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S o m m a i r e QUEL PARTENARIAT ENTRE RECHERCHE PUBLIQUE ET INDUSTRIE ? 3 Avant-propos Anne Lauvergeon 7 Introduction Jacques Serris et Benoit Legait L’analyse 10 La recherche partenariale est-elle soluble dans les politiques publiques de recherche ? Frédérique Pallez 16 Quelles politiques publiques pour favoriser l’innovation et la croissance économique ? Alain Villemeur Les attentes des industriels 21 Au cœur d’une initiative globale d’innovation ouverte pour préparer chez PSA Peugeot Citroën l’automobile du futur Gregory Blokkeel et Sylvain Allano 27 Entre recherche publique et industrie, quels types de partenariats ? Les attentes d’une petite entreprise Pierre-André Marchal 32 La recherche-développement et l’innovation dans le secteur du numérique – Illustration des attentes des industriels Stéphane Distinguin, Philippe Roy et Isabelle Ryl FÉVRIER 2014 - 30,00 ISSN 1148-7941 R É A L I T É S INDUSTRIELLES UNE SÉRIE DES ANNALES DES MINES FONDÉES EN 1794 Rédaction 120, rue de Bercy - Télédoc 797 75572 Paris Cedex 12 Tél. : 01 53 18 52 68 Fax : 01 53 18 52 72 http://www.annales.org Pierre Couveinhes, rédacteur en chef Gérard Comby, secrétaire général Martine Huet, assistante de la rédaction Marcel Charbonnier, correcteur Comité de rédaction de la série « Réalités industrielles » : Grégoire Postel-Vinay, président Serge Catoire Pierre Couveinhes Jean-Pierre Dardayrol Françoise Roure Bruno Sauvalle Rémi Steiner Christian Stoffaes Claude Trink Maquette conçue par Tribord Amure Iconographe Christine de Coninck Fabrication : Marise Urbano - AGPA Editions 4, rue Camélinat 42000 Saint-Étienne Tél. : 04 77 43 26 70 Fax : 04 77 41 85 04 e-mail : [email protected] Abonnements et ventes Editions ESKA 12, rue du Quatre-Septembre 75002 Paris Tél. : 01 42 86 55 65 Fax : 01 42 60 45 35 Directeur de la publication : Serge Kebabtchieff Editions ESKA SA au capital de 40 000 Immatriculée au RC Paris 325 600 751 000 26 Un bulletin d’abonnement est encarté dans ce numéro page 6 Vente au numéro par correspondance et disponible dans les librairies suivantes : Presses Universitaires de France - PARIS ; Guillaume - ROUEN ; Petit - LIMOGES ; Marque-page - LE CREUSOT ; Privat, Rive-gauche - PERPIGNAN ; Transparence Ginestet - ALBI ; Forum - RENNES ; Mollat, Italique - BORDEAUX. Publicité J.-C. Michalon directeur de la publicité Espace Conseil et Communication 2, rue Pierre de Ronsard 78200 Mantes-la-Jolie Tél. : 01 30 33 93 57 Fax : 01 30 33 93 58 Table des annonceurs Annales des Mines : 2 e - 3 e de couverture et page 80 CONEXPO CON/AGG 2014 : 4 e de couverture Illustration de couverture : Campus universitaire de Saclay : Siège et centre de recherche & développement de Horiba Europe. Photo © Xavier Popy/REA. 001-002 Sommaire_Sommaire 05/02/14 09:50 Page1

Réalités Industrielles - février 2014 - Quel partenariat ... · 10 La recherche partenariale est-elle soluble dans les politiques publiques de recherche ? Frédérique Pallez 16

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S o m m a i r eQUEL PARTENARIAT ENTRE RECHERCHEPUBLIQUE ET INDUSTRIE ?

3 Avant-proposAnne Lauvergeon

7 IntroductionJacques Serris et Benoit Legait

L’analyse

10 La recherche partenariale est-elle soluble dans les politiques publiquesde recherche ?Frédérique Pallez

16 Quelles politiques publiques pour favoriser l’innovation et la croissanceéconomique ?Alain Villemeur

Les attentes des industriels

21 Au cœur d’une initiative globale d’innovation ouverte pour préparerchez PSA Peugeot Citroën l’automobile du futurGregory Blokkeel et Sylvain Allano

27 Entre recherche publique et industrie, quels types de partenariats ?Les attentes d’une petite entreprisePierre-André Marchal

32 La recherche-développement et l’innovation dans le secteur du numérique –Illustration des attentes des industrielsStéphane Distinguin, Philippe Roy et Isabelle Ryl

FÉVRIER 2014 - 30,00 € ISSN 1148-7941R É A L I T É SINDUSTR IELLES

UNE SÉRIE DES

ANNALESDESMINESFONDÉES EN 1794

Rédaction120, rue de Bercy - Télédoc 79775572 Paris Cedex 12Tél. : 01 53 18 52 68Fax : 01 53 18 52 72http://www.annales.org

Pierre Couveinhes, rédacteur en chef

Gérard Comby, secrétaire général

Martine Huet, assistante de la rédaction

Marcel Charbonnier, correcteur

Comité de rédaction de la série « Réalités industrielles » : Grégoire Postel-Vinay, présidentSerge CatoirePierre CouveinhesJean-Pierre DardayrolFrançoise RoureBruno SauvalleRémi SteinerChristian Stoffaes Claude Trink

Maquette conçue parTribord Amure

IconographeChristine de Coninck

Fabrication :Marise Urbano - AGPA Editions 4, rue Camélinat42000 Saint-ÉtienneTél. : 04 77 43 26 70Fax : 04 77 41 85 04e-mail : [email protected]

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Un bulletin d’abonnement est encartédans ce numéro page 6

Vente au numéro par correspondanceet disponible dans les librairies suivantes :Presses Universitaires de France - PARIS ; Guillaume - ROUEN ; Petit - LIMOGES ; Marque-page - LE CREUSOT ; Privat, Rive-gauche - PERPIGNAN ; Transparence Ginestet - ALBI ; Forum - RENNES ; Mollat, Italique - BORDEAUX.

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Table des annonceursAnnales des Mines : 2e - 3e de couverture et page 80CONEXPO CON/AGG 2014 : 4e de couverture

Illustration de couverture : Campus universitaire de Saclay : Siège et centre de recherche & développement de Horiba Europe.Photo © Xavier Popy/REA.

001-002 Sommaire_Sommaire 05/02/14 09:50 Page1

Les attentes des chercheurs publics

37 L’Université et l’entrepriseBertrand Monthubert

41 Quel partenariat entre recherche publique et industrie ?Être chercheur et créer une entreprise innovanteAlain Thorel

Les politiques publiques en France et à l’étranger

46 De l’Anvar à Bpifrance, en passant par Oséo : les grandes étapesdu financement public de l’innovationLaure Reinhart

51 Quelle évolution pour les politiques publiques de recherche partenariale ?Guillaume Prunier

56 Les pratiques de valorisation de la recherche publique :un éclairage internationalMario Cervantes, Dominique Guellec et Daniel Kupka

62 Les filières technologiques en Europe à l’horizon 2020Iskren Kirilov et Jack Metthey

67 La recherche partenariale, en France et ailleurs : des paysages en évolutionconstanteSacha Kallenbach et Joël Jacquet

71 Les aides à l’innovation et la recherche partenariale au Royaume-UniCyrille Van Effenterre

75 Biographies des auteurs

81 Résumés étrangers

Ce dossier est coordonné par Jacques Serris et Benoit Legait

001-002 Sommaire_Sommaire 05/02/14 09:50 Page2

Avant-propos

Anne LAUVERGEON

Au printemps 2013, le Premier ministre m’a demandé de présider la CommissionInnovation 2030 qui a été chargée de « sélectionner des secteurs et des techno-logies dans lesquels la France devra acquérir un savoir-faire de premier plan

pour maintenir sa compétitivité ». Composée de vingt personnalités venues d’horizonstrès divers, cette Commission a été installée fin avril 2013 par le Président de laRépublique, auquel nous avons rendu notre rapport en octobre 2013.

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 2014 3

* Présidente de la Commission Innovation 2030, Présidente-directrice générale d’ALP SA.

« Composée de vingt personnalités venues d’horizons très divers, la Commission Innovation 2030 a été installée fin avril 2013par le Président de la République, auquel nous avons rendu notre rapport en octobre 2013. », remise au Président de laRépublique du rapport de la Commission Innovation 2030 (Premier rang de gauche à droite : Louis Gallois, AurélieFaitot, Henri Verdier, Mercedes Erra, Anne Lauvergeon, François Hollande, Thierry Mandon, Claudie Haigneré et DidierLombard), Palais de l’Élysée.

© Witt/POOL-MAXPPP

003-005 AVANT PROPOS_Avant-propos 05/02/14 10:29 Page3

Pour se mobiliser durablement autour d’ambitions fortes, la France doit éviter la dis-persion et le zapping. Un tour d’horizon international nous a d’ailleurs montré quebeaucoup d’États mettaient en place des stratégies d’investissements ciblés pour faire deleurs entreprises de pointe des leaders mondiaux dans les domaines identifiés.Quelques attentes sociétales fortes observées à l’échelle internationale s’inscrivent clai-rement dans la durée : des préoccupations pour la planète, une vision du citoyen-consommateur davantage axée sur l’individu, avec une responsabilité personnelle accrueet des exigences d’utilité et de sobriété. Par ailleurs, le contexte international, de plus enplus complexe, est marqué par quelques grandes tendances : la montée du potentiel éco-nomique des pays émergents, l’allongement de la durée de la vie, une urbanisationcroissante, des tensions probables dans l’accès à l’eau potable, à l’énergie et aux matièrespremières, sans oublier les effets croissants du changement climatique.C’est à partir des prévisions des besoins sociétaux et en fonction des secteurs dans les-quels la France a des atouts que la Commission a fait des choix. Nous avons ciblé septAmbitions stratégiques pour la France de 2030 : le stockage de l’énergie, le recyclage demétaux, la valorisation des richesses marines (extraction de métaux et dessalement), levégétal (protéines et chimie), la médecine individualisée, la Silver économie (l’innova-tion au service de la longévité) et la valorisation des données informationnelles massives(les big data). Ces Ambitions, qui répondent aussi aux différents enjeux sociétaux identifiés par laCommission européenne, nécessitent une mobilisation de tous les leviers d’action del’État : la recherche publique, la normalisation, la réglementation, la commandepublique, l’éducation et la diplomatie économique. Sept concours mondiaux d’innova-tion permettront de sélectionner pour chacune de ces Ambitions les projets présentantle plus fort potentiel économique, notamment en termes d’emplois et d’exportations.La Commission s’est également intéressée à l’écosystème dans lequel les innovateurs tra-vaillent en France, en s’appuyant sur des entretiens avec des experts de tous horizons.Ces auditions ont mis en évidence les handicaps, notamment un écosystème culturel etune organisation qui n’incitent pas assez à l’innovation, et sur lesquels il faut donc agir. C’est pourquoi la Commission recommande d’instaurer un « principe d’innovation »complémentaire du principe de précaution pour aboutir à un juste équilibre entre prisesde risque et sécurité. Nous devons oser innover. Certes, l’innovation et l’expérimentation doivent rester enca-drées, mais en aucun cas empêchées. Les décisions à prendre doivent l’être en tenantcompte des nouvelles connaissances acquises, elles doivent donc être régulièrementréévaluées afin de limiter des conséquences négatives pour l’innovation : ainsi défini, ceprincipe serait un signal fort envoyé aux entrepreneurs, la preuve de l’engagement del’État au service d’une politique ambitieuse de développement économique reposant surl’innovation.La France a des atouts sur lesquels elle peut s’appuyer. Cependant, ses forces indus-trielles, scientifiques et techniques ne suffisent plus pour lui permettre de faire face à laconcurrence internationale. Il nous faut être à la pointe de l’innovation, être excellents

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 20144

003-005 AVANT PROPOS_Avant-propos 05/02/14 10:29 Page4

dans la recherche scientifique et technique, et être capables d’attirer et de garder enFrance les plus talentueux. Les entreprises doivent développer et commercialiser lesinnovations : la R&D, publique comme privée, est essentielle pour atteindre cet objec-tif. Les partenariats entre la recherche publique et les entreprises jouent un rôle clé dansla chaîne de l’innovation, mais ils sont aujourd’hui encore trop fragiles en France. C’estpourquoi la recherche française doit se mobiliser autour des sept Ambitions ciblées parla Commission, par exemple en participant aux concours mondiaux de l’Innovationque nous avons lancés le 2 décembre dernier (www.Innovation2030.org). Ces sept concours – un pour chaque Ambition – sont ouverts à tous, Français ou non,jeunes créateurs en train de mûrir leurs projets et leurs start-up innovantes, PME confir-mées et grands groupes internationaux à la réputation solidement établie. Pour tous, unseul engagement est exigé : celui de créer et de développer leur projet en France, créantainsi de la richesse et des emplois dans notre pays. Les projets sélectionnés seront sou-tenus par l’action publique pour créer en France les leaders mondiaux de demain.Ce numéro de Réalités industrielles jouera certainement un rôle utile en faveur d’unecoopération accrue entre tous les partenaires concernés en précisant les attentes de cha-cun des acteurs et en donnant quelques exemples de succès remarquables.

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 2014 5

003-005 AVANT PROPOS_Avant-propos 05/02/14 10:29 Page5

BULLETIN D’ABONNEMENT

A retourner accompagné de votre règlement aux Editions ESKA 12, rue du Quatre-Septembre - 75002 ParisTél. : 01 42 86 55 73 - Fax : 01 42 60 45 35

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Publié par

ANNALESDES

MINESFondées en 1794

F ondées en 1794, les Annales des Mines comp-tent parmi les plus anciennes publications éco-

nomiques. Consacrées hier à l’industrie lourde,elles s’intéressent aujourd’hui à l’ensemble de l’ac-tivité industrielle en France et dans le monde, sousses aspects économiques, scientifiques, techniqueset socio-culturels.

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nourris d’expériences concrètes : les numéros desAnnales des Mines sont des documents qui fontréférence en matière d’industrie.

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sur la gestion « au concret » des entreprises et desaffaires publiques. Gérer & Comprendre va au-delàdes idées reçues et présente au lecteur, non pas desrecettes, mais des faits, des expériences et des idéespour comprendre et mieux gérer.

Q uatre fois par an, cette série des Annales desMines propose de contribuer aux débats sur

les choix techniques qui engagent nos sociétés enmatière d’environnement et de risques industriels.Son ambition : ouvrir ses colonnes à toutes les opi-nions qui s’inscrivent dans une démarche deconfrontation rigoureuse des idées. Son public :industries, associations, universitaires ou élus, ettous ceux qui s’intéressent aux grands enjeux denotre société.

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006 Bulletin abo_108 Bulletin abo 04/02/14 10:48 Page6

Introduction

Par Jacques SERRIS* et Benoit LEGAIT**

Quelle place pour le partenariat de recherche

public-privé en France ?

L’objectif largement partagé par les gouvernements des pays développés et des paysémergents d’une recherche publique « ouverte à la société et à l’économie » s’est tra-duit en France par l’accent mis sur les politiques d’incitation aux partenariats

public-privé en matière de recherche. Ces politiques ont pour objectif d’encouragerchercheurs publics et entreprises à travailler ensemble grâce notamment à des aidesfinancières allouées aux projets communs.Ces actions ont connu quelques succès, parmi lesquels l’augmentation du nombre desstart-up créées à partir de la recherche publique et le renforcement des relations entrecertains industriels et certains laboratoires, ou encore, autour des pôles de compétitivi-té. Toutefois, elles restent confrontées à certaines réserves de la part de nombre de cher-cheurs publics attachés à la notion d’une recherche « libre », que l’on oppose souvent àla recherche « finalisée », ainsi que de la part d’entreprises qui ne savent pas commentidentifier au sein des structures publiques des interlocuteurs prêts à les aider à formulerleurs questions, puis à résoudre celles-ci. Faut-il créer en France des organismes derecherche spécialisés, à l’image de ceux de l’Allemagne (les Fraunhoffer Institutes) oudes Pays-Bas (TNO) ?Le dialogue entre la recherche publique et les entreprises, qui est réputé être plus faciledans les pays du Nord de l’Europe, aux États-Unis ou au Japon, a changé d’échelle avecla diffusion de l’« innovation ouverte » (open innovation). Les entreprises travaillent avecles meilleurs partenaires et laboratoires partout dans le monde afin de développer uneveille technologique sur les idées les plus avancées, d’être en capacité d’intégrer les tech-

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 2014 7

* Ingénieur général des mines (Conseil général de l’Économie, de l’Industrie, de l’Énergie et des Technologies –CGEIET).

** Ingénieur général des mines (Conseil général de l’Économie, de l’Industrie, de l’Énergie et desTechnologies – CGEIET).

007-009 INTRODUCTION_Introduction 04/02/14 10:49 Page7

nologies les plus innovantes et de partager les risques, y compris au sein d’une filière ouentre plusieurs filières. Les relations fluides instaurées avec les centres de recherchepublics leur permettent de se renforcer dans la compétition internationale, mais ellespeuvent également favoriser leur implantation sur le territoire même des laboratoiresavec lesquels elles coopèrent !D’un autre côté, le débat sur la technologie, la science et le progrès a été marqué depuisle début du XXIe siècle, par des conflits d’intérêts qui rappellent la nécessité d’uneexpertise scientifique indépendante et reconnue comme telle tant par les pouvoirspublics que par les acteurs économiques et sociaux. Les partenariats de recherche public-privé prennent de nombreuses formes, notammentcelles de la recherche collaborative, de la recherche contractuelle et de la consultance,qui se formalisent sous la forme de contrats incluant des clauses concernant la proprié-té intellectuelle, mais aussi sous la forme de chaires universitaires, dont le financements’apparente à des dons sans contrepartie directe pour les entreprises. De nombreux typesde structures de coopération ont été mis sur pied : des laboratoires communs, des ins-tituts de recherche technologique, des instituts d’excellence en énergie décarbonée, dessociétés d’accélération des transferts technologiques, etc. Les statuts des enseignants-chercheurs publics leur permettent de pousser très loin l’ac-compagnement de la valorisation de leurs projets : consultance, prise de participationdans des start-up, intéressement aux bénéfices liés à l’exploitation des brevets, etc. Enfin, de nombreux dispositifs financiers ont été mis en place pour favoriser ces coopé-rations. Ils ont fait l’objet, en 2013, d’un rapport de l’Inspection générale des Finances(IGF), de l’Inspection générale de l’Administration de l’Éducation nationale et de laRecherche (IGAENR) et du Conseil général de l’Économie (CGE) (1).Dans leur synthèse, les rapporteurs soulignent que :« La recherche partenariale est l’une des principales composantes de la valorisation dela recherche. Elle concerne les projets de recherche qui impliquent à la fois des établis-sements publics (établissements de recherche, universités, grandes écoles…) et desentreprises privées, sous la forme de contrats de prestation de service (recherchecontractuelle et consultation), de coproduction de travaux de recherche (recherche col-laborative) ou de création de structures communes (laboratoires, instituts, plateformes,réseaux…). Si la recherche partenariale n’est pas identifiée en tant que telle parmi les politiquespubliques, les travaux de la mission ont permis de montrer que (tous instrumentsconfondus) l’effort budgétaire consenti par l’État pour la soutenir s’élève à environ2 milliards d’euros par an. En [y] ajoutant les contributions des entreprises privées et[celles] des programmes européens, le volume total de la recherche partenariale s’établitau minimum à 4 milliards d’euros pour l’année 2011, sans tenir compte de la contri-bution des collectivités territoriales ni des dotations aux laboratoires communs. Ce

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 20148

(1) Mission sur les dispositifs de soutien à la recherche partenariale – Rapport de février 2013.

007-009 INTRODUCTION_Introduction 04/02/14 10:49 Page8

montant, qui représente environ 10 % de la dépense intérieure de recherche et déve-loppement, confirme l’importance que l’État accorde à cette politique.Pourtant, l’efficacité de la recherche partenariale est affectée par plusieurs handicaps. D’une part, l’importance accordée à la recherche partenariale et la diversité des para-mètres pris en compte par la puissance publique se sont traduits par la mise en œuvresuccessive d’une multiplicité de dispositifs ciblés sources de difficulté d’accès et de com-plexité de gestion pour les acteurs. D’autre part, le caractère lacunaire des données disponibles au niveau national limite lacapacité à procéder à des évaluations comparatives des dispositifs : la mission n’a ainsipas été en mesure de se prononcer sur la performance comparée des principaux dispo-sitifs de soutien à la recherche partenariale (appels à projets ANR, FUI, CIR doublé,etc.). »Pour éclairer le débat, ce numéro de Réalités industrielles donne la parole à de bonsconnaisseurs des relations existant entre la recherche publique et les entreprises en leurdemandant de prendre position : quelle est vraiment l’efficacité de la recherche partena-riale sur les plans économique et social, et pour le développement de la recherche elle-même ? Quelles sont les pratiques qui répondent le mieux aux objectifs des pouvoirspublics et aux attentes des entreprises, des chercheurs et, plus globalement, de la société?

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 2014 9

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RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 201410

INTRODUCTION

Des doutes subsistent encore sur le rôle de la science,et donc de la recherche, dans la prospérité écono-mique (MACILWAIN, 2010). Plus précisément, l’idéedu bien fondé de la recherche partenariale repose surune « théorie de l’action », largement partagée enFrance qui peut s’exprimer par le schéma de causalitésuivant :

Recherche partenariale � Innovation � Compétitivitédes entreprises.Or, chacun de ces liens de causalité est sujet à discus-sion. On sait également (BEYLAT et TAMBOURIN,2013) que l’innovation ne se réduit pas à l’innovationtechnologique.Néanmoins, il semble majoritairement acquis aujour-d’hui que la recherche partenariale est un des vecteursde la compétitivité des entreprises, et donc de celle dela Nation. La France y consacre un budget non négli-geable et a mis en place au fil du temps une série dedispositifs visant à encourager par diverses voies cescollaborations entre recherche publique et entreprises.

La recherche partenarialeest-elle soluble dans les politiques publiques de recherche ?

En France, la recherche partenariale est considérée comme un desmoyens d’augmenter la compétitivité des entreprises. À ce titre, elleest soutenue par divers dispositifs publics. Ses principes semblent enoutre compatibles avec les principaux axes des politiques publiquesde recherche, qui mettent de plus en plus l’accent sur le nécessairepartenariat entre recherche et industrie. Cela dit, quand on s’intéresseaux moteurs principaux du comportement des acteurs de la recherche

publique, à savoir les chercheurs ou les enseignants-chercheurs, on constateque des mécanismes puissants (tenant notamment aux modes d’évaluationet aux modes de financement) freinent encore ces rapprochements. La voiepermettant de surmonter ces obstacles est étroite.

Par Frédérique PALLEZ*

L’ANALY

SE

* Professeur Mines ParisTech.

010-015 PALLEZ_Ellena 05/02/14 09:50 Page10

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 2014 11

FRÉDÉRIQ

UE P

ALLEZUn bilan très complet de ces politiques a été effectué

récemment (1), qui met notamment en évidence lesdifficultés de pilotage et d’évaluation d’une politiquequi a davantage les traits d’un kaléidoscope. Ce quin’empêche pas que le gouvernement actuel, très sou-cieux de l’amplification et de l’efficacité des politiquesde recherche partenariale, semble, à première vue,continuer à rajouter de nouveaux dispositifs à ceuxqui existent déjà (plateformes CEATech, programmesLabCom…). Mais en amont de ces constats en demi-teinte se posela question de savoir si les partenaires que l’on chercheà rapprocher, à savoir la recherche publique et lesentreprises, ne seraient pas pris dans des injonctionscontradictoires qui les détournent des dispositifs inci-tatifs évoqués. En ce qui concerne plus particulière-ment la recherche publique, le système d’Ensei -gnement Supérieur et de Recherche (ESR) est-il enétat de répondre aux signaux qui lui sont adressés ?Pour évoquer ces questions et en tenter une analyse(nécessairement partielle au regard d’un sujet aussivaste), je m’appuierai sur un certain nombre de tra-vaux de recherche, notamment sur ceux que j’aimenés à la fois sur la gestion et l’évaluation du systè-me d’enseignement supérieur et de la recherche(FIXARI, MOISDON et PALLEZ, 2009 ; FIXARI etPALLEZ, 2010) et sur les politiques de clusters enFrance (GALLIÉ, GLASER, LEFEBVRE et al., 2012)(FIXARI et PALLEZ, 2013), ainsi que sur ma participa-tion, durant l’automne 2012, au Comité de pilotagedes Assises de l’Enseignement supérieur et de laRecherche.Avant de m’interroger sur les modalités actuelles dupilotage de la recherche publique en France et sur lacohérence de ces modalités avec une politique derecherche partenariale, je souhaite rappeler certainsdes traits de ce que l’on entend par « recherche parte-nariale ».

RECHERCHE PARTENARIALE : UN PÉRIMÈTREFLOU, DES DISPOSITIFS VARIÉS

Le périmètre de la recherche partenariale n’est pasextrêmement précis, ce qui est à la fois une cause etune conséquence de la difficulté à identifier UNEpolitique publique sur ce thème. Elle concerne au pre-mier chef les partenariats recherche publique/entre-prises, même si les partenariats entre recherchepublique et administrations pour innover en matièred’action publique pourraient, de la même manière,être inclus dans le champ de la réflexion. Mais nousnous limiterons ici aux situations où des entreprisessont impliquées. La recherche partenariale prend par ailleurs diversesformes, qui ont été rappelées par le rapport déjà cité :recherche contractuelle, recherche collaborative,

structures communes… Elle peut concerner unerecherche très « amont » ou une recherche technolo-gique, voire une recherche applicative. Les dispositifsqui en sont le support sont extrêmement variés : on ytrouvera aussi bien des dispositifs fiscaux comme leCrédit Impôt Recherche que des structures favorisantla coopération (pôles de compétitivité) ou allant jus-qu’à l’intégration de partenaires issus des deuxmondes précités (IRT, IEED (2), laboratoires com-muns (3)…), en passant par les diverses plates-formesd’innovation mutualisées, par les Instituts Carnot, parles thèses CIFRE, etc.Se surajoutent à ces dispositifs quantité d’appels àprojets partenariaux, émis par des administrationsvariées, à différents niveaux territoriaux, qui peuventêtre en outre des outils utilisés par certaines des struc-tures qui viennent d’être évoquées. Ainsi, le FUI(Fonds Unique Interministériel) finance sur appel àprojets des projets collaboratifs portés par les pôles decompétitivité. Ce riche « herbier » (qui n’est évidemment pas exhaus-tif ) pourrait donner l’impression que cent fleurs sesont épanouies au gré de l’imagination des diversesadministrations… et des moyens qu’elles ont pu déga-ger.Or, au-delà de la diversité, on voit se dégager un cer-tain nombre de principes communs, qui guident despolitiques publiques de plus en plus soucieuses detransfert et de valorisation autour de la mise en œuvrede partenariats public-privé. Comme nous allons levoir, ces principes soutiennent plus généralement lespolitiques d’enseignement supérieur et de recherchemises en place ces dernières années.

QUELQUES TRAITS DES POLITIQUES PUBLIQUESD’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE RECHERCHE(ESR)

Si l’on essaie de repérer à grands traits quelques-unsdes mots-clés qui constituent les marqueurs des poli-tiques d’enseignement supérieur et de rechercheactuelles (4), on peut énumérer, en vrac : « État stra-

(1) Voir le rapport Mission sur les dispositifs de soutien à la recherche par-tenariale (paru en 2013 : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid72116/mission-sur-les-dispositifs-de-soutien-a-la-recherche-partenariale.html).

(2) Les Instituts de Recherche Technologique et les Instituts d’Excellenceen matière d’Énergie Décarbonée, des créations intervenues dans le cadredu Programme d’Investissements d’Avenir (PIA).

(3) Ces laboratoires communs entre recherche publique et grandes entre-prises existaient depuis longtemps, mais une nouvelle variante apparue en2013, les LabCom, vise à encourager les activités communes entrerecherche publique et PME ou ETI.

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tège, autonomie, partenariat public-privé, valorisationet viabilité économiques, excellence et compétition,appel à projets, contractualisation, évaluation, coopé-ration… ». On constatera au passage que ces mots-clés renvoient à des principes qui débordent large-ment le champ de l’ESR et qui tendent à colorernombre d’autres politiques publiques.Commentons quelques-uns de ces termes.

L’État stratège

Le retour de l’État central dans un rôle qui se veutcelui du stratège est réaffirmé : la loi de juillet 2013sur l’ESR, faisant suite aux Assises de fin 2012, ins-taure un Conseil stratégique de la Recherche (installéfin 2013). Un Agenda stratégique France Europe2020 est élaboré, avec ses dix défis sociétaux.Parallèlement sont formulés, respectivement parArnaud Montebourg et Anne Lauvergeon, 34 Plansindustriels et sept Ambitions du futur. On observera,en outre, qu’aux yeux de certains analystes, simulta-nément à l’affirmation de l’autonomie universitaire,s’opère, depuis plusieurs années, une reprise en mainde la part de l’État central via des procédures decontrôle, d’évaluation, de mise en concurrence, et queles appels à projets, qui se multiplient, en sont un desmarqueurs (AUST et CRET, 2012). Ces appels à projetssont d’ailleurs un des outils principaux du montagedes partenariats entre entreprises et recherchepublique.

Les partenariats public-privé, la finalisationéconomique

Les liens entre les mondes académique et économiquesont affirmés à l’envi : la contribution du systèmed’ESR au développement économique et social dupays est un des axes de la loi Fioraso (la mission detransfert assignée aux universités y est inscrite) et laministre de l’Enseignement supérieur et de laRecherche continue à mettre en place des dispositifs(comme ceux évoqués en introduction) destinés àfavoriser ces rapprochements et ces collaborations. Ence qui concerne les modalités de la recherche collabo-rative, on notera le fort accent mis en France, par rap-port à d’autres pays, sur la recherche multilatérale(OLLIVIER, 2013) par rapport à la recherche bilatéra-le : c’est, par exemple, le principe de financement parle FUI des projets montés au sein des pôles de com-

pétitivité, qui doivent rassembler au moins deuxentreprises et un laboratoire de recherche. Quant auxfinalités de ces collaborations, elles sont évidemmentau premier chef économiques, même si les impacts surla recherche ne sont ni ignorés ni sous-évalués. Lapolitique 3.0 des pôles de compétitivité vient, en2013, de réaffirmer la nécessité de passer de l’« usineà projets » à l’« usine à produits », et les résultats atten-dus le sont dans des temporalités compatibles aveccelles du monde économique, c’est-à-dire, en général,à court ou à moyen terme.

Excellence, compétition, coopération, évaluation

Simultanément, les traits qui caractérisent le mondeéconomique contemporain dans un contexte de mon-dialisation colorent évidemment le monde de larecherche. En effet, non seulement la concurrencejoue sur les activités économiques que la recherche estappelée à soutenir, mais le monde de l’enseignementsupérieur et de la recherche est lui-même de plus enplus soumis à cette compétition mondiale. Larecherche doit donc viser l’ « excellence », même si ceterme en tant que tel peut donner lieu à de multiplesinterprétations. Dans cet esprit, les regroupements etles coopérations entre établissements académiquessont encouragés, car l’on y voit un instrument per-mettant d’atteindre cette excellence ; de même, lesmodalités d’allocation des ressources et les procéduresd’évaluation (qu’il s’agisse des rankings internationauxou des procédures internes au système académiquenational) sont des leviers essentiels du pilotage publicqui doit permettre de stimuler cette quête de l’excel-lence.Dans ce tableau, brossé à grands traits, la recherchecollaborative a largement sa place et les évolutions quisont imprimées au monde académique semblentdevoir favoriser son développement. Mais, en France,les cadres institutionnels et organisationnels de larecherche publique et ses outils sont-ils en phase aveccette philosophie ? Dès lors que ces cadres modèlentlargement le comportement des acteurs qui en sont lecœur – chercheurs et enseignants-chercheurs (5) –,cette question est évidemment essentielle.

QU’EST-CE QUI FAIT COURIR LES CHERCHEURS ?

Les chercheurs, dans leur ensemble, ne sont pas oppo-sés au principe de la recherche partenariale, même siune fraction d’entre eux exprime encore la crainte de

(4) Cette tendance est une tendance longue qui traverse les alternancespolitiques, même si les méthodes employées pour impulser les réformespeuvent, quant à elles, être différentes, c’est en tout cas la thèse de PaulineRavinet (dans RAVINET, 2012).

(5) Catégories que nous regrouperons, dans la suite de notre propos, sousl’appellation de chercheurs.

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perdre leur indépendance au contact des entreprises.Beaucoup soulignent que la recherche a besoin duretour de l’industrie et que cela n’implique en aucuncas que celle-ci dicte à la recherche sa stratégie.Mais deux préoccupations me semblent orienter deplus en plus massivement les comportements deschercheurs : la course à l’excellence académique et lacourse aux financements. La question qui se pose dèslors est de savoir si les leviers du pilotage public régu-lant ces deux éléments favorisent ou non la recherchepartenariale.

Une course à l’excellence académique ?

Les modalités d’évaluation des chercheurs (6) sont unlevier essentiel d’orientation de leur comportement,notamment parce que c’est cette évaluation qui vainfluer sur leur carrière (promotions, mobilité…). Or,chacun sait que malgré la volonté répétée de diversi-fier les critères d’évaluation et de prendre en comptedes profils variés, ce sont encore les critères d’activitéet de production académiques qui priment dans cesévaluations. Ces cadres ont d’ailleurs tendance à êtrerépliqués dans des institutions qui ne les appliquaient

pas jusqu’ici au nom de la recherche de l’excellenceacadémique. Or, la recherche collaborative peut êtremoins « valorisable académiquement » en raison de ladifficulté à publier ou de constantes de temps pluslongues qui peuvent handicaper la carrière du cher-cheur. De même, au-delà des difficultés liées aux sta-tuts, aux rémunérations et aux diverses cultures, lesmobilités entre univers académique et univers indus-triel sont peu pratiquées, car elles sont difficilementvalorisables dans le processus évaluatif. Au niveau institutionnel, et non plus individuel, uncertain nombre d’initiatives gouvernementalesrécentes (adoptées dans le cadre du Programmed’Investissements d’Avenir) visant à faire émerger desensembles académiques à l’excellence reconnue quisoient visibles et actifs dans la compétition internatio-nale, ont pu orienter les énergies des universitairesvers ces objectifs au détriment du travail de construc-tion de partenariats industriels.

« La contribution du système d’Enseignement supérieur et de Recherche au développement économique et social du pays est un desaxes de la loi Fioraso. », Geneviève Fioraso, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, visitant l’ISIR,l’Institut des systèmes intelligents et de robotique de l’Université Pierre et Marie Curie et du CNRS, Paris, octobre 2013.

© Nicolas Tavernier/REA

(6) Même s’ils ne sont pas évalués aussi fréquemment que les chercheurs,les enseignants-chercheurs sont en première approximation mus par desmotivations identiques. Nous ne développerons donc pas leur cas demanière spécifique.

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Une course aux financements ?

Un autre déterminant important du comportementdes équipes de recherche est la question de l’accès auxressources financières. Pour faire face à la faiblesse desbudgets « récurrents », les chercheurs sont en effetconfrontés à la nécessité de trouver des financementscomplémentaires. L’Agence Nationale de la Recherche(ANR), notamment, est au travers de ses appels à pro-jets une de ces sources importantes de financement etbeaucoup de chercheurs dépensent un temps et uneénergie considérables à répondre à ses appels à projets(7). Mais la sélection des projets est faite selon des cri-tères d’excellence académique qui vont à nouveaupousser les chercheurs à investir sur ce critère (8). Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas que la col-laboration recherche /entreprises ne soit pas, en géné-ral, placée au premier rang des priorités des cher-cheurs.

