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Le paradoxe de la relation auditeur-audité
Kueda Wamba Berthelo
Docteur en Sciences de Gestion, Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, CERME,
Laboratoire de Recherche en Management (LAREMA), Université de Dschang-Cameroun,
Feudjo Jules Roger
Professeur, Agrégé en Sciences de Gestion, Faculté des Sciences Economiques et de Gestion,
CERME, Laboratoire de Recherche en Management (LAREMA), Université de Dschang-
Cameroun, [email protected]
Résumé
L’effervescence des dérives qu’a connu l’audit légal tant en occident qu’en Afrique et
plus particulièrement au Cameroun, a engendré une crise de confiance de la part des utilisateurs
des informations comptables produites et certifiées par des commissaires aux comptes. Au regard
de cette situation paradoxale, cette recherche vise la mise en relief de la véritable nature de la
relation qui caractérise les dirigeants d’entreprises et cabinets d’audit dans le conteste du
Cameroun. Pour cela, l’approche qualitative par étude de cas multiple a été adoptée. La collecte
des données par des entretiens semi-directifs auprès des acteurs impliqués, et leurs analyses via le
logiciel NVIVO 10 constituent des outils méthodologiques mobilisés. Il ressort de l’analyse que
les variables déterminantes de la relation sont à la fois complexes et hétérogènes, rendant ainsi
difficile la qualification de la relation. On retient in fine que la relation de conflit-connivence
caractérise davantage le dirigeant producteur, et le commissaire aux comptes certificateur de
l’information comptable.
Mots clés : audité, auditeur, indépendance, conflit, confiance, connivence, Cameroun
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Introduction
L’entreprise est constituée de divers acteurs qui entretiennent entre eux des relations
contractuelles (Coase, 1937). La réalité de la collaboration principal-agent dans cette relation se
caractérise de facto par un conflit intérêts (Jensen et Meckling, 1976). Cette approche
contractuelle de la firme impose, dans la quête de l’équité et de la rationalité, le recours à un
dispositif susceptible de garantir la fiabilité des chiffres comptables produits et mis à la
disposition des ayants droit. De plus, s’il est clair que c’est par les comptes que l’on gère
l’entreprise et que c’est également par les comptes qu’on sait comment l’entreprise est gérée, la
production par les dirigeants, et la certification par une autorité compétente et indépendante1, des
chiffres comptables se présentent comme deux exigences majeures dans le processus de
collaboration entre les agents contractuels.
Cependant, les différents scandales financiers2 qui ont ébranlé la sphère mondiale, témoignent de
différentes formes d’imperfection des organes de contrôle et nous renseignent que l’opportunisme
des dirigeants ne tarit pas d’occasion et d’imagination, permettant de laisser transparaitre dans les
comptes une situation financière profitable. Toutefois, ces scandales, loin d’avoir suscité des
réserves suffisantes sur la conception et l’évaluation de la qualité de l’audit3, ont permis aux
institutions d’édicter de nouvelles lois4 visant à garantir la fiabilité des chiffres produits.
Convient-il de préciser que le Cameroun n'est resté en marge de cette mouvance. La loi n°
2003/008 du 10 juillet 20035, relative à la répression des infractions contenues dans certains
articles de l’Acte Uniforme Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA) l’atteste à suffisance. En dépit des mesures prises sur la scène nationale, soutenues par
l’« Opération Epervier6», on constate au sein des entreprises étatiques, l'inculpation de certains
membres de l'Ordre National des Experts Comptables du Cameroun (ONECCA), pour complicité
de détournement des deniers publics7. Le lendemain de ces scandales est marqué par le
développement des cabinets d’audit et par conséquent, le nombre de commissaires aux comptes
(CAC)8. En dépit de ces efforts, la problématique de la qualité de l’audit subsiste au cœur des
débats dans ce champ de recherche. En effet, comment comprendre qu’un détournement d’une
valeur de 50 milliards soit orchestré à la BICEC en 2016. Pourtant, les contrôles tant de la
COBAC que des auditeurs font légion dans cette structure. De ce fait, l’auditeur, tiers arbitral au
sein de la gouvernance des entreprises, se trouve au cœur des manipulations comptables.
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Dès lors, il convient de préciser que ces différents évènements témoignent mordicus que,
l’envergure de la relation entre dirigeants et CAC, constitue, dans le cas singulier du Cameroun,
un enjeu dans la compréhension des différents scandales observés çà et là, et dans l’explication
du comportement des acteurs impliqués. Ils démontrent suffisamment l’actualité, la pertinence, la
légitimité et l’opportunité, de la problématique de la relation entre ces deux acteurs principaux.
Qu’à cela ne tienne, on ne saurait perdre de vue, le fait que les critères de choix des cabinets
d’audit, les comportements des acteurs lors des missions et la nature de la collaboration entre
audité et auditeur, impactent la qualité du travail de ce dernier, voire de l’audit en général.
Cependant, convient-il de rappeler que très peu d’études se sont appesanties sur la détermination
de la nature véritable de la collaboration entre les cabinets et leurs clients dans le contexte du
Cameroun. En effet, quelques chercheurs ont fait des analyses sur les critères de choix
(Djongoué, 2007), sur les comportements des acteurs lors des missions (Djoutsa et Foka, 2014,)
et sur les autres variables de la qualité de l’audit (Djongoué, 2007 ; Gandja, 2013, Fotso, 2015 ;
Mballa, 2016), via les approches quantitatives. On note néanmoins que certaines recherches ont
étudiés la qualité de l’audit en faisant recours à l’approche qualitative (Mballa et Feudjo, 2016 ;
Kueda et Ngassa, 2019). Dès lors, il est pertinent de voir la nouveauté, la validité et la
convenance, de cette problématique dans le contexte du Cameroun où le tissu économique est
dominé à hauteur de 99.8% des PME9 (INS, 2016), et où la corruption, la pression fiscale, la
concurrence déloyale etc. se propagent à vitesse mesurée. Dans ce contexte, la nature de la
collaboration entre auditeur et audité, couplée à la qualité de l’audit, est une préoccupation
prégnante. D’où la question de recherche suivante : quelle est la véritable nature de la
collaboration audité-auditeur, dans le contexte du Cameroun ?
A la suite de ce développement, va suivre une présentation tour à tour des fondements théoriques
et analyse de la qualité de l’audit, de l’approche méthodologique retenue, des résultats de l’étude
ainsi que des implications.
1. La relation audité-auditeur et la qualité de l’audit : aspects théoriques
Cette partie présente les théories qui expliquent les comportements des acteurs dans le cadre
d’une mission de contrôle légal des comptes.
1.1. La Théorie de l’Agence (désormais TA) et la relation audité-auditeur
En s’appuyant sur les travaux pionniers de Coase (1937) et Alchian et Demsetz (1972), Jensen et
Meckling (1976) élaborent la TA, qui met en relief plusieurs relations contractuelles dans
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l’entreprise, les divergences d’intérêts entre les différents co-contractants, et les conflits qui en
découlent. En effet, la TA est utilisée dans la modélisation de la relation audités-auditeurs. Elle
repose sur l’idée selon laquelle, l’auditeur certificateur des comptes est le contrôleur des
dirigeants producteurs. Par sa mission, il réduit l’asymétrie de l’information entre ce dernier et les
autres parties prenantes de l’entreprise. Il constitue de ce fait l’un des leviers du contre-pouvoir
du dirigeant. De ce fait, cette relation génère un conflit potentiel entre les deux acteurs.
Cependant, lorsqu’il y’a une divergence d’intérêt dans les missions de production et de
certification des comptes, le conflit devient une réalité. Toutefois, l’incomplétude contractuelle
qui caractérise la collaboration auditeur-audité conduit chaque acteur dans la propension d’une
maximisation de la fonction d’utilité personnelle. C’est ainsi que l’auditeur peut s’engager dans
une situation controversée : la réduction de l’effort d’audit et la quête d’une maximisation de sa
rémunération. Ipso facto, les dirigeants cherchent également le maximum d’efforts dans la
mission contre le minimum de rémunération : source d’un conflit entre les deux acteurs.
