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KARL MARX - The Charnel-House · 2019. 3. 29. · Karl Marx an Maurice La Châtre, 18. März 1872 9 Maurice La Châtre an Karl Marx 10 Préface de la première édition 11 Livre premier

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  • KARL MARX FRIEDRICH ENGELS

    GESAMTAUSGABE (MEGA)

    Z W E I T E A B T E I L U N G

    „DAS KAPITAL" U N D V O R A R B E I T E N

    B A N D 7

    Herausgegeben vom Institut für Marxismus-Leninismus

    beim Zentralkomitee der

    Kommunistischen Partei der Sowjetunion

    und vom Institut für Marxismus-Leninismus

    beim Zentralkomitee der

    Sozialistischen Einheitspartei Deutschlands

  • KARL MARX

    LE CAPITAL

    PARIS 1872-1875 TEXT

    DIETZ V E R L A G BERLIN

    1989

  • Redaktionskommission der Gesamtausgabe: Günter Heyden und Georgi Smirnow (Leiter),

    Erich Kundel und Alexander Malysch (Sekretäre), Georgi Bagaturija, Rolf Dlubek, Heinrich Gemkow, Lew Golman,

    Michail Mtschedlow, Richard Speri

    Redaktionskommission der Zweiten Abteilung: Alexander Malysch (Leiter),

    Larissa Miskewitsch, Manfred Müller, Roland Nietzold, Hannes Skambraks, Witali Wygodski

    Bearbeitung des Bandes: Werner Krause (Leiter),

    Bernhard Henschel, Hans-Manfred Militz Gutachter: Irina Antonowa, Larissa Miskewitsch

    und Hannes Skambraks

    Marx , Karl : G e s a m t a u s g a b e : ( M E G A ) / Kar l M a r x ; Fr iedr ich Engels .

    Hrsg. v o m Inst , für Marx i s mu s - Le n in i s mus b e i m ZK d . K P d S U u . v o m Inst ,

    für M a r x i s m u s - L e n i n i s m u s b e i m ZK d. SED. - Berl in : Die tz Verl .

    [Sammlung] .

    Ab t . 2 . „Das Kapi ta l" u n d Vorarbei ten

    Bd. 7. Le capital : Par is 1 8 7 2 - 1 8 7 5 / Kar l Marx .

    Text . - 1989. - 42, 701 S. : 7 A b b .

    Appara t . - 1989. - S. 7 0 3 - 1 4 4 1 : 19 A b b .

    II . Abt . I S B N 3-320-00050-0

    Bd. I I /7 I S B N 3-320-00065-9

    Tex t u n d Appara t

    M i t 26 Abb i ldungen

    © Die tz Verlag Berl in 1989

    L i z e n z n u m m e r 1 • LSV 0046

    Techn i sche Redak t ion : F r iedr ich Hackenberger , Ju t t a K n o p p u n d H e i n z R u s c h i n s k i

    Korrektur : H a n n a Behrend t , Eva Mend l , Anne l ies Schwabe u n d Sigrid Wi t t enberg

    E inband : Alber t Kapr

    Typografie: Alber t Kapr /Hors t Kinke l

    Schrift: T ime less -Ant iqua u n d M a x i m a

    Pr in ted i n the G e r m a n Democra t i c Repub l i c

    Gesamthers te l lung : I N T E R D R U C K Graphischer Großbe t r i eb Leipzig,

    Betr ieb der ausgeze ichne ten Qual i tä tsarbei t

    Papierhers te l lung: V E B Druck- u n d Spezialpapiere Go lze rn

    Best.-Nr.: 744 865 4

    13500

  • I n h a l t

    Einleitung 11*

    Editorische Hinweise 38*

    Le capital. Traduction de M.J.Roy, entièrement revisée par l'auteur. Pa-ris 1872-1875

    Karl Marx an Maurice La Châtre, 18. März 1872 9 Maurice La Châtre an Karl Marx 10 Préface de la première édition 11 Livre premier. Développement de la production capitaliste 19 Première section. Marchandise et monnaie 19 Chapitre I e r . La marchandise 19

    I. Les deux facteurs de la marchandise: Valeur d'usage et valeur d 'échange ou valeur proprement dite (Substance de la valeur -Grandeur de la valeur) 19

    II. Double caractère du travail présenté par la marchandise 25 III. Forme de la valeur 30

    A. Forme simple ou accidentelle de la valeur 31 a) Les deux pôles de l'expression de la valeur: sa forme rela-

    tive et sa forme équivalente 31 b) La forme relative de la valeur 32

    1) Contenu de cette forme 32 2) Détermination quantitative de la valeur relative 35

    c) La forme d'équivalent et ses particularités 37 d) Ensemble de la forme valeur simple 42

    B. Forme valeur totale ou développée 44 a) La forme développée de la valeur relative 44 b) La forme équivalent particulière 45 c) Défauts de la forme valeur totale ou développée 45

    5*

  • Inhalt

    C. Forme valeur generale 46 a) Changement de caractère de la forme valeur 47 b) Rapport de développement de la forme valeur relative et de

    la forme équivalent 49 c) Transition de la forme valeur générale à la forme argent 50

    D. Forme monnaie ou argent 51 IV. Le caractère fétiche de la marchandise et son secret 52

    Chapitre II. Des échanges 63 Chapitre III. La monnaie ou la circulation des marchandises 71

    I. Mesure des valeurs 71 II. Moyen de circulation 80

    a) La métamorphose des marchandises 80 b) Cours de la monnaie 90 c) Le numéraire ou les espèces - Le signe de valeur 98

    III. La monnaie ou l'argent 102 a) Thésaurisation 103 b) Moyen de payement 107 c) La monnaie universelle 114

    Deuxième section. La transformation de l'argent en capital 117 Chapitre IV. La formule générale du capital 117 Chapitre V. Contradictions de la formule générale du capital 125 Chapitre VI. Achat et vente de la force de travail 135 Troisième section. La production de la plus-value absolue 145 Chapitre VII. Production de valeurs d'usage et production de la plus-value 145

    I. Production de valeurs d'usage 145 II. Production de la plus-value 153

    Chapitre VIII. Capital constant et capital variable 163 Chapitre IX. Le taux de la plus-value 174

    I. Le degré d'exploitation de la force de travail 174 II. Expression de la valeur du produit en parties proportionnelles du

    même produit 181 ili. La Dernière heure de Senior 184 IV. Le produit net 189

    Chapitre X. La journée de travail 190 I. Limite de la journée de travail 190

    II. Le capital affamé de surtravail - Boyard et Fabricant 194 III. La journée de travail dans les branches de l'industrie anglaise ou

    l'exploitation n'est pas limitée par la loi 201 IV. Travail de jour et de nuit - Le système des relais 213 V. Lois coercitives pour la prolongation de la journée de travail de-

    puis le milieu de quatorzième jusqu'à la fin du dix-septième siècle 221 VI. Lutte pour la journée de travail normale - Limitation légale coer-

    citive du temps de travail. La législation manufacturière anglaise de 1833 à 1864 233

    6*

  • Inhalt

    VII. La lutte pour la journée de travail normale - Contre-coup de la lé-gislation anglaise sur les autres pays 252

    Chapitre XI. Taux et masse de la plus-value 257 Quatrième section. La production de la plus-value relative 266 Chapitre XII. La plus-value relative 266 Chapitre XIII. Coopération 276 Chapitre XIV. Division du travail et manufacture 288

    I. Double origine de la manufacture 288 II. Le travailleur parcellaire et son outil 290

    III. Mécanisme général de la manufacture - Ses deux formes fonda-mentales: Manufacture hétérogène et manufacture sérielle 293

    IV. Division du travail dans la manufacture et dans la société 301 V. Caractère capitaliste de la manufacture 309

    Chapitre XV. Machinisme et grande industrie 317 I. Développement des machines et de la production mécanique 317

    II. Valeur transmise par la machine au produit 330 III. Réaction immédiate de l'industrie mécanique sur le travailleur 337

    a) Appropriation des forces de travail supplémentaires - Travail des femmes et des enfants 337

    b) Prolongation de la journée de travail 345 c) Intensification du travail 350

    IV. La Fabrique 359 V. Lutte entre travailleur et machine 367

    VI. Théorie de la compensation 376 VII. Répulsion et attraction des ouvriers par la fabrique - Crises de

    l'industrie cotonnière 385 VIII. Révolution opérée dans la manufacture, le métier et le travail à

    domicile par la grande industrie 397 a) Suppression de la coopération fondée sur le métier et la divi-

    sion du travail 397 b) Réaction de la fabrique sur la manufacture et le travail à domi-

    cile 399 c) La manufacture moderne 400 d) Le travail moderne à domicile 403 e) Passage de la manufacture moderne et du travail à domicile à

    la grande industrie 407 IX. Législation de fabrique 417 X. Grande industrie et agriculture 437

    Cinquième section. Recherches ultérieures sur la production de la plus-value 440 Chapitre XVI. Plus-value absolue et plus-value relative 440 Chapitre XVII. Variations dans le rapport de grandeur entre la plus-value et la valeur de la force de travail 448 Chapitre XVII. Variations dans le rapport de grandeur entre la plus-value et la valeur de la force de travail 448

    7*

  • Inhalt

    I. Données: Durée et intensité du travail constantes - Productivité variable 449

    II. Données: Durée et productivité du travail constantes - Intensité variable 452

    III. Données: Productivité et intensité du travail constantes - Durée du travail variable 453

    IV. Données: Variations simultanées dans la durée, la productivité et l'intensité du travail 455

    Chapitre XVIII. Formules diverses pour le taux de la plus-value 458 Sixième section. Le salaire 461 Chapitre XIX. Transformation de la valeur ou du prix de la force de tra-vail en salaire 461 Chapitre XX. Le salaire au temps 468 Chapitre XXI. Le salaire aux pièces 475 Chapitre XXII. Différence dans les taux des salaires nationaux 483 Septième section. Accumulation du capital 487 Introduction 487 Chapitre XXIII. Reproduction simple 491 Chapitre XXIV. Transformation de la plus-value en capital 503

    I. Reproduction sur une échelle progressive - Comment le droit de propriété de la production marchande devient le droit d'appro-priation capitaliste 503

    II. Fausse interprétation de la production sur une échelle progressive 510 III. Division de la plus-value en capital et en revenu - Théorie de

    l'abstinence 513 IV. Circonstances qui, indépendamment de la division proportion-

    nelle de la plus-value en capital et en revenu, déterminent l'éten-due de l'accumulation - Degré d'exploitation de la force ouvrière - Productivité du travail - Différence croissante entre le capital employé et le capital consommé - Grandeur du capital avancé 521

    V. Le prétendu fonds du travail (labour-fund) 530 Chapitre XXV. Loi générale de l'accumulation capitaliste 534

    I. La composition du capital restant la même, le progrès de l'accu-mulation tend à faire monter le taux des salaires 534

    II. Changements successifs de la composition du capital dans le pro-grès de l'accumulation et diminution relative de cette partie du ca-pital qui s 'échange contre la force ouvrière 542