CONCLUSION : LA NÉCESSITÉ D’UN FINE-TUNING DES POLITIQUES PUBLIQUES DE LA RECHERCHE

Ainsi, les dispositifs de pilotage de la recherche conti-nuent à orienter fortement celle-ci vers des objectifsd’excellence académique qui, s’ils sont trop domi-nants, risquent de détourner ou de freiner l’appétencedes chercheurs pour leur collaboration avec des entre-prises. Mais il ne s’agit en aucune manière d’opposerrecherche académique et recherche partenariale. Et,ne nous y trompons pas, beaucoup d’entreprisesrecherchent, elles aussi, l’excellence de leurs parte-naires académiques. Il ne s’agit donc pas pour ceux-cid’abandonner cet objectif. Or, l’expérience prouve que ces deux types derecherche peuvent être menés de front, par exempleau sein de dispositifs comme les chaires ou les labora-toires communs. Il faut donc plutôt encourager lesstructures en permettant la coexistence, et régler fine-ment les dispositifs de pilotage évoqués, notammentles dispositifs d’évaluation tant des chercheurs que desunités de recherche.Mais deux difficultés supplémentaires au moins sontencore à surmonter :• tout d’abord, il convient de ne pas sous-estimer lanécessité de construire une acculturation qui condui-se à des relations de confiance entre le monde acadé-mique et l’univers économique. En effet, les partena-riats entre entreprises et chercheurs ne sont pas, enpremier lieu, des montages institutionnels : ils résul-tent en général de collaborations longues, qui ontpris des formes diverses selon la taille (9) et la nature

de l’entreprise (interventions dans des formations,stages, thèses, expertises, contrats de recherche, etc.)et qui passent avant tout par des individus. C’est laraison pour laquelle les pôles de compétitivité (maisaussi les autres clusters, par les activités de mise enréseau qu’ils ont organisées) ont pu contribuer à cesrapprochements avant même tout montage formel decollaboration. Dans cet esprit, toute occasion decontact peut être productive et les encouragementsapportés par la loi Fioraso à la présence de représen-tants des entreprises dans les conseils de perfection-nement ou les conseils d’administration des universi-tés (sous réserve que l’on en fasse des instancesprésentant un intérêt pour les industriels) vont dans lebon sens ;• le deuxième problème est lié à la difficulté de l’éva-luation des recherches partenariales. En effet, dans cessituations, on ne dispose pas nécessairement d’unmarqueur de résultat qui soit aussi indubitable qu’unepublication, et l’on n’aboutit pas nécessairement à undépôt de brevet. Quant à l’identification du produitcommercialisable né de la recherche, voire des emploisqu’il a permis de créer, chacun sait que c’est un desproblèmes majeurs de l’évaluation des dispositifsvisant à favoriser l’innovation, comme les pôles decompétitivité. Pour progresser sur ces questions, ilfaut en tout cas adjoindre à des indicateurs quantita-tifs de résultats (sans nul doute nécessaires, mais tou-jours sujets à caution) des éléments qualitatifs decompréhension de l’« histoire » des collaborations ;par ailleurs, il convient de tenter d’élargir l’horizontemporel de l’évaluation, souvent trop rapproché parrapport aux échelles temporelles des impacts écono-miques que l’on cherche à susciter.Terminons par un constat qui reste soumis à débat.Une des difficultés des décideurs politiques face à laproblématique du développement de la recherche par-tenariale est de trouver un équilibre entre deux atti-tudes : • un souci de compléter et de corriger les dispositifsexistants, qui peut combler des lacunes, mais qui peutaussi conduire à un accroissement de la complexitéqui est souvent critiqué (10) ; • une stabilisation des politiques qui peut passer pourde l’immobilisme, mais qui est parfois utile, car larecherche a besoin, autant que les entreprises, d’unminimum de continuité des politiques publiques quipermette aux chercheurs de regagner du tempspour… faire de la recherche.

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(7) Les Assises de l’ESR se sont longuement penchées sur l’analyse deseffets de ce système.

(8) On ajoutera que dans le cas des budgets des universités, une part desbudgets récurrents était jusqu’il y a peu de temps allouée aux établisse-ments en fonction de leur « performance » recherche mesurée par la noteaccordée lors des évaluations AERES.

(9) Une PME et une grande entreprise n’ont en effet pas les mêmesbesoins.

(10) Sur cette question de la complexité des dispositifs de politiquepublique en matière de recherche, voir FIXARI et PALLEZ, 2014.

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BIBLIOGRAPHIE

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L’INNOVATION, UN BOOSTER DE CROISSANCE ?

Quels sont les facteurs clés d’une innovation dynami-sant la croissance économique ? Le volume de la R&D

(publique et privée) est évidemment le premier fac-teur qui nécessite d’être mentionné. Cependant, larecherche publique n’a d’effets qu’à long terme, mêmesi elle est évidemment de nature à alimenter la R&Dprivée et le processus d’innovation. Le volume deR&D des entreprises a, quant à lui, un effet majeursur l’innovation et la croissance économique, chosequ’illustrent les champions en la matière que sont laSuède, les États-Unis et l’Allemagne. Mais il n’y a làaucun déterminisme, et un pays comme le Japon, qui

Quelles politiques publiquespour favoriser l’innovation et la croissance économique ?

La France est confrontée à une double faiblesse, celle de son innova-tion et celle de sa croissance économique, comme l’ont montré derécents rapports [1, 2, 3]. Depuis une dizaine d’années, de nombreuxdispositifs en faveur de l’innovation ont été mis en place dans l’espoirde doper la croissance économique. Cependant, ces dispositifs n’ontpas réellement réussi à inverser les tendances.Dès lors, quelles politiques publiques d’innovation pourraient êtremises en œuvre pour redynamiser, à l’avenir, la croissance écono-mique ? Il faut revenir aux facteurs clés identifiés par les économistes de l’in-

novation et de la croissance économique comme structurant l’écosystèmede l’innovation : le rapprochement entre universités et entreprises, les nou-veaux produits et le renouvellement des entreprises. Il s’avère dès lors que laFrance a besoin d’un véritable choc de politiques publiques en faveur desnouveaux produits et du renouvellement des entreprises.

Par Alain VILLEMEUR*

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* Professeur associé à l’Université Paris Dauphine, co-auteur deL’innovation au cœur de la nouvelle croissance, avec Jean-Hervé Lorenzi(Economica, 2009).

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ALAIN VILLEMEURest lui aussi un champion en la matière, n’est pas

connu pour avoir des performances économiquesremarquables.En réalité, c’est tout le processus d’innovation qui esten jeu au travers de ses différentes étapes, depuis laR&D en passant par l’amorçage technologique jus-qu’à l’innovation de produit ou de procédé qui diffu-se ensuite sur les marchés. Pour comprendre la réussi-te économique des pays innovants, il faut donc faireappel principalement à trois facteurs clés qui structu-rent l’écosystème de l’innovation [4] : le rapproche-ment entre universités et entreprises, les nouveauxproduits et le renouvellement des entreprises.Le rapprochement universités-entreprises est un atoutmajeur de pays comme la Suède, les États-Unis etl’Allemagne. Qu’il prenne le chemin de liens directs(contrats entre les universités et les entreprises) oud’organisations intermédiaires (comme les InstitutsFraunhofer, en Allemagne) ou encore de clusters(Silicon Valley), ce rapprochement induit de nom-breuses retombées positives, comme la multiplicationdu nombre de brevets déposés ou encore la capacité,pour les entreprises, d’absorber de nouvelles connais-sances externes. Or, il est démontré que ces retombéessont étroitement corrélées à la croissance économique,ce qui justifie toute politique permettant de favoriserce rapprochement.À tort, les subventions publiques visant à aider larecherche privée, par exemple dans les clusters, sontsouvent vues comme un gaspillage. Cette vision esterronée : en effet, les dernières études montrent queces subventions ont bien un impact positif sur larecherche des entreprises, en la dopant et en en accé-lérant l’effet d’entraînement pour l’ensemble de lasociété [5]. Des produits imités, ou des produits radicalementnouveaux ? Ce débat, lancé par Joseph Schumpeter,dès 1911, est toujours d’une grande actualité.L’économiste Barro avait mentionné, dès les années1990, le fait que l’innovation de procédé – qui tend àgénérer l’imitation – est peu risquée, car elle permetde renouveler ou d’étendre un marché existant au tra-vers de la baisse des coûts, au contraire de l’innovationde produit, qui est, quant à elle, très risquée, car ellevise à introduire un nouveau produit satisfaisant denouveaux clients. En conséquence, les entreprisesdévelopperont naturellement une R&D aboutissant àdes innovations de procédé, et délaisseront lessecondes. Or, les études économiques confirment que les inno-vations de produit sont les plus prometteuses entermes de dynamisme économique, car elles sont àl’origine de gains de productivité supérieurs et dudéveloppement majeur de nouveaux marchés. Il appa-raît aussi que les États-Unis et les pays d’Europe duNord (Allemagne, Suède) correspondent plutôt aumodèle de la compétitivité par les produits, les paysd’Europe du Sud (France, Italie, Portugal) correspon-

dant, quant à eux, au modèle de la compétitivité parles coûts. Le défi pour la France est donc d’orienterdavantage son processus d’innovation vers les nou-veaux produits.Le dernier facteur, le renouvellement d’entreprises, estprimordial, car il agit à la fois sur le processus de l’in-novation et sur celui de la croissance. Bien sûr, ilconsacre l’émergence de nouvelles entreprises dehaute technologie, qui développent de nouveaux mar-chés de produit. Mais il contribue à hausser l’effortglobal de R&D, car ces entreprises ont un amour biencompris pour la R&D dont elles sont issues ; enconséquence, toute l’économie en bénéficie. Ainsi,aux États-Unis, la moitié de l’effort de R&D desentreprises est due à des entreprises qui n’existaientpas 25 ans auparavant, ce qui n’est évidemment pas lecas en Europe et en France. L’émergence de nouvelles entreprises innovantes etleur croissance rapide induisent des gains de produc-tivité en même temps qu’elles incitent les entreprisesen place à devenir plus efficaces, plus innovantes etplus rentables. En outre, la sortie de la production desentreprises à faible productivité contribue également àla hausse de la productivité. Ce processus de renou-vellement des entreprises peut représenter jusqu’à40 % des gains de productivité, ce qui en fait un pro-cessus majeur du dynamisme économique.

ÉTATS-UNIS : L’AMPLEUR ET L’ORIGINALITÉ DESPOLITIQUES PUBLIQUES

Force est de constater que des insuffisances institu-tionnelles, des défaillances de marchés ou d’entre-prises entravent la mise en œuvre des trois facteursclés que nous avons ainsi recensés. Les politiquespubliques d’innovation y puisent une nouvelle légiti-mité. Les politiques publiques devront donc avoirpour objet d’inciter au rapprochement entre les uni-versités et les entreprises, au développement prioritai-re d’innovations de produit (nouveaux produits etproduits haut de gamme) et au renouvellement desentreprises.Quel est le pays développé qui a mis en œuvre demanière précoce et systématique la plus ambitieusepolitique publique en faveur de l’innovation et de lacroissance ? Ce sont les États-Unis, le pays pourtantréputé le plus libéral, qui ont jeté les bases d’un systè-me d’innovation original jouant sur la synergie etl’amplification des trois facteurs clés précités [6]. À la fin des années 1970, les Sénateurs Birch Bayh etRobert Dole se désolent de constater, d’une part, lemanque de liaisons entre les milieux universitaires etle monde des entreprises et, d’autre part, l’ampleurd’un stock de brevets issus de la recherche universitai-re sans grande utilité économique. En 1980, ils serontà l’origine d’une loi, le Bayh-Dole Act, qui oblige les

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universités à collaborer dans la recherche d’applica-tions technologiques et à organiser les transferts detechnologies. Le souci du renouvellement des entre-prises est présent dans cette loi puisqu’elle stipule queles PME seront prioritaires et que les nouveaux pro-duits issus de cette collaboration seront fabriqués auxÉtats-Unis.Toujours dans les années 1980, les États-Unis mettenten place le plus grand programme d’amorçage tech-nologique (le Small Business Innovation Research –SBIR) au monde, lequel est financé sur fonds publics(voir l’encadré ci-dessous). Bon nombre d’innovationsde rupture qui ont marqué ces dernières décenniessont issues de ce programme, et de nombreuses start-up qui en ont découlé sont devenues des leaders mon-diaux, comme Amgen (dans les biotechnologies) ouQualcomm (dans la téléphonie mobile).Devant le succès de ce programme, le président amé-ricain Barack Obama a décidé d’augmenter de 50 %le budget alloué au SBIR d’ici à 2020. Un des facteursde succès de ce programme réside dans l’existence decontrats pré-commerciaux, c’est-à-dire dans l’engage-ment pris par les agences gouvernementales de com-mander les nouveaux produits mis au point. Bien desstart-up françaises rêveraient de bénéficier de tellesassurances en matière de commandes publiques !Le dispositif du SBIC (Small Business InvestmentCompany) a lui aussi pris son essor dans les années1980 grâce à la création de sociétés de capital-risqueprivées disposant de capitaux publics à des taux d’in-térêt intéressants. Là encore, ces entreprises sontconnues pour favoriser la prise de risque et l’amorça-ge dans le domaine des nouvelles technologies. Ellesont contribué à faire émerger le secteur du capital-risque à une époque où les capitaux privés étaientinsuffisants (ce qui n’est plus le cas de nos jours).

Toujours pour créer de nouvelles entreprises inno-vantes, les États-Unis peuvent compter sur unnombre considérable de business angels (il en existe auminimum 300 000), qui investissent à eux seulsautant que toutes les sociétés de capital-risque. Cesbusiness angels sont encouragés fiscalement, et surtout,ils sont reconnus et sollicités par toutes les universitéset les clusters.Pour terminer, rappelons l’importance des com-mandes publiques à fort contenu technologique desagences gouvernementales en faveur des entreprises etl’existence, bien connue, d’un SBA (Small BusinessAct) qui oriente les commandes publiques vers lesPME en instaurant des quotas très avantageux pourelles. Cela illustre une fois de plus que la finalité durenouvellement des entreprises n’est jamais perdue devue.Les États-Unis montrent, au-delà de la légitimité despolitiques publiques dans ces domaines, toute l’effica-cité que l’on peut en attendre.

LE DÉFI FRANÇAIS DES NOUVEAUX PRODUITS ETDU RENOUVELLEMENT DES ENTREPRISES

Depuis les années 2000, la France a mis en place denouvelles politiques d’innovation, mais le déficit eninnovation et en croissance économique y est toujoursprésent. Aussi, les propositions pour y faire face sesont-elles multipliées [1, 2, 3, 7, 8], jusqu’à cellestoutes récentes de Fleur Pellerin, la ministre déléguéechargée des Petites et Moyennes Entreprises, del’Innovation et de l’Économie numérique, en faveurd’« une nouvelle donne pour l’innovation » [9]. Le bilan de ces politiques d’innovation mérite d’êtredressé à grands traits en se focalisant sur les facteursclés. Le volume de R&D des entreprises a légèrementaugmenté depuis 2008 (1,45 % du PIB en 2012),mais il reste loin de celui des pays exemplaires et del’objectif européen, qui est de 2 % du PIB.Cependant, le contexte de désindustrialisation rapidede la France aurait pu se traduire par une baisse signi-ficative de la R&D. Derrière la légère hausse desmoyens de R&D, il faut voir l’effet de la montée enpuissance du dispositif du Crédit Impôt Recherche(CIR), qui a aussi permis d’attirer des centres deR&D d’entreprises étrangères. Son montant annuelest aujourd’hui considérable (environ 5 milliardsd’euros), et pour la première fois, en 2011, l’effortannuel supplémentaire du volume de R&D des entre-prises est supérieur à celui réalisé par l’État au traversdu CIR [10], ce qui illustre l’existence de retombéesencourageantes.Depuis une dizaine d’années, le rapprochement entreuniversités et entreprises est à l’œuvre de manièreaccélérée, avec la mise en place des pôles de compéti-tivité, qui sont actuellement au nombre de 71. Le

Le SBIR, le plus grand programmepublic d’amorçage technologique

L’aide aux entreprises prend la forme de contratsde R&D que les agences gouvernementales (aunombre de dix, comme celle de la santé ou del’énergie) signent avec des PME ou des cher-cheurs (les subventions accordées aux entre-prises sélectionnées après concours peuvent êtreconséquentes - elles peuvent atteindre plusieursmillions de dollars).Annuellement, 4 000 entreprises sont concer-nées et plus de 300 entreprises sélectionnées parce programme sont désormais cotées en bourse.Au total, 2,5 % du budget de la R&D publiquesont consacrés à ce programme qui a aidé desmilliers d’universitaires et de chercheurs à deve-nir entrepreneurs.

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bilan 2008-2011 montre que 3 748 actions derecherche collaborative ont vu le jour. On ne peut quese féliciter de cet esprit nouveau qui souffle sur larecherche publique et privée. Où se situe donc le nouveau défi à relever ? La France reste un pays d’imitation qui prend insuffi-samment le risque de créer de nouveaux produits etqui renouvelle peu ses entreprises. L’évaluation desrésultats des pôles de compétitivité [11] le confirmeamplement : en 4 ans d’activité, seulement 977 bre-vets ont été déposés et 93 start-up ont vu le jour.Un véritable choc culturel et institutionnel s’imposedonc, au travers de politiques publiques, en faveur desnouveaux produits et du renouvellement des entre-prises. C’est là une condition pour doper la croissan-ce économique par l’innovation, faire croître le volu-me de R&D grâce aux nouvelles entreprisesinnovantes et ainsi créer un cercle économique ver-tueux. Les dernières propositions faites [9] pourraientcréer une nouvelle donne pour le système d’innova-tion, à condition d’être fortement amplifiées.Un levier majeur réside dans l’amorçage technolo-gique, que le rapport Lauvergeon met en avant ; avecaudace, ce rapport préconise aussi l’instauration d’unprincipe d’innovation, ce qui encouragerait la prise derisque [8].

L’instauration d’un programme public d’amorçagetechnologique très ambitieux, du type du SBIR, estindispensable. Recommandé dans le rapport de LouisGallois et demandé à la Commission européenne par12 chefs de gouvernement européens en 2012, un telprogramme devrait atteindre 500 millions d’eurosannuellement en France pour que notre pays se situeau niveau américain. En outre, la puissance publiquedevrait soutenir encore davantage le capital-risque,par exemple en autorisant les fonds d’assurance-vie ày investir. Des dispositions plus favorables en faveurdes business angels est une nécessité, leur nombre, quiest en France d’environ 5 000, n’étant pas à la hauteurdes enjeux. Seules de telles dispositions sont de natu-re à faire naître les futures entreprises de taille inter-médiaire qui nous font tant défaut.En toile de fond, un choc culturel basé sur une largediffusion de la culture de l’innovation, de l’entrepre-neuriat et de la créativité à tous les niveaux du systè-me éducatif, en priorité au niveau de l’enseignementsupérieur, est indispensable. Les jeunes étudiants doi-vent être encouragés à être entreprenants, voire à créerleurs propres start-up.Une politique en faveur des nouveaux produits et durenouvellement des entreprises est un défi à la portéede la France, un défi qui devrait susciter de l’optimis-

« Depuis une dizaine d’années, le rapprochement entre universités et entreprises est à l’œuvre de manière accélérée, avec la miseen place des pôles de compétitivité, qui sont actuellement au nombre de 71. », deux chercheurs présentant des variétés decarottes mises au point dans le cadre de Vegepolys, le pôle de compétitivité dédié aux végétaux spécialisés, Angers, octobre2010.

© Patrick Allard/REA

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L’ANALYSE

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me et de la confiance en l’avenir, ce qui ne serait pasle moindre de ses mérites.

BIBLIOGRAPHIE

[1] Think Tank Innovation des Centraliens, 8 prioritéspour dynamiser l’innovation en France, 2011.[2] GALLOIS (L.), Pacte pour la compétitivité de l’in-dustrie française, Rapport au Premier ministre, 5novembre 2012.[3] BEYLAT (J-P) & TAMBOURIN (P.),L’innovation, un atout majeur pour la France, avril2013.[4] LORENZI (J-H.) & VILLEMEUR (A.),L’innovation au cœur de la nouvelle croissance,Economica, mai 2009.

[5] BLOOM (N.), SCHANKERMAN (M.) &REENEN (J.V.), “Identifying Technology Spilloversand Product Market Rivalry”, Econometrica, n°81,pp. 1347-1393, juillet 2013.[6] VILLEMEUR (A.), La croissance américaine ou lamain de l’État, Le Seuil, 2007.[7] Dix propositions du Medef et de l’Association desCentraliens pour « Réussir l’innovation en France »,mars 2013.[8] Commission Innovation 2030 placée sous la pré-sidence d’Anne Lauvergeon, « Un principe et septambitions pour l’innovation », 2013.[9] « Une nouvelle donne pour l’innovation », minis-tère du Redressement productif, 5 novembre 2013.[10] L’Observatoire du CIR, cahier n°2, octobre2013.[11] Étude portant sur l’évaluation des pôles de compéti-tivité, rapport global, 15 juin 2012.

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Au cœur d’une initiativeglobale d’innovationouverte pour préparerchez PSA Peugeot Citroënl’automobile du futur

Être capable d’innover, c’est être capable à chaque instant de saisiret de gérer des opportunités, c’est savoir prendre le risque de partirexplorer l’inconnu.À cette fin, les entreprises doivent maximiser leur exposition aumonde qui les entoure pour accroître leur capacité à accéder à laconnaissance scientifique et à celle des nouveaux usages. C’est ce querecouvre le concept d’Open innovation ou d’Innovation ouverte développépar Henry Chesbrough.Pour ce faire, les entreprises doivent mettre en place de véritables partena-riats avec l’ensemble des acteurs de leurs écosystèmes d’innovation.C’est cette politique d’open innovation qui est mise en œuvre par le groupePSA Peugeot Citroën et qui est décrite dans cet article sous l’angle de troisde ces écosystèmes : l’écosystème « Académique », l’écosystème« Entreprise » et l’écosystème « Individus ».

Par Gregory BLOKKEEL et Sylvain ALLANO*

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* Direction de la Recherche, de l’Innovation et des Technologies avancées du groupe PSA Peugeot Citroën.

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INTRODUCTION

Lorsqu’en août 1492, Christophe Colomb quitte lescôtes espagnoles pour entamer son voyage visant àdécouvrir une nouvelle route vers les Indes, il ne sedoute pas que, quelques mois plus tard, il découvrirafinalement l’Amérique. Si le roi d’Espagne lui avaitfixé comme indicateur de performance de découvrirl’Inde, Colomb aurait failli à sa tâche… Mais si cetindicateur était simplement de partir, tel un scout ouun explorateur, découvrir le monde, il aurait alors par-faitement réussi sa mission.L’innovation, à l’instar de l’aventure de ChristopheColomb, consiste à partir explorer l’inconnu, ce quin’existe pas encore dans notre vie de tous les jours, àpartir découvrir ce qui pourra nous faire rêver,demain, ou nous aider au quotidien. Être capable d’innover, c’est donc être capable en per-manence de saisir et de gérer des opportunités, c’estsavoir prendre le risque, tels des Christophe Colombdes temps modernes, de partir explorer l’inconnu. Lesentreprises innovantes devront donc savoir arbitrer enpermanence entre management des opportunités ouexploration Versus management des risques et efficaci-té opérationnelle Versus exploitation, comme nousl’expliquent Charles A. O’Reilly III et Michael L.Tushman dans leur article sur l’ « Organisation ambi-dextre » paru dans l’Harvard Business Review [1].Pour être capables d’optimiser leur capacité d’explora-tion, les entreprises doivent se mettre en posture demaximiser leur exposition au monde qui les entoure

afin d’accroître leur capacité à accéder à la connais-sance scientifique et à celle des nouveaux usages. Dece principe découle tout naturellement le conceptd’Open innovation ou d’Innovation ouverte, tel que l’adécrit Henry Chesbrough [2] [5].Mais cela demande de nombreux efforts aux entre-prises (notamment aux grands groupes), car elles doi-vent changer leur posture de donneurs d’ordres vis-à-vis de leurs exécutants afin de mettre en place devéritables partenariats gagnant-gagnant avec l’en-semble des acteurs de leurs écosystèmes d’innovation.En d’autres termes, il faut savoir s’adapter aux attenteset aux besoins de chacun afin de devenir des parte-naires de choix dignes de confiance et capables de tis-ser sur le long terme des partenariats qui permettrontà chacun de créer de la valeur.Mettre en place une politique d’open innovation, c’estdonc satisfaire à toutes ces conditions : c’est savoirreconnaître qu’il existe à l’extérieur de l’entreprise uneintelligence qu’il faut être capable de canaliser et demettre en musique, et que, pour chaque personne tra-vaillant sur un sujet de recherche, il y a dans le mondedes centaines voire des milliers de personnes qui tra-vaillent sur le même sujet de recherche.Et comme il faut s’adapter aux différents acteurs, ilpeut être intéressant de classifier les écosystèmes del’innovation entre quatre types d’écosystème : lestypes académique, institutionnel, individuel et, enfin,les écosystèmes d’entreprises.Dans la suite de cet article, nous aborderons plus par-ticulièrement l’écosystème « Académique », l’écosystè-me « Entreprise » et l’écosystème « Individus ».

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Figure 1 : Diagramme de la politique d’Open Innovation chez PSA Peugeot Citroën – Les écosystèmes d’innovation.

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L’ÉCOSYSTÈME « ACADÉMIQUE »

Parmi les différents écosystèmes d’innovation quenous venons d’énumérer, l’écosystème académique dePSA Peugeot Citroën a été construit autour d’unréseau de partenariats scientifiques qui a été déployédepuis trois ans en France et à l’international. Ceréseau, que nous avons appelé StelLab (pour Science &Technologies Exploratory Lean LABoratory), constitueaussi la structure d’animation scientifique de notregroupe, avec pour mission de favoriser les échangesinterdisciplinaires et le dialogue non seulement ausein du groupe, mais aussi avec ses partenaires acadé-miques extérieurs. Il s’agit à travers StelLab non seule-ment de créer des liens entre les doctorants, les ingé-nieurs-chercheurs, les scientifiques et les experts dugroupe, mais aussi d’accueillir des étudiants et deschercheurs extérieurs invités à participer à des pro-grammes scientifiques initiés par le groupe PSAPeugeot Citroën.Le réseau StelLab a piloté la mise en place de partena-riats avec les laboratoires scientifiques les plus en

pointe dans leur domaine, en Europe et à l’internatio-nal, en créant un réseau d’OpenLabs (des structures derecherche mixtes mettant en commun des équipes derecherche et des moyens expérimentaux du groupeavec ceux de laboratoires partenaires). Le StelLab inclut actuellement, pour ce qui concernel’Europe, dix OpenLabs thématiques créés en Francequi couvrent chacun un champ scientifique d’intérêtpour les véhicules du futur, et une cellule d’innova-tion StelLab@EPFL, qui est installée en Suisse sur lecampus de l’École polytechnique fédérale deLausanne (EPFL). En Chine, cinq OpenLabs théma-tiques sont en cours de construction à Shanghai, àPékin et à Wuhan. Enfin, au Brésil, un OpenLab dédiéaux biocarburants a été créé en collaboration avec laPontifícia Universidade Católica (PUC) de Rio-de-Janeiro.L’objectif de ces partenariats est de traiter de théma-tiques majeures pour l’avenir de l’automobile et d’êtreau plus près des futures découvertes scientifiques par-tout dans le monde. Plus du quart de l’activité derecherche scientifique du groupe PSA Peugeot

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Citroën est d’ores et déjà réalisé au sein de cesOpenLabs.Basés dans les locaux d’un institut de recherche parte-naire au cœur d’un campus universitaire, chacun deces OpenLabs accueille une communauté mixte com-posée de chercheurs académiques et de chercheursindustriels incluant des doctorants, qui tous tra-vaillent sur un programme scientifique commun. Lapropriété intellectuelle est partagée et la productionscientifique est encouragée. La gouvernance de cha-cun des Openlabs thématiques est assurée par uncomité de pilotage et par un comité opérationnel, etleur budget est élaboré de manière paritaire. Le réseau StelLab intègre aussi un ensemble de chairesacadémiques confiées à des universitaires et pilotéespar l’Université PSA. Ces chaires comportent pour laplupart d’entre elles les trois volets que sont la« Formation », la « Recherche » et l’« Innovation », etplusieurs d’entre elles sont couplées à des OpenLabs.Le nœud central du réseau StelLab comprend un hub,un espace dédié au pilotage des partenariats et à l’ani-mation scientifique et hébergeant des laboratoires dedémonstration et d’expérimentation, ainsi qu’une pla-teforme collaborative en ligne. Le hub StelLab est unlieu de rencontres et d’échanges entre des commu-nautés de doctorants, de chercheurs et d’experts,notamment au travers de l’organisation desRencontres Scientifiques StelLab.

L’ÉCOSYSTÈME « ENTREPRISE »

On a coutume de dire qu’il est toujours plus facile devivre, et donc, a fortiori, de travailler avec des gens quinous ressemblent. L’industrie automobile est un trèsbon exemple d’industrie qui a su depuis de nom-breuses années travailler avec un tissu important defournisseurs et d’équipementiers très diversifiés.Toutefois, sa véritable richesse provient de sa capacitéà travailler avec des acteurs différents afin de générerdes coups d’avance et des ruptures que les modes defonctionnement ou les sources d’approvisionnementconventionnelles n’auraient pu permettre. Il faut allervoir au-delà de la lisière d’une forêt, si nous voulonsdécouvrir ce qui s’y cache…Pour être efficace, une politique d’open innovationdoit donc être en mesure de mettre en place de nou-veaux mécanismes visant à favoriser des collaborationsavec des startup et des PME, ou bien avec des acteursde secteurs industriels autres que le sien. Ce sont cescollaborations qui apporteront l’agilité et la différen-tiation nécessaires à l’innovation.Ce dont nous parlons ici c’est de collaboration entrede grands groupes et de plus petites structures tra-vaillant ensemble, même si l’on a bien trop tendanceà les opposer en affirmant que seules les petites entre-prises et les startup seraient innovantes. Bien entendu,pour que ces collaborations soient efficaces et puissent

fonctionner, il faut adapter les modes de fonctionne-ment de chacun des partenaires (par exemple, enréécrivant certains contrats d’innovation ou bien enproposant un coaching individualisé).C’est le rôle des directions de l’Innovation des grandsgroupes que d’établir cette interface afin de bénéficierdu meilleur de chacun de ces deux mondes et, ainsi,de transformer les inventions issues de ces collabora-tions en véritables innovations qui bénéficieront auplus grand nombre.

L’ÉCOSYSTÈME « INDIVIDUS »

L’ambition de ce type d’écosystème est de mettre lesindividus (les collaborateurs de l’entreprise, ses clientset, plus généralement, les usagers) au cœur des proces-sus d’innovation. En effet, s’il n’existe pas de véritéunique en matière d’organisation ou de management del’innovation, une constante demeure : cette organisationet ce management reposent sur le facteur humain, etl’innovation doit être au service des hommes…On parle souvent de Job to be done : l’idée que lesclients ne sont plus là pour simplement acheter lesproduits que les entreprises mettent sur le marché,mais que ce sont les entreprises qui doivent inventeret produire (« sortir ») les produits qui répondront auxbesoins ou aux problèmes de la société, ces fameuxPains & Gains. Avoir toute sa discothèque dans sapoche, avoir un ordinateur personnel qu’il suffise debrancher sur le secteur pour pouvoir instantanémentl’utiliser, voilà quels étaient les briefs qu’avait définispour ses premiers Ipod et Macintosh un Steve Jobsqui voulait que ses produits simplifient la vie des gens.On voit donc naturellement qu’une politique d’openinnovation pour être efficace doit être en mesure derecueillir ces inputs et de s’assurer que le développe-ment des futurs produits y réponde tout au long ducycle de leur invention, innovation et développement,jusqu’à leur mise sur le marché. On retrouve donc icides approches bien connues, telles que l’observationdes usages et le Design Thinking, qui prennent de plusen plus d’importance au sein des entreprises.Enfin, il ne faut pas oublier que l’open innovation peutégalement être mise en pratique en interne à l’entrepri-se, avec ses propres collaborateurs, d’une manière diffé-rant quelque peu de la théorie d’Henry Chesbrough [3][4]. Comment pourrait-on être ouvert au monde exté-rieur, si l’on n’est pas avant tout ouvert en interne,entre les différentes branches de l’organisation de sapropre entreprise ? Les grandes structures ont la capa-cité de recruter les personnes les plus brillantes, qu’unorganigramme s’empresse par la suite de mettre dansdes petites cases… Lorsque l’on met en place desméthodes d’innovation participative, c’est précisémentpour rompre avec cette contrainte qu’impose la struc-turation d’une grande entreprise. Ces méthodes ne

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sont pas nouvelles : Michelin utilisait déjà en 1927 leconcept de boîte à idées, et, aujourd’hui, ces pratiquessont largement répandues dans de nombreuses usineset entreprises de par le monde. Mais les moyens infor-matiques et les réseaux sociaux permettent aujour-d’hui de décupler ces pratiques. Désormais, ce n’estplus uniquement une idée que l’on dépose afin d’enprotéger la propriété intellectuelle, mais c’est une idéequi peut être instantanément partagée, puis enrichieet associée avec les idées d’un collaborateur situé àl’autre bout de la planète.Ainsi, à titre d’exemple, les actions menées par legroupe PSA Peugeot Citroën en matière d’innovationparticipative lui ont permis d’être récompensé, pour laseconde année consécutive, par l’attribution d’unemention spéciale du jury Audace et Persévérance del’association Innov’Acteurs, qui regroupe les entre-prises françaises engagées dans une démarche d’inno-vation participative.En 2012 et 2013, plusieurs appels à idées innovantes(challenges d’idées) ont été lancés en interne, mais aussien externe au groupe. Il s’est agi de solliciter les avis desusagers sur une question stratégique, des avis permet-tant d’alimenter les travaux de recherche et d’innova-tion du groupe et d’en booster la créativité. On peutnotamment citer le challenge d’idées Citroën CreativeAwards, tourné vers l’externe, le challenge d’idées inter-ne Connected Users [Utilisateurs connectés], le challengeinterne d’innovation participative Costbuster dédié àl’optimisation des coûts, et le challenge d’idées externeLive and Let Drive [Imaginons ensemble l’intérieur de lavoiture du futur] (organisé sur le campus de l’EPFL).

CONCLUSION

Alors, l’innovation ouverte ne serait-elle toujoursqu’une expression à la mode, ou bien serait-elle deve-nue une réalité concrète dans les entreprisesmodernes [6] ? Pour le groupe PSA Peugeot Citroën,c’est la forme qu’a prise sa politique d’innovation, car

aujourd’hui le monde vit à l’heure des réseaux et d’unmanagement efficace des ressources qu’elles soientinternes ou externes, mais qui sont surtout épar-pillées aux quatre coins de la planète. Aujourd’hui,dans la compétition internationale, il n’est plus per-mis de se priver de ces ressources, il faut donc semettre en position d’élargir le champ des possibles.L’innovation repose sur un management efficace desopportunités. Mais les champs d’exploration enmatière d’innovation sont vastes, c’est ce qui en fait larichesse, mais c’est aussi ce qui peut faire peur. Il fautdonc, en parallèle d’une politique de l’innovationdigne de ce nom, mettre en place une activité d’intel-ligence technologique qui permettra d’installer les« antennes » et les « capteurs » indispensables pourécouter un monde en constante évolution…

BIBLIOGRAPHIE

[1] “The Ambidextrous Organization”, HarvardBusiness Review, by O’REILLY III (Charles A.) &TUSHMAN Michael (L.), 2004.[2] “Open R&D and open innovation, exploring thephenomenon”, R&D Management, pp. 39-40, byENKEL (Ellen), GASSMANN (Oliver) & CHES-BROUGH (Henry), 2009.[3] “How Open Innovation Can Help You Cope inLean Times”, Harvard Business Review, by CHES-BROUGH (Henry W.) & GARMAN (Andrew R.),2009.[4] “Connect and Develop, Inside Procter &Gamble’s New Model for Innovation”, HarvardBusiness Review, by HUSTON (Larry) & SAKKAB(Nabil), 2006.[5] Open innovation: The new imperative for creatingand profiting from technology, by CHESBROUGH(Henry W.), 2003.[6] « Pour une nouvelle vision de l’innovation », LaDocumentation Française, par MORAND (Pascal) &MANCEAU (Delphine), 2009.

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INTRODUCTION

Enersens (www.Enersens.fr), spin-off du groupe fran-çais de chimie fine PCAS, invente, développe, indus-trialise et fabrique des isolants thermiques à haute per-formance à base d’aérogels de silice. Ces matériauxdurables qui triplent la performance énergétique desisolants actuels permettent d’épargner du volume etde la surface au sol ou de supprimer les « maillonsfaibles » de l’isolation pour un large panel d’applica-tions dans le bâtiment, l’industrie et les transports.

