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1 RAPPORT MEDAYS 2013 | INSTITUT AMADEUS | FORUM MEDAYS QUELLES EMERGENCES DANS UN MONDE INSTABLE 2013 Rapport 2013

Forum mEDAYS 2013 - Institut AMADEUS · Forum mEDays par l’InstItut amaDEus 6, rue annassime, sect. 9 Bloc I, Hay riad 10100, rabat - maroc tél. : +212 (0)537 71 70 82 / 40 59

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Forum mEDAYS

QuEllES EmErgEncES DAnS un monDE inStAblE

2013

rapport 2013

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Le sud : QueLLes émergences dans un monde instabLe ?

forum medays 2013

TaNGer du 13 au 16 NoVemBre 2013

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tél. : +212 (0)537 71 70 82 / 40 59Fax : +212 (0)537 57 11 83E-mail : [email protected]

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sous le haut patronage de sa ma jesté le roi mohammed Vi

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Le sud : QueLLes émergences dans un monde instabLe ?

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TaNGer du 13 au 16 NoVemBre 2013

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sommaire

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editorial ma retrospéctive 10

géopolitique du moyen orient 16

monde arabe : l’hiver après le printemps 17libye : renaissance à hauts-risques 20Syrie, d’une guerre à l’autre 23

gouVernance 26

l’Europe, entre crise de dette souveraine et crise de souveraineté 27le mali face à ses défis : comment reconstruire l’état ? 31

economie et deVeloppemnt 36

comment croire en l’Afrique ? 37comment stimuler le financement des infrastructures pour accélérer le développement en Afrique ? 41Santé et médicaments en Afrique : l’urgence du développement des génériques 44Quelles perspéctives pour l’économie mondiale ? 48

Business medays 52

banques et places financières : comment créer une croissance juste et équilibrée ? 53 l’évolution de la participation de la femme dans la vie active vue du monde arabe 5èinclusion financière – quels nouveaux outils pour lutter contre la pauvrete ? 59

sécurité internationale 64

Pétrole, gaz et Schiste : les nouveaux paramètres de la Sécurité globale ? 65mer de chine méridionale, enjeux à hauts-risques 69centrafrique : Eviter l’écueil de la somalisation 73

enVironnement et deVeloppement duraBle 76

Securité Alimentaire et révolution Verte 74Politiques énergétiques globales : vers une nouvelle donne énergétique ? 88

les medays en chiffres 94les prix medays 2013 95l’équipe medays 96

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l’année 2013 a été riche en évènements, rebondissements et évolutions. Elle a hérité des prin-cipales questions et interrogations qui ont bouleversé le monde et plus particulièrement le monde arabe depuis plus de trois ans, avec notamment l’enlisement de la crise syrienne et les lendemains des « Printemps Arabes » qui déchantent en Egypte, en libye et en tunisie. les para-digmes énoncés au cours du Printemps 2011 et les analyses court-termistes qui en ont découlé, ont largement été contredits et bouleversés par une réalité complexe et explosive.

les interventions françaises au mali et en centrafrique ont largement contribué à redistribuer les cartes dans des régions explosives aux ramifications identitaires et religieuses complexes.

Sur le plan national, 2013 a été très dense, avec une actualité politique exceptionnelle. on re-tiendra plus particulièrement, la crise gouvernementale et le changement de majorité, l’Affaire galvan, l’évolution de notre Question nationale et la visite historique du roi mohammed Vi aux Etats-unis.

mA rétroSPEctiVElES 8 éVènEmEntS Qui ont FAit 2013

brAhim FASSi Fihri

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A travers ces lignes, je voudrais passer en re-vue, date par date, situation par situation, les épisodes les plus marquants de l’année qui s’achève, en essayant à chaud de commenter les enchainements de péripéties politiques ou sécuritaires, tout en reprenant certaines de mes analyses publiées précédemment sur l’évolution, inquiétante ou rassurante selon les cas, de ces évènements qui ont fait l’actualité en 2013, qui resteront au cœur de l’agenda in-ternational en 2014.

Intervention française au Mali

le nord-mali devient depuis avril 2012 un es-pace de non-droit, contrôlé par de multiples groupes autonomes (mnlA, muJAo, AQmi et Ansar Dine), constitués, pour certains, par dif-férentes « katibas », plus ou moins indépendan-tes, dans un écheveau complexe d’alliances locales. A la suite d’intenses tractations inter-nationales, le conseil de Sécurité adopte, sous présidence marocaine, le 20 décembre 2012, la résolution 2085 qui autorise le déploiement au mali, pour une durée initiale d’une année, de la « mission internationale de soutien au mali sous conduite africaine » (miSmA).

A la demande d’assistance et de soutien par les autorités souveraines maliennes de l’époque représentées par le Président Dioncounda traoré, la France lance l’opération « Serval » le 11 janvier 2013, en soutien à l’armée ma-lienne, pour endiguer le démembrement et la conquête du pays par les éléments terro-ristes jihadistes. Son utilité est incontestable, puisque cette intervention a eu trois objec-tifs stratégiques : mettre à mal les différents groupes islamistes, sécuriser la ville de bamako et préserver l’intégrité territoriale du pays. Au-trement dit la vocation de cette opération est d’éviter l’installation au mali d’un état narco-terroriste dans une zone très largement explo-sive depuis l’émergence d’AQmi, qui a été très largement renforcée par l’appel d’air créé par la chute de Kadhafi et la guerre civile en libye.

Près d’un an après le déclenchement de l’opération Serval, les forces franco-maliennes, appuyées par l’armée tchadienne, ont repris les villes de Konna, mopti, gao, Diabali, Sé-varé et la cité symbole de tombouctou, réus-sissant à repousser considérablement la zone d’affrontement vers le nord. un phénomène de « migration » vers le sud de la libye et la frontière tuniso-libyenne des mouvements terroristes et Jihadistes s’en est suivi.

l’intervention française a clairement atteint ses objectifs stratégiques. En attendant le retrait des forces françaises et le déploiement pro-gressif des forces de la minuSmA, une deux-ième phase des opérations se dessine comme le montrent les affrontements récurrents dans le nord du pays: celle de la guerre d’usure, marquée par la mobilité, des raids ponctuels et des embuscades, tandis qu’un effort de négo-ciations s’engage localement entre les autori-tés maliennes et leaders touaregs.

Prise d’otage dans la raffinerie BP à In Ame-nas

les évènements de la raffinerie bP à in Ame-nas, cinq jours seulement après le début de l’opération française au mali, ont démontré toutes les difficultés de lutter contre un enne-mi très mobile, dont le modus operandi et la palette d’actions reste très vaste. les prises d’otages, les actions de guérilla urbaine dans les villes du nord-mali, la guerre de tranchées dans le désert et les risques d’attentats accrus dans toute la région, font désormais partie du quotidien dans le Sahel.

la prise d’otages d’in Amenas a sans doute démontré que le principal argument algérien pour éviter l’intervention internationale au nord du mali était admissible. l’option que préconisait l’Algérie était de soutenir avec des moyens logistiques l’armée malienne et de renforcer sa capacité d’action pour lui permet-tre de lutter contre les différents groupes ter-roristes, tout en assurant l’intégrité territoriale du pays. l’objectif algérien était double : éviter l’ingérence étrangère dans sa zone d’influence et prévenir tout risque d’embrasement terror-iste dans un pays où les plaies des années 1990 ne sont toujours pas cicatrisées.

la brutalité de la réponse algérienne à in Ame-nas, a démontré que le pays est probable-ment prêt à instaurer un équilibre durable de la terreur dans la région. la prolifération des menaces terroristes dans toute la bande sahé-lo-saharienne, est préoccupante. un scénario à la malienne, au tchad, au niger en maurit-anie et au nigéria n’est pas à écarter. le suc-cès de l’opération Serval a paradoxalement renforcé cette possibilité. il n’est plus possi-ble de poser la problématique de sécurité au maghreb en l’isolant de son flanc sud sahélien. une concertation permanente s’impose entre les pays du maghreb sur le présent et l’avenir de la bande sahélo-saharienne. malheureuse-

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ment, pour des considérations politiques, géostratégiques, voire hégémoniques, nous en sommes, aujourd’hui très loin.

Au niveau régional, il est donc urgent de ré-unir l’ensemble des pays riverains sans excep-tion (maghreb, mali, niger, tchad, burkina Faso et Sénégal) tout en y associant les touaregs, pour apporter une solution sahélienne dura-ble et globale. ce fora, expression d’une dé-marche collective et inclusive, pourra évoluer vers un dialogue de concertation récurrent 5+5 (maghreb+Sahel), à l’image du format de discussion en méditerranée occidentale. Si nous nous réunissons, nous maghrébins, avec nos partenaires du nord, sur des considéra-tions purement sécuritaires, pourquoi ne pas reproduire le même schéma avec nos voisins du Sud, compte tenu de la convergence de nos enjeux stratégiques ?

L’élargissement du mandat de la MINURSO aux Droits de l’Homme avorté

le projet de résolution sur la prolongation du mandat de la minurSo, présenté par les

Etats-unis, le 9 avril dernier, au « groupe des Amis sur la question du Sahara » (composé des membres permanents du conseil de Sé-curité et Espagne), a constitué une évolution inquiétante dans la gestion de ce dossier par la première puissance mondiale. Au-delà de représenter une atteinte, inédite, à la souve-raineté du maroc, qui administre légalement le Sahara, depuis 1975, ce changement de la position américaine sur ce dossier a contredit près de 40 années de neutralité positive vis-à-vis des arguments du royaume.

le maroc, qui surfe depuis 2007, sur la vague des encouragements internationaux qui ont suivi la présentation du Projet d’autonomie des Provinces du Sud, et sur le nombre crois-sant de retraits de reconnaissance de la pseu-do « rASD », avait insisté à quelques mois de l’échéance d’avril 2013, à juste titre, sur le risque d’embrasement de l’ensemble de la bande sahélo-saharienne déjà fragilisée par la guerre au mali. Pour le royaume, les argu-ments politiques, apportés par la proposition d’autonomie et par l’élargissement des com-pétences du cnDh, additionnés à la réalité

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géopolitique et sécuritaire dans la région, al-laient largement suffire à conforter sa position.

ces éléments, quoi que concrets, ont mal-heureusement été brouillés auprès des dé-cideurs politiques et certains médias amé-ricains, par des actions de communication d’institutions telles que la Fondation robert Kennedy et autres ong, en plus des actions menées par Javier bardem. l’investissement par l’Algérie et le Polisario de l’instrumentalisation des Droits de l’homme, à travers le soutien de structures crédibles aux Etats-unis, a permis de largement atténuer l’avantage comparatif pris par le maroc sur les questions politiques.

En réaction au projet de résolution américain, le maroc à travers une campagne de mobili-sation tous azimuts sans précédent a mis en avant de nombreux arguments auprès du « groupe des Amis » pour éviter l’élargissement des attributions de la mission onusienne.

ce succès, devrait être accompagné d’une profonde réflexion sur le plan national, en y intégrant l’ensemble des partis politiques (ex-sangues sur la question du Sahara) et la socié-té civile pour répondre à cette problématique de la composante « Droits de l’homme », pour éviter d’être confronté à la même situation en avril 2014. Pour se faire, la réponse doit être concentrée autour de trois axes principaux.

le premier, l’implémentation urgente de la régionalisation avancée qui légitimera sur le plan juridique et constitutionnel l’autonomie au Sahara. la proposition présentée en 2007 doit dépasser le simple cadre du projet et être mise en œuvre sur le terrain. le maroc sera ren-forcé de facto dans le processus de négocia-tion et montrera ainsi sa bonne foi à la com-munauté internationale.

le second, le renforcement de la crédibilité in-ternationale des réalisations du cnDh, qui est une institution totalement singulière dans la région dont les recommandations opération-nelles et les avis sont pris en compte par les autorités marocaines.

le troisième, le renforcement des outils de pro-motion et de lobbying efficace au niveau inter-national, en particulier auprès des Etats-unis et des institutions européennes. les partis poli-tiques, les ong, et les think tanks, y compris l’institut Amadeus, doivent s’atteler à jouer un rôle plus proactif de sensibilisation perma-

nente des décideurs étrangers, seuls moyens de contrer les actions d’instrumentalisation opérées par les porteurs de thèses anti-maro-caines.

La destitution du Président Morsi et la mise au ban des frères musulmans

la destitution par l’armée égyptienne du Président morsi en juillet dernier, restera sans doute, l’évènement politique le plus marquant de l’année 2013. il démontre implacablement un changement de paradigme. les Printemps Arabes tels que présentés au début de l’année 2011, reflétaient une méconnaissance pro-fonde des spécificités nationales et région-ales. A l’opposé les tenants des Hivers Arabes, se trompent également. ces deux expressions reflètent, une photo, un instantané d’une situ-ation beaucoup plus subtile et délicate qui ne saurait être généralisée. les transitions sont des longs processus où s’additionnent des épisodes complémentaires ou contradictoires. Elles se construisent avec le temps, même dans une époque telle que la nôtre, où tout doit être accéléré. la contradiction entre une « Egypte de morsi » et une « Egypte de Sisi » en est l’illustration la plus parfaite.

Pour toutes ces raisons l’influence et le capital sympathie de l’armée égyptienne auprès de la population ne cessent d’augmenter. A ceux qui continuent de s’indigner contre le renverse-ment d’un régime démocratiquement élu, on rétorquera à juste titre, et c’est sans doute la principale leçon de l’épisode estival égyptien, que la démocratie c’est d’abord le respect de l’opposition et des minorités, c’est la consoli-dation des libertés individuelles et collectives, et c’est la proposition d’un réel projet de so-ciété capable d’instaurer la justice sociale et faire sortir le pays de la crise économique dans laquelle il se noie depuis plus de deux ans.

on mettra en avant également, que la dé-mocratie ce n’est pas gouverner un clan, et protéger les intérêts d’une confrérie, à qui on confie des pans de l’administration centrale et territoriale. le paradoxe égyptien est que ceux qui ont soutenu les révolutionnaires du 14 jan-vier, et ont élu les Frères musulmans, sont ceux qui aujourd’hui soutiennent l’armée contre le « terrorisme », au nom de la stabilité du pays. l’essoufflement, très visible médiatiquement, des contestations menées par les Frères a fini de convaincre les indécis de se « ranger » du côté des militaires.

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le paradoxe égyptien se poursuit avec à la fois la rédaction d’une nouvelle constitution con-trastée en mettant en avant son esprit libéral et d’ouverture, mais également en insistant sur une référence marquée à la charia. les égyp-tiens qui ont voté les 14 et 15 janvier 2014 avaient sans doute à l’esprit, que le parti pour lequel ils ont massivement voté il y a deux ans, est aujourd’hui officiellement considéré comme une « organisation terroriste ».

L’Affaire Galvan

beaucoup d’encre a coulé et tout ou presque a été dit et écrit sur ce qui a été appelé l’Affaire galvan, ou « Daniel gate ». laissons de côté ce qui a très largement été commenté, et notam-ment sur les contours de cette affaire et les dé-cisions prises pour protéger l’institution roy-ale de toute nouvelle erreur de cette nature, pour nous concentrer, sur ce qui semble être les deux principaux enseignements de cette séquence.

le premier, est, sans aucune contestation pos-sible, la naissance au maroc d’un mouvement citoyen, sans appartenance politique et sans agenda détourné, s’exprimant à travers les mé-dias sociaux. il s’agit d’une nouveauté à saluer et à prendre désormais en considération. mal-gré la tentative réelle d’instrumentaliser cette indignation à des fins bien déterminées, il est salutaire dans une société en consolidation dé-mocratique de voir naître et se renforcer une mobilisation citoyenne pour appeler à corriger des erreurs d’une telle gravité.

le second enseignement est que cette affaire a été l’occasion pour certains, d’insister sur la né-cessité de réformer notre justice. il est évident que dans tout modèle démocratique, la justice est un pilier de la vie citoyenne. les marocains doivent avoir confiance en leurs institutions et en la justice de leur pays. Aujourd’hui cette jus-tice est entachée par de nombreux scandales, par une lenteur procédurale importante et par des décisions parfois arbitraires en contradic-tion totale avec les préceptes de notre consti-tution. la réforme de la Justice reste l’un des principaux chantiers de ce règne.

Syrie : des attaques chimiques à Genève II

Depuis le 21 août dernier, et les attaques chi-miques perpétrées contre des civils à Damas et imputées au régime syrien, la communau-té internationale s’organise, tant bien que

mal, pour étudier la réponse appropriée à ap-porter.

Pendant près de deux semaines jusqu’à la mi-septembre, les tractations internationales vont conduire à la conclusion qu’une intervention punitive est la meilleure des solutions. les hésitations américaines et le renvoi de la déci-sion d’intervention au congrès américain dans un délai inhabituel, ont démontré très claire-ment qu’une intervention, même ciblée, était une option hasardeuse et incertaine. Dans un cadre régional potentiellement explosif, em-preint d’une lutte d’influence entre l’iran chi-ite et les pays du golfe sunnites, ajoutées aux menaces contre israël, et la présence en Syrie des djihadistes du front Annousra notamment, les américains sont conscients qu’une solu-tion politique viable à travers la conférence de genève ii passe nécessairement par la coopé-ration du régime de Damas.

orphelins de leur allié traditionnel britannique, les américains ont compris qu’ils avaient en tant que superpuissance, la responsabilité de punir ceux qui utilisent les armes chimiques sans pour autant contribuer à déstabiliser da-vantage le pays et le régime syrien.

En repoussant l’option militaire et en accep-tant la proposition syrienne de démantèle-ment des armes chimiques, les américains ont confirmé leur intention de ne pas déstabiliser le régime à court et moyen terme. la réponse à la crise des attaques chimiques en Syrie a bel et bien été politique. Sur le plan stratégique, les américains en agissant ainsi admettent très concrètement que le régime de bachar Al As-sad est de fait un acteur incontournable dans la conservation des équilibres régionaux.

En prévision de genève ii, la communauté inter-nationale, n’a pas souhaité influer sur l’équilibre des forces qui prévaut actuellement en Syrie. A genève ii, il s’agira d’assurer la mise à disposi-tion de moyens humanitaires supplémentaires à destination des populations civiles touchées par la répression, tout en incluant tous les ac-teurs politiques, rejetant toute forme de terror-isme, dans la création d’organes gouvernemen-taux transitoires, neutres et disposant des pleins pouvoirs exécutifs, capable d’assurer des élec-tions transparentes et de maintenir l’unité du pays, sans distinctions qu’elles soient ethnique ou religieuse. Pas sûr que la réunion de genève permette de répondre à l’équation syrienne à multiples inconnues.

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L’élection d’Ibrahim Boubakar Keita à la tête du Mali

le mali a, conformément aux dispositions de la résolution 2085, et à la demande de l’onu, des Etats unis, de l’uE et de la cEDEAo, opé-ré un rétablissement complet de l’ordre con-stitutionnel, avec l’élection en août dernier, d’ibrahim boubakar Keita, à la tête de l’Etat.

Sa principale mission sur le plan institutionnel sera d’instaurer le contrôle civil sur les forces armées, et l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire malien, ainsi que le rétablisse-ment d’un « dialogue national » ouvert notam-ment aux populations du nord et à tous les groupes rejetant le terrorisme et reconnais-sant l’intégrité du mali.

Partisan de l’approche du « mali aux maliens », ibK aura la lourde tâche de piloter à la fois la résolution de la question touareg et la mise en place d’un état démocratique viable. Pour être crédibles aux yeux des populations locales, elles doivent se construire autour d’une solu-tion purement malienne. Aucune ingérence de telle ou telle puissance régionale ou occiden-tale ne saura être tolérée par les maliens.

Intervention française en Centrafrique

l’année 2013 avait débuté avec l’intervention française au mali, elle se conclut avec le conflit centrafricain, structurellement et stratégique-ment divergeant pour la France et les nations africaines engagées.

Fortes de la résolution 2127 votée le 5 décem-bre dernier, qui autorise le déploiement d’une mission internationale de Soutien à la centraf-rique sous conduite Africaine (misca) pour une période de douze mois afin de protéger les civ-ils et rétablir l’ordre et la sécurité, stabiliser le pays et créer les conditions propices à la four-niture d’aide humanitaire, les forces françaises ont été invitées par cette résolution à prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir la misca dans l’accomplissement de son mandat et ont demandé à bangui et aux pays voisins de soutenir leur action.

la situation sur le terrain est explosive et la réalité stratégique dépasse le cadre classique du conflit militaire, en se résumant à une lut- te confessionnelle abjecte entre pro Seleka musulmans et anti balaka chrétiens. la misca, formée de près de 4000 hommes est ainsi con-

frontée à un conflit identitaire sanglant dans un Etat exsangue.

la multiplication des violences inter-religieu-ses et inter-ethniques, qui ont accompagné l’arrivée de la misca, se sont considérablement atténuées avec la démission du Président Djo-todia. comme au mali, la résolution de la crise centrafricaine passe par le rétablissement de l’ordre constitutionnel et politique. la mise en place d’une autorité de transition et la défini-tion d’un agenda politique sont des avancées encourageantes, présageant une sortie de cri-se à l’issue des prochaines élections présiden-tielles et législatives.

les interventions militaires françaises, accom-pagnées des forces africaines, au mali et en centrafrique ont donné naissance à une nou-velle doctrine d’intervention et de résolution des crises sur le continent. Elle est basée sur l’intervention limitée dans le temps d’une pui--ssance occidentale, appuyée par des forces africaines, avec la définition dès les premières semaines d’un agenda politique favorisant une transition démocratique.

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moYEn-oriEnt

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monDE ArAbE : l’hiVEr APrèS lE PrintEmPS ?

Depuis 2011, l’histoire s’accélère dans le monde arabe avec pour fil conducteur les fortes velléités d’aspirations des peuples pour le changement. la dernière décennie aura vu se superposer dans le monde arabe trois types différents de change-ments : une coalition internationale qui met fin à un régime (irak, 2003), un régime renversé grâce à l’intervention étrangère salutaire (libye, 2011) ou la révolution populaire (tunisie 2011, et Egypte 2011 puis 2013).

trois ans après le déclenchement des évène-ments dits du Printemps arabe, ces mêmes re-vendications pour le changement demeurent dans la totalité des pays concernés. longtemps enfouies, celles-ci auront éclaté au grand jour dans une région du monde où les atermoie-ments des transitions l’ont bien montré : la tradi-tion démocratique y est encore très peu ancrée pour ne pas dire inexistante. A l’inverse de l’inde par exemple dont la pratique démocratique peut être partiellement considérée comme un leg de l’empire britannique, les pays arabes -pour divers motifs géostratégiques notamment- n’ont pas pu bénéficier du même héritage des empires co-loniaux au sortir des indépendances.

c’est cet ordre établi durant la période postco-loniale, caractérisé par le despotisme, la corrup-tion généralisée, l’absence de bien-être social et des disparités sociales de plus en plus abyssales, que les peuples ont rejeté dans leur quête de changements politiques, de justice sociale, de

représentativité au sein des instances, de par-ticipation à la prise de décision et surtout…. de dignité.

Dépassant certains préjugés occidentaux, le monde arabe ne peut être perçu comme un bloc monoli-thique, chaque pays possède ses propres spécificités, son héritage politique, ses données démographiques mais aussi son importance dans l’échiquier géostratégique de la région. le sort diamétralement opposé des révolutions lib-yenne et syrienne étant la meilleure illustration de ce dernier point.

le bilan de la situation du Printemps arabe que d’aucuns s’empresseront de qualifier de provi-soire tant il apparait évident que la consolidation des transitions dans le sens voulu par les peuples et l’histoire prend des années voire des décen-nies semble mitigé. Pierre angulaire de toute transition : les chantiers de réformes institution-nelles, politiques, économiques et sociales, rev-endiquées puis annoncées n’ont pas encore vu le jour.

S’il fallait néanmoins énoncer un seul acquis, in-commensurable, il s’agirait de la parole désor-mais libérée dans le monde arabe. le mur de la peur est –momentanément diront les partisans de la thèse de l’hiver après le printemps- tombé, facilitant ainsi l’expansion de la politisation ac-crue des masses. cela s’est notamment matéri-alisé sur le paysage médiatique où la chute des

géoPolitiQuE Du moYEn-oriEnt

Par talal Salahdine

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dictatures a ouvert la voie à une profusion de nouvelles chaines tV et radios dans un contexte de réglementation encore très balbutiante et donc avec tous les dérapages et manipulations que cela peut engendrer.

Présenté comme le grand gagnant des lend-emains immédiats des Printemps arabes, force est de constater que l’islam politique a échoué, à l’occasion de cette opportunité réellement historique, à faire montre de « normalisation » en encourageant le processus de pluralisation de l’espace politique ce qui suppose un respect des minorités (politiques, religieuses, etc.) et la reconnaissance des contrepouvoirs (presse, so-ciété civile).

Sans programme politique clair et dépourvu de politiques socio-économiques viables à même de répondre rapidement aux énormes attentes procurées à leur arrivée au pouvoir, les Frères musulmans en Egypte ou Ennahda en tunisie, en proie à des distensions internes, se sont très vite heurtés à la difficulté de l’exercice.

Sortant de la clandestinité, sans aucune assise au sein de l’administration, ces mouvements se sont attelés, sans succès notoires du fait de résistanc-es féroces, à se positionner au sein de l’appareil de l’Etat. l’enjeu étant de parvenir à une emprise forte sur le pays et ses institutions et rendre à terme impossible toute autre majorité.

ils furent ainsi accusés d’initier et surtout de prioriser une islamisation rampante au sein des sociétés au dépend des dossiers économiques

explosifs, à l’heure où l’ensemble des indica-teurs sont au rouge. D’autant plus que la conjon-cture post-printemps arabe se caractérise par un vent de contestation généralisé avec son lot de grèves, de sit-in et de violences sociales alors que les partenaires européens subissent toujours les affres de la récession.

Souvent mis sous pression par les salafistes, leur erreur fondamentale principale aura surtout été d’endosser, à différents degrés, l’habit de l’autoritarisme des précédents régimes au sein de sociétés qui ne sont plus les mêmes, soulig-nant ainsi le caractère irréversible du change-ment. une popularité qui va rapidement s’effriter ouvrant la voie à un rejet certes partiel mais fi-nalement massif. un véritable cas d’école sur la nuance entre légalité et légitimité à laquelle pourtant ils continuent à s’accrocher.

une atmosphère politique délétère doublée d’un contexte sécuritaire interne (assassinats politiques, répressions sanglantes des manifes-tations), mais aussi externe (heurts meurtriers avec des groupes djihadistes aux frontières de la tunisie avec la libye et l’Algérie, violences et menaces terroristes dans le Sinaï, conséquence de l’après Serval sur le sud libyen présenté comme le nouvel épicentre du jihadisme en Af-rique) d’une grande vulnérabilité signera très rapidement la faillite et l’échec d’une gouvern-ance islamiste peu préparée, inexpérimentée et vraisemblablement inapte à gouverner au re-gard de la conjoncture exceptionnelle de l’après révolution.

