Tresmontant Claude - Elementes de Theologie.pdf

7/29/2019 Tresmontant Claude - Elementes de Theologie.pdf

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Il

LE FAIT DE LA RÉVÉLATION

Dieu, celle dont nous devons partir pour le connaître. Mais,

torique, qui procèdepar étapes.Chacunede cesétapes,cha-quecréation nouvelle, est un nouveau point de départ pourconnaîtreDieu qui est le créateur.

la création changent de régime.Jusqu'à l'Homme, la création s'effectue par communica-

nouveaugroupe zoologique qui est créé, c'est d'abord un

nouveau messagegénétique qui est intégré à un messagegénétique ntérieur,plus simple. Mais le Créateurne demandepas à l'être créé sa permission pour, à partir de cet être,

rition de l'Homme, s'effectue -la coopération de l'être créé.

Avec l'apparition de l'Homme, la création change derégime, car avec cet être nouveau qui est l'Homme, apparaîtdans l'Univers et dans la nature un être capable de penser,capable de réflexion et de connaissance.

Pour continuer sa création à partir de cet être-là, Dieucontinue à communiquer des messages et des informations.



Mais désormais ces messagesne sont plus inscrits dans ce que

les biologistes appellent le patrimoine génétique de l'êtrevivant; ils sont communiqués à l'intelligence de cet être nou-veau qui vient d'apparaître, à sa pensée, à sa liberté. Il peut

tion désormais s'effectue avec l'Homme, avec le consente-

guaient naguère quatre étapes principales dans l'histoire dela genèse de l'Homme:

1. Les Australopithèques, qui ont vécu pendant le Pléisto-cène inférieur; ils sont bipèdes et de petite taille; le volumede leur cerveau est de l'ordre de 500 cm3.2. Les Archanthropiens qui datent de la première partie duPléistocène moyen; leur cerveau est déjà plus volumineux:environ 1 000 cm3.

seconde partie du Pléistocène supérieur; leur cerveau est engénéral de l'ordre de 1 300 cm31.

Plus récemment, certains savants éminents ont estimé que

1. Sur cette question, cf. E. GENET-VARCIN, léments de Primatolo-gie. A la recherche du Primate ancêtre de l'Homme, Paris, éd. Boubée

éd. Masson, 1973. L'Apparition de l'Homme, Le point de vue scientifi-



Le ait de a révélation 39

la théorie d'après laquelle le processus de l'hominisation s'est

réalisépar la successionde types bien définis, à savoir les Aus-tralopithèques, les Pithécanthropes, les Hommes de Néan-

estiment ue a théorie en question oublie que 'évolution ani-male est diversifiante et que les lignées ne cessent de

cessivesd'êtres qui ne sont plus des Simiens et qui ne sontpas encore des hommes modernes nous permettent de discer-

par l'astrophysique nous assistons à la genèse de l'Univers.

plexe. Le cerveau de l'Homme moderne est le système le pluscomplexeque nous connaissions à ce jour dans l'Univers:environcent milliards de neurones; chaque neurone donnenaissanceun buisson ouffu de dendritesqui entrent en con-nexion es unes avec les autres. Pour l'ensemble du cortexhumain, cela donne à peu près seizebillions de synapses...

Nousne savonspas très bien, en 1986,parmi cesêtres quela paléontologienous découvre depuis un siècle au moins,

critères mpiriques: la capacité de faire du feu, de fabriquerdesoutils, etc.

parole,unepensée, t qui peut répondreà Dieu, parler à Dieu,

2. Cf. P.P. GRASSÉ, récis de Zoologie, Vertébrés, ome III, éd. Mas-



40 Les premiers éléments de la théologie

en relation de dialogue avec Dieu le créateur.Ce par quoi l'homme est capable d'entrer avec Dieu en rela-

tion de dialogue, c'est ce que la Sainte Écriture appellel'esprit; en hébreu ruah 3: en grec pneuma; en latinspiritus.

L'esprit, c'est ce par quoi l'homme peut entrer en relationavec Dieu, recevoir de Dieu des messages, des informations,

c'est le prophète (Osée 9,7).L 'Homme, c'est un être capable de devenir prophète, invité,

fragile et démuni, en ce sensqu'il a perdu la plus grande partiedes comportements instinctifs qui régissent la vie de l'animal

L'animal obéit aux programmations inscrites dans sonpatrimoine génétique, en ce qui concerne l'alimentation, lachasse, la défense du territoire, les amours, la vie sociale, etc.