Ces matériaux doivent contribuer à réduire très signi-ficativement un déficit énergétique qui s’élève à envi-ron 380 milliards d’euros en Europe (source : IAEInternational Energy Agency). L’AIE estime en effetque ce déficit peut aisément être réduit de 160 mil-liards par an par le biais d’économies simples à mettreen œuvre, principalement grâce à une meilleure isola-tion thermique des bâtiments.La société Enersens a ainsi pour ambition de devenirun leader européen des super-isolants et souhaite par-ticiper activement au développement d’un écosystèmeeuropéen fort dans ce domaine.La technologie d’origine a été développée dans lecadre d’une collaboration avec le laboratoire PERSEEde Mines ParisTech (membre de l’institut CarnotM.I.N.E.S.). Cette relation se poursuit et continue à

Entre recherche publiqueet industrie, quels typesde partenariats ?Les attentes d’une petiteentreprise

La société Enersens produit des matériaux super-isolants élaborés àbase d’aérogel de silice, une technologie qui est notamment le fruitd’une recherche partenariale menée en collaboration avec MinesParisTech.Enersens a ainsi fait le choix de la recherche collaborative pouraccroître sa capacité d’innovation et jouer un rôle de leader dans le domai-ne des matériaux de haute performance qui est soumis à une forte concur-rence internationale.

Par Pierre-André MARCHAL*LES ATTENTES

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* Directeur exécutif d’Enersens.

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enrichir le potentiel de cette industrie naissante autravers de multiples projets de R&D finalisée de typematerial by design.Afin que les technologies innovantes dont disposeEnersens créent de la richesse et des emplois enEurope, dans un contexte de concurrence mondiale, illui faut tout d’abord accélérer le développementindustriel des produits qu’elle a mis au point en labo-ratoire et mettre en place les montages financiersnécessaires à la réalisation d’investissements indus-triels très importants.La R&D (interne et collaborative) soutient elle aussicet effort d’industrialisation :– la R&D interne est fortement orientée vers le sup-port à l’ingénierie des procédés et des moyens ;– la R&D collaborative doit identifier les ancragesscientifiques afin de débloquer certains verrous tech-nologiques d’industrialisation et d’améliorer les carac-téristiques de ces matériaux innovants.

ENERSENS : UNE AVENTURE INDUSTRIELLEEN MARCHE

Le 23 mai dernier, Enersens annonçait la levée de3,2 millions d’euros destinés à financer la croissancede son activité. Cette levée de fonds valorise les tech-nologies et les savoir-faire d’Enersens en matière de

matériaux super-isolants (aérogels de silice) à hauteurde plus de 12 millions d’euros. Il faut souligner que latechnologie développée est le fruit d’efforts derecherche soutenus, notamment d’une recherche par-tenariale d’une grande qualité menée depuis plus de15 ans en collaboration avec Mines ParisTech et avecle soutien de l’Ademe et/ou du Fonds UniqueInterministériel (FUI) (via le relais de la BanquePublique d’Investissement/OSEO).

DES MATÉRIAUX RÉVOLUTIONNAIRES ISSUSD’UNE RECHERCHE COLLABORATIVE AIDÉEPAR L’ÉTAT

Les programmes SIPA-BAT (de l’Ademe) etPAREX.IT (du FUI) ont débouché sur quatre brevetsimportants et la création de plusieurs matériaux révo-lutionnaires actuellement sans équivalent dans lemonde.On peut citer par exemple un mortier de façade àbase d’aérogel et de ciment qui est plus isolant quele meilleur des polystyrènes, des matelassés de10 millimètres d’épaisseur aussi isolants que 15 cen-timètres de bois ou des panneaux de 5 centimètresd’épaisseur apportant une isolation équivalant àcelle apportée par 15 centimètres d’épaisseur delaine minérale.

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Illustrations de l’utilisation de super-isolants fabriqués à base d’aérogel de silice. © Enersens

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Les mortiers sont appliqués à l’aide de machines pro-fessionnelles standard et agissent comme une peau iso-lante, respirante et durable. Cette solution facile àmettre en œuvre et résistante aux conditions de chan-tiers transforme tout façadier en un expert de l’isolationthermique. Une maison prototype a été réalisée sur lesite de l’Institut National de l’Énergie Solaire (CEA-LITEN) dans le cadre du projet PAREX.IT afin dedémontrer la performance de cette solution innovante.Les panneaux super-isolants épais sont, quant à eux,très adaptés à l’isolation des bâtiments, en particulier

de bâtiments en rénovation, car ils font gagner unesurface habitable importante (de 5 à 8 %), ce qui estloin d’être négligeable en termes de valeur foncière etlocative du bien.

DES PROCÉDÉS ET DES TECHNOLOGIESDE FABRICATION UNIQUES

Lors de l’industrialisation à petite échelle de ces maté-riaux technologiques complexes, Enersens a constatéqu’il était impossible de les fabriquer avec des moyensde production conventionnels. Les éléments scienti-fiques identifiés par la R&D ont permis à Enersens dedévelopper des technologies et des équipementsindustriels dont les coûts d’investissement et d’exploi-tation sont compétitifs et dont certains des principesont été brevetés.À condition de continuer à accélérer le déploiementdes moyens industriels nécessaires, ces technologiesreprésenteront pour Enersens (et pour l’ensemble desacteurs de la super-isolation) un avantage concurren-tiel très important par rapport aux industriels améri-cains et chinois qui fabriquent en recourant à des pro-cédés plus coûteux des matériaux concurrents dont lescaractéristiques fonctionnelles sont moins complètes.

LE RENOUVEAU D’UN SITE INDUSTRIEL : L’USINEPCAS DE BOURGOIN-JALLIEU ACCUEILLE LA R&DET LES DÉVELOPPEMENTS INDUSTRIELSD’ENERSENS

Ce site industriel construit en 1922 a vu son activitéhistorique réduite dans un contexte de concurrence

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Application d’un mortier de façade réalisé à base d’aérogelde silice et de ciment. © Enersens

Granules d’isogel. © Enersens

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mondiale accrue. La fabrication des matériaux super-isolants Enersens doit ainsi contribuer à le redynami-ser en y maintenant ou en y créant des emplois quali-fiés.Enersens construit actuellement sur ce site un premieratelier-pilote industriel pour fabriquer des granulesd’aérogel destinés aux mortiers isolants. Cet atelierpréfigure les solutions qui pourront être adoptées pardes unités de production de plus grande capacité.Enersens souhaite aussi accélérer le déploiementindustriel des matelassés et des panneaux super-iso-lants, et cherche actuellement des financements pourpouvoir construire de nouveaux ateliers-pilotes.

DES TECHNOLOGIES CLÉS POUR L’EUROPEEN COHÉRENCE AVEC LA SPÉCIALISATIONRÉGIONALE INTELLIGENTE DE LA RÉGIONRHONE-ALPES

Les super-isolants font partie des technologies clésidentifiées par la Commission européenne en matièrede nanostructures, de matériaux avancés et de pro-duction avancée. Ils s’insèrent dans le cadre de la spé-cialisation régionale intelligente de la région Rhône-Alpes, où pourra se développer le cœur d’unécosystème dynamique de la super-isolation.

LA R&D : UN SUPPORT INDISPENSABLEQUEL QUE SOIT LE NIVEAU DE MATURITÉTECHNOLOGIQUE

Les défis que représente la mise au point de grospilotes industriels indispensables à tout succès com-mercial demandent des réponses scientifiques poin-tues. De manière générale, l’ingénierie parallèle, enassociant différents niveaux de MRL (ManufacturingReadiness Levels) et de TRL (Technology ReadinessLevels), crée un terreau propice à l’innovation.Ainsi, un problème relevant de l’optimisation descoûts de revient d’Enersens peut trouver une réponsescientifique au laboratoire PERSEE (de Sophia-

Antipolis) ou MateB (à Lyon), ou faire l’objet d’unprojet collaboratif ambitieux et précis impliquant desentités expertes dans leurs domaines respectifs, telsque le CSTB (Centre Scientifique et Technique duBâtiment) ou EDF R&D (ENERBAT).Les regards croisés des meilleurs experts scientifiques,des sectoriels et des industriels donnent une excellen-te acuité pour identifier et proposer des sujets deR&D pertinents et pour concentrer les efforts. Ainsi,par exemple, la mise au point de panneaux super-iso-lants épais a été choisie comme un objectif clé du pro-gramme SIPA-BAT que soutient l’ADEME. La suitede ce programme (qui s’achèvera en 2014) pourrait sefocaliser sur la recherche de nouvelles voies de synthè-se chimique afin de réduire le coût des matières utili-sées pour la fabrication des super-isolants. Cette bais-se de coût permettra d’augmenter encore le marchécible et l’utilité économique de ces produits.

PERTINENCE DES PROJETS ET ÉMULATIONDANS UN CADRE FLEXIBLE

Dans le cas des projets collaboratifs aidés, la pertinen-ce des projets dépend aussi de la flexibilité et de laqualité des processus de sélection.Le succès des programmes SIPA-BAT et PAREX.ITprouve la pertinence des mécanismes mis en place enFrance. Il faut souligner ici que sans l’accompagne-ment financier public, ces projets pourtant essentielsà un secteur porteur d’avenir n’auraient pas été entre-pris.Enersens participe aussi à un programme de R&DEuropéen, FP7 (AEROCOINS), qui implique denombreux partenaires académiques et industriels etdont l’objectif est moins ciblé. Ce programme créeune émulation et contribue à créer un réseau d’actionau niveau européen.

LA RELATION AVEC LES LABORATOIRES :UNE RECHERCHE CIBLÉE

La continuité et la qualité de la relation avec les labo-ratoires de recherche publique et privée ont été pri-mordiales pour atteindre des succès au niveau dulaboratoire ou du petit pilote industriel. Les parte-naires d’Enersens sont PERSEE (Mines ParisTechSophia-Antipolis), MateB (INSA Lyon), l’Universitéde Savoie, l’Université de Montpellier, les laboratoiresdu CSTB, ceux d’EDF R&D, du CEA INES et dePAREX Group.Une relation de long terme permet d’adapter les for-mats (mastères, thèses, post-doctorats, projets colla-boratifs, etc.) aux sujets de recherche identifiés et demettre en place des accords précis en ce qui concernel’appartenance de la propriété intellectuelle.

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Échantillon d’isolant thermique à haute performance àbase d’aérogel de silice. © Enersens

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Pour une petite entreprise du domaine des matériauxinnovants comme Enersens, la R&D, qui est néces-sairement finalisée, est l’un des vecteurs clés de l’in-novation, et la recherche collaborative est indispen-sable, car elle enrichit la démarche par fertilisationcroisée et augmente la « sérendipité ».C’est ainsi que les choix partenariaux de R&D colla-borative déterminent aussi les chances de succès, quel’on souhaite mesurer en termes de produits ou deprocessus industriels différenciants ou contribuantaux objectifs stratégiques de l’entreprise.Dès lors, il convient de choisir les sujets de recherchecollaborative et le format de cette recherche après uneobservation minutieuse de l’information ouverte dis-ponible (publications, état de l’art, tendances, brevets,marché, dynamique des acteurs de l’écosystème) enfonction du degré de confidentialité requis, mais aussides expertises et de la motivation des partenaires. Ilfaut noter que le domaine des matériaux super-iso-lants architecturés offre à la fois de grandes perspec-tives et une latitude importante.En termes de concurrence dans la recherche dans cesecteur, il faut désormais compter avec la Chine, pre-mier centre de R&D planétaire. Par le biais de sonplan stratégique 2011-2015, la recherche nationalechinoise est dotée de programmes d’aides de près100 milliards de dollars par an et l’amélioration de la

performance énergétique, dans un pays fortementindustrialisé et où la pression immobilière est impor-tante, est l’un des objectifs prioritaires. 40 chercheurstravaillent actuellement à l’Université de Shanghai,exclusivement sur l’étude de matériaux super-isolantsà base d’aérogels destinés à l’isolation.Nos chercheurs sont doués, mais nous ne pourronspas concurrencer durablement la Chine par la « forcebrute ». C’est par le choix des sujets et des doctorants,mais aussi par la pertinence des accords de recherchecollaborative que nous pourrons continuer à faire ladifférence avec les grands centres de R&D mondiaux.En conclusion, Enersens souhaite contribuer à l’essord’un écosystème dynamique et fort de l’isolation dehaute performance en créant et en fabriquant desmatériaux toujours plus innovants. Dans ce but,Enersens continuera à s’appuyer sur la recherche par-tenariale, qui a largement fait ses preuves, pour créerde la propriété intellectuelle, enrichir sa feuille deroute « produits » et identifier les ancrages scienti-fiques permettant de solutionner des problématiquesindustrielles. Enfin, de sorte à ce que l’innovation crée de la valeursociétale et économique, Enersens devra aussi se foca-liser sur la mise en place de montages financiers per-mettant d’accélérer la mise en place de ses investisse-ments industriels.

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Principales caractéristiques de l’isolant thermique à haute performance produit par Enersens. © Enersens

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La recherche-développement etl’innovation dans le secteurdu numérique – Illustrationdes attentes des industriels

La révolution du numérique n’en est qu’à ses débuts, mais la vitesseet la mobilité de ce jeune secteur opèrent et nécessitent déjà unemodification des liens traditionnels entre recherche publique etindustrie. En effet, le numérique est un domaine dans lequel la col-laboration est essentielle, notamment entre les deux mondes préci-

tés. Acteurs éminents de cette recherche, les industriels et les grandsgroupes favorisent cette collaboration qui prend de nouvelles formes et sou-lève de nouveaux enjeux.Open Innovation, accélération des cycles de développement de produits,évolutivité permanente, industrie exponentielle et adoption rapide par lesutilisateurs sont autant de facteurs de croissance et de changement. Par sarapidité, ce changement est parfois d’une grande violence (mondialisationet concurrence exacerbée en sont l’illustration) qui exerce une pressionimportante sur la recherche et l’innovation.

Par Stéphane DISTINGUIN*, Philippe ROY** et Isabelle RYL***

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* Fondateur de FABERNOVEL et Président de Cap Digital.

** Délégué adjoint, Cap Digital.

*** Directeur du centre de recherche Inria Paris–Rocquencourt.

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« […] Dans mon pays à moi », répondit Alice encore unpeu essoufflée, « on arriverait généralement à un autreendroit, si [l’]on courait très vite pendant longtempscomme nous venons de le faire… ».

« On va bien lentement, dans ton pays ! Ici, vois-tu, onest obligé de courir tant qu[e l’]’on peut pour rester aumême endroit », dit la Reine. « Si tu veux te déplacer, tudois courir au moins deux fois plus vite ! ».

De l’autre côté du miroir, Lewis Carrol.

Les partenariats entre la recherche et l’industriesont l’alpha et l’oméga de toute politique indus-trielle. En fonction des cycles et des latitudes,

l’emplacement du curseur variera entre la promotionde l’esprit d’entreprise et du bottom up ou, au contrai-re, celle des grandes entreprises et de la constitutionde grands plans top down. Mais l’on reste toujours surun même axe : de l’amont vers l’aval, de la recherchedans les laboratoires à la mise des innovations sur lesmarchés. Et l’innovation ouverte, cette doxa de cettedernière décennie, n’a fait qu’enfoncer une porteouverte : de tout temps, les petits ont eu besoin desgros, l’amont de l’aval et le public du privé (et réci-proquement)...Certains secteurs ont plus de facilité ou sont plus obli-gés que d’autres à coopérer. De là vient sans doute lefait que les réussites en la matière varient. Le numé-rique est un secteur dans lequel la collaboration entrela recherche et l’industrie prend de nouvelles formeset recouvre de nouveaux enjeux. Pourquoi cela ? Tout d’abord parce que le numériquereste un domaine et une industrie récents, ensuiteparce que les industriels de ce secteur (pensez aux BellLabs, au Xerox Park, et plus récemment aux capacitésincroyables de Google et de ses laboratoires d’allerchercher des moonshots) sont des acteurs éminents dela recherche et, enfin, parce que les prototypes y ontvocation non pas à devenir les premiers modèles delongues séries, mais bien à être eux-mêmes une sériequi évolue sans cesse par itérations. Surtout, la riches-se du numérique réside dans sa capacité à s’associer àd’autres domaines de la recherche (sciences écono-miques et sociales, design…) et à muter au contact deses utilisateurs. Le numérique est donc un domaineoù la collaboration est primordiale : quand la vitessede conception et de diffusion est critique, elle la favo-rise, ou, au contraire, elle y fait obstacle.

LES SPÉCIFICITÉS TECHNOLOGIQUES ET LE MARCHÉ

L’industrie numérique est une industrie jeune. Parrapport à ses devancières, elle présente des particulari-

tés uniques, qui vont impliquer des contraintes fortesdans la relation industrie/recherche :• une accélération forte et continue des cycles de déve-loppement produit,• une accélération des rythmes d’adoption par les uti-lisateurs,• une industrie exponentielle,• une industrie qui autorise des partages structurants,• le fait qu’il s’agit d’un secteur où rien n’est jamaisacquis et où les changements sont violents,• enfin, il s’agit d’une industrie où la compétition estde plus en plus mondiale et où le nombre des acteursva croissant. La première spécificité de l’industrie numérique estrelative aux cycles de conception de ses produits. Unexemple caractéristique en est l’évolution des naviga-teurs Internet : entre deux versions successivesd’Internet Explorer, il s’est écoulé en général 18 mois(jusqu’à cinq ans pour le passage de Microsoft IE6 àIE7, au début des années 2000). Aujourd’hui, desnavigateurs comme Google Chrome ou MozillaFirefox connaissent un développement quasi continu,les mises à jour se faisant de façon transparente pourl’utilisateur. Mais d’une manière moins visible pourcelui-ci, l’informatique en nuage (cloud computing)permet aussi cette évolutivité permanente pour desapplications critiques d’entreprises ou des applicationsdavantage grand public, telles que Facebook ouTwitter.De plus, ces produits évoluent rapidement, et ce, dansun environnement où les usages permettent uneadoption de plus en plus rapide par le public.L’évolution de l’adoption des générations successivesde téléphones est symptomatique de cette accéléra-tion : le téléphone fixe a mis plus de 40 ans pouratteindre 40 % de parts de marché, le téléphonemobile a mis 20 ans pour connaître un même taux depénétration et, enfin, les smartphones ont mis 10 anspour atteindre la même performance. Aujourd’hui, latablette iPad connaît un rythme d’adoption trois foisplus rapide que celui de l’iPhone.La maîtrise de ces plateformes par leurs utilisateursaugmente elle aussi constamment, facilitant ainsi leurévolution. L’observation de la mise à jour d’iOS, à lasortie de ses versions majeures, montre une migrationde 60 % des utilisateurs vers iOS7 en 10 jours, alorsqu’il avait fallu 28 jours pour atteindre un taux demigration analogue vers iOS6, et 74 jours pour iOS5.Il en va de même pour les sites Internet ou les appli-cations développées par les start-up : celles-ci doiventcollecter au plus tôt des retours d’usage provenant desutilisateurs pour privilégier les plus plébiscités et enaugmenter l’audience. En un an, une PME commePretty Simple a pu passer de 20 à 50 employés et trou-ver 100 millions d’utilisateurs uniques pour son jeusocial Criminal Case. Cette recherche rapide d’usagesa été théorisée en tant que stratégie de développementdes start-up par Frank Robinson et popularisée par

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Eric Ries sous le nom de Minimum Viable Product(MVP). Une théorie approchante conceptualisée parMary et Tom Poppendieck est celle du lean softwaredevelopment, un modèle de développement préconi-sant des développements itératifs et un apprentissageamélioré.Le numérique voit aussi augmenter le nombre desobjets qu’il pilote. Chaque décennie voit le nombre deces objets multiplié par un facteur d’environ 10 : par-tant de 1 million dans les années 1960, puis se situantà un milliard au début des années 2000, ce nombre,qui dépasse aujourd’hui les 10 milliards, devrait, selonles prévisions, être compris dans une fourchette largeallant de 30 à 212 milliards en 2020. Le nombre desutilisateurs suit la même courbe, avec 5 milliardsd’utilisateurs pour le téléphone mobile et 1 milliardd’utilisateurs pour Facebook. Ces nombres d’objets etd’utilisateurs génèrent un déluge de données quidevrait passer de 4 ZB (zettabytes) aujourd’hui à prèsde 45 ZB en 2020, soit une croissance annuelle de40 %. Les chiffres de l’activité d’Internet montrentbien cette tendance à l’accélération et aux grandsnombres : environ 100 iPhones sont vendus en uneminute, et 168 millions de courriels sont envoyésdans le même temps. La recherche doit contribuer à

rendre gérables, stockables et indexables ces flots d’ob-jets et de données.Cette croissance s’accompagne aussi d’une grandeviolence dans les changements qualitatifs. Rien n’estjamais acquis : la chute actuelle de Nokia, contreba-lancée par la croissance d’iOS et surtout d’Android, apermis à ces deux systèmes d’exploitation de passerde 5 % de parts de marché en 2005 à plus de 80 %en 2012, cette croissance accompagnant une trans-formation complète des chaînes de valeur du télé-phone mobile. Si l’on étend cette étude aux ordina-teurs, iOS et Android ont mis un terme à unedécennie de règne sans partage de Windows (qui estpassé de 96 % de parts de marché à 35 %), en pre-nant plus de 60 % de parts de marché. La rapidité deces changements met une pression importante sur larecherche et l’innovation qui sont sommées de trou-ver les idées permettant de conserver les positionsacquises et d’éviter aux acteurs d’être balayés par lagénération suivante de produits.Une autre spécificité de l’industrie numérique estliée au fait que ses acteurs industriels et académiquesont des comportements militants en matière de par-tage de certaines des technologies clés du numé-rique. Un des meilleurs exemples récents de cet état

© GO-Gulf.com

Nombre de ventes et autres actions réalisées en une minute.

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de fait est Hadoop, une architecture permettant decréer facilement des applications distribuées passantà l’échelle industrielle et facilitant du même coup ladiffusion des infrastructures Big Data vers les start-up. Un tel mouvement accélère le passage d’unegénération à l’autre et met rapidement les start-up encompétition avec des groupes mondiaux. Ces valeursde partage sont très prégnantes dans le monde aca-démique, qui contribue ainsi fortement au dévelop-pement du secteur et à la diffusion des meilleurestechnologies.Enfin, une dernière spécificité est la modicité de l’in-vestissement requis pour créer une société performan-te ayant une visibilité mondiale. Des exemplesrécents, comme King.com, Rovio ou Pretty Simple(dans le domaine des jeux vidéo) montrent biencette capacité. Lesjeunes entrepre-neurs, soutenuspar de nombreuxÉtats et collectivi-tés territoriales,s’appuient sur cettelégèreté pour pous-ser la création denombreuses start-up. Des études enidentifient déjàplus de 50 000dans le monde (cechiffre étant sansdoute sous-évalué).Les applicationstournant sur mo -bile ou dans l’envi-ronnement Face -book ont généréplus de 31 0000emplois directs auxÉtats-Unis depuis2007 faisant del’App Economy undes secteurs lesplus dynamiquesde ce pays.Conjuguées à cesfaibles dépensesd’investissement decapital (CAPEX),les politiques na -tionales de l’inno-vation vont per-mettre à lacompétition de sedurcir dans lesannées à venir avecde nombreux arri-vants souhaitant

créer leur propre Google, leur propre Facebook ouleur propre Twitter.

L’IMPACT DE L’INDUSTRIE NUMÉRIQUE SUR LA RECHERCHE

L’opposition entre recherche appliquée et recherche fon-damentale a vécu. Il n’y a pas de recherche qui n’ait unfondement et un but. Il y a seulement la recherche quisera appliquée demain et celle qui le sera le jour d’après,celle des usages et celle des technologies de fond. Cesdeux mondes ne s’opposent pas et leur complémentari-té s’impose dans un domaine où l’innovation cohabiteavec des ruptures de plus en plus fréquentes.

Chacun à sa place :le chercheur dansson laboratoire etl’entrepreneur aucontact du marché.C’est de cette colla-boration essentielleque naîtra la pro-chaine révolutioni n d u s t r i e l l e .Impression 3D,robotique, nouvellestechnologies hard-ware, algorithmespour les fameusesbig data… : lesindustriels vont plusque jamais avoirbesoin de la re -cherche et de seschercheurs pour re -lever les prochainsdéfis du numérique,après une phase ini-tiale de diffusionintensive des inno-vations d’usage. Qui, aux beauxjours de l’intelligen-ce artificielle, auxdébuts de l’appren-tissage automatique,aurait seulement puimaginer les volu -mes de donnéesauxquels il faudraitun jour donner unsens ? Des technolo-gies existent, ellesattendent de ren-contrer leurs usages.Dans le numérique,

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© THE NEW YORK TIMES-REA

« Les acteurs industriels et académiques ont des comportements militants enmatière de partage de certaines des technologies clés du numérique. Un desmeilleurs exemples récents de cet état de fait est Hadoop, une architecture per-mettant de créer facilement des applications distribuées passant à l’échelleindustrielle et facilitant du même coup la diffusion des infrastructures BigData vers les start-up. », Doug Cutting, créateur de Hadoop, présente l’élé-phant en peluche (le doudou de son fils) qui a inspiré le nom et le logo dela société, St. Helena (Californie), mars 2009.

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il n’y a pas de contrainte physique à l’imaginaire : toutce qui est techniquement possible peut rencontrer sonpublic, l’attrait de l’usage étant le seul juge de paix. Ainsi, en 2007, naissait PMVS (1), un logiciel dereconstruction en 3D d’objets et de scènes à partird’ensembles d’images résultat de recherches fonda-mentales dans le domaine de la vision artificielle.Aujourd’ hui, ce logiciel est utilisé par Industrial Light@ Magic, Weta Digital et Google Inc. Qui a parlé de recherche fondamentale ? Un projetcomme Romeo (2) réunit des chercheurs prestigieuxautour d’Aldebaran Robotics dans le but de créer unrobot assistant les personnes en perte d’autonomie. Unprojet d’une telle ambition nécessite la maîtrise de l’étatde l’art et la réunion de scientifiques de très haut niveaudans des champs très variés et d’entreprises capables demettre les solutions développées sur les marchés. La recherche publique dans le domaine du numériquene saurait ignorer les réalités du secteur, elle doit doncs’adapter en conséquence. Loin des grands équipe-ments des physiciens, les résultats les plus innovants dusecteur sont facilement reproductibles, et donc diffici-lement brevetables. Ils se diffusent à une vitesse encorejamais vue, rendant la concurrence très vive.L’appropriation des innovations est aisée. Dans unmonde essentiellement ouvert, il est aussi difficile d’êtrele premier à ouvrir une nouvelle voie que d’en rester leleader. Le produit vient là en appui de la recherche, car,à l’opposé, l’usage est roi : lorsqu’une innovation ren-contre le succès, le marché est capté à une vitesse telleque le produit suivant part avec un retard impossible àrattraper. L’incrémental est vain, il faut alors revenir auxfondamentaux et créer la prochaine rupture.La prépondérance de l’usage modifie également lavision d’une avancée technologique qui doit êtreappréhendée dans sa globalité, jusqu’à inclure lesaspects sociologiques : ainsi, une application telle quela Boîte à Sardines (3), qui renseigne les passagers surl’affluence dans les stations de métro, requiert la par-ticipation active de ces derniers. Au même titre que les contraintes techniques, lesmotivations et les incitations à la participation doi-vent être intégrées dès la conception du produit. Lesinterfaces des sciences du numérique avec les autressciences traditionnellement nombreuses se diversi-fient : en plus de sciences dures cousines comme labiologie ou la physique, elles s’ouvrent aux sciencescognitives, à la psychologie et aux sciences humainesen général. Des concepts encore flous dans un passérécent, comme la prise en compte des émotions,deviennent préhensibles par la modélisation, et des

interfaces cerveau/ordinateur existent déjà (4). Lesprochaines étapes seront la transmission d’informa-tions au cerveau par l’ordinateur ou encore des inter-faces qui s’adapteront à l’état de stress de l’usager. La révolution du numérique n’en est qu’à ses débuts,tout n’est pourtant pas acquis : la vitesse et la mobilitédu secteur modifient les liens traditionnels entre larecherche publique et l’industrie. Alors que les cher-cheurs ont bâti des relations de longue date avec desindustriels de secteurs établis, les chercheurs ensciences numériques ont souvent pour interlocuteursde petites entreprises récentes peu rompues aux inter-actions avec les laboratoires. Les dispositifs derecherche collaborative sont peu adaptés à ce secteurdans lequel les acteurs sont petits et les temps trèscourts. L’investissement de six à douze mois entre lemontage d’un projet et son démarrage, avec parfoismoins de 25 % de chances de succès, est probablementacceptable pour les projets amont, mais cela freine laR&D d’usage. Il faut repenser les dispositifs du colla-boratif classique pour les rendre aussi agiles que le sec-teur et favoriser le bouillonnement par l’irrigation d’unplus grand nombre d’acteurs. Le transfert nécessite unecompréhension mutuelle et une complémentarité desacteurs, la spécificité du secteur crée un réel besoind’animation, de création de lieux d’échanges et de ren-contre. Une fois établis, les liens entre les chercheurs etles PME peuvent aboutir à des collaborations à longterme qui permettent aux PME et aux chercheurs de senourrir mutuellement, c’est le cas de belles histoirescomme celles de Kwaga et d’Alpage ou encore de Dxoet du Centre de Mathématiques et de leursApplications de l’ENS Cachan (CMLA), qui démon-trent que les écueils peuvent être surmontés.Le « numérique » présente des particularités, mais ce quiapparaît en pleins et en creux dans ces technologies, c’estun nouveau paradigme de la recherche et de l’innovationqui dépasse largement les seules industries numériques.Les attentes des industriels sont celles d’acteursconfrontés à toujours plus d’incertitudes, à des exi-gences de retour sur investissement encore plus affir-mées et à la nécessité d’agir à la vitesse imposée par lenumérique et ses start-up. Jamais par le passé la phrase « Une vision sans exécu-tion est une hallucination » que prononça Edison,n’avait à tel point fait sens. En conclusion, et en généralisant le « cas numérique »,les attentes des industriels vis-à-vis de la recherche nesauront être satisfaites sans que soit assuré un équilibreentre trois grandes polarités, qui sont : agilité des projetset des modes de développement vs cohérence et fiabilitélors de leur mise en production, créativité/singularitédes solutions proposées vs standardisation/normalisa-tion de leurs composants, spécialisation et excellence desacteurs vs capacité des acteurs à coopérer et interagir.

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(1) http://www.di.ens.fr/pmvs/

(2) http://projetromeo.com

(3) http://francaiseapps.fr/iphone-ipad/style-de-vie/boite-a-sardines-bxni-qe.html (4) http://openvibe.inria.fr

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Parmi les idées reçues les plus courantes, celle quiconcerne l’absence supposée de liens entre lesuniversités et les entreprises est toujours bien

vivante. Accusés d’être retranchés dans leur tourd’ivoire, insensibles aux grands défis de la société etsuspicieux vis-à-vis des acteurs de la vie économique,les universitaires sont la cible de propos malveillantsqui vont bon train. Ceux-ci contribuent à perpétuerdes conceptions dépassées qui ne correspondent plusà la réalité (pour autant qu’elles y aient un jour cor-respondu).

DES ÉVOLUTIONS RÉCENTES

Sans dresser de panorama historique complet, on peutsouligner plusieurs points forts dans les évolutionsrécentes et tracer les perspectives de développementdes relations entre universités et entreprises. L’histoire de la recherche publique est celle d’une frag-mentation qui, si elle a permis certaines belles réus-

sites, a aussi bridé la capacité de notre système globald’enseignement supérieur et de recherche à tirer lemeilleur profit des belles compétences développées ausein d’institutions qui, bien que concourant toutes auservice public, permettaient peu l’établissement deliens réels. Je pense évidemment à la séparation entreorganismes de recherche et universités et entre univer-sités et grandes écoles, mais aussi aux cloisonnementsentre organismes de recherche, dès lors que des orga-nismes de recherche finalisée ont été créés à chaquefois qu’un nouveau secteur apparaissait. Ce partition-nement est en train de se réduire fortement, car on apris conscience du besoin d’une mise en synergieentre chercheurs aux compétences complémentaires.Ces politiques de regroupement (dont la création desCommunautés d’Universités et d’Établissements pré-vue par la loi sur l’Enseignement supérieur et laRecherche du 22 juillet 2013 est une des formes lesplus avancées) ont permis des dialogues et deséchanges fructueux qui doivent permettre de créer àl’avenir de nouvelles formes de coopération et de par-tenariat. Même si les situations varient en fonctiondes régions, l’on assiste globalement à une prise deconscience : chacun comprend bien que l’on a tout àperdre à rester isolé.

L’Université et l’entreprise

Loin des clichés sur l’université-tour d’ivoire, les liens universités-entreprises sont déjà nombreux et continuent de se développer. Siles relations entre l’Université et les entreprises sont importantes,nous devons envisager les conditions dans lesquelles celles-ci peu-vent être harmonieuses, et donc équilibrées et respectueuses desmissions de service public. La structuration de ces liens reste undéfi à relever pour sortir de relations parcellaires sur le plan de larecherche et de la formation initiale ou continue et pour intégrerces diverses dimensions dans une sorte de hub de l’innovation.

Par Bertrand MONTHUBERT*

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* Mathématicien, Président de l'Université Toulouse III-Paul Sabatier.

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Cette simplification du paysage de l’enseignementsupérieur et de la recherche représente un pas impor-tant dans le développement des relations des universi-tés avec les entreprises, et ce, pour deux raisons.D’abord, elle améliore la lisibilité pour les entreprisesen réduisant le nombre d’interlocuteurs. Ensuite, ellemet fin aux chasses gardées, aux monopoles de la rela-tion industrielle qui étaient l’apanage des organismesde recherche finalisée et des grandes écoles.Aujourd’hui, tout le monde a vocation à nouer desrelations avec les acteurs économiques, en particulierles universités, et cela dans tous les secteurs, y comprisdans le domaine des sciences humaines et sociales. Demanière concrète, cela se traduit par le poids croissantdes contrats conclus entre entreprises et universités ouencore par leur participation à de nouveaux outils detransfert de technologie, comme les sociétés d’ac-célération du transfert de technologie (SATT). À titred’exemple, pour l’Université Toulouse III-PaulSabatier, que je préside, ce sont plus de 5 millionsd’euros de contrats qui ont été signés en 2013 avec lesentreprises, un chiffre qui est en progression.Plusieurs de nos chercheurs sont en position de délé-gation pour création d’entreprise et nous avonschaque année 15 thèses financées par le biais desbourses relevant des Conventions Industrielles de

Formation par la Recherche (CIFRE), financées pourmoitié par l’État et pour moitié par une entreprise,sans compter les autres types de financements impli-quant des acteurs économiques.

UN DÉVELOPPEMENT HARMONIEUX DES RELATIONS

Il convient cependant de préciser quelles sont lesconditions d’un développement fructueux et harmo-nieux de ces relations dans le respect du service public.Premier point, il faut respecter la dynamique de larecherche. C’est une banalité que de rappeler quel’histoire des sciences montre que les ruptures épisté-mologiques, qui ont souvent conduit à des applica-tions industrielles importantes, n’avaient pas été pro-grammées en vue de ces applications. Pour respecter lebon fonctionnement de la recherche, il faut donc pré-voir, autour de la valorisation économique, le finance-ment de son ressourcement afin de ne pas assécher ledéveloppement scientifique. Il est donc indispensableque le financement de la recherche menée en partena-riat avec des entreprises prenne en compte au mini-mum certains frais d’environnement (frais de person-

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© Lydie Lecarpentier/REA

« Pour l'Université Toulouse III – Paul Sabatier, ce sont plus de 5 milliards d’euros de contrats qui ont été signés en 2013 avecdes entreprises, un chiffre qui est en progression. », Marc Gabriel Boyer, exécutif de la Fondation Catalyses, BertrandMonthubert, Président de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, et Henri Boccalon, Président de la FondationCatalyses, lors de la présentation de la 5e nuit blanche de l’innovation, Toulouse, novembre 2012.