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Ainsi en Egypte, une feuille de route présentée par le pouvoir transitoire mis en place suite à la desti-tution de mohammed morsi fait désormais office de politique générale. En tunisie, face à l’impasse politique qui prévaut, un dialogue national très la-borieux est en cours entre la troïka menée par les islamistes d’Ennahda et l’opposition. Enfin en lib-ye, le contexte sécuritaire extrêmement vulnéra-ble a fait échouer pour le moment toute tentative de création à proprement dit de l’Etat et de ses principales composantes. Soit autant d’exemples concrets de l’impossibilité à l’heure actuelle de trouver le consensus nécessaire à la mise en œuvre de mécanismes inclusifs de conduite des transitions par les pouvoirs en place, intégrant les différents courants y compris l’opposition. c’est ainsi que l’un des grands dangers qui guettent la région, principalement mis en avant par bon nombre d’observateurs, est l’écueil de la polarisa-tion au sein des sociétés du Printemps arabe. En effet, des fractures assez nettes sont apparues dans le sillage des révoltes entre laïcs et islam-istes ou encore islamistes et militaires voire entre courants islamistes. les sujets de discorde sont nombreux tels que la nature du régime, les droits des minorités religieuses ou encore la place des

femmes, thématique sensible qui cristallise toutes les passions. théâtre d’illustration par excellence de toutes ces oppositions : la rédaction des con-stitutions. références à la charia islamique, Etat civil, statut de la femme, liberté de conscience, lib-erté de culte, autant de paramètres vitaux à pren-dre en compte et qui dessineront l’avenir des pays concernés.

la diabolisation en cours à la suite des derniers évènements des Frères musulmans en Egypte mais aussi en tunisie n’est pas pour faciliter la ré-ussite de la transition. ils sont et restent des ac-teurs incontournables sur les scènes politiques nationales. il est fort à parier que l’issue de crise ne se fera pas sans eux.

les lendemains des révolutions sont encore très in-certains dans le monde arabe, mais comment aurait-il pu en être autrement au regard des nombreux tournants avortés par la région dès les lendemains de l’indépendance ?

Aux forces vives actuelles d’entrer dans l’histoire et éviter le péril à terme –déjà annoncé ?- de la restauration.

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Une renaissance par le feu

la «nouvelle» libye fait face à d’énormes défis. la question d’un nouvel ordre politique se pose en particulier en plus de la maîtrise des enjeux sécuritaires, de l’élimination des con-séquences de la guerre et de la reconstruction économique. Etant donné l’héritage lourd de conséquences de Kadhafi, l’hétérogénéité de la classe politique et le manque de structures étatiques fonctionnelles, le pays est mena-cé d’une poursuite infinie de l’instabilité. le désaccord et l’incohérence au niveau politique est la première raison de déclenchement des combats et, à terme, une fragmentation de la libye ou même la désintégration complète de tout pouvoir central à l’instar de la Somalie – avec les répercussions négatives prévisibles

Après la chute du régime Kadhafi 42 ans après la révolution de Septembre 69, la libye doit repartir de zéro. le régime déchu a vidé le pays non seulement de ses richesses finan-cières mais surtout de tout son potentiel civil et démocratique. Sans aucune présence gou-vernementale autoritaire palpable sur le ter-rain, le pays fait face à un risque très élevé de dislocation sécuritaire. l’approche adoptée jusqu’à présent par un exécutif libyen très dis-parate politiquement laisse planer le doute sur sa capacité à ressouder un pays en proie à la loi des milices issues de la guerre civile de 2011. l’implication de la communauté internation-ale, pourtant déterminante dans la défaite de Kadhafi devrait être redéfinie voire limitée à un soutien aux initiatives civiles libyennes de reconstruction.

libYE rEnAiSSAncE à hAutS-riSQuES

géoPolitiQuE Du moYEn-oriEnt

Par Amine Amara

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sur la sécurité de toute la région du Sahel.

un tel scénario n’est pas écarté. néanmoins différents éléments indiquent que la réinitiali-sation de la vie politique et économique de la libye peut réussir à condition que les Etats dits « amis » y contribuent non seulement par des aides Ad hoc mais surtout par une politique étrangère intelligente.

la libye est le troisième pays arabe dont le ré-gime fut balayé par l’avènement du Printemps Arabe. mais la comparaison avec la tunisie et l’Egypte ne va pas au-delà, la situation de dé-part étant fondamentalement différente. Alors que le changement politique au caire et à tunis est en fin de compte dû à la décision de l’armée de ne pas s’opposer à la volonté du peuple et de la soutenir activement, la révolution résulte à tripoli du succès militaire de l’opposition re-belle rendu possible par l’otAn dans le cadre d’une guerre civile. le processus de transition en libye sera moins empreint d’antagonisme entre les masses populaires en rébellion et les vestiges des anciennes oligarchies que dans les deux autres cas. il faut aussi noter que contrai-rement aux Etats voisins, en libye, le régime et l’Etat n’étaient guère dissociables, il n’existait ni constitution sur laquelle repose l’objet public ni institutions fiables et stables sur lesquelles pourrait s’appuyer un nouvel appareil politique voire un semblant de société civile qui au de-meurant n’a jamais pu s’établir en raison de la vaste machinerie répressive de l’ancien régime.cette situation de départ où la libye doit faire table rase et recommencer à zéro attise, avec la situation sécuritaire peu sûre, l’impression de profonds clivages non seulement politiques mais aussi sociaux et ethniques. cela a donné lieu comme prévu à des affrontements violents

au sujet de la répartition des ressources pé-trolières donnant lieu à une déstabilisation pro-gressive du pays. le blocage de 82% des term-inaux pétroliers du pays par les milices armées en est la preuve tant redoutée.néanmoins, les perspectives alarmistes quant à l’avenir de la libye ont malheureusement tend-ance à omettre les réalités structurelles et les développements actuels qui font espérer une poursuite positive de la transition. Si la libye repart de rien c’est aussi une chance en soi, car à la différence de ses voisins révolutionnaires, la libye est libérée du lourd héritage du passé et possède ainsi la possibilité de bâtir de nou-velles bases stables et équitable. les factions et milices armées peuvent à cet égard puiser dans la légitimité et l’historique du combat commun contre Kadhafi pour se constituer une histoire et base commune afin de mieux réussir leur ré-insertion.

Le défi de la sécurisation et du State-Building

la réussite de l’intégration des différents cou-rants politiques et des groupes tribaux et eth-niques dépend aussi de la question du contrôle futur des ressources pétrolières du pays. Avant la chute de Kadhafi, les revenus de l’exportation de pétrole représentaient 95 % des recettes d’exportation et 80 % des revenus de l’Etat. les recettes pétrolières constituaient en outre la base financière de l’ancien régime qui se re-posait sur des réseaux de patronage et de né-potisme à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du pays pour consolider son emprise et son image.

bien qu’ayant un niveau de développement très en deçà de ses capacités, suite au gaspillage démesuré des revenus de l’Etat et la gestion frauduleuse des deniers étatiques par le clan

mahmoud gebril, Ancien Premier ministre libyenlors de la discussion spéciale libye

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Kadhafi, les données socio-économiques de la libye indiquent un grand potentiel d’évolution. Pourtant une réduction de la dépendance par rapport aux exportations de pétrole semble ur-gente tout comme le degré de l’ingérence des puissances occidentales dans le processus de la construction de l’Etat libyen, les expériences passées dans les balkans, en irak et en Afghani-stan ont clairement démontré les limites du state-building selon des critères gréco-latins.

A cet égard, les initiatives doivent être portées par le peuple libyen et son gouvernement. il ne faut aujourd’hui ni concepts d’Etat occidental ni objectifs de transformation ambitieux. la com-munauté internationale devrait plutôt, à l’heure actuelle, définir des stratégies de recrutement et d’enrôlement des membres des milices armées au sein d’une armée nationale avec un vrai programme de formation sur le sol libyen -et non dans une quelconque république Est-européenne- ainsi que des aides spécifiques auxquelles le gouvernement libyen peut avoir recours au besoin.

En conclusion, la libye a grand besoin d’un vaste éventail de prestations d’appui non seulement sur le plan du développement économique mais aus-si sur le plan de la construction démocratique. ces

soutiens devraient comprendre la question de la sécurisation des frontières, le renforcement des structures policières nouvellement créée, la con-solidation des nouvelles forces armées sous con-trôle civil, l’établissement d’une loi fondamentale, le soutien électoral, la diversification économique et surtout le grand défi du désarmement et la ré-insertion des rebelles dans des activités civiles ou militaires conventionnelles. mais plus que tout autre paradigme, la communauté internationale doit impérativement accepter les solutions locales et nationales de la libye principalement le vo-let concernant le rôle futur de la religion (l’islam) dans l’ordre politique et social libyen.

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nipulations sectaires et religieuses sont plus à l’origine du commencement des soulève-ments que n’importe quelle idéologie révolu-tionnaire ‘printanière’.

En même temps, la guerre en Syrie est aussi en train de modifier les équilibres géopolitiques internationaux. la russie, qui jusqu’à peu n’existait géopolitiquement qu’à travers son droit de Veto, est devenue un acteur inévitable sur la question. les Etats-unis, après avoir per-du l’irak, essaient de se rattraper en Egypte et font tout pour peser sur la tournure des évène-ments en Syrie. l’iran aussi joue le grand-écart entre l’appui indéfectible au régime Syrien et les souhaits de réconciliation avec les puis-sances occidentales, Etats-unis en tête. cette situation de conflits d’intérêts emboités les uns dans les autres dans une sorte de schéma à la matriochka ne peut donner lieu, en tout cas dans un avenir proche, à aucune solution politique ni militaire d’ailleurs du nœud gordi-en syrien. A ce titre, la fragmentation tant poli-tique qu’idéologique de l’opposition syrienne représente plus un handicap envers toute is-sue politique probable.

Aujourd’hui, et de manière assez grossière, on peut regrouper l’opposition syrienne en trois entités distinctes. la coalition nation-ale syrienne (cnt), formée depuis l’extérieur de la Syrie et qui réunit des personnalités qui

SYriE,D’unE guErrE à l’ AutrE

géoPolitiQuE Du moYEn-oriEnt

Après avoir atteint un équilibre des forces vers la fin de 2012, la rébellion syrienne n’a pas pu transformer son avance sur le terrain en réussite politique, pis, le régime a su pendant les der- niers mois gagner la bataille et sur le terrain des opérations et sur la scène internationale afin d’imposer ses règles tout au long des négocia-tions de genève ii.

tous les spécialistes s’accordent sur une très probable libanisation du conflit au regard du transfert du problème qui se fait de la part du régime sur le terrain sectaire et confession-nel, car au fil du temps, la crise syrienne est devenue un amas de fragments théologiques emboîté d’un conflit multicouche. car les ré-volutions arabes ont amené un phénomène nouveau profondément lié à la liberté de pa-role et d’expression, celui de la libéralisation de l’islam politique et de la variable confes-sionnelle. toutes les sociétés arabes des pays frappés de près ou de loin par le phénomène révolutionnaire ont donné lieu automatique-ment à une vague d’islamisation politique aus-si bien dans les urnes que dans les champs de batailles. le conflit syrien a ramené donc à la surface des divisions profondes déjà existantes à l’intérieur du tissu social syrien. ces profond-es divisions sont ancrées dans l’histoire de la pratique du pouvoir menée par le régime Al Assad au cours des dernières décennies dans le but de se maintenir au pouvoir. ces ma-

Par Amine Amara et talal Salahdine

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étaient en exil depuis longtemps, mais égale-ment des représentants des conseils locaux de différentes organisations et de partis qui sont présents à l’intérieur de la Syrie : la déclaration de Damas, le Parti démocratique du peuple, etc. il s’agit d’un un mouvement d’opposition assez conservateur, mais qui reste de na-ture démocrate. A la gauche de cet échiquier d’opposition se trouve le comité de coordina-tion des forces de changement démocratique, très proche des positions russes et qui émane de mouvements politique interne pas très loin des positions du parti ba’ath et du Front na-tional progressiste. il s’agit d’un groupe qui s’est créé en juin 2011, mais qui selon les ré-volutionnaires n’a pas été reconnu comme représentatif par la population syrienne car ses positions à l’époque n’étaient pas assez claire-ment hostiles à bachar el-Assad et n’appelaient

pas de manière assez claire au changement de régime.

Enfin, on compte une troisième opposition, qu’on peut qualifier de « légale ». ce sont les partis qui ont été créés en Syrie à partir de la fin de 2011, début 2012, et qui ont participé pour certains d’entre eux aux élections. ils ont d’ailleurs des représentants au sein du gou-vernement, puisque le gouvernement syrien actuel se ‘dit’ un gouvernement d’union na-tionale. concernant les cellules djihadistes, on ne peut pas les mentionner comme opposition, puisque leurs positions politiques sont de na-ture ambiguë et qu’elles sont surtout diligen-tées par des mouvements terroristes, leur but ultime étant d’imposer un Etat islamique par la force des armes, ce qui les élimine de facto de tout processus de négociation politique.

mosaïque de la guerre civile Syrienne

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Genève II, l’inextricable impasse

certains optimistes y ont cru, se prenant à en-visager ne serait-ce que prudemment des pro-grès notables vers une sortie de crise en Syrie. Souvenons-nous du contexte qui a prévalu les semaines précédant la conférence. la menace de frappes aériennes dites « punitives » tem-porairement écartée, une volonté manifeste (y-avait-il le choix ?) du régime à détruire son arsenal chimique, un début de rapproche-ment entre le parrain iranien et l’ouest… le pire (selon la position où l’on se place) semblait évité via un accord américano-russe salvateur, comme aux grandes heures de la guerre froide. De tout cela, il n’en fut rien. Pas même une ini-tiative concrète dans le soulagement du drame humanitaire qui sévit depuis trois ans.

genève ii a échoué tout autant que la première conférence du même nom tenue en juin 2012 dans la ville helvète. terrorisme d’un côté, tran-sition de l’autre ; les positions semblent inam-ovibles et surtout inconciliables.

les autorités syriennes dénonçant à tout-va des pourparlers portant uniquement vers la mise en place d’une autorité gouvernementale de tran-sition avec le départ de bachar Al Assad comme préalable, conformément au document adopté lors de genève i, tenu il est utile de le rappeler, sans elles. une configuration où elles se retrou-veraient donc dépossédées des pleins pouvoirs exécutifs. inacceptable et inconcevable pour le régime actuel qui estime que la priorité va à la lutte contre les insurgés considérés comme des terroristes à la solde des puissances étrangères. une vision des choses accentuée par la présence et l’influence croissante des combattants djiha-distes sur le terrain.

chaque camp rejetant sur l’autre la responsa-bilité de cet échec latent, certes prévisible mais aux conséquences totalement inconnues. Pire, un troisième round de négociations parait ex-clu… des deux côtés.

Fidèle à son argumentaire, Damas agite tour à tour le complot étranger, le péril Al Qaida ou encore la rupture du fragile équilibre confes-sionnel si le régime advenait à sombrer.

bien sûr nombreux observateurs avancent que l’enlisement du conflit s’explique surtout par les répercussions incertaines d’un changement de régime sur l’échiquier régional de même qu’un rapport de force bloqué sur le terrain.

théâtre significatif de l’affrontement sunnites-chiites par les deux principaux aspirants au lead-ership régional que sont l’Arabie Saoudite (sec-ondée ici du Qatar et des EAu) et l’iran, la Syrie est aussi l’objet d’un sérieux contentieux entre la russie et les occidentaux. l’enjeu national quant à lui étant relégué au second plan. une multiplication des agendas étrangers dévoilée au grand jour dont aussi celui des influents voi-sins irakiens et surtout turcs, istanbul abritant le siège du conseil national Syrien (cnS). im-mixtions au dépend du destin du peuple syrien ? telle semble être pour beaucoup la raison ma-jeure de l’impasse. le liban et la Jordanie quant à eux continuent de subir en silence les soubre-sauts de la crise.

un seul constat cependant : bachar Assad reste un interlocuteur incontournable, au grand dam d’une opposition toujours aussi divisée, à la représentativité parfois contestée, et qui désor-mais devra affronter un nouvel écueil : quel in-térêt maintenant à négocier ? Surtout que les combats, y compris pendant les discussions, n’ont jamais cessé. les partisans de la démili-tarisation du conflit apparaissent comme les grands perdants.

genève ii aura ainsi surtout réussi à remettre en selle le leader syrien, encore aux abois à la sor-tie de l’été dernier. A la faveur du grand retour diplomatique de la russie ces derniers mois, aujourd’hui plus que jamais il semble faire par-tie de la sortie de crise.

A ne pas s’y tromper, les scénarii pour les prochains mois en Syrie sont nombreux. ils vont de l’intervention étrangère à la partition de fac-to du pays tant bien même que contrairement à ce qu’il aurait pu être envisagé il y a de cela moins d’un an, l’armée du régime a repris ces dernières semaines certains points stratégiques. unique certitude : les combats risquent de s’intensifier, chaque camp tentera de gagner du terrain en vue d’une hypothétique reprise des négociations.

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gouVErnAncE

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l’EuroPE : EntrE criSE DE DEttE SouVErAinE Et criSE DE SouVErAinEté

gouVErnAncE

la crise économique et financière, qui secoue les économies mondiales depuis 2008, se fait viol- lemment sentir aujourd’hui en Europe. résultat de l’impotence du système bancaire à fournir des fonds, de l’instabilité fiscale, du surendettement privé, mais plus particulièrement, elle est le résu-ltat de l’absence d’une réelle souveraineté con-tinentale. la question de la gouvernance euro-péenne n’est certes pas très originale, mais plus que jamais d’actualité.

le krash financier de 2008 tire son origine de la crise des subprimes née de l’incapacité des mé-nages américains, dont les revenus stagnent, à rembourser les prêts immobiliers accordés par les banques sans garantie. cette dernière s’est rapidement transformée en crise bancaire, pro-voquant la faillite de lehman brothers (1), en-trainant la chute de la bourse américaine et tel un effet de domino, l’effondrement des bourses mondiales. Afin de relancer l’économie, les Etats s’endettent pour sauver les banques. toutefois, après des décennies de baisse de la fiscalité, les recettes ne suivent pas. ce qui a commencé comme crise de la finance privée se développe en crise de dette souveraine et finit en crise sociale. toutefois, cinq ans après le début de la crise, et alors que l’économie américaine se redresse, la crise perdure en Europe. D’après l’ocDE, le Pib de la zone euro a chuté de 0.4% en

2013, alors qu’il a augmenté de 1.7% aux Etats-unis (2) . ce qui explique cette divergence trans-atlantique est l’hétérogénéité qui existe au sein de la zone euro. les différentes performances économiques des pays membres expliquent ce gap de croissance entre les Etats unis et l’Europe. En effet, tandis que l’Allemagne affiche un taux de croissance de 0.5% en 2013, l’Espagne voit son produit intérieur brut chuter de 1.3% (3). les différences culturelles et économiques des pays européens se trouvent exacerbées par la crise. or, ces dernières ont un poids important dans l’élaboration de politiques communes et rendent ainsi toute coordination économique difficile. Enfin, l’absence d’une union budgétaire affaiblit davantage la défaillante gouvernance écono-mique européenne qui a été mise en exergue durant la crise financière.

les décideurs occidentaux, en particulier eu-ropéens, semblent incapables de prendre des décisions. on assiste à une réelle crise de lead-ership. les écueils de la gouvernance europée-nne résident dans la déficience de son exécutif, la po-lyarchie des institutions, la rivalité entre les Etats et les institutions, mais aussi et sur-tout, dans l’atermoiement de la concertation entre les Etats. il convient de rappeler qu’il ex-iste d’ores et déjà à l’échelle européenne un exécutif, représenté par le conseil Européen qui

Par Jihane Jadrane

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définit les orientations générales et les priorités politiques de l’union.

toutefois, en dépit de l’existence de cet exécutif, il n’en demeure pas moins une ambiguïté sur l’origine de la prise de décision dans la sphère politique. malgré leurs efforts pour pallier à la cri-se, les chefs d’Etats de la zone euro parviennent difficilement à se mettre d’accord sur la mise en place de mécanismes durables de financement des pays en difficulté. En effet, en raison d’un manque de confiance entre les états membres de la zone euro, la crise perdure. Pour avoir des mécanismes de stabilisation économique, un Etat doit être en mesure d’allouer une partie de son budget pour aider un Etat en difficulté. cette solidarité est quasi inexistante au sein de l’union. En témoigne la réticence du gouvernement al-lemand à s’engager dans un plan d’aide à la grèce. le manque de solidarité au sein de l’uE a été visible dès le début de la crise grecque qui a mis en lumière une Europe divisée et non-sol-idaire, incapable de calmer les marchés financi-ers. la lenteur de la prise de décision au niveau européen a montré les dysfonctionnements de l’union, à savoir un manque de réactivité et une incapacité à élaborer des actions coordonnées. Par ailleurs, la crise a révélé les failles de l’uE et l’absence de mécanismes préventifs et curatifs. A cet égard, il est clair que c’est dans l’urgence que des mécanismes de solidarités ont été créés et que dans un certain sens, cette crise aura été

bénéfique pour l’union en l’obligeant à renforcer son unité en dépit d’une demande progressive de la part des citoyens de solutions plus nation-ales qu’européennes.

la crise à tout de même été salutaire dans le sens où elle a contraint les pays européens à davan-tage de coopération et de coordination. les 27 pays membres de l’union Européenne ont mis en place en Septembre 2010 deux nouvelles institutions ; le comité Européen du risque Sys-témique (cErS) et le Système Européen de Sur-veillance Financière (SESF) afin de renforcer la surveillance du système financier de l’union. la crise a également permis à l’uE d’adopter une union bancaire permettant de la doter de plus d’homogénéité et une meilleure coordination de la régulation bancaire. En décembre 2013, les pays membres de l’uE se sont mis d’accord sur la création d’un système bancaire comportant un fonds de résolution bancaire commun. cette union bancaire permettra un meilleur contrôle des banques par la banque centrale europée-nne et permettra également, en cas de crise, aux banques d’assurer leur propre sauvetage au lieu du contribuable qui se voit rembourser les dettes des banques. De plus, un fonds com-mun sera créé et financé par les banques elles-mêmes, un fonds inclusif couvrant directement ou indirectement l’ensemble des banques dans la zone euro. Par ailleurs, pour assurer l’efficacité de ce système d’union bancaire par la rapidité de

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la prise de décision indépendamment de toute pression politique, les décideurs européens se sont mis d’accord sur la création d’un comité de résolution composé de représentants de la banque centrale européenne, de la commission européenne et des autorités nationales, permet-tant d’élaborer des résolutions pour sauver une banque défaillante (4) . toutes ces mesures ont été adoptées en vue d’une meilleure intégration et solidarité qui faisaient défaut à cette union monétaire. ces mécanismes se veulent pérennes et parviendront à long terme à faire de l’uE un espace homogène, de re-booster sa croissance et redevenir compétitif. toutefois, en dépit de ce pas vers davantage d’intégration, un mou-vement de repli nationaliste et eurosceptique voire anti-européen traverse de nombreux pays européens et gagne de plus en plus d’adhérents révoltés par une crise financière, économique et sociale.

la crise qui sévit en Europe n’est pas qu’économique. l’histoire a montré que les cri-ses de ce genre se muent rapidement en crises sociales et provoquent inexorablement des per-turbations politiques. la comparaison avec la crise de 1929 s’impose donc tout naturellement. comme en 2008, personne n’a pu anticiper la crise de 29 qui est apparue dans un contexte de prospérité économique. les banques et les gou-vernements pris dans un optimisme aveuglant encouragent les ménages à emprunter au-delà de leurs capacités de remboursement, à force de créer de l’argent, le système financier devient in-stable et une crise financière s’en suit avec son lot de chômage et des politiques d’austérité adop-tées par les gouvernements pour rembourser leurs dettes. Dans l’Allemagne des années 1930, les problèmes économiques sont devenus des problèmes sociaux portant le Parti national so-cialiste des travailleurs allemands au pouvoir, la suite malheureuse est bien connue de tous… un phénomène similaire est de plus en plus visible dans une Europe confrontée à l’une des crises les plus violentes depuis sa création. une montée de nationalisme et de partis extrémistes est percep-tible. En grèce, le parti Aube dorée qui est entré au Parlement en 2012 prône un discours xéno-phobe et souverainiste. En hongrie, le parti Job-bik, qui a gagné 47 sièges au parlement en 2010, défend un retour aux valeurs religieuses tout en utilisant des symboles nazis. Aux Pays-bas, le PVV ou Parti de la liberté, aux idées conservatrices et nationalistes est le grand gagnant des élections législatives de 2010 devenant ainsi la troisième force politique du pays (5) . il est indéniable que partout en Europe, ces partis nationalistes, prof-

itant de la crise économique et des politiques d’austérité imposées par les gouvernements gagnent l’intérêt des populations indignées pas cette situation.

S’il est vrai que la crise économique et financière qui a commencé aux Etats-unis en 2008 et dont l’épicentre s’est déplacé en Europe, a poussé l’union à adopter des mécanismes de solidarité permettant une meilleure intégration et une un-ion bancaire, il n’en demeure pas moins que la défaillante gouvernance à l’échelle européenne et la crise de leadership ont favorisé la montée de mouvements nationalistes. les populations européennes ont perdu confiance dans les in-stitutions européennes. il est aujourd’hui im-pératif que l’union rebâtisse un lien social avec les populations via une véritable démocratie au niveau continental et œuvre pour une Europe homogène avec des intérêts européens qui pri-ment sur les intérêts nationaux.

notes:

1- lehman brothers était une banque d’investissement proposant divers services financiers. c’était un acteur majeur du marché des emprunts d’Etats américains. Elle fit officiellement faillite le 15 septembre 2008 à la suite de la crise des subprimes.

2- Statistiques de l’ocDE 2013

3- Statistiques de l’ocDE 2013

4- Proposition de la commission Européenne pour l’instauration d’un mécanisme de résolution unique dans le système bancaire (mSu) (iP/12/953).

5- claire Wiliquet : montée de l’extrême droite en Europe, un urgent devoir de mémoire. Septembre 2013. centreavec.

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lE mAli FAcE à SES DéFiS : commEnt rEconStruirE l’étAt ?

gouVErnAncE

la situation qui sévit aujourd’hui au mali est la résultante d’une profonde division historique. Depuis son indépendance et à l’instar de nom-breux pays africains, le mali a été confronté à la question de l’homogénéisation de la société, une condition sine qua non pour la création d’un Etat-nation. toutefois, du fait de la diversité ethnique du mali, de la façon tout au moins « aléatoire » dont les forces coloniales ont dessiné les fron-tières à l’aube de l’indépendance, et du principe de « l’intangibilité des frontières » adopté par les pays africains récemment indépendants, les dif-férentes composantes ethniques constitutives de l’ensemble de la région sahélo-saharienne se sont retrouvées étendues au-delà des frontières des pays.

le mali, a dans son histoire, toujours eu à faire face aux rivalités et tensions ethniques et aux revendications qui les accompagnent ; les re-vendications les plus importantes provenant des touaregs. Vivant majoritairement dans le nord du pays, ces derniers réclament, entre autre, leur indépendance, une revendication qui date de la période coloniale quand la France traçait encore les frontières séparant actuellement le mali et l’Algérie. ces revendications se sont rapidement transformées en contestations et les premières révoltes n’ont pas tardé à éclater au lendemain de l’indépendance fustigeant un Etat incapable de résoudre la question touareg et un gouvernement contestant toute action centrifuge, pouvant met-tre en péril l’intégrité de l’Etat-nation, en com-battant les ambitions identitaires des minorités, notamment l’identité touareg. il en résulta des ré-voltes, la première fut en 1962 (1), suivie par celle de 1990 (2) occasionnant l’exode des populations

touaregs vers les pays voisins (Algérie, libye). l’absence de résolution de la question touareg, un problème endémique, est en quelques sortes, l’essence de la réactivation récente du conflit au mali fondée sur la contestation d’un Etat défaillant en termes de gouvernance.