3. Prononcer: rouach, e ch final dur, commedans 'allemandBuch.




chie à laquelle il a accédé, est capable de faire à peu près

n'importe quoi, en ce qui concerne a nourriture, les amours,la vie socialeet politique, la guerre et le reste,- et il le fait.L Homme estun animal qui, à causede a conscience éflé-

chie, est capable de devenir méchant, et il le devient. Il estcapable de massacrer inutilement, de torturer, ce que ne font

creurs,on fait gravement njure aux lions et aux tigres, quine pratiquent pas les horreurs que nous avons vues au xx.

Lorsqu'on parle, à propos de certainessociétéshumaines, deretour à la jungle, on fait injure à la jungle, car dans a jun-

vu au xx. siècle: les camps de la mort et les chambres à gaz.

tains se demandent aujourd'hui si l'Humanité ne va pas se

détruire elle-même avec les armes dont elle dispose et dontelle accroît constamment le nombre et la puissancedestructrice.

èreavait dit cela à sa manière, dans son langageà lui. Il uti-lisait sansdoute des traditions antérieures, qu'il a remode-lées,pour dire ce qu'il avait à dire, tout comme Jean de laFontaineutilisait des fables et des histoires antérieurespourcomposer espropres fables et nous dire ce qu'il avait enviede nous dire.

d'expressionselles que: accèsà la conscience éfléchie, ouseuil de la réflexion. Mais il disposait d'une vieille expres-sionhébraïque: a connaissance u bon et du mauvais.Accé-derà la connaissanceu bon et du mauvais,chez es Hébreux,c'estaccéderau seuil de la conscience éfléchie, ce que nousappelons 'âge de raison, l'âge où l'enfant sait discerner le

sensde sesactes.




(en hébreu ha-adam) poussière prise de la terre (hébreuhaadamah), et il insuffla dans sa narine un souffle de

ble à voir, et bon à manger, et l'arbre de la vie au milieudu jardin et l'arbre de a connaissance u bon et du mau-vais. (...)

conduisit dans le jardin d'Eden pour le travailler et pour

l'Homme en disant: de tout arbre du jardin, manger tu

mauvais, tu n'en mangeras pas, car le jour où tu en man-geras, mourir tu mourras.

blable à lui.

être vivant du champ et tout oiseau des cieux et il les con-

pattes et à l'oiseau des cieux et à tout vivant du champ.

sa ressemblance.

Femme et il la conduisit vers l'Homme.

(hébreu ischah) car de l'Homme (hébreu isch) elle a étéprise, celle-ci!




C'est pourquoi il abandonnera, l'Homme (isch), son

ils seront une seule chair.

Nous lirons plus loin le texte dans lequel la signification

Pour quelles aisonsn'ai-je pas mis de voyellesau nom pro-

D'abord par respect pour nos frères aînés du judaïsme, quine prononcent pas le nom propre de Dieu. Lorsqu'ils le lisentdans a Bibliothèque hébraïque inspirée, ils prononcent ado-

hébraïque en grec, ont rendu le tétragramme par le mot grec

traduction grecque en latin ont rendu le grec kyrios par le

sorte que, dans une liturgie en latin, lorsque l'on entend unpsaumedans lequel il est dit dominus, il yale tétragramme

lisent adonaï en sorte que, dans nos éditions imprimées de

aux Vile et Ville siècles de notre ère, ont mis des voyelles sous

absurde: Jehovah résulte de la lecture des consonnes de

lisait les consonnes de Félix avec les voyelles de Potin.

certains de la prononciation du nom propre de Dieu. C'est

i




objet de controverse. Plutôt que de proposer une prononcia-

tion arbitraire, je préfère y renoncer.

nos frères aînés du judaïsme ont raison de ne pas vouloir

ter un usage vulgaire du nom de Dieu et réserver la pronon-

les. C'est ainsi que le comprend le judaïsme depuis de longs

dans Genèse 1 que nous lirons plus loin, et comme dans toute

pre, désignant un individu singulier. C'est un nom communqui signifie: l'Homme, l'Humanité. L'hébreu a pour habi-tude d'utiliser un mot au singulier pour désignerune collec-tivité ou une multitude; par exemple: l'Oiseau des cieux, -pour dire: les oiseaux multiples appartenant à de multiples

espèces.de traditions orales antérieures, ne se propose donc pas denous parler d'un individu singulier appelé Adam. Il nous parlede l'Homme, de la création de l'Homme, du passé del'Homme, du destin de l'Homme, et aussi, nous le verrons,de l'avenir de l'Homme.

L'idée de ce théologien hébreu, qui vivait sans doute au

créé, vivait de la cueillette, qu'il vivait nu, et que la chasse,ainsi que l'habillement, sont venus plus tard.