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« Pour l'Université Toulouse III – Paul Sabatier, ce sont plus de 5 millions d’euros de contrats qui ont été signés en 2013 avec des entreprises, un chiffre qui est en progression. », Marc Gabriel Boyer, exécutif de la Fondation Catalyses, Bertrand Monthubert, Président de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, et Henri Boccalon, Président de la Fondation Catalyses, lors de la présentation de la 5ème nuit blanche de l’innovation, Toulouse, novembre 2012.

nel, coûts d’infrastructures…), sans quoi le dévelop-pement de ces relations se ferait au détriment de larecherche fondamentale.Deuxième point, il convient de respecter les métiers.Développer les relations entre la recherche publique etles entreprises ne nécessite pas que les partenaires seressemblent. Les chercheurs publics ont un métier àpart entière et une vocation particulière ; ce ne sont pasnécessairement des entrepreneurs, même si certainspeuvent le devenir, et avec talent. On a souvent cruque le développement de la recherche privée passeraitpar la transformation de chercheurs en entrepreneurs.Répétons-le, certains exemples prouvent que c’est pos-sible, et nous disposons de possibilités pour soutenir lacréation d’entreprises par des universitaires en prenanten charge leur salaire pendant une durée déterminée.Le chercheur est avant tout porté par un besoin dedéveloppement des savoirs, alors que l’entrepreneurdoit se préoccuper avant tout de l’essor économique deson entreprise. L’un et l’autre peuvent se renforcer,mais leurs démarches ne se confondent pas. Troisième point, il faut respecter l’indépendance dechacun des partenaires. Une collaboration entre unlaboratoire de recherche et une entreprise respecte ladéontologie du service public, lorsque chacun gardeson indépendance. Cela suppose un financement debase du laboratoire suffisant pour assurer son fonc-tionnement et lui permettre de travailler avec l’entre-prise sans que son avenir ne dépende de celle-ci.Seule exception, les laboratoires communs qui pré-supposent un engagement dans la durée et qui affi-chent clairement les liens existants entre les cher-cheurs publics et l’entreprise. De belles réussitesexistent, comme chez Thalès qui abrite une unité derecherche mixte associant le CNRS et l’UniversitéParis-Sud 11.Quatrième point, la nécessité de s’engager dans ladurée. Les vraies innovations ne naissent pas d’his-toires d’un soir entre une entreprise et un laboratoiresous-traitant. Elles exigent une connaissance mutuellequi permette aux chercheurs de comprendre quelssont les besoins et les enjeux stratégiques de l’entre-prise, et aux deux partenaires de développer un langa-ge commun. Il y a quelques années de cela, le minis-tère de l’Enseignement supérieur et de la Rechercheavait ouvert un site Internet destiné à mettre en rela-tion les chercheurs et les entreprises, un site qualifiépar la ministre de la Recherche de l’époque de« Meetic de la recherche ». Malheureusement, on peutcraindre qu’en innovation comme en amour, les aven-tures sans lendemain soient bien peu fertiles... (ce siteest d’ailleurs aujourd’hui fermé).Cinquième point, il faut que les entreprises recrutentdes titulaires de doctorat scientifique. C’est l’une destristes caractéristiques de la situation prévalant enFrance : nous formons peu de docteurs de l’universitéen regard de notre population et les entreprises enemploient peu. Ainsi, le nombre de docteurs diplô-més chaque année est d’environ 11 000 en France,

quand il est de 27 000 en Allemagne et de 20 000 enGrande-Bretagne. Du côté des entreprises, la part des docteurs parmi lespersonnels de recherche et développement est de12 % seulement. C’est là un vrai frein au développe-ment des relations des centres de recherche publicsavec les entreprises. En effet, les docteurs en entrepri-se y jouent le rôle de passeurs de recherche ; ils appor-tent des connaissances qui se situent aux avant-postesdu développement scientifique, ils sont formés par larecherche et ils connaissent les réseaux scientifiques.Face à des questions qui se posent dans les entreprises,ils sont souvent à même d’identifier les laboratoiresavec lesquels il serait pertinent de travailler. Car il estévidemment difficile pour une entreprise de savoir,parmi des milliers de laboratoires, lesquels sont lesplus propices à des échanges fructueux. Il est toutaussi difficile, pour une entreprise, d’approcher deschercheurs avec des questions qui, en général, ne sontpas formulées scientifiquement. Il faut donc uneconnaissance du monde académique pour faciliter cetype de relation.

MIEUX STRUCTURER LES RELATIONSUNIVERSITÉS-ENTREPRISES

Au-delà des relations entre les universités et les entre-prises en matière de recherche, il nous faut mainte-nant évoquer un autre enjeu qui est de celui de lastructuration de leurs relations, de manière générale.Celles-ci sont plus souvent d’ordre individuel qued’ordre institutionnel. C’est évidemment là unerichesse, mais souvent cela ne permet pas de dévelop-per une relation de façon correcte. Les relations uni-versités-entreprises ont trait à trois activités des uni-versités : la recherche, la formation initiale et laformation continue. Le plus souvent, une entreprise aune relation avec une université dans le cadre d’uneseule de ces trois activités, la recherche par exemple.Dans un tel cas, il serait également pertinent de tisserdes liens au niveau de la formation initiale (accueil destagiaires, embauche de diplômés) et au niveau de laformation continue. Prenons un exemple pour illustrer ce besoin : uneentreprise passe un contrat de recherche avec un labo-ratoire dans lequel une nouvelle technologie est déve-loppée, laquelle sera utilisée par l’entreprise. Ledéploiement de cette technologie pourrait être accélé-ré par l’embauche de diplômés d’un master adossé aulaboratoire qui a conduit le travail de recherche. Demême, les salariés de l’entreprise vont devoir prendreen charge une nouvelle technologie, ce qui passenécessairement par une formation qui pourrait êtredispensée au sein de l’université partenaire. L’enjeu enmatière de développement et de structuration desrelations universités-entreprises est donc de créer devéritables hubs de l’innovation. Les universités ont en

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effet pour atout d’être en mesure d’offrir ces troisfacettes de l’activité académique, ce qui n’est pas le casde tous les acteurs.On le voit bien, le mythe de l’université-tour d’ivoireest dépassé, les relations des universités avec les entre-prises étant historiques. Chacun respectant les néces-

sités de l’autre, des relations fructueuses vont se déve-lopper qui permettront une meilleure valorisation destravaux de la recherche, une valorisation qui, d’unpoint de vue général, peut être d’ordre culturel, éco-nomique et/ou social. Dans tous les cas, elle sera fac-teur de progrès.

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INTRODUCTION

En 2012 (dans la catégorie Émergence), puis en 2013(dans la catégorie Création et Développement), leprojet de création de la société DiamLite a été lauréatdu concours national d’aide à la création d’entreprises

innovantes organisé par le ministère del’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce pro-jet, que je mène depuis plusieurs années avec mon amiPatrick Curmi, biologiste et médecin, directeur del’Unité Inserm U829, vise à fabriquer industrielle-ment des nanodiamants fluorescents en vue d’applica-tions dans les sciences de la vie, en physique et dans lascience des matériaux. Le lent chemin de percolationentre ces deux succès au concours du ministère de laRecherche et les toutes premières expériences serpen-

Quel partenariat entre recherche publiqueet industrie ?Être chercheur et créerune entreprise innovante Cet article retrace les étapes du projet de création de DiamLite (unestart-up dédiée à la fabrication industrielle de nanodiamants fluores-cents), depuis les premières expériences ayant conduit aux idées etconcepts de base sur lesquels elle s’appuie jusqu’au processus decréation impulsé par les aides du ministère de la Recherche. Ce projet est le fruit d’une dizaine d’années de collaboration entrele Centre des Matériaux de Mines ParisTech et l’Unité Inserm 829.Le récit de cette expérience, qui a été jalonnée de difficultés mais aussid’opportunités, permet d’identifier certains points (positifs ou négatifs) quiont fortement influencé cette aventure, et de tirer quelques enseignementsplus généraux illustrant les rôles complémentaires de la recherche fonda-mentale, qui est à l’origine des ruptures technologiques, et de la recherchepartenariale, qui constitue la courroie de transmission essentielle entre lesconcepts académiques et la satisfaction des besoins de la société.

Par Alain THOREL*

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* Directeur de Recherche à Mines ParisTech.

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te sur une dizaine d’années, au gré des rencontres, desprojets de recherche et des réalisations techniques, dela confrontation entre les sciences du vivant et la phy-sique des matériaux. C’est ce cheminement que nousévoquerons et analyserons ici afin d’apporter untémoignage qui, même s’il n’est pas transposable àtoutes les situations, pourra peut-être apporter cer-tains éclairages utiles à qui veut se lancer dans l’aven-ture de la création d’une start-up innovante.

L’IDÉE INITIALE

Au début des années 2000, j’ai mis en place sur le sited’Évry une plateforme de microscopie électronique(en transmission) commune à l’École des mines deParis, au Genopole et à l’Inserm. Ce nouvel équipe-ment partagé avec des biologistes devait nous per-mettre d’amorcer des travaux à la frontière de la biolo-gie et de la physique des matériaux. L’une despremières études réalisées consista à aborder avec Jean-Paul Boudou (du CNRS) la transition des sp2/sp3 denanocarbones dans des molécules polyaromatiquessoumises à une conversion thermique sous haute pres-sion. Comme c’est souvent le cas lorsque l’on défricheun domaine entièrement vierge, nous avons réalisé cespremières observations en perruque, c’est-à-dire sanssupport contractuel. Outre leur intérêt académiqueimportant, ces expériences nous ont obligés à pousserle microscope jusqu’à ses performances limites (voir laFigure 1 ci-dessous), et cela nous a permis de prendrepied dans le monde des nanostructures.

À cette époque, des équipes de photophysiciens deStuttgart et de l’ENS-Cachan mettaient en évidenceun centre coloré particulier du diamant, le centre NV,formé de l’association d’une lacune de carbone et d’unatome d’azote, celui-ci étant une impureté en substi-tution. L’excitation d’un électron piégé par ce défautconduit à une série de raies d’absorption et d’émissiondans la bande optique interdite : excité dans le vert, lecentre NV fluoresce dans le rouge et l’infrarouge. Aucontraire des quantum dots et des luminophores clas-siques, cette fluorescence du diamant est inaltérabledans le temps : ni elle ne scintille ni elle ne blanchit ;en outre, par nature, le diamant est bio-compatible etsa surface fonctionnalisable. C’est à ce momentqu’était inaugurée à l’Université d’Évry, par laministre de la Recherche, l’Unité Inserm U829 diri-gée par Patrick Curmi, directeur de Recherche. Ce futlà un premier facteur qui allait s’avérer déterminantpour la suite de l’histoire, car, par un de ces hasardsincroyables de la vie, en Patrick Curmi, c’est le frèred’un ami de lycée que je retrouvais ainsi à Évry, qua-rante ans plus tard ! Évidemment, les liens d’amitié sesont retissés, dans un climat de confiance et d’intérêtscientifique partagé. C’est avec Patrick Curmi quenous avons alors eu l’idée d’utiliser des nanodiamantsphoto-fluorescents comme marqueurs de protéines àdes fins de vectorisation thérapeutique (1).

LES PREMIERS TRAVAUX FONDATEURS

Cette idée se concrétisa par le projet européenNano4Drugs (2006-2008) piloté par l’Inserm. Ils’agissait alors de mettre au point un nouveau systèmede vectorisation de lutte anti-cancer s’appuyant surces nanodiamants fluorescents, avec l’objectif decibler les microtubules (2) pour en affecter la dyna-

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Figure 1 : Structure atomique d’un nanodiamant observéau moyen du microscope électronique en transmissionTecnai F20ST du Centre des Matériaux de Mines-ParisTech. Les points blancs sont des atomes de carbone, sépa-rés d’environ 0,2 nm.

(1) Beaucoup de molécules thérapeutiques efficaces existent sur les étagèresdes laboratoires, mais ne peuvent être administrées par les voies classiques(orale, injection…) en raison de leurs effets secondaires graves. Les travauxde recherche actuels visent à faire parvenir ces médicaments auxcellules/organes malades sans passer par une voie d’administration classique,en utilisant les nanotechnologies ; cela nécessite de fabriquer un « cargo »nanométrique comprenant un marqueur, en l’occurrence une protéinereconnue par la barrière cellulaire pour que le « cargo » puisse franchir lamembrane, ainsi qu’une protéine de ciblage (qui va reconnaître les cellulesmalades et conduire le « cargo » vers celles-ci), puis, bien entendu, la molé-cule médicamenteuse elle-même. La quantité de médicament ainsi adminis-trée est alors extrêmement réduite. De plus, la substance médicamenteuse valà, et seulement là, où elle est attendue et où elle peut être efficace.

(2) Les microtubules sont des fibres organiques qui constituent le cytosque-lette des cellules biologiques. Leur dynamique (les microtubules croissent oudécroissent en fonction de l’environnement local) assure la plasticité des cel-lules, qui peuvent grâce à eux se déformer aisément. Les microtubules sontétroitement associés à la division cellulaire : en affecter la dynamique permetd’affecter la division cellulaire. C’était là la stratégie anti-cancer proposée parle projet Nano4Drugs, dont l’objectif était de cibler les microtubules de cel-lules cancéreuses avec une protéine inhibitrice, c’est-à-dire de faire parvenir,au niveau des microtubules, une protéine affectant la dynamique de ces der-niers afin d‘en inhiber l’activité, et donc d’inhiber cette division cellulaireanarchique qu’est la prolifération cancéreuse.

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mique au moyen du greffage d’une protéine inhibitri-ce. Les travaux montrèrent le potentiel de ce concept,mais la réduction de microdiamants industriels à unetaille nanométrique autorisant la traversée des mem-branes biologiques s’avéra plus ardue que nous nel’avions prévu. Sous l’impulsion de Jean-Paul Boudou, l’exaltation dela fluorescence fut mise au point par un processus decréation et de migration de lacunes sous irradiationélectronique à haute énergie et traitement thermique(voir la Figure 2 ci-dessous). Réduction de taille etexaltation de la fluorescence ont fait l’objet du dépôtde deux brevets en copropriété Inserm-Transfert/ARMINES. Corrélativement, il nous apparut que lescaractéristiques de ces nanodiamants fluorescentspouvaient être mises à profit, d’une part, pour créerdes codes-barres totalement infalsifiables (pour lalutte anti-contrefaçon et la traçabilité) et, d’autre part,dans la downconversion du photovoltaïque (ces deuxapplications firent l’objet du dépôt de deux brevetspar ARMINES).

À la fin des années 2000, nous nous trouvions ainsi enpossession d’une technologie permettant d’aborder demultiples applications (cryptographie quantique,émission de photons uniques, ordinateur quantique,thérapeutique locale et vectorisation, biologie quanti-tative, furtivité, support de catalyse, reformage bassetempérature, photoconversion, marquage de fluideshydrologiques…). Dès lors, sa valorisation nous appa-rut comme la suite logique et incontournable de nosrecherches. Cette idée fut immédiatement soutenuepar nos tutelles respectives, puis par Genopole-Entreprises (à Évry), qui accompagna cette démarchede création d’entreprise. Des contacts, d’abord spon-tanés, puis approfondis, avec des acteurs majeurs del’industrie du diamant et de la production pétrolière,dès 2008-2009, puis une pré-étude de marché, en2010, sur les segments du marquage biologique, dumarquage anti-contrefaçon et du photovoltaïque nousconfortèrent dans cette voie. C’est donc à ce momentque nous décidâmes d’entamer le processus de créa-tion de la société DiamLite, entreprise dédiée à la

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Microdiamant brut(fluorescence naturelle)

Microdiamant irradiéaux électrons (des lacunesde carbone sont créées)

Microdiamant irradiéaux électrons et recuit(les lacunes ont migré versles atomes d’azote nterstitiels, créantdes centres NV)

Bright field Illumination laser bleu Illumination laser vert

Figure 2 : Fluorescence de microdiamants préparés selon le procédé DiamLite (d‘après Patrick Curmi, Inserm U829).

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fabrication et à la fonctionnalisation de nanodiamantsfluorescents.De type Société par Actions Simplifiées, l’entrepriseest effectivement créée depuis le début de cette année(2014) (son manager, identifié très tôt, ainsi qu’unejeune ingénieure-chimiste ont été embauchés dès sacréation). Un responsable du développement sera éga-lement recruté à courte échéance et nous sommes,Patrick Curmi et moi-même, ainsi que Marie-OdileDavid, de l’Université d’Évry, les conseillers scienti-fiques de cette société. L’un des intérêts majeurs decette entreprise est le fait qu’elle doit permettre d’es-saimer, à partir de l’un et de l’autre de nos laboratoiresd’origine, des études passionnantes de codéveloppe-ment portant sur des applications des nanodiamantsfluorescents en biologie ou en physique des maté-riaux.Ce long préambule nous a permis de retracer le che-min sinueux rejoignant en une petite dizaine d’an-nées quelques manips à caractère fondamental à unevéritable aventure industrielle. De ce cheminementparticulier, on ne saurait évidemment tirer d’ensei-gnement généralisable à toutes les situations.Néanmoins, sous certains aspects, ce parcours peutapporter un éclairage intéressant à ce numéro desAnnales des Mines consacré aux partenariats entre larecherche publique et l’industrie, en particulier parcequ’il est étroitement associé à un laboratoire, leCentre des Matériaux de Mines ParisTech, lequel estun acteur majeur dans le domaine de la recherchepartenariale.

RECHERCHE FONDAMENTALE VERSUSRECHERCHE PARTENARIALE

Le terreau sur lequel peut germer une idée, unconcept innovant, est souvent le fruit de la conjonc-tion entre un équipement nouveau et la frictionentre des paradigmes différents (dans le cas qui nousoccupe, la biologie et la science des matériaux). Ilfaut donc maintenir dans nos structures, et en par-ticulier dans nos écoles, une culture bottom-up quisoit garante d’une certaine liberté pour le chercheuret préserver aussi notre capacité à réaliser des expé-riences non programmées, non incrémentales etnon inscrites dans une relation forcément contrac-tuelle. En ce sens, les aides de ressourcement de type Carnot(même si celles-ci ne rentrent pas dans la catégorie desappels à projets thématiques classiques) sont un outilprécieux qu’il convient de sanctuariser. Enfin, uneidée nouvelle prend très souvent sa source dans desrésultats de la recherche fondamentale, et nous n’yavons pas fait exception, puisque nous nous sommesappuyés sur des travaux menés par des photophysi-ciens.

Il est donc essentiel de conserver une recherche fon-damentale forte, car c’est en elle que se trouvent lesingrédients nécessaires à l’innovation. Il est édifiant deconstater que les ruptures technologiques du XXe

siècle prennent essentiellement leur source dans lesrésultats de la recherche fondamentale. La recherche programmée, incrémentale, sur projets abien sûr un rôle éminent à jouer. Mais l’innovation nese décrète pas ; on doit inlassablement cultiver la terresur laquelle elle peut éclore. On ne décrète pas l’aug-mentation de l’espérance de vie au travers d’un appelà projets. Par contre, l’espérance de vie a fortementaugmenté grâce à des contributions de la recherchefondamentale qui n’avaient rien à voir, au départ, avecla santé (comme le laser, les semi-conducteurs indis-pensables à l’informatique, la supraconductivité sanslaquelle il n’y aurait pas de diagnostic par résonancemagnétique nucléaire ou encore la morphologiemathématique et la physique nucléaire appliquées àl’imagerie médicale, la structure de l’ADN et la géné-tique…).Par le passé, la recherche partenariale s’est appeléerecherche appliquée, puis recherche finalisée. Maisc’est bien du même type de recherche scientifiquedont il s’agit, celui qui fait le lien entre les conceptsacadémiques et la réalité sociétale. On l’opposaitalors, maladroitement, à la recherche fondamentale,celle-ci étant jugée forcément plus noble ! N’avons-nous pas gardé dans nos laboratoires cette sorte decomplexe puisque nous n’avons eu de cesse de formerdes unités mixtes avec le CNRS, en nous condamnantdu même coup à la schizophrénie en matière de cri-tères d’évaluation : allait-il s’agir du nombre descontrats, des brevets déposés, de l’expertise apportée àl’industrie ou du nombre de publications ? Dans mon domaine limité d’expertise – la science desmatériaux, et en particulier des céramiques –, un brefregard vers le passé me laisse à penser que les indus-triels se sont partiellement désengagés des relationscontractuelles directes sur des sujets innovants et ris-qués ; sans doute est-ce là un effet collatéral lié à lacréation de l’Agence Nationale de la Recherche, uneffet non réellement compensé par le Crédit ImpôtRecherche, qu’il conviendrait peut-être de davantageredéployer en faveur des PME. Sans doute aussi s’agit-il – phénomènes plus structurels – du glissementconstaté depuis trois décennies de l’activité industriel-le vers le tertiaire, de marges qui se réduisent et d’ac-tionnaires toujours plus gourmands !La recherche partenariale est… fondamentale, en cequ’elle applique les résultats de la recherche aumonde économique. Mais, pour être véritablementpartenariale, elle a besoin que l’industrie s’impliqueelle aussi fortement. Dans l’autre sens, la recherchepartenariale propose aussi au monde de la recherchede nouveaux challenges, de nouveaux champs, denouveaux défis dont dépend l’avenir même de lasociété.

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LE « CHERCHEUR PARTENARIAL »

Les chercheurs de nos laboratoires de recherchepublique partenariale ont l’habitude de participer oude coordonner des projets, et, à ce titre, ils ont unebonne perception pratique du temps de la rechercheet de son coût. Mais le temps de la start-up et celui de ses futursclients ne sont pas celui du chercheur, même « parte-narial », ni celui du juridique et de l’administratif. Ilfaut donc régler sa montre différemment, quand onprend la casquette « start-up », et ne pas hésiter à sefaire conseiller pour les aspects managériaux, finan-ciers, comptables et juridiques inhérents à tout déve-loppement industriel. Nos institutions de recherchepartenariale doivent aussi avoir une politique de pro-tection intellectuelle qui soit claire et non fragmentée,et avoir conscience que cette politique a un prix, qu’ilfaut assumer. Le mécanisme de germination et decroissance de start-up à partir de nos laboratoires neme paraît pas viable si le champ d’action des sociétésnaissantes n’est pas protégé par une politique solide etbienveillante en matière de protection de la propriétéintellectuelle.

LES DIFFICULTÉS

L’entropie qui pèse sur notre système de recherche fran-çais (et plus généralement sur les systèmes de recherchedu monde occidental) est devenue excessive et l’énergielibre disponible en a été réduite d’autant. Tout s’estcomplexifié à l’envi, et le chercheur passe une grandepartie de son temps à faire ce pour quoi il n’est pasformé, et à ne pas faire ce pour quoi il a été longuementformé. La systématisation des appels à projets, avecbien souvent des taux de retour dérisoires (de 1 sur 3,voire de 1 sur 15) a considérablement aggravé la sur-charge de travail du chercheur, même si certains effetsbénéfiques de ces appels (structuration, réseautage,prise de conscience du temps et des coûts) sont à noter.Le chercheur est par ailleurs évalué sur des indicateursbibliométriques et est donc condamné à publier de plusen plus, alors même que la littérature explose et qu’ildispose de moins en moins de temps pour lire cette lit-térature de plus en plus diluée. Couplée à cette biblio-

métrie, la culture de l’excellence à tous crins – avec lesexcès de chacune – porte en elle les germes du commu-nautarisme et de l’individualisme, alors que larecherche n’a jamais autant été qu’aujourd’hui uneaventure collective et une question de collaborationsentre équipes et de mutualisation d’instruments. Cetexcès de formatage présente un réel danger d’annihila-tion de notre capacité à innover et à créer. Enfin, une fois le processus de création d’une sociétéinnovante lancé, il reste une période délicate à fran-chir, une sorte de no man’s land, durant laquelle lasociété n’est pas encore créée, n’a pas encore signé decontrats de licence pour exploiter les brevets sur les-quels sont assises ses futures activités, et n’a doncaucune légitimité juridique pour négocier quoi que cesoit, alors qu’elle doit déjà rencontrer et intéresser desclients potentiels et des investisseurs. A contrario, lasociété ne peut être créée sans disposer d’un socle debrevets solide et sans l’assurance de clients potentielsqui doivent d’emblée estimer sa solidité et percevoirl’intérêt pour eux d’instaurer une telle démarche par-tenariale. Cette période peu sécurisée juridiquementdoit durer le moins de temps possible, et l’entreprisedoit y être accompagnée par les services juridiques desinstitutions-mères.

EN CONCLUSION

La puissance publique a plusieurs outils à sa disposi-tion pour contribuer à l’innovation. Le plus emblé-matique est l’aide que le ministère de l’Enseignementsupérieur et de la Recherche accorde aux lauréats duConcours National pour la Création d’Entreprises deTechnologies Innovantes, qui est réellement dédiée àl’incubation et à la naissance de start-up technolo-giques. C’est donc un bon indicateur de notre capaci-té à investir dans ce domaine. Au cours de sa quinzai-ne d’années d’existence, cette aide a permis de créerchaque année une centaine de sociétés pour un inves-tissement de l’ordre d’un dixième du prix d’un paquetde cigarettes par Français ! L’investissement est donctrès rentable, mais son périmètre reste très modeste, etces nouvelles start-up, qui sont des passerelles directesentre la science et l’innovation, ne peuvent à ellesseules assumer tous les risques associés à la haute tech-nologie.

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LA CRÉATION DE L’ANVAR

En 1967, sous l’impulsion du Général de Gaulle, estcréée l’Agence Nationale de Valorisation de la

Recherche (Anvar), qui a pour mission d’accélérer letransfert des résultats des recherches effectuées par leCentre National de la Recherche Scientifique(CNRS), alors placé sous la responsabilité deMaurice Ponte, un physicien que son parcours pro-fessionnel avait conduit à travailler non seulementdans des laboratoires publics de recherche, mais aussiau sein de la Compagnie générale de la Télégraphiesans fil (CSF).

De L’Anvarà Bpifrance, en passantpar Oséo : les grandesétapes du financementpublic de l’innovation

En France, le transfert de technologies entre les laboratoires publicsde recherche et l’économie est depuis plus de 50 ans au cœur despréoccupations des ministres en charge de la Recherche et del’Industrie. Aux approches de type technology push des années 1970a succédé la prise en compte des besoins des entreprises (des PME,

en particulier) dans l’organisation de ce transfert. Après le milieu de ladécennie 2000, qui vit la mise en valeur des vertus de l’innovation ouverteavec la création des pôles de compétitivité et de l’Agence de l’Innovationindustrielle (AII), l’effort est mis aujourd’hui sur toutes les composantes del’innovation et sur l’accompagnement des entreprises en faisant appel à denouvelles compétences issues notamment des sciences humaines etsociales.

Par Laure REINHART*

LES POLITIQUES

PUBLIQUES EN FRANCE

ET À L’ÉTRANGER

* Directeur des Partenariats à la Direction Innovation de BpifranceFinancement.

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LAURE REINHART

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DÉDIÉE À LA VALORISATION DE LA RECHERCHE,L’ANVAR EST EN SOI UN OUTIL DE TRANSFERTDE TECHNOLOGIE

Une équipe de juristes et d’ingénieurs en propriétéindustrielle est mise en place à l’Anvar afin d’évaluerles résultats de la recherche sous leur aspect non seu-lement scientifique, mais aussi industriel, et de les« pousser » vers les entreprises. Les contacts sont à ce stade établis essentiellementavec de grandes entreprises : celles qui disposent enleur sein de chercheurs et d’ingénieurs capables de tra-duire les résultats issus de la recherche fondamentaleen avantages industriels. Dans les années 1970, uncertain nombre de contrats sont ainsi passés entre leCNRS et de grandes entreprises. L’exemple le plusconnu est le transfert vers le laboratoire pharmaceu-tique Sandoz (devenu depuis Novartis) des tous pre-miers travaux de recherche réalisés sur la Ciclosporine,un agent immunosuppresseur jouant un rôle essentieldans la prévention des rejets aigus d’organes trans-plantés. Forte des premiers résultats positifs de ces transferts,l’Anvar étend son action auprès de tous les organismesde recherche français ainsi qu’auprès d’universités.C’est aussi à cette époque que naissent les premièresstart-up. À titre d’exemple, le premier brevet de basede la carte à puce est déposé par l’inventeur RolandMoreno, qui en transfère les droits d’exploitation àInnovatron, une société créée pour industrialiser etcommercialiser les dispositifs rendus possibles parcette invention révolutionnaire.

1979 : EN COMPLÉMENT DU TECHNOLOGYPUSH VIENT LE MARKET PULL

En 1979, le ministre de l’Industrie, André Giraud,réalise que cette activité de type technology push nepeut suffire. En particulier, les petites et moyennesentreprises en sont généralement écartées. Or, cesPME (très nombreuses en France) constituent un for-midable réservoir de création de richesses. Il convientdonc d’inciter les PME à innover et de les aider àtrouver au sein des laboratoires de recherche les solu-tions aux problèmes techniques qu’elles rencontrent.L’Anvar met alors en place des délégations régionales,et s’installe ainsi dans toutes les régions françaises,pour être au plus près des entreprises. ChristianMarbach, le directeur général de l’Anvar d’alors, faitréaliser des petits guides très didactiques afin de sensi-biliser les entreprises à la propriété industrielle et audesign. L’Anvar est toujours en charge du financementdu transfert de la recherche publique vers les entre-prises. En complément des subventions, elle met enplace un système d’avances remboursables en cas de

succès qui offre aux entreprises bénéficiaires à la fois latrésorerie et l’assurance d’un partage du risque induit.Une étape décisive est franchie. Les organismes derecherche peuvent compter sur ces moyens pouraccompagner le transfert de leurs découvertes vers lespetites entreprises. Après une brève tentative de rapprochement entrel’Anvar et la Sofaris, sous l’impulsion de BertrandLarrera de Morel (PDG des deux structures), quidevait permettre de financer le lancement industriel etcommercial des innovations, une nouvelle périodes’ouvre, en 1989, avec l’arrivée d’Hubert Curien auministère de la Recherche et celle d’Henri Guillaumeà la direction de l’Anvar. L’ouverture européenneimpulsée par Hubert Curien et l’ouverture de l’Anvarvers les régions font de cette agence un acteur incon-tournable de l’accompagnement des entreprises et dufinancement de leurs projets innovants. Les directionsrégionales de l’Anvar sont alors encouragées à aider lesentreprises dans le montage de leurs projets euro-péens. Les régions y contribuent… Les entreprisessont mises en contact direct avec les laboratoires lesplus pertinents de leur région d’implantation par lesRéseaux de développement technologique ; des rela-tions de proximité se créent ainsi entre les entrepriseset les laboratoires de recherche. Mais malgré tous ces efforts, nombre de résultats derecherche ne trouvent toujours pas de débouché dansles entreprises existantes. Claude Allègre, à la barre duministère de l’Éducation nationale, de la Recherche etde la Technologie entre 1997 et 2000, investit dans lacréation d’entreprises par les chercheurs : il va faireévoluer à la fois l’esprit et la forme de cette démarche.Un nouveau statut du chercheur public permet àcelui-ci de créer une entreprise. Le Concours d’aide àla création d’entreprise de technologie innovante(dont on a fêté la 15e édition, en 2013) sélectionne lesmeilleurs dossiers, lesquels seront financés par dessubventions gérées par l’Anvar. Les entreprises issuesde la recherche ou des grandes entreprises pourrontêtre accompagnées dans des « incubateurs », et unfonds d’amorçage pourra investir dans les premierstours de table. En dix-huit mois, les financementsalloués par l’Anvar à des entreprises justifiant demoins de trois années d’existence passent ainsi de 15à 40 % de l’enveloppe globable.L’année 2005 fut riche en matière d’innovation : sélec-tion des pôles de compétitivité en février, création del’Agence de l’Innovation industrielle en août et rappro-chement entre l’Anvar et la BDPME pour créer Oséo.Les compétences issues de la banque, de la garantie etde l’attribution des aides de l’État à l’innovation fusion-nent et le financement de l’innovation se dote de nou-veaux instruments pour répondre aux besoins de finan-cement des entreprises innovantes : subventionsaccordées aux phases les plus amont et aux études defaisabilité, avances remboursables pour les phases dedéveloppement, prêts ou quasi-fonds propres de type

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LES POLITIQUES PUBLIQUES EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER

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prêt participatif d’amorçage pour les phases de mise surle marché. L’existence d’un réseau de chargés d’affairesréactifs, d’une équipe d’expertise capable à la fois d’es-timer les principaux risques pris par l’entreprise et depositionner les projets sur une échelle de valeur, maissurtout sa connexion à la fois au monde de la rechercheet à celui des entreprises permettent à Oséo de se posi-tionner comme un acteur incontournable de l’aidedirecte à l’innovation apportée par l’État et par la plu-part des collectivités territoriales.

2008 : L’ÉMERGENCE DE L’INNOVATIONOUVERTE

L’année 2008 marque un nouveau tournant dans lesactivités d’Oséo en matière d’aide à l’innovation. Letransfert des activités de l’Agence de l’Innovationindustrielle (AII) vers Oséo, le lancement du pro-gramme ISI (Innovation Stratégique Industrielle), etsurtout la promotion du Crédit Impôt Recherche(CIR) avec ses nouvelles règles, changent la donne. Le CIR devient en quelques années le premier dispo-sitif de financement de la R&D et de l’innovationdans les entreprises. L’État exige alors que les aides

directes soient focalisées sur des entreprises de taillesignificative (plus de 50 salariés), sur des projets d’in-novation de rupture et sur des programmes d’innova-tion ouverte mettant en relation des entreprises petiteset moyennes et au minimum un organisme derecherche. Ainsi, le transfert de technologie s’exprimeclairement au sein de ces programmes collaboratifs(programmes ISI, gérés par Oséo ou via le FondsUnique Interministériel géré par le ministère del’Industrie, puis par Oséo). Les laboratoires de grandsorganismes de recherche, tels que le CEA ou leCNRS, sont très fortement impliqués dans ces pro-jets. Oséo s’adapte pour être à même d’instruire, dedécider et de gérer de grands projets collaboratifs.Leur instruction nécessite de disposer d’outils de par-tage des informations permettant la réactivité tout engarantissant la confidentialité. Des systèmes Extranetsont conçus et développés à cette fin. Leur gestionexige de la rigueur et de la souplesse pour s’adapteraux parcours généralement non linéaires conduisantde la démonstration de faisabilité à la mise sur le mar-ché. De fortes compétences sont réunies à cette fin ausein du siège d’Oséo et dans ses directions régionales.Fin 2013, c’est plus de 110 Projets Mobilisateursd’Innovation Industrielle (PMII) et Innovation straté-gique industrielle (ISI) impliquant plus de 750 parte-

© Chamussy/SIPA

« Une nouvelle période s’ouvre, en 1989, avec l’arrivée d’Hubert Curien au ministère de la Recherche et celle d’Henri Guillaumeà la direction de l’Anvar. L’ouverture européenne impulsée par Hubert Curien et l’ouverture de l’Anvar vers les régions font decette agence un acteur incontournable de l’accompagnement des entreprises et du financement de leurs projets innovants. »,

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©Brigitte Eymann

Hubert Curien (1924 – 2005) en tenue d’académicien.

naires qui avaient été ainsi financés, pour un montantd’environ 1,8 milliard d’euros.

LE TRANSFERT RÉUSSI DU FUI VERS OSÉO

Le transfert de la gestion du FUI vers Oséo décidé fin2007 est finalement mis en place à partir du 9e Appelà Projets (AAP), en octobre 2009. Ce transfert visetrois objectifs :• la simplification des démarches, en regroupant ausein d’une même structure l’instruction des grandsprojets collaboratifs,• la réduction des délais de versement des aides,• et le bénéfice apporté par une structure de gestionprofessionnelle.Mais les délais entre les dépôts de projets surl’Extranet et leur financement restent très – trop –longs. Pour atteindre un taux de 80 % de mise enplace des projets, douze mois sont encore nécessairespour sélectionner, instruire, décider et valider lesfinancements tant de l’État que des collectivités terri-toriales qui contribuent au financement des projets. Ilfaudra attendre le 16e AAP pour modifier le processusd’instruction et de décision, et espérer ainsi réduire demoitié ce délai.