Des tensions latentes au sein de la société ma-lienne étaient palpables bien avant l’avènement de la crise. la gouvernance politique déficiente de l’Etat malien n’a su adopter une politique intégra-tionniste pour les différentes ethnies composant la société. la profonde dichotomie qui s’est dura-blement installée entre un Sud qui bénéficie des timides avancées économiques et un nord mar-ginalisé et pauvre. le pourrissement de cette situ-ation a inéluctablement fini par la faire éclater.

il convient de souligner que l’environnement géographique du mali est un facteur clé dans la crise de 2012 ; avec un territoire de 1 241 000 km² et une population de presque 15 millions d’habitants très inégalement répartie -- ce qui en fait une densité de près de 13 habitants/km² -- le pays présente des disproportions en termes de peuplement qui engendrent des difficultés au niveau de la gestion et l’aménagement du terri-toire ainsi que de la distribution des ressources.

Deux régions distinctes ressortent en con-séquence. D’une part, la région septentrionale ras-semblant les villes de tombouctou, Kidal et gao. une région Saharienne vaste et vide manquant de ressources naturelles et représentant environ les 2/3 du pays. Et le Sud, d’ autre part, région sahéli-enne naturellement agencée autour d’une plaine fluvial et bénéficiant ainsi d’une agriculture riche.

Par Jihane Jadrane

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l’écart qui s’est ainsi creusé entre le nord et le Sud a concouru à exacerber les tensions et alimenter la rancœur des populations du nord vis-à-vis du pou-voir central. la dimension de développement est très importante dans la crise ma-lienne car elle explique, en partie, l’éruption de cette révolte qui n’est en fait que la conséquence de toutes les exclusions au sein de ce vaste territoire.

En outre, l’instabilité poli-tique prégnante au sein d’une démocratie en gesta-tion n’a fait qu’aggraver la situation. il convient de rap-peler que l’espoir d’une dé-mocratie est né avec l’arrivée du général Amadou touma-ni touré (Att) en 1991 dont la politique œuvrait pour une transition démocra-tique propulsant le mali au sein des rares pays africains démocratiques (3) . Après les deux mandats d’Alpha oumar Konaré, le retour au pouvoir d’Att en 2002 con-firme le mali comme modèle démocratique dans la région avant que ce dernier ne soit mis en péril en 2010 par les révoltes touaregs réclamant l’autodétermination.

la révolte se renforce avec la fin du régime de Kadhafi en libye et le retour des com-battants touaregs formés par le « guide » ainsi que le déversement des armes et munitions récupérées de l’arsenal de ce dernier. les tensions sont exacerbées par les groupes extrémistes qui exploitent la faiblesse de l’Etat malien et utilisent les touaregs dans leur révolte profitant du chaos causé dans le pays pour mieux or-ganiser leur différents trafics.

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l’Etat malien s’effrite dès les premières heures de l’attaque.

En effet, l’armée malienne du fait de son sous-ef-fectif (celle-ci compte un nombre de 7350 soldats pour protéger un vaste territoire de 1.2 million de km²) , de son sous-équipement et des déser-tassions des soldats touaregs insatisfaits par leur situation, s’est repliée face à la rébellion facilitant par la même occasion le renversement du régime d’Att et plongeant le mali dans un chaos politique et institutionnel.

Plusieurs acteurs entrent alors en jeu, outre le mnlA (mouvement national pour la libé-ration de l’Azawad), un groupe laïc revendi-quant l’autodétermination pour les touaregs de l’ensemble de la région de l’Azawad (couvrant trois régions du nord-mali ; gao, Kidal et tom-bouctou) ayant pris le contrôle du nord-mali, la région témoigne de la présence de l’AQmi (Al Qaida au maghreb islamique), un groupe salafiste clamant son affiliation à Al Qaida, et perpétrant des actes terroristes. De plus, le groupe Ansar Dine, militant pour l’instauration de la charia au mali, compte également parmi les nombreux groupuscules terroristes dans la région du nord. Enfin, le muJAo (mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’ouest) né d’une scission de l’AQmi réclame aussi cette zone. S’ajoutent à tous ces groupes les narcotrafiquants profitant de ce-tte zone grise pour assurer l’acheminement de la poudre blanche vers l’Europe. le nord-mali était donc une poudrière prête à exploser à n’importe quel moment. le gouvernement de transition dirigé par le président par intérim Dioncounda traoré, face à ces nombreux défis et incapable de juguler seul la progression de la rébellion qui s’approche de plus en plus de la capitale bama-ko, sollicite l’appui de la France pour contenir l’avancée des rebelles. l’opération Serval est alors lancée. la puissance de feu, le matériel et la force de manœuvre de l’armée française furent déter-minants et permettent ainsi en peu de temps de venir militairement à bout des groupes rebelles qui entre temps furent bien noyautés d’éléments djihadistes. la suite est synonyme d’élections por-tant à la présidence d’un mali convalescent ibra-him boubacar Keita (ibK). le défi de la reconfigura-tion institutionnelle et politique du mali est lourd mais lancé et c’est souvent sur l’autel du politique que les victoires militaires se transforment en dé-faites

le nouveau gouvernement malien se doit d’apporter des stratégies effectives afin de recon-struire l’Etat. il est important de souligner que la

crise malienne n’est pas terminée. tout le pays est aujourd’hui en phase de reconstruction. Plusieurs éléments sont à considérer, d’abord, la question touareg doit être réglée et du fait de son caractère transnational, cette question ne peut être résolue sans une réelle coopération régionale comme l’atteste l’exemple du niger. Ensuite, le nouveau gouvernement d’ibK a la lourde tâche de rebâtir tout l’appareil institutionnel malien et œuvrer pour l’instauration du principe de bonne gouver-nance. Enfin, la réforme de l’appareil militaire est une nécessité pour garantir un climat de sécurité.

tout d’abord, un dispositif de gouvernance per-mettant de régler le problème touareg doit être mis en place. la crise que traverse aujourd’hui le mali témoigne des failles et de l’échec de la démocratie instaurée, entre autre, par l’ex-prési-dent Att. cette dernière étant fondée sur la né-gation des particularismes et sur la promotion d’une vision républicaine jacobine de l’Etat. le défi du nouveau gouvernement malien est de reconstruire un Etat démocratique en prenant en compte les particularités ethniques. le pays est aujourd’hui dans l’impératif d’échafauder un modèle démocratique fondé sur l’expression des différences et sur le principe de pluralité. le modèle de société a évolué et il n’est plus ques-tion de société homogène, basée sur l’exclusion des différences pour créer un espace uniformisé. il s’agit, aujourd’hui, au contraire, d’une société dont la force vient de sa diversité et qui favorise l’expression des différences. Pour cela, les parties en conflit doivent aspirer à cette nouvelle société démocratique et cela en veillant au respect des droits des citoyens, de l’équitable distribution des richesses et de l’égalité, de la part de l’Etat, mais également par l’abandon de la part des touaregs du principe de communautarisme identitaire ex-cluant l’intégration des étrangers. Dans ce sens, c’est un nouveau contrat social qui se doit d’être formulé et porté par un grand chantier de la ré-conciliation nationale, articulée autour de la reconnaissance des identités comme partie in-tégrale de la société et l’instauration d’un cadre in-stitutionnel promouvant la diversité des opinions et encourageant la résolution des conflits.

le mali n’étant pas une fédération, le scénario d’accorder l’autonomie à la population touareg comme le réclame le mnlA, n’est pas chose possi-ble. toutefois, une décentralisation poussée avec une plus grande autonomie des régions serait une alternative permettant de résoudre le problème des régions du nord-mali. le maroc est un exem-ple illustrant un pays dans la voie d’une décentra-lisation poussée grâce notamment à son projet de

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régionalisation avancée ou encore par la création en 2002 par Sm. le roi mohammed Vi de l’Agence de promotion et de développement économique et sociale des provinces du sud (APDS) (4) . De plus, le plan d’autonomie pour les provinces du sud a été matérialisé par le nouveau modèle de dével-oppement pour les provinces du sud (nmDPS) (5) lancé en 2012. Parallèlement, une stratégie simi-laire peut être adoptée par le pouvoir central ma-lien en vue d’une meilleure intégration nationale des populations du nord. Ainsi, cette décentrali-sation administrative permettra aux touaregs de régler leurs problèmes locaux tout en ressentant leur implication dans la vie nationale. cette dé-centralisation/réconciliation doit s’accompagner d’une réelle volonté du gouvernement malien d’intégrer les touaregs dans la société et ce en les intégrant dans l’armée et la fonction publique et en leur garantissant les mêmes droits/obliga-tions que les habitants du sud. Par ailleurs, pour un meilleur contrôle de la vaste région nord du mali, le gouvernement se doit de coopérer avec les touaregs, sans qui, une réelle sécurité ne saura être garantie dans cette zone de non-droit.

De plus, le nord du mali fait partie de la bande Sahélo-Saharienne qui est un vaste espace en-globant, outre le nord-mali, des parties du nord du Sénégal, du sud-ouest de la libye, du Sud de l’Algérie, de l’ouest du tchad, du nigéria, ainsi que quasiment l’intégralité du niger et de la mauri-tanie. En conséquence, neuf pays de cet-te zone sont directement touchés par les problèmes sécuritaires de la région. Parmi eux, cinq sont membres de la communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’ouest (cEDEAo), chose qui devrait encourager davantage de coopération entre les pays que ce soit sur le plan bilatéral ou via les institutions régionales. cette approche est donc cruciale pour la pacification de la région, une stratégie commune pour les pays doit être élaborée en renforçant les capacités militaires et sécuritaires des pays concernés. Ainsi, la vision na-tionale doit être dépassée et remplacée par une vision régionale où les acteurs pourront coopérer à grande échelle car, rappelons-le, la crise n’est pas exclusivement malienne mais aussi sahélienne. la concertation entre les Etats de la région permettra non seulement de juguler la menace terroriste mais également de lutter contre le narcotrafic et la criminalité transfrontalière. D’autre part, l’Etat malien se doit de refonder un pacte national en œuvrant pour l’instauration des principes de bonne gouvernance. la restaura-tion de l’intégrité territoriale ne peut se faire sans la construction d’institutions étatiques assurant

la sécurité des citoyens et leurs procurant les services de base. le nouvel exécutif malien doit également œuvrer en faveur d’un développe-ment économique équitable ainsi qu’une gou-vernance inclusive, tous deux gages de stabilité à long terme. En outre, le conflit malien a engendré l’étiolement du tissu social sans lequel une société saine ne peut se construire. Ainsi, les conditions de base pour créer un véritable climat de sécu-rité doivent être rebâties. la restauration de la sécurité permettra d’amorcer une politique de développement qui en retour garantira, à terme, le maintien de la sécurité puisque la solution du conflit au mali est davantage politique et socio-économique que militaire. la solution politique réside dans l’établissement d’une réelle démocra-tie passant par la garantie de l’égalité des citoyens ainsi que l’inclusion des populations du nord vis-à-vis du pouvoir central. les institutions étatiques se doivent de satisfaire les besoins primaires des populations et veiller à une répartition équitable des ressources, et ce, en combattant la corruption qui gangrène ses institutions locales et nationales. Par ailleurs, afin d’éviter une compétition pour des ressources rares qui fragilisent et brisent les liens sociaux, l’Etat doit offrir un accès égal à tous les services sociaux de base. une attention particu-lière doit être adressée à la région du nord-mali où l’Etat doit investir davantage dans la construction d’infrastructures décentes et le bon fonctionne-ment des services sociaux.

Enfin, le nouveau gouvernement malien doit as-surer la sécurité du territoire sans laquelle toutes les réformes institutionnelles et de développe-ment ne seront possibles. Pour cela, l’appareil militaire malien doit être reconstruit. En effet, sans le sentiment de sécurité, les populations ne seront pas en mesure d’investir dans leur propre avenir. le renforcement de la sécurité est capital pour la promotion de la paix et du développe-ment humain. cela passe par la reconstruction du militaire en améliorant le contrôle de ce dernier par le pouvoir civil, mais aussi par la fidélisation des militaires en réformant leur statut. une meil-leure rémunération pourra contribuer à réduire le recours aux militaires à l’argent alloué par les trafi-quants en tout genre. De plus, l’effectif des mili-taires doit être accru afin d’assurer la sécurité du vaste territoire malien. Dans le même registre, une meilleure formation militaire doit être considérée ainsi que l’investissement dans des équipements plus récents.

l’année 2012 a incontestablement été un annus horribilis pour le mali, une année qui a plongé le pays dans une crise multidimensionnelle et sans

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précédent. toutefois, le mali est aujourd’hui à la croisée des chemins, dans une phase de recon-struction qui permettra de rebâtir l’Etat sur des bases solides et cela en élaborant des stratégies adaptées aux défis auxquels le pays fait face aujourd’hui. Plusieurs aspects de la vie malienne sont à réformer que ce soit au niveau de la gou-vernance avec une décentralisation plus pous-sée, un meilleur aménagement du territoire et une meilleure sécurité pour les populations. Au niveau économique, ce sera en encourageant les investissements. une capacitation de l’Etat malien est aujourd’hui une nécessité afin de restaurer l’intégrité territoriale, développer un sentiment de cohésion nationale, et enfin rebâtir une démocra-tie.

notes :

1 - la première révolution touareg a eu lieu en 1962 à Kidal, quelques années après l’indépendance. une révolution née des aspirations autonomistes des touaregs et de leur mar-ginalisation économique et sociale par le gouvernement de modibo Keita. l’insurrection fut rapidement réprimée par le gouvernement qui la plaça sous surveillance militaire.

2 - un deuxième soulèvement des populations touaregs eut lieu en 1990 mené par le mouvement populaire pour l’Azawad dirigé par iyad Ag Aghali. une révolte qui plongea le mali dans une guerre qui aigrit davantage les rivalités eth-niques. le conflit se résuma par la signature des accords de ta-manrasset en Algérie et la mise en place d’un pacte national.

3 - la dictature de moussa touré (1968-1991) fut renversée par un coup d’état en 1991 et remplacée par une démocratie instaurée par le général Att. une démocratie fondée sur des élections libres, l’adoption d’une nouvelle constitution et in-staurant le multipartisme. En 1992, des élections municipales suivies par des élections législatives et ensuite présidentielles furent organisées. Alpha Konaré (militant pour la démocratie) fut élu président.

4 - l’APDS a pour mission de développer des stratégies de développement pour les provinces du sud.

5 - ce programme vise à réaffirmer l’engagement du royaume du maroc à la mise en œuvre de la régionalisation avancée

crédits illustration : lci, iDé

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économiE& DEVEloPPEmEnt

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EconomiE, gouVErnAncE Et Sécurité : commEnt croirE En l’AFriQuE

économiE Et DEVEloPPEmEnt

la réflexion sur l’émergence du continent afric-ain s’articule autour d’une confluence de scénar-ios à la fois contradictoires et complémentaires, balayant toute tentative de considérations afro-optimistes ou afro-pessimistes.

l’Afrique a connu une période de forte prospérité économique ces dernières années avec des per-formances économiques positives et tangibles pour la plupart des pays africains. Depuis plus de dix ans maintenant, la croissance économ-ique du continent se situe juste derrière celle de l’Asie, frôlant en moyenne les 5% par an et, selon d’optimistes pronostics, devrait atteindre plus de 6% en 2014. Alors que les pays de l’ocDE subis-sent encore les effets d’une de leur pires crises économiques et financières et que certains ont vu leur croissance passer dans le rouge, les pays africains, à grande majorité, se sont distingués par un maintien voire une hausse de leur taux de croissance, prouvant leur capacité de résilience.

les chiffres sont encore plus flatteurs. la part de l’Afrique dans les investissements directs étrangers mondiaux est passée de 1,2% en 2007 à 3,1% en 2013 faisant du continent une des rares régions à avoir enregistré une hausse des entrées d’iDE à un moment où les flux mondi-aux baissaient considérablement. Par ailleurs, la croissance s’est à la fois accompagnée et a per-

mis l’essor d’une classe moyenne représentant désormais entre 300 et 500 millions d’individus permettant à l’économie de tourner et à la pau-vreté de reculer. Enfin, conjugués ensemble, les indicateurs macro-économiques positifs et en progrès, la diminution de l’inflation notamment après la flambée des prix des produits alimen-taires et des carburants en 2011, la réduction des déficits budgétaires et la meilleure maîtrise de la dette extérieure, sont autant de facteurs offrant des perspectives rassurantes pour le continent.

Pour autant, il serait inexact de qualifier l’Afrique de continent émergent. En réalité, il serait plus pertinent de parler des Afriques que de l’Afrique en tant que bloc tant les situations y prévalant sont hétérogènes. Alors que sur les dix écono-mies mondiales à plus forte croissance, six sont africaines, dans le même temps, sur les dix écon-omies à plus faible croissance, six également se situent sur le continent. c’est dire le caractère inégalitaire des changements qui a conduit les experts les plus précautionneux à parler davan-tage de pré-émergence que d’émergence.

En effet, la croissance économique tant glorifiée montre aujourd’hui ses limites. Son incapacité à contrebalancer le poids des grands défis socio-économiques et de gouvernance qui peuvent à tout moment catalyser des crises de nature

Par Soraya oulad benchiba

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humanitaires, sécuritaires, ou encore sanitaires, souligne la vulnérabilité des acquis. En 2013, sur les 59 Etats fragiles référenciés dans un classe-ment de la revue Foreign Policy, 35 se situaient en Afrique. En prenant en compte, en autres, le nom-bre de réfugiés, les pressions démographiques, la traite des hommes, l’inégalité de développe-ment, la déligitimisation de l’Etat et des services publics, les droits de l’homme et la sécurité, ce classement tire la sonnette d’alarme tant sur les défaillances en matière de gouvernance que les menacent sécuritaires qui planent sur le con-tinent. il convient tout de même de souligner qu’en matière de gouvernance, ces dernières an-nées ont vu un certain nombre de pays africains réaliser d’importants progrès dans l’amélioration du cadre règlementaire, du climat des affaires et du renforcement des institutions démocratiques comme l’illustre l’exemple rwandais. Dans cer-tains pays comme le Soudan, des élections mul-tipartites ont vu le jour pour la première fois.

mais ce sont des progrès qui se sont hélas très vite avérés lents et peu durables; plusieurs pays ont en effet souffert d’une érosion des gains ap-portés par les processus démocratiques et ont ainsi replongés dans les cycles de violence et d’instabilité politique longtemps combattus. le coup d’Etat militaire conduisant à la suspension des élections présidentielles en guinée-bissau par exemple a démontré la précarité des avan-cées démocratiques.

Par ailleurs, les poches d’instabilités en particu-lier dans la région du Sahel où activités terror-istes et crimes organisés échappent au contrôle des gouvernements constituent une menace majeure pour la sécurité de l’ensemble du con-tinent et une entrave à son développement so-cio-économique et humain. le nombre d’actes terroristes répertorié sur le continent est passé de 318 en 2007 à 599 en 2012 portant un coup sévère aux deux activités majeures dans la ré-gion, le tourisme et l’agriculture. Ajoutée à cela, la corruption continue de gangrener au quotidi-en les secteurs publics et de l’économie. l’indice 2012 de perception de la corruption établi par transparency international indique que 90% des pays africains obtiennent un score inférieur à 50 (classement des pays sur une échelle de 0, très corrompu, à 100, transparence). Sur le vo-let du développement, la pauvreté a peut-être reculé de manière globale mais le nombre de pauvre reste très élevé: en 2012, 386 millions d’africains vivaient avec moins de 1,25 dollar par jour et à l’heure actuelle, c’est 21% de la popu-lation africaine qui continue de souffrir de la

faim selon l’organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAo). la réalité est telle que la croissance économique n’a pas été capable de créer un cadre propice au développe-ment social et humain tant anticipé.

Aujourd’hui ce n’est donc plus tant le démarrage de la croissance qui constitue le principal défi mais la libération du potentiel du continent pour accélérer celle-ci de manière à la rendre inclusive et durable. Et il apparait que le plus grand poten-tiel non exploité du continent reste sa popula-tion, et en particulier sa jeunesse qui représente près de 50% de la population. Pour autant, 75 millions d’entre-elle est dans l’incapacité de trou-ver un emploi durable et vit dans une situation précaire.

la transition démographique en cours sur le continent pourrait pourtant être propice à un coup de fouet de la productivité et de la diver-sification économique, en particulier grâce à l’équation faisant état d’une augmentation du nombre de jeunes faisant leurs premiers pas sur le marché du travail et une diminution du nom-bre d’enfants et de personnes âgées à charge. toutefois, la faiblesse du capital humain et celle du niveau d’instruction d’une partie importante de la population telle que mise en exergue par les statistiques font obstruction à la transfor-mation structurelle dont l’Afrique a besoin et à la poursuite de la productivité, et cela malgré la croissance soutenue. En effet, à l’exception de l’Afrique du nord, un enfant africain passe en moyenne 4,7 années à l’école ce qui signifie con-crètement que ces compétences se résument à des connaissances rudimentaires en calcul, lec-ture et écriture et une inaptitude à la résolution de problèmes ou le développement de l’esprit d’initiative ; des compétences sensées être ac-quises dans les cycles secondaire et supérieur. Par ailleurs, si dans la majorité des pays africains, moins de 50% des enfants en âge d’être scolari-sés dans le secondaire le sont effectivement, le taux d’achèvement du cycle reste très faible et ceux qui poursuivent jusqu’au troisième cycle, s’oriente encore hélas trop vers des filières ina-déquates par rapport aux exigences du marché de l’emploi. Au final, c’est une main-d’œuvre bien souvent dotée d’un faible niveau de com-pétences qui fait son entrée sur le marché du travail et s’oriente naturellement vers des activi-tés de subsistance, des secteurs peu productifs ou encore des activités informelles. le déficit d’individus qualifiés dans le secteur des technol-ogies – pourtant favorable à l’augmentation de la productivité de tous les secteurs de l’économie

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confondus -- et l’industrie manufacturière se fait donc fortement ressentir. un investissement ac-cru dans l’éducation –et donc le capital humain en veillant à mettre fin à l’impact délétère du décalage entre les profils formés et les besoins des agents économiques sur la transformation économique, s’érige comme une condition sine qua non pour inciter les salariés à s’orienter vers des secteurs plus productifs et par conséquent, doper la productivité individuelle et générale.

Dans le domaine de la santé, malgré des progrès notables, des problématiques de grandes enver-gures persistent. la faible espérance de vie rel-evée dans plusieurs pays enregistrant un niveau de développement humain « faible » ou « moyen » couplée à l’exposition des populations aux pan-démies les plus mortifères à l’instar du paludisme, de la tuberculose ou encore du Vih Sida ainsi que les forts taux de mortalité infanto-juvénile, font de l’amélioration de l’accès à la santé une clé

Etat de l’Afrique en 2013

gouvernance

Economie

Sécurité

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de voute à l’essor du continent. Après tout, une population malade c’est une population qui a moins de chance d’aller à l’école, de travailler et contribuer au bien-être de sa communauté.

Sur un autre volet, la sécurité et la bonne gou-vernance représentent également des condi-tions sine qua non pour préserver les moyens d’existence des populations et favoriser un développement durable sur les plans économ-ique, social et politique. Elles impliquent la sé-curité des personnes et de l’état, l’accès aux services sociaux de base et des processus poli-tiques et constitue une mission fondamentale des pouvoirs publics. Si le dernier rapport mo ibrahim sur la gouvernance en Afrique a souli-gné les énormes progrès réalisés par les 52 Etats du continent, il a également tiré la sonnette d’alarme sur le recul des indicateurs en matière de sécurité et d’Etat de droit dans plusieurs pays tels que le tchad, la république centrafricaine, la république Démocratique du congo ou encore l’Erythrée. même si la tendance est à la diminu-tion, beaucoup de crises demeurent irrésolues: grands lacs, Est de la république Démocratique du congo, centrafrique ou encore les pressions des factions armées dans le bassin du Sahel.

il est vrai que les chiffres sur la croissance économ-ique du continent et son hypothétique décol-lage sont flatteurs et rassurants mais ils doivent être pris avec beaucoup de circonspection. ils traduisent certes la réussite de réformes entre-prises de part et d’autres mais doivent beaucoup à la hausse des prix des matières premières et de l’agriculture.

D’ailleurs, il convient de rappeler que ce sont à peu près les seuls produits d’exportation du con-tinent qui souffre toujours d’un manque de di-versification. or pour un continent en phase de devenir l’un des plus grands marchés du monde, grâce à sa population qui devrait doubler et at-teindre les 2 milliards d’individus d’ici l’année 2050 et dont près de 1,2 milliards seront concen-trés dans les zones urbaines, il subsiste un déficit cruel en infrastructures, services publics faibles, système de santé et éducatifs efficaces. Ajouté à cela, la fragilité de l’Etat de droit et la préoccu-pante situation sécuritaire dans certaines zones constituent toujours autant d’enjeux que les di-rigeants doivent impérativement adresser pour permettre un essor à la fois homogène et inclusif du continent.

Vue sur la séance plénière “comment croire en l’Afrique” lors des mEDays 2013

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commEnt StimulEr lE FinAncEmEnt DES inFrAStructurES Pour AccElErEr lE DEVEloPPEmEnt En AFriQuE?

économiE Et DEVEloPPEmEnt

les infrastructures constituent un élément clé du développement d’une économie : leur degré de maturité est un indicateur du climat des affaires et des investissements, car elles permettent une réduction des coûts et des délais de production ainsi qu’un accès facilité au marché. le continent Africain souffre d’un retard important en termes de développement des infrastructures : la faible quantité et qualité des infrastructures en Afrique Sub-Saharienne impacte de manière négative la croissance économique (entre un à deux points de croissance par an) et limite la productivité des entreprises de 40%.