    III. Production croissante d 'une surpopulation relative ou d 'une ar-mée industrielle de réserve 549

    IV. Formes d'existence de la surpopulation relative - La loi générale de l'accumulation capitaliste 563

    V. Illustration de la loi générale de l'accumulation capitaliste 570 a) L'Angleterre de 1846 à 1866 570 b) Les couches industrielles mal payées 576

    8*

  • Inhalt

    c) La population nomade - Les mineurs 585 d) Effet des crises sur la partie la mieux payée de la classe ouvrière 589 e) Le prolétariat agricole anglais 593 f) Irlande 616

    Huitième section. L'accumulation primitive 631 Chapitre XXVI. Le secret de l'accumulation primitive 631 Chapitre XXVII. L'expropriation de la population campagnarde 634 Chapitre XXVIII. Législation sanguinaire contre les expropriés à partir de la fin du quinzième siècle - Lois sur les salaires 651 Chapitre XXIX. Genèse des fermiers capitalistes 660 Chapitre XXX. Contre-coup de la révolution agricole sur l'industrie -Établissement du marché intérieur pour le capital industriel 662 Chapitre XXXI. Genèse du capitaliste industriel 667 Chapitre XXXII. Tendance historique de l'accumulation capitaliste 677 Chapitre XXXIII. La théorie moderne de la colonisation 680 Avis au lecteur 690 Extraits de la postface de la seconde édition allemande 691 Table des matières 698

    A P P A R A T 703

    R E G I S T E R 1331

    Verzeichnis der Abbildungen

    Titelblatt der französischen Ausgabe 3

    Porträt von Karl Marx in der französischen Ausgabe 5

    Marx an Maurice La Châtre, 18. März 1872. Faksimile in der französischen Aus-gabe 7

    Seite 13 der französischen Ausgabe 17

    Seite 139 der französischen Ausgabe 273

    Seite 246 der französischen Ausgabe 489

    Seite 351 der französischen Ausgabe mit dem Druckfehlerverzeichnis 701

    Erste Umschlagseite der ersten Heftlieferung der französischen Ausgabe mit Wid-mung von Marx an seine Tochter Jenny Longuet 737

    Ausgewählte Seiten des Widmungsexemplars der französischen Ausgabe für Jenny Longuet mit Korrekturen von Marx

    Seite 188 738 Seite 189 739

    9*

  • Inhalt

    Seite 190 740 Seite 191 741 Seite 219 742 Seite 220 743 Seite 221 744 Seite 222 745 Seite 223 746 Seite 226 747 Seite 243 748 Seite 244 749 Seite 264 750 Seite 265 751 Seite 273 752 Seite 274 753 Seite 321 754 Seite 322 755

    10*

  • E i n l e i t u n g

    Der v o r l i e g e n d e Band d e r MEGA enthäl t d ie f ranzös ische A u s g a b e des

    e rs ten Bandes von Karl Marx ' W e r k „Das Kapital. Kritik de r poli t ischen

    Ökonomie" , die von 1872 bis 1875 im Verlag Maur i ce Lachâtre, Paris,

    e r s ch i en . Joseph Roy hat te im Auftrag von Marx die Übe r se t zung des

    W e r k e s nach d e r 2 . d e u t s c h e n Auflage von 1872 angefer t ig t . Marx un-

    te rzog d iese Textfassung e ine r d u r c h g e h e n d e n kri t ischen Überarbe i -

    tung , die e ine Bere iche rung de r ö k o n o m i s c h e n Theo r i e und Präzisie-

    rung d e s Textes zur Folge hat te . Insgesamt enthäl t s ie Textentwicklun-

    gen un te r sch ied l i che r Art. Marx b e t r a c h t e t e die von ihm autor is ier te

    f ranzös ische A u s g a b e d e s e rs ten Bandes d e s „Kapitals" als reifes Werk ,

    das e inen wissenschaf t l ichen W e r t u n a b h ä n g i g vom Original bes i tze

    und auch von Lesern h e r a n g e z o g e n w e r d e n soll te, d ie mit de r deut-

    s c h e n S p r a c h e ver t rau t s ind. So formul ier te er im „Avis au lecteur" , das

    die Dat ierung „Londres , 28 avril 1875" t rägt : „Quel les q u e so ien t d o n c

    les imperfec t ions littéraires de ce t t e édit ion f rançaise , elle p o s s è d e une

    valeur scientif ique i n d é p e n d a n t e de l 'original e t doit ê t r e consu l t ée

    m ê m e par les lec teurs familiers a v e c la l angue a l l emande . " (S. 690.)

    Die Erarbei tung d e r f ranzös ischen A u s g a b e d e s e r s ten Bandes d e s

    „Kapitals" stellt e ine wich t ige Etappe in Marx ' Schaffen dar . Ihre Veröf-

    fent l ichung markier t e inen b e d e u t e n d e n Fortschrit t in de r Entwicklung

    de r M a r x s c h e n ö k o n o m i s c h e n Lehre.

    Die in de r f ranzös i schen A u s g a b e en tha l t enen V e r ä n d e r u n g e n im

    Vergleich zur 2. d e u t s c h e n Auflage - Zusä tze , W e g l a s s u n g e n o d e r Neu-

    fo rmul ie rungen , keinesfalls b loße Ergänzungen d u r c h n e u e s statisti-

    s c h e s Material , n e u e Belegstel len, Quel len usw. - sind te i lweise t h e o r e -

    t i sche Da r l egungen , die zum ers tenmal an e n t s p r e c h e n d e n Textstel len

    e r s c h e i n e n . Aufgrund d i e se r Originalität besitzt die f ranzös i sche Aus-

    11*

  • Editorische Hinweise

    n e n n a m e n , wobe i l i terar ische und mytho log i sche N a m e n e i n b e z o g e n

    w e r d e n . A u f g e n o m m e n w e r d e n auch die Verfasser von Veröffentli-

    c h u n g e n , d ie im Text se lbs t nicht g e n a n n t , a b e r d e r e n Arbei ten direkt

    o d e r indirekt e r w ä h n t o d e r zitiert w e r d e n . Die a lp h ab e t i s ch e Einord-

    nung de r P e r s o n e n n a m e n erfolgt nach ihrer au then t i s chen Schre ib -

    we i se , bei g r i ech i s chen und kyrillischen N a m e n nach d e r e n t s p r e c h e n -

    den t ranskr ib ier ten Form. Alle von der au then t i s chen Form a b w e i c h e n -

    den Sch re ibwe i sen d e s Edierten Textes w e r d e n d e r a u t h e n t i s c h e n

    Sch re ibwe i se in r u n d e n Klammern beigefügt .

    Das Sachreg i s t e r ist in d e u t s c h e r S p r a c h e ange leg t , um den Zusam-

    m e n h a n g d e r f ranzös i schen A u s g a b e mit den d e u t s c h e n Auflagen d e s

    e rs ten Bandes d e s „Kapitals" zu w a h r e n . In An lehnung an das Sachreg i -

    s ter zur 2. d e u t s c h e n Auflage (siehe MEGA® 11/6) umfaßt es die Begriffe,

    die den wesen t l i chen Inhalt d e r Arbei ten von Marx und d ie Entwicklung

    se ine r Auffassungen bis zum Erscheinen de r vo r l i egenden autor is ier ten

    f ranzös ischen A u s g a b e wide r sp iege ln . Soweit die Sch l agwor t e unmit tel-

    bar d e m d e u t s c h e n Text e n t s t a m m e n , e r l auben sie zugle ich den Z u g a n g

    zu den Formul ie rungen im Original . A b w e i c h u n g e n g e g e n ü b e r d e r

    2 . d e u t s c h e n Auflage w e r d e n se lbs tvers tändl ich berücks icht ig t ; für die

    Erfassung n e u e r G e d a n k e n g ä n g e w u r d e auch de r Text d e r 3 . und

    4. d e u t s c h e n Auflage h e r a n g e z o g e n , in die die wicht igs ten V e r ä n d e r u n -

    gen des f ranzös ischen Textes ü b e r n o m m e n w o r d e n s ind.

    Der v o r l i e g e n d e Band w u r d e im Rahmen e iner Koopera t ionsvere inba-

    rung mit d e m F o r s c h u n g s b e r e i c h Gesel l schaf tswissenschaf ten de r Aka-

    d e m i e de r Wissenschaf ten d e r DDR bearbe i te t von W e r n e r Krause (Lei-

    ter), Bernhard Hensche l und Hans-Manfred Militz. Das Literatur- und

    das N a m e n r e g i s t e r w u r d e n von Hans-Manfred Militz zusammenges t e l l t ,

    das Sachreg i s t e r von Bernhard Hensche l .

    Der Band w u r d e se i t ens de r Redakt ionskommiss ion von H a n n e s

    Skambraks be t reu t . Gu tach t e r d e s Instituts für Marx ismus-Lenin i smus

    beim ZK de r KPdSU w a r e n Irina An tonowa und Larissa Miskewi tsch . Die

    H e r a u s g e b e r danken allen wissenschaf t l ichen Einr ichtungen, die bei

    de r Vorbere i tung d e s Bandes Unters tü tzung g e w ä h r t e n .

    42*

  • Le capital. Traduction de M.J. Roy,

    entièrement revisée par l'auteur. Paris 1872-1875

  • 3

  • Porträt von Karl Marx in der französischen Ausgabe

    5

  • Marx an Maurice La Châtre, 18. März 1872. Faksimile in der französischen Ausgabe

    7

  • Marx an Maurice La Châtre, 18. März 1872

    |7| Londres 18 Mars 1872.

    Au citoyen Maur ice La Châtre.

    Cher citoyen,

    J 'applaudis à votre idée de publier la t raduct ion de «Das Kapi ta l» en li-

    5 vraisons périodiques. Sous cette forme l 'ouvrage sera plus accessible à la

    classe ouvrière et pour m o i cette considérat ion l 'emporte sur toute autre.

    Voilà le beau côté de votre médail le , mais en voici le revers : La mé thode

    d'analyse que j ' a i employée et qui n 'avai t pas encore été appl iquée aux su-

    jets économiques , rend assez ardue la lecture des premiers chapitres, et i l

    10 est à craindre que le publ ic français toujours impat ient de conclure, avide

    de connaître le rapport des principes généraux avec les quest ions immé-

    diates qui le passionnent , ne se rebute parce qu ' i l n ' aura pu tout d 'abord

    passer outre.

    C'est là un désavantage contre lequel je ne puis r ien si ce n 'est toutefois

    15 prévenir et p rémuni r les lecteurs soucieux de vérité. Il n 'y a pas de route

    royale pour la science et ceux-là seulement ont chance d'arriver à ses som-

    mets l umineux qui ne craignent pas de se fatiguer à gravir ses sentiers es-

    carpés.

    Recevez, cher citoyen, l 'assurance de mes sent iments dévoués.

    20 Karl Marx. I

    9

  • Maurice La Châtre an Marx

    | 8 | Au citoyen Karl Marx

    Cher maître,

    Votre livre «LE CAPITAL» vous a attiré tant de sympathies parmi les classes ouvrières, en ALLEMAGNE, qu'il était naturel qu'un éditeur français eût l'idée de donner à son pays la traduction de cette œuvre magistrale. 5

    La RUSSIE a devancé la FRANCE, il est vrai, pour la reproduction de cet ouvrage important; mais notre pays aura l'heureuse fortune de posséder la traduction faite sur le manuscrit de la deuxième édition allemande, avant même son apparition en AL-LEMAGNE, et revisée par l'auteur.

