 1931 en-core de 33.076 voix, cet écart n'est, en 1937, que de6.097 voix. Cette avancée des socialistes n'est passeulement due à l'absence des communistes en 1937qui avaient obtenu 4.974 voix en 1931. On peut direque la famille libérale a le plus souffert de l'appari-tion du nouveau courant politique que constitue lemouvement "démocratique". Cela n'est pas étonnantcar le mouvement de Müller a empiété sur les plates-bandes des libéraux en s'adressant à une clientèlesemblable: les classes moyennes.

Le nouveau mouvement fait d'entrée en jeu une per-cée remarquable. Cela est dû à l'insatisfaction delarges secteurs au sein de l'artisanat et du commercemenacés de faillite et de prolétarisation par la criseéconomique qui sévit au Grand-Duché. Les classesmoyennes sont en outre très sensibles au nationa-lisme et à la xénophobie véhiculés par le discours"national-démocrate". Ce sont eux qui ont plébiscitéLeo Müller, voyant en sa personne non seulement lechef incontesté de la liste "démocratique", mais aussiet avant tout le défenseur de leurs intérêts, le "chal-lenger" des partis traditionnels. La popularité dePrüm, Schaus et Jones est confirmée par l'électeur eta pour beaucoup contribué à la percée du nouveaumouvement.

Quelle sera la tactique poursuivie par les nouveauxélus démocrates? Tout d'abord, les très longues trac-tations - jusqu'au début novembre entre les partis tra-ditionnels pour la formation d'un Gouvernement,leur offrent une occasion en or pour protester contre"l'oligarchie" qui ferait perdurer une situation illé-gale. Formant une fraction parlementaire avec les au-tres députés indépendants, ils exigent le retour à la"légalité". Toutes les démarches entreprises par les 6députés indépendants sont relayés avec grand fracaspar le "Volksblatt". Lettres de protestation au minis-tre d'Etat Bech, à la Grande-Duchesse dans les-quelles on exige la "nomination d'un Gouvernementcomplètement indépendant d'influences extra-parle-mentaires" (19) se relayent, sur un arrière-fond d'an-tiparlementarisme. Le 28 octobre 1937, les "indépen-

dants" offrent même leurs services pour constituer unGouvernement.

Le "Volksblatt" de 1938 à 1939

De 1938 à 1940 le "Volksblatt relayera la politiqueparlementaire de Leo Müller et des autres députés"indépendants". Les efforts du "Volksblatt" pour se-muer la zizanie entre les partenaires gouvernementauxne seront pas couronnés de succès. A partir de 1938,le "Volksblatt" accentue encore son caractère "natio-nal" et se présente comme le champion de l'indépen-dance luxembourgeoise. Le 11 mai 1938, il célèbreavec grand fracas, l'anniversaire du traité de Londres(11 mai 1867) qui déclara la neutralité du Grand-Du-ché. A la "une" du journal s'étale en grosses lettres:We' d 'Letzeburger un hirer Hêmecht hanken ("Com-ment les Luxembourgeois tiennent à leur patrie)". Ladynastie, la neutralité et l'indépendance sont décritescomme formant une triade:

"Unsere Dynastie und unsere Neutralität undunsere Unabhängigkeit machen aus unseremVolke das Luxemburger Volk. Sie sind das Drei-gestirn unter dem unser Volk glücklich lebt. Daßes nicht ausgelöscht werde, wird jeden wahrenLuxemburger grosse Sorge sein ... Des ganzen Lu-xemburger Volkes Wunsch ist es daher, dass dieDrei so lange dauern wie die Welt ... Diese Sym-pathie offenbarte sich als flammende Liebe, alsunsere Großherzogin ernstlich erkrankte und inallem Herzen die wehe Sorge um ihr Leben war.Kein Zweifel, dass die hohe Dame an der Liebeihres Volkes genas! Seither sind aber die Gefühlefür unsere Krone womöglich noch stärker gewor-den. "(20)

Le centenaire de l'indépendance est fêté par le jour-nal avec le même faste. Le "Volksblatt" saisit l'occa-sion pour faire dévier le patriotisme du peuple luxem-bourgeois vers le nationalisme et la xénophobie. Ain-si il déplore que la patrie n'est pas à même d'offrirune existence "aux Luxembourgeois de sang pur"("blutechte Luxemburger"). Le pays devra être mis àl'abri de l'influence étrangère:

"Noch hat der Fremde hierlands viel zu viel zusagen. Was unsere Väter in den letzten hundertJahren gebaut haben, wollen wir und unsereKinder in den nächsten hundert Jahren weiterfortsetzen, auf daß beim zweiten Zentenar Luxem-burg wirklich den Luxemburgern gehöre "a sosskengem op der Welt" ... Wir müssen ferner unterallen Umständen den Luxemburger den Vorzuggeben. Wir wiederholen: Unter allen Umständen.Wir müssen weiterhin das Land möglichst vonFremden freihalten. Unter Tausenden Fremdengibt es wohl kaum einen der unsertwegen bei uns

Ve(efon: 33-44grbeff9iutOrftätbefmattreue

2[nabhängige eageßeitung %" ► rf (itR :LW OK b4. .m,yarr T.nner

Mer ►... Mea

m..tle 4 a.,,.nIc.,.