Selon la banque mondiale, le coût annuel afin de couvrir les besoins en termes d’infrastructures se chiffre à 93 milliards uSD par an (soit 15% du Pib de la région) dont 2/3 consacrés à l’investissement et 1/3 à l’entretien et la main-tenance des équipements. Avec un taux de croissance démographique important au cours de la dernière décennie ainsi qu’une urbani-sation galopante, les besoins ont rapidement augmenté et plus que doublé par rapport aux estimations faites en 2005. ces besoins sont particulièrement prégnants dans le secteur de l’énergie (près de 41 milliards uSD/an, soit 44% des besoins globaux et un taux de couverture ac-tuel de 30% seulement), qui constitue de loin le défi infrastructurel le plus important de l’Afrique : une trentaine de pays sont régulièrement con-frontés à des pénuries d’électricité et les usagers

paient souvent un prix plus élevé afin de dis-poser d’une alimentation électrique de secours. l’eau et l’assainissement constitue le second poste de besoin (près de 22 milliards uSD/an), or seulement 7,6 milliards uSD/an sont affectés, complexifiant de facto l’atteinte de l’objectif du millénaire pour le Développement n°7 : en 2010, 11% de la population mondiale, soit 783 mil-lions de personnes restent sans un accès à l’eau potable améliorée dont plus de 40% vivent en Afrique Subsaharienne. la situation est encore plus détériorée dans le domaine des services d’assainissement de base.

or seulement la moitié des besoins de dépense d’infrastructure est aujourd’hui couverte : au to-tal, 45 milliards uSD/an sont affectés aux besoins d’infrastructure de l’Afrique Subsaharienne dont 2/3 des investissements (près de 30 milliards uSD/an dont 2/3 consacrés à l’entretien et la maintenance et 1/3 à l’investissement) est assuré principalement par le budget des pouvoirs pub-lics et les usagers des infrastructures. les sources de financement se sont diversifiées au cours des dernières années et ont connu une prise de par-ticipation plus importante de la part du secteur privé dont les flux ont triplé, passant de 3 mil-liards uSD/an en 1997 à 9,4 milliards uSD/an en 2010, et ce particulièrement dans le secteur des télécommunications qui connaît le retard à com-bler le plus faible.

Par Xuan-Dai Veret

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Aussi s’agit-il de 50 milliards uSD qu’il reste à mobiliser par an afin que l’Afrique rattrape son retard. l’équipement en infrastructures pro-pres constitue une des principales conditions pour que le continent africain puisse saisir l’opportunité d’être totalement intégré dans les échanges mondiaux.

or, les sources de financement intérieures ne sont pas intarissables et il n’est pas inhabituel d’avoir recours aux infrastructures comme va-riable d’ajustement budgétaire en cas de com-pression des budgets publics. Prenons le cas de l’Amérique latine, qui en temps de crise dans les années 1990, a opéré des coupes budgétaires importantes dans les dépenses d’investissement et de maintenance de ses infrastructures, qui ont

représenté environ 50% de l’effort budgétaire exigé afin de retourner à l’équilibre des comptes publics. les Etats Africains sont donc confrontés à une problématique de diversification de leurs ressources et doivent faire appel de plus en plus à des sources de financement extérieur comme relais afin de financer le développement de leurs infrastructures.

or, le principal problème ne réside pas dans le déficit du capital privé disponible – au contraire -, de l’absence d’acteurs prêts à financer des pro-jets de développement des infrastructures ou bien du manque de projets d’infrastructures por-tés par les Etats Africains, mais plutôt dans leur inadéquation.

certes, les bailleurs de fonds traditionnels comme la banque mondiale ou bien la banque Africaine de Développement consacrent des enveloppes budgétaires importantes pour les projets d’infrastructures, ainsi qu’une assistante technique pour le développement des projets. la bAD l’a récemment confirmé en adoptant lors des assemblées annuelles de la banque en mai 2013 l’initiative « Fonds Afrique 50 », qui vise à mobiliser des ressources à grande échelle et attirer des financements privés internation-aux pour résorber le déficit d’infrastructures de l’Afrique. cependant, les Etats Africains peinent à mobiliser des canaux alternatifs de financement (investisseur privé) qui de manière générale ne sont pas rassurés par les signatures publiques ou les signatures des entreprises publiques, et ce pour plusieurs raisons :

Vue du panel sur les infrastructures lors des mEDays 2013

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• un manque de préparation des projets (mauvais dimensionnement, utilité sociale non perceptible) : l’évaluation et l’expression des besoins en infrastructures sont trop souvent mal relier avec les besoins de la population (in-suffisante implication de l’usager final dans le processus de montage des projets). Plusieurs grands projets d’investissement dans les infra-structures ont été mis en place sans une bonne planification des moyens ou des ressources ainsi qu’une gouvernance défaillante, engendrant de ce fait de nombreuses sources de gaspillage et d’inefficacité.

• un environnement politique peu lisible (risque monétaire important, lenteur des ré-formes institutionnelles, administratives et ré-glementaires du secteur des infrastructures, etc).

• un déficit de coordination du développe-ment des infrastructures, au regard des besoins du continent d’un point de vue global. les routes, la distribution d’eau, la fourniture et la distribu-tion en énergie et même les infrastructures en télécommunications doivent être pensés à une échelle internationale et régionale et non seule-ment nationale.

les pays africains doivent donc sécuriser les sources de financement et créer un climat de confiance et de stabilité afin de rassurer les inves-tisseurs potentiels. l’ère du monopole de l’aide publique au développement en provenance des pays développés ou d’autres pays émergents est révolue. cela ne signifie pas que l’aide interna-

tionale au développement sera supprimée, ce-pendant, elle ne pourra plus soutenir les risques et les montants nécessaires pour financer de manière durable les infrastructures.

Dorénavant, tous les acteurs doivent être im-pliqués dans le processus de financement des infrastructures en Afrique : Etats, fonds sou-verains, collectivités locales, organisations su-pranationales, investisseurs locaux privés et fonds d’investissement internationaux. un au-tre point d’attention doit être porté aux outils et mécanismes utilisés pour financer les pro-jets d’infrastructures : par exemple, les PPP permettent de partager les risques mais égale-ment les bénéfices entre les différents acteurs en présence et de diversifier la typologie des investisseurs. Aujourd’hui, ils représentent un dispositif idoine pour une intégration inévitable du secteur privé dans le financement des infra-structures.

11,6

7,6

16,2

9

0,9

40,8

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18,2

9

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0 5 10 15 20 25 30 35 40 45

Electricité

Eau & Assainissement

Transports

TIC

Irrigation

Infrastructures de l'Afrique Sub-Saharienne (Mds USD/an)

Besoins globaux de dépense Dépense actuellement affectée aux besoins

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SAnté Et méDicAmEntS En AFriQuE, l’urgEncE Du DéVEloPPEmEnt DES génériQuES

économiE Et DEVEloPPEmEnt

l’accès aux médicaments génériques et autres bio-similaires (1) constitue un des moyens les plus efficaces sur le court à moyen terme pour pallier la préoccupante situation sanitaire en Afrique. A l’aube de l’échéance des objectifs du millénaire pour le Développement en 2015, cette dernière ne cesse de compromettre gravement les perspectives de développement et de réduc-tion de la pauvreté du continent. D’un côté, les grandes pandémies –dites maladies infectieuses et parasitaires types Vih Sida, paludisme et tu-berculose—comptabilisent des victimes en mil-lions. De l’autre, à l’instar du reste du monde, les maladies non transmissibles telles que les mala-

dies cardiovasculaires, l’hypertension, le diabète ou encore le cancer, au-delà d’atteindre de plus en plus d’individus, se déplacent aujourd’hui des populations aisées vers les populations défavori-sées. l’aspect chronique de ces maladies exige souvent un traitement de longue durée voire à vie ainsi qu’une dépense lourde et permanente pour le patient et sa famille.

Dans la mesure où le diagnostic de la maladie est réalisé à temps et que son traitement est admi-nistré et suivis dans les règles de l’art, la plupart d’entre elles sont curables. or l’accès aux médi-caments et traitements essentiels demeure l’un

des principaux problèmes de santé publique en Afrique et cela pour diverses raisons d’ordre fi-nancier, de disponibilité ou en-core de qualité des traitements. En effet, l’absence de système de prise en charge des coûts de santé dans la plupart des pays africains et le coût très élevé des médicaments à un moment où les fonds d’aides internation-aux diminuent, rendent l’accès aux traitements très difficile voire impossible pour certains patients. A ces complications, s’ajoutent les difficultés d’accès géographique ; les médicaments étant irrégulièrement distribués par les pharmacies centrales à

Par Soraya oulad benchiba

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celles des périphéries dans la plupart des pays africains. les difficultés d’approvisionnement en dehors des structures spécialisées de la capi-tale expliquent pour beaucoup les ruptures fréquentes de traitement pour les patients. En-fin, le nombre élevé de médicaments contrefaits circulant sur le continent rend inextricable la dif-férenciation des faux des vrais.

le développement, par la production lo-cale, de médicaments génériques en Afrique peut permettre un accès plus équitable, abor- dable et sûr aux soins. Sur le plan financier, du fait de l’exemption des frais de recherche et de l’amputation de certaines molécules superflues à sa composition (saveur, couleur, odeur…), le générique coûte beaucoup moins cher que son princeps (2) . Par ailleurs, le fait qu’il soit pro-duit localement garantit une certaine fiabilité : non seulement il sera plus facile de remonter à sa source, à savoir le laboratoire, mais le mé-dicament sera exposé à un nombre plus restreint d’intermédiaires avant d’arriver jusqu’au patient. néanmoins, la production de médicaments gé-nériques à l’échelle locale n’est pas exempte d’obstacles. tout d’abord --et ce n’est pas une problématique réservée à l’Afrique-- il subsiste une réticence à l’égard du générique qui conduit encore trop souvent les professionnels de la san-té à privilégier la prescription du princeps et les patients à opter pour celui-ci. En réalité, au-delà d’une méconnaissance générale sur la nature et l’efficacité du générique, le rôle prépondé-

rant des lobbys du secteur pharmaceutique qui n’hésitent pas, souvent à tort, à remettre en cause leur qualité, entretient les préjugés négatifs au-tour du générique. cela peut aussi expliquer en partie pourquoi le taux de pénétration des géné-riques en Afrique demeure si faible: en Afrique francophone par exemple, la part de marché des génériques ne dépasse pas les 20%. Au maroc, ce taux ne dépasse pas les 30% alors que dans les économies avancées tels que les Etats unis et l’Allemagne, il frôle les 80%. il est évident que dans ces conditions, le rôle de l’Etat est indispen-sable dans la promotion des génériques auprès des professionnels de la santé mais aussi des populations pour les rassurer de leur fiabilité. Par ailleurs, rappelons que l’Afrique subsaharienne importe près de 90% de ses médicaments ce qui fait du secteur des génériques un marché à fort potentiel sur le continent.

Ensuite, le monopole exercé par les grands groupes pharmaceutiques et surtout l’application des brevets portent un sévère coup de frein au développement des génériques. Effectivement, le médicament, qui se caractérise par un cycle de vie débutant par une longue période de re-cherche et de développement en amont de sa commercialisation, est protégé par un brevet et les données acquises en vue de l’autorisation de mise sur le marché (Amm) sont également pro-tégées pour une durée limitée. ces formes de protections confèrent une exclusivité commer-ciale dont le but est de permettre le retour sur investissement pour le laboratoire qui a mis au

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point le médicament. il convient de rappeler que la plupart des médicaments sont commerciali-sés par des industries privées à but lucratif et par conséquent, à l’instar de tout autre produit com-mercial, ils sont soumis aux règles du commerce et de droits de propriété intellectuelle. ce n’est qu’à l’issue de la période d’exclusivité - dont la durée minimum peut aller jusqu’à vingt ans - que le médicament tombe dans le domaine public et qu’un autre laboratoire pharmaceutique peut à son tour le produire sous une forme identique au médicament original dans la substance mais dif-férente dans le nom et l’aspect.

ces procédures soulèvent de nombreuses in-terrogations, notamment auprès des organisa-tions non gouvernementales spécialisées dans le domaine et les militants qui décrient une lé-gislation plus favorable aux laboratoires qu’aux patients : la protection apportée par ce brevet viserait à compenser les efforts financiers de recherche et développement des laboratoires, pourtant lorsqu’on observe de près les chiffres de recherche et développement affichés par l’industrie, ces derniers ne représentent qu’une petite part du chiffre d’affaire. Par ailleurs, il sem-

blerait que les industriels bé-néficient de l’appui des Etats et de la recherche publique sans aucune contrepartie ap-parente pour l’Etat. or dans ce cas-là, il est légitime de se de-mander pourquoi les Etats ne mettent pas en place un cadre réglementaire plus favorable à la santé des populations au détriment de la protec-tion de la propriété intellec-tuelle, d’autant plus dans un contexte où l’impotence des systèmes de santé publique entrave sévèrement le déve-loppement humain de tout un continent. D’autre part, on ne peut s’empêcher de remar-quer que si d’un côté, les lois sur la propriété intellectuelle se durcissent et le prix des médicaments augmentent, l’innovation en matière de médicament et de soin de son côté enregistre une baisse.

Enfin, que ce soit sur le plan financier, humain ou tech-nique, l’investissement dans la production de médica-

ments pèse lourdement dans le budget d’un laboratoire local. il est vrai que d’un point de vue financier et logistique, le développement d’un générique est moins dispendieux qu’un prin-ceps car il s’épargne les frais de recherche et de développement mais il subsiste d’autres frais tels que la fabrication ou l’import des molécules, les éléments de conditionnement, le stockage ou encore les outils de distribution.

Aujourd’hui, en plus des deux grands pôles de production du continent, que sont l’Afrique du nord (maroc, tunisie, Egypte) et l’Afrique du Sud, de plus en plus de pays africains développent leurs propres unités de production à l’instar du Kenya, de l’Ethiopie, du cameroun, de la tanza-nie, du ghana et bien d’autres. Si ces initiatives sont très encourageantes, elles n’en demeurent pas moins exposées à de nombreux défis. tout d’abord, le secteur pharmaceutique est devenu très concurrentiel: aujourd’hui le même princeps est copié par plusieurs concurrents ce qui rend la rentabilisation de l’investissement des petits laboratoires plus ardue. Ensuite, comme il a été mentionné, la création d’unités de production à l’échelle locale est un investissement onéreux

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et peu rentable si les médicaments fabriqués ne sont destinés par la suite qu’à un marché local. En réalité, pour être optimal, il faudrait envisager la fusion ou le rachat des petites structures pro-ductrices par des laboratoires régionaux plus im-portants, miser directement sur la création d’une grande unité de production régionale et éven-tuellement, développer de solides partenariats avec des grands groupes pharmaceutiques.

Aujourd’hui, plusieurs groupes pharmaceutiques africains s’illustrent par le succès des partenari-ats qu’ils ont développés : un exemple probant serait celui du laboratoire marocain cooper Pharma qui a largement misé sur le développe-ment de partenariats avec d’autres structures et une ouverture à l’international. En plus d’opérer sur le marché marocain, cooper Pharma a réussi à se constituer un véritable réseau de distribu-tion régional et international en Afrique et en Europe avec des perspectives d’ouverture vers l’Amérique du nord et latine sur les prochaines années. un autre modèle concluant, celui du groupe pharmaceutique sud-africain Aspen Pharma qui compte six sites de production situés sur le continent et s’inscrit désormais parmi les plus grands fabricants de génériques au monde. Aspen Pharma tire son succès à la fois de la forte croissance du marché domestique sud-africain et d’une bonne performance dans la sous-région et cela grâce à la mise en place de plusieurs par-tenariats et notamment celui avec le géant phar-maceutique glaxoSmithKline.

Aujourd’hui en Afrique, la demande en mé-dicaments génériques est supérieure à l’offre locale ce qui crée de réelles opportunités d’investissements pour les laboratoires africains. l’émergence de grands laboratoires spécialisés dans la production de médicaments génériques à l’instar de cooper Pharma, Aspen Pharma, ou le groupe tanzanien Shelys pourrait permettre de réduire les importations de médicaments gé-nériques. ces derniers proviennent en majorité de pays émergents tels que la chine et l’inde qui s’approprient actuellement de larges parts de marché dans l’industrie pharmaceutique af-ricaine. le nouvel enjeu pour les dirigeants af-ricains aux manœuvres des politiques de santé est de s’assurer du respect des investisseurs des dynamiques d’un secteur pharmaceutique local encore néophyte mais avec de grandes perspec-tives d’évolution.

notes:

1- un médicament biosimilaire est similaire à un médica-ment biologique de référence. le principe de biosimilarité s’applique à tout médicament biologique dont le brevet est tombé dans le domaine public.

2 - médicament d’origine. un médicament générique est la copie d’un médicament original (=princeps) dont le brevet est tombé.

Vue du Panel sur les médicaments génériques lors des mEDays 2013

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les prévisions de la croissance mondiale restent faibles mais l’activité mondiale devrait toute-fois connaitre une accélération modérée mais encourageante avec une hausse prévisionnelle de 0,8 point de la croissance du Pib mondial en-tre 2013 et 2014 pour atteindre 3,2% (soit +0,2 points par rapport à la prévision de juin 2013), notamment grâce à l’impulsion des pays avancés et de la chine. le raffermissement de l’économie américaine couplé à la réduction appréciable du durcissement budgétaire dans les pays avancés et l’ajustement des politiques monétaires, per-mettront en effet une progression de la produc-tion d’environ 2,2% en 2014 dans les pays avan-cés.

Du côté des pays émergents, il semblerait que la tendance inverse se profile. Après avoir porté à bout de bras la croissance mondiale durant ces dernières années, les économies émergentes montrent à présent des signes d’essoufflement et enregistrent un ralentissement notable de leur croissance. cette confluence de scénario, signe que l’économie mondiale entre dans une nouvelle phase, ne devrait pas manquer de créer des tensions, en particulier chez les pays émer-gents, victimes du durcissement des conditions financières mondiales. le tassement de la crois-sance dans ce bloc tient à la fois d’un ralentisse-ment de la demande mondiale des exportations et de la baisse du prix des produits de base. Au

QuEllES PErSPEctiVES Pour l’EconomiE monDiAlE

économiE Et DEVEloPPEmEnt

même moment, la croissance potentielle dans les bricS a commencé à fléchir, signe de l’existence d’importants obstacles structurels.

le Fond monétaire international explique le ra-lentissement de l’activité économique par une saturation des infrastructures et l’impact de la baisse des prix des matières premières sur les ex-portations de ces pays. Par ailleurs, on constate également une baisse de l’attrait des investis-seurs internationaux pour ces pays, ce qui ne fait qu’exacerber le ralentissement économique. les flux d’investissement ne cessent de diminuer et devraient baisser davantage en 2014. la diminu-tion des flux nets de capitaux en direction des pays émergents traduit les inquiétudes des in-vestisseurs sur le potentiel des pays émergents, en particulier avec la perspective de la fin de la politique monétaire accommodante qui avait, à l’origine, incité les investisseurs à se tourner vers les actifs de ces pays.

De manière générale, les perspectives de crois-sance au sein des bricS diffèrent : si la croissance au brésil a été handicapée par la faiblesse de la de-mande extérieure, la volatilité des mouvements internationaux de capitaux et le resserrement de la politique monétaire, la croissance devrait tout de même rebondir à 3% dans l’année prochaine. En chine, le ralentissement de la croissance a été stabilisé et cette dernière devrait se maintenir

Par Soraya oulad benchiba

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à un rythme de 7,7% au cours des prochaines années. l’inde qui a atteint sa plus faible crois-sance depuis deux décennies et qui a connu des déficits publics importants ainsi qu’une flambée de l’inflation, devrait connaitre un progrès dans sa croissance qui dépassera les 6,2% en 2014. il semblerait que ce soit la russie qui soit en plus mauvaise posture : non seulement la croissance s’est davantage affaiblie au courant de l’année, mais sa production industrielle et les investisse-ments ont connu un fléchissement qui ne laisse pas présager de bonnes nouvelles pour la crois-sance.

même si les pronostics sont plutôt positifs, les pays avancés ne sont pas à l’abri. tandis que la situation qui primait pendant les premières phases de la reprise avait eu des retombées posi-tives dans les pays avancés, cette nouvelle con-joncture pourrait quant à elle agir comme une courroie de transmission de chocs négatifs prov-enant des pays émergents. En effet, l’escalade des inquiétudes relatives aux évolutions en cours dans les pays émergents a, à la fois ravivé les ten-sions sur les marchés et accentué les sorties de capitaux. Par ailleurs, la confiance des marchés a été fortement ébranlée par l’annonce d’un ralen-tissement des achats d’actifs par la réserve Fé-dérale et la crise évitée de peu aux Etats-unis liée au relèvement du plafond de la dette fédérale.

Dans la zone euro, la croissance connaît des pro-grès timides : alors que le Pib de la zone a reculé de 0,4% en 2013, la zone Euro devrait renouer avec la croissance en 2014 (prévisions 1,1%). ce-pendant, ces efforts pourraient être freinés par une difficile sortie de la crise de la dette publique et la faible croissance des pays de la rive Sud de l’Europe où les efforts effectués au niveau de la compétitivité et des exportations risquent d’être insuffisants pour compenser la baisse de la de-mande intérieure. Et de manière générale, dans l’ensemble de la zone, une incertitude, exprimée par le Fond monétaire international, pèse toujo-urs sur le bilan des banques et le déficit de fonds propres, malgré les récents efforts fournis pour mettre en place le mécanisme unique de réso-lution bancaire au sein de la zone permettant de prévenir le sauvetage bancaire par l’argent public. les réformes structurelles, indispensa-bles pour dynamiser les taux étiolés de crois-sance dans la région dans une perspective à long terme, tardent ainsi à prendre forme. l’Europe est donc certes sortie de sa récession, mais les perspectives de croissance demeurent faibles, l’austérité budgétaire se poursuit et le chômage de masse reste beaucoup trop élevé.

Aux Etats-unis, l’assainissement des finances publiques laisse présager une accélération gra-duelle de la croissance en 2014 (2,8%), ce qui

Yves leterme, Secrétaire général Adjoint de l’ocDElors de la séance plénière sur l’économie mondiale

(mEDays 2013)

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impactera directement de manière positive les échanges mondiaux et permettra de tirer la crois-sance mondiale. Par ailleurs, le taux de chômage a beaucoup diminué et se situe actuellement à 7,3% contre 10% en 2008. les projections seront toutefois inférieures aux prévisions établies au courant de l’année 2013 notamment en raison de la procédure de réduction automatique des dépenses qui se prolongera jusqu’à la mi-2014. les perspectives continuent de présenter un risque de détérioration, en particulier sur le plan intérieur où la demande des ménages pourrait se contracter davantage avec l’effet de la procé-dure de réduction automatique des dépenses, le renforcement de la pression fiscale ou encore en raison du récent durcissement des condi-tions de financement de la demande intérieure et du logement. la FED mène ainsi une politique monétaire prudente et prépare un sevrage en douceur : en décembre 2013, la FED a annoncé une légère diminution de ses achats d’actifs mensuels justifiée par une amélioration du mar-ché de l’emploi, mais n’a pas modifié le taux di-recteur ultra-accommodant proche de zéro dep-uis fin 2008. le changement à la tête de la FED en février 2014 laisse présager un retrait graduel in-évitable du soutien de FED, qui depuis 2008 con-tribue à la relance de la croissance économique des Etats unis. De manière générale, un resserre-ment prématuré de la politique monétaire amé-ricaine combinée à une décélération de la crois-sance des autres pays avancés pourrait amputer la croissance de près de 1,5 point en 2014.

Au Japon, c’est surtout l’absence de réformes budgétaires et structurelles crédibles qui pour-raient empêcher le nouveau cadre macroé-conomique de relever les anticipations de croissance et d’inflation, ce qui aurait des con-séquences négatives sur l’ensemble de la région : au Japon, la croissance diminuerait de ¾ de point et dans le reste de l’Asie elle baisserait d’un point.

En Afrique, la croissance économique soutenue dans un contexte international marqué de tur-bulences, a prouvé la capacité de résilience du continent. toutefois, la dynamique de croissance sur le continent s’essouffle de plus en plus en particulier dans les pays fortement intégrés aux marchés mondiaux et ceux constamment se-coués par des tensions politiques et sociales. la reprise progressive mais modérée de l’économie mondiale devrait permettre au taux de crois-sance moyen du Pib africain de dépasser les 5% en 2014 ; un taux correct même s’il est en recul par rapport à l’année 2012 où il frôlait les 6,6%. les conséquences de l’atonie de la demande ex-terne cumulées à l’inversion des flux de capitaux et la réduction des prix de produits de base con-trarient d’une certaine manière les perspectives de croissance dans plusieurs pays. Par ailleurs, il convient de rappeler que la croissance africaine reste très dépendante des investissements dans les infrastructures, ainsi que des liens commer-ciaux et d’investissements avec les pays émer-gents. un ralentissement de la croissance dans

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Croissance mondiale

Etats Unis Zone Euro Afrique Chine Russie Inde Brésil

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les pays émergents peut donc directement dé-teindre sur celle des pays africains.

l’année 2013 s’est caractérisée par une crois-sance économique lente. le taux de croissance y a été inférieur aux prévisions, même les plus pessimistes d’entre elles. S’il est vrai toutefois que l’amélioration d’une série de facteurs don-nera de l’impulsion à la croissance économique dans les années à venir, la reprise de la croissance de l’économie mondiale dépend néanmoins d’efforts communs. D’une part, les pays avan-cés doivent se pencher sur leurs problèmes per-sistants: tandis que la zone euro doit impérative-ment restaurer son système bancaire et financier, adopter une union bancaire solide, et mettre en place de cohérentes réformes structurelles en vue d’assainir ses finances publiques, améliorer sa compétitivité, lutter contre un chômage gran-dissant et une précarisation accrue de la popu-lation, les Etats-unis, quant à eux, ont à la fois l’impératif de trouver une issue de secours pour sortir de l’impasse politique sur le plan budgé-taire et relever dans les meilleurs délais le pla-fond de leur dette. il faudrait également que les Etats unis, mais également le Japon, procèdent à un assainissement de leurs finances publiques et une réforme de leur programme de protec-

tion sociale. D’autre part, les pays émergents ainsi que les pays en développement doivent ap-préhender cette période de transition avec pré-caution en menant une politique économique et monétaire crédible et sur le long terme.

Pour relancer la croissance potentielle, les pays émergents doivent également mettre en place une nouvelle série de réformes structurelles notamment au niveau des investissements dans les infrastructures. la chine, en particulier, doit rendre sa croissance plus équilibrée et durable et pour cela doit opérer un rééquilibrage de sa croissance afin de la rendre moins dépendante de l’investissement et plus liée à la demande in-térieure.