Lorsque l'Homme est apparu, en Afrique du Sud ou enAfrique orientale, en tout cas dans une région tropicale, lors-que s'est effectuée la mutation hominisante, ou, disons mieux,lorsque se sont effectuées les premières mutations qui devaientconduire aux formes humaines, les êtres qui ont résulté de

saient principalement de cueillette. D'ailleurs, du point de vueanatomique, physiologique et biochimique - métabolsme




des acides nucléiques - les hommes actuels sont très pro-

ches des grands singes anthropomorphes.Il se pourrait donc - c'est une pure hypothèse de travail- que le vieux théologien hébreu nous relate dans ce texteun souvenir rès archaïqued'une époqueoù l'humanité vivaitde cueillette, et sans être astreinte à la nécessitéde se vêtir.S'il ne s'agit pas d'un très vieux souvenir, transmis par la tra-dition orale, alors c'est une coïncidence.

Voyons maintenant la page suivante dans aquelle le théo-logienhébreunous raconte comment, à son avis, l'humanité

- hébreu ha-adam - a perdu cette condition initiale heu-

appelleun mâschâl, c'est-à-dire une comparaison, une ana-logie, une fable qui s'appuie sur des donnéesconcrètespour

mâschâla été traduit en grec par parabolè. Les traducteursfrançaisont rendu le grecparabolè par le français parabole,cequi ne es a pas trop fatigués. Bien entendu, le théologien

qui a composéce mâschâln'était pas davantagedupe de sonprocédé ue Jeande a Fontaine orsqu'il fait parler les oups,les renards et les agneaux.

aroum signifie à la fois nu et rusé; c'est donc un jeu demots) plus que tout vivant du champ qu'avait fait

- Serait-cequ'il a dit, Dieu: vous ne mangerezpas

de tout arbre du jardin?Elle dit, la femme, au serpent:du jardin, nous mangeons. Mais du fruit de l'arbre quiest au milieu du jardin, Dieu a dit: vous n'en mange-rezpas, et vous n'y toucherezpas, afin de ne pas mourir.

vous ne mourrez pas. Mais c'est qu'il sait, Dieu, que lejour où vous en mangerez,vos yeux s'ouvriront et vous

serez ommedesdieux, connaissant e bon et le mauvais.ger, et qu'il était désirable, lui, pour les yeux, et qu'il




était agréable, 'arbre pour l'intelligence, et elle prit de

son fruit et elle mangeaet elle donna aussià son hommeavec elle et il mangea.Alors s'ouvrirent les yeux de l'un et de l'autre et ils

connurent qu'ils étaient nus, eux, et ils cousirent de lafeuille de figuier et ils firent pour eux des pagnes.

menait dans le jardin au souffle du jour, et ils se cachè-

Dieu, au milieu de l'arbre (sic) du jardin.

ce que de l'arbre au sujet duquel e t'ai ordonné de n'enpas manger, est-ce que tu en as mangé?

avec moi, c'est elle qui m'a donné de l'arbre et j'aimangé.

que tu as fait?

., . ,J al mange...

ou qui a transmis une vieille tradition qu'il a présentée à sa

conditions heureuses. L'homme vivait de cueillette, il n'avaitdonc pas besoin de chasserni de travailler la terre; il vivaitnu, il n'avait pas besoin de vêtement.

veau. L'homme est désormais contraint de travailler la terre

péniblement; il est vêtu, il connaît la pudeur qu'il ignorait

la peur a fait son entrée dans l'existence humaine.Toutes cesdonnées,que e théologien hébreu d'il y a trente

\.




sièclesnous communique, sous la forme d'une fable, sous

la forme d'un mâschâl, correspondent à quelque chose pourcelui qui étudie les origines humaines: le passage de l'ani-malité à

I II

bien en effet, avec la formation d'un cerveau complexe, et Ilplus précisément d'un néocortex exceptionnellement déve- j'

1ans deux directions, qui ne sont d'ailleurs pas nécessaire-

ment exclusives l'une de l'autre.

tion catastrophique du texte. Il faut savoir que les Pères grecset latins étaient formés dans un milieu culturel, intellectuel,philosophique et théologique, dans lequel dominaient les phi-losophies platoniciennes, le néoplatonisme et les divers systè-mesgnostiques.

et se sont développées comme des champignons dans les pre-miers siècles de l'ère chrétienne, et dès l'époque de la forma-tion des livres du Nouveau Testament. Sans entrer ici dans

qui ne serait vraiment pas à sa place ici - contentons-nousde noter que ces systèmes ou doctrines présentent l'existence

trophe, une chute, chute de l'âme divine et préexistante dans

une matière supposée mauvaise. Les gnostiques pensent quele principe de ce monde physique, à savoir le créateur, estun principe ou un dieu mauvais. L'existence humaine est le



résultat d'une chute, et le salut ne peut consisterqu'à retourner

à notre condition antérieure,supposée ivine4.D'autre part, les philosophies platoniciennes et néoplato-