    La FRANCE pourra revendiquer la plus large part dans l'initiation des autres peu- 10 pies à vos doctrines, car ce sera notre texte qui servira pour toutes les traductions qui seront faites du livre, en ANGLETERRE, en ITALIE, en ESPAGNE, en AMÉRIQUE,

    partout enfin où se rencontreront des hommes de progrès, avides de connaître et désireux de propager les principes qui doivent régir les sociétés modernes dans l'an-cien et le nouveau monde. 15

    Le mode de publication que nous avons adopté, par livraisons à Dix CENTIMES, aura cet avantage, de permettre à un plus grand nombre de nos amis de se procurer votre livre, les pauvres ne pouvant payer la science qu'avec l'obole; votre but se trouvera atteint : rendre votre œuvre accessible à tous.

    Quant à la crainte que vous manifestez de voir les lecteurs s'arrêter devant l'ari- 20 dite des matières économiques traitées dans les premiers chapitres, l'avenir nous apprendra si elle était fondée.

    Nous devons espérer que les personnes qui s'abonneront à votre ouvrage, ayant pour objet principal l'étude des doctrines économiques, ne se laisseront pas arrêter dans leur lecture par l'application de vos méthodes analytiques ; chacun compren- 25 dra que les premiers chapitres d'un livre d'économie politique doivent être consa-crés à des raisonnements abstraits, préliminaires obligés des questions brûlantes qui passionnent les esprits, et qu'on ne peut arriver que graduellement à la solution des problèmes sociaux traités dans les chapitres suivants ; tous les lecteurs voudront vous suivre, - c'est ma conviction, - jusqu'à la conclusion de vos magnifiques 30 théories.

    Veuillez agréer, cher maître, l'assurance de toutes mes sympathies. MAURICE LACHATRE I

    10

  • Préface de la première édition

    |9| P r é f a c e d e l a p r e m i è r e é d i t i o n

    L'ouvrage dont je livre au publ ic le premier volume forme la suite d 'un

    écrit publ ié en 1859, sous le titre d e : «Critique de l'économie politique». Ce

    long intervalle entre les deux publicat ions m ' a été imposé par u n e maladie

    5 de plusieurs années .

    Afin de donner à ce livre un complément nécessaire, j ' y ai fait entrer, en

    le résumant dans le premier chapitre, l 'écrit qui l 'avait précédé. Il est vrai

    que j ' a i cru devoir dans ce résumé modifier m o n premier plan d'exposit ion.

    Un grand nombre de points d 'abord s implement indiqués sont ici dévelop-

    10 pés amplement , tandis que d'autres, complè tement développés d 'abord, ne

    sont plus qu ' indiqués ici. L'histoire de la théorie de la valeur et de la monnaie,

    par exemple, a été écar tée ; mais par contre le lecteur trouvera dans les

    notes du premier chapitre de nouvelles sources pour l 'histoire de cette

    théorie.

    15 Dans toutes les sciences le c o m m e n c e m e n t est ardu. Le premier chapi-

    tre, pr incipalement la partie qui contient l'analyse de la marchandise, sera

    donc d 'une intelligence un peu difficile. Pour ce qui est de l 'analyse de la

    substance de la valeur et de sa quantité, je me suis efforcé d 'en rendre l'ex-

    posé aussi clair que possible et accessible à tous les lec teurs 1 .

    20 La forme de la valeur réalisée dans la forme monnaie est quelque chose de

    1 Ceci m ' a paru d ' au t an t p lus nécessa i re que , m ê m e l 'écrit de F. Lassalle contre Schul tze -De-li tzsch, dans la par t ie où i l déclare donne r la « q u i n t e s s e n c e » de m e s idées sur ce sujet, ren-ferme de graves erreurs. C'est sans dou te dans un b u t de p ropagande que F . Lassalle, t ou t en évi tant d ' i nd iquer sa source, a e m p r u n t é à m e s écrits, p resque m o t pour mot , tou tes les propo-

    25 c i t i ons théor iques générales de ses t ravaux économiques , sur le caractère historique du capital , pa r ' exemple , sur les liens gui unissent les rapports de production et le mode de production, etc. , et m ê m e la te rminologie créée par mo i . Je ne suis, b i en en t endu , pou r r ien dans les détai ls où i l est entré , ni dans les conséquences pra t iques où i l a été condu i t et don t je n ' a i pas à m ' o c c u -per ici.

    11

  • Préface de la première édition

    très-simple. ||10| Cependant l 'esprit h u m a i n a va inement cherché depuis

    plus de deux mille ans à en pénétrer le secret, tandis qu ' i l est parvenu

    à analyser, du moins approximativement , des formes b ien plus complexes

    et cachant un sens plus profond. Pourquoi? Parce que le corps organisé

    est plus facile à étudier que la cellule qui en est l 'é lément. D ' u n autre 5

    côté, l 'analyse des formes économiques ne peut s 'aider du microscope ou

    des réactifs fournis par la chimie ; l 'abstraction est la seule force qui puisse

    lui servir d ' ins t rument . Or, pour la société bourgeoise actuelle, la forme

    marchandise du produi t du travail, ou la forme valeur de la marchandise ,

    est la forme cellulaire économique. Pour l ' homme peu cultivé l 'analyse de 10

    cette forme paraît se perdre dans des minuties; ce sont en effet et néces-

    sairement des minuties; mais comme il s'en trouve dans l'anatomie micro-

    logique.

    A part ce qui regarde la forme de la valeur, la lecture de ce livre ne pré-

    sentera pas de difficultés. Je suppose nature l lement des lecteurs qui veu- 15

    lent apprendre quelque chose de neuf et par conséquent aussi penser par

    eux-mêmes.

    Le physicien pour se rendre compte de procédés de la na ture , ou bien

    étudie les phénomènes lorsqu'ils se présentent sous la forme la plus accu-

    sée, et la moins obscurcie par des influences perturbatrices, ou bien il ex- 20

    pér imente dans des condit ions qui assurent autant que possible la régula-

    rité de leur marche . J 'é tudie dans cet ouvrage le mode de production

    capitaliste et les rapports de production et d'échange qui lui correspondent .

    L'Angleterre est le lieu classique de cette production. Voilà pourquo i j ' e m -

    prunte à ce pays les faits et les exemples pr incipaux qui servent d'illustra- 25

    t ion au développement de mes théories. Si le lecteur a l lemand se permet-

    tait un mouvemen t d 'épaules pharisaïque à propos de l 'état des ouvriers

    anglais, industriels et agricoles, ou se berçait de l ' idée optimiste que les

    choses sont loin d'aller aussi ma l en Allemagne, je serais obligé de lui

    crier : De te fabula narratur. 30

    Il ne s'agit point ici du développement plus ou moins complet des anta-

    gonismes sociaux qu 'engendrent les lois naturelles de la product ion capita-

    liste, mais de ces lois elles-mêmes, des tendances qui se manifestent et se réa-

    lisent avec une nécessité de fer. Le pays le plus développé indust r ie l lement

    ne fait que montrer à ceux qui le suivent sur l 'échelle industriel le l ' image 35

    de leur propre avenir.

    Mais laissons de côté ces considérat ions. Chez nous , là où la product ion

    capitaliste a pris pied, par exemple dans les fabriques proprement dites,

    l 'état des choses est de beaucoup plus mauvais qu 'en Angleterre, parce que

    le contre-poids des lois anglaises fait défaut. Dans toutes les autres sphères, 40

    nous sommes, c o m m e tout l 'ouest de l 'Europe cont inentale , affligés et par

    12

  • Préface de la première édition

    le développement de la product ion capitaliste, et aussi par le m a n q u e de ce

    développement . Outre les m a u x de l 'époque actuelle, nous avons à suppor-

    ter u n e longue série de m a u x héréditaires provenant de la végétat ion conti-

    nue de modes de product ion qui ont vécu, avec la suite des rapports politi-

    5 ques et sociaux à contre-temps qu' i ls engendrent . N o u s avons à souffrir

    non-seu lement de la part des vivants, ma i s encore de la part des morts . Le

    mor t saisit le vif!

    Comparée à la statist ique anglaise, la statist ique sociale de l 'Allemagne

    et du reste du cont inent européen est réel lement misérable . Malgré tout,

    10 elle soulève un coin du voile, assez pour laisser entrevoir u n e tête de Mé-

    duse. Nous serions effrayés de l'état des choses chez nous, si nos gouverne-

    ments et nos par lements établissaient, c o m m e en Angleterre, des commis-

    sions d 'é tudes périodiques sur la s i tuat ion économique ; si ces

    commissions étaient, c o m m e en Angleterre, armées de pleins pouvoirs

    15 pour la recherche de la vér i té ; si nous réussissions à trouver pour cette

    hau te fonction des h o m m e s aussi experts, aussi impar | | l l | t i aux , aussi ri-

    gides et désintéressés que les inspecteurs de fabriques de la Grande-Bre-

    tagne, que ses reporters sur la santé publ ique (Public Heal th) , que ses com-

    missaires d ' instruct ion sur l 'exploitation des femmes et des enfants, sur les

    20 condit ions de logement et de nourri ture, etc. Persée se couvrait d 'un nuage

    pour poursuivre les mons t res ; nous , pour pouvoir nier l 'existence des

    monstruosi tés, nous nous plongeons dans le nuage tout entiers, j u squ ' aux

    yeux et aux oreilles.

    I l ne faut point se faire d' i l lusions. De m ê m e que la guerre de l ' indépen-

    25 dance américaine au dix-hui t ième siècle a sonné la cloche d 'a larme pour

    la classe moyenne en Europe, de m ê m e la guerre civile amér ica ine au dix-

    neuvième siècle a sonné le tocsin pour la classe ouvrière européenne . En

    Angleterre, la marche du bouleversement social est visible à tous les yeux ;

    à u n e certaine période ce bouleversement aura nécessai rement son contre-

    30 coup sur le cont inent . Alors il revêtira dans son allure des formes plus ou

    moins brutales ou h u m a i n e s selon le degré de développement de la classe

    de travailleurs. Abstract ion faite de motifs plus élevés, leur propre intérêt

    c o m m a n d e donc aux classes régnantes actuelles d'écarter tous les obstacles

    légaux qui peuvent gêner le développement de la classe ouvrière. C'est en

    35 vue de ce but que j ' a i accordé dans ce volume une place si impor tante à

    l 'histoire, au contenu et aux résultats de la législation anglaise sur les

    grandes fabriques. Une na t ion peut et doit tirer un enseignement de l 'his-

    toire d 'une autre na t ion . Lors m ê m e qu 'une société est arrivée à découvrir

    la piste de la loi naturelle qui préside à son mouvement, - et le but final de cet

    40 ouvrage est de dévoiler la loi économique du mouvemen t de la société m o -

    derne, - elle ne peut ni dépasser d 'un saut ni abolir par des décrets les

    13

  • Préface de la première édition

    phases de son développement na ture l ; mais elle peut abréger la période de

    la gestation, et adoucir les m a u x de leur enfantement .