LE POIDS STRUCTURANT DU PROGRAMMED’INVESTISSEMENTS D’AVENIR

Forte de cette expérience, Oséo se voit confier la ges-tion de deux grands programmes collaboratifs dans lecadre des programmes d’investissements d’avenir (lesPIA) :• Les projets de R&D structurants des pôles de com-pétitivité (PSPC) sont destinés à structurer le tissuindustriel et à renforcer des positions industrielles surdes secteurs porteurs ou à en créer de nouvelles.Contrairement aux projets ISI qui eux sont portés pardes PME ou des entreprises de taille intermédiaire(ETI), les PSPC peuvent regrouper des entreprises detoutes tailles. Mais le caractère structurant de ces pro-jets entraîne généralement la participation d’unnombre très important de partenaires, ce qui induit àson tour des délais de mise en place allant parfois àl’encontre de l’intérêt des entreprises participantes.Parmi les projets emblématiques, on peut citer la miseen place d’une plateforme pour l’intégration de théra-pies moléculaires ou encore la conception deROMEO, un robot humanoïde par une plateformerobotique ayant permis d’intégrer les meilleures tech-nologies issues des laboratoires de recherche dudomaine ;• Les projets pour le renforcement des filières indus-trielles stratégiques. Ces projets sont, quant à eux,

destinés à mieux structurer les onze puis treize filièresindustrielles mises en place par la Conférence natio-nale de l’Industrie en juin 2010. Mais l’arrivée dans le paysage des aides à l’innovationdes programmes du PIA, qui sont dotés de moyensencore jamais égalés, a très fortement modifié leséquilibres préexistants :• dans le cadre du transfert de technologies, la mise enplace des Consortiums de valorisation thématique(CVT), des Sociétés d’accélération du transfert detechnologie (SATT), des Instituts de recherche tech-nologique (IRT) s’opère progressivement en rempla-cement des anciennes aides au transfert allouées parOséo.• en ce qui concerne le financement des projets colla-boratifs, les moyens considérables (plus de 3 milliardsd’euros) mis en place dans les Appels à Manifestationde l’Ademe, ou les AAP numériques du Fonds de laSociété du Numérique assècheront encore pour untemps les programmes préexistants en raison de règlesde financement et de remboursement assez différentesde celles jusqu’alors pratiquées.À la fin 2013, ce sont moins de 120 millions d’eurosqui ont été affectés par l’État au financement de pro-jets d’innovation individuels, contre 300 millionsd’euros pour les projets collaboratifs mis en place parBpifrance/Oséo, auxquels il faut ajouter les projetsmis en place par l’Ademe et par la direction généralede la Compétitivité, de l’Industrie et des Services(DGCIS) pour des montants annuels de l’ordre de500 millions d’euros.

LA CRÉATION DE LA BANQUE PUBLIQUE D’IN-VESTISSEMENT

La mise en place de la Banque Publiqued’Investissement répond au besoin de faire travaillerde façon plus cohérente les équipes du financementdes entreprises et celles de l’investissement. Née de lafusion d’Oséo, de CDC Entreprises, du Fonds straté-gique d’investissement (FSI) et de ses implantationsrégionales, Bpifrance propose des solutions de finan-cement adaptées à chacune des étapes clés du déve-loppement des entreprises. C’est précisément parce que l’innovation est porteusede forte création de valeur, parce que l’innovation estun facteur clé pour la croissance de notre pays et parceque le financement de l’innovation présente un risqueet que les entreprises et les financiers de la place sou-haitent partager celui-ci, que le financement et l’in-vestissement des entreprises innovantes est au cœur del’activité de Bpifrance.L’année 2013 a vu aboutir trois démarches straté-giques : les travaux de la Commission Tambourin-Beylat sur une Nouvelle vision de l’innovation, les pro-positions issues des Assises de l’entreprenariat et, au

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sein de Bpifrance, le plan de transformation de l’in-novation, dénommé NOVA. Le rapprochement entre les équipes Innovationd’Oséo et les équipes de CDC E et du FSI en chargedu capital risque dans les entreprises innovantes estl’occasion d’une réflexion sur le financement de l’in-novation en France et sur le rôle que doit y jouer lanouvelle direction Innovation de Bpifrance. Partantde constats factuels et objectifs sur la situation obser-vée à la mi-2013, le plan NOVA définit quatregrandes priorités pour faire émerger en France deschampions mondiaux de l’innovation, qui sont :• simplifier la gamme des financements de l’innova-tion et celle des processus d’octroi des aides, et accélé-

rer les prises de décisions et le financement effectif desentreprises,• mieux prendre en compte l’innovation non techno-logique et son financement,• renforcer l’accompagnement des entreprises dans lesphases amont de recherche et d’innovation,• et, enfin, renforcer les dispositifs d’amorçage.Ces démarches stratégiques sont très largementreprises sur un plan plus politique par Fleur Pellerin,ministre déléguée auprès du ministre du Redressementproductif chargée des Petites et Moyennes Entreprises,de l’Innovation et de l’Économie numérique dans sonplan de valorisation de l’innovation intitulé UneNouvelle donne pour l’Innovation.

© Denis Allard/REA

« Parmi les projets emblématiques, on peut citer la mise en place d’une plateforme pour l’intégration de thérapies moléculaires ouencore la conception de ROMEO, un robot humanoïde par une plateforme robotique ayant permis d’intégrer les meilleures tech-nologies issues des laboratoires de recherche du domaine. », Rodolphe Gelin, chef du projet ROMEO chez AldebaranRobotics, Paris, juin 2012.

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C’est aujourd’hui un lieu commun de dire quel’innovation est le premier levier de compétiti-vité hors coûts. Mais contrairement à ce qui

peut parfois être affirmé, l’innovation n’est pas uneconséquence naturelle de la recherche. La preuve : larecherche française est classée au 6e rang mondial,alors que la France n’apparaît qu’entre la 15e et la20e place des classements en matière d’innovation. Lafaiblesse française, on l’aura compris, tient plus à sespiètres performances en matière d’innovation (celle-ciétant comprise comme la commercialisation avec suc-cès d’un produit ou d’un service nouveau et différen-cié) qu’à sa recherche.

Néanmoins, la R&D reste l’un des facteurs essentielsde l’émergence d’innovations, aux côtés de la cultured’entrepreneuriat, du financement des entreprisesinnovantes et du bon fonctionnement d’écosystèmespermettant de faire circuler rapidement les idées, leshommes et les technologies. En cela, la recherchepublique, qui est dans bien des domaines au meilleurniveau de l’état de l’art des connaissances, peut (etdoit !) apporter un soutien très utile aux entreprisesdans leurs efforts d’innovation et de montée engamme. D’autant que les montants publics qui y sontconsacrés en France sont parmi les plus élevés del’OCDE, avec 0,9 % du PIB national (2).Or, de nombreux constats permettent d’affirmer quecette ressource n’est pas assez exploitée en France :

Quelle évolutionpour les politiquespubliques de recherchepartenariale ?

La politique de recherche partenariale n’est que l’un des pans de lapolitique d’innovation, mais elle reste un levier de compétitivitéencore trop peu exploité en France.Cet article procède à une comparaison entre la politique derecherche partenariale appliquée en France (avec les InstitutsCarnot) et celle en vigueur en Allemagne (avec les InstitutsFraunhofer).

Par Guillaume PRUNIER* (1)

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* Ingénieur des mines, Chef du bureau des Politiques d’innovation et detechnologie à la direction générale de la Compétitivité, de l’Industrie etdes Services (DGCIS).

(1) Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que son auteur eten aucun cas l’organisme dont il relève. (2) Source : OCDE.

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• les carrières sont très cloisonnées entre recherchepublique et recherche privée, du fait du statut defonctionnaire des chercheurs publics français ;• les contrats conclus avec les industriels ne financentque 4,5 % des dépenses de R&D publique en France,contre 12,3 % en Allemagne (3) ;• l’attribution d’une licence d’exploitation d’un brevetpublic à une entreprise peut prendre plusieurs annéesen raison de la complexité de la gestion d’une multi-propriété au sein des différentes unités mixtes derecherche concernées.Conscient de ce gâchis de compétitivité, l’État a logi-quement mis en place depuis quelques années des dis-positifs visant au rapprochement entre la recherchepublique et la recherche privée : financements surprojet pour la recherche collaborative (politique des

pôles de compétitivité, ANR…) et incitations finan-cières aux laboratoires publics pour intensifier leuractivité de recherche contractuelle au profit des entre-prises (Instituts Carnot).Cette politique de recherche partenariale mise enœuvre au coup par coup, sans une réelle réflexion surl’équilibre à instaurer entre recherche contractuelle etrecherche collaborative, connaît des succès indé-niables, mais elle reste malgré tout insuffisante (voir legraphe ci-après montrant le déséquilibre amont-avalde la R&D française). Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui invoquentle modèle allemand des Instituts Fraunhofer, alors quecelui-ci reste très mal connu. S’il constitue en effet unsystème de référence, sa réplication en France impli-querait de remettre en cause certains des fondementsidentitaires de la recherche publique française. Cetteévolution pourrait certes être une vraie source decompétitivité pour la France, mais il ne faut pas pourautant négliger la rupture qu’elle représenterait.

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(3) Source : OCDE.

Graphique 1 : Répartition de l’effort de recherche.Source : OCDE, données 2009.

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UNE ORGANISATION « À LA FRAUNHOFER » ENFRANCE NÉCESSITERAIT UNE VÉRITABLERÉORGANISATION DES PÉRIMÈTRES DESÉTABLISSEMENTS ET DES ORGANISMES DERECHERCHE PUBLIQUE POUR POUVOIR CRÉERUN ORGANISME DE RECHERCHE DÉDIÉ À LARECHERCHE CONTRACTUELLE

La Fraunhofer Gesellschaft est l’un des quatre grandsorganismes de recherche allemands. Elle comprend66 instituts ayant chacun ses particularités en raisonnotamment de domaines d’activité très divers (sys-tèmes de production, TIC, biotechs…), mais c’est enfait un système extrêmement centralisé. Le siège, situéà Munich, emploie 600 personnes et dispose seul dela personnalité juridique. Il rassemble toute la gestiondes ressources humaines, des contrats industriels, l’ex-pertise juridique en matière de propriété industriel-le… et c’est par lui que transitent toutes les dotationspubliques et tous les paiements des industriels.Contrairement à ce que l’on pourrait redouter, cettemutualisation n’est pas source de lourdeur. Outre les

classiques économies d’échelle, elle permet d’atteindrela taille critique pour certaines compétences pointues(notamment dans le domaine juridique). Elle est parailleurs contrebalancée par une liberté quasi totale desinstituts tant en matière de stratégie de recherchequ’en matière de contrats signés éligibles à l’abonde-ment versé par le siège. Le seul indicateur sur lequel les instituts sont (et sesentent) jugés est le ratio contrats industriels/budgettotal. Les instituts ne sont ainsi audités par le siège quelorsque cet indicateur devient problématique. Le sièges’immisce alors dans la gestion et la stratégie de l’ins-titut pour résoudre le problème, ce qui peut passer parla suppression de l’institut, par sa fusion avec un autreinstitut ou sa réintégration dans le giron de l’universi-té. De même, de nouveaux instituts sont créés chaqueannée à partir de laboratoires qui, ayant développéune grande activité résultant de contrats industriels,souhaitent intégrer la Fraunhofer Gesellschaft. Cetteintégration change radicalement le financement dulaboratoire, et donne lieu à la modification de tous lescontrats de travail et de tous les contrats en cours pas-sés avec les industriels, pour les intégrer dans le mouleFraunhofer. C’est donc un système très vivant repo-

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© Ingo Wagner/EPA-MAXPPP

« La Fraunhofer Gesellschaft est l’un des quatre grands organismes de recherche allemands. Elle comprend 66 instituts ayant cha-cun ses particularités en raison notamment de domaines d’activité très divers. », la station d’essai de l’Institut Fraunhofer IWES(éolien et systèmes énergétiques), qui peut tester les plus grandes pales de turbines éoliennes offshore, Bremerhaven(Allemagne), juin 2011.

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sant sur une seule règle : chaque institut doit être uncentre de profit ou, à tout le moins, présenter un bud-get à l’équilibre.Ce système permet une très grande unité de culture,de positionnement, de fonctionnement et de commu-nication des différents instituts, ce qui contribue trèsfortement à son succès. Le dispositif français des Instituts Carnot en est pourl’instant très éloigné, puisque « Carnot » ne représen-te qu’un label pouvant être décerné à des laboratoires,à des parties de laboratoire, à des regroupements delaboratoires ou même à des regroupements de partiesde laboratoires ! Au-delà de l’absence de gouvernanceréelle de certains Instituts Carnot, ce dispositif fran-çais n’offre pas d’unité de culture, de gestion, deméthodes, de positionnement, de marketing, de pro-cédures contractuelles… Ainsi, les chercheurs desInstituts Carnot ne se présentent que très rarementsous la marque « Carnot », mais plutôt sous celle deleur organisme d’appartenance (CEA, ONERA,CNRS…). D’ailleurs, de nombreux clients industrielsignorent jusqu’à l’existence du dispositif Carnot, dontils sont pourtant des bénéficiaires…

UN ORGANISME DE TYPE FRAUNHOFEREN FRANCE DEVRAIT ASSUMER UN RÔLEESSENTIEL DE FORMATION POUR LA R&D PRIVÉEEN AYANT UNE POLITIQUE DE RESSOURCESHUMAINES AXÉE SUR LES TRANSFERTSDE PERSONNELS VERS LE PRIVÉ,CE QUI EXIGERAIT UN RENONCEMENTAU STATUT DE FONCTIONNAIREPOUR SES CHERCHEURS

Le rôle des Instituts Fraunhofer dans la formation dechercheurs et d’ingénieurs ayant vocation à réaliserune carrière dans la R&D privée est essentiel. Chaqueinstitut est dirigé par un professeur d’université, cequi crée de fait un lien entre la recherche académiqueet les formations dispensées à l’université. Les person-nels des instituts sont tous sous contrat de droit privé,dont 50 % de CDI et 50 % de CDD. Ce recours mas-sif aux CDD permet de lisser la charge en cas deconjoncture économique difficile, et concerne princi-palement les étudiants en master et en PhD et lespost-docs. Après une durée moyenne allant de 3 à 6ans, 80 à 90 % d’entre eux rejoignent le privé et ali-mentent les entreprises industrielles allemandes enchercheurs et en ingénieurs compétents. Ces transfertsde personnel permettent également de créer une pas-serelle culturelle forte entre les Instituts Fraunhofer etles entreprises débouchant sur la signature de contratsfuturs. La moyenne d’âge est donc faible, dans les InstitutsFraunhofer. Seules les membres des équipes diri-

geantes, en particulier les directeurs, présentent unemoyenne d’âge plus élevée. Ce rôle de formation estlargement assumé par les Instituts Fraunhofer, quisont vus comme une très bonne voie de formation etsélectionnent finement leurs étudiants, lesquels sontensuite affectés très rapidement (dès l’obtention d’unmaster !) à des missions découlant de l’exécution decontrats industriels.Cette organisation est donc très différente de celle dela recherche française (à laquelle n’échappent pas lesInstituts Carnot), où la norme est la carrière à vie,avec, pour certains établissements et organismes, unstatut de fonctionnaire pour la sécuriser.

SI UN ORGANISME DE TYPE FRAUNHOFER ÉTAITCRÉÉ EN FRANCE, IL DEVRAIT AVOIR COMMEOBJET SOCIAL QUASI UNIQUE LA RECHERCHECONTRACTUELLE (ET NON LA PRODUCTIONDE CONNAISSANCES) ET SON FINANCEMENTDEVRAIT ÊTRE TRES DIFFÉRENT DES MODESCLASSIQUES DE FINANCEMENTDE LA RECHERCHE PUBLIQUE FRANÇAISE

Contrairement aux Instituts Carnot dont l’objectif estpluriel, car ils doivent combiner excellence scienti-fique (tirant vers l’amont) et recherche industrielle(tirant vers l’aval), l’objectif des Instituts Fraunhoferest, quant à lui, unique : la signature de contratsindustriels. Cette unicité d’objectif tire tout le systè-me : c’est à la fois l’objet social des InstitutsFraunhofer, leur identité et l’unique indicateur surlequel ils se sentent jugés.Les Instituts Fraunhofer n’ont pas pour autant lemonopole de la recherche contractuelle en Allemagne,certaines entreprises recherchant en effet des compé-tences plus académiques au sein des universités ou desInstituts Max Planck. Mais leur vocation quasi unique est de proposer desprestations de R&D aux entreprises. Leur positionne-ment est donc relativement en aval et ils se placentdans une logique commerciale qui les positionne enconcurrence claire et affichée avec les départements deR&D des grandes entreprises, voire avec des sociétésde recherche sous contrat. Bien qu’allant à l’encontredes intuitions économiques, cette distorsion deconcurrence est jugée saine. Elle permet, d’une part,aux grandes entreprises d’externaliser une partie deleur R&D et de diversifier le flux de technologies parrapport à ce qui pourrait être conçu en interne et,d’autre part, elle permet aux PME allemandes debénéficier facilement et pour un coût raisonnabled’une R&D de pointe. Chaque chercheur se doit d’être un centre de profitpour son institut : il est chargé de se créer son réseauet de l’entretenir parmi les entreprises. Des formations

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en communication et en marketing sont organisées àleur intention par le siège et par les instituts. Plus rare-ment, certains instituts disposent d’équipes « com-merciales ». Par ailleurs, les Instituts Fraunhofer sonttrès présents sur les salons-expositions pour promou-voir leurs technologies et des démonstrateurs sontcouramment utilisés pour séduire les industriels. Bien entendu, ce sont les règles de financement desinstituts qui cristallisent le système autour de cetobjectif unique. Ces règles sont en effet conçues pourfaire en sorte que la survie des instituts dépende de cescontrats. Leurs ressources sont les suivantes : • des contrats industriels, qui représentent 40 % dubudget total (en moyenne) (4),• des financements sur projets de recherche collabora-tive (Europe ou BMBF (Bundesministerium fürBildung und Forschung – le ministère allemand del’Éducation et de la Recherche), qui correspondent à30 % du budget total (en moyenne),• un abondement versé par le siège (au total ~300 mil-lions d’euros par an) financé à 90 % par le BMBF età 10 % par les Länder, comprenant : – une dotation de base de 600 000 euros ;– un abondement aux contrats industriels indexé surle ratio Contrats industriels/Budget total : 10 % d’abon-dement entre 0 et 25 % de ratio, puis 40 % d’abon-dement jusqu’à un ratio de 55 %, et 10 % d’abonde-ment au-delà (5),• un abondement sur les projets relevant duProgramme cadre de recherche et de développementtechnologique (PCRDT) : 15 %,• un abondement versé en fonction du nombre depersonnels (12 %),• un financement via un appel à projets géré par lacentrale Fraunhofer (au total ~200 millions d’eurospar an) servant à l’achat de gros équipements.Entre les contrats et l’abondement sur ces mêmescontrats, plus de la moitié du financement desInstituts Fraunhofer dépend donc de l’intérêt desindustriels. De plus, il s’agit de financements en coûtscomplets ! Il n’y a pas en Allemagne, contrairement àla France, de dotation récurrente finançant parailleurs les salaires des chercheurs. En comparaison, l’abondement des Instituts Carnotest très marginal (60 millions d’euros sur 2 milliards

d’euros de budget annuel) et ne représente qu’un« bonus » qui se rajoute aux dotations récurrentes,bien plus importantes, dont ils bénéficient au mêmetitre que les autres laboratoires académiques. Enoutre, cet abondement est calculé selon une formulepeu incitative (forte dotation fixe et faible tauxd’abondement) et est limité aux projets « amont »identifiés par l’ANR en fonction de l’incertitudescientifique du résultat.A contrario, en Allemagne, tous les contrats sont éli-gibles à l’abondement Fraunhofer et sont, dans la pra-tique, de natures très variées, sans que cela soit nor-malisé : prestations de recherche, études de faisabilité,utilisation d’équipements scientifiques (mesures,tests…), consultance, développement ou adaptationde technologie… L’activité des Instituts Fraunhofer sesitue entre les TRL (Technology Readiness Level ) 3, 4et 9. L’activité des Instituts Fraunhofer peut mêmealler jusqu’à la fabrication de prototypes industriali-sables ; de même, ils peuvent intégrer des activités demarketing et de design ! Contrairement aux Instituts Carnot, qui sont aujour-d’hui essentiellement des fournisseurs des grandsgroupes, l’activité des Instituts Fraunhofer est répartieéquitablement, en termes de montants, entre les PMEet les grandes entreprises. Les contrats Fraunhofersont en général de faible montant (une enveloppe de60 000 euros en moyenne), ce qui explique que l’acti-vité de prospection des industriels des InstitutsFraunhofer est forte : il s’écoule en moyenne deux ansentre l’établissement d’un premier contact entre unFraunhofer et un industriel et la signature du premiercontrat. Là encore, c’est l’incitativité du financement qui tirele système : les Instituts Fraunhofer ont intérêt àdiversifier la taille des contrats et des entreprises pourmieux lisser la charge et ne pas être dans une situationde dépendance vis-à-vis de quelques grandes entre-prises. Ce n’est pas le cas de la plupart des InstitutsCarnot, dont les ressources provenant des industrielsrestent faibles en proportion de leur budget total. À l’heure où la Commission Carnot 3.0 vient d’êtreinstallée par la ministre en charge de la Recherche,Geneviève Fioraso, en vue de présenter au gouverne-ment des propositions sur l’évolution de ce jeune dis-positif, la question reste ouverte. L’analyse du fonc-tionnement des Instituts Fraunhofer allemandsmontre que si l’on voulait suivre leur modèle pourfaire de la recherche contractuelle un réel atout decompétitivité, il ne s’agirait pas d’une évolution aminima permettant de ne pas brusquer un mondeacadémique sensible au changement, mais, aucontraire, d’assumer une évolution de grandeampleur.

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(4) En pratique, entre 30 % et 60 % selon les instituts.

(5) Cette formule a été établie pour créer une forte incitation à dépasser25 % de recettes industrielles dans le financement de chaque institut, maiségalement pour tempérer l’incitation au-delà de 55 % du ratio Recettesindustrielles/Budget total, un institut de recherche publique ne devant pasêtre simplement un prestataire de services. Cette formule est restéeinchangée depuis la création de la Fraunhofer Gesellschaft, en 1974.

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Les pratiquesde valorisationde la recherche publique :un éclairage international*

La valorisation de la recherche publique est aujourd’hui une pra-tique très répandue dans la plupart des pays et est un thème centraldes politiques nationales de recherche et d’innovation. Alors que desprogrès importants avaient été réalisés durant les premières annéesde la mise en place de ces politiques, il semble que leurs résultatsaient tendance à stagner depuis quelques années. Cela est dû à plu-sieurs de leurs caractéristiques, que certains pays s’attachent aujour-

d’hui à dépasser : une focalisation excessive sur les prises de brevets, uneapproche de la valorisation par trop administrative et insuffisamment écono-mique (déposer un brevet ou créer une entreprise sont des actes administra-tifs, alors que créer de la valeur à partir de ces actifs est un acte écono-mique), une tendance à négliger le potentiel entrepreneurial quereprésentent les étudiants, une intégration insuffisante dans leurs stratégiesdes différents outils de valorisation de la recherche que sont notamment laprotection de la propriété intellectuelle, la recherche contractuelle et lacréation d’entreprises.

Par Mario CERVANTES**, Dominique GUELLEC** et Daniel KUPKA**

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* Cet article est issu du rapport Commercialising Public Research: New Trends and Strategies, qui a été présenté par l’OCDE le 11 décembre 2013.

** Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

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MARIO CERVANTES, DOMINIQUE GUELLEC ET DANIEL KUPKA

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L a recherche publique – à savoir la recherchefinancée principalement par des fonds publics etmenée par des instituts de recherche publics et

par des laboratoires d’universités – joue un rôle extrê-mement important dans les systèmes nationaux d’in-novation. Sa sphère d’influence inclut l’éducation, laformation, le développement des compétences, lacréation et la diffusion des connaissances, et le déve-loppement de nouveaux instruments. La recherchepublique a été également à l’origine de percées scien-tifiques et technologiques importantes qui sont deve-nues des innovations majeures, parfois comme sous-produits fortuits des objectifs de recherchesscientifiques fondamentales menées sans qu’ait pu êtreenvisagé une quelconque retombée commerciale.Parmi les exemples bien connus, nous citerons lestechniques de l’ADN recombinant, le système depositionnement mondial GPS, la technologie desfichiers de stockage de son MP3 et la technologie dereconnaissance vocale Siri d’Apple.La prise de conscience des avantages économiquespotentiels de la recherche publique et les aspirationsdes gouvernements à voir se concrétiser ces avantagesont amené ces derniers à renforcer leurs politiques devalorisation des programmes de recherches interdisci-

plinaires (PRI) et des programmes de recherche desuniversités. Cela a conduit à une augmentation desefforts, à un nombre croissant d’approches et de stra-tégies et à un engagement plus direct des États dansles activités de commercialisation des produits etconcepts innovants.Un rapport récent de l’OCDE sur les nouvelles ten-dances et stratégies de transfert, d’exploitation et decommercialisation de la recherche publique montreque ce domaine a connu beaucoup de changements etd’expérimentations au cours des dernières années [1].On constate une stabilisation des indicateurs clés deperformance, tels que le nombre des brevets universi-taires. Les gouvernements, ainsi que les universités etles PRI sont à la recherche de nouvelles stratégies envue d’améliorer leurs performances dans le domaineconsidéré.

DES INDICATEURS DE PERFORMANCE STABLES

Le nombre des brevets, les revenus des licences et lenombre des créations de spin-off sont fréquemmentutilisés pour évaluer la capacité de commercialisation

© Jean-Claude Moschetti/REA

« La recherche publique – à savoir la recherche financée principalement par des fonds publics et menée par des instituts derecherche publics et par des laboratoires d’universités – joue un rôle extrêmement important dans les systèmes nationaux d'inno-vation. », type de verre noir dans le spectre lumineux visible et transparent dans le domaine de l’infrarouge, qui a été misau point par le laboratoire Verres et céramiques de l’Institut des sciences chimiques de Rennes, unité mixte de rechercheCNRS – Université de Rennes I, Rennes, mars 2012.

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des PRI. En ce qui concerne le nombre de brevetsdéposés par les universités, le taux de croissanceannuel moyen est passé de 11,8 % entre 2001 et 2005à 1,3 % entre 2006 et 2010. Les PRI ont mêmeconnu une croissance négative, de - 1,3 % au cours dela dernière période (à comparer à leur croissance de+ 5,3 % entre 2001 et 2005).Les données relatives aux divulgations d’inventions(nombre des premiers enregistrements officiels d’in-ventions universitaires mesurés par tranche de centmillions de dollars de dépenses de recherche) mon-trent une légère baisse en moyenne entre les années2004-07 et 2008-11. Le nombre des spin-off univer-sitaires n’a pas significativement augmenté lui nonplus, malgré le soutien politique continu dont ellesont bénéficié. Aux États-Unis, le nombre de créa-tions de spin-off par université et par an (pour 157universités) est faible (il est en moyenne de 4). Letaux des revenus de licences en pourcentage desdépenses de recherche est resté relativement stabledans les pays de l’OCDE, mais un petit nombre

d’universités a réalisé à lui seul la majeure partie durevenu total des licences. Ainsi, en Europe, 10 % desuniversités ont représenté environ 85 % du revenutotal des licences.Bien que les brevets, les licences et les spin-off restentdes canaux importants de commercialisation de larecherche publique, d’autres canaux, tels que larecherche collaborative (notamment les partenariatspublic-privé), la mobilité des étudiants et des ensei-gnants et les contrats de recherche et de conseil sem-blent acquérir de plus en plus d’importance (mais lesdonnées fiables sur ces nouveaux canaux font encoredéfaut). Des anecdotes provenant des États-Unismontrent que les start-up créées par les diplômés uni-versitaires sont plus nombreuses et plus dynamiquesque celles fondées par les enseignants et les chercheurs[2]. Le même constat peut être fait à propos des entre-prises finalistes du Prix Europe : la plus grande partiedes fondateurs étaient des étudiants doctorants (38 %des 28 fondateurs interrogés), les professeurs étantmoins nombreux [3].

Figure 1 : Licensing income, 2004-11.As a percentage of research expenditures.Comparaisons internationales des ratios Revenus retirés des licences/Dépenses de recherche globales (2004-2011).Source : Résultats basés pour partie sur des chiffres et des données fournies par : Australia’s Department of Innovation,Industry, Science and Research (DIISR) (2011 et 2012), “Australian National Survey of Research Commercialisation:2008-2009 et 2010-2011”; European Commission (2012), “Interim Findings 2011 of the Knowledge Transfer Study2010-2012”, Bonn/Maastricht/Solothurn; US Association of University Technology Managers (AUTM) (2009-2012),“Highlights of the AUTM U.S. Licensing Activity Survey: année fiscale 2008-année fiscale 2011”; Canadian AUTM(2009-2012), “Highlights of the AUTM Canadian Licensing Activity Survey: année fiscale 2008-année fiscale 2011”;Higher Education Funding Council for England (HEFCE) (2009-2012), “Higher Education – Business and CommunityInteraction Survey 2007/2008 – 2010/2011.”

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AU-DELÀ DES PRATIQUES TRADITIONNELLESEN MATIÈRE DE TRANSFERT DE TECHNOLOGIES

Le ralentissement de la progression des indicateurs deperformance a suscité des préoccupations chez lesdécideurs et les praticiens quant à l’efficacité des poli-tiques de commercialisation suivies. Ceux-ci ont àleur tour tenté de nouvelles approches, y compris desinitiatives législatives visant à cibler l’engagement del’industrie et celui du personnel de recherche, de nou-veaux modèles de Technology Transfer Offices (TTO),le développement de la propriété intellectuelle colla-borative (IP) au moyen par exemple d’outils, de fondsde brevets et d’initiatives visant à faciliter l’accès desindustriels aux résultats de la recherche publique. Denouvelles approches de valorisation des retombées dela recherche publique font également leur apparition.

ENCOURAGER L’ENGAGEMENT DE L’INDUSTRIEÀ VALORISER DES INVENTIONS UNIVERSITAIRESAU MOYEN DE L’OCTROI DE LICENCES GRATUITES

En matière de droits de la propriété intellectuelle (PI),les relations industrie-recherche ont atteint un stadecritique. De nombreux exemples suggèrent que lesinstituts de recherche publics et les universités adop-tent une attitude plus agressive dans la négociationdes accords de propriété intellectuelle avec les entre-prises. Le principal sujet de discorde est l’évaluationde la propriété intellectuelle ; à ce niveau, les diffé-rences de perception entre l’industrie et les universitéssont de plus en plus difficiles à aplanir.À l’inverse, l’Université de Glasgow, par exemple, a ini-tié en 2010 son programme IP Easy Access, qui vise àassurer aux développeurs un libre accès aux inventionsuniversitaires sur la base de la gratuité. En mars 2011,l’Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Unia soutenu une proposition des universités de Glasgow,Bristol et du King College de Londres visant au déve-loppement d’un consortium d’universités ayant uneapproche similaire à celle de l’Université de Glasgow.L’Université de New South Wales (Australie) et leCERN (Organisation européenne pour la recherchenucléaire) ont eux aussi adopté des versions adaptéesdu programme IP Easy Access.

DES PROCÉDURES LÉGISLATIVESET ADMINISTRATIVES CIBLANT LES PERSONNELSDE LA RECHERCHE ET LES PROFESSEURSD’UNIVERSITÉ

Alors que les universités peuvent s’affranchir des régle-mentations nationales existantes en élaborant leurs

propres règlements en matière de droits de propriétéintellectuelle et des processus internes spécifiques, cer-taines d’entre elles ont expérimenté en se dotantd’autres paramètres. Ainsi, par exemple, certaines uni-versités ont décidé d’accorder un traitement préféren-tiel aux chercheurs désireux de licencier des technolo-gies qu’ils ont eux-mêmes développées. D’autrespermettent à leurs chercheurs de créer de nouvellesentreprises et leur octroient des congés afin qu’ilspuissent s’investir dans des activités de commercialisa-tion. Enfin, certaines universités envisagent deprendre en compte les activités de valorisation deschercheurs dans leurs processus de titularisation.Les universités des pays de l’OCDE sont de plus enplus souvent confrontées à la remise en question de lapropriété intellectuelle par certains étudiants engagésdans la recherche (les étudiants en doctorat représen-tent une part croissante des personnels affectés à larecherche dans les universités). En vue d’éviter la sur-venue de litiges de propriété industrielle entre les étu-diants et l’université, l’Université du Missouri (auxÉtats-Unis) a établi, en 2011, une politique qui per-met généralement aux étudiants de posséder les droitsdes inventions faites dans le cadre de leur travail derecherche.

DE NOUVEAUX MODÈLES DE BUREAUXDE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE

Les gouvernements et les universités ont discuté denouvelles structures d’intermédiation. La plupart deces discussions ont été axées sur le remplacement oul’amélioration des structures et des services de TTO, ycompris des alliances de transfert de technologie(TTA), des modèles basés sur Internet, des modèles àbut lucratif ou encore des modèles d’agences de PI.En raison de la capacité limitée qu’ont la plupart desuniversités de générer suffisamment de revenus pourcouvrir les frais de leur TTO, certains plaident enfaveur d’une mise en commun de ces services sous laforme de TTA. En France, les sociétés pour l’accéléra-tion des transferts de technologie (SATT) visent àréduire la fragmentation des services de transfert detechnologie en les regroupant au niveau régional. Certaines universités ont créé des TTO à financementprivé pour des raisons de coût ou d’efficacité. Ceux-cisont institutionnalisés sous la forme de sociétés à res-ponsabilité limitée. L’idée est que des agents privéspoursuivant des buts lucratifs pourraient être mieuxplacés pour commercialiser les inventions universi-taires. En Israël, la majorité des TTO fonctionneselon un modèle de société à responsabilité limitée, enpartie ou entièrement détenue par les universités. Enplus de son TTO traditionnel, l’Université deStanford a créé une société à responsabilité limitée (laStanford OTL-LLC) afin de permettre au TTO de

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Stanford d’agir en tant que succursale pour le compted’autres universités.Les progrès réalisés en matière de technologies de l’in-formation et de la communication (TIC) ont égale-ment permis l’émergence de mécanismes complètantles structures TTO internes existantes via des plate-formes Internet. Ainsi, la plateforme France-Transfertde Technologie (FTT) a été mise en place et joue lerôle d’une vitrine permettant de faire connaître auxentreprises les meilleures technologies développéestant par les laboratoires de recherche des universitésfrançaises que par les instituts de recherche publics(PRI).Aux États-Unis, les débats en cours suggèrent unnouveau modèle de dévolution de la propriété desinventions aux inventeurs, mais tout en préservant lesdroits de propriété intellectuelle de leurs universités.Les chercheurs peuvent dès lors choisir entre le TTOde leur université et un agent autre (par exemple,dans le modèle de l’agent libre). On peut cependants’interroger sur les limites d’une telle approche, parexemple sur la capacité de la concurrence à bienorienter les performances des TTO ou sur lescontraintes potentielles associées à des bureaux detransfert de technologie (BTT) externes en ce quiconcerne le développement économique régional etlocal.

LES OUTILS ET LES FONDS DE COLLABORATIONEN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Une grande part des brevets universitaires et de ceuxdes instituts de recherche publics reste inexploitée,elle n’est ni utilisée en interne ni détenue à des finspurement défensives, alors même que certains de cesbrevets présentent un réel potentiel commercial. Unefaçon de résoudre la question de ces « brevets dor-mants » est de permettre un accès préférentiel aux bre-vets inexploités. Le CNRS a mis en place le « PR2 –Programme Partenariat renforcé PME de larecherche » grâce auquel des brevets sont proposés auxPME à des conditions préférentielles.La création d’accords de licence standards est elleaussi répandue aujourd’hui parmi les universités etles gouvernements (par exemple, le Lambert Toolbox,au Royaume-Uni, les accords modèles de coopérationen Allemagne, les accords types Schlüter auDanemark, les accords de consortium modèlesDESCA pour les projets financés au titre du 7e

Programme Cadre de Recherche et Développement(PCRD)) pour traiter les difficultés de l’industrie ànégocier des accords de licence avec les PRI. Cesaccords de licence standards impliquent souvent desmodèles d’accords de coopération limitant lesconflits et différends potentiels relatifs à la propriétéindustrielle.