9itnamtnc.ld..Qef O.— Cd.

— nr1 1* e s.,,ea.n —

1.. l7aljrgana

Satupt , CScbrlfttetter: 2eo 97tfttter fRebaftlon nn6 fDnlao: Eßabnbof•atörnae, 40, çurembara7lbonnrmrn!eDrtle: 6h,arfal 10 1Smnfen. — jilr bae Äue(onb mffprr,benbit 'jlorfofulena. — aufarnommrne 3ulbrlffrn mrrbrn orrnlcblrC

31r. 133 unb 134 tt@amifag, ben T. unb (onnfaa, ben 8. 4ttober 1033

34 forum nr 130

Page 9: Nr. 1/1990. Luxembourgeois Nr. 3 undNr.4/1989 und Fort Th ... · pour ce qui est des écoles primaires, sur le patriotisme "Stärkere Betonung des heimatlichen Elementes bei der Schulhaltung"

mat sucht." (21)

Müller demande au peuple de se tenir prêt à sacrifierson sang si les conditions l'exigeaient et de réaliserl'unité sans prendre égard à l'idéologie, le rang oul'appartenance de classe. En ce qui le concerne, Mül-ler jure solennellement de lutter pour la liberté, l'in-dépendance et le maintien de la couronne.

Vers la collaboration

Comment Leo Müller allait-il réagir à l'occupationnazie? Son nationalisme, sa "Heimattreue", affichéspendant 7 ans, allaient-ils l'amener du côté de la ré-sistance (active ou passive). Ou est-ce que celui quiavait pendant sept ans lutté inlassablement contre le"système", c.-à-d. le parlementarisme et les partis his-toriques, allant jusqu'à souhaiter leur disparition pureet simple, et qui avait prôné un régime autoritairepour préserver le "Volkstum" et créer la "Volksge-meinschaft", expurgée de la lutte des classes, allait,porté ou poussé par les événements, basculer dans lacollaboration, voyant dans le national-socialisme legarant pour réaliser cette "révolution spirituelle"contre le matérialisme et ses avatars que sont selonlui, le libéralisme, le marxisme ...? Contaminé par unétrange mélange d'idées d'extrême-droite qui luiétaient venues de France (Croix de Feu), d'Autriche("l'austrofascisme"), de Belgique (le rexisme) etd'Allemagne (l'idéologie "völkisch"), le nationa-lisme de Leo Müller ne sera pas assez fort pour résis-ter aux autres composantes de l'idéologie d'extrême-droite.

L'article rédigé, signé par Müller, "Des Temps an-ciens vers les Temps nouveaux" (22), montre avecune clarté exemplaire, que sa haine obsessionnellecontre le "système" d'avant-guerre le pousse littéra-lement dans les bras de l'occupant nazi.Tout comme les individus, les peuples sont amenés,de temps en temps, à porter un regard en arrière, à selivrer à un examen de conscience, pour tirer les le-çons des fautes qui ont été commises. C'est avec cettevue d'esprit que Müller introduit son article. Ce quisuit ne sera donc pas nouveau, mais la quintessencedes griefs formulés par Müller à l'adresse de l'esta-blishment, pendant les sept dernières années: Sur leplan politique, le vaisseau d 'Etat aurait échoué sur unbanc de sable. Après cette description excessive desmoeurs politiques qui auraient régi la vie politique auLuxembourg, Müller règle son compte au quatrièmepouvoir, la presse qui aurait tout fait pour voiler oumême défendre les pires excès. Face à cette dé-chéance morale, il n'y eut que quelques hommes,d'une droiture irréprochable. Vous voyez, qui je veuxdire, suggère Leo Müller qui reprend ici le couplet."Qu'est-ce que je n'ai pas dû endurer pendant septans, seul contre tous, la presse partisane, les politi-ciens véreux, qui ne m'ont pardonné d'avoir fondéun journal indépendant." Mais cette lutte était perdued'avance. C'est en tout cas la conclusion à laquellearrive Müller, qui suggère que par leurs seules forces,les hommes épris d'un renouveau moral, n'auraientpas pu redresser la barre.