Vue plénière sur la séance “croissance mondiale, vers un déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale” lors de mEDays 2013

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buSinESS mEDAYS

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bAnQuES Et PlAcES FinAncièrES: commEnt créEr unE croiSSAncE JuStE Et éQuilibréE ?

buSinESS mEDAYS

la question de l’interaction entre banques/pla-ces financières et croissance est devenue cru-ciale à la fin du XXème siècle, en particulier si l’on se concentre sur l’analyse des écarts de déve-loppement et des moyens pour les réduire. la manière de définir cette interaction n’est pas en-core acceptée de manière unanime et dépasse les débats traditionnels sur les avantages et les inconvénients du libéralisme économique. Aussi, les contours du système financier actuel laissent à penser que des marchés non maîtrisés peuvent avoir des effets négatifs sur la croissance et les structures sociales des économies.

l’architecture du système financier en Afrique offre toujours une large palette d’opportunités à saisir. En effet, avec un taux de croissance an-nuel de 6% au cours de la dernière décennie, le continent attire les regards des investisseurs étrangers. l’enjeu consiste à bien encadrer cette dynamique et de l’optimiser afin de permettre un développement économique et social har-monieux et pérenne. cependant, le choix d’un modèle financier n’est pas une tâche facile et est profondément dépendant du contexte cul-turel et politique d’une économie. l’équilibre en-

tre banques et marchés, entre financement des grands projets d’infrastructures ou des petites et moyennes entreprises et industries locales est intimement lié à ces choix. Aux Etats-unis, on es-time que les marchés boursiers financent 70% de l’économie et les banques 30%, en Europe, la tendance est inverse.

concernant le continent Africain, il y a fort à parier que ce sera la notion de risque qui sera dé-cisive : en effet, plus une économie est risquée, plus il est prudent d’avoir recours aux marchés financiers pour la financer, a contrario, si une économie présente peu de risque, il sera plus sage d’employer les ressources bancaires pour financer le développement de la croissance.

il est vrai que certaines banques se démarquent fortement sur le continent Africain: Attijariwafa bank, bmcE et bgFi possèdent une implanta-tion régionale intéressante dans plusieurs pays africains et on compte une vingtaine de places financières sur le continent mais leur manque de liquidité et leur petite taille les empêchent de connaître une croissance plus importante en dépit des besoins en marchés financiers structu-

Par Xuan-Dai Veret

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rés pour booster la croissance économique. Par ailleurs, la part du crédit intérieur fourni par le secteur bancaire dans le Pib(1) est encore insuf-fisante dans la région : elle se situe en-dessous de la moyenne mondiale (qui est de 169%) pour les régions mEnA (50%) et Afrique Subsahari-enne (77%). En effet, un des principaux challenges auxquels sont confrontés les pays du continent africain est la petite échelle de leur marché. les experts con-sidèrent que le continent ne possède pas la taille critique : même si l’on considère que le continent Africain a dépassé une population de 1,1 milliards et que d’ici 2050 sa population devrait plus que doubler pour atteindre 2,435 milliards de person-nes (soit un quart de la population mondiale), 18 pays sur 53 ont une population inférieure à 5 mil-lions de personnes et le Pib du continent (2000 milliards uSD) est équivalent au Pib de la russie. Par ailleurs, si l’on en juge par la taille de la capital-isation boursière(2) au niveau du continent afric-ain, les systèmes financiers sont petits à l’échelle mondiale. En effet, en prenant en compte la capi-talisation boursière totale de l’Afrique du nord/moyen-orient et de l’Afrique Subsaharienne, on atteint un montant total de 1.800 milliards uSD courants (banque mondiale, données 2012), soit à peine 3,5% de la capitalisation boursière totale mondiale. cependant, il est intéressant de noter que la capitalisation boursière représente une part très importante du Pib en Afrique Subsaha-

rienne (84%), soit une contribution supérieure à la médiane mondiale (77%) et aux autres régions du monde, hormis l’Amérique du nord, où cette contribution atteint presque 120% du Pib. cette forte contribution est due à la prépondérance de l’Afrique du Sud qui concentre plus de 80% de la capitalisation boursière de la région Afrique Sub-saharienne, et dont le niveau est proche de 159% du Pib Sud-Africain ; si l’on prend la cas du nigé-ria (seconde place financière en termes de capi-talisation boursière de la région), elle concentre 8% de la capitalisation boursière et sa contribu-tion au Pib tombe à 21%.

Plusieurs pistes d’amélioration émergent afin de mieux structurer et consolider le système finan-cier africain :

• Dessiner un cadre réglementaire permet-tant de mettre en place des conditions favorables à la fourniture de services financiers efficaces et restaurer/établir un cadre de confiance pour les investisseurs et en particulier internationaux afin d’attirer les capitaux étrangers, plus que néces-saires pour financer le tissu économique local et les grands projets d’investissements dans les infrastructures, d’autant plus indispensables aujourd’hui face à la réduction de l’aide publique au développement. l’aide bilatérale à l’Afrique subsaharienne s’est chiffrée à 26.2 milliards uSD en 2012, soit une chute de -7.9 % en termes ré-els par rapport à 2011. l’aide au continent afric-

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Capitalisation boursière (Milliards USD courants)

Capitalisation boursière (% PIB)

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Données : banques mondiale

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ain a été réduite de -9.9 % et ramenée à 28.9 mil liards uSD après une année 2011 marquée par le soutien exceptionnel accordé à certains pays d’Afrique du nord à la suite du Printemps Arabe. les marchés financiers peuvent en ce sens deve-nir un nouveau relais pour capter des ressources nécessaire à l’investissement et au développe-ment économique des pays en développement. Par ailleurs, on estime que le développement de l’Afrique nécessiterait une enveloppe de l’ordre de 1000 à 1500 milliards de dollars d’ici à 2020, selon les experts : ce montant colossal doit être mis face au pool de ressources estimé à 1000 mil-liards de dollars souhaitant investir en Afrique mais ne trouvant pas les bons relais/canaux.

• Favoriser l’intégration régionale afin d’augmenter la taille des marchés et faire des économies d’échelle. citons, par exemple une initiative pertinente au niveau des marchés fi-nanciers africains : l’accord de partenariat entre le FtSE, l’indice boursier britannique, et 16 des 22 membres de l’Association des bourses africaines (ASEA) pour lancer l’index financier panafricain du FtSE en 2012 constitue la dernière tentative en matière d’intégration régionale. l’index aide-ra à améliorer la visibilité des bourses africaines tout en donnant aux investisseurs la possibilité d’accéder aux actions africaines.

• Améliorer la gouvernance en termes de bonnes pratiques financières et mettre en place des infrastructures de qualité nécessaires au développement du système financier (plate-forme, chambre de compensation, système et délai de livraison, …) : par exemple, le manque de transparence au niveau de la remontée

d’information financière et comptable est un frein à l’augmentation du nombre d’émetteurs potentiels sur les marchés boursiers et n’incite pas les épargnants à confier leurs économies à des entreprises. on constate également que des efforts sont fournis afin de renforcer la transpar-ence financière et bancaire par la mise en place de crédit bureau (bureau d’information sur le crédit) et d’une meilleure gestion des risques fi-nanciers, cependant ce processus n’en est qu’à ses débuts à l’heure actuelle. le maroc fait figure de bon élève sur ce volet et a ouvert la voie pour d’autres pays de la région : le gouverneur de la banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (bcEAo) a ainsi annoncé en mai 2013 à Dakar aux présidents des Associations des banques et établissements financiers (Apbef), d’importants projets au sein de l’union monétaire ouest afric-aine, et en particulier celui relatif à la promotion du crédit bureau pour accroître les concours des banques à l’économie. les bénéfices tirés d’un tel outil sont tangibles : contribuer à l’amélioration des conditions de prêt aux emprunteurs, notam-ment les PmE et les particuliers.

• Stimuler l’intensité concurrentielle au sein de l’écosystème financier africain afin d’inciter des politiques de conquêtes bancaires plus agressives et innovantes. Par exemple, les réformes du système bancaire et les actions du régulateur ont eu des impacts positifs sur le développement de l’effort de bancarisation au niveau des deux principales banques marocaines (banque centrale Populaire et Attijariwafa bank) qui ont dû redoubler d’efforts afin de préserver leurs parts de marché sur le marché national. cet effort s’est traduit par le développement de la

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Afrique du Nord et Moyen-Orient

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Crédit intérieur fourni par le secteur bancaire (% PIB)

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densité du réseau bancaire, l’élaboration de nou-veaux produits innovants adaptés aux besoins de la clientèle (développement de produits low-income banking afin de toucher les populations boP (bottom of the pyramid) par la création du réseau d’agences Wafacash, filiale d’Attijariwafa bank, spécialisée dans le transfert d’argent low cost, …) et à conquérir des nouveaux marchés en dehors de leur frontière nationale afin de cher-cher de nouvelles sources de revenus (dévelop-pement du réseau d’Attijariwafa bank dans 10 pays d’Afrique sub-saharienne).

l’ensemble de ces efforts permettrait d’augmenter les capacités de collecte des banques et des places financières mais égale-ment d’améliorer les taux de transformation des dépôts collectés en crédits, favorisant ainsi un financement à long terme de l’économie. En ef-fet, la perception du risque par les banques afri-caines se traduit par une réticence importante à allouer leurs ressources mobilisées, aussi limitées soient-elles.

notes:

1 - le crédit intérieur fourni par le secteur bancaire com-prend tous les crédits dans divers secteurs sur une base brute, à l’exception du crédit accordé au gouvernement central, qui est net.

2 - la capitalisation boursière (également connue sous le nom de valeur marchande) se calcule en multipliant le cours de l’action par le nombre d’actions en circulation. les sociétés intérieures cotées sont les entreprises inté-rieures inscrites qui sont cotées à la bourse du pays à la fin de l’année. les sociétés cotées ne comprennent pas les sociétés de placements, les fonds communs de placement ou les autres véhicules d’investissement collectif. les don-nées sont en dollars américains courants.

Vue plénière sur la séance consacrée aux banques et places financièreslors de mEDays 2013

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l’éVolution DE lA PArticiPAtion DE lA FEmmE DAnS lA ViE ActiVE VuE Du monDE ArAbE

buSinESS mEDAYS

la question de la promotion des femmes et de leurs droits est inhérente à celle des droits hu-mains, de la démocratie ou encore du développe-ment. Aujourd’hui, avec le manque de liberté et le faible niveau d’instruction, la marginalisation et le statut des femmes figurent encore parmi les déficits majeurs qui continuent de contraindre le processus de développement de plusieurs pays arabes.

tandis que plusieurs études ont prouvé l’incidence positive de la participation des femmes dans la vie active et l’économie - qu’elles soient entrepreneurs ou salariées - sur la crois-sance économique et le bien-être général de la société, il subsiste une série de facteurs qui frei-nent l’entrée des femmes dans la vie active. on observe en effet une forte discrimination dans la promotion professionnelle: en plus de la per-sistante inégalité de salaires entre les hommes et les femmes, à qualification égale les femmes obtiennent plus difficilement que les hommes des postes de cadre ou de direction. très répan-dues, ces pratiques discriminatoires se trouvent souvent justifiées par le mythe de la femme entretenue par son père ou son époux. Par ail-leurs, le sexisme ambiant sur les lieux du travail qui plus est n’est pas, ou très peu, encadré par des instruments juridiques pour le combattre, ne constitue qu’un facteur de plus décourageant les femmes à se lancer dans le monde professionnel.

il est toutefois difficile d’évaluer précisément le degré de participation des femmes dans le mar-ché du travail dans certains pays arabes et cela en raison du manque de statistiques sur les taux de chômage et le fait que souvent, lorsqu’elles sont disponibles, ces dernières ne soient pas toujours ventilées par genre. Par ailleurs, il existe une autre déficience qui tient du biaisement des statistiques sur le chômage des femmes dans la région. En effet, on remarque que souvent l’outil statistique peut considérer une femme au foyer comme n’étant pas demandeuse d’emploi et donc, comme n’étant pas en situation de chômage.

bien qu’à prendre avec précaution, il existe né-anmoins des chiffres fournis par la banque mon-diale pour illustrer la tendance. ces derniers in-diquent que le taux de participation féminine dans le marché de l’emploi dans la région moyen orient-Afrique du nord ne dépasse pas en moy-enne les 29%. Dans la région, c’est le maroc et la tunisie qui enregistrent les meilleurs scores et la Jordanie le moins bon. toutefois, il reste que de manière générale le taux de chômage des femmes dans la région reste en moyenne deux fois plus élevé que celui des hommes. Dans cer-tains pays, à l’instar de l’Egypte, il l’est de cinq fois plus.

il existe cependant des dynamiques propices à

Par Soraya oulad benchiba

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la promotion des femmes dans cette région qui, rappelons-le, a été le théâtre de nombreuses mutations ces dernières années. En effet, le con-texte actuel marqué à la fois par un ralentisse-ment de l’économie et des transitions politiques dans de nombreux pays de la région a permis l’émergence de nombreuses initiatives en faveur de la participation économique des femmes.

De nombreux mouvements et de nouvelles voix se sont élevées - et plusieurs d’entre eux bien avant les Printemps arabes - pour insi-ster sur l’importance d’associer les femmes au développement économique et notamment pour souligner l’importance d’encourager les femmes à se lancer sur la voie de l’entreprenariat. Aujourd’hui, chaque pays de la région moyen orient-Afrique du nord mais également du golfe, compte au moins une association de femmes chefs d’entreprises ou entrepreneurs à l’image de l’Association des femmes d’affaires égyptiennes, l’Association des Femmes chefs d’Entreprises du maroc, la chambre nationale des Femmes chefs d’Entreprise de tunisie ou encore le conseil des Affaires Arabes du Koweït.

ces associations ont apporté un soutien indé-niable aux femmes entrepreneurs de la région dans la création d’entreprise et en les accompa-gnant dans leurs projets économiques et profes-sionnels. Par ailleurs, dans l’optique d’une meil-leure égalité et équité sociale, ces associations ont permis une meilleure représentativité des femmes au niveau des pouvoirs de décision. la

prolifération des associations de femmes entre-preneurs a également contribué à la création de réels réseaux de solidarités intra-régionales mais également avec les partenaires du nord tels que le Forum des femmes entrepreneurs ocDE-mEnA. Enfin, grâce à l’organisation d’ateliers, de séminaires de travail et conférences annuelles ou pluri-annelles, de nombreuses femmes dans le monde arabe ont bénéficié de plateformes régionales et internationales pour échanger sur leur expérience et sensibiliser d’autres femmes à la nécessité de rejoindre le milieu professionnel. Afin de renforcer leurs actions en faveur de la promotion des femmes, ces associations devraient davantage œuvrer pour un plus grand rôle d’influence auprès des décideurs politiques dans l’optique. Elles pourraient par exemple mieux lutter contre la discrimination sexuelle sur les marchés du travail en faisant pression au-près des décideurs afin qu’ils mettent en place de ré-elles politiques d’emploi proactives telles que des formations pratiques sur le terrain afin de modifier le comportement des employeurs vis-à-vis du recrutement de femmes, encourager à la mise en place de structures de financement public des dépenses liées à la femme (congé de maternité, garde d’enfants pendant les horaires de travail) et cela afin de réduire à la fois les réti-cences des femmes à intégrer la population ac-tive et celles des entreprises à les embaucher ou encore œuvrer pour l’instauration de lois fermes dans le code du travail condamnant et punissant les sexismes sur le lieu du travail.

Special Focus “Arab businesswoman leaders” ors de mEDays 2013

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incluSion FinAnciErE,QuElS nouVEAuX outilS Pour luttEr contrE lA PAuVrEtE ?

buSinESS mEDAYS

Par Xuan-Dai Veret

le degré d’inclusion financière d’une écono-mie est un indicateur qui permet de mesurer la proportion d’individus et d’entreprises qui utilisent les services financiers. l’inclusion fi-nancière renseigne sur le niveau de dével-oppement de l’offre de services financiers, néanmoins, elle demeure tributaire de fac-teurs structurels tels que le niveau de dével-oppement économique et éducatif, la part de la population active occupée ou encore la confiance de la population dans les sys-tèmes financiers.

l’inclusion financière est devenue un su-jet dorénavant inscrit dans les priorités des plans stratégiques des banques centrales et du secteur privé dans de nombreux pays, en effet, plus de 50 pays se sont récemment donné pour objectif d’améliorer l’inclusion financière de leurs populations. les déci-deurs ont pris conscience que l’accès à des services financiers de qualité permet aux cit-

oyens de stabiliser leurs revenus, d’acquérir des actifs et d’augmenter leur résistance aux chocs économiques. Développer des outils d’épargne, de crédit, de paiement et de transfert (au niveau national comme à l’international) adaptés à ces populations marginalisées, constitue aujourd’hui l’un des grands enjeux de la lutte contre la pau-vreté. car il est indéniable que l’inclusion financière a un impact positif sur le dével-oppement économique et social d’une population et qu’elle permet de réduire l’extrême pauvreté au sein des populations les plus vulnérables, c’est-à-dire les popula-tions avec des revenus faibles et irréguliers, à savoir les femmes, les jeunes, les popula-tions rurales.

il convient de rappeler que 2,5 milliards de personnes, soit un peu plus de la moitié de la population mondiale adulte, sont toujours exclues des systèmes financiers et bancaires

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Evolution du mobile banking en AfriqueNombre d'abonnés (millions)

traditionnels et n’utilisent pas de services financiers formels pour emprunter ou épargner. Sur ces adultes non desservis, 2,2 milliards vivent en Afrique, en Asie, en Amérique latine et au moyen-orient.

ces écarts de développement ont appelé les experts, les pou-voirs publics, les acteurs privés à réfléchir sur de nouvelles so-lutions et outils pour dével-opper la bancarisation et/ou l’inclusion financière dans les pays en voie de développement que ce soit à travers les services bancaires mobiles ou autres in-novations technologiques.

L’utilisation des nouvelles technolo-gies au service du développement de l’inclusion financière

le développement de la téléphonie mobile dans les pays en développement a favorisé une plus grande inclusion financière au sein des populations non bancarisées. En effet, le coût de l’information et des communications a fortement baissé, permettant ainsi au taux de pénétration de la téléphonie mobile de connaître une croissance très importante, avec des taux annuels compris entre 30 % et 50 %, voire plus dans certains pays en développement, alors que les taux de ban-carisation demeurent faibles. les opérateurs financiers et les opérateurs télécoms ont dès lors saisi l’opportunité de toucher une popu-lation non bancarisée à travers le canal de la téléphonie mobile et ont développé des solutions innovantes pour permettre à ces populations d’avoir accès à des produits de transferts d’argent, d’épargne, ou de crédit via leur mobile.

l’utilisation de la téléphonie mobile pour la distribution des services financiers présen-tent plusieurs avantages : les contraintes physiques et les coûts spatiaux et temporels sont réduits et les coûts d’intermédiation fi-nancière sont diminués. Entre 2008 et 2010, les services financiers offerts à travers la téléphonie mobile ont été lancés dans 16 pays africains : le nombre d’utilisateurs des services bancaires via leur mobile a été mul-tiplié par 8 entre 2007 et 2009, passant de un peu moins d’un million de personnes à

plus de 7 millions de personnes, puis a con-nu un taux de croissance de plus de 60% sur une année entre 2009 et 2010, pour attein-dre près de 12 millions de personnes sur le continent africain.

Prenons l’exemple du Kenya, qui se po-sitionne comme pays pionner en termes d’utilisation de la téléphonie mobile pour la distribution de services financiers : le taux de bancarisation au Kenya est passé de 19% en 2007 à 42% en 2012, grâce à la mise en place d’une solution de mobile-banking, qui vise en particulier les populations rurales habitant dans les régions reculées, souvent exclues des services bancaires traditionnels et formels. En 2007, l’opérateur national de téléphonie mobile Safaricom, alors filiale de Vodafone, a lancé m-Pesa (« m » pour « mo-bile » et « Pesa » pour « argent » en swahili). ce service révolutionnaire permet au plus rudimentaire des téléphones portables de transférer de l’argent à un autre appareil par simple envoi de SmS. la prédominance de Safaricom sur le marché kenyan et la forte pénétration de la téléphonie mobile dans le pays, en particulier dans les régions rurales reculées, ont créé les conditions du succès de m-Pesa. Fin 2008, cinq millions de per-sonnes avaient recours aux paiements et aux transferts d’argent par téléphone portable. En 2009, ce chiffre était passé à 10 millions ; entre 2009 et 2010, le nombre de clients de m-Pesa progressait encore de 61 %, dont un tiers de personnes non bancarisées. les services financiers de m-Pesa ont une faible valeur mais les volumes sont importants et ils génèrent des gains conséquents. En ou-

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tre, les coûts de transaction sont minimes, de l’ordre de 0,46 dollar, moins élevés que les coûts des services bancaires au Kenya, compris entre un et trois dollars.

même s’il est indéniable que les services de m-banking permettent une plus grande proximité avec les populations non bancari-sées et qu’ils offrent une qualité de service plus importante, plus sécurisée et moins couteuse que les systèmes informels habit-uellement utilisés par ces populations, ces services sont principalement utilisés pour les transferts d’argent au sein du réseau so-cial (famille, proches, amis, …), comme cela a toujours été le cas auparavant avant la mise en place d’une solution de m-banking : ainsi, ces flux financiers continuent à évoluer au sein du même écosystème et restent ex-clus des servi-ces financiers formels. En par-ticulier, les produits d’épargne continuent à être peu développés alors que l’épargne constitue l’un des objectifs de la bancari-sation, afin de pouvoir se protéger contre les aléas de la vie. Ainsi, lorsqu’un besoin survient, la réponse est toujours apportée par le transfert d’argent des autres mem-bres de la famille, qui constitue le système d’intermédiation financier le plus important au sein des populations non bancarisées des pays en développement : il représente un moyen d’épargner, un système d’assurance-vie, un moyen d’obtenir un crédit, …

Focus sur une entreprise internet, leader européen du prêt solidaire peer-to-peer : babyloan.org

citons d’autres initiatives, comme la plate-forme internet babyloan, créée en 2008, et qui permet de collecter des fonds auprès de particu-liers afin de le prêter à des micro-entrepreneurs pour développer des activi-tés génératrices de revenus. ces micro-en-trepreneurs font partie d’un réseau de 18 institutions de micro-Finance, partenaires de babyloan. En 5 ans d’existence, baby-loan a collecté en cumulé 6,8 millions d’€, qui correspondent en réalité à 2,7 millions d’€ réinvestis plusieurs fois par les prêteurs. ces 6,8 millions d’euros ont permis de soute-nir les projets de plus de 15 000 micro-en-trepreneurs dans plus de 15 pays en dével-oppement. babyloan se positionne ainsi comme une entreprise sociale qui joue le rôle d’intermédiaire entre un prêteur et un emprunteur, le rôle de contrôle et de suivi des projets des micro-entrepreneurs reste dans les prérogatives des imF partenaires de babyloan.

cette initiative innovante, permise grâce au développement d’internet et des réseaux sociaux, s’inscrit dans un mouvement beau-coup plus large qu’est financement partici-patif, qui regroupe l’ensemble des outils et méthodes de transactions financières com-

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Evolution du taux de bancarisation au Maroc (%)

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prenant peu ou pas d’intermédiation par les acteurs financiers habituels : crowfunding, prêt entre particuliers, microfinance en P2P (peer-to-peer). cependant, le développe-ment de ce type de financement n’est pos-sible qu’à condition qu’un cadre réglemen-taire adéquat soit mis en place. En effet, les autorités de marchés ainsi que les régu-lateurs ont un rôle important à jouer pour que ces activités bénéficient d’un cadre de développement harmonieux.

Le rôle des pouvoirs publics dans le déve-loppement de l’inclusion financière : l’exemple du Maroc

l’inclusion financière au maroc a connu un développement important au cours de la dernière décennie, grâce à un appui impor-tant des pouvoirs publics et soutenu par un plan stratégique volontariste de la banque centrale, bank Al maghrib. le taux de ban-carisation a atteint 57% en 2012, alors qu’en 2002, à peine un quart des marocains dispo-saient d’un compte bancaire. En effet, dans le cadre de son plan stratégique 2013-2015, bank Al maghrib, a fixé aux établissements de crédit comme objectif d’atteindre deux tiers de la po-pulation bancarisée à l’horizon 2014. Plusieurs actions ont accompagné ce-tte volonté publique : par exemple, l’accès aux services financiers a été favorisé à trav-

ers la création de fonds de garantie permet-tant l’accès à l’habitat. l’augmentation du taux de bancarisation a été permise grâce à cette initiative entre établissements de crédits et promoteurs immobiliers, outre la mise en place d’un cadre réglementaire strict de protection du consommateur et le développement de l’éducation financière. l’exemple du maroc montre que le finance-ment de l’habitat peut doper l’activité des banques et faire exploser le nombre des per-sonnes bancarisées, mais à condition que promoteurs, banquiers et gouvernements avancent dans ce domaine en étroite col-laboration et en partenariat rapproché.

Par ailleurs, les pouvoirs publics ont égale-ment appuyé la mise en place d’un cadre réglementaire pour les acteurs de la micro-finance et travaillé pour la création de la banque postale au maroc en 2009. le groupe Poste maroc, à travers sa fi-liale bancaire Al barid bank, possède l’avantage d’un réseau à forte densité et avec la capillarité la plus importante au maroc, puisqu’elle compte pas moins de 1800 agences bancaires répar-ties sur tout le territoire marocain et en par-ticulier dans les zones rurales les moins bien desservies par le réseau d’agences bancaires traditionnels et qui constituent les zones à accès difficiles. Par ailleurs, elle a développé une gamme de services financiers extrême-

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ment accessible d’un point de vue tarifaire afin de pouvoir correspondre de manière optimale aux besoins des populations les plus vulnérables : des produits d’épargne démarrant avec des versements à partir de 5 Dhs, des produits de bancassurance dont les cotisations commencent à 50 Dhs, …

Enfin, le développement de l’inclusion fi-nancière pour lutter contre la pauvreté doit également s’accompagner d’un processus d’éducation financière auprès des popula-tions concernées, et en particulier à travers les imF (au moment de l’octroi des crédits et des recouvrements). En effet, l’accès limité aux services financiers s’explique par diffé-rents facteurs, parmi lesquels figure ce qu’il convient d’appeler « l’illettrisme financier ». l’accent doit être mis sur des informations de base qui présenteraient clairement les avantages du service bancaire formel aux populations non bancarisées. D’autre part, l’éducation financière peut permettre aux clients les plus vulnérables d’échapper aux pratiques financières abusives grâce à une connaissance plus efficace et proactive de leurs ressources. ceci est particulièrement vrai dans un contexte de dématérialisation de la relation bancaire : le développement de la banque à distance doit s’accompagner de

mesures préventives afin de doter les popu-lations vulnérables des meilleurs outils pour tirer profit de ce système. c’est aux banques, aux différentes institutions financières et aux pouvoirs publics qu’incombe la tâche de garantir un accès à l’information ban-caire la plus complète qui soit afin d’assurer l’inclusion financière des populations con-cernées dans des conditions optimales.

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Sécurité intErnAtionAlE

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PétrolE, gAz Et SchiStE : lES nouVEAuX PArAmètrES DE lA Sécurité globAlE ?

Sécurité intErnAtionAlE

la consommation d’énergie, indispensable au développement économique, entraîne d’importantes tensions à l’intérieur des états et sur la scène internationale, alors que 1,8 milliard d’individus n’a toujours pas accès à l’électricité, les tensions, elles, augmentent sur le front du pétrole. Actuellement, le bouquet énergétique mondial est largement dominé par les énergies fossiles, le pétrole, le charbon et le gaz représen-tent en effet 87% de l’offre globale d’énergie. les dernières années ont été marquées par une augmentation de la consommation d’énergie, ainsi que par une prise de conscience de sa raré-faction due à un pic de production (peak oil), l’épuisement des réserves est attendu en 2040 pour le pétrole et en 2060 pour le gaz. lorsqu’une ressource se raréfie, les marchés génèrent des ri-valités concurrentielles. mais lorsque cette res-source conditionne la souveraineté d’un Etat et la sécurité d’un peuple, les tensions liées à la potentialité d’une rupture économique peuvent produire des politiques publiques agressives. l’émergence du concept de sécurité globale re-flète la prise de conscience par un Etat que sa sécurité intérieure, la continuité de ses activités, la protection de ses infrastructures et de ses res-sortissants, sont indissociable de sa capacité à maîtriser les enjeux stratégiques internationaux.