1.2. La contribution de la Théorie des Conflits Réels (TCR)
La TCR, développée par Shérif et al. (1961), a été plus tard reprise et approfondie par Levine et
Campbell (1972). Cette théorie stipule que les interactions entre acteurs de groupes variables,
pendant une période donnée, laissent rarement du point de vue sentimental, les uns indifférents
des autres. Cette théorie est pertinente pour expliquer la relation audité-auditeur. En effet, dans le
cadre du contrôle des comptes, il existe une dualité de d’intervenants : les audités10 et les
auditeurs11. Ces deux groupes d’acteurs se côtoient, et interagissent alors même qu’ils ont des
objectifs divergents. Ainsi, la divergence de leurs objectifs et intérêts sera baptisée ou couronnée
d’un conflit. De ce fait, des sentiments de menaces, de la part de chacun des acteurs, peuvent voir
le jour. Ce qui contribuerai in fine à rendre complexe le bon déroulement de la mission.
1.3. L’apport de la Théorie de la Réactance Psychologique (TRS)
Cette théorie a été énoncée par Brehm (1966) et reprise par Doise et al. (1978). La TRS est à la
fois une théorie qui explique le comportement des individus face aux restrictions de leur liberté
mais aussi, un concept qui qualifie la réaction émotionnelle que ces derniers éprouvent dans une
telle situation. Selon cette théorie, toute menace ressentie par une personne à l’encontre de sa
liberté éveille en elle une émotion négative, qui l’incite à essayer de restaurer ou reconquérir cette
liberté menacée ou perdue. Le rôle de contrôleur joué par l’auditeur, face aux dirigeants peut être
à l’origine d’une pareille réticence de la part du dirigeant. Ce dernier s’empresse de réagir en
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faisant preuve d’un comportement non coopératif, et récalcitrant à l’encontre du certificateur. De
tels comportements sont de nature à compromettre la bonne conduite de la mission et peut par
conséquent nuire à sa qualité.
1.4. La contribution de la Théorie de l'intendance (TI)
La TI se focalise spécialement sur la question des motivations du dirigeant (Donaldson, 1990).
Elle stipule que les dirigeants peuvent être emmenés à agir davantage dans l’intérêt de la firme
que dans leurs propres intérêts. Selon cette théorie, les actionnaires sont dans une relation de
confiance avec les agents, à l’inverse de la TA, où ils sont dans une relation de méfiance. Cette
théorie, basée sur une perspective de relations humaines, pose comme principe : « les décideurs
ne poursuivent pas seulement leurs propres intérêts, mais se comportent plutôt en intendants dont
les objectifs coïncident avec ceux de leurs mandants » (Davis et al., 1997). Cet auteur est adoubé
par El Ouafa (2013) qui montre que contradictoirement à la TA, la TI conjecture que l’individu se
comporte comme un intendant, qui tire une plus grande utilité d’un comportement
organisationnel et coopératif que d’un comportement individualiste et égoïste. Ainsi, cette théorie
ouvre des pistes extrêmement riches pouvant être exploitées dans le cadre de la relation audité-
auditeur en matière de certification des chiffres comptables produits. En effet, les deux acteurs,
mandatés par le Conseil d’Administration, se doivent de coopérer12 afin de favoriser le bon
déroulement de la mission et in fine, assurer la bonne qualité des chiffres comptables. Ce qui
contribuerai à rendre inexistant les scandales financiers autre fois devenus quasi-permanent.
Ces théories présentées laissent entrevoir une variabilité des situations dans le cadre de la
collaboration entre auditeur et audité. Néanmoins, elles permettent de comprendre que la relation
entre cette dualité d’acteur est alambiquée.
2. La qualité de l’audit : un recentrage évolutionnaire
La qualité de l’audit est une notion ayant fait écho non seulement dans le monde des affaires,
mais également dans les travaux scientifiques en audit. Ceci se justifie d’une part, par les
scandales financiers, et la multiplicité des travaux dans différents contextes économique ainsi que
l’hétérogénéité des résultats, d’autre part. Depuis les travaux pionniers de De Angelo (1981), elle
repose sur une doctrine duale : la compétence et l’indépendance de l’auditeur. Au lendemain de
ces travaux, plusieurs autres indicateurs13 ont été mobilisés. Qualifiés de substituts perçus par le
marché, ils sont simultanément considérés comme des indicateurs de la dualité sus-évoquée.
Convient-il de préciser que l’on a rapidement constaté les limites de ces substituts, et ceci à la
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lumière, des scandales financiers ayant affecté les grands cabinets d’audit. Ceux-ci ont de ce fait
engendré des questionnements sur la problématique de la « qualité de l’audit » (Gaddour, 2016).
Le lendemain de ces scandales est synchrone à une dualité d’opération divergentes : la révision
de certains lustres cabinets, et une évolution très forte du nombre de cabinets d’audit14. En plus
de cela, les indicateurs suscités ont été remis en cause par nombreux chercheurs, et cette notion
complexe a suscité des réflexions et travaux scientifiques, tant dans les milieux professionnels et
académiques. C’est ainsi que des études ont consisté a analysé l’influence du comportement de
l’auditeur, d’une part, et de l’audité d’autre part sur la qualité de l’audit (Herrbach, 2000 ;
Carassus et Gardes, 2005 ; Chekkar et Zoukoua, 2010 ; Guenin, 2011 ; Alexia, 2012 ; Djoutsa et
Foka, 2014). Une autre recherche a consisté à étudier le processus d’audit (Manita, 2008).
Slimene (2016) a étudié l’influence de la réglementation sur la qualité de l’audit. Pour cet auteur,
les incitations des commissaires aux comptes à signaler les irrégularités comptables ne sont pas
seulement d’ordre réputationnel et économiques, elles sont également d’ordre réglementaire.
Sakka (2010), Habbit (2012), Kueda et Ngassa (2019) renvoient au-devant de la scène la relation
entre auditeurs et audités. Cette relation étant vraisemblablement un fort déterminant de la qualité
de l’audit.
Toutefois, notons qu’en ce millénaire, il est difficile de contester le rôle louable joué par
l’information comptable dans le processus d’allocation des ressources et, par conséquent dans le
fonctionnement de nos sociétés (Schatt, 2001). D’ailleurs, Colasse (2009) avait déjà fait mention
en déclarant que « ce sont les chiffres qui gouvernent le monde et c’est par les chiffres que l’on
sait comment le monde est gouverné ». Cependant, l’environnement économique des entreprises
est de nos jours marqué par des mutations fréquentes. Dès lors, il convient de noter que
l’environnement des affaires en Afrique et plus particulièrement au Cameroun, est caractérisé par
la non disponibilité de l’information financière de bonne qualité. Fotso (2015) parle de la
production des informations fantaisistes. En effet, les entreprises ne sont pas habituées à diffuser
leurs informations comptables et financières. Elles préfèrent le plus souvent développer le « culte
du secret15 ». Et quand bien même ces informations sont diffusées, elles manquent de fiabilité,
d’exactitude et de sincérité. Ainsi, la pratique étant dorénavant quasi courante pour les dirigeants
de tenir plusieurs comptabilités : la première qui présente la situation exacte de l’entreprise, la
deuxième qui est élaborée à l’intention de l’administration fiscale, et la troisième destinée aux
institutions financières ou bailleurs de fonds. Cependant, un constat patent est que ces différents
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états financiers sont toujours certifiés par un CAC. Certification sans réserve dans la plupart des
cas (Djongoue, 2007). D’autres auteurs se sont situés dans le même ordre d’idée que Djongoue
(2007), et ont d’ailleurs fait mention de quatre bilans16 (Mballa, 2016 ; Mballa et Feudjo, 2016).
L’ensemble de ces situations contribuant à rendre complexe la notion d’indépendance des
auditeurs, et la qualité de l’audit en générale. La figure ci-contre présente les déterminants de la
qualité de l’audit dans la littérature.