    Pour éviter des ma len tendus possibles, encore un mot . Je n ' a i pas peint

    en rose le capitaliste et le propriétaire foncier. Mais il ne s'agit ici des per-

    sonnes, qu ' au tan t qu'elles sont la personnification de catégories économiques, 5

    les supports d'intérêts et de rapports de classes déterminés. M o n point de vue,

    d 'après lequel le développement de la formation économique de la société est as-

    similable à la marche de la nature et à son histoire, peut mo ins que tout autre

    rendre l ' individu responsable de rapports dont il reste socialement la créa-

    ture, quoi qu' i l puisse faire pour s'en dégager. 10

    Sur le terrain de l 'économie poli t ique la libre et scientifique recherche ren-

    contre b ien plus d 'ennemis que dans ses autres champs d 'exploration. La

    na ture part iculière du sujet qu'elle traite soulève contre elle et amène sur

    le champ de bataille les passions les plus vives, les plus mesqu ines et les

    plus haïssables du c œ u r huma in , toutes le furies de l ' intérêt privé. La 15

    Hau te Église d'Angleterre, par exemple, pardonnera bien plus facilement

    u n e at taque contre t rente-hui t de ses t rente-neuf articles de foi que contre

    un t rente-neuvième de ses revenus. Comparé à la crit ique de la vieille pro-

    priété, l 'a théisme lu i -même est aujourd 'hui u n e culpa levis. Cependant il

    est impossible de méconnaî t re ici un certain progrès. Il me suffit pour cela 20

    de renvoyer le lecteur au livre bleu publié dans ces dernières semaines :

    « Correspondence with Her Majesty's missions abroad, regarding Industrial Ques-

    tions and Trade's Unions. » Les représentants étrangers de la couronne d 'An-

    gleterre y expr iment tout ne t l 'opinion qu 'en Allemagne, en France , en un

    m o t dans tous les États civilisés du cont inent Européen, u n e transforma- 25

    t ion des rapports existants entre le capital et le travail est aussi sensible et

    aussi inévitable que dans la Grande-Bretagne. En m ê m e temps, par delà

    l 'océan At lant ique, M. Wade, vice-président des États-Unis du Nord de

    l 'Amérique, | |12| déclarait ouvertement dans plusieurs meet ings publics,

    qu 'après l 'abolit ion de l 'esclavage, la question à l 'ordre du jour serait celle 30

    de la transformation des rapports du capital et de la propriété foncière. Ce

    sont là des signes du temps, que ni m a n t e a u x de pourpre ni soutanes noires

    ne peuvent cacher. Ils ne signifient point que demain des miracles vont

    s 'accomplir. Ils mon t ren t que m ê m e dans les classes sociales régnantes, le

    pressent iment commence à poindre, que la société actuelle, b ien loin 35

    d'être un cristal solide, est un organisme susceptible de changement et tou-

    jours en voie de transformation.

    Le second volume de cet ouvrage traitera de la circulation du capital (li-

    vre II) et des formes diverses qu'il revêt dans la marche de son développement

    (livre III) . Le troisième et dernier volume exposera Yhistoire de la théorie. 40

    Tout jugement inspiré par u n e crit ique vraiment scientifique est pour

    14

  • Préface de la première édition

    moi le b ienvenu. Vis-à-vis de préjugés de ce qu 'on appelle l'opinion publi-

    que à laquelle je n 'a i j amais fait de concessions, j ' a i pour devise, après

    comme avant, la parole du grand Florent in :

    Segui il tuo corso, e lascia dir le genti!

    Londres, 25 juil let 1867.

    Karl Marx |

    15

    5

  • Seite 13

  • |13| LIVRE P R E M I E R

    Développement de la production capitaliste

    P R E M I È R E SECTION

    Marchandise et monnaie

    5 CHAPITRE PREMIER

    L a m a r c h a n d i s e

    I

    Les deux facteurs de la marchandise: Valeur d'usage et

    valeur d'échange ou valeur proprement dite

    10 (Substance de la valeur - Grandeur de la valeur)

    La richesse des sociétés dans lesquelles règne le m o d e de product ion capi-

    taliste s 'annonce comme u n e « i m m e n s e accumula t ion de m a r c h a n d i s e s 1 » .

    L'analyse de la marchandise , forme élémentaire de cette richesse, sera par

    conséquent le point de départ de nos recherches.

    15 La marchandise est d 'abord un objet extérieur, u n e chose qui par ses

    propriétés satisfait des besoins huma ins de n ' impor te quelle espèce. Que

    ces besoins aient pour origine l 'estomac ou la fantaisie, leur na ture ne

    1 Karl Marx : «Zur Kri t ik der Pol i t i schen Œ k o n o m i e . » Berl in, 1859, p. 3 .

    19

  • Première section • Marchandise et monnaie

    change r ien à l 'affaire 2 . Il ne s'agit pas non plus ici de savoir c o m m e n t ces

    besoins sont satisfaits, soit immédia tement , si l 'objet est un moyen de sub-

    sistance, soit par u n e voie détournée, s i c'est un moyen de product ion.

    Chaque chose uti le, c o m m e le fer, le papier, etc., peu t être considérée

    sous un double point de vue, celui de la quali té et celui de la quant i té . 5

    Chacune est un ensemble de propriétés diverses et peut par conséquent

    être uti le par différents côtés. Découvrir ces côtés divers et en m ê m e temps

    les divers usages des choses est une œuvre de l 'h is toi re 3 . Telle est la décou-

    verte de mesures sociales pour la quant i té des choses uti les. La diversité de

    ces mesures des marchandises a pour origine en partie la na ture variée des 10

    objets à mesurer , en part ie la convention.

    L'uti l i té d 'une chose fait de cette chose u n e va| |14|leur d 'usage 4 . Mais

    cette uti l i té n ' a r ien de vague et d ' indécis. Déterminée par les propriétés du

    corps de la marchandise , elle n 'existe point sans lui. Ce corps lu i -même, tel

    que fer, froment, d iamant , etc., est conséquemment u n e valeur d 'usage, et 15

    ce n 'est pas le plus ou moins de travail qu ' i l faut à l ' homme pour s 'appro-

    prier les qualités utiles qui lui donnent ce caractère. Q u a n d il est quest ion

    de valeurs d'usage, on sous-entend toujours u n e quant i té dé terminée ,

    c o m m e u n e douzaine de montres , un mètre de toile, u n e tonne de fer, etc.

    Les valeurs d'usage des marchandises fournissent le fonds d 'un savoir par- 20

    ticulier, de la science et de la rout ine commerc ia les 5 . Les valeurs d 'usage

    ne se réalisent que dans l 'usage ou la consommat ion . Elles forment la ma-

    tière de la Richesse, quelle que soit la forme sociale de cette richesse. Dans

    la société que nous avons à examiner, elles sont en m ê m e temps les sou-

    t iens matériels de la valeur d 'échange. 25

    La valeur d 'échange apparaît d 'abord c o m m e le rapport quantitatif,

    c o m m e la proportion dans laquelle des valeurs d'usage d'espèce différente

    2 « L e désir impl ique le b e s o i n ; c'est l 'appét i t de l 'esprit, l eque l lu i est aussi n a t u r e l q u e la fa im l'est au corps. C'est de là q u e la p lupar t des choses t i rent leur va leur .» N icho la s B a r b o n :

    «A Discourse on coining the new m o n e y lighter, in answer to M r . Locke 's cons idera t ions , 30 e tc .» London , 1696, p. 2 et 3. 3 «Les choses on t u n e vertu in t r insèque (virtue, telle est chez Barbon la dés igna t ion spécif ique pou r valeur d'usage) qu i en tou t l ieu ont la m ê m e qual i té , c o m m e l ' a iman t par exemple at t i re lé fer» (Le. p . 6). La proprié té q u ' a l ' a imant d 'a t t i rer le fer ne devint u t i le que lorsque par son m o y e n on eût découver t la polar i té magné t i que . 35 4 « C e qu i fait la valeur na ture l le d ' u n e chose, c'est la proprié té qu 'e l le a de satisfaire les be -soins ou les convenances de la vie h u m a i n e . » J o h n L o c k e : «Some Cons idera t ions of t h e Con-sequences of the Lowering of In teres t . 1691.» Au dix-sept ième siècle on t rouve encore sou-ven t chez les écrivains anglais le m o t Worth pour valeur d 'usage et le m o t Value pou r valeur d ' échange , suivant l 'esprit d ' u n e langue qu i a ime à expr imer la chose immédiate en t e rmes 40 ge rman iques et la chose réfléchie en te rmes romans . 5 D a n s la société bourgeoise « n u l n ' es t censé ignorer la lo i» . - En ver tu d ' une f let io juris éco-n o m i q u e , tout ache teur est censé posséder u n e conna i ssance encyc lopédique des m a r c h a n -dises.

    20

  • Chapitre premier • La marchandise

    21

    s 'échangent l 'une contre l ' au t re 6 , rapport qui change cons tamment avec le

    temps et le lieu. La valeur d 'échange semble donc quelque chose d'arbi-

    traire et de pu remen t relatif; une valeur d 'échange intr insèque, i m m a n e n t e

    à la marchandise , paraît être, c o m m e dit l 'école, u n e contradictio in adjecto1.

    5 Considérons la chose de plus près.

    U n e marchandise particulière, un quarteron de froment, par exemple,

    s 'échange dans les proportions les plus diverses avec d 'autres articles. Ce-

    pendan t sa valeur d 'échange reste immuable , de quelque maniè re qu 'on

    l 'exprime, en χ cirage, y soie, ζ or, et ainsi de suite. Elle doit d o n c avoir un

    10 c o n t e n u dist inct de ces expressions diverses.

    Prenons encore deux marchandises , soit du froment et du fer. Quel que

    soit leur rapport d 'échange, i l peut toujours être représenté par u n e équa-

    t ion dans laquelle u n e quant i té donnée de froment est réputée égale à une

    quant i té quelconque de fer, par exemple : 1 quar teron de froment = a kilo-

    15 gramme de fer. Que signifie cette équa t ion? C'est que dans deux objets dif-

    férents, dans 1 quar teron de froment et dans a k i logramme de fer, il existe

    quelque chose de c o m m u n . Les deux objets sont donc égaux à un troisième

    qui par lu i -même n 'est ni l 'un ni l 'autre. Chacun des deux doit, en tant que

    valeur d 'échange, être réductible au troisième, i n d é p e n d a m m e n t de l 'autre.

    20 Un exemple emprunté à la géométrie é lémentaire va nous met t re cela

    sous les yeux. Pour mesurer et comparer les surfaces de toutes les figures

    rectilignes, on les décompose en triangles. On ramène le triangle lu i -même

    à u n e expression tout à fait différente de son aspect visible, - au demi-pro-

    duit de sa base par sa hauteur . - De m ê m e les valeurs d 'échange des mar-

    25 chandises doivent être ramenées à quelque chose qui leur est c o m m u n et

    dont elles représentent un plus ou un moins .