Du contrôle territorial à celui des grands axes mondiaux le pétrole brut, dans toutes ses variantes est aujourd’hui la marchandise la plus échangée sur terre, en volume comme en valeur financière. l’acheminement de la ressource vers les mar-chés suit des circuits bien précis, essentiellement par voie maritime et par oléoduc. les Etats con-sommateurs cherchent à sécuriser leurs appro-visionnements, par l’installation de bases mili-taires à des endroits stratégiques et bien définis (détroit d’ormuz) ou en développant une vérita-ble « géopolitique des pipelines » comme c’est le cas dans le caucase. Si l’on en juge par l’effort politique, diplomatique et militaire que les Etats fournissent pour sécuriser leurs approvisionne-ments, il semble bien que le pétrole n’est pas une simple denrée économique, mais bien un enjeu politique.

les pays consommateurs cherchent en per-manence et par tous les moyens à se prémunir des risques de pénurie, dans la mesure où une grande partie de la puissance économique, militaire et politique est assujettie à la sécurité énergétique. c’est notamment le cas des Etats-unis qui monnayent leur protection aux Etats du

Par Amine Amara

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golfe persique contre l’assurance d’être approvi-sionnés en pétrole. Face à un enjeu énergétique menaçant la sécurité globale, les Etats se sont également organisés pour créer une réponse multilatérale. En 1974, l’Agence internationale de l’Energie est créé pour coordonner la politique d’achat face à l’oPEP. De même, les Etats con-sommateurs cherchent à se doter de réserves stratégiques et à diversifier leur mix énergétique pour gagner en indépendance. En 2011, l’uE a ainsi importé 51% de son énergie, notamment de la russie, ce qui la fragilise grandement sur un grand nombre de dossiers diplomatiques. De même, les pays émergents ont vu leurs importa-tions énergétiques exploser afin d’alimenter leur croissance à deux chiffres et leur consommation va bientôt dépasser celle des économies déve-loppées. ces changements posent de nouveaux enjeux géopolitiques.

En effet, les pays producteurs se servent de leur contrôle sur les prix comme d’un outil de poli-tique étrangère. En 1973, l’oPEP a multiplié le prix du baril par quatre afin de sanctionner les Etats ayant soutenu israël, entraînant des con-séquences économiques désastreuses pour les pays industrialisés. De même, la russie, a quin-tuplé en 2005 la facture de gaz de l’ukraine pour l’empêcher de se rapprocher de l’ouest. l’enjeu énergétique est ainsi régulièrement au cœur de conflits et de tensions politiques intra ou interé-tatiques variés : conflits frontaliers (nigeria et

cameroun se disputant la péninsule de bakassi) ; guerres civiles (congo-brazzaville en 1997-1999) ; pressions et influences diverses (relations tumul-tueuses entre Etats-unis et leur « allié » saoudien). A l’inverse, il arrive qu’un événement politique, parce qu’il survient dans un Etat producteur, ait de graves répercussions sur le marché pétrolier ou sur la situation politique du globe : la révo-lution islamique iranienne de 1979, suivie par la guerre iran-irak, en est l’exemple type, ainsi que la guerre du golfe de 1991 et l’intervention américaine de 2003 en irak pour s’accaparer les réserves de pétrole. les énergies fossiles étant synonyme de développement, les Etats se font littéralement la guerre pour assurer leur appro-visionnement au meilleur tarif. cependant, de récents positionnements stratégiques risquent de changer la géopolitique énergétique pour les décennies à venir.

Quelle géopolitique future pour les énergies fossiles ? De pays importateur les uS sont aujourd’hui devenus pays producteur d’hydrocarbures. Alors qu’ils ne produisaient aucune énergie fossile il y a quarante ans, les uSA extraient aujourd’hui 2.5 millions de barils de pétrole par jour. En plus du pétrole, les uS cherchent à assurer leur indépendance énergétique en exploitant des énergies non conventionnelles comme le gaz de schiste, en utilisant notamment des techniques

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extrêmement nocives pour l’environnement (fracking). cependant, l’exploitation nationale ne suffit pas à étancher la soif de pétrole amé-ricaine. concernant l’importation, les Etats unis semblent également soucieux de diversifier leurs sources d’approvisionnement. tradition-nellement clients du moyen-orient, les Etats-unis, intensifient aujourd’hui leur partenariat avec l’Amérique latine (mexique, Venezuela) et les pays africains (nigeria, guinée Equatoriale, Angola). les Etats-unis sont-ils ainsi sur le point de se désengager militairement du moyen ori-ent, où ils n’ont plus d’intérêts énergétiques pres-sants ? cette question est cruciale car ce sont les uS qui assurent le rôle de gendarme énergétique dans la région, notamment en protégeant mili-tairement les routes de l’énergie dont dépend l’approvisionnement de nombreux pays, comme l’inde ou la chine.

De même, le récent rapprochement entre les uS et la république islamique d’iran (qui possède la deuxième plus grande réserve mondiale de pétrole, encore largement inexploitée) pose de nombreuses interrogations, notamment pour les monarchies du golfe qui se sentent menacées par l’axe chiite (iran, Syrie, hezbollah) et exigent des garanties de sécurité américaines. un rap-prochement iran-uS autour de l’énergie pourrait cependant avoir des conséquences positives sur la résolution des conflits gelés de la région (Pa-lestine, Syrie, bahreïn…).

cette lecture prend encore plus de profondeur lorsque l’on prend en compte la rivalité latente entre la chine, l’inde (80% de la hausse de la de-mande provient de ces deux pays) et les Etats-unis. craignant que Washington coupe mili-tairement les routes de l’énergie en cas de crise, la chine développe actuellement de nouvelles routes énergétiques terrestres. le terrain de ce-tte opposition se situe en Asie centrale, où de grands projets de pipelines sont en cours. la chine cherche ainsi à éviter le détroit d’ormuz

contrôlé par la navy et l’uS Air Force, afin d’aller s’approvisionner par ses propres moyens dans le golfe Persique ou en Azerbaïdjan. la russie, dont une partie des marges pétrolifères ont été «captées» par les Etats-unis (caucase, mer caspi-enne et Asie centrale, sauf le Kazakhstan), espère également jouer un rôle d’arbitre entre Pékin et Washington et tirer parti des nombreux pro-jets de construction d’oléoducs dans la région caspienne. cela lui permettrait de renforcer son emprise sur l’Europe de l’Est (des pays comme la bulgarie ou la roumanie sont à 90% dépendants du gaz russe) tout en s’ouvrant sur l’Asie. ce-pendant, le monopole gazier russe pourrait également être contesté dans les décennies à ve-nir. En effet, si les Etats unis décident d’exporter des hydrocarbures, cela pourrait compromettre les intérêts russes en Europe. Enfin, la décision polonaise d’extraire du gaz de schiste réduira sa dépendance au géant russe.

la géopolitique de l’énergie est en évolution per-pétuelle. la sécurité énergétique des prochaines décennies dépendra largement de facteurs dif-ficiles à anticiper. la stabilité politique de l’iran et de l’irak qui disposent de réserves stratégiques seront des enjeux déterminants. la stabilité des monarchies du golfe, et notamment la ges-tion de la succession en Arabie Saoudite jouera également un rôle important. cependant, c’est l’émergence des énergies renouvelable qui recèle le plus de potentiel de disruption dans le système énergétique mondial, par sa capacité à affecter le pouvoir des pays exportateurs, et en renforçant l’indépendance énergétique des pays en transition, comme l’Allemagne ou le Japon. cependant, cette transition énergétique est conditionnée à la découverte d’une alterna-tive au pétrole dans le domaine du transport (qui représente 60% de la demande en pétrole), sans quoi les énergies renouvelables seront canton-nées à la production d’électricité et resteront mi-noritaires dans le mix énergétique global. c’est finalement les décisions énergétiques que pren-

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dra la chine, en passe de devenir la première économie mondiale, qui conditionnera la sécuri-té énergétique globale. Si la chine, actuellement dans une situation écologique catastrophique, décide de sauter le pas de la transition énergé-tique, cela pourrait créer un effet d’entraînement bénéfique dont bénéficierait l’ensemble de la communauté internationale.

Changement de donne

l’exploitation par les états-unis de leurs réserves d’hydrocarbures non conventionnels, à savoir le gaz de Schiste, non seulement relance leur économie. mais a également des effets sur leur autonomie énergétique, et donc sur leur posi-tionnement en termes géopolitiques. S’il est peu probable que les rapports de Washington avec la région moyen-orientale en soient fondamen-talement modifiés, les relations avec la chine, la russie ou l’Europe pourraient en être affectées. les états-unis vont devoir intégrer ces données nouvelles dans leur stratégie globale.

l’indépendance énergétique à venir des Etats-unis semble promettre une véritable révolu-tion et d’importants bouleversements dans les rapports de force. conséquences et enjeux des transformations en cours. il est indéniable que l’ordre qui prévalait depuis plus de cinquante ans va être durablement impacté. il y a moins de dix ans, le marché du gaz était largement déterminé par les importations américaines, aujourd’hui,

Washington entre de plein pied dans le cercle fermé des grands producteurs du gaz et sonne le glas de plusieurs statuts quo : de client, les Etats-unis deviennent producteurs avec une demande en énergie qui se centralise à 96% chez les pays émergents.

ce qui risque d’arriver surtout c’est une probable désolidarisation de Washington des stratégies sécuritaires qu’elle assurait jusque-là, en par-ticulier dans la zone du golfe Arabo-persique. la Vème flotte n’étant plus indispensable au maintien de la sécurité dans la région, se verra alors assigner une position plus proche des pays émergents que celle qu’elle occupe aujourd’hui. Du point de vue environnemental aussi, l’Europe s’en trouvera grande perdante. Aujourd’hui aux Etats-unis, le prix du gaz est tellement bon mar-ché qu’on arrête les centrales au charbon pour les basculer au gaz, de ce fait le prix du charbon dégringole, ce qui pousse les producteurs à se tourner vers l’Europe, entraînant ainsi une réduc-tion des émissions de co² des Etats-unis et leur augmentation en Europe.

Vue de la séance plénière traitant des nouveaux paramètres de la sécurité globale lors des mEDays 2013

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les pays d’Asie du Sud-Est continentale ont rarement pu faire abstraction de la présence et des ambitions de leur puissant voisin chinois dont l’influence économique, diplomatique et militaire pèse fortement dans la région. mais en matière d’enjeux transfrontaliers, cette incon-tournable et surtout encombrante présence se fait surtout sentir en mer, plus particulièrement en mer de chine méridionale(1) . Prolongement des revendications territoriales de plusieurs pays riverains membres de l’ASEAn (Vietnam, malai-sie, brunei, Philippines), cette zone est donc un lieu de confrontation directe avec la chine et est considérée par crisis group comme un des 10 points chauds du monde susceptible de provo-quer une guerre. les archipels les plus contestés, les îles Spratleys et Paracels sont à la fois l’objet de discours nationalistes et d’importants enjeux économiques, par leurs potentielles richesses en hydrocarbures, éléments particulièrement sensi-bles dans le contexte mondial.

la question des frontières en Asie du Sud-Est est particulière car bien que le concept soit ancien, c’est aussi là que le « processus de délimitation des frontières est le moins achevé »(2) . D’ailleurs l’auteur précise qu’en Asie, les frontières sont en réalité un terrain privilégié de l’expression des tensions inter-étatiques, se faisant plus l’écho

d’une politique de puissance que d’un simple li-tige territorial. Alors qu’on ne compte plus dans la partie sud-est du continent qu’un seul con-flit frontalier toujours ouvert entre la thaïlande et le cambodge, toute l’attention se concentre sur les litiges à propos des frontières maritimes ayant lieu dans une mer fermée à 90%. Des quatre principaux archipels de la mer de chine méridionale ce sont dans les archipels Paracels (hoang Sa en vietnamien, Xisha en chinois) et Spratleys (truong Sa en vietnamien, nansha en chinois) que les tensions sont les plus vives, sur-tout depuis l’adoption de la convention des na-tions unies sur le droit de la mer du 10 décem-bre 1982. Aux termes de ces accords en effet, la délimitation des frontières maritimes d’un pays peut s’appuyer sur la distance par rapport au lit-toral, avec tout d’abord une zone de 12 milles marins désignée comme mer territoriale, puis une zone contigüe s’étendant jusqu’à 24 milles, suivie d’une zone d’exclusivité économique (zEE) de 200 milles marins sur laquelle les états ont juridiction mais où ils doivent laisser libre pas-sage aux navires civils des autres pays. Au-delà, ce sont les eaux internationales, ne relevant pas des juridictions des pays riverains. mais la situa-tion se complique lorsqu’on intègre la notion de prolongement du plateau continental, dont la prise en compte permet d’augmenter considéra-

mEr DE chinE mériDionAlE EnJEuX à hAutS-riSQuES

Sécurité intErnAtionAlE

Par Amine Amara

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blement les dimensions de la zone revendiquée, d’autant que le plateau en question se prolonge de manière notable dans la partie occidentale du bassin océanique (cf. carte).

cependant, les tensions récurrentes entre la chine et ses voisins proviennent avant tout du fait que Pékin a une vision extensive, pour ne pas dire impérialiste, de sa zone d’exclusivité économique (zEE). En atteste l’exemple de l’archipel Spratly qui recèle le plus de risques de crises graves entre la chine et ses voisins, du fait de l’intérêt en termes économique et stratégique pour l’empire du milieu, mais aussi de son éloignement géographique du territoire chinois (environ 1000km), alors qu’il est 5 à 10 fois plus proche des Philippines, de l’indonésie, du brunei et du Vietnam, ce qui rend ses revendications plus difficilement acceptables pour ses voisins.

Des enjeux colossaux

ces archipels disputés ne comprennent en évi-dence que de minuscules portions de terres émergées, situées à de grandes distances des pays qui les revendiquent. ils ne représentent donc pas un enjeu territorial mais plutôt un en-jeu politique, économique et géopolitique. le

premier enjeu est lié à un renforcement des di-scours nationalistes et à des enjeux identitaires, l’occasion d’assurer une position plus forte sur l’échiquier politique interne mais aussi régional. Se montrer ainsi intraitable à l’extérieur est une occasion privilégiée d’atténuer les tensions et di-visions internes : économiquement, la présence de ressources en gaz et hydrocarbures dans cette région représente un atout économique consi- dérable. D’ailleurs l’existence de champs pétro-liers et gaziers offshore en mer de chine mé-ridionale n’est pas nouvelle, et alimente depuis toujours les scénarios de crises.

le dernier enjeu et non des moindre, est celui de la situation géostratégique de la zone contestée. la chine est lA puissance majeure de la région mais qui reste entourée par des puissances “hos-tiles“ (russie et Japon) et sans zone tampon. le côté le plus faible est définitivement situé au sud-est – les “petits“ pays et leurs querelles offrent ainsi une réelle opportunité de s’étendre par la maxime divide e impera. Aussi, la chine considère intrinsèquement que cette mer lui appartient dans sa quasi-intégralité, à l’instar de l’empire romain qui possédait toute la méditerranée. Du débouché du détroit de malacca et jusqu’au port de Singapour, passe une des plus importantes

Délimitation des zonesmaritimes selon la convention UNCLOS de 1982

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routes maritimes du monde, une mainmise sur les Paracels et les Spratleys assurerait de facto un contrôle sur l’approvisionnement des éco-nomies du nord-est asiatique (taiwan, chine, Japon, corée du Sud). cette gageure est donc la première préoccupation pour la chine comme pour ses voisins et les efforts militaires déployés le démontrent. on assiste de ce fait depuis plus-ieurs années à une course à l’armement particu-lièrement préoccupante (3) , d’autant plus que les états-unis n’entendent pas non plus permet-tre à la chine d’assoir sa mainmise sur des lignes maritimes si stratégiques, à l’image de leur sout-ien militaire à taiwan et leur positionnement stratégique dans la base de Darwin en Australie

mais aussi du stationnement pas très loin de la Vi-ième flotte. cependant, la vrai valeur opération-nelle est de nature sous-marine, car tout en re-connaissant l’importance stratégique des routes maritimes et des détroits de la région, n’importe quel pays riverain peut largement atteindre n’importe quel bâtiment naval dans n’importe quel point de la mer de chine méridionale à l’aide de ses missiles terre-mer ou terre-Air. nul besoin pour cela de posséder des îlots dont « les dimensions se prêtent mal d’ailleurs au dével-oppement d’installations militaires majeures »(4) . De la sorte, la topographie sous-marine des en-virons des archipels offre un véritable labyrinthe au sein duquel il est très facile pour un submer-

Des frontières dédaléennes

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sible d’échapper à toute détection. Pékin entend ainsi déployer dans la région une force nucléaire sous-marine crédible, notamment à partir de la base sous-marine de Sanya, dans l’île de hainan. il s’agirait stratégiquement de tenter de fermer la mer de chine méridionale, au même titre que moscou a fermé la mer d’okhotsk, pour en faire une base arrière sûre pour les SnlE chinois. A ces velléités chinoises, le Vietnam a déjà répondu par l’ouverture de son port de cam ranh aux navires militaires occidentaux, notamment australiens. malheureusement, l’entêtement de la chine dans ce dossier risque surtout de lui attirer des inimitiés de plus en plus fortes et de renforcer la coopération entre états-unis, Japon, Australie et inde pour maintenir la libre circulation dans ces eaux et pour mettre sur pied des mesures anti sous-marines efficaces.

D’ailleurs, en juillet 2012, une réunion des mi-nistres des affaires étrangères de l’ASEAn qui se tenait à Phnom Penh s’est achevée, pour la première fois dans l’histoire de l’organisation, sans déclaration commune. cet évènement tra-duit les profondes divisions qui commencent à se creuser entre les membres de l’ASEAn autour de cette fameuse question de la mer de chine méridionale. les tensions entre le Vietnam, les Philippines, la malaisie et brunei d’un côté, avec l’appui de la thaïlande et Singapour (et bien en-tendu le soutien des états-unis) et de l’autre le cambodge et le laos - et éventuellement la bir-manie - qui prennent le parti de la chine, ont at-teint un niveau jusqu’alors inconnu au sein de

l’Association régionale pourtant toujours sou-cieuse de consensus. Selon plusieurs commen-tateurs (5) , l’ASEAn traverse une crise majeure, qu’il revient à tous les pays membres de tenter de régler, à commencer par la chine.

notes :

1 - Appelé aussi mer du Vietnam, ou encore mer de l’Est, le nom même de cette mer est sujet à de grandes contro-verses et traduit à quel point les chinois la considèrent cul-turellement comme leur « mer intérieure ».

2 - in Asies nouvelles : Atlas de géopolitique, michel Fouch-er, Ed. belin 2002.

3 - le budget de la défense des pays concernés (chine, Japon, Vietnam, malaisie, Philippines, indonésie, brunei, cambodge et taiwan a augmenté de 20% sur les 10 dern-ières années (Données : SiPri).

4 - géostratégie de la mer de chine méridionale et les bas-sins maritimes adjacents, Eric Denece, Ed. l’harmattan 2000.

5 - All change at ASEAn, par bandar Seri bagawan, the Economist, 9 Février 2013

robert D. Kaplan, en plein analyse de la situation en mer de chine méridionale lors des mEDays 2013

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Dans la multipolarité des crises africaines de ce début de XXie siècle, le drame centrafricain figure en bonne place. Source de préoccupa-tion majeure de la communauté internation-ale depuis de nombreuses années, la situation dans ce pays enclavé, peu peuplé, illustration parfaite d’une mal gouvernance exacerbée et longtemps stigmatisée, a connu cette année une escalade jamais atteinte des évènements.

Au cœur géographique de l’Afrique, la rcA constitue selon de nombreux experts le der-nier chainon manquant d’un arc continental

cEntrAFriQuE : EVitEr l’écuEil DE lA SomAliSAtion

Sécurité intErnAtionAlE

de l’insécurité qui irait du golfe de guinée à l’océan indien où sévissent d’ouest en Est la secte nigériane boko haram dans le delta du fleuve niger, AQmi dans le Sahel et enfin les Al Shabab en Somalie.

Dans l’histoire récente du pays, les change-ments inconstitutionnels sont légion. De l’aveu même de ses principaux dirigeants passés ou présents, il y a toujours eu en centrafrique et plus qu’ailleurs, des difficultés à bâtir une na-tion, par ailleurs toujours introuvable. il est ainsi aisé de comprendre dans ce contexte que

Par talal Salahdine

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l’Etat, en tant qu’entité administrative, n’a sou-vent été qu’une illusion en république de cen-trafrique (rcA). hormis la capitale bangui, la quasi-totalité des régions vivent sous la loi de seigneurs de guerre, défiant l’autorité centrale, se substituant de facto à toute administration civile et militaire et s’adonnant ainsi à des pil-lages continus des richesses du pays (minières essentiellement). une situation qui n’est pas sans rappeler celle qui prévaut non loin de là, à l’Est de la rDc (république Démocratique du congo).

longtemps caricature sordide de ce que fut la Françafrique, le pays est aussi régulièrement en proie à des ingérences étrangères multi-ples. En effet et à son corps défendant, la rcA s’est souvent retrouvé prise dans le jeu des ri-valités pour la puissance régionale. la libye du colonel Kadhafi mais aussi le Soudan, le congo-brazaville et surtout le tchad furent ou sont toujours très impliqués dans le destin du pays.

En plus de la France, ancienne puissance colo-niale, d’autres acteurs sont présents : l’Afrique du Sud qui nourrit l’ambition de devenir la puis- sance prépondérante sur le continent africain et s’implique par conséquent dans un nombre croissant de conflits mais aussi la chine, bail-leur de fonds désormais incontournable.

le pays est désormais depuis peu sous le joug très précaire de la Séléka (alliance en langue sango) ou du moins ce qu’il en reste. il s’agit là d’une rébellion hétéroclite, totalement de circonstance, composée essentiellement de groupes armés musulmans venus du nord du pays mais aussi du Soudan et du tchad.

lui-même arrivé au pouvoir par la force en 2003, le président déchu François bozizé fut principalement accusé de ne pas avoir respec-té ni dans l’esprit ni dans la lettre les accords dits de libreville, conclus en janvier dernier. ce document de sortie de crise, négocié et signé sous l’égide de la communauté Economique des Etats d’Afrique centrale (cEEAc) prévoyait

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outre un cessez-le feu, le maintien du Président bozizé jusqu’à la fin de son mandat en 2016 à la condition notable de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale.

Fait marquant, le régime du président bozizé a pour la première fois dû faire face à des rebel-lions armées internes, de surcroît à forte con-sonance régionale, ethnique et religieuse.

Accueillies en libérateurs à leur arrivée par les populations, celles-ci ont rapidement déchan-té face à la multiplication des exactions. une situation qui ouvrira la voie à l’émergence de milices d’auto-défense chrétiennes appelées anti-balaka (anti-machettes) mais surtout an-nonçant les prémices d’un conflit confession-nel. Situation totalement inédite dans un pays avec une longue tradition de tolérance et de coexistence pacifique entre communautés.

une instabilité chronique synonyme de mil-liers de déplacés continus au sein du pays en plus de risques de pénurie alimentaire ma-jeure ; les derniers rapports de l’onu et cer-taines ong internationales sont à ce titre des plus alarmants.

le cas centrafricain, celui du délitement pro-gressif d’un Etat, démontre surtout que le con-

tinent est toujours dépourvu de mécanisme de sécurité collective régionale. l’écueil tant craint de la somalisation, à savoir faire de la république de centrafrique une zone de non-droit et donc un repaire de groupes terroristes par excellence est le défi majeur attendu à cet-te nouvelle expédition de pacification menée par la France en appui à la mission internation-ale de soutien à la centrafrique (miScA), un pays au final profondément déchiré.

Décidée début décembre, l’intervention fran-çaise sous mandat onusien pour prioritaire-ment désarmer la Séléka mais aussi les autres groupes armés vient avant tout pallier – à l’image de l’opération Serval au mali plus tôt cette année- cette défaillance structurelle que la récente conférence de Paris pour la Paix et la Sécurité a bien montré que l’Afrique ne pour-rait dans l’avenir en faire l’économie.

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EnVironnEmEnt& DEVEloPPEmEnt DurAblE

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SEcuritE AlimEntAirE : commEnt rESouDrE l’EQuAtion DE lA rEVolution VErtE ?

EnVironnEmEnt Et DEVEloPPEmEnt DurAblE

En 2007, la forte hausse du prix des denrées ali-mentaires sur le marché mondial plonge 37 pays du Sud dans une situation de pénurie alimen-taire qui se traduit par des crises alimentaires et sociale, notamment en Afrique (Sénégal, came-roun, côte d’ivoire, Egypte,...). En moins d’un an, le prix du blé, du pain et du lait a doublé, tandis que celui du riz, du maïs et du soja a atteint des niveaux record. cette crise alimentaire mon- diale a souligné, s’il était nécessaire de le rappeler, le lien direct entre la sécurité alimentaire d’une population, entendue par l’organisation des na-tions unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAo) comme la « capacité d’assurer que le sys-tème alimentaire fournit à toute la population un approvisionnement alimentaire nutritionnel-lement adéquat sur le long terme », et la stabilité sociale, économique et politique d’un Etat, voire d’une région entière. la faim concerne princi-palement les pays en développement, notam-ment le sous-continent indien et la majeure partie du continent africain qui enregistre les cas de famine les plus alarmants (congo, tchad, Soudan, Erythrée, Somalie…).

Aujourd’hui, 850 millions de personnes souf-frent encore de la faim, soit près de 15% de la population mondiale. Paradoxalement, la quantité globale de nourriture produite est,

pour l’heure, suffisante pour nourrir toute la planète.

la disponibilité énergétique alimentaire est une estimation de la ration calorique moyenne dis-ponible par jour et par personne pendant une période donnée. le graphique 1 montre claire-ment que la quantité d’aliment disponible dans le monde serait actuellement suffisante pour nourrir chaque individu si les aliments disponi-bles étaient distribués en fonction des besoins. les pays d’Europe et d’Amérique consomment plus de nourriture que nécessaire, l’Amérique du nord se chargeant de gonfler la moyenne région-ale. l’Asie et l’Afrique, malgré un effort de rattra-page, se positionnent toujours derrière l’Europe et l’Amérique en termes d’approvisionnement alimentaire global : en 2009, un africain con-somme en moyenne 2600 calories par jour, contre 3350 en Europe. Pour l’heure, le problème de la faim ne peut donc pas se résumer à un manque de nourriture sur le marché mondial, mais relève plutôt d’une inégalité d’accès à la nourriture (prix, manques d’infrastructures de transport et de stockage, instabilité politique…). cependant, rien n’indique que cette situation va durer.