niciennes dans lesquellesbaignaient littéralement les intelli-gencesdespremiers sièclesde notre ère, dès ors qu'elles rece-vaient une formation philosophique, ces philosophiesconcevaientaussi 'existencephysique, cosmiqueet corporelle

prisons s; Grégoire de Nysse explique que sans cette« chute » la procréation ne se ferait pas selon les méthodesconnuesaujourd'hui; Augustin écrit que sanscette « chute»l'amour physique, ou l'union physique de l'homme et de lafemme, n'aurait pas présentées caractères u'il présente.Unetendance générale chez nombre de Pères grecs et latins estdonc de comprendrece exte d'une manièrequelquepeu gnos-

enseigne a chute des substancesspirituelles dans le mondemultiple, et cette doctrine d'Origène d'Alexandrie se etrouve

gnostiques, f. Histoire desReligionssous a direction d'H.C. PUECH,

1



Le ait de la révélation 49

sophe llemand Schellinget en plein XX' sièclechezdes chré-tiensque e préfère ne pas nommer pour ne pas eur faire dela peine.

Mais ous esPèresn'ont pas compris ce exte d'une manièrecatastrophique. Certains ont proposé une interprétationinverse.L'un d'entre eux, saint Irénée, évêquede Lyon (néentre 140et 160 à Smyrne, sans doute), a écrit un ouvragemonumental ontre les hérésies e l'époque, qui étaient prin-cipalement eshérésies e type gnostique. Irénée connaissaittrès bien cesdoctrines gnostiques, et les exposésqu'il nousen donne sont largement confirmés par les découvertesd'ouvragesgnostiquesoriginaux découverts en plein milieu

gnostiques, les systèmes gnostiques, sont très exactement et

nous le verrons, la doctrine chrétienne orthodoxe professe,

cosmique, biologique, l'excellence de l'existence humaine cor-porelle ; les systèmes gnostiques professent que l'Univers, la

systèmes gnostiques comprennent l'existence du monde

Aussi bien saint Irénée de Lyon, l'adversaire des gnosti-ques,propose-t-il une tout autre interprétation de Genèse,

il n'est pas possible de créer immédiatement l'Homme achevé.

Cette impossibilité ne tient pas à Dieu. Elle tient à la condi-

processusui procèdepar étapes,une genèse rogressive.Laplénitude n'est pas en arrière de nous dans le temps, au com-

chapitre 3 nous explique qu'en effet l'Homme, pour accéderà la condition de l'âge adulte, doit franchir le seuil de laréflexion, il doit accéder à la connaissance. Cela comporte




des risques, cela est dangereux, mais absolument nécessaire

pour que l'Homme quitte sa condition animale et parvienne

aussi comporte des risques. Mais elle est une phase nécessairede la croissance et du développement. Il n'est donc pas ques-tion de regretter l'accès de l'Homme à la conscience, et il n'estpas non plus question de retourner, ou de régresser à lacondition du jardin d'Éden, à la vie arboricole. Irénée conçoit

l'animalité et accédé au seuil de la conscience réfléchie, lerégime de la création est modifié, et un risque d'échec est en

du destin de l'humanité. C'est vraisemblablement un texte

ceschrétiennes, d. du Cerf, livre IV.



50 Les premiers éléments de la théologie l

des risques, cela est dangereux, mais absolument nécessaire

pour que l'Homme quitte sa condition animale et parvienneaussi comporte des risques. Mais elle est une phase nécessairede la croissance et du développement. Il n'est donc pas ques-tion de regretter l'accès de l'Homme à la conscience, et il n'estpas non plus question de retourner, ou de régresser à lacondition du jardin d'Éden, à la vie arboricole. Irénée conçoitdonc l'accès à la connaissance du bon et du mauvais commeun moment périlleux mais nécessaire du développement et de

la croissance de l'Homme ou de l'humanité. Cette interpré-

l'humanité a émergé, comme disent les paléontologistes, del'animalité et accédé au seuil de la conscience réfléchie, lerégime de la création est modifié, et un risque d'échec est en

du destin de l'humanité. C'est vraisemblablement un texte

6. IRÉNÉE

ceschrétiennes, d. du Cerf, livre IV.




Dieu ncrééd'une information créatriceà l'Homme créé.Nous

l'avons vu précédemment à propos de la création: toute créa-tion dans 'histoire de l'Univers et de la nature s'effectue, se

connaissance, la création de l'Homme se poursuit et secontinue par communication d'information créatrice, maiscette information communiquée s'adresse désormais à l'espritde l'homme, à sa pensée, à son intelligence et à sa liberté.Elle n'est plus inscrite génétiquement dans le patrimoine géné-

sa tradition, orale d'abord, écrite ensuite s'il y a lieu.

gnement (hébreu torah) et tendez votre oreille aux parolesdema bouche.Je vais ouvrir dansune comparaison môs-

1

d'autrefois.