Temps nouveaux, cela sous-entend les nouvellesidées des nouveaux maîtres. Sans avoir besoin de re-

oktober 1991

nier son passé, Leo Müller offre ses moyens modestesaux nouveaux maîtres:

"Wir brauchen unsere Vergangenheit nicht zu ver-leugnen, daß wir unsere bescheidenen Mittel imKampfe um die neue Welt und die neue Ideen gernund rückhaltlos zur Verfügung stellen, aus der Er-kenntnis heraus, daß wir keine Welt sind für sichund in der starken Hoffnung auf diesem Wege zumGlück auch unseres kleinen Völkchens unserScherflein beitragen zu können. Was vorüber, istvorüber, unser Hoffen und unser Sehnen ist aufdas Neue gestellt, das seinen Siegeszug durch dieWelt angetreten hat und auch bei den Völkern,dessen Führende sich heute noch zurückhalten,Eingang finden wird. Wir zweifeln keinen Augen-blick daran."

C'est donc un appel ouvert à la collaboration quiconclut la carrière du "Volksblatt" à la parution du-quel les nazis mettront un ternie quelques semainesaprès. Celui qui s'était voulu le champion du natio-nalisme luxembourgeois, et qui n'avait eu de cessepour mettre en doute le patriotisme de ses adver-saires, particulièrement celui de la gauche, qui avaitorné la manchette de son journal du mot d'ordre "Hei-mattreue", va plier sous le premier choc sérieux etremplacer la "Heimattreue" par "Heim ins Reich".

De l'application des deux autres mots d'ordre "Tra-vail", "Autorité", les Luxembourgeois, en souffrirontpendant quatre longues années. Celui qui avait écriten 1933, "Wir drängen zum Führertum", pour deve-nir un "Führer" luxembourgeois, ne sera finalementqu'un lèche-botte du "Führer", suivant ainsi le par-cours de beaucoup d'extrémistes de droite en Franceet en Belgique. Il n'arrivera cependant à aucun postede responsabilité dans le régime nazi.En 1946 Müller devra répondre de son activité decollaborateur devant les juges. Il sera condamné àune peine d'emprisonnement de deux ans et à uneamende de 25.000,- francs.

Lucien Blau(1) Michel Winnock: Nationalisme, antisémitisme et fascisme enFrance, Editions du Seuil 1982(2) "Lux. Volksblatt", 05-06.06.33 Art: "Auch ihr meine Söhne",p. 1(3) "De Wecker rabbelt", 2. Jg Nr.4, Art: Luxemburger Volksblatt,P-(4) ds "Lux. Volksblatt", 01-02.06.33, Art: "Was unsere Lesersagen", p. 5(5) ds "Luxemburger Volksblatt", 11.06.33, Art: "Abwehr" p. 1(6) Müller est né le 10.05.1888. Issu d'une famille nombreuse (17enfants) il fut d'abord instituteur.(7) "Volksblatt", 24.04.35, "Man s'en Deckel drop" p. 1(8) "Volksblatt", 10.01.36, "Batty Weber zur Fremdenfrage" p. 6(9) "Volksblatt", 08.03.34, "Herbei ihr Jungen", p. l(10) "Volksblatt", 28-29.04.34(11) "Volksblatt", 12-13.05.34 "Die nationaldemokratische Hei-matbewegung und die Wahlen", p. 1(12) "Volksblatt", 05.11.37, "Die belgischen Katholiken sind nichtmehr zufrieden"(13) Le mouvement rexiste jusqu'en 1940, pp. 28-29 Presses de lafondation nationale des sciences politiques(14) "Volksblatt", 23 - 24.11.35, "Wie er die Sache sieht", p. 4(15) "Volksblatt", 30 .31.05.36, "Eine Stunde mit Léon Degrelle",P.(16) "Volksblatt", 19.06.36, "Aufruf zur Sammlung", p. 1(17) Jean-Michel Etienne, Le Mouvement rexiste jusqu'en 1940,p. 35; (18) "Volksblatt" 24.05.37, "Wort und Zeitung stellen unsvor", p. 6; (19) "Volksblatt", 10.10.37, "Ein energischer Protest",p. 1; (20) "Volksblatt", 11.05.38, "Das Dreigestirn" p. 1(21) "Volksblatt", 22-23.04.39, "In den kommenden Festtagen" p.1(22) "Volksblatt", 07.09.40, "Aus der alten in die neue Zeit" p. 5

35

2

"Man regtsich auf,wenn derKartoffelkäferdroht. MitRecht! Wiestreng istman daraufbedacht,seinenWeizen nichtentarten zulassen! MitRecht! Wiepeinlich istman bei derAuswahl desZuchtmate-rials. Aber esgibt Dinge,die minde-stens ebensoviel Sorgfaltverdienen wiedie Kartoffelnund das liebeVieh. Es istdas Luxem-burger Volkund seineErhaltung."Volksblatt 7.6.33