Figure 1 : Les déterminants de la qualité de l’audit dans la littérature
Source : auteurs
Au regard de cette figure, il se dégage que la notion de « qualité de l’audit » est complexe et les
différents résultats des études réalisés dans de contextes différents sont hétérogènes.
3. Cadre méthodologie de détermination de la nature de la relation audité-auditeur
Cette partie fait état du type de recherche employé, du déroulement de l’enquête ainsi que
l’analyse des données.
3.1. Une recherche qualitative par étude de cas
L’objectif de cette recherche est centré sur la compréhension des propos des acteurs impliqués
dans une mission d’audit légal au Cameroun. L’approche est principalement qualitative par étude
de cas multiple. En effet, il s’agit pour le chercheur de comprendre les significations que les
acteurs attachent à la réalité, leurs motivations et intentions. La méthode d’étude de cas est
gratifiée car, elle permet d’appréhender les situations complexes et de comprendre les processus
difficiles à expliquer. D’un point de vue méthodologique, une telle démarche recommande le
recours à un terrain de recherche privilégiant les entretiens. Ainsi, des entretiens17 semi-directifs
ont été réalisés auprès de la population d’étude constituée des cabinets d’audit et leurs clients.
3.2. Déroulement de l’enquête et analyse des données
Qualité de l’audit - Compétence du CAC
- Indépendance du CAC
- Taille du cabinet
- La réputation du cabinet
- Les honoraires des CAC
Comportement de l’audité
(Chekkar et Zoukoua, 2010 ;
Djoutsa et Foka, 2014)
Processus de l’audit
(Manita, 2008)
Comportement de l’auditeur
(Herrbach, 2000 ; Carassus et
Gardes, 2005)
La réglementation de l’audit
(Slimene, 2016)
Relation entre l’auditeur et l’audité
(Sakka, 2010 ; Habbih, 2012)
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Dans cette recherche, les entretiens avec les entreprises ont permis d’identifier leurs cabinets
d’audit. De ce fait, une assurance que ces cabinets figurent au tableau de l’ONECCA s’est
effectuée. Convient-il de préciser que l’échantillon par convenance est composé des entreprises
sélectionnées en fonction des seules opportunités qui se sont présentées. Et ceci à l’unique
condition de disposer d’au moins un cabinet d’audit légal. Le recours à l’échantillonnage par
convenance est motivé par l’absence d’une base de données présentant les cabinets d’audit avec
leurs clients. Par ailleurs, des entretiens ont été réalisées18, auprès de 21 entreprises, 13 cabinets,
3 membres de l’ONECCA19, et 11 autres auditeurs. L’ensemble de ces acteurs exerçants dans les
régions du Littoral et de l’Ouest. Le choix de la région du Littorale est synchrone à l’effectif des
entités de l’échantillon. Celle de l’Ouest a visé en la détermination de l’existence d’une certaine
particularité (constitué des entreprises typiquement familiale) sur le phénomène étudié. Le
recours aux membres de l’ONECCA et autres auditeurs conduisait à l’obtention de leur
appréciation sur les critères de choix des cabinets. Nous avons ainsi réalisé une triangulation des
sources de collecte des données, qui constitue mordicus un critère de validité externe de l’étude.
Le tableau ci-après présente les effectifs des acteurs interrogés.
Tableau 1 : Effectif des entités de l’échantillon par région
Régions Cabinets d’audit Entreprises (clients)
Membres de
l’ONECCA
Autres auditeurs
Eff. Fréq. Eff. Fréq. Eff. Fréq. Eff. Fréq.
Littoral 12 92,31 % 21 100 % 3 100 % 11 100 %
Ouest 1 7,69 % 0 0 % 0 0 % 0 0 %
Total 13 100 % 21 100 % 3 100 % 11 100 %
Source : les auteurs (à travers les données du terrain)
A la lecture de ce tableau, il se dégage que 92,31% des cabinets, 100% des entreprises,
des membres de l’ONECCA et autres auditeurs de l’échantillon sont localisés dans la région du
Littorale tandis que 7,69% des cabinets, dans l’Ouest. Dans cette étude de cas multiple, un cas est
représenté par un cabinet d’audit avec un client. Toutefois, l’écart entre l’effectif des cabinets à
celui des entreprises s’explique du fait que plusieurs entreprises peuvent disposer d’un même
cabinet d’audit. Dans cette logique, appropriée à cette étude, l’ensemble des deux catégories
d’entités constituent 24 cas (cf. annexe). Ainsi, 5 cabinets de l’échantillon disposent entre 2 et 5
clients. Aussi, 3 entreprises sont dans une situation de co-commissariat aux comptes. Une
description de ces cas est faite en annexe.
Le mode d’accès à l’ensemble de ces entités a été direct. Au cours des entretiens, les
interlocuteurs (cabinets d’audit et leurs clients) ont été interrogés sur les critères de choix des
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cabinets, les comportements des acteurs (de l’accueil des CAC, à la rédaction du rapport en
passant par les comportements pendant les missions) et sur les autres variables pouvant avoir une
influence sur l’indépendance des auditeurs. A la suite de l’ensemble des entretiens, l’exploitation
des données s’est faite au travers de l’analyse de contenu thématique, par le moyen du logiciel
NVIVO 10. Son déroulement a reposé sur les quatre grandes étapes prévues par Martin et
Virginie (2005) : la retranscription : elle en consisté en la mise sous forme écrite, les propos des
interviewés. Le document obtenu porte la nomination de « verbatim ». La construction de la
grille d’analyse : elle représente l’ensemble des variables sur lesquelles porte l’étude. Elle s’est
faite suivant une approche duale : ouvert et fermée. L’approche ouvert a consisté en la
construction de certains éléments de la grille à partir du verbatim. Elle porte également la
dénomination de l’approche ouverte et inductive de généralisation et d’abstraction des données.
L’approche fermée est liée à la construction de la grille à partir de la littérature. Elle est encore
appelée démarche close d’évaluation et de traduction des indicateurs d’étude. Cette étape s’est
effectuée au travers de la création des nœuds dans le logiciel (cf annexe 2). Le codage des
données : il s’est accompli en affectant à chaque nœud, les séquences du verbatim. Le codage
dans cette étude a également suivi la dualité d’approche réalisée lors de la construction de la
grille d’analyse (cf annexe 2). Convient-il de préciser que la construction de la grille d’analyse et
le codage suivant le système ouvert se sont effectués simultanément. L’interprétation a consisté
à ressortir le contenu informationnel du verbatim. Ceci s’est fait sur la base des graphiques
générés et des séquences du codage.
4. Difficile caractérisation de la collaboration audité-auditeur dans le contexte du
Cameroun
Cette partie présente les résultats des analyses et leurs implications.
4.1. Analyse des critères de choix des cabinets d’audit
Dans cette étude à viser compréhensive, une première analyse a porté sur les critères de choix des
cabinets d’audit. Il ressort que plusieurs variables ont été évoquées par les interviewés comme
critères de choix des cabinets d’audit. En effet, les honoraires constituent de lourdes charges pour
l’entité audité, et ceci en raison de la taille des entités économiques dans le contexte d’étude
(99,8% sont des PME). Le choix est également fonction des différentes relations existantes entre
les responsables dirigeants des deux entités, ainsi que des affinités avec les actionnaires. Un
auditeur déclare : « c’est beaucoup plus le relationnel c’est-à-dire qu’il faut avoir un lien avec
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cette personne, un lien d’amitié… familial ». Les recommandations sont également prises en
compte et importent à fortiori pour les cabinets internationaux (Big 4). Un auditeur déclare : «
…très souvent, pour les firmes internationale…les filiales présentent dans notre environnement
ne choisissent pas leurs commissaires aux comptes en tant que tels, ce sont les maisons mères qui
les leurs imposent…c’est juste… ce que nous appelons le référé… ». La proximité géographique
est retenue dans la mesure où les audités ont quotidiennement besoin de leurs auditeurs : « …je
ne peux être à Akwa et choisir un cabinet localisé à Yaoundé… donc, la proximité est une
obligation parce qu’il y’a des consultations permanentes… » déclare un interviewé. Cependant,
il importe de préciser que cette position ne fait pas l’unanimité. La taille du cabinet est retenue
pour les grandes entreprises qui ont des systèmes complexe et par conséquent, nécessite un
nombre élevé d’auditeurs. La figure ci-dessous présente l’ensemble de ces critères avec le
pourcentage de la couverture. Celui-ci représente le poids des arguments ayants le plus retenu les
propos des interviewés.