FACILITER L’ACCÈS AUX RÉSULTATSDE LA RECHERCHE PUBLIQUE

L’accès aux résultats de la recherche publique est deve-nu un enjeu majeur. Favorisé par les progrès des TIC,l’instrument politique le plus répandu pour ce faire estl’obligation faite de publier les résultats des recherchesau format numérique. À partir de 2013, les Instituts derecherche en santé du Canada (IRSC) ont adopté unepolitique d’accès ouvert : tous les rapports issus des pro-jets financés par les IRSC sont librement accessibles surle site de l’éditeur lui-même ou dans un dépôt en ligne(cloud) dans les 12 mois suivant la publication. LaNouvelle-Zélande et l’Espagne exigent également lapublication des résultats des recherches financées parl’État au format numérique dans un référentiel en accèslibre. Aux États-Unis, le Bureau de la politique scienti-fique et de la technologie (OSTP) de la Maison Blanchea publié au début de 2013 une note de politique adres-sée aux organismes fédéraux consacrant plus de100 millions de dollars au financement de la recherche,qui leur impose de rendre publics les résultats obtenus,notamment les données scientifiques numériques.Ce libre accès requiert une infrastructure adéquate. LaCommission européenne (CE) a soutenu la construc-tion de référentiels et d’infrastructures ad hoc au traversdes programmes-cadres de recherche et de développe-ment technologique, tels DRIVER et OpenAIRE.

LE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE PUBLIQUEBASEE SPIN-OFF

Certaines universités et certains PRI fournissent lecomplément du financement de la création de start-upen mettant en place leurs propres mécanismes definancement entièrement financés (ou cofinancés) pardes ressources institutionnelles. En Europe, 73 fondsde ce type ont été identifiés. En règle générale, cesprogrammes fournissent également des services deconsultance, des incubateurs, des études de marché etdes prestations de formation (parmi ceux-ci, nouspouvons citer le Seed Fund Chalmers et le GemmaFrisius Funds de KU Leuven).Alors que c’est le capital-risque qui a plutôt tendance àattirer l’attention des décideurs, des sources supplémen-taires de financement, telles que la titrisation (finance-ment basé sur la PI), le corporate venturing, l’angel fun-ding et le crowd funding, se développent également.

CONCLUSION

Les institutions et les infrastructures destinées à sou-tenir les réseaux et les marchés du transfert et de la

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commercialisation des résultats de la recherchepublique sont en cours d’examen dans de nombreuxpays de l’OCDE. Les approches et les modèles tradi-tionnels sont en effet confrontés à des limites consi-dérables, qui pourraient restreindre la commercialisa-tion des résultats de la recherche (parmi ces limites,nous citerons une focalisation excessive sur les cher-cheurs, sur la recherche en sciences naturelles et phy-siques, ainsi que sur la protection de la propriété intel-lectuelle). Pour de futures recherches sur ce thème, un domaineencore relativement inexploré de l’analyse est le rôle quejouent les étudiants actuels et anciens en tant qu’acteursclés dans l’exploitation et la commercialisation desconnaissances produites par les universités. Dans lamême veine, une analyse de l’efficacité et de l’impact desinstruments financiers dédiés au soutien des entrepre-neurs académiques, tels que les fonds d’amorçage uni-versitaires, pourrait aider à améliorer les conditions definancement de la valorisation de la recherche.La question de savoir comment les chercheurs sontincités à participer au transfert de connaissances et à

monnayer celui-ci au sein de leur environnement ins-titutionnel en termes d’allocation de temps, de pers-pectives de carrière, etc., est une autre piste intéres-sante à explorer pour de futurs travaux.

BIBLIOGRAPHIE

[1] OECD, Commercialising public research: NewTrends and Strategies, OECD, Publishing, Paris, 2013. [2] ÅSTEBRO (T.), BAZZAZIAN (N.) &BRAGUINSKY (S.), “Startups by recent universitygraduates and their faculty: Implications for universi-ty entrepreneurship policy”, in Research Policy, vol.41, pp. 663-677, 2012.[3] HOEFER (R.), MAGILL (B.) & SANTOS (F),“Inside the mind of European academic entrepreneurs– Perceptions of ACES finalists about the process ofscience entrepreneurship”, Science Business InnovationBoard, 2013.

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Les filières technologiquesen Europeà l’horizon 2020

Le nouveau programme-cadre européen Horizon 2020 vise àrépondre à la nécessité du renouvellement de notre modèle desociété qu’a mise en évidence la crise économique (mais aussisociale et politique) dont l’Europe souffre depuis près de cinq ans.La recherche et l’innovation sont appelées à jouer un rôle importantdans cette évolution, dont le champ devrait s’étendre au-delà destransformations strictement économiques. Dans ce contexte, le pro-gramme-cadre Horizon 2020 soutiendra un large éventail d’activitésallant de la recherche fondamentale à la mise sur le marché de nou-veaux produits, au développement de nouveaux processus et de

nouveaux systèmes et services y compris en matière d’innovation sociale. Laconception d’Horizon 2020 reflète une évolution marquée du modèle definancement traditionnel, qui favorise une approche fortement pluridiscipli-naire encourageant des interactions entre les différents secteurs et filièrestechnologiques et la diversification des modes d’intervention.

Par Iskren KIRILOV* et Jack METTHEY**

LES POLITIQUES

PUBLIQUES EN FRANCE

ET À L’ÉTRANGER

* Responsable de travaux, direction générale pour la Recherche et l’Innovation, Commission européenne ***.

** Directeur de la direction Programme-Cadre – Relations Interinstitutionnelles – Direction générale pour la Recherche et l’Innovation, Commissioneuropéenne ***.

*** Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles de ses auteurs et ne reflètent aucunement les positions ni des institutions ni des orga-nismes européens auxquels ils sont rattachés, elles ne sauraient engager aucun d’eux.

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HORIZON 2020 : RÉPONDRE À LA CRISE

À l’heure de l’adoption du programme-cadre Horizon2020 par le législateur et du lancement des premiersappels à propositions, le moment nous semble oppor-tun pour mettre en lumière certaines de ses caractéris-tiques principales. Si l’on devait les résumer au moyende cinq mots clés, ceux-ci seraient : simplification,excellence, innovation, compétitivité et partenariat –autant de mots fréquemment entendus lors des négo-ciations interinstitutionnelles et à l’occasion de nom-breux échanges avec des chercheurs, des étudiants, desentrepreneurs et des personnalités politiques. Insérés dans des phrases, prononcées et écrites envingt-quatre langues, ces mots expriment l’essence duprogramme et portent un message sous-jacent com-mun, à savoir donner des éléments de réponse adé-quats à la crise économique (mais aussi sociale et poli-tique) dont l’Europe souffre depuis près de cinq ans. Ces deux facteurs – la crise et la réponse à lui appor-ter – définissent le contexte dans lequel Horizon 2020a été conçu et sont encore présents à la veille de sa

mise en œuvre. C’est à leur aune qu’il faudra apprécierles opportunités et la nécessité d’un véritable renou-vellement de notre modèle de société, qui devra allerau-delà de transformations strictement économiqueset dans lequel la recherche et l’innovation joueront unrôle de premier ordre.

UNE APPROCHE ÉLARGIE DE L’INNOVATION

La stratégie Europe 2020 « pour une croissance intel-ligente, durable et inclusive » s’est fixé cinq grandsobjectifs, dont l’un est d’améliorer les conditions de larecherche et du développement en vue de porter à3 % du PIB le niveau cumulé des investissementspublics et privés dans ce domaine. Cet objectif a étérécemment complété par l’introduction d’un indica-teur d’innovation qui permettra de mesurer les résul-tats de l’innovation en Europe. Cet indicateur est unindice composite, qui quantifie quatre dimensions desrésultats de l’innovation : le nombre de brevets dépo-sés, les compétences, les échanges de biens et de ser-

© Olivier Oslet/EPA-MAXPPP

« La stratégie Europe 2020 “pour une croissance intelligente, durable et inclusive” s’est fixé cinq grands objectifs, dont l’un estd'améliorer les conditions de la recherche et du développement en vue de porter à 3 % du PIB le niveau cumulé des investisse-ments publics et privés dans ce domaine. », Maire Geoghegan-Quinn, commissaire européenne pour la Recherche,l’Innovation et la Science, décembre 2013.

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vices à forte intensité de connaissances et l’emploi,pour ce qui concerne les entreprises à croissance rapi-de. Il a été élaboré dans le droit fil de l’initiative phare« Une Union de l’innovation » dans le but d’aider lesdécideurs politiques dans la création d’un environne-ment propice à l’innovation. Il sera aussi employépour mesurer les progrès réalisés dans la mise enœuvre d’Horizon 2020.Dans ce contexte, le futur programme-cadre soutien-dra un large éventail d’activités dédiées à l’innovation,qui ne se limiteront pas à la mise sur le marché denouveaux produits, mais inclueront aussi les proces-sus, les systèmes et les services, en accordant une placeimportante à l’innovation sociale. En paraphrasant Proust, on pourrait dire que lesdécouvertes ne consistent pas toujours « à chercher denouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ».Autrement dit, les innovations découlent souventd’avancées imprévues ou d’une application nouvellede technologies existantes. Cela explique le choix decette approche élargie de l’innovation pour la mise enœuvre d’Horizon 2020.

LES ENJEUX SOCIÉTAUX

L’approvisionnement en énergie, la raréfaction desressources, l’adaptation au changement climatique, lasanté publique ou les pandémies sont des enjeuxsociétaux se posant à l’échelle planétaire, dont lessolutions requièrent des moyens considérables et uneapproche fortement pluridisciplinaire. Le conceptd’enjeu sociétal n’est pas nouveau, sa concrétisationen tant qu’élément de base pour un futur modèle definancement des activités de recherche se trouve dansla Déclaration de Lund, qui a été adoptée à l’issue dela conférence New world – New solutions, qui fut orga-nisée par la Présidence suédoise du Conseil de l’Unioneuropéenne en 2009.Cette déclaration est à l’origine de la création du troi-sième pilier d’Horizon 2020, celui des Défis sociétaux,qui recouvre de nombreuses activités allant de larecherche à la mise sur le marché et met désormaisl’accent sur les activités liées à l’innovation, telles queles projets pilotes, la démonstration ou les bancs d’es-sai. La création de ce volet fait suite à l’abandon du modè-le traditionnel de financement fondé essentiellementsur une séparation stricte entre disciplines scienti-fiques, dont la rigidité conduisait parfois à un certainmorcellement du savoir-faire et empêchait, par consé-quent, d’exploiter au mieux les bénéfices potentiels dela combinaison de plusieurs champs scientifiqueset/ou filières technologiques.En raison de la portée globale des défis sociétaux, lacoopération internationale a un rôle important àjouer dans la façon de s’y attaquer et d’y répondre.

Horizon 2020 mettra l’accent sur la coopération avectrois principaux groupes de pays : les économiesindustrialisées et émergentes, les pays candidats et lespays voisins, et, enfin, les pays en développement.Cette coopération reposera sur un principe simple,celui de l’existence d’un intérêt commun et de béné-fices mutuels avec les pays concernés, tout en pro-mouvant la coordination et les synergies avec les acti-vités des États membres.

L’EXCELLENCE SCIENTIFIQUE

Dans le cadre d’Horizon 2020, l’excellence est le cri-tère primordial. Les activités conçues pour la stimu-ler directement sont regroupées dans le pilier épony-me Excellence scientifique, qui poursuit quatreobjectifs spécifiques : le renforcement de la rechercheaux frontières de la connaissance dans le cadre desactivités du Conseil européen de la recherche (CER),le renforcement de la recherche dans le domaine destechnologies émergentes et futures, le soutien descompétences, de la formation et de l’évolution descarrières dans le cadre des actions Marie Sklodowksa-Curie et la consolidation des infrastructures derecherche européennes, notamment des infrastruc-tures en ligne.Bien que les États-Unis et l’Europe investissent desmontants comparables en termes de soutien public,les chercheurs européens reçoivent à titre individuelconsidérablement moins de fonds que leurs homo-logues américains, l’Union comptant trois fois plus dechercheurs relevant du secteur public. En outre, cesecteur n’offre pas toujours aux meilleurs chercheursdes conditions suffisamment attractives, ce qui estnotamment préjudiciable pour les jeunes chercheursde talent qui doivent souvent attendre de trop longuesannées pour devenir des scientifiques indépendants àpart entière (c’est là un des problèmes – parmid’autres – auxquels il convient de s’attaquer).

LA COMPÉTITIVITÉ EUROPÉENNE

Dans le contexte d’une concurrence internationaleaccrue, notamment de celle des économies émer-gentes, la compétitivité européenne doit impérative-ment être renforcée en prenant appui sur une basetechnologique solide et sur de fortes capacités indus-trielles. Le volet Leadership industriel du programmecadre a pour but de soutenir des investissements d’en-vergure dans des technologies industrielles clés, d’op-timiser le potentiel de croissance des entreprises euro-péennes en leur fournissant des niveaux definancement suffisants et d’aider les PME innovantesà devenir des acteurs majeurs sur le plan mondial.

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Horizon 2020 préconise l’intégration de la rechercheet de l’innovation en continu tout au long de la chaî-ne de production de valeur (de l’idée jusqu’au produitcommercialisable). Afin de s’affranchir des cloisonne-ments traditionnels entre secteurs, qui peuvent entra-ver cette approche intégrée pour toutes les technolo-gies génériques et industrielles, dont les technologiesclés génériques, l’un des principaux objectifs sera celuid’encourager les interactions entre les différents sec-teurs et les filières technologiques, ainsi qu’entre ceux-ci et les applications relevant du volet des Défis socié-taux.

DES PARTENARIATS VISANT À LA FOISUNE RELANCE DE L’ÉCONOMIEET UNE TRANSFORMATION STRUCTURELLEÀ PLUS LONG TERME

Un des enseignements de la crise économique actuel-le en Europe est que c’est seulement en unissant leursforces que les Européens pourront relever les défis quise posent à eux et réaliser les avancées dont la sociétéeuropéenne a besoin. Cette leçon a contribué à ren-forcer et à élargir la politique des partenariats, parmilesquels les partenariats avec le secteur privé prenant laforme d’initiatives technologiques conjointes (ITC)méritent une attention spéciale, en raison de l’am-pleur des investissements engagés et de l’envergure desobjectifs décidés d’un commun accord avec les parte-naires privés. Ces partenariats font partie d’un ensemble de mesuresadopté par la Commission le 10 juillet 2013 (1), quireprésente un investissement total de 22 milliardsd’euros (dont 8 milliards provenant d’Horizon 2020(2)), quelque 10 milliards d’euros d’investissementapportés par l’industrie et près de 4 milliards d’eurosémanant des États membres), générant ainsi un effetde levier d’une puissance considérable. Cette proposi-tion de mesures vient répondre à un appel du Conseileuropéen qui, dans ses conclusions du 8 février 2013(3), a insisté sur l’importance de concentrer lesdépenses du prochain cadre financier pluriannuel (le

budget européen pour la période 2014-2020, dontHorizon 2020 fait partie) sur la croissance, l’emploi etla compétitivité.La nouvelle génération des ITC couvre un large éven-tail de secteurs technologiques, dont le dénominateurcommun est leur caractère stratégique pour l’industrieeuropéenne tout en étant une source d’emplois àhaute valeur ajoutée. Il s’agit :• d’Initiative en matière de médicaments innovants-2, dont le but est d’améliorer la santé et le bien-êtredes citoyens européens en mettant au point desméthodes de diagnostic plus précises et des médica-ments plus efficaces (par exemple, pour lutter contrela maladie d’Alzheimer ou intervenir dans desdomaines délaissés par le marché, tels que la mise aupoint d’antimicrobiens pour répondre au développe-ment de la résistance aux antibiotiques) ;• de Piles à combustible et à hydrogène-2, qui vise àdévelopper des solutions propres et commercialementviables utilisant l’hydrogène comme source d’énergie,ainsi que des piles à combustible en tant que conver-tisseurs d’énergie ;• de Clean Sky-2, dont l’objectif est de diminuerconsidérablement l’impact environnemental de laprochaine génération d’aéronefs, grâce notamment àune réduction des émissions de CO2 et de NOx, ainsique des niveaux sonores ;• de Bio-industrie, qui vise à développer de nouvelleschaînes de valeur biologiques compétitives venant sesubstituer aux combustibles fossiles tout en ayant desretombées importantes pour le développement rural(c’est à l’heure actuelle la seule ITC entièrement nou-velle à avoir été proposée dans le cadre d’Horizon2020) ;• de Composants et Systèmes électroniques, enfin,qui vise à maintenir l’Europe à la pointe de larecherche en ce qui concerne les composants et les sys-tèmes électroniques en favorisant leur commercialisa-tion (cette ITC rassemble ARTEMIS et ENIAC, éta-blies respectivement dans les domaines de lananoélectronique et des systèmes embarqués).Toutes ces ITC, dont la conception se fonde sur l’ex-périence acquise au titre du septième programme-cadre, présentent de multiples avantages. Toutd’abord, elles constituent des moyens efficaces pours’attaquer aux défaillances du marché résultant desincertitudes inhérentes aux investissements dans larecherche et l’innovation. Les ITC fournissent en effetun cadre juridique stable pour des engagements finan-ciers et opérationnels de long terme basés sur une stra-tégie commune et sur des objectifs clairement définiset mesurables à l’aide d’indicateurs de performance. En améliorant l’efficacité du financement et de l’usa-ge des ressources et des infrastructures, elles permet-tront de mieux répondre à des enjeux majeurs dont lacomplexité dépasse les capacités d’entreprises indivi-duelles. En couvrant des chaînes de création de valeurplus longues, elles vont aussi accélérer la commerciali-

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(1) Innovation Investment Package (IIP) – Train de mesures d’investisse-ment en faveur de l’innovation composé de 5 propositions de partenariatspublic-privé (Initiatives Technologiques Conjointes au sens de l’art. 187du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)), 4 pro-positions législatives de partenariats public-public (pour la mise en œuvreconjointe des programmes nationaux de recherche au sens de l’art. 187 duTFUE) et de l’extension du SESAR (Single European Sky ATM Research)au moyen d’un amendement au règlement du Conseil relatif à l’instaura-tion du SESAR.

(2) Il est à noter que ce montant correspond à la proposition de laCommission, la fixation du montant définitif relevant de la décision deslégislateurs.

(3) http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/135363.pdf

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sation des produits et des technologies innovants touten favorisant la participation de PME. À cet égard, ilest à noter que leur participation dans les ITC exis-tantes est déjà supérieure à celle de l’ensemble desautres projets du septième programme-cadre. Les nouvelles ITC bénéficieront des simplificationssubstantielles apportées par Horizon 2020 (4), dontles règles de participation leur sont applicables (lesexceptions n’étant que très limitées et devant êtredûment justifiées). La prévisibilité qui résulte de cetteapplication uniforme devrait attirer davantage decentres de recherche, d’universités et de PME, quisont parmi les principaux bénéficiaires des appels àpropositions et auxquels, par ailleurs, la majeure par-tie du budget européen sera destinée. La gouvernance des ITC sera également amélioréeafin de faciliter l’accès de nouveaux partenaires et derenforcer les synergies, d’un côté, entre les actions del’Union (notamment avec les mécanismes de soutienau déploiement des Fonds structurels et d’investisse-ment) et, de l’autre, entre ces mêmes actions et lespolitiques des États membres et de leur régions dansle but d’optimiser l’incidence des investissements surla compétitivité, ce qui revêt une importance particu-

lière dans le contexte actuel de restrictions budgé-taires. Le lancement de ces nouvelles ITC constitue parailleurs une contribution directe à la mise en œuvred’une stratégie industrielle nouvelle, dont le but estd’inverser la tendance à l’affaiblissement du rôle jouépar l’industrie en Europe, en faisant passer la part dece secteur dans le PIB de son niveau actuel, qui estd’environ 16 %, à 20 % d’ici à 2020. Cette mêmestratégie vise aussi à freiner les délocalisations en res-taurant l’attractivité de l’Europe en tant que lieu deproduction. À l’évidence, son succès doit s’inscriredans le contexte d’une collaboration étroite entre lesautorités publiques et le secteur industriel, une colla-boration dont les ITC sont de bons exemples. Outre les ITC, d’autres formes de partenariat serontcréés au titre du nouveau programme-cadre tant avecles partenaires industriels (plates-formes technolo-giques européennes et partenariats public-privécontractuels) qu’avec les États membres, comme lamise en œuvre conjointe des programmes nationauxde recherche en vertu de l’article 185 du traité sur lefonctionnement de l’Union européenne (TFUE) enmatière d’essais cliniques, de métrologie, de soutien àdes PME à forte intensité de recherche et d’usage destechnologies de l’information dans l’assistance à la vieactive (5).

(4) Dans le programme-cadre Horizon 2020, les mesures de simplificationvisent trois objectifs de portée générale : réduire les coûts administratifspour les participants, accélérer l’ensemble des processus liés à la gestion despropositions et des subventions, et réduire le taux d’erreurs financières. (5) Pour plus d’information, voir : http://www.ec.europa.eu/horizon2020

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E n France, nous avons souvent l’impressiond’avoir pris du retard en matière de recherchepartenariale et nous envions parfois les disposi-

tifs étrangers tout en essayant de les reproduire dansun format adapté à notre propre territoire. Or, en yregardant de plus près, nos concurrents sur la placemondiale ne campent pas sur leurs acquis, mais sontcomme nous en perpétuelle recherche de nouveauxoutils pour rapprocher l’industrie de la recherchepublique et sont eux aussi en quête d’amélioration oude redynamisation de l’existant.

ET SI LA QUESTION CRUCIALE ÉTAIT AVANTTOUT DE RESTER DANS UNE DYNAMIQUE,DE CHANGER RÉGULIÈREMENT DE MÉTHODEET DE DISPOSITIFS POUR INSUFFLERDE NOUVEAUX ÉLANS ?

Les initiatives mises en œuvre pour favoriser les trans-ferts de technologies et la recherche dans le cadre departenariats entre le secteur public et le privé relèventde quelques grandes catégories. Il est clair que la miseen place de services de valorisation de la recherchedans les universités et les organismes ad hoc est indis-pensable, c’est ce qui a été fait un peu partout dans lemonde. Mais cela ne suffit pas pour inciter à s’y asso-

La recherche partenariale,en France et ailleurs :des paysages en évolutionconstante

L’innovation joue un rôle important dans la compétitivité des entre-prises, c’est la raison pour laquelle les États stimulent le partage dela recherche avec les entreprises. Cela permet d’accélérer la traduc-tion des avancées réalisées dans les connaissances en de nouveauxproduits. À l’instar d’autres pays, la France a, au cours de ces der-nières années, mis en place de nombreux dispositifs visant à rap-procher le monde académique des entreprises en vue de dévelop-per la recherche partenariale.

Par Sacha KALLENBACH * et Joël JACQUET **

LES POLITIQUES

PUBLIQUES EN FRANCE

ET À L’ÉTRANGER

* Inspectrice générale de l’Administration de l’Éducation nationale et dela Recherche.

** Professeur à Supélec, directeur Scientifique de Captoor.

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cier des entreprisesqui n’ont pas forcé-ment au départ deculture de la rechercheet/ou de l’innovation. L’adoption d’une stra-tégie définie par l’in-novation devient pourdes entreprises depetite taille beaucoupplus complexe à gé -rer ; or, en France, lataille des PME est enmoyenne plus ré duiteque celles cons tituant,en Allemagne, leMittlestand. Les instituts derecherche sont d’unaccès aisé pour degrands groupes quisont déjà inscrits dansune démarche d’openinnovation. Mais ilsn’attirent pas sponta-nément des entre-prises plus modestes.C’est pourquoi desinitiatives de sensibili-sation et de facilita-tion sont prises au tra-vers de la mise enréseau et de l’accès àdes mesures simplescomme le finance-ment de thèses por-tant sur un sujet d’intérêt pour l’entreprise. Le travaild’incitation et de soutien à l’innovation réalisé par lespôles de compétitivité au profit des PME peut à cetitre être souligné. Loin de privilégier un outil par rapport à d’autres, laplupart des pays que nous avons étudiés mettent enœuvre simultanément plusieurs de ces démarches, quenous nous proposons de passer en revue.

DES INSTITUTS DE RECHERCHE DÉDIÉS À LA RECHERCHE POUR LES ENTREPRISES

Les instituts de recherche appliquée néerlandais, finnoiset allemand ont été créés respectivement dès 1932,1942 et 1949. Ils développent des projets de rechercheappliquée répondant aux besoins des industriels et, plusgénéralement, à ceux de l’ensemble de la société. Leurfinancement provient en grande partie de contratsindustriels ou de contrats collaboratifs, avec seulementun tiers de ressources publiques. Ces instituts (ou ces

sociétés) ont servi demodèle à de nombreuxpays comme la Franceavec les InstitutsCarnot (2006) ouencore l’initiative CEATech (2012), laGrande-Bretagne avecCatapult, en 2009, leBrésil avec EMBRA-PII, en 2011, ou lesÉtats-Unis avec lesIndustry/UniversityCollaborative ResearchCenters, qui ont étéinstitués en 1996. La capacité de réponsede ces instituts auxdemandes des indus-tries et plus globale-ment de la société estquestionnée en per-manence et celaengendre des réorga-nisations, des ferme-tures de laboratoires etla mise à l’essai denouveaux modes d’in-tervention. À titred’exemple, le TNOnéerlandais a entière-ment revu son organi-sation en 2011, en lastructurant autour desept thèmes présen-tant un enjeu sociétal.

Disposer d’un institut de pointe ne suffit pas pour dif-fuser l’innovation auprès des petites entreprises. Aussi,afin d’attirer davantage les PME ou les créateurs d’en-treprises, le TNO a lancé une initiative originale bapti-sée « Technologie cherche entrepreneur ». L’institutpublie de façon succincte des descriptifs de technolo-gies et des idées sur Internet et organise chaque annéeun événement au cours duquel sont présentés des pro-jets de développement de ces technologies par des cher-cheurs. Les entreprises ou les créateurs intéressés peu-vent demander à disposer d’un dossier approfondi etproposer leur propre idée d’application. Si leur projetest retenu, ils bénéficient du financement d’une étudede faisabilité puis, lors d’une étape ultérieure, ils peu-vent concourir pour l’obtention d’une aide au dévelop-pement. Cette méthode de transfert est intéressante, carsi elle présente des points communs avec les dispositifsde création d’entreprise que nous connaissons enFrance, elle s’en distingue par le fait que le chercheurn’est pas lui-même le créateur d’entreprise, même s’ilest associé à la démarche de création. Il faut néanmoinsbien reconnaître qu’il est rare qu’une seule personne

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LES POLITIQUES PUBLIQUES EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER

© Institut Carnot

« Les instituts de recherche appliquée néerlandais, finnois et allemandont été créés respectivement dès 1932, 1942 et 1949. Ils développentdes projets de recherche appliquée répondant aux besoins des industrielset, plus généralement, à ceux de l’ensemble de la société. Leur finance-ment provient en grande partie de contrats industriels ou de contratscollaboratifs, avec seulement un tiers de ressources publiques. Ces insti-tuts (ou ces sociétés) ont servi de modèle à de nombreux pays comme laFrance avec les Instituts Carnot (2006). », logo des Instituts Carnot.

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réunisse tous les talents nécessaires à la réussite d’unestart-up, à savoir posséder les connaissances et la créati-vité scientifiques nécessaires, le sens du marché et d’in-dispensables qualités managériales.

LES CLUSTERS MIXTES

La mise en réseau d’entreprises et de laboratoirespublics relevant d’un même secteur peut accélérer lacirculation et le partage d’idées et de projets. La plu-part des pays disposent de clusters qui peuvent avoirété créés soit à l’initiative des acteurs (comme enSuède), soit (le plus souvent) à la demande des pou-voirs publics. Dans la plupart des cas, contrairementaux pôles de compétitivité français, ces clusters bénéfi-cient non pas d’un soutien financier de la part des pou-voirs publics, mais de l’attribution d’un label de quali-té. Il est intéressant de remarquer que les États-Unis,dont la Silicon Valley a servi de modèle pour dévelop-per le concept partout dans le monde, ont tout récem-ment lancé à leur tour des clusters d’innovation régio-nale (RIC). À ce jour, 56 de ces réseaux répartis dans48 États bénéficient de financements fédéraux.Les pôles de compétitivité allemands, lesKompetenznetze, ont été lancés par le ministère del’Industrie dès 1999 pour favoriser la mise en réseau etl’ancrage régional des entreprises. Il s’agissait d’un labelde qualité très convoité. Par la suite, en 2008, le ministè-re en charge de la Recherche lançait les Spitzenclusterspour favoriser la recherche en partenariats public-privéavec l’octroi d’une dotation quinquennale. Au total,15 de ces projets ont été retenus à l’issue des trois appelsà projets qui ont été lancés. Après avoir procédé à uneévaluation du dispositif, il a été décidé en 2012 de mettrefin aux Kompetenznetze et de lancer un nouveau pro-gramme de labellisation appelé Go-cluster, qui est desti-né à rapprocher les clusters relevant de ces deux minis-tères (Un rapprochement qui n’est pas allé sans susciterdes protestations de la part des clusters existants). Eneffet, si 65 d’entre eux, qui avaient participé à des études,ont été attributaires d’office du nouveau label, les autresont du se soumettre à une nouvelle sélection basée surdes critères de qualité se rapportant à la structure et à lacomposition de leur cluster, à sa gestion et à son pilotage,à ses activités et programmes communs, ainsi qu’à sa vis-ibilité et à son impact. Aujourd’hui, un portail uniquecommun aux ministères en charge respectivement del’Industrie et de la Recherche met en valeur l’ensembledes clusters allemands.

LES CHAIRES INDUSTRIELLES

Une autre forme de coopération particulièrementintéressante est celle des chaires industrielles qui

associe les entreprises et les établissements d’ensei-gnement supérieur et de recherche autour d’un pro-gramme non seulement de recherche, mais aussi deformation. Le système des chaires industrielles per-met de répondre rapidement aux demandes desindustriels et, selon les pays, ces chaires peuvent êtreentièrement financées par ceux-ci ou bénéficier desoutiens publics. Ce système, qui se répand rapide-ment en France à la fois dans les écoles d’ingénieurset dans les universités, est pratiqué depuis long-temps par nos voisins allemands et nord-américains.Pour l’établissement de recherche et de formationdisposant de telles chaires, le bénéfice qu’il en retiretient au financement de recherches à moyen termesur des sujets porteurs pour lesquels un besoin deformation émerge. Il s’agit aussi pour ces chairesd’attirer de jeunes talents et de leur offrir de bonnesconditions de travail avant de leur proposer despostes de permanents. Pour l’entreprise, c’est l’assu-rance de bénéficier d’une infrastructure derecherche de haut niveau comportant des cher-cheurs à la pointe de la recherche dans leur domai-ne. C’est aussi une façon de minimiser les risquessur un sujet en n’engageant un financement que surune durée limitée. Quand une telle chaire arrive àson terme (soit en raison de sa nature intrinsèque-ment temporaire, soit en raison de l’atteinte de sonobjectif ), trois cas de figure se présentent générale-ment : le renouvellement du partenariat, son inter-nalisation au sein de l’université ou, enfin, l’arrêtdu programme.

LES PLATEFORMES TECHNOLOGIQUES

De plus en plus d’initiatives des pouvoirs publics inci-tent à la mise en place de structures permettant le par-tage d’équipements de recherche. C’est le cas notam-ment en Corée avec les hubs tri-partenariaux quiassocient des instituts de recherche, des universités etdes entreprises. Aux États-Unis, 15 instituts d’innova-tion manufacturière (MMI) vont être mis en placesous la forme de partenariats public-privé. Le premierde ces projets (destinés à devenir des plateformesrégionales d’excellence dans des domaines de pointe)à avoir été retenu était porté par l’Université deYoungstown, dans l’Ohio. Après avoir été évalué avecsuccès, son programme est en cours d’extension.L’objectif de ces plateformes est d’être des points deconvergence multidisciplinaires permettant à la fois ladéfinition de nouveaux modes de production de pro-duits existants et, surtout, le développement de nou-veaux produits que rendent possibles les technologiesavancées. La création de plateformes technologiquespartagées est également une mesure qui facilite l’enga-gement des PME dans une démarche d’innovation etqui permet aux équipes de recherche du public et du

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privé de se côtoyer. Pour ne pas dissocier l’innovationdes usages des produits qu’elle permet de créer, il estimportant d’associer un large spectre d’acteurs commela communauté éducative mais également des socio-logues.

LES DYNAMIQUES D’HOMMES ET DE FEMMESÀ L’ORIGINE DE L’INNOVATION

La recherche est avant tout l’affaire d’hommes et defemmes dotés de curiosité et de talent. Ils constituenten effet le principal vecteur des transferts et des rap-prochements entre les entités publiques et privées. Iln’est donc pas surprenant de constater que les pro-grammes les plus appréciés concernent les thèses réa-lisées en entreprise, qui peuvent à la fois servird’amorces pour un premier partenariat ou devenirune modalité de collaboration s’inscrivant dans ladurée. Si dans nombre de pays, les industriels finan-cent spontanément des thèses sur un programmecommun avec un laboratoire public sans interventionde l’État, dans d’autres (comme au Canada, en Franceet au Danemark), ils bénéficient d’aides incitatives.C’est au Danemark qu’une évaluation a démontré quece type de programme d’aide à l’innovation était leplus efficace. Alors que cette forme de coopérationentre le secteur public et le privé est très répanduedans le monde entier, il est surprenant d’apprendrequ’aux États-Unis très peu de thèses sont financéespar des entreprises.Au-delà des divers dispositifs qui, nous l’avons vu,sont peu ou prou les mêmes un peu partout dans lemonde, il subsiste une grande différence entre laFrance et des pays comme l’Allemagne et les États-Unis en ce qui concerne les parcours des chercheurs.Chez nous (en France) les chercheurs sont orientésdès le début de leur carrière soit vers le public soitvers le privé, et l’on observe peu d’allers-retoursentre les deux, alors qu’en Allemagne, il n’est pasinhabituel de voir un chercheur revenir comme pro-fesseur d’université après une période en entreprise,et par la suite de repartir dans le privé. La dualitérecherche industrielle (privée)/recherche fondamen-tale (publique) existant en France a conduit pen-dant de nombreuses années à une opposition entreces deux mondes. Cette divergence quasi culturellede la vision que l’on a en France de la recherche estaccentuée par le statut relativement privilégié dontbénéficient ses chercheurs académiques. Leursconditions de travail confortables et la forte recon-naissance qui leur est manifestée font que la mobi-lité des chercheurs français vers le monde industrielest assez rare, alors même que la création d’entrepri-se est vue comme le seul débouché valorisant pourbeaucoup de leurs homologues chercheurs dans lemonde.

LE SOUTIEN PUBLIC AUX PROJETSDE RECHERCHE COLLABORATIFS

La réunion du monde industriel et du monde acadé-mique s’opère souvent autour d’un projet d’innova-tion structuré comme ceux qui sont financés enFrance par l’Agence Nationale de la Recherche et parle Fonds Unique Interministériel. Dans le monde, ilexiste peu d’agences proposant des appels à projetss’adressant spécifiquement à la recherche collaborativeen tant que moyen dédié à des rapprochementspublic-privé, nous pouvons quand même citer le casdu Technology Strategy Board britannique ou de laJapan Science and Technology Agency. Bien que l’inci-tation soit louable, l’attrait du financement risqued’induire un ajustement artificiel du projet et deslivrables aux critères de sélection appliqués par lesjurys et de détourner ainsi les partenaires de leur véri-table objectif commun. Ce risque est évité par le sys-tème retenu par les Pays-Bas, où l’État verse 25 cen-times aux consortiums TKI (Top Consortia forKnowledge and Innovation) pour chaque euro investipar les chercheurs et entreprises membres desditsconsortiums.

LES UNITÉS DE RECHERCHE ASSOCIANTUNE ENTREPRISE ET DES CHERCHEURS PUBLICS

Ce mode de coopération qui s’inscrit dans le longterme est assez développé aux États-Unis et se déve-loppe de plus en plus en France, surtout avec leCNRS et le CEA. Pour stimuler ce type de mixité auBrésil, l’implantation de laboratoires au sein desentreprises a été fixée comme un des objectifs desInstituts de recherche d’excellence. La Corée du Sudva, quant à elle, beaucoup plus loin en mettant enplace un programme de campus-complexes industrielsvisant à intégrer totalement la formation universitaire,la recherche et l’emploi, l’idée centrale étant de formerdirectement sur le lieu de travail.C’est à partir du constat selon lequel pour rester dansla course de l’innovation il fallait pouvoir mobiliserrapidement des compétences très variées, que leconcept d’innovation ouverte s’est progressivementdéveloppé dans le monde entier. Devant l’enjeu de lacompétitivité et de l’emploi, les États ont mis en placedes dispositifs d’incitation et d’accompagnement de larecherche, et redoublent de créativité pour inciter lesentreprises et les laboratoires publics à nouer des colla-borations fructueuses. Nous l’avons vu, les pays lesplus en avance en matière de recherche industrielle àun moment donné de leur histoire ne peuvent se dis-penser de remettre en question leurs dispositifs. Et ilne fait pas de doute, que nous verrons encore des ini-tiatives originales se développer dans les années à venir.