    Ce quelque chose de c o m m u n ne peut être u n e propriété naturel le quel-

    conque, géométr ique, physique, ch imique , etc., des marchandises . Leurs

    qualités naturelles n ' en t ren t en considérat ion qu ' au tan t qu'elles leur don-

    30 nen t u n e uti l i té qui en fait des valeurs d 'usage. Mais d 'un autre côté i l est

    évident que l 'on fait abstraction de la valeur d'usage des marchandises

    quand on les échange et que tout rapport d 'échange est m ê m e caractérisé

    par cette abstraction. Dans l 'échange, u n e valeur d'util i té vaut précisément

    autant que toute autre, pourvu qu'elle se trouve en proport ion convenable.

    35 Ou bien, c o m m e dit le vieux Barbon: « U n e espèce de marchandise est

    aussi bonne qu 'une autre, quand sa valeur d 'échange est égale; i l n 'y a 6 « L a valeur consis te dans le rapport d'échange qu i se t rouve entre telle chose et tel le au t re , en-t re telle mesu re d ' une p roduc t ion et telle mesu re d ' u n e au t re .» (Le T r o s n e : «De l'intérêt so-cial». Physiocrates, éd. Daire. Par is , 1846, p. 889.)

    40 7 « R i e n ne peu t avoir u n e valeur i n t r i n sèque» (N. Barbon, I .e . p . 6 ) ; ou c o m m e di t But le r :

    T h e value of a th ing Is jus t as m u c h as i t will br ing.

  • Première section · Marchandise et monnaie

    aucune différence, aucune distinction dans les choses chez lesquelles cette

    valeur est la m ê m e 8 . » C o m m e valeurs d'usage, les marchandises sont avant

    tout de quali té différente ; comme valeurs d 'échange, elles ne peuvent être

    que de différente quant i té .

    La valeur d'usage des marchandises u n e fois mise de côté, il ne leur reste 5

    plus qu 'une qualité, celle d'être des produits du travail. Mais déjà le pro-

    duit du travail lu i -même est métamorphosé à notre insu. Si nous faisons

    abstraction de sa valeur d'usage, tous les éléments matériels et formels qui

    lui donnaient cette valeur disparaissent à la fois. Ce n 'est plus, par exem-

    ple, une table, ou une maison, ou du fil, ou un objet ut i le que lconque ; ce 10

    n 'est pas non plus le produi t du travail du tourneur, du maçon , de n ' im-

    porte quel travail productif déterminé. Avec les caractères uti les part icu-

    liers des produits du travail disparaissent en m ê m e temps, et le caractère

    utile des travaux qui y sont contenus, et les formes concrètes diverses qui

    dist inguent u n e espèce de travail d 'une autre espèce. I l ne reste donc plus 15

    que le caractère c o m m u n de ces t ravaux; ils sont tous ramenés au m ê m e

    travail humain , à une dépense de force h u m a i n e de travail sans égard à la

    forme particulière sous laquelle cette force a été dépensée.

    Considérons ma in tenan t le résidu des produits du travail. Chacun d 'eux

    ressemble complè tement à l 'autre. Ils ont tous une m ê m e réali té fantômati- 20

    que. Métamorphosés en sublimés ident iques, échan| |15|ti l lons du m ê m e tra-

    vail indistinct, tous ces objets ne manifestent plus qu ' une chose, c'est que

    dans leur product ion u n e force de travail h u m a i n e a été dépensée, que du

    travail h u m a i n y est accumulé . En tant que cristaux de cette substance so-

    ciale commune , ils sont réputés valeurs. 25

    Le quelque chose de c o m m u n qui se mont re dans le rapport d 'échange

    ou dans la valeur d 'échange des marchandises est par conséquent leur va-

    leur; e t une valeur d'usage, ou un article quelconque, n ' a u n e valeur

    qu 'au tan t que du travail h u m a i n est matérialisé en lui.

    Comment mesurer ma in tenan t la grandeur de sa valeur? Par le quantum 30

    de la substance «créatr ice de valeur» contenue en lui, du travail. La quan-

    tité de travail e l le-même a pour mesure sa durée dans le temps, et le t emps

    de travail possède de nouveau sa mesure dans des parties du temps telles

    que l 'heure, le jour, etc.

    On pourrait s ' imaginer que si la valeur d 'une marchandise est détermi- 35

    née par le quantum de travail dépensé pendan t sa product ion, plus un

    h o m m e est paresseux ou inhabile, plus sa marchandise a de valeur, parce

    qu'i l emploie plus de temps à sa fabrication. Mais le travail qui forme la

    8 "One sort of wares are as good as another , if the va lue be equal . The re is no difference or dis-t inc t ion in things of equa l va lue ." Barbon a joute : « C e n t livres sterling en p lomb ou en fer on t 40 au t an t de valeur que cent livres sterling en argent ou en or .» (N.Barbon, 1. c. p. 7 et 53.)

    22

  • Chapitre premier • La marchandise

    substance de la valeur des marchandises est du travail égal et indistinct,

    une dépense de la m ê m e force. La force de travail de la société tou t entière,

    laquelle se manifeste dans l 'ensemble des valeurs, ne compte par consé-

    quent que c o m m e force un ique , bien qu'el le se compose de forces indivi-

    5 duelles innombrables . Chaque force de travail individuelle est égale à toute

    autre, en tant qu'elle possède le caractère d 'une force sociale moyenne et

    fonct ionne c o m m e telle, c'est-à-dire n ' emplo ie dans la product ion d 'une

    marchandise que le temps de travail nécessaire en moyenne ou le temps de

    travail nécessaire socialement.

    10 Le temps socialement nécessaire à la product ion des marchandises est

    celui qu'exige tout travail, exécuté avec le degré moyen d 'habileté et d'in-

    tensité et dans des condit ions qui, par rapport au mil ieu social donné , sont

    normales . Après l ' in troduct ion en Angleterre du tissage à la vapeur, il fallut

    peut-être moi t ié moins de travail qu 'auparavant pour transformer en tissu

    15 une certaine quant i té de fil. Le tisserand anglais, lui, eut toujours besoin

    du m ê m e temps pour opérer cette t ransformation ; mais dès lors le produi t

    de son heure de travail individuelle ne représenta plus que la moi t ié d 'une

    heure sociale de travail et ne donna plus que la moi t ié de la valeur pre-

    mière.

    20 C'est donc seulement le quantum de travail ou le temps de travail néces-

    saire, dans une société donnée , à la product ion d 'un article, qui en déter-

    mine la quant i té de va leur 9 . Chaque marchandise particulière compte en

    général comme un exemplaire moyen de son e spèce 1 0 . Les marchandises

    dans lesquelles sont contenues d'égales quant i tés de travail, ou qui peuvent

    25 être produites dans le m ê m e temps, ont par conséquent u n e valeur égale.

    La valeur d 'une marchandise est à la valeur de toute autre marchandise ,

    dans le m ê m e rapport que le temps de travail nécessaire à la product ion de

    l 'une est au temps de travail nécessaire à la product ion de l 'autre.

    La quant i té de valeur d 'une marchandise resterait év idemment

    30 constante si le temps nécessaire à sa product ion restait aussi constant .

    Mais ce dernier varie avec chaque modif icat ion de la force productive du

    travail, qui de son côté dépend de circonstances diverses, entre autres de

    l 'habileté moyenne des travailleurs ; du développement de la science et du

    degré de son application technologique; des combinaisons sociales de la

    35 product ion ; de l 'é tendue et de l'efficacité des moyens de produire et des 9 « Dans les échanges la valeur des choses utiles est réglée par la quan t i t é de travail nécessaire-m e n t exigée et o rd ina i r emen t employée pour leur p roduc t ion .» (Some Thoughts on the Interest of money in general, and particularly in the Publick Funds, etc. , London , p. 36.) Ce r emarquab le écrit a n o n y m e du siècle dern ie r ne por te a u c u n e date . D 'après son c o n t e n u i l est évident qu ' i l

    40 a paru sous George II, vers 1739 ou 1740. 1 0 «Tou te s les p roduc t ions d ' u n m ê m e genre ne forment p rop remen t q u ' u n e masse , don t l e prix se dé te rmine en généra l et sans égard aux c i rcons tances par t icul ières . » (Le Trosne, 1. c. p. 893.)

    23

  • Première section • Marchandise et monnaie

    condit ions pu remen t naturel les. La m ê m e quant i té de travail est représen-

    tée, par exemple, par 8 boisseaux de froment, si la saison est favorable, par

    4 boisseaux seulement dans le cas contraire. La m ê m e quant i té de travail

    fournit u n e plus forte masse de méta l dans les mines riches que dans les

    mines pauvres, etc. Les d iamants ne se présentent que ra rement dans la 5

    couche supérieure de l 'écorce terrestre; aussi faut-il pour les trouver un

    temps considérable en moyenne , de sorte qu'i ls représentent beaucoup de

    travail sous un petit volume. Il est douteux que l'or ait j amais payé complè-

    tement sa valeur. Ceci est encore plus vrai du d iamant . D'après Eschwege,

    le produi t entier de l 'exploitation des mines de d iamants du Brésil, pen- 10

    dant 80 ans, n 'avait pas encore at teint en 1823 le prix du produi t moyen

    d 'une année et demie dans les plantat ions de sucre ou de café du m ê m e

    pays, b ien qu ' i l représentât beaucoup plus de travail et par conséquent plus

    de valeur. Avec des mines plus riches, la m ê m e quant i té de travail se réali-

    serait dans u n e plus grande quant i té de d iamants dont la valeur baisserait. 15

    Si l 'on réussissait à transformer avec peu de travail le charbon en d iamant ,

    la valeur de ce dernier tomberai t peut-être au-dessous de celle des briques.

    En général, plus est grande la force productive du travail, plus est court le

    t emps nécessaire à la product ion d 'un article, et plus est pet i te la masse de

    travail cristallisée en lui, plus est petite sa valeur. Inversement , plus est pe- 20

    tite la force productive du travail, plus est grand le temps nécessaire à la

    product ion d 'un article, et plus est grande sa valeur. La quant i té de valeur

    d 'une marchandise varie donc en raison directe du quantum et en raison in-

    verse de la force productive du travail qu i se réalise en elle.

    Nous connaissons ma in tenan t la substance de la valeur : c'est le travail. 25

    Nous connaissons la mesure de sa quant i té : c'est la durée du travail.

    Une chose peut être u n e valeur d'usage sans être u n e valeur. I l suffit

    pour cela qu'elle soit ut i le à ||16| l ' homme sans qu'elle provienne de son

    travail. Tels sont l'air, des prairies naturelles, un sol vierge, etc . U n e chose

    peut être uti le et produi t du travail humain , sans être marchandise . Qui- 30

    conque, par son produit , satisfait ses propres besoins, ne crée qu ' une valeur

    d'usage personnelle. Pour produire des marchandises , i l doit non-seule-

    m e n t produire des valeurs d'usage, mais des valeurs d 'usage pour d 'autres,

    des valeurs d'usage sociales. Enfin, aucun objet ne peut être une valeur s'il

    n 'est u n e chose uti le. S'il est inuti le , le travail qu ' i l renferme est dépensé 35

    inut i lement et conséquemment ne crée pas de valeur.