Figure 1 : le pourcentage de la couverture des différents critères
Source : NVIVO 10
A la lecture de cette figure, le constat est que les critères ayant le plus meublés les propos des
interviewés sont les recommandations (33,12%) et les relations (30,31%). Le tableau ci-dessous
présente chaque critère en fonction de son pourcentage de la couverture et par rapport au nombre
de cas de l’étude.
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Tableau 2 : Les critères de choix des cabinets d’audit au Cameroun
Critères % par rapport au nombre de cas Pourcentage de couverture
Les honoraires 100 % 14,25 %
Les relations 91,66 % 30,31 %
Les recommandations 87,5 % 33,12 %
La réputation du cabinet 79,17 % 14,92 %
La proximité géographique 50 % 11,62 %
La taille du cabinet 37,5 % 6,50 %
Source : auteurs à partir de NVIVO 10
De ce tableau, il se dégage que les dirigeants d’entreprises font plus recours aux cabinets d’audit
au travers des honoraires (100% des cas), des relations (91,66% des cas), des recommandations
(87,5% des cas), de la réputation du cabinet (79,17% des cas). Un constat digne d’intérêt est que
très peu d’entreprises font recours au critère taille du cabinet. Ceci s’explique via le pourcentage
moribond des grandes entreprises dans le contexte d’étude (0,2% selon l’INS 2016). Sur la
question des honoraires, convient-il de préciser qu’au vue de la nature des entités, les honoraires
sont des charges de haute facture et elles ne disposent pas à suffisance les ressources nécessaires.
Ce qui destine plusieurs PME à ne pas faire recours aux « Big 4 ». Un auditeur martèle à
propos « il y’a certains clients, sans même s’interroger si nous pouvons faire le travail, prennent
la poudre d’escampette sous prétexte que nos tarifs sont très élevés ». Le relationnel découle du
fait que les entités sont à 89% typiquement familiale. La réputation est utilisée puisqu’elle
constitue un facteur clé pour les projets bancables. Ceci découlant de la difficulté des entreprises
(plus précisément les PME) à avoir accès au financement bancaire. En effet, une lecture globale
des résultats de (Feudjo et Tchankam, 2012 ; Wamba, 2013 ; Nguena, 2013) stipulent qu’une fine
proportion d’entités au Cameroun (en moyenne 20%) obtient le crédit bancaire. Ainsi, une
alternative de résolution de ce problème consiste à faire recours aux cabinets disposant d’une
notoriété (internationale et nationale). Cette alternative corrobore Cano-Rodriguez et Alegria
(2012) et Robin et al (2017), pour qui, les entités auditées par des cabinets réputés bénéficient de
meilleures conditions d’emprunt. Toutefois, des critères identifiés, l’interrogation sur leur
classification a semblé nécessaire. Cette classification s’est faite sur la base des propos des
interviewés sur la question.
Tableau 3 : Appréciation des critères de choix des cabinets d’audit au Cameroun
Types de critères Contenu Type de relation Qualité de l’audit
Objectifs La taille du cabinet
Confiance Bonne La réputation du cabinet
Subjectif Les honoraires
Les relations Connivence Biaisée
12
Les recommandations
La réputation du cabinet
La proximité géographique
Source : auteurs
En effet, le choix des cabinets se fait au moyen des honoraires, des relations et recommandations,
donc une subjectivité criarde. Un auditeur relate : « le choix est beaucoup plus subjectif, lorsque
je faisais allusion au relationnel… ». Puisque les dirigeants choisissent régulièrement leurs amis
et connaissances, l’on qualifierait ce choix de subjectif. Un autre expert déclare à propos « la
plupart du temps, les gens choisissent leurs amis, leurs connaissances…donc, c’est beaucoup
plus subjectif qu’objectif ». Cependant, les grandes entreprises et les grands cabinets utilisent le
réseautage. Ce système de choix va engendrer des relations de connivence entre les acteurs, et par
conséquent, peut contribuer à biaiser la qualité de l’audit. Il ressort du code déontologique de la
profession qu’aucune relation ne doit exister entre l’audité et l’auditeur. Laquelle relation
susceptible de réduire le degré de vigilance du second. En plus, on peut tout de même stipuler que
la taille du cabinet est corrélée à la réputation (critères objectifs). Toutefois, une prudence
découle du fait que le critère réputation, beaucoup plus sollicité pour des projets bancables, peut
également être qualifié de subjectif. Ceci découlant du fait que le client peut s’engager à verser
des honoraires excessifs afin d’obtenir l’aval de l’auditeur sur les comptes à présenter au
banquier. La crise de confiance constaté dans les années 2001 avec le cabinet Arthur Andersen,
2013 avec les auditeurs de la Sodecoton, et plus récemment en 2016 avec celui de la BICEC,
constituent le soubassement de cette idéologie. De ce qui précède, nous concluons que : les
dirigeants d’entreprises au Cameroun s’appuient sur des critères beaucoup plus subjectifs
qu’objectifs dans le choix du cabinet d’audit et ces critères n’améliorent la qualité de l’audit.
4.2. Examen du comportement des acteurs lors des missions
La mission d’audit légal est scrutée comme une « boite noire », complexe et imperceptible par les
tiers (Beisland et al. 2015). Selon Gonthier et al. (2011), la qualité de la mission ne se réduit pas à
la seule compétence des CAC car, elle se fait dans un environnement multi-acteurs et résulte de
leurs interactions. Audousset-Coulier (2009) l’avait déjà constaté en martelant que, « la
compétence de l’auditeur est collective car, c’est le fruit d’un travail d’équipe ». Cependant, «
…cette collaboration est évidemment ambigu car, personne n’aime être contrôlée !» (Colasse,
2003). Il est primordial d’élucider avec Sakka et Manita (2011) que les dirigeants sont bels et
13
bien des attributs de la qualité de la mission de certification. Cette position est adoubée du fait
que certains facteurs de la qualité leurs sont directement rattachés.
4.2.1. La prémices à la mission : de l’arrivée des auditeurs à l’accueil réservé
Il se dégage de l’analyse que les auditeurs sont bien accueillis lors des différentes interventions.
Ceci à un taux de la couverture de 44,33%, dans 54,17% des cas de notre étude. En effet, un
auditeur affirme « il n’y a pas de problème au niveau de l’accueil, vraiment, on nous accueille
chaleureusement ». A contrario, dans une faible proportion (29,17% des cas), ils ne sont pas bien
accueillis comme le mentionne un auditeur « l’accueil c’est quelque chose qui est défini au
préalable mais, en pratique, ce n’est pas toujours ça ». En effet, l’audité considère l’auditeur
comme un gendarme et n’appréhende pas le bien-fondé de la mission. Certains auditeurs
déclarent « …les clients sont méfiants parce qu’ils ont l’impression que nous sommes des
policiers, ou même des inspecteurs… ils n’appréhendent pas bien notre mission… ». Néanmoins,
il importe de mettre à lumière l’appréciation des clients quant-à l’arrivé desdits auditeurs. En
référence à la TRP, les attitudes des auditeurs dès leurs arrivées peuvent engendrer une dyade
d’attitude de la part des audités. En effet, les équipes d’audit sont fréquemment constituées des
jeunes diplômés dont l’expérience n’est encore forgée. De ce fait, ils se comportent en autocrates.
Un interviewé relate « …nos auditeurs sont des jeunes, et se comportent en donneurs de leçons ».