Ce que nous avonsappris en l'entendant et ce que noussavons,et ce que nos pères nous ont raconté, nous nele cacheronspas à leurs fils, à la génération qui vient

puissanceet les merveilles qu'il a faites.Il a institué un témoignage en Jacob, et une Instruc-

tion (torah) l a miseen Israël, qu'il a ordonné à nos pèresde faire connaître à leurs fils, afin que les connaissent

ceuxde a génération qui vient après, es fils qui allaientnaître, qu'ils se èvent et qu'ils les racontent à leurs fils,afin qu'ils mettent leur confiance en Dieu, qu'ilsn'oublient pas les œuvres de Dieu...

Voilà ce qu'est dansce peuplehébreu,commedansd'autresl, peuplesanciens, la transmission de l'information. Elle va de: la boucheà l'oreille et elle est conservéedans la mémoire.r Dans ce peuple, comme dans les autres peuples anciens qui."

.. écrire pour être savant, pour avoir la science: il suffit de

i




l'avonsvu précédemment propos de la création: toute créa-tion dans 'histoire de l'Univers et de la nature s'effectue, se

tir du moment où l'Homme apparaît, un être capable deconnaissance, la création de l'Homme se poursuit et secontinue par communication d'information créatrice, maiscette information communiquée s'adresse désormais à l'espritde l'homme, à sa pensée, à son intelligence et à sa liberté.Elle n'est plus inscrite génétiquement dans le patrimoine géné-tique de l'Homme. Elle est inscrite dans sa mémoire, danssa tradition, orale d'abord, écrite ensuite s'il y a lieu.

gnement (hébreu torah) et tendez votre oreille aux paroles

1/

; d'autrefois.

, savons,et ce que nos peres nous ont raconte, nous nele cacheronspas à leurs fils, à la génération qui vient

puissance et les merveilles qu'il a faites.

J tion (torah) l a miseen Israël, qu'il a ordonné à nos pèresde faire connaître à leurs fils, afin que les connaissent

ceuxde a génération qui vient après, es fils qui allaientnaître, qu'ils se èvent et qu'ils les racontent à leurs fils,). afin qu'ils mettent leur confiance en Dieu, qu'ils

n'oublient pas les œuvres de Dieu...

Voilà ce qu'est dansce peuplehébreu,commedansd'autres1: la bouche à l'oreille et elle est conservée dans la mémoire.i Dans ce peuple, comme dans les autres peuples anciens qui

.. procèdent de même, il n'est pas nécessaire de savoir lire et. écrirepour être savant, pour avoir la science: il suffit de

i

..

...~~-




est tardif, il n'est pas premier, il est secondaireet de toutemanière il ne remplace pas la transmission de l'informationqui va de la bouche à l'oreille.

Pour nous, les peuplesqui avons perdu la mémoire, parceque nous nous en remettons au texte écrit, cette méthode detransmissionde 'information nous paraît peu sûre. Mais l'his-toire et l'expérience montrent que cette méthode orale était

pIe subsiste et tant que la tradition est transmise. iPour que Dieu puisse parler à l'Homme, lui communiquerdes informations, des connaissances, l faut que l'Homme soitcapable de l'entendre, de le comprendre, d'assimiler ces nfor-mations qui lui sont communiquées. Il faut donc quel'Homme ait atteint un certain développement neurophysio-

n'importe quel être vivant, parce que n'importe quel êtrevivant n'a pas atteint un développement neurophysiologique

dit, et lui fait savoir.C'est donc que l'Homme n'est plus un être en régime de

pure nature, puisqu'il est capable d'entendre ce que Dieu luidit, de le comprendre, de l'assimiler, et de répondre à Dieu.Il est donc un être en relation avec l'Unique incréé et cette

relation est déjà surnaturelle.de Dieu et qui sont adressées à l'Homme, ne peut être queprogressive; elle ne peut procéder que par étapes,pour uneraison simple, c'est que l'Homme ne pouvait pas compren-dre, recevoir, porter, assimiler, au commencement, la pléni-tude de la révélation. C'est la pensée de saint Irénée de Lyon, :de nouveau. Vous ne pouvez pas enseigner la physique quan-tique, la mécanique ondulatoire ou la théorie relativiste de

,ne raison simple: c'est qu'il n'a pas acquis en physique esinformations antérieures ui sont requises our être en mesure

1

L




d'assimilerdes nformations nouvelles que sont les découvertes

C'est dire que la communication de l'information ne peut pas

d'imposer aux messages génétiques des micro-organismesmonocellulaires la charge ou le supplément d'information que

procéder progressivement, par étapes, par enrichissementprogressif des messages génétiques, enrichissement qui impli-que restructuration, assimilation. L'enrichissement des

seulement est prouvée de fait, mais elle représente une

est a révélation ne pouvait pas être instantanée, complète ou ;

de Lyon et, plus tard, au XVIe siècle, par saint Jean de laCroix, qui étudie la transformation de l'Homme ancien en

Hommenouveau.