    24

  • Chapitre premier · La marchandise

    II

    Double caractère du travail présenté par la marchandise

    Au premier abord, la marchandise nous est apparue c o m m e quelque chose

    à double face, valeur d 'usage et valeur d 'échange. Ensui te nous avons vu

    5 que tous les caractères qui dis t inguent le travail productif de valeurs

    d'usage disparaissent dès qu' i l s 'exprime dans la valeur proprement dite.

    J 'a i le premier mis en relief ce double caractère du travail représenté dans

    la m a r c h a n d i s e 1 1 . C o m m e l 'économie poli t ique pivote autour de ce point,

    i l nous faut ici entrer dans de plus amples détails.

    10 Prenons deux marchandises , un habit , par exemple, et 10 mètres de

    toile ; admet tons que la première ait deux fois la valeur de la seconde, de

    sorte que si 10 mètres de toile = x, l 'habit = 2x.

    L'habit est u n e valeur d 'usage qui satisfait un besoin particulier. I l pro-

    vient d 'un genre part iculier d'activité productive, dé terminée par son but,

    15 par son mode d 'opérat ion, son objet, ses moyens et son résultat. Le travail

    qui se manifeste dans l 'utilité ou la valeur d'usage de son produit , nous le

    n o m m o n s tout s implement travail uti le. A ce point de vue, il est toujours

    considéré par rapport à son rendement .

    De m ê m e que l 'habit et la toile sont deux choses uti les différentes, de

    20 m ê m e le travail du tailleur, qui fait l 'habit, se dist ingue de celui du tisse-

    rand, qui fait de la toile. Si ces objets n 'é ta ient pas des valeurs d 'usage de

    qualité diverse et par conséquent des produits de travaux utiles de diverse

    qualité, ils ne pourra ient se faire vis-à-vis c o m m e marchandises . L 'habi t ne

    s 'échange pas contre l 'habit, une valeur d 'usage contre la m ê m e valeur

    25 d'usage.

    A l 'ensemble des valeurs d'usage de toutes sortes, correspond un ensem-

    ble de travaux ut i les également variés, dist incts de genre, d 'espèce, de fa-

    milles - u n e division sociale du travail. - Sans elle pas de product ion de

    marchandises , b ien que la product ion des marchandises ne soit point réci-

    30 p roquement indispensable à la division sociale du travail. Dans la vieille

    c o m m u n a u t é ind ienne , le travail est socialement divisé sans que les pro-

    duits deviennent pour cela marchandises . Ou , pour prendre un exemple

    plus familier, dans chaque fabrique le travail est soumis à u n e division sys-

    t éma t ique ; mais cette division ne provient pas de ce que les travailleurs

    35 échangent réc iproquement leurs produits individuels. Il n 'y a que les pro-

    duits de travaux privés et indépendants les uns des autres qui se présentent

    comme marchandises réc iproquement échangeables.

    C'est donc en tendu : la valeur d'usage de chaque marchandise recèle un 1 1 L. c. p. 12, 13 et pass im.

    25

  • Première section • Marchandise et monnaie

    travail ut i le spécial ou u n e activité productive qui répond à un bu t part icu-

    lier. Des valeurs d 'usage ne peuvent se faire face comme marchandises que

    si elles cont iennent des travaux utiles de quali té différente. Dans u n e so-

    ciété dont les produits p rennent en général la forme marchandise , c'est-à-

    dire dans u n e société où tout producteur doit être marchand , la différence 5

    entre les genres divers des travaux utiles qui s 'exécutent i n d é p e n d a m m e n t

    les uns des autres pour le compte privé de producteurs libres, se développe

    en un système fortement ramifié, en u n e division sociale du travail.

    Il est d'ailleurs fort indifférent à l 'habit qu ' i l soit porté par le tail leur ou

    par ses prat iques. Dans les deux cas, il sert de valeur d 'usage. De m ê m e le 10

    rapport entre l 'habit et le travail qui le produit n 'est pas le moins du m o n d e

    changé parce que sa fabrication consti tue une profession particulière, et

    qu ' i l devient un anneau de la division sociale du travail. Dès que le besoin

    de se vêtir l'y a forcé, pendan t des milliers d 'années, l ' homme s'est taillé

    des vêtements sans q u ' u n seul h o m m e devînt pour cela un tailleur. Mais 15

    toile ou habit , n ' impor te quel é lément de la richesse matériel le n o n fourni

    par la nature , a toujours dû son existence à un travail productif spécial

    ayant pour bu t d 'approprier des matières naturelles à des besoins huma ins .

    En tant qu' i l produit des valeurs d'usage, qu' i l est uti le, le travail, indépen-

    d a m m e n t de toute forme de société, est la condi t ion indispensable de 20

    l 'existence de l ' homme, u n e nécessité éternelle, le média teur de la circula-

    t ion matérielle entre la na ture et l ' homme.

    Les valeurs d'usage, toile, habit , etc., c'est-à-dire les corps des marchan-

    dises, sont des combinaisons de deux éléments , mat ière et travail. Si l 'on

    en soustrait la somme totale des divers travaux utiles qu' i ls recèlent, i l 25

    reste toujours un résidu matériel , un quelque chose fourni par la na tu re et

    qui ne doit r ien à l ' homme.

    L ' h o m m e ne peut point procéder au t rement que la na ture e l le-même,

    c'est-à-dire i l ne fait que changer la forme des m a t i è r e s 1 2 . Bien plus, dans

    cette œuvre de simple transformation, i l est encore | |17| cons tamment sou- 30

    tenu par des forces naturel les. Le travail n 'es t donc pas l 'unique source des

    valeurs d'usage qu' i l produit , de la richesse matériel le. Il en est le père, et

    la terre la mère, c o m m e dit William Petty. 1 2 « T o u s les p h é n o m è n e s de l 'univers, qu ' i ls é m a n e n t de l ' h o m m e ou des lois générales de la na tu re , ne n o u s d o n n e n t pas l ' idée de créat ion réelle, m a i s s eu lemen t d ' u n e modi f ica t ion de 35 la mat iè re . R é u n i r et séparer - voilà les seuls é léments qui l 'esprit h u m a i n saisisse en analy-san t l ' idée de la r eproduc t ion . C'est aussi b ien u n e reproduc t ion de valeur (valeur d'usage, b i e n qu ' ic i Verri , dans sa p o l é m i q u e cont re les physiocrates , ne sache pas l u i - m ê m e de quel le sorte de valeur i l parle) et de r ichesse, que la terre, l 'air et l ' eau se t ransforment en gra in ou que la m a i n de l ' h o m m e convert isse la g lu t ine d 'un insecte en soie, ou lorsque des pièces de mé ta l 40 s 'organisent par un a r r angement de leurs a tomes .» (Pietro Verri: Meditazioni sulla Economia po-litica; impr imé pour la p remiè re fois en 1771. D a n s l ' édi t ion des économis tes i ta l iens de Cus-todi , par te m o d e r n a , t . XV, p. 22.)

    26

  • Chapitre premier · La marchandise

    Laissons ma in t enan t la marchandise en tan t qu'objet d 'uti l i té et reve-

    nons à sa valeur.

    D'après notre supposit ion, l 'habit vaut deux fois la toile. Ce n 'es t là ce-

    pendan t qu ' une différence quantitative qui ne nous intéresse pas encore.

    5 Aussi observons-nous que si un habi t est égal à deux fois 10 mètres de

    toile, 20 mètres de toile sont égaux à un habit . En tant que valeurs, l 'habit

    et la toile sont des choses de m ê m e substance, des expressions objectives

    d 'un travail ident ique. Mais la confection des habits et le tissage sont des

    travaux différents. Il y a cependant des états sociaux dans lesquels le m ê m e

    10 h o m m e est tour à tour tai l leur et t isserand, où par conséquent ces deux es-

    pèces de travail sont de simples modifications du travail d 'un m ê m e indi-

    vidu, au lieu d'être des fonctions fixes d ' individus différents, de m ê m e que

    l 'habit que notre tailleur fait aujourd 'hui et le panta lon qu ' i l fera demain

    ne sont que des variations de son travail individuel. On voit encore au pre-

    is mier coup d'ceil que dans notre société capitaliste, suivant la direct ion va-

    riable de la demande du travail, u n e port ion donnée de travail h u m a i n doit

    s'offrir tantôt sous la forme de confection de vêtements , tantôt sous celle

    de tissage. Quel que soit le frottement causé par ces muta t ions de forme du

    travail, elles s 'exécutent quand m ê m e .

    20 En fin de compte, toute activité productive, abstraction faite de son ca-

    ractère ut i le , est u n e dépense de force h u m a i n e . La confection des vête-

    ments et le tissage, malgré leur différence, sont tous deux u n e dépense pro-

    ductive du cerveau, des muscles , des nerfs, de la m a i n de l ' homme, et en ce

    sens du travail h u m a i n au m ê m e titre. La force h u m a i n e de travail dont le

    25 mouvement ne fait que changer de forme dans les diverses activités pro-

    ductives, doit assurément être plus ou moins développée pour pouvoir être

    dépensée sous telle ou telle forme. Mais la valeur des marchandises repré-

    sente purement et s implement le travail de l ' homme, u n e dépense de force

    h u m a i n e en général. Or, de m ê m e que dans la société civile un général ou

    30 un banquier joue un grand rôle, tandis que l ' homme pur et s imple fait

    triste f igure 1 3 , de m ê m e en est-il du travail huma in . C'est une dépense de

    la force simple que tout h o m m e ordinaire, sans développement spécial,

    possède dans l 'organisme de son corps. Le travail simple moyen change, il

    est vrai, de caractère dans différents pays et suivant les époques ; mais il est

    35 toujours dé terminé dans u n e société donnée . Le travail complexe (skilled

    labour, travail qualifié) n 'est qu 'une puissance du travail simple, ou plutôt

    n 'est que le travail s imple mult ipl ié , de sorte qu 'une quant i té donnée de

    travail complexe correspond à u n e quant i té plus grande de travail simple.

    L'expérience mont re que cette réduct ion se fait cons tamment . Lors m ê m e

    40 1 3 Comparez Hegel , Philosophie du droit, Berlin, 1840, p. 250, § 190.

    27

  • τ

    Première section · Marchandise et monnaie

    qu ' une marchandise est le produit du travail le plus complexe, sa valeur la

    ramène , dans une proport ion quelconque, au produi t d 'un travail s imple

    dont elle ne représente par conséquent qu ' une quant i té d é t e r m i n é e 1 4 . Les

    proportions diverses, suivant lesquelles différentes espèces de travail sont

    réduites au travail simple comme à leur un i té de mesure , s 'établissent dans 5

    la société à l ' insu des producteurs et leur paraissent des convent ions tradi-

    t ionnelles. I l s 'ensuit que dans l 'analyse de la valeur on doit traiter chaque

    variété de force de travail comme u n e force de travail s imple.

    De m ê m e donc que dans les valeurs toile et habi t la différence de leurs

    valeurs d'usage est é l iminée, de m ê m e disparaît dans le travail que ces va- 10

    leurs représentent la différence de ses formes utiles, taille de vêtements et

    tissage. De m ê m e que les valeurs d'usage toile et habi t sont des combinai -

    sons d'activités productives spéciales, avec le fil et le drap, tandis que les

    valeurs de ces choses sont de pures cristallisations d 'un travail ident ique ,

    de m ê m e les travaux fixés dans ces valeurs, n ' on t plus de rapport productif 15

    avec le fil et le drap, mais expr iment s implement u n e dépense de la m ê m e

    force huma ine . Le tissage et la taille forment la toile et l 'habit, précisément

    parce qu'i ls ont des quali tés différentes; mais ils n ' e n forment les valeurs

    que par leur quali té c o m m u n e de travail h u m a i n .