Sur le graphique 2, on constate que la consom-mation de produits alimentaires a augmenté

Par Antonin Dupin

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plus rapidement pour les pays en voie de dével-oppement que pour les pays développés. cette augmentation est encore plus importante sur les produits céréaliers où la consommation a aug-menté de 335 millions de tonnes entre 1971 et 1995 pour les PVD contre 25 millions de tonnes pour les pays développés. ce graphique tra-duit la forte hausse de la demande de produits agricoles à laquelle le monde se confronte ac-tuellement. Entre 2000 et 2050, on prévoit une augmentation de 75% de la demande de céré-ales, ainsi qu’un doublement de la demande mondiale de viande. les trois quarts de cette de-mande proviendra des pays en développement et notamment des larges classes moyennes con-sommatrices qui se constituent actuellement au Sud. la hausse significative de la consommation de viande en chine, liée à l’augmentation des revenus moyens des ménages entraînera, par ex-emple, une explosion de la demande mondiale de céréales destinées à l’alimentation animale. l’intensification de l’élevage qui viendra répon-dre à cette demande est problématique dans la mesure où la consommation de viande est coû-teuse en produits agricoles et a une empreinte carbone élevée

En outre, les experts redoutent que, de son côté, l’offre de produits agricoles ne progresse pas. il n’est en effet inenvisageable d’exploiter de nou-velles surfaces, dans la mesure où il ne reste guère de terres arables qui ne soient déjà ex-ploitées. De même, l’explosion de la production

de biocarburants à partir de produits agricoles rentre de plus en plus en compétition avec la production alimentaire. Enfin, l’agriculture dite « conventionnelle » repose sur la mécanisation et l’utilisation d’intrants (engrais chimiques, pesti-cides) élaborés à partir de produits pétrolifères. la hausse du prix des énergies fossiles a pour conséquence directe d’augmenter le prix de production, de transformation et de transport des produits agricoles ce qui influe nécessaire-ment sur le prix final payé par le consommateur. Aussi, si la surface cultivable ne peut augmenter indéfiniment, il s’agit de satisfaire la demande par l’augmentation du rendement de chaque terre cultivable. la global harvest initiative, conglomérat des principales industries agro-alimentaires des pays industrialisés, estime que l’augmentation de la productivité annuelle des produits agricoles, actuellement de 1.4%, devra atteindre les 1.75 % par an pour pouvoir satis-faire la demande en 2050.

c’est dans ce contexte qu’émerge de nouveau la crainte d’une crise malthusienne (1), carac-térisée par l’impossibilité, à terme, pour les res-sources alimentaires de satisfaire une demande mondiale exponentielle. Face à ces défis, ce sont les Etats les plus pauvres qui risquent de ne plus pouvoir assurer leur autosuffisance alimentaire. Selon un rapport publié par le groupe consultatif pour la recherche internationale, nonobstant un changement radical des pratiques actuelles, «les systèmes de production agricoles africains

Evolution de la disponibilité alimentairemoyenne par continent depuis 1961, tous produit confondus (Kcal/hab/J)

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ne pourront assurer que 13% des besoins ali-mentaires du continent en 2050». De plus, rien n’indique que les pays africains exporteront suf-fisamment pour se permettre d’importer leurs denrées des pays vivriers du nord. Au-delà d’une réponse technique, la gravité de l’enjeu de la sé-curité alimentaire réclame une réponse politique forte. il s’agit désormais de changer de para-digme et d’inventer un modèle agricole durable, rentable et adaptable à des contextes locaux très différents. ces innovations techniques doivent nécessairement être accompagnées de mesures politiques nationales et multilatérales alterna-tives et innovantes.

Ainsi, est-il possible de nourrir 9 milliards d’habitants ? nos ressources sont-elles épuisa-bles ? Est-il possible d’obtenir des rendements suffisants tout en exploitant la terre de manière durable ?

La Révolution Verte : succès et limites

la communauté internationale a déjà été con-frontée à un défi de ce type. Dans les années 50, la rapide croissance démographique des pays émer-gents soulève de fortes interrogations sur la sécu-rité alimentaire mondiale. De grandes famines en-deuillent les pays émergents, créant les conditions d’une révolte sociale. Dans un contexte de guerre Froide, le monde occidental craint que cette pay-sannerie affamée puisse faire basculer des pays entiers dans le camp communiste. En effet, selon Franz Fanon (2) , les agriculteurs des pays colonisés ou fraîchement indépendants constituent la seule classe «vraiment révolutionnaire», dans la mesure où le prolétariat urbain était beaucoup plus fa-vorisé que la paysannerie par le système colonial. Ainsi, les occidentaux, par le biais d’organismes tels que la FAo ou la Fondation rockefeller vont mettre conseils et technologies à la disposition des pays du Sud afin d’augmenter les rendements agricoles et d’éviter toute instabilité politique qui pourrait les desservir. la «révolution Verte» en-tend ainsi se substituer à la «révolution rouge». Elle désigne un «paquet technologique» qui a permis d’accroître le rendement des exploitations agricoles, combiné à des politiques incitatives qui l’ont rendu efficace.

Des innovations technologiques couplées à une volonté politique

la première étape a permis de faire accéder les agriculteurs à la propriété par le biais d’une ré-forme agraire (Asie, Amérique latine, inde). cette privatisation des terres est à relativiser et reste

aujourd’hui encore inachevée, en témoigne la virulence du mouvement des Sans terres au brésil. Ayant ainsi garanti un relatif accès à la terre, les gouvernements ont facilité l’accès des agriculteurs au modèle technologique occiden-tal en subventionnant des semences de varié-tés de blés et riz à hauts rendements, l’accès à l’irrigation et aux intrants (engrais et produits phytosanitaires). cependant, contrairement à l’occident, la mécanisation de la récolte n’a pas été automatique dans la mesure où les pays du Sud ne disposaient pas du capital économique et technique nécessaire pour l’utiliser, et dis-posaient également d’une main d’œuvre assez nombreuse et bon marché pour pouvoir s’en passer. De plus, le prix des récoltes était garanti et stable et l’achat des récoltes était assuré par l’Etat, qui revendait les produits agricoles à des prix également subventionnés. l’accès au crédit pour les agriculteurs a été simplifié afin de fa-ciliter les investissements. Enfin, l’Etat subven-tionnait les travaux de vulgarisation scientifique et de formation des agriculteurs aux nouvelles techniques agricoles.

Un succès relatif

Aidé par un contexte socioéconomique facili-tant l’utilisation d’intrants et offrant de nou-veaux marchés pour écouler la production, le rendement global des cultures concernées par la « révolution Verte » a augmenté de 3.1 % par an pour le riz, 5.1% pour le blé et 3.8% pour le maïs, sur la période 1963-1983. Durant cette pé-riode, le total de grain récolté a augmenté de 170%. consécutivement, les prix des matières agricoles ont décliné pendant quatre décen-nies consécutives, de 1950 à 1990. les bénéfi-ciaires de cette hausse de productivité ont été les consommateurs du monde entier qui ont

Pays en voie de développement Pays développés gra

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vu le prix des produits alimentaires baisser. la révolution Verte a ainsi amélioré de façon sig-nificative la sécurité alimentaire mondiale. En Asie, elle a également permis une certaine amé-lioration des conditions de vie, en augmentant les revenus des agriculteurs, en créant de nou-veaux emplois (développement des infrastruc-tures, industrie chimique…) et en réduisant le budget nourriture des ménages. cependant, les conclusions d’une étude (Freebairn, 1995) ten-dent à prouver que la révolution Verte a aug-menté les disparités de revenus, en favorisant les grandes exploitations au détriment des pe-tits agriculteurs. le modèle de la révolution Verte s’est ainsi diffusé dans toute l’Asie (blé et riz), en Amérique latine (maïs, élevage, produits laitiers). il a assez peu concerné l’Afrique, excep-tion faite de certains pays (zimbabwe, Afrique du Sud, Kenya), les bailleurs de fonds interna-tionaux ayant très peu financé l’effort de re-cherche nécessaire à une révolution Verte sur le continent africain qui ne servait pas leurs ob-jectifs géopolitiques immédiats. ce manque de recherches approfondies sur les variétés afric-aines combiné aux contraintes climatiques du continent africain ont rendu le « paquet tech-nologique » de la révolution Verte inefficace : les tentatives de développer les productions par une irrigation massive en zone de savane et en zone aride n’ont ainsi entraîné que de faibles performances (3) . la productivité des cultures africaines n’a que très peu évolué depuis 1970 (voir graphique 3), contrairement à la produc-tivité asiatique : entre 1970 et 1990, la produc-tivité des cultures de céréales a augmenté de 61% sur le continent Asiatique, contre 25% sur le continent Africain.

Dangereuses limites

très rapidement, certains indicateurs ont ce-pendant souligné les limites de la révolution Verte. ces cinquante dernières années, l’activité humaine a bouleversé l’équilibre précaire qui existait entre exploitation agricole et sauve-garde des écosystèmes. malgré les mesures cor-rectives, la mise en compétition des différentes agricultures mondiales pendant les années 90 a exercé une forte pression économique sur les agriculteurs. les impératifs de rentabilité ont poussé les agriculteurs à l’utilisation massive d’intrants et à défricher les forêts pour augment-er les surfaces arables. En 1994, dans le Punjab, région indienne marquée par vingt ans de ré-volution Verte, les rendements ont brutalement cessé d’augmenter. les sols présentaient un taux de salinisation excessif dû à l’excès d’utilisation des eaux d’irrigation. A ces problèmes d’ordre technique s’ajoutent des problèmes environne-mentaux dus à la surexploitation des ressources: baisse du niveau des nappes phréatiques, pol-lution des eaux par les pesticides et destruction de la biodiversité. Au cours des 50 dernières années, la base de ressources naturelles dont dépend l’agriculture a diminué plus rapidement qu’à aucun autre moment de l’histoire : avec l’implantation des monocultures uniformes, c’est 75% du patrimoine génétique des plantes qui a été perdu, tandis qu’1.9 milliards d’hectares de terres arables sont touchés par la dégrada-tion des sols. la carte ci-contre illustre parfaite-ment les conséquences de l’utilisation massive d’intrants sur les terres arables des pays ayant massivement employé les techniques de la ré-volution Verte (Etats-unis, inde, Vietnam thaï-lande, chine, turquie…).

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A l’échelle sociale, certains groupes n’ont pas profité du produit de la révolution Verte. il s’agit des agriculteurs les plus pauvres, notamment les femmes. En effet, la révolution Verte a accru le besoin en main d’œuvre qui a souvent été sat-isfait par une main d’œuvre féminine non ré-tribuée à qui étaient confiées les tâches les plus ingrates (sarclage, repiquage, moisson). Pendant la révolution Verte, seulement 9% des femmes travaillant en milieu agricole ont reçu une assis-tance au développement (4) . le terme même de « révolution » peut paraître usurpé tant les ag-riculteurs ont été peu acteurs des changements de pratiques qui leur ont souvent été imposées « d’en haut », des solutions uniformes ont été appliquées sans égards pour les particularités locales. les mêmes « effets secondaires » de la révolution Verte se sont fait ressentir sur tous les terrains où elle a été appliquée. Si le modèle de la révolution Verte a été utile, il est aujourd’hui périmé, voire dangereux : il se révèle incapable d’accroitre les rendements sur le long terme et menace désormais de détruire définitivement les écosystèmes où il est appliqué.

La Révolution Doublement Verte : la nécessité d’une alternative pour l’Afrique

les pratiques agricoles « conventionnelle » ne sont plus à la hauteur des enjeux hu-mains, alimentaires et écologiques induits par une population mondiale de bientôt 9 milliards d’habitants. les tenants d’une révo-

lution Doublement Verte (5) proposent une alternative bienvenue au scénario apocalyp-tique d’une famine mondiale : « plus qu’un simple changement technique, ce qu’il faut c’est un changement total de logique »(6). la question d’un nouveau modèle agricole se pose avec acuité pour l’Afrique, relative-ment épargnée par la première révolution Verte et dont l’agriculture reste aujourd’hui majoritairement traditionnelle. la qualité des sols, la généreuse pluviométrie de certaines de ses régions ainsi que les leçons tirées des expériences étrangères donnent aujourd’hui à l’Afrique l’extraordinaire opportunité d’inventer son propre modèle agricole pour répondre aux défis de sécurité alimentaire qui la menace.

Une Révolution Ecologique et Rentable : agro écologie et agriculture paysanne

le challenge s’avère difficile à relever. il s’agit désormais d’inventer un modèle de production agricole qui soit à la fois rentable et écologique. En effet, pour répondre aux défis des prochaines années, il faut que la prochaine révolution Verte soit deux fois plus productive que la précéden-te et ce alors que la surface des terres arables disponibles n’augmentera pas. De plus, il fa-udra impérativement privilégier une approche écologique, afin de préserver des ressources qui nous sont vitales. Selon les agronomes michel griffon et gordon conway, il s’agit désormais

Source : FAo

indice de la dégradation des sols en %

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d’utiliser le fonctionnement des écosystèmes comme base pour les techniques de production. les intrants artificiels ne devraient être utilisés qu’en cas d’absolue nécessité. une révolution Doublement Verte s’appuierait ainsi sur le savoir-faire traditionnel des paysanneries du monde en-tier, tout en utilisant les innovations écologiques modernes qui permettent de maîtriser les cy-cles nutritifs, de privilégier la lutte biologique contre les nuisibles à la place de la lutte chimi-que. il s’agit également de favoriser la synergie des cultures. contrairement aux monocultures au cordeau qui exposent les écosystèmes aux prédateurs et aux maladies, la synergie des cul-tures (comme l’agroforesterie, rend les écosys-tèmes beaucoup plus résilients aux chocs exté-rieurs (maladies, aléas climatiques…) et, à long terme, augmente la productivité. En intensifiant les fonctions naturelles d’un écosystème il se-rait possible d’atteindre sensiblement le même niveau de productivité que dans les structures agricoles conventionnelles. Ainsi, selon halberg (2006), « l’agriculture biologique pourrait gran-dement contribuer à améliorer la sécurité ali-mentaire en Afrique Subsaharienne ».

En effet, après l’examen de plus de 200 études menées aux Etats-unis et en Europe, Per Pinstrup Andersen (World Food Prize) a conclu que le ren-dement de l’agriculture biologique atteint environ 80% du rendement de l’agriculture convention-nelle. Dans les pays pauvres menacés par la famine, cet écart de rendement disparaît complétement.

les chercheurs rachel hine et Jules Pretty (Es-sex university) ont découvert que sur plus de 200 projets agricoles dans les pays en voie de dével-oppement (concernant 9 millions de fermes et 30 millions d’hectares), le rendement de l’agriculture biologique atteignait en moyenne 93% du rende-ment conventionnel. Enfin, l’agriculture biologique dans les zones à faible rendement implique moins de risques économiques pour l’agriculteur qu’une agriculture conventionnelle basée sur l’achat régu-lier d’engrais et de semences qui pousse les fermes à l’endettement. il s’agit donc désormais d’investir massivement dans une agriculture paysanne, de petite taille, respectueuse de l’environnement qui, à terme, obtiendra un rendement plus stable que celui de l’agriculture conventionnelle ou des bio-technologies qui ont épuisé les sols et fait courir des risques inconsidérés à la santé humaine

Une Révolution Sociale : réhabiliter les agri-culteurs

Enfin, l’avenir de la biosphère dépendant en partie des gens qui cultivent la terre, la future révolution verte se doit d’avoir une finalité so-ciale. Aujourd’hui, les trois quarts des pauvres de la planète vivent en milieu rural. Poussés par la misère, les ruraux sont souvent forcés d’utiliser des techniques de production qui consomment des ressources sans les renouvel-er (déforestation, braconnage). Pour préserver l’environnement, il faut ainsi impérativement sortir les agriculteurs de la pauvreté (formation

très Préoccupant

Pays en Situation d’insécurité alimentaire (2012)

Alarmant Sérieux modéré bas n.D. Pays developpés

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à des techniques « vertes », subventions des équipements…). la première révolution Verte a largement favorisé les urbains pauvres, dans la mesure où le prix de la nourriture a été divisé par deux. Au contraire, les nombreuses régions rurales qui ont gardé leur environnement tra-ditionnel n’ont pas profité de cette révolution et ont, en outre, vu le prix de leurs produits di-minuer. A ce titre, l’agriculture biologique pour-rait receler d’importants avantages sociaux. une récente étude du Fonds international pour le Développement Agricole notait « qu’en raison de son besoin élevé en main d’œuvre, l’agriculture biologique pouvait se révéler par-ticulièrement efficace pour redistribuer les res-sources dans les régions où la main d’œuvre est sous employée ». Dans tous les cas, la future révolution verte doit nécessairement s’inscrire dans une logique durable, il s’agit de penser global et d’agir local. il ne doit pas s’agir d’un modèle figé, il doit au contraire proposer une grande diversité de solutions adaptables aux situations locales. il est ainsi impératif de re-cueillir le savoir agronomique des agriculteurs, et de le combiner aux innovations écologiques plutôt qu’appliquer verticalement et uniformé-ment des biotechnologies tout droit sorties des laboratoires occidentaux.

Une Révolution Economique : l’Afrique doit reconquérir sa souveraineté alimentaire

il apparaît aujourd’hui clairement que la mon-dialisation a détruit l’équilibre alimentaire af-ricain. En 1980, le continent était en situation

d’autosuffisance alimentaire. cependant, et sous la pression des institutions internationales (Fmi, World bank, omc) de nombreux pays af-ricains ont été forcés d’adopter des politiques d’ajustements structurels. ces politiques re-streignent toutes les subventions et aides de l’Etat à même de distordre la libre concurrence. la souveraineté alimentaire pour laquelle mili-tent les mouvements paysans du monde entier ne jouit d’aucune reconnaissance supérieure à celle de règles commerciales, alors que les crises alimentaires observées depuis 2008 au-raient dû conduire les gouvernements à ac-cepter le droit à la protection et au développe-ment des agricultures paysannes dans les pays les plus vulnérables. Pourtant l’Accord de l’omc sur l’agriculture, l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires et l’Article XVi de l’accord du gAtt y font légalement obstacle (7) . Dans le même temps, 38% des distorsions commerciales mondiales sont dues à l’uE et 16% aux uSA tandis que 70% des tarifs et des subsides désavantagent les fermiers des pays émergents. les uSA et l’uE entendent préserver le droit de soutenir leurs agricultures par des mesures complexes (soutiens à la production, tarifs douaniers…) tandis qu’ils refusent ce droit aux pays pauvres. l’agriculture étant si vitale pour la stabilité d’un pays, doit-elle rester une monnaie d’échange comme une autre dans les accords de l’omc ?

Si des prix bas pour les importations de pro-duits de base peuvent avantager les consom-mateurs pauvres des pays en développement,

Vue sur le Panel consacré à la Sécurité Alimentaire lors des mEDays 2013

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les importations à des prix inférieurs aux coûts de production locaux (dumping) détruisent les cultures vivrières, empêche la création d’emplois et découragent l’investissement national dans l’agriculture. Si l’ouverture des marchés agri-coles nationaux à la concurrence internationale a pu accroitre le Pib global de certains pays en développement, « l’agriculture paysanne dans les pays en développement les plus pauvres est la perdante nette de la plupart des scénarios de libéralisation » (8) . Ainsi, les mécanismes pub-lics en place pour développer l’agriculture afric-aine (infrastructures, revenu minimum pour les agriculteurs, garantie du niveau des prix…) ont cessé d’exister. comme l’a rappelé l’ancien Pre-mier ministre de centrafrique martin ziguele aux mEDays, le financement de la plupart des agricultures africaines n’est plus assuré par l’Etat mais repose en totalité sur les promesses des in-stitutions internationales. En outre, l’octroi de ce financement dépend d’un accord des Etats avec le Fond monétaire international. Dès qu’un choc met à mal cette relation, le financement prévu pour la planification agricole disparaît. les pays africains n’ont ainsi qu’une marge de manœuvre limitée pour assurer leur sécurité alimentaire et leur planification agricole est soumise à leurs bonnes relations avec les bailleurs de fonds in-ternationaux, qui leur impose toujours plus d’ouverture à la concurrence internationale. comment mener une politique agricole sur le long terme dans ces conditions ?

l’Afrique est dépossédée de sa souveraineté ali-mentaire dans la mesure où les Etats, sans parler des agriculteurs eux-mêmes, sont très rarement à même de choisir la politique agricole qui se-rait la plus adaptée à leur pays. le continent fait même souvent office de cobaye pour les expéri-mentations agricoles venues de l’étranger. En ef-fet, profitant de la faiblesse des régulations, des multinationales de l’agro-alimentaire cherchent à implanter l’usage des ogm et la pratique des grandes exploitations agricoles occidentales en Afrique, érigée comme solution miracle pour ré-gler le problème de la faim. l’Alliance for a green revolution in Africa (AgrA), financée par les fon-dations bill gates et rockefeller fait du lobbying pour inciter nombre de pays africains à adopter les semences brevetées, les engrais, les pesticides et les méthodes agricoles des multinationales. les travaux de marie-Dominique robin (9) ont en effet révélé le terrible échec de l’exploitation du coton ogm en inde. le coton bt est une variété de coton génétiquement modifiée censée géné-rer son propre insecticide, réduire les dépenses en pesticide et augmenter le rendement. le résu-

ltat a été tout inverse. les plants se sont révélés moins résistants aux maladies et aux nuisibles que des plants traditionnels. les plans de cotons transgéniques ont ainsi dû être traités aux pes-ticides, entraînant des surcoûts importants pour les agriculteurs, et provoquant une vague de suicide de paysans ruinés. Vandana Shiva estime que 284 000 paysans ont été poussés au suicide depuis 1995 par la dépression et la honte de la dette, alors que le chiffre d’affaire de monsanto en inde s’élève à 200 millions de dollars annuels (10). cette tragédie illustre le contrôle par les multinationales du marché des semences. grâce à un système de brevet, les grandes industries agroalimentaires peuvent encaisser des royal-ties sur les productions agricoles ogm, et forcent les agriculteurs à racheter chaque année des semences stériles, des engrais et des pesticides. comme l’affirme Vandana Shiva, la première ré-volution Verte dirigée par le secteur public s’est faite au détriment de certaines catégories de la population mais avait cependant pour objec-tif principal d’assurer la sécurité alimentaire. Au contraire, ce qu’elle qualifie de Seconde révolu-tion Verte, c’est-à-dire l’invasion des semences transgéniques dans l’agriculture mondiale, n’a que le profit pour objectif.

Si l’Afrique prend le chemin des biotechnolo-gies et des ogm comme l’y incite AgrA, alo-rs le continent tout entier risque de vivre à son tour l’expérience indienne. Pour contrer cette logique destructrice, il est nécessaire de définir des mesures politiques fortes pour ne pas tomber à la merci des spéculateurs. la première préoccupation de la société civile africaine est la souveraineté alimentaire. il faut favoriser la pro-duction d’une nourriture locale, une nourriture traditionnelle et écologique, au lieu d’importer aveuglement des produits que l’on sait cultiver sur place. il s’agit désormais de sécuriser les semences de la contamination transgénique. l’Afrique doit également pouvoir compter sur sa propre production agricole pour nourrir sa pop-ulation future. Pour ce faire, il s’agit également de sortir les denrées agricoles des accords com-merciaux internationaux et autoriser l’Afrique à subventionner son agriculture. l’Afrique doit également pouvoir compter sur des fonds sta-bles de la communauté internationale pour at-teindre cet objectif.

Réussir la Révolution Doublement Verte

la révolution Doublement Verte doit être en-clenchée sans délai. cependant, ce changement est inconcevable s’il n’est pas encouragé, car il

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doit pouvoir se permettre de dépasser les im-pératifs de rentabilité à court terme. S’il est dans l’intérêt des fermes de préserver leurs ressources à long terme, comment faire lorsque l’impératif de compétitivité demande des performances immédiates, et lorsque les acteurs qui pro-duisent le moins écologiquement font chuter le prix des produits agricoles ? De même, comment expliquer que 4 millions de tonnes de nourri-ture soient distribuées chaque année dans un cadre humanitaire alors même que le montant des programmes pour réduire la faim de façon chronique ne font que baisser ? Sur quels acteurs doit s’appuyer le changement ? Quelle politique mener pour préserver les biens publics que sont les écosystèmes ?

Quel rôle pour la communauté internationale ?

il est déplorable que la place de la sécurité ali-mentaire dans l’agenda international soit si faible. beaucoup de conflits qui déstabilisent l’Afrique ont des origines beaucoup plus simples que les explications ethnico-religieuses habitu-ellement avancées. De nombreux conflits sont avant tout des guerres de la terre, des régions qui se dégradent, des éleveurs qui migrent vers des terres plus fertiles, qui y introduisent des armes et qui y créent des conflits. la hausse des prix du blé a notamment été un facteur d’importance dans le déclenchement des printemps arabes (11), comme dans les conflits en Ethiopie (1984), en rDc (1998), en Somalie (2011) et au niger (2012).

Alors même que cet enjeu est vital pour des millions de personnes, aucun engagement, au-cune direction n’est fixée au plus haut sommet. Aucune stratégie globale n’a été proposée et débattue, aucun engagement contraignant n’a

été pris par la communauté internationale, ce qui empêche les acteurs nationaux et sub-natio-naux de s’accorder et de prendre des mesures. la sécurité alimentaire souffre aujourd’hui du manque de leadership au sommet. il est plus que nécessaire d’instaurer un cadre politique, lé-gal et financier au plus haut niveau pour régler le problème de la faim. l’impulsion doit être poli-tique et se compléter par un cadre juridique. les engagements pris en multilatéral doivent être sanctionnés par un traité, sur le modèle du pro-tocole de Kyoto, impliquant des mesures coer-citives en cas de manquement. il faut également définir un cadre légal clair pour réguler les mul-tinationales de l’agroalimentaire. De même, il est impératif de renforcer la coopération régionale en Afrique, entre régions excédentaires et défici-taires. De même, il s’agit de prendre conscience que l’Afrique ne pourra pas assurer sa sécurité alimentaire si les pays vivriers du nord continu-ent à écouler leurs excédents sur ses marchés et à concurrencer son agriculture. Aujourd’hui, au ghana, les importations rizicoles menacent toute la production intérieure qui est pourtant de bien meilleur qualité nutritionnelle. De même, la ré-publique Démocratique du congo dispose de 801 millions de terres arables et reste importa-teur net de produits agricoles. Enfin, l’aide ali-mentaire gracieusement délivrée aux régions en situation de famine n’a d’aide que le nom. Elle ne constitue qu’un autre moyen d’écouler une sur-production occidentale, alors que les ressources employées pour acheminer cette aide auraient aisément pu être utilisées pour transporter la nourriture d’une région africaine excédentaire à la zone déficitaire.

Quel rôle pour l’Etat dans la Révolution Dou-blement Verte ?

les besoins de financement pour une nouvelle agricul-ture s’élèvent à 30 milliards de dollars par an. outre le sout-ien à l’agriculture biologique, les chantiers sont multiples et passent notamment par la construction de nouvelles in-frastructures, routes et lieux de stockage. En effet, selon Jacques Diouf, « 30 à 40 % des récoltes sont détruites par manque d’infrastructures ». il rejoint ici ngozi okonjo-iweala, ministre des Finances du nigéria qui remarque qu’ « au moins 50 % de la nour-

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riture africaine récoltée à travers le continent est gâchée par l’incapacité des fermiers à met-tre leurs produits sur le marché ». le graphique 4 illustre la corrélation entre sécurité alimentaire et infrastructure. le nombre d’infrastructures de transport à un effet direct sur le développement et la sécurité alimentaire d’un pays, les infra-structures de transport permettant notamment de transporter des vivres d’une province à l’autre en cas de pénurie alimentaire. En inde, chaque million de roupies dépensé dans la construc-tion de routes rurales pendant les années 1990 avait pour effet direct de sortir 880 personnes de la pauvreté (12) . Au contraire, au cours des 30 dernières années l’investissement dans le do-maine agricole n’a cessé de diminuer.