54 Les premiers éléments de la théologie Le

nécessairement progressive, et c'est ce qu'a établi la critique d(

biblique. thQu'est-ce que la critique biblique? C'est tout simplement ru

L'étude scientifique de la Bibliothèque hébraïque, à savoir b

que que les chrétiens appellent le Nouveau Testament, a per-mis de découvrir que la révélation s'était communiquée pro- cgressivement, et par étapes, parce qu'on a analysé l'âge des d

constitue le Pentateuque sous la responsabilité d'un seul (homme, Moïse, en un seul moment, le XIII. siècle avant notre tère. Lorsqu'on a découvert que cette bibliothèque est consti-tuée de documents divers dont la composition s'étale sur ]plusieurs siècles, on a découvert un processus évolutif, un

en français,en allemand,ou en anglais.En français,un ouvragedéjà

y compris les livres du Nouveau Testament, est l'Introduction à la Biblepubliéesous a direction d'A. Robertet A. Feuillet,éditionsDesclée




développement, non pas biologique, mais dans la pensée

théologique du peuple hébreu. C'est ainsi qu'un savant émi-nent en ce domaine, Édouard Dhorme, a pu publier en 1937un ouvrage intitulé: L'Évolution religieuse d'Israël. Il y aévolution au cours du temps, c'est-à-dire transformation, maistransformation orientée, dans une certaine direction, et s'ily a transformation orientée dans une certaine direction, c'estparce que l'humanité, en cette zone germinale, reçoit del'information. 1

naturelle des espèces ivantes procède par étapes, du plus sim-

d'un seul coup à Moïse sur le mont Sinaï, mais progressive-ment, par étapes.

quer une information à l'humanité, c'est la transformer. Cette

transformation ne peut être que lente et progressive, parcequ'il faut que l'humanité assimile ces informations nouvel-

résiste, et parfois farouchement, à l'information créatrice nou-velle qui s'efforce de la transformer. L'humanité résiste à sapropre transformation.

Dans les travaux modernes sur la théorie de l'information, 1on a étudié ce qui se passe lors de la transmission de l'infor-mation : c'est généralement un processus dans lequell'entro-pie augmente, c'est-à-dire que l'information diminue.

Le mot entropie est décalquésur un mot grec, entropè, que

exactement l'inverse de l'évolution: l'involution. Si AlbertEinstein veut communiquer, de Princeton aux U.S.A., à son

confrère Louis de Broglie qui habite à Paris, un messagesavant, par exemple une découverte dans le domaine de laphysique; s'il doit remettre son message à une télégraphiste




qui n'est pas physicienne; si celle-ci doit transmettre le mes-

sagereçu à une seconde élégraphiste; et s'il y a cent télé-graphistes ntermédiaires entre Albert Einstein et Louis deBroglie, - on sait à l'avance que le message insi transmisne sera pas amélioré dans a transmission. Il va au contrairese dégrader, les erreurs de copie vont s'accumuler, l'infor-

augmenté 8.Remarquons en passant que dans le cas de l'évolution bio-

logique ou histoire naturelle des êtres vivants, l'informationne diminue pas au cours du temps; elle augmente aucontraire, ce qui prouve précisément qu'il s'agit d'une créa-tion qui s'effectue au cours du temps.

Dans le cas de la révélation, l'information augmente aussiau cours du temps, depuis les origines jusqu'à sa plénitude,lorsque fut venue la plénitude du temps, comme dit Paul.

ont étudié ce qui se passe lorsque les messages sont transmis.

résistance à l'information. Pour l'étudier, il est intéressantd'examiner ce qui s'est passé dans cette zone germinale ouembryonnaire de l'humanité qu'est le peuple hébreu. Mais'on peut aussi étudier cette résistance dans l'histoire des scien-ces: toute découverte nouvelle provoque ou suscite une résis'::tance de la part de ceux qui enseignent, et qui sont assis surles chaires de Moïse de la physique, de l'astronomie, de labiologie ou de la médecine, - résistance qui est proportion-

nelle à la nouveauté de la découverte. Voir par exemple cequi s'est passé autour de la Galilée, autour d'Albert Einstein,ou autour de Lamarck.