    L 'habi t et la toile ne sont pas seulement des valeurs en général, mais des 20

    valeurs d 'une grandeur dé te rminée ; et, d'après notre supposit ion, l 'habit

    vaut deux fois au tant que 10 mètres de toile. D 'où vient cette différence?

    De ce que la toile cont ient moi t ié moins de travail que l 'habit, de sorte que

    pour la product ion de ce dernier la force de travail doit être dépensée pen-

    dant le double du temps qu'exige la product ion de la première. 25

    Si donc, quan t à la valeur d'usage, le travail contenu dans la marchan-

    dise ne vaut que qual i ta t ivement ; par rapport à la grandeur de la valeur, il

    ne compte que quant i ta t ivement . Là i l s'agit de savoir c o m m e n t le travail

    se fait et ce qu ' i l p rodu i t ; ici combien de temps il dure . C o m m e la gran-

    deur de valeur d 'une marchandise ne représente que le quantum de travail 30

    contenu en elle, i l s 'ensuit que toutes les marchandises , dans u n e certaine

    proportion, doivent être des valeurs égales.

    La force productive de tous les travaux utiles qu'exige la confection d 'un

    habi t reste-t-elle constante? la quant i té de la valeur des habits augmente

    avec leur nombre . Si un habi t représente χ journées de travail, deux habits 35

    représentent 2x, et ainsi de suite. Mais , admet tons que la durée du travail

    nécessaire à la product ion d 'un habi t augmente du double ou d iminue de

    1 4 Le lec teur doit r e m a r q u e r qu ' i l ne s'agit pas ici du salaire ou de la va leur que l 'ouvrier reçoi t pou r u n e j o u r n é e de t ravai l ; m a i s de la valeur de la marchand i se dans laquel le se réal ise cet te j o u r n é e de travail . Auss i b i en la catégorie du salaire n 'ex is te pas encore au po in t où n o u s en 40 s o m m e s de no t re exposi t ion.

    28

    • n i a

  • Chapitre premier • La marchandise

    moi t ié ; dans le premier cas un habi t a au tan t de valeur qu ' en avaient deux

    auparavant, dans le second deux habits n 'on t pas plus de valeur que n ' e n

    avait p récédemment un seul, b ien que dans les deux cas l 'habit rende

    après | |18| c o m m e avant les mêmes services et que le travail ut i le dont i l

    5 provient soit toujours de m ê m e qualité. Mais le quantum de travail dépensé

    dans sa product ion n 'est pas resté le m ê m e .

    U n e quant i té plus considérable de valeurs d 'usage forme év idemment

    u n e plus grande r ichesse matérielle; avec deux habits on peu t habil ler deux

    hommes , avec un habi t on n ' e n peut habil ler q u ' u n seul, e t ainsi de suite.

    10 Cependant à u n e masse croissante de la richesse matériel le peut correspon-

    dre un décroissement s imul tané de sa valeur. Ce mouvemen t contradic-

    toire provient du double caractère du travail. L'efficacité, dans un temps

    donné , d 'un travail ut i le dépend de sa force productive. Le travail ut i le de-

    vient donc u n e source plus ou moins abondante de produits en raison di-

    15 recte de l 'accroissement ou de la d iminu t ion de sa force productive. Par

    contre, u n e variation de cette dernière force n 'a t te in t j amais d i rectement le

    travail représenté dans la valeur. Comme la force productive appart ient au

    travail concret et ut i le , elle ne saurait plus toucher le travail dès qu 'on fait

    abstraction de sa forme uti le . Quelles que soient les variations de sa force

    20 productive, le m ê m e travail, fonct ionnant duran t le m ê m e temps, se fixe

    toujours dans la m ê m e valeur. Mais i l fournit dans un temps dé terminé

    plus de valeurs d 'usage, si sa force productive augmente , moins , si elle di-

    minue . Tout changement dans la force productive, qui augmente la fécon-

    dité du travail et par conséquent la masse des valeurs d 'usage livrées par

    25 lui, d iminue la valeur de cette masse ainsi augmentée , s'il raccourcit le

    temps total de travail nécessaire à sa product ion, et il en est de m ê m e in-

    versement.

    Il résulte de ce qui précède que s'il n 'y a pas, à proprement parler, deux

    sortes de travail dans la marchandise , cependant le m ê m e travail y est op-

    30 posé à lu i -même, suivant qu 'on le rapporte à la valeur d 'usage de la mar-

    chandise c o m m e à son produit , ou à la valeur de cette marchandise c o m m e

    à sa pure expression objective. Tout travail est d 'un côté dépense, dans le

    sens physiologique, de force huma ine , et à ce titre de travail h u m a i n égal,

    i l forme la valeur des marchandises . De l 'autre côté, tout travail est dé-

    35 pense de la force h u m a i n e sous telle ou telle forme productive, dé terminée

    par un bu t particulier, et à ce titre de travail concret et ut i le , il produi t des

    valeurs d 'usage ou uti l i tés. De m ê m e que la marchandise doit avant tout

    être une uti l i té pour être u n e valeur, de m ê m e le travail doit être avant tout

    uti le, pour être censé dépense de force huma ine , travail h u m a i n , dans le

    40 sens abstrait du m o t 1 5 . 1 5 Pour démon t re r que « l e seul travail est la m e s u r e réelle à l 'a ide de laquel le la valeur de

    29

  • Première section · Marchandise et monnaie

    La substance de la valeur et la grandeur de valeur sont ma in t enan t déter-

    minées . Reste à analyser la forme de la valeur.

    III

    Forme de la Valeur

    Les marchandises v iennent au m o n d e sous la forme de valeurs d 'usage ou 5

    de matières marchandes , telles que fer, toile, laine, etc. C'est là tout bonne-

    m e n t leur forme naturelle. Cependant elles ne sont marchandises que

    parce qu'elles sont deux choses à la fois, objets d'util i té et porte-valeur.

    Elles ne peuvent donc entrer dans la circulation qu ' au tan t qu'el les se pré-

    sentent sous u n e double forme, leur forme de na ture et leur forme de va- 10

    l e u r 1 6 .

    La réalité que possède la valeur de la marchandise , diffère en ceci de

    l 'amie de Falstaff, la veuve l 'Éveillé, qu 'on ne sait où la prendre. Par un

    contraste des plus criants avec la grossièreté du corps de la marchandise , il

    n 'est pas un a tome de mat ière qui pénètre dans sa valeur. On peut donc 15

    tourner et re tourner à volonté une marchandise prise à part ; en tant qu 'ob-

    je t de valeur, elle reste insaisissable. Si l 'on se souvient cependant que les

    valeurs des marchandises n 'on t qu 'une réalité purement sociale, qu'elles ne

    tou tes les marchand i se s peu t toujours s 'es t imer et se compare r» , A.Smith d i t : « D e s quan t i t é s de travail doivent nécessa i rement , dans tous les t e m p s e t dans tous les l ieux, être d ' u n e valeur 20 égale pour celui qui travail le. D a n s son état hab i tue l de santé , de force et d 'act ivi té , e t d 'après le degré ordinaire d 'habi le té ou de dextér i té qu ' i l peu t avoir, i l faut toujours qu ' i l d o n n e la m ê m e por t ion de son repos, de sa l iberté, de son b o n h e u r . » (Wealth of nations, 1.1, ch. v.) D ' u n côté, A. Smith confond ici (ce qu ' i l ne fait pas toujours) la dé te rmina t ion de la valeur de la m a r c h a n d i s e par le quantum de travail dépensé dans sa p roduc t ion avec la dé t e rmina t i on de sa 25 valeur par la valeur du travail, et cherche par conséquen t à prouver que d 'égales quan t i t é s de travail on t toujours la m ê m e valeur. D ' u n au t re côté, i l pressent , i l est vrai, q u e tou t travail n 'es t q u ' u n e dépense de force humaine de travail, en t an t qu ' i l se représente dans la va leur de la m a r c h a n d i s e ; ma i s i l c o m p r e n d cet te dépense exclus ivement c o m m e abnéga t ion , c o m m e sa-crifice de repos, de l iberté e t de bonheur , e t n o n en m ê m e t emps c o m m e aff irmation no rma le 30 de la vie. I l est vrai aussi qu ' i l a en vue le travail leur salarié m o d e r n e . Un des prédécesseurs de A. Smith, ci té déjà par nous , di t avec b e a u c o u p plus de justesse : « Un h o m m e s'est occupé pen-d a n t u n e s ema ine à fournir u n e chose nécessai re à la vie, e t celui qu i lu i en d o n n e u n e aut re en échange, ne peu t pas m i e u x es t imer ce qui en est l ' équivalent q u ' e n ca lcu lant ce qu i lu i a coû té exac temen t le m ê m e t e m p s de travail . Ce n 'es t en effet que l ' échange du travail d ' u n 35 h o m m e dans u n e chose du ran t un cer ta in t emps contre l e travail d ' u n au t re h o m m e dans u n e au t re chose d u r a n t le m ê m e t emps .» (Some Thoughts on the Interest of money in general, e tc . , p . 39.)

    1 6 Les économis tes peu n o m b r e u x qu i on t cherché , c o m m e Bailey, à faire l 'analyse de la forme de la valeur, ne pouva ien t arriver à a u c u n résu l ta t : p remiè remen t , parce qu ' i l s confonden t tou- 40 jours la valeur avec sa forme ; s econdemen t , parce que sous l ' inf luence grossière de la p ra t ique bourgeoise , ils se p réoccupen t dès l 'abord exc lus ivement de la quan t i t é . "The command of quantity .... constitutes value." (Money and its vicissitudes. London , 1837, p. 1 1 . S.Bailey.)

    30

  • Chapitre premier • La marchandise

    l 'acquièrent qu ' en tant qu'elles sont des expressions de la m ê m e uni té so-

    ciale, du travail huma in , i l devient évident que cette réalité sociale ne peut

    se manifester aussi que dans les t ransact ions sociales, dans les rapports des

    marchandises les unes avec les autres. En fait, nous sommes partis de la va-

    5 leur d 'échange ou du rapport d 'échange des marchandises pour trouver les

    traces de leur valeur qui y est cachée. Il nous faut revenir ma in t enan t à

    cette forme sous laquelle la valeur nous est d 'abord apparue.

    Chacun sait, lors m ê m e qu ' i l ne sait rien autre chose, que les marchan-

    dises possèdent u n e forme valeur particulière qui contraste de la manière

    10 la plus éclatante avec leurs formes naturelles diverses, la forme monna ie . Il

    s'agit ma in tenan t de faire ce ||19| que l 'économie bourgeoise n ' a j amais es-

    sayé; il s'agit de fournir la genèse de la forme monna ie , c'est-à-dire de dé-

    velopper l 'expression de la valeur contenue dans le rapport de valeur des

    marchandises depuis son ébauche la plus simple et la moins apparente

    15 jusqu 'à cette forme m o n n a i e qui saute aux yeux de tout le monde . En

    m ê m e temps sera résolue et disparaîtra l 'énigme de la monna ie .