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UN CONTEXTE PLUTÔT FAVORABLE

Au Royaume-Uni, la recherche académique se portetrès bien : selon les derniers chiffres disponibles (1),

et avec une population représentant moins de 1 % dela population mondiale, le Royaume-Uni produit6,4% des articles à comité de lecture, faisant l’objetde 11,6 % des citations et représentant près de 15 %des publications à haut facteur d’impact. LeRoyaume-Uni se situe donc parmi les tout premierspays du classement mondial. Au niveau européen, lesBritanniques se classent en deuxième position derriè-re l’Allemagne, pour la part des crédits du7e Programme-Cadre de Recherche et Dévelop -pement (PCRD), et le Royaume-Uni est le premierpays d’accueil des European Research Council Grants(ERC).

Les aides à l’innovationet la recherchepartenariale au Royaume-Uni

Le Royaume-Uni dispose d’une recherche académique d’excellencemondiale et se classe en deuxième position derrière l’Allemagnepour la part des crédits alloués au titre du 7e Programme-Cadreeuropéen de Recherche et Développement.Et, en 2011, le financement privé de la R&D s’est établi en Grande-Bretagne à 17,4 milliards de livres.Par tradition, le monde académique britannique n’est pas très portésur la recherche appliquée. Cependant, depuis une dizaine d’années, uneffort conséquent a été consacré par les pouvoirs publics aux relations uni-versités/entreprises avec pour objectif de faciliter le passage des technologiesclés du laboratoire vers le marché. Sous l’effet de cet effort et de la créationrécente d’un crédit impôt recherche des résultats sont déjà perceptibles en lamatière.

Par Cyrille VAN EFFENTERRE*

LES POLITIQ

UES

PUBLIQUES

EN FRANCE

ET À

L’ÉTRANGER

* Conseiller pour la Science et la Technologie – Ambassade de France auRoyaume-Uni.

(1) Source : Elsevier.https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/263729/bis-13-1297-international-comparative-performance-of-the-UK-research-base-2013.pdf

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Les facteurs expliquant cet état de fait ne sontd’ailleurs pas d’ordre financier : le Royaume-Uni neconsacre, toutes sources confondues, que 27,4 mil-liards de livres par an à la R&D (chiffre 2011), soit1,8 % de son PIB (à comparer à 2,3 % pour la France). L’efficience des crédits publics britanniques doit doncêtre recherchée ailleurs, dans une véritable traditiond’autonomie des universités, dans leur attractivitéinternationale et dans l’application du « principe deHaldane », qui stipule que la recherche fondamentalen’a pas à être « orientée », mais doit être guidée par lacuriosité (curiosity driven) et que son financement,fondé sur des critères de performance et d’excellenceinternationale, doit être déterminé uniquement parles pairs à travers des fonds strictement compétitifs.En 2011, le financement privé de la R&D s’est établien Grande-Bretagne à 17,4 milliards de livres, l’inves-tissement privé total s’élevant, quant à lui, à 1,1 % duPIB. À ces budgets privés s’ajoutent les dépenses enR&D des fondations et des associations caritatives,qui sont très actives au Royaume-Uni (pour plus d’unmilliard de livres). Les secteurs qui investissent le plus dans la rechercheet le développement sont principalement les indus-tries pharmaceutiques (4,9 milliards), les secteurs del’information et de la communication (1,8 milliardsans tenir compte des télécommunications), l’auto-mobile (1,5 milliard), l’aérospatial (1,4 milliard) et lestélécommunications (1,1 milliard).Enfin, à l’aval, du côté de l’environnement écono-mique, le Royaume-Uni considère disposer de mar-chés flexibles et d’un environnement favorisant lacréation et le développement des entreprises (dérégu-lation, baisse des taxes, facilitation des créations). Ilserait classé deuxième du G7 en matière d’efficacité deces mesures horizontales (c’est-à-dire non fléchées surdes secteurs particuliers) se revendiquant du libéralis-me, du libre-échange et de l’économie de marché.

UNE POLITIQUE RÉCENTE EN MATIÈRE D’AIDESÀ L’INNOVATION

Par tradition, le monde académique britannique n’estpas très porté sur la recherche appliquée et leRoyaume-Uni n’a jamais été très fier de ses perfor-mances en matière d’innovation et le développement.C’est bien au milieu de cette « Vallée de la mort »(Valley of Death) qu’il manque le troisième pilier dupont, qui vise à faciliter le passage des technologiesclés du laboratoire vers le marché. Les secteurs d’acti-vité où la Grande-Bretagne est forte (industries de lacréation, services financiers, construction, servicesInternet...) se caractérisent en effet par de très faiblesniveaux de R&D. L’aversion au risque, dont souffre laGrande-Bretagne, serait une des causes expliquant cepaysage particulier.

Néanmoins, un effort conséquent a été consacré à cesegment des relations universités/entreprises depuisune dizaine d’années. Il a tout d’abord été engagé parles gouvernements travaillistes de Tony Blair et deGordon Brown, puis renforcé par la crise de 2008,avant d’être intensifié par le gouvernement Camerondans l’optique de participer au redressement écono-mique rapide du pays et à la création d’emplois.On peut distinguer deux principes généraux qui sesont progressivement mis en place dans l’action dugouvernement britannique en matière de recherche etdéveloppement.Le gouvernement britannique revendique aujourd’huile fait d’avoir de plus en plus une véritable stratégieindustrielle fondée sur l’identification et la priorisa-tion des moyens publics alloués à des secteurs deshautes technologies. L’idée est d’être l’un des leadersmondiaux, voire le leader mondial, dans un champplus réduit de domaines bien choisis, et ce en fonctionde trois caractéristiques :• être adossés à des compétences scientifiques britan-niques de niveau mondial,• bénéficier d’avantages comparatifs et d’un potentielde développement,• enfin, disposer d’ores et déjà d’un tissu industriel quisoit capable de valoriser l’innovation.La dernière expression en date de cette approche estl’identification des Height Great Technologies (HGT)par le ministre chargé de la Science, David Willetts,lesquelles ont été dotées par le Chancelier de l’Échi-quier, George Osborne, de financements spécifiques,fin 2012. Ces HGT sont : • le big data,• les satellites et les applications spatiales,• la robotique et les systè�mes autonomes,• la biologie synthé�tique,• la médecine régé�né�rative,• les agrosciences,• les matériaux avancés et les nanotechnologies,• l’énergie et son stockage.Cette identification s’est accompagnée à partir de2011 de l’adoption de différentes Stratégies, ces docu-ments gouvernementaux qui ont été établis à la suitede larges concertations menées au sein des secteurséconomiques concernés. Il s’agit :• de la Stratégie pour les sciences du vivant (2011),• de la Stratégie pour les technologies agricoles (2013),• de la Stratégie pour le numérique (2012),• de la Stratégie pour l’open data (2012),• de la Stratégie pour l’énergie nucléaire sur le longterme (2013),• de la Stratégie industrielle du secteur de l’économiede l’information (2013),• des Feuilles de route (Roadmaps) pour la médecinerégénérative (2012) et pour la biologie de synthèse(2011),• enfin, pour la seule Angleterre, du Programme desanté, qui vise à améliorer l’exploitation des données

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LES PO

LITIQUES PUBLIQUES EN FRANCE ET À L’ÉTR

ANGER

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génomiques (entreprises de la biologie et de la bioin-formatique).L’intervention publique est fondée sur deux critèreséconomiques incontournables, un taux de retour surinvestissement favorable et un financement mixte,variable selon les outils de partenariat sollicités.

LES OUTILS ET LES AIDES PUBLIQUES

La plus importante structure d’aide à l’innovation bri-tannique est le Technology Strategy Board (TSB), uneagence de l’innovation gouvernementale créée par lesTravaillistes en 2009 et qui a vu son influence finan-cière et stratégique grandir fortement depuis sa créa-tion, avec un budget qui s’élève aujourd’hui à440 millions de livres.Cet organisme est notamment chargé :• des Knowledge Transfert Networks (KTN) (2), qui,dans des domaines clés, facilitent le regroupement etla collaboration des acteurs de l’innovation. À ce jour,le nombre de ces réseaux est de 15, et ils sont tousimpliqués dans des réseaux de réseaux,• des Knowledge Transfer Partnerships (KTP) (3), dont lafinalité est d’aider une entreprise à répondre à une ques-tion technologique très ciblée en identifiant des solutionsinnovantes qui permettront à cette entreprise de croître(on dénombre plus de 700 de ces partenariats en cours),• de la Small Business Research Initiative (SBRI) (4),qui vise à contribuer à la croissance des PME techno-logiques à l’occasion notamment de marchés publics,• enfin, et surtout, des Catapult Centres (5), qui sont descentres de technologie et d’innovation au sein desquelsles secteurs privé et public collaborent (au nombre desept actuellement, ils seront neuf à la fin 2014). Le Technology Strategy Board a prévu d’investir plus de200 millions de livres dans ces Catapult Centres, quisont des partenariats public/privé impliquant, à desdegrés divers, des universités et des acteurs écono-miques, avec un business model cible constitué d’untiers de financements publics, un tiers de finance-ments privés et un tiers en ressources propres généréespar leurs activités.Les Catapult Centres existants aujourd’hui sont :• le High Value Manufacturing Catapul Centre,• le Cell Therapy Catapult Centre,• le Future Cities Catapult Centre,• le Connected Digital Economy Catapult Centre,• l’Offshore Renewable Energy Catapult Centre,

• le Satellite Applications Catapult Centre,• et, enfin, le Transport Systems Catapult Centre.Et, bientôt seront créés : • l’Energy Systems Catapult Centre,• et l’Energy for Stratified Medicine Catapult Centre.En complément, d’autres technologies émergentesmoins matures ont été identifiées comme prioritaireset ont bénéficié, en conséquence, de financement spé-cifiques (biologie de synthèse, graphènes…).Par ailleurs, le gouvernement travailliste avait égale-ment lancé en 1998 (grâce à une dotation de 200 mil-lions de livres provenant du Loto national !) unestructure spécialisée, le National Endowment forScience, Technology and the Arts (NESTA), destinée à« soutenir et promouvoir le talent, l’innovation et lacréativité dans les domaines de la science, de la tech-nologie et des arts ». Transformée en charity par legouvernement conservateur (et aujourd’hui un peumoins en odeur de sainteté), cette structure sert delaboratoire d’idées autour de la formation et la com-munication, et traite, par exemple, d’innovationsociale et d’économie solidaire.S’agissant, enfin, des aides financières à l’innovationciblée sur les universités, il faut d’abord rappeler que lefinancement de l’enseignement supérieur constitue enGrande-Bretagne une mission dévolue aux quatrerégions constituant le pays (l’Angleterre, le Pays-de-Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord) et que chacunede ces grandes régions a développé des dispositionsplus ou moins spécifiques. Ainsi, l’organisme de finan-cement des universités anglaises (le High EducationFund Council for England) a mis en place pour trois ansun fonds spécial dédié à l’innovation (le ResearchPartnership Innovation Fund), doté initialement d’unbudget de 300 millions de livres et dont les aides doi-vent être « matchées » entre le public et le privé (avecun ratio de 1 livre de financement public pour 2 livresde financement privé). Le succès rencontré par cesdeux appels à projets a d’ailleurs incité le gouverne-ment britannique à reconduire ce dispositif.Les universités britanniques ont elles aussi été encou-ragées de manière indirecte par le biais de différentesmesures :• le financement spécifique de structures de valorisa-tion de la recherche (Cambridge Enterprise, ImperialInnovation…),• la modification des critères des mécanismes d’évalua-tion (REF : Research Excellence Framework) pour prendreen compte un « facteur d’impact » des actions conduitespar les équipes de recherche de ces universités.

LA CRÉATION RÉCENTE D’UN CRÉDIT IMPÔTRECHERCHE

Enfin, le Royaume-Uni dispose d’un mécanismerécent de crédit d’impôt recherche qui apporte un très

CYRILLE VAN EFFENTERRE

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(2) https://www.innovateuk.org/-/knowledge-transfer-networks

(3) http://www.ktponline.org.uk/background/

(4) https://www.innovateuk.org/-/sbri

(5) https://connect.innovateuk.org/catapult-networks

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important soutien public à l’investissement des entre-prises dans la R&D. Sur près de 11 millions de livresdépensés par les entreprises, les demandes de dégrève-ment ont atteint 1,1 million de livres en 2011. En2012, le niveau de dégrèvement fiscal possible a étéfortement relevé pour les PME, ce qui fait de ce dis-positif un des plus favorables dans le monde.

DES RÉSULTATS DÉJÀ PERCEPTIBLES

Dans un contexte économique encore très difficile, legouvernement britannique a pris la décision de« sacraliser» les crédits publics dédiés à la recherche etde consacrer en plus les quelques marges de

manœuvre dont il dispose à l’encouragement de l’in-novation et de la recherche partenariale. Les moyensmis en œuvre sont d’importance assez diverse et glo-balement d’une ampleur financière relativementlimitée, mais ils semblent avoir rapidement changé ladonne : en effet, le bon thermomètre internationalqu’est en cette matière la World Intellectual PropertyOrganization situe le Royaume-Uni à la 3e place deson Global Innovation Index ranking en 2013, alorsqu’il n’était qu’au 14e rang il y a de cela seulementcinq ans. Il reste à voir si cette action portera réelle-ment ses fruits en matière de création d’entreprises,de dépôts de brevets et de valeur ajoutée (leRoyaume-Uni étant encore un peu à la traîne enEurope, notamment au regard du nombre des brevetsdéposés).

LES PO

LITIQUES PUBLIQUES EN FRANCE ET À L’ÉTR

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ALLANO Sylvain

Sylvain Allano est Directeur scientifique et technolo-gies futures chez PSA Peugeot Citroën.Diplômé de l’Université Paris Sud (Doctorat de 3ecycle en électronique) et de l’Université Pierre etMarie Curie (Doctorat d’État en sciences physiques),et agrégé de physique appliquée, Sylvain Allano a étéchercheur au CNRS et professeur des universités. Il aexercé des fonctions de direction d’une unité mixte derecherche et a été directeur scientifique adjoint àl’Institut national des sciences de l’ingénieur et dessystèmes (INSIS) du CNRS. Parallèlement, il a exercé en qualité d’ingénieur, puisde conseil en propriété industrielle, il a été notam-ment le cofondateur en 1992 d’un cabinet de conseilsdisposant de bureaux à Orsay, Versailles etMontpellier. Il est également cofondateur en 2005 d’un réseau derecherche sur les dirigeables de nouvelle génération(Dirisoft), visant au développement de nouveaux vec-teurs de transport, une action s’inscrivant dans unedémarche de développement durable. Dans le cadre de ses fonctions de directeur scientifiquede PSA Peugeot Citroën, il a créé StelLab, un conceptnouveau de partenariats scientifiques orientés vers lagénération de coups d’avance technologique, incluantun réseau d’Open Labs implantés au sein de campusuniversitaires situés en France et à l’étranger, une cel-lule d’innovation implantée sur le campus de l’EPFLà Lausanne et un hub d’intégration créé au sein ducentre technique de Vélizy-Villacoublay.

BLOKKEEL GregoryGregory Blokkeel est responsable Politique d’OpenInnovation et Intelligence Technologique chez PSAPeugeot Citroën.Présent au sein de ce groupe depuis 1998, GregoryBlokkeel a réalisé sa thèse de doctorat en mécaniquedes fluides concomitamment à l’Université deMarseille et à l’Engine Research Center à Madison,dans le Wisconsin (États-Unis). Après avoir passé 6 ans à exercer différentes responsa-bilités au sein de la direction scientifique du groupePSA, il s’occupe aujourd’hui d’activités transversalesau sein de la direction de la Recherche, Innovation etTechnologies avancées, qui portent sur les théma-tiques de l’Open Innovation et de l’analyse des bonnespratiques en matière de management de l’innovationen vue de définir pour l’avenir les meilleures façons detravailler. Il est également responsable des activités

d’Intelligence technologique au sein decette même direction.

CERVANTES MarioMario Cervantes est économiste princi-pal à la direction de la Science, de laTechnologie et de l’Industrie (STI) del’OCDE, où il pilote le groupe de travailconsacré à l’innovation et à la politiquetechnologique (TIP). Il est notammentresponsable des études thématiques surdes sujets comme la science ouverte, lespartenariats public-privé en science ettechnologie, la commercialisation de larecherche publique, la mondialisation dela R&D, les politiques d’innovationaxées sur la demande, et la spécialisationintelligente. Mario Cervantes a été égale-ment expert auprès de la BanqueMondiale et chercheur dans le domainedes télécommunications à la GraduateSchool of Business de l’Université deColumbia à New York.

DISTINGUIN StéphaneStéphane Distinguin est Président deCap Digital.Diplômé de l’ESCP Europe, Stéphane Distinguin acommencé sa carrière au cabinet Deloitte & Touche.En 1999, il participe à la création d’Up & Up, unfonds d’investissement Early stage.En 2003, il crée FABERNOVEL, une entreprise quiest présente à Paris, San Francisco, New York,Lisbonne et Moscou. Cette société a pour mission deconcevoir et de réaliser de nouveaux produits et ser-vices, et de conduire des expériences pour le comptede grandes organisations. Elle a également pour voca-tion de contribuer à la création de start-up, c’est le casavec Digitick, af83, KissKissBankBank ou, plusrécemment, Bureaux à Partager. Très impliqué depuis une dizaine d’années dans l’éco-système digital parisien, Stéphane Distinguin est l’ini-tiateur de modèles alternatifs, tels que les coworkingspace du réseau français des cantines, l’open incuba-teur PARISOMA à San Francisco et de l’accélérateurde start-up, Le Camping.Il préside aujourd’hui le pôle de compétitivité CapDigital et est membre du Conseil National duNumérique et du comité d’orientation de la Fabriquede l’Industrie.

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GUELLEC DominiqueDominique Guellec est chef de la division des Étudesde pays et des Perspectives à l’OCDE. Il est l’auteur denombreux rapports, articles académiques et ouvragestraitant de questions touchant à la croissanceéconomique, à la recherche, à l’innovation et à la pro-priété intellectuelle.

JACQUET JoëlJoël Jacquet est titulaire du diplôme d’ingénieur del’École Centrale de Marseille (1986) et d’un doctoratdélivré par Télécom ParisTech (1992).En 1986, il rejoint Alcatel pour y étudier l’intérêt deslasers à semi-conducteurs, d’une part, en matière detransmissions optiques haut débit et longue distanceet, d’autre part, dans le traitement tout optique del’information. En 1995, il devient, toujours au seind’Alcatel, responsable du projet VCSEL (VerticalCavity Surface Emitting Laser) et coordonne le projeteuropéen VERTICAL (1995 - 1998). En 1998, il estpromu chef de groupe en charge de l’utilisation deslasers pour les systèmes de transmission multiplexésde nouvelle génération. Il est à l’origine du dépôt,pour le compte d’Alcatel, de 23 brevets d’invention,et il a dirigé trois transferts industriels et a été nommépar deux fois à l’« Alcatel Technical Academy ». En 2005, il rejoint Supelec (campus de Metz) pour yexercer en tant que professeur et responsable de larecherche et des relations industrielles. Ses recherchesse déroulent en partie au sein de l’Unité MixteInternationale créée conjointement par Georgiatechet le CNRS, des recherches qui portent sur l’étude delasers émettant dans le bleu utilisés pour des applica-tions, telles que la spectroscopie, la détection de gazou de pollutions, ou le stockage. En tant qu’ensei-gnant, Joël Jacquet a participé à la mise en place d’unparcours Entrepreneuriat et d’un parcours Recherchesur le campus de Metz. Il a contribué à plusieurs pro-jets de création d’entreprises. En tant que responsablede la chaire Recherche de l’Institut SupérieurEuropéen de l’Entreprise et de ses Techniques, il a par-ticipé au lancement et à la réalisation de nombreuxprojets réunissant des industriels et des laboratoires dela région Lorraine. Administrateur des agences« Moselle développement » et « Metz MétropoleDéveloppement », il a soutenu l’installation de nom-breuses entreprises sur le territoire considéré. Expert scientifique reconnu, Joël Jacquet participerégulièrement à l’évaluation de projets pour le comp-te d’OSÉO ou aux comités de sélection mis en placepar l’Agence Nationale de la Recherche. Il a publiéplus de 200 articles dans de nombreuses revues et aparticipé à de nombreuses conférences internatio-nales. Joël Jacquet est ancien Auditeur de l’Institut desHautes Études pour la Science et la Technologie, pro-motion Christiane Desroches Noblecourt (2012).

KALLENBACH SachaSacha Kallenbach est titulaire d’un doctorat del’Université de Pierre et Marie Curie (1992) pour destravaux de recherche réalisés à l’Institut Pasteur deParis et portant sur la recombinaison site spécifiquedes gènes des immunoglobulines. Chercheure auCNRS dans un premier temps, elle travaille par lasuite à l’Institut de biologie du développement deMarseille, où elle étudie le développement des moto-neurones et obtient l’habilitation à diriger desrecherches. Parallèlement à son activité de chercheur,elle s’engage pour mettre la science à la portée du plusgrand nombre, elle participe à de nombreuses confé-rences, organise des débats et conçoit une expositionintitulée « Des gènes et des hommes ». En 2004, elle rejoint la délégation régionale à laRecherche et à la Technologie de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, où elle est responsable du secteurdes sciences du vivant, de la gestion des dispositifs fis-caux crédit impôt recherche et des avantages liés austatut de jeune entreprise innovante, ainsi que de laculture scientifique. En 2007, elle est nommée délé-guée régionale à la Recherche et à la Technologie de larégion Languedoc-Roussillon. En sa qualité d’expert-évaluateur auprès de la Commission européenne, ellea participé, notamment en tant que Présidente, à plu-sieurs jurys mis en place dans le cadre des sixième etseptième programmes-cadres européens de rechercheet développement technologique. Depuis 2011, elle est inspectrice générale del’Administration de l’Éducation nationale et de laRecherche. Elle a publié plusieurs rapports sur larecherche tant publique que privée. Sacha Kallenbachest ancienne auditrice de l’Institut des Hautes Étudespour la Science et la Technologie, promotionChristiane Desroches Noblecourt (2012).

KIRILOV IskrenIskren Kirilov est diplômé de l’Université de Sofia(Bulgarie) et de l’École Diplomatique (promotion2006) sise à Madrid. Il débute sa carrière dans ledomaine de la recherche biomédicale et des sciencespolitiques. De 2000 à 2005, il participe à un groupe de recherchesur le cancer du sein créé au sein de la Faculté demédecine de l’Université de Oviedo (Espagne).Depuis 2007, il est un collaborateur de la Fondationpour l’Analyse et les Études sociales (Faes) située elleaussi en Espagne.De 2008 à 2010, il travaille à l’Agence européenne desmédicaments (Londres), où il est en charge de l’orga-nisation des activités d’un groupe de travail réunissantdes professionnels de santé.Depuis 2010, il est responsable de travaux à laCommission européenne (Direction générale pour laRecherche et l’Innovation), où il occupe des fonctions

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liées à la Planification et à la Programmation straté-giques.

KUPKA DanielDaniel Kupka est économiste au sein de la directionde la Science, de la Technologie et de l’Industrie del’OCDE. Il apporte son soutien au groupe de travailconsacré à la politique de l’innovation et de la tech-nologie (TIP) et au Comité de la politique scienti-fique et technologique (CSTP). Ses domaines d’ex-pertise incluent la collaboration industrie-science, lagestion de la propriété intellectuelle et l’entrepreneu-riat dans les universités, les consortiums de R&D etles innovations dans le secteur des services.

MARCHAL Pierre-AndréDirecteur exécutif d’ENERSENS, Pierre-AndréMarchal a rejoint le groupe PCAS en mars 2010.Il était auparavant directeur du BusinessDevelopment chez QUALCOMM. Il a conduit aucours de sa carrière plusieurs projets visant au démar-rage et au développement d’activités dans le domainede la technologie en France et à l’étranger. Pierre-André Marchal est ingénieur Arts & MétiersParisTech et est titulaire d’un MBA de l’Université deStrathclyde (Glasgow – Écosse).

METTHEY JackJack Metthey a obtenu un Doctorat en Sciences bio-logiques à l’Université de Strasbourg et un Master ofScience à l’Université de Californie, où il a travaillécomme assistant de recherche. Il exerce dans un pre-mier temps en qualité d’ingénieur logiciel, puis arejoint, en 1987, en tant que senior consultant, unesociété leader en IT. En 1988, il a été recruté par laCommission européenne, tout d’abord pour partici-per au programme Information TechnologiesResearch (ESPRIT), puis en qualité d’assistant dudirecteur-général et de chef d’unité pour la coordina-tion de la recherche et la société de l’information.En 1995, il devient Conseiller auprès du Commissaireeuropéen en charge de la Recherche, de l’Éducation etde la Jeunesse. En 2002, il est nommé directeur de larecherche dans le transport (incluant l’aéronautique etl’espace).En 2006, il se voit confier les fonctions de directeurdu programme IDEAS du 7e programme-cadre euro-péen.En juillet 2008, il est nommé directeur de l’AgenceExécutive du Conseil européen de la recherche(ERC), et concomitamment directeur des Relationsavec l’Agence Exécutive ERC à la Commissioneuropéenne. Depuis janvier 2011, il est directeur dela direction Programme-Cadre – Relations Interins -titutionnelles à la direction générale de la Recherche

et de l’Innovation, il est plus particulièrement encharge de la définition du nouveau programme-cadre Horizon 2020 et des négociations afférentes.

MONTHUBERT BertrandBertrand Monthubert est mathématicien etPrésident de l’Université Toulouse III-Paul Sabatier.Il a présidé l’association Sauvons la Recherche, puisa été secrétaire national du Parti Socialiste àl’Enseignement supérieur et à la Recherche. Il estactuellement co-président du Conseil Scientifiquedu PS. Il est l’auteur de « 10+1 questions à BertrandMonthubert sur la recherche », publié aux ÉditionsMichalon.

PALLEZ FrédériqueFrédérique Pallez est ingénieur civil des mines. Elle estprofesseur à Mines ParisTech et est chercheuse auCentre de Gestion Scientifique (CGS). Elle travaillesur des problématiques liées à la transformation del’action publique. Depuis quelques années, sesrecherches sont principalement orientées sur deuxaxes : a) la gestion et l’évaluation du système d’ensei-gnement supérieur et de recherche, et b) les politiquesde développement économique territorial, notam-ment les politiques de clusters. Elle a fait partie, en2012, du Comité de pilotage des Assises del’Enseignement supérieur et de la Recherche.

PRUNIER GuillaumeGuillaume Prunier est chef du bureau des Politiquesd’Innovation et de Technologie à la direction généra-le de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services(Ministère du Redressement productif ). Dans le cadredesdites fonctions, il a été le rapporteur du rapportL’innovation, un enjeu majeur pour la France deMessieurs Beylat et Tambourin, et il a contribué àl’élaboration du plan gouvernemental Une nouvelledonne pour l’innovation.Ancien élève de l’École polytechnique (X04) et ingé-nieur des mines, Guillaume Prunier a commencé sacarrière en tant que chargé de mission auprès dudirecteur de l’établissement d’exploitation de la Garede Lyon à la SNCF (2007-2008). Puis, il rejoint legroupe AREVA pour participer au chantier deconstruction de l’EPR d’Olkiluoto en Finlande, où ilest responsable de la coordination des activités deconstruction du bâtiment réacteur (2008-2009). De2010 à 2012, il est chargé de mission auprès du pré-fet de la région Haute-Normandie, en charge del’Aménagement, des Transports, de l’Environnementet du Logement. Durant cette période, il est égale-ment chef de service au sein de la direction régionalede l’Environnement, de l’Aménagement et duLogement.

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REINHART LaureLaure Reinhart justifie d’une formation en mathéma-tiques appliquées (ENS et doctorat). Elle débute sacarrière à l’INRIA, où elle est successivement cher-cheur en calcul scientifique, directeur des relationsindustrielles et directeur du centre de Rocquencourt.En 1999, elle est recrutée par le groupe Thales pourtravailler au sein de son laboratoire de recherche cen-tral dont elle prend la direction opérationnelle, puiselle rejoint le siège du groupe pour prendre en chargeles coopérations menées avec des organismes derecherche publics. En juillet 2006, elle est nommée auministère chargé de la Recherche pour mettre en placela nouvelle direction de la Stratégie et assurer la ges-tion des grandes fonctions transverses. En octobre 2008, elle entre chez OSÉO en tant quedirecteur général délégué en charge de l’innovation,puis elle rejoint Bpifrance (à sa création), où elle est encharge des partenariats au sein de la directionInnovation. Elle est membre des conseils d’administration deSafran, de l’INPI, de l’INRIA, de l’IHEST et de FIST,et préside les associations Île de Science, ScientipôleInitiative et Scientipôle Croissance.

ROY PhilippePhilippe Roy est délégué adjoint de Cap Digital.Ancien élève de l’École Normale Supérieure etDocteur ès Sciences, Philippe Roy débute sa carrièreen tant que chercheur à l’ONERA, où il aborde l’in-formatique par la simulation numérique d’écoule-ments turbulents sur super-calculateur. En 1985, ilrejoint le groupe Bull et participe à la conception desproduits du groupe en qualité de chef de projet dedéveloppement et de chef de produits dans lesdomaines Unix, production transactionnelle et basesde données. Il participe à la création de la filialeEvidian, acteur des technologies de gestion de réseaux,systèmes et sécurité, dont il est d’abord le directeur desPartenariats OEM, avant d’en devenir le CTO.En 2001, il devient le Vice-Président (en charge desPartenariats Technologiques) de la société iMediation,qui est un des créateurs du secteur du PRM (Gestionde la Relation Partenaire). En 2004, Philippe Royrejoint l’équipe de direction de Delia Systems, en tantque directeur du Marketing, des Partenariats OEM ettechnologiques.Depuis 2006 il est délégué adjoint du Pôle de compé-titivité Cap Digital, où il est en charge des projets. À cetitre, il a mis en place l’usine à projets dudit pôle, quiparticipe au financement de 540 projets de R&D dansles secteurs des contenus et des services numériques.

RYL IsabelleAprès l’obtention d’un doctorat en Informatique(Université de Lille 1 – 1998) et d’un post-doctorat à

l’Université d’Oslo, elle rejoint en 2007 l’Universitéde Lille 1 en qualité de professeur.Jusqu’en 2010, elle est membre de l’équipe-projetCNRS/Inria/Lille 1, POPS – Petits Objets Portableset Sécurisés – qui s’intéresse aux objets connectés,comme les cartes à puce, les étiquettes électroniques etles réseaux de capteurs. Ses recherches portent sur lasûreté et la sécurité des systèmes embarqués etmobiles. Isabelle Ryl est impliquée dans plusieurs pro-jets collaboratifs (comme le projet Securechange –http://www.securechange.eu) et participe à de nom-breux comités créés dans le cadre de conférences inter-nationales ou de workshops (par exemple, pour lesplus récents, l’IEEE ICC 2014-2010, l’IEEE LCN2013-2007 ou l’IEEE GC 2013). Depuis 2010, elleest directrice du centre de recherche Inria Paris –Rocquencourt.Au regard des spécificités de cette industrie numé-rique qui impliquent des contraintes fortes dans larelation avec la recherche, il s’avère nécessaire derepenser les liens tissés dans le cadre de ce partenariat.

THOREL AlainAlain Thorel est directeur de Recherche à Mines-ParisTech et anime l’équipe Surfaces-Interfaces-Procédés au Centre des Matériaux d’Évry. Il est l’auteurde plus de 140 articles scientifiques et d’un livre, il estco-éditeur de 3 proceedings et détenteur de 8 brevetsd’invention, il est également lauréat de plusieurs prix :Prix Jean RIST (1988), lauréat (avec Patrick Curmi) en2012 et en 2013 du concours national d’aide à la créa-tion d’entreprise du ministère de l’Enseignement supé-rieur et de la Recherche dans les catégories « Émergen-ce », et « Création et Développement ».Depuis les années 1980, il est Affiliate Scientist auLawrence Berkeley National Lab (États-Unis).De 2008 à 2012, il a coordonné un projet européenportant sur un nouveau concept de pile à combus-tible.Depuis 2012, il est membre du Conseil de l’Instituteof Electrochemistry and Energy Systems (BulgarianAcademy of Science). De même, il enseigne àParisTech et dans des écoles situées à l’étranger(comme l’HUST University de Wuhan, en Chine).Ses études portent sur la mise en forme, la micro-structure et les propriétés des céramiques, ainsi quesur les piles à combustible et les nanomatériaux.

VAN EFFENTERRE CyrilleCyrille Van Effenterre est, depuis septembre 2012,conseiller pour la Science et la Technologie auprès del’ambassade de France au Royaume-Uni. Il était pré-cédemment Président de l’Institut des Sciences et desTechnologies de Paris (ParisTech).Ancien élève de l’École polytechnique (X 74) et del’Engref (1979), il a commencé sa carrière dans le

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domaine des risques naturels, comme ingénieur auCEMAGREF de Grenoble (1979-1984), puis commechef du service en charge de la restauration des ter-rains en montagne de l’ONF à Gap (1984-1989). Il afait ensuite l’essentiel de sa carrière dans les services duministère de l’Agriculture : chef du bureau de laProtection de la Forêt à Paris (1989-1991), conseillertechnique chargé de l’Environnement au sein descabinets ministériels de Messieurs Mermaz et Soisson(1991-1993), directeur départemental de la Savoie(1993-1998) et, enfin, directeur de l’Espace rural etde la Forêt (1998-2000).Il retrouve ensuite l’Enseignement supérieur et laRecherche, suite à sa nomination comme directeur del’Engref (2000-2007), puis comme Président deParisTech (2007-2012). À ce titre, il a également pré-sidé le réseau d’universités technologiques euro-péennes IDEAleague en 2010 et en 2011.

VILLEMEUR AlainAlain Villemeur est ingénieur de l’École Centrale deParis et docteur en Sciences économiques del’Université de Paris Dauphine (2002). Au sein decette Université, il enseigne le rôle de l’innovationdans l’économie et dans le processus de la croissanceéconomique. Il est aussi chercheur associé à la chaire« Transitions démographiques, transitions écono-miques ».Il a publié de nombreux ouvrages, dont les trois der-niers sont :– La protection sociale, un investissement pour notre ave-nir (Éditions du Seuil, 2012) ;– L’innovation au cœur de la nouvelle croissance, (encollaboration avec Jean-Hervé Lorenzi, aux ÉditionsEconomica, 2009) ;– La croissance américaine ou la main de l’État (Édi-tions du Seuil, 2007).

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WHICH PARTNERSHIPFOR PUBLICRESEARCH AND INDUSTRY?

Issue editors:

Jacques SERRIS and Benoit LEGAIT

Foreword

Anne LAUVERGEON, chair of the Commission Innovation2030, CEO of ALP SA.

Introduction

Jacques SERRIS and Benoit LEGAIT, engineers from theÉcole des Mines serving on the Conseil Général del’Économie, de l’Industrie, de l’Énergie et des Technologies(CGEIET)

Is partnership research soluble in public research policies?

Frédérique PALLEZ, professor at Mines ParisTech

Since research partnerships in France are seen as a way toimprove a firm’s competitive advantage, various publicprograms provide backing for them. Their principles seem todovetail with the major axes of public research policies, whichlay ever more emphasis on the need for collaboration betweenresearch and industry. Nonetheless, when we turn ourattention toward the driving force in the behavior ofstakeholders — researchers and research professors, inparticular — we observe that powerful obstructions (mainlyrelated to methods for evaluating personnel and allocatingfunds) keep them from working more closely with each other.The path around these obstacles is narrow.

Which public policies will boost innovation and economicgrowth?