Il existe une résistance à l'information qui est normale, quiest saine, c'est celle que l'on observe dans les systèmes vivants, ,les organismes: si vous inoculez à un organisme sain un virus

8. Sur cette question, cf. par exemple es beaux livres de Léon BRIL-LOUIN, Vie, Matière et Observation, éd. Albin Michel, et : La Scienceetla Théorie de l'Information, éd. Masson. François BONSACK,nforma-tion, thermodynamique, vie et pensée, éd. Gauthier-Villars.




ou une bactérie, et par conséquentde l'information, qui tend

l'organisme réagit en suscitant contre ces molécules étrangè-res des molécules qu'il compose lui-même pour éliminer lesmolécules toxiques. C'est la résistance de l'organisme à l'infec-

que est saine, nécessaire: c'est une résistance par l'intelli-gence.Toute résistance à une information nouvelle n'est doncpas, en tant que telle, un processus négatif.

découvrir la réalité du temps, c'est-à-dire la réalité de ce fait:la création ne s'est pas effectuée ou réalisée instantanément,

pas effectuée d'un seul coup, instantanément, mais elle estprogressive, elle aussi, pour les mêmes raisons, au fond, parcequ'il ne peut pas en être autrement.

man en 1845 - vont susciter, de la part des chrétiens etd'autres, une résistance violente, acharnée, qui n'est pas

venus à comprendre que création et évolution ne s'opposent

mutuellement.

tésont étébien entendudifférentesde ce qu'elles urent autour i

de l'histoire naturelle des espèces ivantes.a écrit tout le Pentateuque, y compris le récit de sa propremort. Les travaux philologiques, historiques, critiques éta-blissent que ce n'est pas possible. Il fallait donc, et il suffi-sait, de reconnaître que la question de l'auteur et la questionde 'inspiration sont desquestionsdistinctes. Si tel document,par exemplecelui que nous avons raduit, n'est pas de Moïse,alors il est d'un autre. Cela ne change ien à l'inspiration du

texte.que e livre d'Isaie tel que nous le lisons dans a Bible hébraï-que et donc dans es raductions, est d'un prophète de ce nom




qui vivait au VIlle siècleavant notre ère. Les travaux savants

établissentque ce ivre est constitué de plusieurs documents,dont certains appartiennent en effet au prophète Isaïe duVIlle siècleavant notre ère, mais dont d'autres, par exempleles chapitres 40 et suivants, ne peuvent pas être de la maindu prophète du VIlle siècle avant notre ère, mais d'un pro-phète inconnu qui a pris part à la déportation de Babylone,au VIe siècle avant notre ère, qui annonce le retour desHébreux déportés dans a mère patrie, et qui nomme Cyrus

le fait que le prophète du VIlle siècle avant notre ère connaîtpar son nom Cyrus qui devait vivre deux siècles plus tard.L'argument s'effondre.

de la captivité de Babylone au VIe siècle avant notre ère. Ilfallut se rendre à l'évidence: Daniel est l'œuvre d'un inconnuqui vivait au temps d'Antiochus Epiphane, au lIe siècle avant

psaumes à leurs places, à leurs dates approximatives, dansl'histoire du peuple hébreu.

crise et la résistance aux découvertes nouvelles, ici, à proposde la critique biblique, comme dans d'autres domaines, astro-nomie, physique, biologie, médecine...

verte, c'est ce qui oblige à repenser out ce qu'on enseignait

avant. C'est fatigant, très fatigant. Mieux vaut refouler ladécouverte que de s'astreindre à repenser oute la physique

d'établir que l'éther, dont tout le monde enseignait l'existence

pas professeur, ce qui aggravait son cas.Il existedonc une inertie naturelle à l'intelligence humaine,

inertie comparable à certains égards à celle que la physiquediscernedans a matière. Cette nertie se rouve en nous tous,et non pas simplement chez quelques-uns, es autres.




tels que Renan ou Loisy firent connaître aux Français les tra-vaux des savants allemands.

ment la question de l'auteur et la question de l'inspiration,

ligence, que l'Écriture sainte, c'est-à-dire la Bibliothèque saintedes Hébreux et celle des chrétiens, est pleinement inspirée,c'est-à-dire travaillée par l'Esprit saint, c'est-à-dire l'Espritde Dieu, c'est-à-dire Dieu qui est Esprit; - mais qu'elle estaussi pleinement humaine, ce qu'on avait parfois oublié de

souli~ner .L'Ecriture sainte, telle qu'elle se présenteà nous, c'est la

pâte humaine travaillée, transformée progressivement par

réalité totale qu'est l'Écriture sainte, il faut donc distinguerl'humanité, ou la nature humaine, - la pâte humaine, -

et 'inspiration, que l'on pourrait appeler a nature divine dela Sainte Écriture.