    En général les marchandises n 'on t pas d 'autre rapport entre elles qu ' un

    rapport de valeur, et le rapport de valeur le plus simple est év idemment ce-

    lui d 'une marchandise avec u n e autre marchandise d 'espèce différente,

    20 n ' importe laquelle. Le rapport de valeur ou d 'échange de deux marchan-

    dises fournit donc pour u n e marchandise l 'expression de valeur la plus sim-

    ple.

    A. Forme simple ou accidentel le de la valeur

    χ marchandise A = y marchandise B, ou χ marchandise A vaut y marchandise

    25 B.

    (20 mètres de toile = 1 habit , ou 20 mètres de toile ont la valeur d 'un ha-

    bit.)

    Le mystère de toute forme de valeur gît dans cette forme simple. Aussi

    c'est dans son analyse que se trouve la difficulté.

    30 a) Les deux pôles de l'expression de la valeur:

    sa forme relative et sa forme équivalente

    Deux marchandises différentes A et B, et, dans l 'exemple que nous avons

    choisi, la toile et l 'habit, jouent ici év idemment deux rôles dist incts. La

    toile exprime sa valeur dans l 'habit et celui-ci sert de mat ière à cette ex-

    35 pression. La première marchandise joue un rôle actif, la seconde un rôle

    passif. La valeur de la première est exposée c o m m e valeur relative, la se-

    conde marchandise fonct ionne c o m m e équivalent.

    31

  • Première section • Marchandise et monnaie

    La forme relative et la forme équivalente sont deux aspects corrélatifs,

    inséparables, mais en m ê m e temps des extrêmes opposés, exclusifs l'un de

    l'autre, c 'est-à-dire des pôles de la m ê m e expression de la valeur. Ils se dis-

    t r ibuent toujours entre les diverses marchandises que cette expression me t

    en rapport. Cette équat ion : 20 mètres de toile = 20 mètres de toile, expr ime 5

    seulement que 20 mètres de toile ne sont pas autre chose que 20 mètres de

    toile, c'est-à-dire ne sont qu ' une certaine somme d 'une valeur d 'usage. La

    valeur de la toile ne peu t donc être exprimée que dans u n e autre marchan-

    dise, c'est-à-dire relat ivement. Cela suppose que cette autre marchand ise se

    trouve en face d'elle sous forme d'équivalent. D ' u n autre côté, la marchan- 10

    dise qui figure c o m m e équivalent ne peut se trouver à la fois sous forme de

    valeur relative. Elle n ' expr ime pas sa valeur, mais fournit seu lement la ma-

    tière pour l 'expression de la valeur de la première marchandise .

    L 'expression: 20 mètres de toile = un habit ou: 20 mètres de toile valent un

    habit, renferme, il est vrai, la réc iproque: 1 habit = 20 mètres de toile ou: 15

    1 habit vaut 20 mètres de toile. Mais il me faut alors renverser l 'équat ion

    pour exprimer relat ivement la valeur de l 'habit, et dès que je le fais, la toile

    devient équivalent à sa place. U n e m ê m e marchandise ne peu t donc revêtir

    s imul tanément ces deux formes dans la m ê m e expression de la valeur. Ces

    deux formes s 'excluent polar iquement . 20

    b) La forme relative de la valeur

    1) Contenu de cette forme

    Pour trouver commen t l 'expression simple de la valeur d 'une marchandise

    est contenue dans le rapport de valeur de deux marchandises , i l faut

    d 'abord l 'examiner, abstract ion faite de son côté quantitatif. C'est le 25

    contraire qu 'on fait en général en envisageant dans le rapport de valeur ex-

    clusivement la proport ion dans laquelle des quant i tés déterminées de deux

    sortes de marchandises sont dites égales entre elles. On oubl ie que des

    choses différentes ne peuvent être comparées quantitativement qu 'après

    avoir été ramenées à la m ê m e uni té . Alors seulement elles ont le m ê m e dé- 30

    nomina teur et deviennent commensurables .

    Que 20 mètres de toile = 1 habit , ou = 20, ou = χ habits, c 'est-à-dire

    qu 'une quant i té donnée de toile vaille plus ou moins d 'habits , u n e propor-

    t ion de ce genre impl ique toujours que l 'habit et la toile, c o m m e grandeurs

    de valeur, sont des expressions de la m ê m e uni té . Toile = habit , voilà le 35

    fondement de l 'équation.

    Mais les deux marchandises dont la quali té égale, l 'essence ident ique ,

    est ainsi affirmée, n 'y j ouen t pas le m ê m e rôle. Ce n 'est que la valeur de la

    32

  • Chapitre premier • La marchandise

    toile qui s'y trouve exprimée. Et c o m m e n t ? En la comparant à une mar-

    chandise d 'une espèce différente, l 'habit, c o m m e son équivalent, c'est-à-

    dire u n e chose qui peut la remplacer ou est échangeable avec elle. I l est

    d 'abord évident que l 'habit entre dans ce rapport exclusivement c o m m e

    5 forme d 'existence de la valeur, car ce n 'est qu ' en expr imant de la valeur

    qu' i l peut figurer c o m m e valeur vis-à-vis d 'une autre marchandise . De

    l 'autre côté, le propre valoir de la toile se mont re ici ou acquiert u n e ex-

    pression distincte. En effet, la valeur habi t pourrait-elle être mise en équa-

    tion avec la toile ou lui servir d 'équivalent, si celle-ci n 'é ta i t pas e l le-même

    10 valeur?

    Emprun tons u n e analogie à la chimie. L'acide butyrique et le formiate

    de propyle sont deux corps qui diffèrent d 'apparence aussi b ien que de

    qualités physiques et chimiques . Néanmoins ils cont iennent les mêmes

    éléments - carbone, hydrogène et oxygène. En outre, ils les cont iennent

    15 dans la m ê m e proport ion de C 4 H 8 0 2 . Main tenan t si on met ta i t le formiate

    de propyle en équat ion avec l 'acide butyr ique ou si on en faisait l 'équiva-

    lent, le formiate de propyle ne figurerait dans ce rapport que c o m m e forme

    d'existence de C 4 H 8 0 2 , c 'est-à-dire de la substance qui lui est c o m m u n e

    avec l 'acide. U n e équat ion où le formiate de propyle jouera i t le rôle d 'équi-

    20 valent de l 'acide butyr ique serait donc u n e manière un peu gauche d'expri-

    mer la substance de l 'acide c o m m e quelque chose de tout à fait dist inct de

    sa forme corporelle.

    Si nous disons : en tan t que valeurs toutes les marchandises ne sont que

    du travail h u m a i n cristallisé, nous les ramenons par notre analyse à l 'abs-

    25 traction valeur, mais avant c o m m e après elles ne possèdent q u ' u n e seule

    forme, leur forme naturel le d'objets utiles. Il en est tout au t rement dès

    qu 'une marchandise est mise en rapport de valeur avec une autre marchan-

    dise. Dès ce m o m e n t son caractère de valeur ressort et s'affirme c o m m e sa

    propriété | |20| inhérente qui dé termine sa relation avec l 'autre marchan-

    30 dise.

    L'habit étant posé l 'équivalent de la toile, le travail contenu dans l 'habit

    est affirmé être ident ique avec le travail con tenu dans la toile. Il est vrai

    que la taille se dist ingue du tissage. Mais son équat ion avec le tissage la ra-

    m è n e par le fait à ce qu'el le a de réel lement c o m m u n avec lui, à son carac-

    35 tère de travail h u m a i n . C'est u n e manière détournée d 'exprimer que le tis-

    sage, en tant qu' i l tisse de la valeur, ne se dist ingue en rien de la taille des

    vêtements , c'est-à-dire est du travail h u m a i n abstrait. Cette équat ion ex-

    prime donc le caractère spécifique du travail qui consti tue la valeur de la

    toile.

    40 II ne suffit pas cependant d 'exprimer le caractère spécifique du travail

    qui fait la valeur de la toile. La force de travail de l ' homme à l 'état fluide

    33

  • Première section · Marchandise et monnaie

    ou le travail h u m a i n forme bien de la valeur, mais n 'est pas valeur. I l ne

    devient valeur qu 'à l 'état coagulé sous la forme d 'un objet. Ainsi les condi-

    t ions qu' i l faut remplir pour exprimer la valeur de la toile paraissent se

    contredire el les-mêmes. D ' u n côté i l faut la représenter c o m m e u n e pure

    condensat ion du travail h u m a i n abstrait, car en tant que valeur la mar- 5

    chandise n ' a pas d 'autre réalité. En m ê m e temps cette condensat ion doit

    revêtir la forme d 'un objet visiblement distinct de la toile e l le-même et qui ,

    tout en lui appartenant , lui soit c o m m u n e avec u n e autre marchandise . Ce

    problème est déjà résolu.

    En effet, nous avons vu que dès qu'i l est posé c o m m e équivalent, l 'habit 10

    n ' a plus besoin de passeport pour constater son caractère de valeur. Dans

    ce rôle sa propre forme d'existence devient u n e forme d 'existence de la va-

    leur ; cependant l 'habit, le corps de la marchandise habit , n 'es t q u ' u n e sim-

    ple valeur d 'usage; un habi t exprime aussi peu de valeur que le premier

    morceau de toile venu. Cela prouve tout s implement que dans le rapport de 15

    valeur de la toile i l signifie plus qu 'en dehors de ce rapport ; de m ê m e que

    m a i n t personnage impor tant dans un cos tume galonné devient tout à fait

    insignifiant si les galons lui manquen t .

    Dans la product ion de l 'habit, de la force h u m a i n e a été dépensée en fait

    sous une forme particulière. Du travail h u m a i n est donc accumulé en lui. 20

    A ce point de vue, l 'habit est porte-valeur, b ien qu' i l ne laisse pas percer

    cette quali té à travers la t ransparence de ses fils, si râpé qu ' i l soit. Et, dans

    le rapport de valeur de la toile, il ne signifie pas autre chose. Malgré son ex-

    térieur si b ien boutonné , la toile a reconnu en lui une âme sœur pleine de

    valeur. C'est le côté p la tonique de l'affaire. En réalité l 'habit ne peut point 25

    représenter dans ses relat ions extérieures la valeur, sans que la valeur

    prenne en m ê m e temps l 'aspect d 'un habit . C'est ainsi que le part iculier A

    ne saurait représenter pour l ' individu B une majesté, sans que la majesté

    aux yeux de B revête immédia temen t et la figure et le corps de A; c'est

    pour cela probablement qu'el le change avec chaque nouveau père du peu- 30

    pie, de visage, de cheveux et de main te autre chose.

    Le rapport qui fait de l 'habit l 'équivalent de la toile, mé tamorphose donc

    la forme habit en forme valeur de la toile ou exprime la valeur de la toile

    dans la valeur d 'usage de l 'habit. En tant que valeur d'usage, la toile est un

    objet sensiblement différent de l 'habit ; en tant que valeur, elle est chose 35