Alain VILLEMEUR, associate professor at the University ofParis-Dauphine

As recent reports have shown, France is weak in terms ofinnovation and economic growth. For a dozen years now,several programs have supported innovation in hope ofstimulating the economy. However they have not actuallybeen a success in making up for these weaknesses. Whatpublic policies can boost innovation and make the economythrive in the coming years? We must fall back on the keyfactors that economists specialized on these questions haveidentified as forces shaping the ecosystem of innovation:cooperation between universities and firms, new products anda reinvigoration of companies. As it turns out, a literal publicpolicy shock is needed to achieve this.

At the core of a global “open innovation” initiative for designingthe automobile of the future at PSA Peugeot Citroën

Gregory BLOKKEEL and Sylvain ALLANO, department ofResearch, Innovation and Advanced Technology at PSAPeugeot Citroën

To be capable of innovating is to be able to grasp and manageopportunities as they arise. It means being able to take the riskof exploring the unknown. For this purpose, firms mustmaximize their exposure to the surrounding world in order togain access to scientific knowledge and know-how about new

practices. This corresponds to the concept of openinnovation, as developed by Henry Chesbrough. Afirm must set up genuine partnerships with allparties in its ecosystem of innovation. PSA PeugeotCitroën is pursuing a policy of open innovation,described herein with respect to three ecosystems:the academic, the corporate and the individual.

What types of partnership for public research andindustry? A small company’s expectations

Pierre-André MARCHAL, CEO of Enersens

Enersens makes super-insulators from silicaaerogel, a technique that, it is worth pointing out,stems from research conducted jointly with MinesParisTech. This company made the choice forpartnership research in order to increase itscapacity for innovation and play a leading role inhigh-performance materials, a field with stiffinternational competition.

R&D and innovation in digital technology: Whatmanufacturers expect

Stéphane DISTINGUIN, founder ofFABERNOVEL and president of Cap Digital, Philippe ROY,assistant delegate – Cap Digital, and Isabelle RYL, director ofthe research center Inria Paris-Rocquencourt

The digital revolution has just started. The speed and mobilityof advances in this young field have already modified the usualrelations between public research and industry. Cooperation isessential, especially between these two stakeholders. As majorplayers in this research, manufacturers and big industrialholdings support cooperation, which has taken on new formsand raises new issues. Open innovation, accelerated productdevelopment cycles and ongoing changes and adaptations aswell as their rapid adoption by users are factors pushinggrowth and change. Owing to its speed, changes— sometimes violent (globalization and exacerbatedcompetition, for example) — bring pressure to bear onresearch and innovation.

Universities and firms

Bertrand MONTHUBERT, mathematician, president of theUniversity of Toulouse III-Paul Sabatier

Far from the commonplace of academia as an ivory tower,relations have developed and are growing between thecorporate and academic worlds. Given their importance, wemust turn attention to the conditions under which theserelations can be harmonious, balanced and respectful of theduties entailed by the concept of “public service”. It is achallenge to shape them so as to make a break with thefragmentary relations that have characterized research,education and occupational training. How to bring thesevarious dimensions into a sort of hub of innovation?

Which partnership for public research and industry? Being aresearcher and creating an innovative firm

Alain THOREL, research director at Mines ParisTech

Stages in the creation of DiamLite, a start-up devoted to theindustrial production of fluorescent nanodiamonds, are

RÉSUMÉS ÉTRANGERSFOR OUR ENGLISH-SPEAKING READERS

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RÉSUMÉS ÉTRANGERS

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described from the first experiments that led to developing thebasic concepts till the process of setting up a company withhelp from the Ministry of Research.{ This project emerged outof a dozen years of collaboration between the Center ofMaterials at Mines ParisTech and INSERM Unit 829.} Byrecounting this adventure, marked with difficulties as well asopportunities, we can identify the points with a strong(positive or negative) impact; and draw a few general lessonsabout the complementarity between the basic research at theorigin of the technological breakthrough and the partnershipresearch that has served as the main relay between intellectualconcepts and the satisfaction of needs in society.

From ANVAR through OSEO to Bpifrance: Major phases inpublic funding for innovation

Laure REINHART, director of Partnerships in thedepartment Innovation at Bpifrance Financement

For more than fifty years now in France, technologicaltransfers between public research laboratories and theeconomy have been a central concern of the ministries incharge of Research and Industry. After the approaches basedon a “technology push” during the 1970s, the organization ofsuch transfers now involves recognizing the needs ofcompanies, small and middle-sized in particular. In the middleof the first decade of the new century, the virtues of openinnovation were being played up through the creation of“poles of competitiveness” and the Agency of IndustrialInnovation (AII). Nowadays, efforts are being devoted to allaspects of innovation and to the follow-up with firms thanksto the new know-how developed in particular by the social andhuman sciences.

How will public policies for research partnerships evolve?

Guillaume PRUNIER, engineer from the École des Mines,head of the bureau of Innovation and Technology Policies atthe Direction Générale de la Compétitivité, de l’Industrie anddes Services (DGCIS)

Though but one component in a policy of innovation,research partnerships provide a lever for improvingcompetitiveness that is too little used in France. Thiscomparison of research partnership policies focuses on whathas been done in France (Instituts Carnot) and Germany (theFraunhofer institutes).

Transferring and applying the findings of public research: Aninternational perspective

Mario CERVANTES, Dominique Guellec and Daniel Kupka,who work for the Organization of Economic Cooperation andDevelopment (OECD)

The commercial exploitation of the findings made by publicresearch is now a practice adopted by most countries. It is akey theme in national policies about research and innovation.Although significant progress was initially made once thesepolicies were adopted, the results seem to have stagnated inrecent years. This can be set down to several characteristics ofthese policies, which some countries are now trying to change.For one thing, these policies focused too narrowly on patents,but filing a patent or, for that matter, creating a company areadministrative actions whereas creating value from these assets

is an economic action. For another, there has been a tendencyto overlook the potential of students as entrepreneurs; theirstrategies do not adequately take into account the means forcommercially exploiting the findings of R&D: intellectualproperty rights, research under contract and setting up abusiness.

Technology developments in Europe: Horizon 2020

Iskren KIRILOV, Directorate of Research and Innovation atthe European Commission, and Jack METTHEY, director ofthe framework program Interinstitutional Relations,Directorate of Research and Innovation at the EuropeanCommission

Horizon 2020, a new EU framework program, seeks torespond to the need for revitalizing our “model” of society —a need exposed by the economic recession and the concurrentsocial and political crisis that have afflicted Europe for almostfive years now. Research and innovation are to play a majorrole in this process, and their a scope should extend beyondthe purely economic. In this context, Horizon 2020 willprovide backing for a wide variety of activities ranging frombasic research to the marketing of new products and thedevelopment of new processes, systems and services, includingsocial innovations. This program’s design has significantlychanged the usual channels of funding by adopting amultidisciplinary approach for diversifying the means ofintervention and stimulating interactions between differenttechnological fields and industries.

Research partnerships in France and elsewhere, a constantlychanging landscape

Sacha KALLENBACH, general inspector in the Ministry ofNational Education and Research, and Joël JACQUET,professor at Supélec, scientific director at Captoor

Since innovation is important to corporate competitiveness,governments try to boost the sharing of the findings of basicresearch with firms. This can accelerate the transfer ofadvances made in knowledge toward new products. Like othercountries, France has adopted several programs for bringacademia closer to the world of business through researchpartnerships.

Aid for innovation and research partnerships in the UnitedKingdom

Cyrille VAN EFFENTERRE, advisor on science and latechnology, Embassy of the United Kingdom in France

Academic research in the United Kingdom is outstanding, ofworldwide renown, second behind Germany’s in terms of thebudget allotted under the EU’s seventh Framework Programon Research and Development. In 2011, funds for R&Dfrom private sources amounted to 17,4 billion pounds inGreat Britain. Although British academia is not traditionallyvery oriented toward applied research, public authorities haveexerted efforts for over a decade in favor of developingrelations between universities and firms. The objective is tofacilitate the transfer of key technology from the laboratorytoward the marketplace. Thanks to these efforts and therecent tax credit for research, the results are now becomingvisible.

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RÉSUMÉS ÉTRANGERS

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 2014 83

WELCHE PARTNERSCHAFTZWISCHEN ÖFFENTLICHERFORSCHUNG UND INDUSTRIE ?

Vorwort

Anne LAUVERGEON, Präsidentin der CommissionInnovation 2030, Bevollmächtigter geschäftsführender Direktorvon ALP SA

Einführung

Jacques SERRIS und Benoit LEGAIT, beide ingénieurs géné-raux des mines beim Conseil général de l’Économie, del’Industrie, de l’Énergie et des Technologies (CGEIET)

Lässt sich partnerschaftliche Forschung durch öffentlicheForschungspolitiken herbeiführen ?

Frédérique PALLEZ, Professor an der Ingenieurschule MinesParis Tech

In Frankreich wird partnerschaftliche Forschung als eins derMittel betrachtet, die dazu beitragen, die Wettbewerbsfähigkeitder Unternehmen zu verbessern. Aus diesem Grund wird siedurch verschiedene öffentliche Einrichtungen unterstützt.Überdies erscheinen ihre Prinzipien mit den wichtgstenLeitlinien der öffentlichen Forschungspolitiken vereinbar, diemit immer größerem Nachdruck die Notwendigkeit derPartnerschaft zwischen Forschung und Industrie hervorheben.Doch wenn man sich eingedenk dieser Tatsache für diejenigeninteressiert, die für die Akteure der öffentlichen Forschung vongrößter Bedeutung sind, nämlich für die Forscher und für dieForschung betreibenden Lehrkräfte, so stellt man fest, dass starkeMechanismen (die insbesondere auf den Bewertungssystemenund den Finanzierungsweisen beruhen) diese Annäherung nochbremsen. Der Weg, der Möglichkeiten böte, diese Hindernissezu überwinden, ist eng.

Welche öffentlichen Politiken zur Förderung der Innovation und desWirtschaftswachstums ?

Alain VILLEMEUR, assoziierter Professor an der UniversitéParis Dauphine

Frankreich ist, wie aus neuesten Untersuchungen hervorgeht,mit einer doppelten Schwäche konfrontiert : mit derjenigen sei-ner Innovation und mit derjenigen seines Wirtschaftswachstums.Seit etwa zehn Jahren sind viele Maßnahmen zugunsten derInnovation in der Hoffnung getroffen worden, dasWirtschaftswachstum zu beschleunigen. Diese Maßnahmen ver-mochten es jedoch nicht wirklich, die Tendenzen umzukehren.

Welche öffentlichen Innovationspolitiken könnten auf den Weggebracht werden, um in Zukunft das Wirtschaftswachstum neuzu dynamisieren ?

Man sollte die Schlüsselfaktoren stärker beachten, die von denInnovations- und Wachstumsökonomen als strukturentschei-dend für das Innovationsökosystem angesehen werden : dieAnnäherung zwischen Universitäten und Unternehmen sowieneue Produkte und die Erneuerung der Unternehmen. Eserweist sich, dass Frankreich einen wahren Schock öffentlicherPolitiken braucht, die zu neuen Produkten und zur Erneuerungder Unternehmen beitragen.

Im Zentrum einer globalen Innovationsinitiative zur Vorbereitungdes Autos der Zukunft bei PSA Peugeot Citroën

Gregory BLOKKEEL und Sylvain ALLANO, Leitung derAbteilung für Forschung, Innovation und fortgeschritteneTechnologien bei PSA Peugeot Citroën.

Fähig sein, zu innovieren, das heißt in jedem Augenblick dazufähig sein, Gelegenheiten zu ergreifen und nachhaltig zu nutzen,und das Risiko einzugehen, Neuland zu erforschen. Zu diesemZweck müssen die Unternehmen ihre Beziehungen zur Welt, diesie umgibt, maximieren, um ihre Fähigkeit zu steigern, Zugangzu wissenschaftlichen Erkenntnissen sowie zu neuenAnwendungen zu erlangen. Genau das ist es, was in demKonzept open innovation oder offene Innovation, das von HenryChesbrough entwickelt wurde, zum Ausdruck kommt. In die-sem Sinne müssen die Unternehmen regelrechte Partnerschaftenmit allen Akteuren ihrer Innovationsökosysteme eingehen. DerArtikel befasst sich mit dieser Politik der open innovation, für diesich der Konzern PSA Peugeot Citroën entschieden hat, unterdem Blickwinkel von drei dieser Ökosysteme. Es handelt sichum die akademischen Ökosysteme, die unternehmerischenÖkosysteme und die individuellen Ökosysteme.

Zwischen öffentlicher Forschung und Industrie, welche Typen vonPartnerschaften ? Die Erwartungen eines kleinen Unternehmens

Pierre-André MARCHAL, geschäftsführender Direktor derGesellschaft Enersens

Die Gesellschaft Enersens stellt superisolierende Materialien her,die auf der Basis von Silica-Aerogel entwickelt wurden, eineTechnologie, die insbesondere aus der partnerschaftlichenForschung in Zusammenarbeit mit Mines Paris Tech hervorging.Enersens hat sich zur Strategie kooperativer Forschung entschlos-sen, um seine Innovationskapazität zu erhöhen und um eine füh-rende Rolle auf dem Gebiet der Hochleistungsmaterialien zuspielen, die mit einer starken internationalen Konkurrenz kon-frontiert sind.

Forschung und Entwicklung und die Innovation im digitalen Sektor– die Erwartungen der Industriellen

Stéphane Distinguin, Gründer von FABERNOVEL undPräsident von Cap Digital, Philippe ROY, bevollmächtigterBeauftragter – Cap Digital, und Isabelle RYL, Leiterin desForschungszentrums Inria Paris-Rocquencourt

Die digitale Revolution steckt noch in den Kinderschuhen, aberdie Schnelligkeit und die Mobilität dieses jungen Sektors bewir-ken und erfordern bereits eine Veränderung der traditionellenBindungen zwischen öffentlicher Forschung und Industrie.Tatsächlich ist die Digitalisierung ein Gebiet, in demZusammenarbeit wesentlich ist, besonders zwischen den beidenerwähnten gesellschaftlichen Bereichen. Als bedeutende Akteuredieser Forschung favorisieren die Industriellen und die großenKonzerne diese Kooperation, die neue Formen annimmt undneue Herausforderungen schafft. Open Innovation,Beschleunigung der Produktentwicklungszyklen, permanenteEntwicklungsfähigkeit, exponentielle Industrie und schnelleAufnahme bei den Benutzern sind die Faktoren des Wachstumsund der Veränderung. Aufgrund seiner Schnelligkeit hat dieserWandel bisweilen gewaltsame Züge (die Globalisierung und derverschärfte Wettbewerb sind die Ursache), die einen beträchtli-chen Druck auf die Forschungs- und Innovationsbemühungenausüben.

AN UNSERE DEUTSCHSPRACHIGEN LESER

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RÉSUMÉS ÉTRANGERS

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 201484

Die Universität und das Unternehmen

Bertrand MONTHUBERT, Mathematiker, Präsident derUniversité Toulouse III – Paul Sabatier

Anders als die eingefahrenen Vorstellungen von der Universitätals Elfenbeinturm es glauben machen, sind die Beziehungen zwi-schen Universität und Unternehmen schon beträchtlich voran-geschritten und entwickeln sich weiter. Wenn sie entscheidendsind, müssen wir die Bedingungen bedenken, in denen dieseBeziehungen harmonisch sein können, also ausgewogen undvereinbar mit den Zielen des öffentlichen Dienstes. DieStrukturierung dieser Beziehungen bleibt eine Herausforderung,die angenommen werden muss, um die Aufsplitterung derBeziehungen zwischen Forschung und Grund- oderAufbauausbildung zu überwinden, und um diese verschiedenenDimensionen innovationsorientiert zu integrieren.

Welche Partnerschaft zwischen öffentlicher Forschung undIndustrie ? Forscher sein und ein innovatives Unternehmen gründen

Alain THOREL, Direktor der Forschungsabteilung derIngenieurschule Mines Paris Tech

Dieser Artikel schildert die Etappen der Projektentwicklung vonDiamLite, einer Start-up, die fluoreszierende Nanodiamantenherstellt, von den ersten Erfahrungen, die zu den Ideen undBasiskonzepten führten, auf die sie sich stützt, bis zumGründungsprozess, der durch die Zuschüsse des französischenForschungsministeriums ermöglicht wurde. Dieses Projekt istdas Ergebnis von etwa zehn Jahren Zusammenarbeit zwischendem Centre des Matériaux de Mines Paris Tech und der UnitéInserm 829. Der Bericht über diese Erfahrung, die vonSchwierigkeiten aber auch von Ermutigungen geprägt war,erlaubt es, gewisse Punkte (positive oder negative) zu identifizie-ren, die dieses Abenteuer stark beeinflusst haben, sowie einige all-gemeinere Lehren daraus zu ziehen, die die komplementärenRollen der am Ursprung der technologischen Neuerungen ste-henden Grundlagenforschung und der partnerschaftlichenForschung deutlch machen, die als wesentlicher Treibriemen zwi-schen den universitären Konzepten und der Befriedigung gesell-schaftlicher Bedürfnisse gelten kann.

Von der französischen Agentur für die Förderung der Forschung,Anvar, bis Oséo und Bpifrance : die großen Etappen der öffentlichenFinanzierung der Innovation

Laure REINHART, directrice des Partenariats in der Abteilungfür Innovation der Bpifrance Financement

In Frankreich ist der Transfer von Technologien zwischen denöffentlichen Forschungseinrichtungen und der Wirtschaft seitmehr als 50 Jahren ein zentrales Anliegen der französischenMinister für Forschung und Industrie. Auf die Konzepe vom Typtechnology push der 1970er Jahre folgte die Berücksichtigung derBedürfnisse der Unternehmen (insbesondere der kleinen undmittleren Unternehmen) in der Organisierung dieses Transfers.Seit Mitte des Jahrzehnts 2000, in dem die Tugenden der offenenInnovation durch die Gründung von Kompetenzzentren unddank der Agence de l’Innovation industrielle zur Geltunggebracht wurden, sind die Bemühungen heute auf alleKomponenten der Innovation und auf die Begleitung derUnternehmen gerichtet. Dabei werden auch neue Kompetenzenin Anspruch genommen, insbesondere aus denHumanwissenschaften und der Soziologie.

Welche Entwicklung für die öffentlichen Politiken zugunsten derpartnerschaftlichen Forschung ?

Guillaume PRUNIER, ingénieur des mines, Leiter derAbteilung für Innovationspolitiken und Technologie bei der

Direction générale de la Compétitivité, de l’Industrie et deServices (DGCIS)

Die Politik der partnerschaftlichen Forschung ist nur eine derSeiten der Innovationspolitik, aber sie bleibt einWettbewerbshebel, der in Frankreich noch zu wenig ausgenutztwird. Dieser Artikel zieht einen Vergleich zwischen der Politikder Partnerschaftsforschung, wie sie in Frankreich (mit denCarnot-Instituten) und in Deutschland (mit der Fraunhofer-Gesellschaft) durchgeführt wird.

Die Praktiken der Valorisierung der öffentlichen Forschung : eininternationaler Gesichtspunkt

Mario CERVANTES, Dominique GUELLEC und DanielKUPKA, OECD

Die Valorisierung der öffentlichen Forschung ist heute in denmeisten Ländern eine sehr verbreitete Praktik und ein zentralesThema der nationalen Forschungs- und Innovationspolitiken.Während in den ersten Jahren der Durchführung dieserPolitiken beträchtliche Fortschritte erzielt wurden, scheinen ihreResultate seit einigen Jahren zu stagnieren. Dies ist auf mehrereCharakteristika zurückzuführen, von denen man sich in einigenLändern befreien möchte : eine exzessive Fokussierung aufPatentierungen, eine Methode der Valorisierung, die zu bürokra-tisch und zu wenig wirtschaftsorientiert ist (ein Patent anmeldenoder ein Unternehmen gründen sind Verwaltungsakte, währenddie Wertschöpfung auf der Basis dieser Aktiva eine wirtschaft-liche Handlung ist), die Tendenz, das unternehmerischePotenzial studentischer Intelligenz zu vernachlässigen, und unzu-reichende Möglichkeiten, die verschiedenen Instrumente derValorisierung der Forschung, wie beispielsweise den Schutz desgeistigen Eigentums, die Auftragsforschung und dieUnternehmensgründung, in ihre Strategien zu integrieren.

Die Technologiesektoren in Europa bis 2020

Iskren KIRILOV, leitender Angestellter, Generaldirektion fürForschung und Innovation bei der Europäischen Kommission,und Jack METTHEY, Direktor der Abteilung für daseuropäische Rahmenprogramm – InterinstitutionelleBeziehungen – Generaldirektion für Forschung und Innovationder Europäischen Kommission

Das neue europäische Rahmenprogramm Horizont 2020 hat dasZiel, die Notwendigkeit der Erneuerung des französischenGesellschaftsmodells darzulegen, die in der wirtschaftlichen (aberauch sozialen und politischen) Krise, unter der Europa seit fastfünf Jahren leidet, offenbar geworden ist. Forschung undInnovation werden sicher eine wichtige Rolle in dieserEntwicklung spielen, deren Umfang über die rein wirtschaftli-chen Veränderungen hinausgehen müsste. In diesem Kontextwird das Rahmenprogramm Horizont 2020 ein breitesSpektrum von Tätigkeiten unterstützen, die von derGrundlagenforschung bis zur Vermarktung neuer Produkte rei-chen werden, sowie zur Entwicklung neuer Verfahren und neuerSysteme und Dienstleistungen, soziale Innovationen inbegriffen.Die Konzeption von Horizont 2020 spiegelt eine deutlicheEntwicklung des traditionellen Finanzierungsmodells wider, dasein betont disziplinübergreifendes Vorgehen favorisiert undinteraktive Beziehungen zwischen den verschiedenen technologi-schen Sektoren und Bereichen sowie die Diversifikation derInterventionsformen fördert.

Die partnerschaftliche Forschung in Frankreich und anderswo :Landschaften in ständigem Wandel

Sacha KALLENBACH, Ministerialdirektorin des französischenSchul- und Forschungswesens, und Joël JACQUET, Professor

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RÉSUMÉS ÉTRANGERS

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 2014 85

an der Grande École Supélec, Direktor der wissenschaftlichenAbteilung bei Captor

Die Innovation spielt eine wichtige Rolle in derWettbewerbsfähigkeit der Unternehmen und aus diesem Grundregen die Staaten eine Politik an, die die Grundlagenforschungmit den Unternehmen aufteilen möchte. So soll es möglich wer-den, die Ergebnisse der Forschung schneller in neue Produkteumzusetzen. Nach dem Beispiel anderer Länder hat Frankreichim Lauf der letzten Jahre zahlreiche Maßnahmen getroffen, umdie Welt der Hochschulen mit derjenigen der Unternehmenzusammenzuführen und um die partnerschaftliche Forschungvoranzubringen.

Die Finanzhilfen für Innovation und partnerschaftliche Forschungim Vereinigten Königreich

Cyrille Van EFFENTERRE, Berater für Wissenschaft undTechnologie – Französische Botschaft im Vereinigten Königreich

Das Vereinigte Königreich verfügt über eine Spitzenforschungvon Weltrang und nimmt hinsichtlich der Kredite für das 7.

europäische Rahmenprogramm für Forschung und Entwicklungden zweiten Rang nach Deutschland ein. Und im Jahr 2011belief sich die private Finanzierung der Forschung undEntwicklung in Großbritannien auf 17,4 Miliarden Pfund. AusTradition spielt im britischen Hochschulwesen die anwendung-sorientierte Forschung keine große Rolle. Doch seit etwa zehnJahren unternehmen die britischen Staatsbehörden großeAnstrengungen auf diesem Gebiet, um den Transfer derSchlüsseltechnologien von den Universitäten zu den Märkten zuerleichtern. Dank dieser Bemühungen und der kürzlich erfolgtenEinführung eines steuerabzugsfähigen Betrags fürForschungsausgaben sind bereits erkennbare Resultate zu ver-zeichnen.

Koordinierung der Beiträge von Jacques Serris und Benoit Legait

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RÉSUMÉS ÉTRANGERS

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 201486

¿QUÉ VÍNCULOS SE PUEDENESTABLECER ENTRELA INVESTIGACIÓN PÚBLICA Y LA INDUSTRIA?

Prefacio

Anne LAUVERGEON, Presidenta de la Comisión deinnovación 2030, Directora generale de ALP SA

Introducción

Jacques SERRIS y Benoit LEGAIT, Ingenieros de minas delConsejo General de Economía, Industria, Energía yTecnología (CGEIET)

¿Es la investigación asociativa compatible con las políticas deinvestigación?

Frédérique PALLEZ, Profesor de la Escuela de MinasParisTech

En Francia, la investigación asociativa se considera como unode los medios de aumentar la competitividad de las empresas.A este respecto, diversos mecanismos públicos la apoyan. Susprincipios parecen compatibles con los principales ejes de laspolíticas públicas de investigación que cada vez hacen máshincapié en la necesidad de asociar la investigación con laindustria. Ahora bien, cuando se analizan los motoresprincipales del comportamiento de los actores de lainvestigación pública, a saber, los investigadores o losprofesores-investigadores, se observa que ciertos mecanismospotentes (que sustentan los métodos de evaluación yfinanciación) frenan este acercamiento. El camino para superarestos obstáculos parece bastante tortuoso.

¿Qué políticas públicas favorecen la innovación y el crecimientoeconómico?

Alain VILLEMEUR, Profesor asociado de la Universidad deParís Dauphine

Actualmente Francia enfrenta un doble problema: lainnovación y el crecimiento económico, tal como lo handemostrado informes recientes. Desde hace una década, se hanpuesto en marcha muchos dispositivos a favor de la innovacióncon la esperanza de estimular el crecimiento económico. Sinembargo, estos dispositivos no han logrado frenar lastendencias.

¿Qué políticas públicas de innovación podrían aplicarse pararevitalizar, en el futuro, el crecimiento económico?

Hay que volver a los factores clave identificados por loseconomistas de la innovación y el crecimiento económicoque estructuran el ecosistema de la innovación: elacercamiento entre las universidades y las empresas, losnuevos productos y la renovación de las empresas. Pareceevidente que Francia necesita una verdadera revolución desus políticas públicas a favor de los nuevos productos y larenovación de las empresas.

Análisis de una iniciativa global de innovación abierta parapreparar el automóvil del futuro en PSA Peugeot Citroën

Gregory BLOKKEEL y Sylvain ALLANO, Dirección deinvestigación, innovación y tecnologías avanzadas del grupoPSA Peugeot Citroën

Innovar es poder aprovechar y redituar las oportunidades a cadainstante; es decir, tomar el riesgo de explorar lo desconocido.

Para ello, las empresas deben aumentar al máximo suexposición al mundo exterior con el objetivo de aumentar sucapacidad de acceso al conocimiento científico y a los nuevosusos. Esto es lo que abarca el concepto de Open Innovation oInnovación abierta desarrollado por Henry Chesbrough.

Para lograrlo, las empresas deben poner en marcha verdaderasasociaciones con los diversos agentes de sus ecosistemas deinnovación.

El Grupo PSA Peugeot Citroën ha puesto en práctica estapolítica de Open Innovation que se describe en este artículobajo el ángulo de tres de estos ecosistemas: académicos,empresariales e individuales.

¿Qué relación se puede establecer entre la investigación pública yla industria? Las expectativas de una pequeña empresa

Pierre-André MARCHAL, Director ejecutivo de Enersens

La sociedad Enersens produce materiales superaislanteselaborados a base de aerogel de silicio, una tecnología fruto deuna investigación asociativa llevada a cabo en colaboración conla Escuela de Minas ParisTech.

Enersens ha realizado una investigación colaborativa paraaumentar su capacidad de innovación y desempeñar un papelde líder en el campo de los materiales de alto rendimiento elcual enfrenta una fuerte competencia internacional.

La I&D y la innovación en el sector digital. Ilustración de lasexpectativas de los industriales

Stéphane DISTINGUIN, fundador de Fabernovel yPresidente de Cap Digital, Philippe ROY, Delegado adjuntode Cap Digital e Isabelle RYL, Directora del Centro deInvestigación Inria de París-Rocquencourt

La revolución digital tan solo empieza, pero la velocidad ymovilidad de este joven sector ya están en marcha y requierenuna modificación de los vínculos tradicionales entreinvestigación pública e industria. En efecto, el sector digital esun campo en que la colaboración es esencial, en particular entrelos dos mundos antes citados. Los industriales y los grandesgrupos, actores principales de esta investigación, apoyan estacolaboración que toma nuevas formas y plantea nuevos retos.

Open Innovation, aceleración de los ciclos de desarrollo de losproductos, evolución permanente, industria exponencial yrápida adopción por parte de los usuarios son factores decrecimiento y cambio. Por su rapidez, este cambio puede sermuy violento (globalización y competencia exacerbada sonalgunos de estos factores) y ejerce una gran presión sobre lainvestigación y la innovación.

A NUESTROS LECTORES DE LENGUA ESPAÑOLA

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RÉSUMÉS ÉTRANGERS

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La Universidad y la empresa

Bertrand MONTHUBERT, matemático, Presidente de laUniversidad de Toulouse III-Paul Sabatier

Lejos de los estereotipos de la Universidad-Torre de marfil, losvínculos entre las universidades y las empresas son muyimportantes y siguen desarrollándose. Si las relaciones entre laUniversidad y las empresas son importantes, debemosconsiderar las condiciones en las que estas relaciones puedenser armoniosas y, por lo tanto, equilibradas y respetuosas de lasmisiones de servicio público. La estructuración de estasrelaciones sigue siendo un reto para salir de relaciones lasparciales sobre el campo de la investigación y la formacióninicial o continua, y para integrar estas diversas dimensionesen una especie de hub de la innovación.

¿Qué vínculos se pueden establecer entre investigación pública eindustria?Ser investigador y crear una empresa innovadora

Alain THOREL, Director de investigación en la Escuela deMinas ParisTech

Este artículo describe las etapas del proyecto de creaciónDiamLite, una start-up dedicada a la fabricación industrial denanodiamantes fluorescentes, desde los primeros experimentosque produjeron las ideas y conceptos básicos sobre los que sebasa hasta el proceso de creación impulsado por las ayudas delMinisterio de Investigación.

Este proyecto es el fruto de 10 años de colaboración entre elCentro de materiales de la escuela de Minas ParisTech y launidad Inserm 829. El relato de esta experiencia, que haatravesado muchas dificultades pero también muchasoportunidades, permite identificar algunos puntos (positivos onegativos) que han influido enormemente esta aventura, yaprender algunas lecciones más generales que ilustran lasfunciones adicionales de la investigación fundamental, fuentede rupturas tecnológicas, y de la investigación asociativa, queconstituye el relé esencial entre los conceptos académicos y lasatisfacción de las necesidades de la sociedad.

De Anvar a Bpifrance, pasando por Oséo, las principales etapas dela financiación pública de la innovación

Laure REINHART, Directora de asociaciones en la Direcciónde Innovación de Bpifrance Financement

En Francia, desde hace más de 50 años, la transferencia detecnología entre los laboratorios públicos de investigación y laeconomía ha estado en el centro de las preocupaciones de losministros responsables de la investigación y la industria. Traslos enfoques de tipo Technology push de los años 1970 se hantomado en cuenta las necesidades de las empresas (enparticular PYME) en la organización de esta transferencia.Después del 2005, cuando se ha empezado a valorar lasvirtudes de la innovación abierta con la creación de clusters decompetitividad y la Agencia de la Innovación Industrial (AII),el esfuerzo se concentra hoy en día en todos los componentesde la innovación y el acompañamiento de las empresas queutilizan nuevas cualificaciones procedentes especialmente delas ciencias sociales y humanas.

¿Cómo pueden evolucionar las políticas públicas de investigaciónasociativa?

Guillaume PRUNIER, Ingeniero de minas, Jefe de la Oficinade políticas de innovación y tecnología de la DirecciónGeneral de la Competitividad, Industria y Servicios (DGCIS)

Las políticas de investigación asociativa son solo uno de loscomponentes de las políticas de innovación, pero siguen

siendo un elemento de competitividad poco explotado enFrancia.

Este artículo efectúa una comparación entre las políticas deinvestigación asociativa aplicadas en Francia (InstitutosCarnot) y en Alemania (Institutos Fraunhofer).

Panorama internacional de las prácticas de valoración de lainvestigación pública

Mario CERVANTES, Dominique GUELLEC y DanielKUPKA, Organización de Cooperación y DesarrolloEconómico (OCDE)

Actualmente, la valoración de la investigación pública es unapráctica muy común en la mayoría de los países y es un temacentral de las políticas nacionales de investigación einnovación. Aunque durante los primeros años de la creaciónde estas políticas se había realizado grandes progresos, pareceque sus resultados se han estancado en los últimos años. Estose debe a varios problemas que algunos países se esfuerzan ensuperar: una excesiva focalización en las patentes, un enfoquede la valoración demasiado administrativo e insuficientementeeconómico (registrar una patente o crear una empresa sonactos administrativos, mientras que crear valor a partir de estosactivos es un acto económico), una tendencia a descuidar elpotencial de emprendimiento que representan los estudiantes;al igual que una integración insuficiente en las estrategias delos distintos instrumentos de valoración de la investigacióntales como la protección de la propiedad intelectual, lainvestigación contractual y la creación de empresas.

Los sectores tecnológicos en Europa en el año 2020

Iskren KIRILOV, responsable de obras, y Jack METTHEY,Director del Programa Marco Relaciones Interinstitucionales,Dirección General para la Investigación y la Innovación de laComisión Europea

El nuevo programa marco europeo Horizonte 2020 trata deresponder a la necesidad de renovación de nuestro modelo desociedad, puesto de relieve por la crisis económica (perotambién social y política) que Europa atraviesa desde hace casicinco años. La investigación y la innovación debendesempeñar un papel importante en esta evolución, cuyoalcance debería ir más allá de las transformacionesestrictamente económicas. En este contexto, el programa-marco Horizonte 2020 apoyará una amplia gama deactividades que van desde la investigación fundamental, lapuesta en el mercado de nuevos productos, hasta el desarrollode nuevos procesos y sistemas y servicios, incluso en materiasde innovación social. El diseño de Horizonte 2020 refleja unaevolución evidente del modelo de financiación tradicional quefavorece un enfoque multidisciplinario con interacciones entredistintos sectores y sistemas tecnológicos y la diversificación delas modalidades de intervención.

La investigación asociativa en Francia y en otros lugares, unpaisaje en constante evolución

Sacha KALLENBACH, Inspectora general de laAdministración de la Educación Nacional y de laInvestigación, y Joël JACQUET, Profesor de la escuelaSupélec, Director científico de Captoor.

La innovación desempeña un papel importante en lacompetitividad de las empresas, es por ello que los Estadospermiten que se comparta la investigación fundamental conlas empresas. De esta manera se acelera la traducción ennuevos productos de los avances realizados en los diversoscampos del conocimiento.

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • FÉVRIER 2014

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RÉSUMÉS ÉTRANGERS

Al igual que otros países, Francia ha establecido, en los últimosaños, muchos dispositivos para acercar el mundo académico alas empresas con el objetivo de desarrollar la investigaciónasociativa.

Las ayudas a la innovación y la investigación asociativa en elReino Unido

Cyrille VAN EFFENTERRE, Consejero para la Ciencia y laTecnología, Embajada de Francia en el Reino Unido

El Reino Unido dispone de una investigación académica deexcelencia mundial y se sitúa en segunda posición detrás deAlemania en lo relativo a los créditos asignados en virtud del7o Programa Marco europeo de Investigación y Desarrollo.

En 2011, la financiación privada de la I+D en Gran Bretañaascendió a 17.4 millones de libras esterlinas.

Por tradición, el mundo académico británico no es favorable ala investigación aplicada. Sin embargo, desde hace una década,el estado ha realizado un esfuerzo para desarrollar las relacionesuniversidades/empresas con el objetivo de facilitar el paso delas tecnologías clave de los laboratorios hacia el mercado. Bajoel efecto de este esfuerzo y de la reciente creación de un créditofiscal para la investigación, los resultados ya son perceptiblesen la materia.

El dossier ha sido coordinado por Jacques Serris y Benoit Legait

© 2014 ANNALES DES MINES Le directeur de la publication : Serge KEBABTCHIEFF

Editions ESKA, 12, rue du Quatre-Septembre 75002 Paris Imprimé en EspagneRevue inscrite à la CPPAP : n° 0216 T 87571 Dépôt légal : Février 2014

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