l'Écriture sainteest parole de Dieu, et c'est vrai. Mais on avaitparfois un peu négligé d'enseigneret de faire apercevoir quel'Écriture sainte est aussi humaine, pleinement humaine, ce

qui ne signifie pas exclusivement humaine.Lorsque es ravaux savantsde la critique biblique, en Alle-

magned'abord, puis dans le monde entier, ont mis en vive

table, parce que les esprits n'étaient pas préparés, es intelli-gences 'étaient pas prêtes à recevoir cette découverte et àl'assimiler. l s'est donc produit des éactionsde rejet, commeautour de l'affaire Galilée 9.

question de l'auteur et la question de l'inspiration, la décou-

9. Nous avons essayéd'exposer plus amplement ces problèmes dansnotre ouvrage, La Crise moderniste, Paris, éd. du Seuil, 1979.




verte d'une révélation progressivement communiquée, par éta-

pes, et la découverte de la nature humaine de l'Écriture sainte,qui est la pâte humaine travaillée par l'Esprit de Dieu etprogressivement transformée, - ces rois découvertestaient

conduites qui sont celles de l'homme.

des estesde quelquepréhorninien.Les Hébreux nomades ont




et esgrandsprophètes d'Israël, aux X', IX., VIII., VII. et VI.siècles vant notre ère, ont tonné contre cette pratique abo-minabledes sacrifices humains. Il reste dans la Sainte Écri-ture des extes, des documents fossiles, qui attestent que la

religiondesHébreux nomadesest partie du fonds sémitique

Il faut donc reconnaître et discerner la double nature del'Écriture sainte, sa nature humaine et sa nature divine,

loin, la double nature du Christ, et, nous y viendrons encore

plus oin, la double nature de l'Église.et de l'Église aboutissent inévitablement à des catastrophes.

L'Écriture sainte, disions-nous, c'est la pâte humaine pro-gressivement transformée par une information qui vient de

ble de documents qui constituent la Bible hébraïque, pourne parler que d'elle ici, des étapes rès archaïques de cettetransformation de l'humanité, de ce développement théolo-gique et moral.

de voir ce travail progressif de Dieu à l'œuvre à l'intérieur

rejoint une doctrine qui a toujours, et dès e début, été cellede 'Église: pour comprendre la révélation, il faut s'orien-

son passéou sescommencements. L'Écriture sainte est intel-ligible en référence au terme, à la plénitude de la révélation.

Il n'est donc pas possible de brandir n'importe quel texte,appartenant à n'importe quel âge de la Sainte Écriture, àn'importe quelle couche géologique, à n'importe quelle stra-tification. Par exemple:

désert, ls trouvèrent un homme ramassant du bois le jour




avec des pierres en dehors du camp!

Deutéronome 22, 21:

être périmées aujourd'hui 1°.

10. Cf. RenéDUSSAUD,es Origines cananéennes u sacrifice israélite,Paris, éd. Ernest Leroux, 1921.




Vaux aux éditions Gabalda.Pour que Dieu puisse se faire connaître à l'homme, pour

qu'il puisse lui communiquer une information, un message,une connaissance, il faut que Dieu parle à l'homme dans lalangue de l'homme, il faut qu'il s'adresse à son intelligencede elle manière qu'il puisse être compris. Si Dieu parlait danssapropre langue à l'homme, l'homme ne le comprendrait pas.Donc, pour que la parole de Dieu soit adressée à l'homme,

il faut que celle-ci soit humanisée.tion, et les conditions de possibilité de la révélation, la théo-rie de l'incarnation qui vient, et dont nous parlerons plus loin.

Pour que Dieu puisse communiquer un enseignement àl'humanité, il faut qu'un homme transmette l'information

reçue de Dieu dans le langage des hommes. Cet homme, quiest e médiateur entre Dieu et les hommes, c'est le prophète,en hébreu nabi, l'homme de l'Esprit, ha-nabi isch ha-ruah

(Osée 9, 7).

à son serviteur le prophète » (Amos 3, 7).

qui reçoit de Dieu l'information, la science, la connaissance,et qui la transmet dans le langage des hommes, en l'occur-rence l'hébreu ou l'araméen. Làencore, 'est-à-dire hez esprophètesd'Israël, la théorie et la réalité de 'incarnation sont !déjà en formation.

Lorsque Louis de Broglie communique la sciencequ'il aacquise ar son travail de chercheur,en 'occurrence a physi-que théorique, il ne perd pas la sciencequ'il communique.Les autres, à savoir sesétudiants, la reçoivent plus ou moinsbien, selon eurs aptitudes, eurs capacités, eur attention, leurintérêt, mais lui, Louis de Broglie, ne perd rien de ce qu'il

communique.Lorsque Dieu communique l'information créatrice dansl'histoire de la création de l'Univers, depuis les origines

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Tresmontant Claude - Elementes de Theologie.pdf