A un taux de la couverture de 59,05%, les auditeurs arrivent chez le client optant la posture de
gendarmes, de donneurs de leçons (et ceci dans 45.83% des cas). Plus encore, ils se titrent de «
super héros » et ont toujours tendance à faire croire à l’audité que le travail est mal effectué
(problème de compétence)20. A préciser que dans 33.33% des cas, ceux-ci arrivent en partenaires
et à un pourcentage de la couverture de 26.32%. Il s’agit dans ce cas des auditeurs disposant en
leurs actifs, de toutes les compétences nécessaires à la conduite d’une mission. Ainsi, ces
attitudes sont source de relations louables et bénéfiques pour les deux acteurs. Ce qui constitue le
soubassement d’une bonne collaboration pendant la mission et par conséquent, une qualité
d’audit appréciable et synchrone aux attentes de l’ensemble des acteurs.
4.2.2. Le déroulement de l’audit : une compréhension du comportement des acteurs
En référence à Brehm (1966), face à l’arrivée en contrôleur des auditeurs, les clients deviennent
réticents. Certains auditeurs affirment « …on n’obtient pas facilement les documents … »,
« lorsque vous arrivez dans une entreprise, l’interlocuteur a tendance à ne pas vouloir donner
toutes les informations de manière spontanée ». La TRS explique cette situation qui occupe un
14
pourcentage de couverture de 55,47% dans 62.5% des cas. Cependant, il concède de préciser que
la problématique de la mise à disposition des documents ne découle pas forcément de l’arrivée en
contrôleurs des auditeurs. Car, certains audités, par crainte de la découverte de certaines
anomalies dans leurs comptes, optent pour la discrétion. Un auditeur déclare « … la qualité des
documents mis à notre disposition est douteuse … ils vont nous donner une balance, et le
lendemain, une autre, et une autre balance encore ah (d’un air mécontent) … ». A contrario,
dans 20,83% des cas, la mise à disposition des documents est effective et à un pourcentage de la
couverture de 24,06%.
Malgré quelques équivoques, la disponibilité de l’audité est quelque peu louable (50% des cas
avec un taux de couverture de 24,56%). « Chez nous, la plupart des clients sont coopératifs… ».
Toutefois, il concède d’émettre que la mission ne suppose pas l’arrêt des activités « … il faut
comprendre que la période d’intervention de l’auditeur ne nécessite pas une suspension des
activités … » martèle un auditeur. Ainsi, les audités peuvent dans certains cas, ne pas se rendre
disponible. Notre étude montre que dans une minorité des cas (41,67%), et à un pourcentage de la
couverture de 72,66%, l’équipe dirigeante n’est pas suffisamment disponible, « …certains sont
un peu fermer… » martèle un auditeur. Un audité affirme « …nous n’allons pas laisser notre
travail parce que les auditeurs sont là, … l’auditeur peux chercher monsieur X pendant 3h, 4h, il
est en réunion, interpellé à gauche, à droite et il ne pourra le voir ». Cette attitude contribue à
limiter l’étendue du contrôle, et par conséquent, nuit à la qualité de la mission.
Quant-à l’évaluation du comportement des audités par les auditeurs, il se dégage des
appréciations disparates. En effet, elle est positive dans 12,5% des cas « nos clients sont comme
des partenaires. Au-delà du fait que nous allons faire des vérifications chez eux, nous sommes
également un conseil pour eux… ». À noter que cette appréciation résulter de la qualité de la
collaboration. Celle-ci pouvant d’une part être professionnelle et personnelle ou amicale d’autre
part. Ainsi, elle a le mérite de disposer des effets à la fois positifs et négatifs sur la compétence de
l’auditeur et par ricochet, la qualité de l’audit (Richard et Reix, 2002). A contrario, notons que
dans certaines structures, les procédures ne sont pas écrites. Ainsi, il devient la responsabilité des
auditeurs de les constituer : « dans la plupart des structures, les procédures ne sont pas écrites.
Et dans ce cas, nous sommes contraints de faire des entretiens avec eux afin de reconstituer
lesdites procédures…». Il survient également que certains auditeurs soient victimes des
promesses infructueuses de la part des audités. Un auditeur mentionne « …les clients ne sont pas
15
prêts…lorsque nous demandons les documents, ce sont des promesses répétitives qui ne se
dessinent pas. Ainsi, la journée va s’achever sans que nous ayons reçus les documents
demandés…». D’autre part, le mécontentement découle d’un problème de compétence de
l’audité. Un directeur de cabinet affirme « parfois, quelqu’un ne donne pas l’information parce
qu’il ne comprend pas ce qu’on lui demande… ils ne sont pas quelquefois très compétents dans le
poste qu’ils occupent… ». Toutes ces situations génèrent un climat non adéquat à la mission. Un
constat digne d’intérêt est relatif au fait que les clients sont toujours sur la défensive. Un auditeur
note à propos «…c’est vrai que psychologiquement, ils sont toujours sur la défensive. Lorsqu’une
question est posée, c’est à peine qu’ils répondent ». De ces développements, il importe de
préciser qu’à un pourcentage de la couverture de 96,58%, et dans 87,5% des cas, les auditeurs ont
une appréciation négative du comportement des clients. La « rétention d’information », exprimée
par les auditeurs semble beaucoup les handicaper.
Il se dégage tout de même de l’analyse thématique que, les clients ont également une appréciation
négative des attitudes des auditeurs lors des missions. Cette appréciation dont le pourcentage de
la couverture s’élève à 83,72%, dans 58,33% des cas, se caractérise par l’arrivée tardive ainsi que
la jeunesse de leurs compétences : « les dirigeants se plaignent que les membres de l’équipe
n’arrivent pas à l’heure… », « les auditeurs d’aujourd’hui sont relativement jeunes et ils n’ont
pas la maîtrise. Parfois, ça devient un cours de comptabilité que je donne, j’explique les
postulats et conventions… à la limite, on se chamaille… ». On constate également des problèmes
d’organisations de la mission chez les clients qui font recours au Co-CAC. Dans cette situation,
les contrôles sont effectués par chaque auditeur et de manière indépendante. De ce fait, il devient
indigeste pour l’audité de se retrouver dans la monotonie. Un audité affirme « … bien entendu ce
n’est pas appréciable. Puisqu’après avoir remis certains documents à l’un d’eux, les mêmes
documents sont sollicités le jour d’après par l’autre. Pourtant, il faut beaucoup de temps pour les
reconstituer. ...donc, voilà quelques couacs que nous avons lorsque nous travaillons avec eux ».
Toutefois, il arrive que dans certains cas (37,5%, avec un taux de la couverture de 12,95%), que
les auditeurs soient organisés et disposent des compétences louables pour la bonne réalisation de
la mission. Un audité déclare «…je n’ai point de reproche sur leur attitude, parce qu’ils sont
purement professionnels…». De ce qui précède, un constat méritoire fait montre d’une variabilité
ainsi qu’une hétérogénéité des aspects permettant de comprendre la relation entre auditeurs et
16
audités (au travers de leurs comportements). Le tableau ci-après récence l’ensemble de ces
variables.
Tableau 4 : appréciation de la nature de la relation
Variables Nombre de cas en % Pourcentages de la couverture
+ - Neutre + - Neutre
Accueil des auditeurs 54,17 29,17 16,66 44,33 33,16 22,51
Arrivés des auditeurs 33,33 45,83 20,84 26,32 59,05 14,62
Mise à disposition des documents 20,83 62,5 16,67 24,06 55,47 20,46
Disponibilité des audités 50 41,67 8,33 24,56 72,66 2,78
Appréciation des comportements des
audités 12,5 87,5 / 3,42 96,58 /
Appréciation des comportements des
auditeurs 37,5 58,33 4,17 12,95 83,72 3,33
Moyenne 34,72 54,17 11,11 22,61 66,77 10,62
Source : auteurs à partir NVIVO 10
A la lecture de ce tableau, on retient que le processus d’audit est meublé de conflits dans 54,17%
des cas de notre étude avec un pourcentage de la couverture de 66,77%. Eu égard de ce qui
précède, on conclue que : le comportement des acteurs engendre une relation essentiellement
conflictuelle. Ce résultat corrobore ceux de Shérif et al (1961), Brehm (1966), Jensen et
Meckling (1976), Sakka (2010), Sakka et Manita (2011), Guenin (2011). Selon ces auteurs, il
existerait entre ces deux acteurs, des relations conflictuelles. Toutefois, Foka (2018), décèle de
son étude que la qualité audit altérée suite à une forte propension des auditeurs non compétences
(57% avec les cabinets et 53% selon les audités).