En Afrique subsaharienne, le stock de capital disponible par travailleur agricole, indicateur es-sentiel pour mesurer la productivité d’une agri-culture, a diminué de 0.6 % par an depuis 1980. De même, la part de l’agriculture dans l’aide publique au développement, de 8% dans les années 1980, est passée à 5% en 2007 et s’élève aujourd’hui à 3%, ce qui est nettement insuffisant pour répondre à l’augmentation prévue de la de-mande en produits agricoles. les responsables politiques ont la tâche de créer des conditions économiques favorables pour les agriculteurs qui restent les plus grands investisseurs du sec-teur. les agriculteurs doivent pouvoir accéder à un marché clair et juste, bénéficier de l’assurance de vendre leurs produits à un prix fixe et d’être formés aux nouvelles technologies. De plus, une réforme agricole nécessite un investissement hu-main et financier considérable dans le domaine de la recherche et du développement. c’est

également aux services nationaux de faire l’effort de vulgarisation qui encouragera les ong, les médias et les industries agroalimentaires à sen-sibiliser les exploitants à de nouveaux usages. D’un point de vue économique, cela peut être considéré comme un investissement, la conser-vation des ressources étant un facteur essentiel de compétitivité à long terme et il est acquis que l’investissement public dans l’agriculture peut at-teindre des taux de rentabilité de 40 à 50% (13).

l’Etat doit également assumer ses responsa-bilités en termes d’investissement dans les infrastructures (transport, eau, énergie) et d’aménagement du territoire. chaque pays menacé par la faim devrait avoir un plan na-tional de sécurité alimentaire, fixant de manière institutionnelle un pourcentage obligatoire d’investissement dans l’agriculture. Si l’Etat ne dispose pas des fonds nécessaires pour les investissements lourds, il s’agit désormais de trouver de nouveaux mécanismes pour financer les infrastructures, notamment en développant les partenariats public-privés. Par exemple, le Plan maroc Vert (2008) a mis en avant la notion d’agrégateur. Dans ce cadre, l’Etat se charge d’intervenir au niveau réglementaire, de lisser la volatilité des prix et de mettre en place des mécanismes de solidarité pour dédommager les petits agriculteurs en cas d’aléas, tandis que l’opérateur privé s’occupe de la transformation, de la logistique et de la commercialisation des produits agricoles, ce qui est un moyen pour les petits agriculteurs d’accéder au marché, aux intrants et aux nouvelles technologies. l’Etat met en place un écosystème de gouvernance où l’administration joue le rôle d’arbitre entre

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les petits producteurs et de grands opérateurs privés par le biais d’un mécanisme de concer-tation et de dialogue qui évite la confrontation frontale entre les agriculteurs et l’entreprise. ce système peut ainsi être générateur de marché pour les petits producteurs.

l’agriculture peut à la fois enrichir un environne-ment ou le détruire. Si l’humanité détruit les terres sur lequel repose son développement futur, cela pourrait menacer sa survie, dans la mesure où aucune technique humaine ne pourra jamais remplacer le cycle naturel qui renouvelle les ressources agricoles. Alors qu’un changement radical de pratiques serait nécessaire pour éviter le scénario apocalyptique d’une pénurie de den-rées ou d’une mainmise totale des multination-ales sur les stocks de semences et d’intrants, les changements semblent longs à venir. il s’agit désormais de protéger la viabilité économique des fermes biologiques, de récompenser les pra-tiques agricoles durables non récompensées par le jeu du marché, et de développer des solutions scientifiques et technologiques pour un nouveau type d’agriculture. ce changement n’aura pas lieu sans un investissement massif d’argent pub-lic dans le secteur agricole. ce changement de paradigme nécessite également une évolution important de mentalité des consommateurs. En effet, au nord, ceux-ci réclament de plus en plus des produits de bonne qualité mais refusent la plupart du temps de payer les coûts additionnels que suppose ce mode de production. Selon Xavi-er Poux (14), la profonde mutation qui mènerait à un système agricole performant dépend en dé-finitive de « l’intégration de normes environne-mentales dans le comportement des citoyens ».

Notes:

1 - l’économiste anglais thomas malthus (1766-1834) est connu pour son analyse de l’écart entre une hausse expo-nentielle de la population et une hausse arithmétique de la production agricole et le risque de famine qui s’ensuit. ce schéma a été contredit par les gains de productivité de l’agriculture moderne mais le problème soulevé ré-émerge à chaque hausse de la population mondiale.

2 - Franz Fanon, les Damnés de la terre, 1961, réed. 2002, la Découverte.

3 - michel griffon « révolution Verte, révolution Double-

ment Verte Quelles technologies, institutions et recherche pour les agricultures de l’avenir ? », mondes en développe-ment

4 - Vandana Shiva, Staying Alive : Women, Ecology and De-velopment, 1989, zed brooks

5 - le terme de révolution Doublement Verte a été in-venté par g. conway en 1994 et désigne une « agricul-ture hautement productive […] qui permettra de satis-faire les besoins mondiaux tout en étant respectueuse de l’environnement […] et qui sera basée sur l’équité, de façon à réduire la pauvreté, la faim et la malnutrition ». m. griffon, nourrir la planète, p.12

6 - michel griffon, Evergreen revolution, 2006

7 - Amélie canonne, ministérielle de bali: pourquoi faut-il en finir avec l’omc?, mediapart, 2013

8 - international assessment of agricultural knowledge, science and technology for development: global report. Washington: iAAStD, 2009

9 - marie-Dominique robin, le monde selon monsanto, 2008, la Découverte

10 - http://mouvementsansterre.wordpress.com/

11 - use your loaf: why food prices were crucial in the Arab spring, the guardian, 17 juillet 2011

12 - g. conway, one billion hungry? can We Feed the World?, comstock Publishing, 2012

13 - international assessment of agricultural knowledge, science and technology for development: global report. Washington: iAAStD, 2009

14 - Agriculture, environnement, territoire : quatre scénar-ios à l’horizon 2025. groupe de la bussière, 2006.

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A l’horizon 2015, les pays émergents représenteront 62% de la croissance globale et 60% du Pib mon-dial. il est attendu que les fruits de cette croissance sortiront 3 milliards de personnes de la pauvreté et qu’une large classe moyenne moderne, consomma-trice et majoritairement urbaine s’imposera progres-sivement dans les pays émergents. l’amélioration du salaire par ménage et du confort de vie entraînera ainsi d’ici à 2030 une augmentation de 40% de la demande globale d’énergie, selon l’Agence interna-tionale de l’Energie (AiE). cette demande proviendra essentiellement des pays du Sud. cette drastique augmentation s’inscrit dans un contexte écologique inquiétant. les premiers symptômes du change-ment climatique sont déjà perceptibles dans la ré-pétition toujours plus fréquente de sécheresses, de famines et d’inondations. ces catastrophes ont des coûts économiques et humains importants, en par-ticulier pour les pays du Sud, et notamment pour l’Afrique durement frappée par les conséquences du changement climatique. Paradoxalement, les prévi-sions indiquent que la production énergétique qui viendra répondre à cette hausse de la demande en énergie proviendra majoritairement de ressources traditionnelles, non renouvelables et polluantes, tel que le charbon, le gaz, le nucléaire et le pétrole, au détriment des énergies renouvelables.

Alors qu’aujourd’hui 1,3 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à l’énergie, majoritairement en

PolitiQuES EnErgEtiQuES globAlES : VErS unE nouVEllE DonnE EnErgEtiQuE ?

Afrique subsaharienne et en Asie, comment ré-duire les émissions de gaz à effet de serre, tout en répondant aux impératifs de développement et aux besoins énergétiques des pays en développement ?

Enjeux énergétiques mondiaux

les chocs pétroliers successifs des années 1970 ont souligné la dépendance économique des pays développés à des ressources fossiles finies, pétrole, gaz et charbon, sur lesquelles ils ont basé la quasi-totalité de leur production. la raréfaction, le coût écologique ainsi que l’instabilité des pays produc-teurs de ces ressources entraîne progressivement la hausse du prix de l’énergie et augmente ainsi les coûts de transport et de transformation des produits de toute sorte. Si ce modèle a permis d’enregistrer une croissance soutenue pendant des décennies, il apparaît clairement qu’il ne soit pas soutenable à long terme. cependant, il semble que les énergies renouvelables resteront en minorité dans le mix énergétique mondial pour les décennies à venir.

Menaces climatiques et impératifs de dével-oppement

le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (giEc) prévient que, nonob-stant les tentatives actuelles de réduire les émis-sions de co2, nous connaitrons avant la fin du siècle,

EnVironnEmEnt Et DEVEloPPEmEnt DurAblE

Par Antonin Dupin

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une hausse entre 1.5°c et 4,5°c de la température globale. les experts préviennent qu’une hausse de la température mondiale de plus de 2°c entraînera fatalement des catastrophes naturelles extrêmes, tandis que l’acidification des océans provoquée par les émissions de co2 aura pour effet immédiat de nous priver de toutes ressources halieutiques. la consommation de l’intégralité des réserves d’énergie fossile disponibles dans le sous-sol entrainerait une hausse de la température bien plus importante que ce « plafond » au-delà duquel le monde connaitra d’importantes perturbations climatiques.

De plus, selon les prévisions de l’AiE, les politiques de réduction des émissions de carbones mises en place par les pays développés seront insuffisantes pour réduire les émissions globales de co2. En effet, les pays émergents, notamment la chine et l’inde, vont augmenter leurs émissions de manière significative afin d’atteindre leurs objectifs de développement. le graphique 1 à côté indique notamment que la hausse des émissions attendues pour la seule chine à l’horizon 2035 dépasse de loin les objectifs de ré-duction du reste du monde.

De plus, il est attendu que les pays émergents et en voie de développement (PVD) augmentent leur consommation d’énergies non renouvelables pour répondre à la hausse continue de leur demande. Sur le graphique 2 ci-après, on constate que la hausse attendue de la demande de pétrole en chine et en inde sera bien supérieure aux objectifs de réduction de consommation dans le reste du monde. les pré-visions de consommation d’autres sources d’énergie non renouvelables, comme le nucléaire et le char-bon, sont similaires. ces énergies fossiles sont plébis-citées par les pays émergents en raison de leur prix. En effet, et bien que les centrales à charbon soient

responsables de 20% des émissions globales de co2, cette ressource coûte en moyenne six à douze fois moins cher que le pétrole ou le gaz pour la pro-duction d’électricité, ce qui représente un atout im-portant pour un pays en développement

ces prévisions soulèvent cependant de nombreuses interrogations. les impératifs de développement justifient-ils le recours à des énergies nuisibles à l’environnement et la santé humaine ? le rapport entre développement et changement climatique se pose avec acuité en chine où quelques années d’une croissance soutenue par l’exploitation des énergies fossiles ont dévasté les écosystèmes. l’air des villes est devenu irrespirable, tandis que l’eau des rivières est impropre aussi bien à la consommation humaine qu’à l’irrigation agricole. En parallèle, des millions de paysans chinois restent pauvres et nécessitent une électricité bon marché afin de sortir de la précarité énergétique et d’accéder au développement. il s’agit à présent pour la chine, premier pollueur mondial, de trouver un nouveau modèle pouvant adresser

20102035

Evolution dEs émissions dE Co2 par région sElon lE nEw poliCiEs sCEnario, 2010 Et 2035

Vue du début de la session sur les politiques energetiques globales

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simultanément les impératifs environnementaux et de développement.

l’urgence de la situation invite la communauté internationale à prendre des mesures drastiques. il est cependant très difficile de trouver un accord sur le climat dans un cadre multilatéral, comme le prouve l’échec de la conférence de copenhague en 2009. Dans le cadre des mEDays 2013, l’ancien Secrétaire Exécutif de l’unFcc, Yvo de boer a rap-pelé le manque de confiance latent dont souffrent les relations internationales et qui empêche les gouvernements de sauter ensemble le pas de la transition énergétique, de peur du déclassement économique. la responsabilité de chaque région dans le changement climatique constitue égale-ment un autre point de discorde. Etant entendu l’importance de la consommation énergétique des pays émergents, l’effort de réduction des gaz à ef-fet de serre pour les prochaines décennies reposera à plus de 70% sur les pays du Sud, ceci alors même que les pays développés ont contracté une dette climatique à leur égard. Durant leur processus de développement, les pays riches ont en effet surex-ploité l’environnement et les ressources naturelles, en pillant généralement les ressources naturelles des pays pauvres. les pays émergents se retrou-vent donc héritiers d’un environnement dégradé par le développement du nord, avec en outre la responsabilité de réduire leurs émissions tout en assurant leur développement. cette base de négo-ciation biaisée explique en partie les difficultés que rencontre la régulation climatique au niveau mul-tilatéral.

L’émergence des énergies renouvelables

Face à ces défis, de nombreux pays s’interrogent sur la façon de rendre leur développement soutenable à la fois pour leur économie et pour l’environnement : c’est l’idée d’une «croissance verte». l’investissement massif dans les énergies renouvelables et les in-frastructures « vertes » pourrait créer des milliers d’emplois et relancer la croissance tout en réglant les problèmes d’approvisionnement énergétique. Paradoxalement, les énergies renouvelables sont aujourd’hui en minorité dans le bouquet énergé-tique mondial et, aujourd’hui, seulement 0.3% de l’électricité mondiale provient de l’énergie solaire. Selon le graphique 3 à côté, les énergies renouvelab-les ne représenteront que 30% du mix énergétique mondial à l’horizon 2035, contre 20% aujourd’hui. il faut cependant noter que les projections de l’Agence internationale de l’Energie ne prennent pas en compte de potentiels phénomènes de disrup-tion, c’est-à-dire les potentielles réactions imprévues du système énergétique mondial en cas de crise non planifiée. l’exemple du Japon prouve en effet avec quelle rapidité un pays peut sortir du nucléaire après une grave crise écologique. l’exemple allemand confirme également l’impact positif d’une stratégie économique de long terme et d’une volonté poli-tique de sortir de la dépendance au nucléaire et aux énergies fossiles. En plus de de la redynamisation de l’économie rendue possible par l’ouverture de nouveaux marchés, le développement des énergies renouvelables allège la dépendance des pays con-cernés aux importations étrangères et à la volatilité des prix de l’énergie, ce qui représente un atout stra-tégique important.

Evolution de la demande en pétrole par région selon le new Policies Scenarioin

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Comment favoriser le développement des éner-gies renouvelables ?

cependant et malgré leurs nombreux avantages, les énergies renouvelables représentent un défi technique et financier. Dans un contexte de crise économique, le secteur privé hésite à financer un in-vestissement de si long terme sur un marché récent comportant des risques élevés. Quant au secteur public, de nombreux Etats appliquent des politiques d’austérité et refusent d’investir tant que les finances publiques ne sont pas revenues à l’équilibre. Enfin, il semble impensable de faire reposer la transition énergétique sur le seul citoyen-consommateur. il s’agit désormais d’inventer des outils innovants pour financer les infrastructures énergétiques nécessaires à un développement durable.

Un défi géographique et technique

Dans un premier temps, le développement des énergies renouvelables représente un défi tech-nique dû à la nature même de la source d’énergie. le vent et le soleil sont des énergies intermittentes, dans la mesure où elles ne sont pas disponibles en quantité égale tout au long de l’année. Si le vent ne souffle pas ou si le soleil ne brille pas, il peut s’avérer difficile de répondre à une demande énergétique continue. De même, l’énergie hydraulique produite par les barrages est volatile et dépend des saisons et de la pluviométrie. le premier défi des énergies renouvelables réside donc dans le stockage de l’énergie accumulée (baseload power) qui nécessite des technologies innovantes et un investissement dans les infrastructures. les énergies renouvelables posent également un problème géographique : contrairement à une centrale à charbon qui fonc-

tionnera partout de la même façon, la production d’électricité renouvelable est intimement liée à sa situation géographique. l’usine renault de tanger n’est par exemple liée à aucun réseau électrique et consomme exclusivement l’énergie produite par les éoliennes avoisinantes, alimentées en permanence par un vent puissant et régulier. cette solution ne sera pas nécessairement transposable dans une au-tre ville marocaine. Enfin, les énergies renouvelables ne produisent pour l’instant que de l’électricité, et pas du carburant. Au niveau mondial, le secteur des transports est entièrement dépendant des énergies fossiles dans la mesure où tous les véhicules (avions, camions, voitures) fonctionnent au pétrole liquide. les énergies renouvelables ne pourront peser dans la balance économique et géopolitique uniquement si le secteur du transport se transforme radicalement (généralisation de la voiture électrique ou des bio-carburants…), sans quoi la machine économique restera dépendante des énergies fossiles.

le développement des énergies renouvelables se heurte également à une incertitude sur le modèle à adopter. Faut-il favoriser les investissements vers de grands projets, d’immenses parcs solaires dans le désert ou au contraire favoriser la décentralisa-tion des énergies renouvelables en invitant les cit-oyens à se les approprier, et en privilégiant les initia-tives coopératives, voire individuelles ? l’entreprise néerlandaise Windcentrale propose par exemple à des ménages d’acheter des « parts de vent », c’est-à-dire d’investir collectivement dans l’achat d’une éolienne. l’électricité produite par cette éolienne est directement distribuée à ses propriétaires qui se rendent ainsi indépendant des réseaux traditionnels de distribution d’énergie. ce modèle a l’avantage d’éviter la problématique du financement et de ne

Part des énergies renouvelables dans la production globale d’électricité par région, selon le new Policies Scenario

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pas nécessiter de subvention d’Etat. A terme, il per-met également aux ménages de réduire leur facture énergétique. cependant, ce modèle ne peut fonc-tionner qu’au sein d’une société éduquée, riche et consciente du défi climatique.

Un défi financier ?

Enfin, et surtout, le développement des énergies re-nouvelables est un défi financier. les technologies renouvelables coûtent cher et nécessitent un inves-tissement de long terme avant de devenir rentable. le marché des énergies renouvelables est relative-ment récent et très fluctuant, les banques hésitent à prendre des risques, d’autant qu’il est très difficile de prévoir d’avance les projets rentables. les entrepri-ses sont confrontées à un milieu extrêmement com-pétitif où il s’agit de faire chuter les prix et où des em-pires se font et se défont rapidement (1) . l’industrie du photovoltaïque est particulièrement représenta-tive de cette instabilité du marché : de nombreuses entreprises du solaire ont été prises de court par l’arrivée des panneaux solaires chinois sur le marché et ont déposé le bilan, notamment le français Pho-towatt, les allemands Solon et Q cells (ancien leader du marché) ou encore l’américain Evergreen.

il s’agit cependant de noter que les calculs faits sur la rentabilité des énergies renouvelables sont souvent biaisés. les énergies fossiles sont 500 % plus subven-tionnés par le secteur public que l’éolien, le solaire ou la biomasse (2) . Selon l’AiE, le total des subven-tions publiques pour les énergies renouvelables a atteint 101 milliards de dollars en 2012, ces subven-tions prennent des formes diverses (subventions sur le tarif de rachat de l’énergie solaire, crédit impôt…) et permettent aux énergies renouvelables de deve-nir compétitives sur des marchés limités, comme en

Allemagne où l’énergie solaire est déjà compétitive avec le charbon. ces chiffres sont à mettre en per-spective avec les 193 milliards de dollars de subven-tions au secteur pétrolier, les 91 milliards de sub-ventions au gaz et les122 milliards de subventions accordées à l’électricité produite à partir d’énergies fossiles en 2010. ces subventions consistent es-sentiellement en des politiques gouvernementales visant à maintenir le prix final des carburants fossiles en-dessous du coût de l’approvisionnement. Selon les modèles de l’AiE, la suppression de ces subven-tions entrainerait une baisse notable de la consom-mation d’énergie fossile et ainsi une réduction très importante des émissions de co2. cependant, il est difficile de demander aux gouvernements de limiter des subventions qui servent également à sortir de la précarité énergétique les populations les plus pau-vres. De même, dans un système mondial de trans-port prisonnier des énergies fossiles, l’arrêt brutal des subventions aurait pour effet d’importantes par-alysies économiques et des désordres sociaux dus à l’augmentation des prix du carburant à la pompe.

le calcul fait sur la rentabilité des énergies renouve-lables oublie également les coûts environnemen-taux causés par l’extraction et l’exploitation des éner-gies fossiles. les méthodes d’extraction du pétrole ou du gaz de schiste (fracking) par exemple sont particulièrement polluantes et le coût environne-mental (pollution de l’eau, des sols, de l’air) et clima-tique (dérèglement, sécheresse, famine) ne sont pas pris en compte dans le prix final du baril. ce coût est supporté par les populations qui vivent près du lieu de production mais également par l’Etat qui voit entrer des recettes tirées de l’exploitation mais en paie également le coût, en termes de dégradation de l’agriculture, de la santé ou de l’environnement. De même, si l’on veut comparer la compétitivité

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des énergies renouvelables à celle du nucléaire, il s’agit de prendre tous les coûts en considération : notamment le prix du traitement des déchets et du démantèlement d’une centrale, ainsi que le prix du risque diplomatique et militaire impliqué par la pro-lifération du nucléaire, même civil, au niveau mon-dial. Ainsi, si l’on intégrait tous les coûts externes des énergies fossiles, tout en retranchant les subventions dont ce secteur bénéficie, l’industrie constaterait une perte de 40% de ses profits, due à l’impact que cette activité a sur les ressources naturelles. Dans ce contexte, il apparaît clairement que les énergies re-nouvelables sont compétitives et sûres.

Recommandations pour un développement du-rable

Ainsi, ce sont les conditions futures de perpétuation de la croissance économique, ainsi que la survie de l’humanité toute entière, qui sont aujourd’hui en jeu dans les politiques énergétiques globales. nous vi-vons actuellement la phase finale d’un modèle qui se meurt, tandis qu’un autre n’est pas encore né. il est désormais nécessaire d’inventer un nouveau paradigme, aussi bien pour revitaliser notre écono-mie que pour assurer la pérennité de la vie humaine sur terre. il n’y a finalement pas de modèle miracle pour assurer le développement des énergies re-nouvelables et le succès de chaque projet dépend largement du positionnement géographique et de la volonté des acteurs en place. il est probable que le modèle le plus prometteur repose sur la triangu-lation entre une intervention publique ciblée, un secteur privé innovant et un citoyen-consommateur investi et proactif. les énergies renouvelables con-stituent en effet un modèle alternatif au système dominant, il représente l’occasion pour les citoyens de s’investir et de faire des choix de consommation déterminants pour l’avenir de notre planète.

Concernant les politiques énergétiques globales, il s’agit :

• De prendre conscience à tous les niveaux de l’urgence écologique et des coûts environnemen-taux d’une stratégie business as usual • De faire preuve de volonté politique, d’instaurer la confiance dans les négociations cli-matiques, de s’inspirer des expériences étrangères, de comprendre les préoccupations des acteurs et de réaliser le potentiel économique de la transition énergétique• D’être raisonnable. les ressources disponi-bles dans le sous-sol ne doivent pas être utilisées si elles mettent en péril les conditions futures de notre développement• De s’engager en tant que citoyens pour peser

sur les décisions globales, de développer la coopéra-tion internationale de la société civile en matière de développement durable, ainsi que de respecter les responsabilités en terme de sobriété énergétique qui s’imposent à chacun de nous• De trouver une alternative aux énergies fos-siles dans le domaine du transport

Concernant le développement des énergies re-nouvelables, il s’agit :

• D’encourager un investissement public ciblé vers les secteurs les plus compétitifs en multipliant les mécanismes innovants. les pouvoirs publics ont également la responsabilité de mettre en place un cadre règlementaire et une stratégie de transition énergétique sur le long terme• De supprimer ou de réduire dans la mesure du possible les subventions aux énergies fossiles qui désavantagent les énergies vertes au profit des énergies polluantes• D’internaliser les coûts environnementaux dans le prix des énergies fossiles, ce qui permettra de donner une image réelle du danger de leur exploita-tion• D’inventer des modèles innovants, dé-mocratiques et participatifs qui pourront, au moins à l’échelle locale, assurer la transition énergétique

Notes

1 - le symbole du solaire mondial Q-cells en faillite, le Figaro, 02/04/2012

2 - ces milliards de subventions aux énergies fossiles, blog écol-ogie le monde, 20/01/2012

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grands thèmes - L’environnement et Le déveLoppement durabLe- L’économie- La gouvernance- La sécurité internationaLe- Le déveLoppement et La croissance

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médias nationaux & interna-tionaux présents

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Grand Prix MEDays

le grand Prix mEDays 2013 a été remis à l’occasion de la Vie édition du Forum à l’ancien Président par intérim de la république du mali, son Excellence m. Dioncounda traoré.

l’institut Amadeus a voulu ainsi saluer son parcours mais surtout son courage, sa patience et sa clairvoy-ance politique dont il a fait preuve, faisant de lui le personnage clé de la périlleuse période de transition qu’a affronté son pays, le mali.

résistant politique, intellectuel affirmé, m. traoré s’est distingué tout au long de sa carrière par des po-sitions claires à l’encontre de l’arbitraire de l’armée. cette répression ne l’a pas empêché de gravir un à un les échelons de l’Etat : plusieurs fois ministres, puis député, enfin président de l’Assemblée nation-ale : une poste à sa mesure pour mener le processus de démocratisation au mali, l’œuvre de sa vie.

Sa plus belle réussite aura indéniablement été de réunir en qualité de Président par intérim, dans des conditions très difficiles, l’ensemble des conditions nécessaires à l’organisation des élections reconnues comme libres et transparentes dans un environne-ment institutionnel encore précaire du fait de la crise politique et sécuritaire. Prix Initiative politique

En 2013, ce prix a été remis à mme mona makram Ebeid, figure connue de la scène politique égypti-enne pour son double combat : la condition fémi-nine ainsi que la reconnaissance et la représentativi-té de la minorité copte en Egypte.

En effet celle-ci représente plus de 12% de la popu-lation mais reste complétement absente de la vie politique, des postes de décision et au sein des in-stitutions. mme Ebeid est considérée dans son pays comme un des symboles de la lutte des tensions in-terreligieuses.

il s’agissait là de saluer son projet pour une Egypte démocratique, civile, moderne, égalitaire, un Etat basé sur le principe de citoyenneté

lES PriX mEDAYS 2013

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Directeur de la publication : Brahim fassi fihri - Président fondateurDirecteur de la rédaction : Talal salahdine - directeur Communication et stratégieRédacteur en chef et Réalisation graphique : amine amara - Coordinateur Général CaPRelecture : Xuan-dai Veret - directrice des Partenariats Gestion Administrative : Khadija ennahdi el Idrissi - responsable administrative et financière

Centre d’Analyses et de Publications (CAP) :Amine Amara Coordinateur GénéralSoraya Oulad Benchiba Coordinatrice de recherche / Pôle développement Jihane Jadrane Chargé d’étude / Pôle GouvernanceAntonin Dupin Chargé de Panel / environnement et développement durable

Auteurs : Brahim fassi fihri, Talal salahdine, amine amara, Xuan-dai Veret, soraya oulad Benchiba, Jihane Jadrane, antonin dupin

AutEurS Et éQuiPE AmADEuS

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