4.3. Analyse de l’influence de la relation auditeur-audité sur la qualité de l’audit
C’est en étudiant la relation entre les cabinets d’audit et leurs clients qu’il a été possible
d’identifier les variables supports à l’analyse de l’influence de celle-ci sur la qualité de l’audit.
L’ancienneté de mandat fait référence au nombre d’années déjà écoulé. A noter que le code
déontologique prévoit 6 ans. Cependant, elle dispose d’un couple d’influence, et dans le cadre de
cette étude, il est supposé qu’une durée supérieure à 6 ans biaise l’autonomie de l’auditeur. De ce
fait, un auditeur déclare « vous pouvez être le commissaire aux comptes d’une société à vie, c’est
une situation normale… ». Pourtant, un autre affirme : « vous savez pertinemment que pour les
missions, il y’a un mandat, il ne faut pas passer outre les mandats. Si c’est une SA, c’est
maximum 6 ans, si c’est une SARL qui remplit les conditions, on a trois ans renouvelable ».
Propos qui attestent à suffisance qu’une association au-delà de la durée prévue ternie la vigilance
de l’auditeur rendant son indépendance caduque. Un auditeur martèle par la suite : « l’ancienneté
du mandat est un couteau à double tranchant, lorsqu’on a travaillé pendant longtemps pour un
17
même client, on a parfois l’impression qu’on connait tous les risques des clients… ». Ainsi, il se
dégage de l’analyse que dans 41,67% des cas de notre étude, l’ancienneté de la relation est
inférieure ou égale à 6 ans (donc, supérieure à la durée normale d’un mandat dans 58,33% des
cas).
Les autres honoraires découlent des services autres que le cabinet réalise pour le compte de son
client « un client peut vous dire, nous avons des suspens, nos rapprochements bancaires ne sont
pas faits, venez nous aider à apurer nos comptes » relate un auditeur. Un DAF déclare « nous
avons suivis une formation spécifique sur nos propres problèmes…Il a même fait des
propositions de conduire des formations sur l’utilisation des logiciels d’exploitation… », « ces
séminaires et formations sont facturés encore qu’il n’y a pas d’interdiction à cela… », « …il nous
fait souvent le contrôle fiscal et c’est facturé… ». Ces situations créent une dépendance du
cabinet de l’audité : source d’une connivence et d’une qualité de l’audit biaisée. Ce qui confirme
les résultats de Li et al. (2017). S’agissant des jobs options, convient-il de préciser qu’il est
difficile pour l’auditeur de garder son indépendance et son intégrité, lorsqu’il est confronté à un
ex-collègue, dirigeant de l’auditée, avec lequel il a noué des relations personnelles,
professionnelles et d’amitié. Sur la question, un auditeur mentionne « il y a risque d’échec de
contrôle dans la mesure où, l’audité est un ancien collègue car, il maitrise les procédures de
contrôle du cabinet ». Cette position est celle retenu dans le cadre de cette étude. Le tableau ci-
après ressort l’ensemble des résultats.
Tableau 5 : récapitulatif des résultats de l’analyse
Variables Résultats des analyses Pourcentage de cas
Positive Négative Positive Négative
L’ancienneté / 41,67% 58,33%
Les relations personnelles 50% 50%
Les autres honoraires / 20,83% 79,17%
Les jobs options / 4,17% 95,83%
Les SACC / 0% 100%
Moyenne 23,33% 76,67%
Source : auteur à partir de NVIVO 10
Au regard de ce tableau, il se dégage que la relation entre audité-auditeur influence
négativement l’indépendance du second dans 76,67% des cas : source d’une relation de
connivence. Ce résultat corrobore ceux de Herrbach (2000), Carassus et Gardes (2005),
Audousset-Coulier (2009), Najah et Omar (2016). En plus, Foka (2018), martèle que la qualité
audit altérée suite à une puissante propension des auditeurs dépendant (75% avec les cabinets et
71% selon les audités).
18
De ce fait, il importe d’émettre que les travaux de ces chercheurs tels (Shérif et al., 1961 ;
Brehm, 1966 ; Jensen et Meckling, 1976 ; Herrbach, 2000 ; Carassus et Gardes, 2005 ;
Audousset-Coulier, 2009 ; Sakka, 2010 ; Sakka et Manita, 2011 ; Guenin, 2011 ; Najah et Omar,
2016) ont été effectués dans des économies développées, caractérisés par l’existence des marchés
financiers couplé aux entreprises de grande taille, et de type managérial. Par contre, cette étude a
été réalisée dans un pays en voie de développement21. Ainsi, la convergence des résultats, malgré
les divergences contextuelles et juridictionnelles invite à comprendre que les attitudes des acteurs
impliqués dans une mission d’audit légal sont homogènes.
A rappeler que des critères de choix aux comportements des acteurs pendant les missions, et
autres variables ayant une influence sur l’indépendance des auditeurs, plusieurs caractéristiques
ont été identifiées. Lesquelles caractéristiques sont non seulement variables mais, également
hétérogènes, rendant difficile la qualification de la nature de la relation. Ainsi, une interrogation a
meublé notre réflexion : comment peut-on véritablement caractériser cette relation ? En prélude à
la présentation du procédé utilisé, le tableau ci-après arbore l’ensemble des variables. Toutefois,
il nécessite de préciser mordicus que le recourt à plusieurs variables dans le cadre de cette étude
découle de Fung et al. (2017) pour qui, « tous les indicateurs de la qualité de l’audit présentent
des limites. Raison pour laquelle les auteurs sont invités à prendre en compte, et en même temps,
multiples indicateurs ».
Tableau 6 : Classification des caractéristiques de la relation par thème et du type de relation
Les caractéristiques de la relation Thèmes se
rapportant
Type de
relation
Influence sur la
qualité de l’audit %
Les relations
Critères de
choix
Connivence Négative
91,66 %
Les recommandations 87,5 %
La réputation du cabinet 79,17 %
La proximité géographique 50 %
Les honoraires 100 %
La taille du cabinet Confiance Positive 37,5 %
L’arrivée en gendarme des auditeurs
Comportements
pendant la
mission
Conflictuelle Négative 54,17%
Les comportements d’indisponibilité de l’équipe dirigeante
La non mise à disposition de manière effective des
documents nécessaires à la mission
La mauvaise organisation de la mission par les auditeurs
Les problèmes de compétences des acteurs
Bonne collaboration entre les acteurs Confiance Positive 45,83
La réalisation des SACC Les autres
variables liées à
l’indépendance
de l’auditeur
Connivence Négative 76,67%
La durée du mandat relativement longue
Les relations personnelles et amicales qui sont développées
Les autres honoraires perçus par les cabinets
Les jobs options
Source : auteurs sur la base des analyses
A la lecture de ce tableau, un constat patent se dégage : l’hétérogénéité et la variabilité des
19
caractéristiques de la relation. Ainsi, qualifié la nature de cette relation constitue un enjeu digne
d’intérêt. Pour y parvenir, la construction de la matrice des comportements trouve toute sa
pertinence et sa légitimité. En effet, cette matrice est un tableau à double entrée (comportement
des dirigeants et des auditeurs). Elle stipule que lorsque les dirigeants et CAC sont tous deux
honnêtes, cela traduit une relation de confiance. Lorsque l’un des acteurs est honnête et l’autre
opportuniste, émerge un conflit. Par contre, en cas de comportement opportuniste synchrone, on
note à suffisance une relation de connivence c’est-à-dire, une complicité. Pour cela, nous avons
procédé à une analyse au cas par cas, afin d’identifié les différentes facettes de comportements :
honnêteté ou opportunisme, et ceci pour les acteurs impliqués. Ceci dit, dans un cas, lorsque les
variables expliquant un comportement d’honnêteté et/ou d’opportunisme, et pour chacun des
acteurs, ont été identifiées, ce cas intervient à chaque niveau dans la matrice. C’est à terme de ce
processus que les différents pourcentages ont été déterminés en se servant de la formule
suivante : (nombre de cas par cellule de la matrice) / 24 x100).
A titre d’illustration, un auditeur est opportuniste lorsqu’il fait des offres de services aux
clients liés par un mandat d’audit légal « …il était même allé jusqu’à faire des propositions de
conduire des formations sur l’utilisation des logiciels d’exploitation… », « il joue aussi le rôle de
conseil en cas de problème avec le MINFI et la COBAC… » ; lorsqu’il a des amis ou un ancien
collègue chez l’audité et est malgré tout, membre de l’équipe « je ne pense pas que si je deviens
directeur financier de l’entreprise X, je vais forcement mieux faire que mon ami monsieur Y qui
s’y trouve », « … j’ai un de mes collaborateurs qui travaille chez l’un de mes clients. Lorsqu’on
m’a donné le mandat, je savais qu’il y’avait un collaborateur, il avait quelque chose à voir, peut-
être il a joué un grand rôle… » ; lorsqu’il entretien des relation extra-professionnelles avec ses
clients. Cependant, un client est opportuniste lorsqu’il fait intervenir son auditeur dans les
opérations dédiées à l’expert-comptable « un client peut vous dire, venez, on a des suspens, nos
rapprochements bancaires ne sont pas faits, venez nous aider à les apurer ». Ainsi, lorsque pour
un même cas, l’opportunisme est identifié conjointement chez le client et l’auditeur, cela traduit
une connivence et le cas est compter dans la cellule correspondante « … j’ai été directeur
financier… sachant ce que recherchent les commissaires aux comptes, j’ai préparé la mission
pour eux, afin qu’ils passent le moins de temps possible ». En effet, la confiance envers l’ex-
collègue atténue la vigilance des CAC. Cependant, lorsque l’auditeur considère cette action de
son client, cela traduit également un comportement opportuniste de sa part : d’où la connivence.
20
Tableau 7 : Matrice des comportements des acteurs de l’échantillon
Comportements des dirigeants
Honnêteté (Théorie de l’intendance)
Opportunisme (Théorie de l’agence)
Comportements
des CAC
Honnêteté (Théorie de l’intendance)
/ 79,16%
Opportunisme (Théorie de l’agence)
95,83% 87,5%
Source : auteurs
A la lecture de cette matrice, il se dégage que les dirigeants sont moins opportunistes que
les CAC. En effet, le marché de l’audit au Cameroun fait face à une crise : la domination du
marché par les « Big 4 » ainsi que le déséquilibre entre l’offre et la demande des missions d’audit
légale. De ce fait, la supériorité des entités agrées à l’audit légal par rapport aux cabinets est
renvoyer au-devant de la scène. Ceci dans la mesure où celles-ci peuvent faire recours à
n’importe quel cabinet. Situation les conférant un pouvoir (au sens de Crozier et Friedberg, 1977)
de négociation et de gestion de la relation. Dans ces circonstances, les cabinets développent des
attitudes devant leurs permettre de consolider leur portefeuille client. S’agissant de la connivence,
il convient de noter que, c’est toujours fonction de la situation du marché, et est d’ailleurs une
conséquence de la première situation (supériorité des clients par rapport aux cabinets). Les
cabinets, ne désirant perdre leurs clients, se trouvent contraints de céder à certains avals des
audités. Aussi, dans l’optique de satisfaire le client « à tout prix », deviennent laxistes lors des
missions. Ce qui atténue davantage leur indépendance et par conséquent la qualité de l’audit. Les
résultats de Djongoué (2007) clarifient cette situation22. La politique des quatre bilans (Mballa,
2016 ; Mballa et Feudjo, 2016) ainsi que les arrestations et l’emprisonnement de certains CAC,
suite à l’opération épervier, justifient ces conclusions. De tout ce qui précède, il se dégage qu’il
existe entre les dirigeants d’entreprises et les cabinets d’audit au Cameroun, une relation
conflit-connivence. Ce résultat invite à comprendre obstinément que l’auditeur a besoin d’une
panoplie de compétences destinée à assurer la qualité de la mission : compétence technique,
comportementale, relationnelle et même éthique. Frémeaux et Noel (2009) l’avait déjà remarqué
en martelant que « la compétence technique, relationnelle et éthique de l’auditeur sont des
indicateurs de la qualité de l’auditeur ».
Ce conflit s’observe lors de la mission, au travers des comportements des acteurs, et la
connivence est fonction non seulement des critères de choix (plus subjectifs qu’objectifs), mais
également, des autres services octroyés, de l’ancienneté de la relation, des honoraires
21
supplémentaires, des relations personnelles qui se sont tissées et les jobs options. Cependant, une
interrogation demeure : comment se fait-il que dans une profession aussi normée, l’on décèle des
conflits et connivence entre les acteurs ? Il s’agit de la situation du marché de l’audit ainsi que la
passivité de l’Etat à favoriser le développement de la profession comptable libérale au Cameroun.
Les résultats sus-évoqués nous ont conduit en l’élaboration du modèle schématique de
détermination de la nature de la relation.
Figure 2 : Le modèle de la relation entre les dirigeants d’entreprises et les cabinets d’audit au
Cameroun
Source : auteurs
Ce modèle schématique signifie que les dirigeants s’appuient sur des critères beaucoup
plus subjectifs qu’objectifs dans le choix des cabinets d’audit. Des critères qui nous ont permis
d’avoir une idée de la nature de la relation (1), qui est d’ailleurs mitigée. Toutefois, ces critères
ont une influence sur non seulement les comportements des acteurs, mais également sur la qualité
de l’audit. De ce fait, les attitudes de ceux-ci lors des différentes missions ont permis tout de
même de déterminer un autre type de relation (2). Toutefois, tout ne s’arrêtera pas là. Ceci du fait
qu’il existe d’autres variables qui ont une influence sur l’indépendance de l’auditeur. En
procédant à l’analyse de l’influence des relations partielles ((1) et (2)) sur la qualité de l’audit,
La nature définitive de la relation
Les critères de choix
des cabinets d’audit
Objectifs Subjectifs
Les Dirigeants
Type de relation partielle
Comportements conflictuels
Comportements opportunistes
Comportements d’honnêteté Type de relation
partielle
Qualité de
l’audit
Type de relation partielle
(1)
(2)
(3)
22
découle une autre nature partielle de la relation (3). C’est tout ce processus alambiqué, qui servi
de support devant contribuer à l’atteinte de l’objectif qu’est la nature finale de la relation, et ceci
au travers de la matrice des comportements.
Conclusion
L’objectif de cette étude était de procéder à la détermination de la véritable nature de la
relation entre dirigeants d’entreprises et cabinets d’audit dans le contexte du Cameroun. Pour
cela, le choix s’est orienté vers l’approche qualitative par étude de cas multiple. Ainsi, des
entretiens semi-directifs et l’analyse des données via le logiciel NVIVO 10, constituent les outils
méthodologiques mobilisés dans le cadre de cette recherche. Les critères de choix des cabinets et
d’autres variables liées à l’indépendant, ainsi que les comportements des acteurs lors des
différentes missions, ont permis de comprendre que la relation entre dirigeants d’entreprises et
cabinets d’audit est alambiquée. Des critères de choix, plus subjectifs qu’objectifs, dénotent deux
types de relation : la relation de connivence et celle de confiance. L’analyse des comportements
des acteurs lors des différentes missions a permis de comprendre qu’il existe entre eux une
relation conflictuelle. Sur la question des autres variables liées à la souveraineté des auditeurs,
une relation de connivence a été déterminée. L’ensemble de ces variables, hétérogènes et
multiples, ont rendu difficile la qualification de la relation. De ce fait, le recours à la matrice des
comportements a constitué l’outil approprié devant permettre de déterminer in fine la véritable
nature de la relation : qui est de conflit-connivence. Ces résultats confortent l’idée que la relation
audité-auditeur est complexe et pas facilement perceptible tout comme la qualité de l’audit. Donc,
l’on pourrait également la considérer comme une sorte de « boite noire ».
Cette étude contribue à enrichir le fond croissant des travaux sur la qualité de l’audit au
Cameroun à plusieurs niveaux. D’abord, elle complète les travaux antérieurs sur le choix des
cabinets d’audit en mettant en exègue le caractère subjectif et objectif des indicateurs. Ensuite,
les différents comportements constatés lors des missions et enfin le caractère imperceptible de la
nature de la relation. Aussi, elle permet de voir la pertinence de l’approche qualitative, qui autre
fois légèrement considérée, a servi de fondation à la compréhension d’un phénomène aussi
complexe : la véritable nature de la collaboration entre auditeur et audité. Les résultats de cette
recherche sont susceptibles d’implication managériale pour diverses parties prenantes.
Premièrement, il apparaît nettement que les auditeurs doivent intégrer la dimension Ressource
Humaine dans leurs attitudes. Ils doivent restreindre la posture de contrôleurs et adopter celle du
23
partenaire des audités. Richard et Reix (2002) parle de relation de pair, qui dispose d’un couple
d’influence que la qualité de la mission. Ce résultat peut être utilisé par les cabinets d’audit eux-
mêmes car, ils doivent accorder plus d’intérêt au « briefing » de leurs collaborateurs en prélude à
chaque mission. En deuxième point, les entités audités doivent tout de même opter pour des
postures de facilitateurs du déroulement de la mission car, certaines facteurs clés de succès leurs
sont directement rattachés. Enfin, l’Etat doit accorder à la profession comptable, une attention
particulière afin de mettre en œuvre un nombre d’action devant contribuer à la diminution des
conflits d’intérêts entre les acteurs. La taille de l’échantillon (constituée de 24 cas), faible suivant
une approche probabiliste, est pertinente pour cette étude au travers du principe de la saturation
théorique. Les critères de choix des cabinets d’audit en faisant recours aux caractéristiques de
l’audité pourront faire l’objet des réflexions scientifiques futures.
1 Le CAC a pour objectif principal de garantir la fiabilité des chiffres comptables produites. De même, il contribue à atténuer
l’asymétrie informationnelle qui sous-tend la collaboration entre les différents agents économiques, à résoudre les conflits
d’intérêts. 2 ENRON, PARMALAT, en occident, SODECOTON, CAMAIR-CO, COFINEST dans le contexte d’étude. 3 Cette qualité selon De Angelo (1981), repose sur la compétence et l’indépendance de l’auditeur. 4 Pour référence, la loi Sarbanes-Oxley (2002) aux USA, la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (2001) et la loi sur la
sécurité financière (2003) dans le cas de la France. 5Celle-ci prévoit dans son article 16 des sanctions allant de 2 à 5 ans d'emprisonnement et/ou une amende de 200000 à 5000000
de francs CFA, pour sanctionner tout acte de nature à porter atteinte à l'indépendance et aux incompatibilités des auditeurs
externes. 6 L’Opération Epervier est le nom donné par le gouvernement camerounais à l’entreprise d’assainissement des pratiques de
gestion dans les sociétés d’Etat et les administrations publiques camerounaises, lancée en février 2006. 7 Sept membres de l'Ordre National des Experts Comptables Camerounais (ONECCA) sont arrêtés et emprisonnés ; deux
commissaires aux comptes sont condamnés pour détournement de deniers publics sur la base des articles 74 et 184 du Code pénal. 8 La présence de 190 experts comptables et de 44 sociétés d’expertise comptable selon de tableau de l’ONECCA au 1er Janvier
2017. A rappeler que selon de tableau de l’ONECCA au 1er Janvier 2014, l’on disposait de 127 experts comptables et de 26
sociétés d’expertise. Soit une augmentation de 63 CAC et 18 sociétés d’expertises comptables. Il importe tout de même de
préciser qu’il n’existe pas seulement 44 sociétés d’expertise comptable au Cameroun car, certains experts disposent de leurs
propres cabinets mais, qui ne sont pas enregistrés au tableau de l’ordre en tant que sociétés d’expertise comptable. 9 Petites et moyennes Entreprise. 10 Dont les objectifs sont liés à la rentabilité et l’efficacité. Pour ce groupe, les états financiers servent à attester la bonne situation
de l’entreprise. 11 Dont l’objectif de donner leurs opinions sur la clarté et sincérité des chiffres comptables produits. 12 Dans le cadre d’une mission d’audit des comptes, l’auditeur a besoin du concours de l’audité pour exprimer pleinement sa
compétence. 13 La taille du cabinet, la réputation du cabinet, les honoraires des auditeurs (Saad et Lesage, 2007 ; Omri et al., 2009 ; Piot et
Schatt, 2010). 14 A rappeler que selon de tableau de l’ONECCA au 1er Janvier 2014, l’on disposait de 127 experts comptables et de 26 sociétés
d’expertise. Soit une augmentation de 63 CAC et 18 sociétés d’expertises comptables. Il importe tout de même de préciser qu’il
n’existe pas seulement 44 sociétés d’expertise comptable au Cameroun car, certains experts disposent de leurs propres cabinets
mais, qui ne sont pas enregistrés au tableau de l’ordre en tant que sociétés d’expertise comptable. 15 Expression utilisée sur le rapport publié par la Direction des Grandes Entreprises des services des impôts du Cameroun de 2009. 16 Un bilan pour le « conseil d’administration » afin de rassurer les administrateurs sur la bonne gestion de l’entreprise. Ces
derniers en retour délivreront un quitus de bonne gestion ; un bilan pour « l’Etat » avec pour objectif de minimiser des transferts
au profit de l’administration fiscale ; un bilan pour les « créanciers » afin de garantir le service de l’emprunt en minimisant le
risque d’insolvabilité ; un bilan pour le « dirigeant » qui traduit la situation réelle et exacte « image fidèle » de l’entreprise. Ce
dernier constitue le véritable outil de pilotage de l’entreprise et permet au dirigeant d’apprécier l’ampleur des manipulations
comptables opérées pour traduire « l’image souhaitée » des comptes annuels. Ce bilan est généralement confidentiel.
24
17 Les entretiens ont tous été enregistrés avec l’assurance d’une utilisation strictement académique. 18 La collecte des données s’est effectuée de septembre et décembre 2017, soit pendant 4 mois. 19 Ordre National des Experts Comptable du Cameroun. 20 Selon Alexia (2012), l’auditeur doit être un acteur IMPECABLE. Il doit tout dire et faire sans que cela ne soit perçu somme un
signe d’inaptitude professionnel. 21 Donc le tissue économique est non seulement dominé à hauteur de 99,8% des PME, elle est en majorité familiale (89%). 22 Les entreprises au Cameroun ne produisent de manière constante et continue des informations comptables les concernant. Et
dans la limite de la production, celles-ci manquent de fiabilité et de sincérité. Cependant, ce qui suscite la curiosité est que ces
informations sont toujours certifiées par des CAC, et sans réserve dans la plupart des cas.
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28
Annexe 1 : Présentation schématique de la construction de l’échantillon
Source : auteurs
Cab 4
Client 11
Client 12
Client 13
Client 14
Client 15
Cab 5
Cab 6
Cab 7
Cab 8
Cab 1
Client 1
Client 2
Cab 2
Client 3
Client 4
Client 5
Client 6
Client 7
Client 8
Client 9
Client 10
Cab 3
Cas 1
Cas 2
Cas 3
Cas 4
Cas 5
Cas 6
Cas 7
Cas 8
Cas 9
Cas 10
Cas 11
Cas 12
Cas 13
Cas 14
Cas 15
Cas 16
Cas 17
Cas 18
Client 16
Client 17
Client 18
Client 19
Client 20
Client 21
Cab 9
Cab 10
Cab 11
Cab 12
Cab 13
Cas 19
Cas 20
Cas 21
Cas 22
Cas 23
Cas 24
29
Annexe 2 : les nœuds (grille d’analyse) construits dans le logiciel NVIVO
Source : NVIVO 10