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La Grande Relève MENSUEL DE RÉFLEXION SOCIO-ÉCONOMIQUE VERS LA DÉMOCRATIE EN ÉCONOMIE «Vous voulez les pauvres secourus, moi je veux la misère supprimée» V. Hugo. DÉBATS page 11 F F a a i i s s o o n n s s l l e e p p o o i i n n t t, Roland Poquet répond à un ancien militant en retraçant l’histoire et l’impact des thèses que nous défendons par rapport à l’évolution de la société. 1018 - février 2002 - SOMMAIRE : UN RÉSUMÉ SUCCINCT DE NOS PROPOSITIONS FIGURAIT, EN QUATRE PAGES, DANS NOTRE N° 993. ÉDITORIAL page 2 S S e e r r é éa a p pp p r r o op p r r i i e e r r l l a av v e en n i i r r , , Marie-Louise Duboin, d’accord avec ce programme d’Attac, cherche dans “le nouveau capitalisme”, livre écrit par son nouveau conseiller scientifique, quelles sont ses analyses et propositions… . ACTUALITÉ page 4 Un cas d’école, Jean-Pierre Mon a trouvé dans l’actualité récente une parfaite illus- tration de ce qu’apporte le “nouveau capitalisme”. RÉFLEXION page 6 La paix par le commerce ? Renaud Laillier n’a aucune illusion sur le prétexte de démocra- tie mis en avant pour présenter la croisade contre les pays pauvres. page 8 La vie, mode d’emploi, Paul Vincent n’est pas dupe de l’art de se faire valoir… et pas disposé à payer cher pour se le faire enseigner. TÉMOIGNAGE page 10 Le cadre à fort potentiel, Cette satire du cadre bien dressé témoigne de l’absurdité du système qui le produit. Fabuleux pouvoir que celui du travail : il ôte aux gens leur pouvoir de réflexion ! page 14 C C o o u u r r r r i i e e r r d d e e s s l l e e c c t t e e u u r r s s. La plupart ont l’espoir que l’opinion évolue, un peu, dans le bon sens…

MENSUEL DE RÉFLEXION SOCIO-ÉCONOMIQUE VERS LA ...Or le conseil scientifique d’Attac a changé de prési-dent : René Passet a cédé la place à Dominique Plihon. Le “sortant”

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Page 1: MENSUEL DE RÉFLEXION SOCIO-ÉCONOMIQUE VERS LA ...Or le conseil scientifique d’Attac a changé de prési-dent : René Passet a cédé la place à Dominique Plihon. Le “sortant”

La Grande RelèveM E N S U E L D E R É F L E X I O N S O C I O - É C O N O M I Q U E

V E R S L A D É M O C R AT I E E N É C O N O M I E

«Vous voulez les pauvres secourus, moi je veux la misère supprimée» V. Hugo.

• DÉBATSpage 11 FFaaiissoonnss llee ppooiinntt,

R o l a n d P o q u e t r é p o n d à u n a n c i e n m i l i t a n t e n r e t r a ç a n tl ’ h i s t o i r e e t l ’ i m p a c t d e s t h è s e s q u e n o u s d é f e n d o n s p a rr a p p o r t à l ’ é v o l u t i o n d e l a s o c i é t é .

N° 1018 - février 2002 - SOMMAIRE:

• UN RÉSUMÉ SUCCINCT DE NOS PROPOSITIONS FIGURAIT, EN QUATRE PAGES, DANS NOTRE N° 993.

• ÉDITORIALpage 22 SSee rrééaapppprroopprriieerr ll’’aavveenniirr,,

Marie-Louise Duboin, d’accord avec ce programme d’Attac, cherchedans “le nouveau capital isme”, l ivre écrit par son nouveauconseiller scientifique, quelles sont ses analyses et propositions….

• ACTUALITÉpage 4 UUnn ccaass dd’’ééccoollee,

Jean-Pierre Mon a trouvé dans l’actualité récente une parfaite illus-tration de ce qu’apporte le “nouveau capitalisme”.

• RÉFLEXIONpage 6 LLaa ppaaiixx ppaarr llee ccoommmmeerrccee ??

Renaud Lai l l ier n’a aucune i l lusion sur le prétexte de démocra-t ie mis en avant pour présenter la croisade contre les payspauvres .

page 8 LLaa vviiee,, mmooddee dd’’eemmppllooii,,P a u l Vi n c e n t n ’ e s t p a s d u p e d e l ’ a r t d e s e f a i r e v a l o i r … e tp a s d i s p o s é à p a y e r c h e r p o u r s e l e f a i r e e n s e i g n e r.

• TÉMOIGNAGEpage 10 LLee ccaaddrree àà ffoorrtt ppootteennttiieell,,

C e t t e s a t i r e d u c a d r e b i e n d r e s s é t é m o i g n e d e l ’ a b s u r d i t éd u s y s t è m e q u i l e p r o d u i t . F a b u l e u x p o u v o i r q u e c e l u i d ut r a v a i l : i l ô t e a u x g e n s l e u r p o u v o i r d e r é f l e x i o n !

page 14 CCoouurrrriieerr ddeess lleecctteeuurrss.L a p l u p a r t o n t l ’ e s p o i r q u e l ’ o p i n i o n é v o l u e , u n p e u ,d a n s l e b o n s e n s …

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Tel est le programme que s’est donné l’associa-tion Attac et auquel, bien évidemment, nousne pouvons que souscrire. Et nous ne sommes

pas seuls : il fallait voir l’enthousiasme de tous ceuxque ce mot d’ordre avait attirés, ce samedi 19 jan-vier ! On attentait 3.000 personnes, nous nousretrouvâmes 7.000 en arrivant… au Zénith1. Dansles 41 pays où existe maintenant une associationAttac, et qui seront représentés au second forumsocial de Porto Alegre à la fin de ce mois (où ce sontmaintenant des dizaines de milliers de personnesqui sont attendues) une volonté se dessine, résuméeen trois points : construire ensemble un monde plusjuste, plus solidaire et durable. Mais pour se réap-proprier l’avenir, il faut d’abord comprendre leserreurs du présent, d’où ce travail d’information, deréflexion collective et de pédagogie vers l’extérieur,auquel de nombreux distributistes tiennent à par-ticiper. Jean-Pierre et moi-même étant parmi les toutpremiers à avoir adhéré, c’est dans cet esprit quenous avons entrepris, au sein de notre groupedépartemental, d’étudier la monnaie en général, sonévolution au cours de l’histoire et, en particulier, sesénormes transformations qui viennent, en une ving-taine d’années environ, de changer la face dumonde. Notre groupe de travail a déjà pris con-science que la majorité des obstacles qui s’opposentà cet autre monde qui est possible et que nousvoulons, tournent autour de l’argent, mais on sentbien qu’on touche là à un domaine tabou : la com-plexité des questions financières et les symboles liésà la monnaie entretiennent des idées fausses dansles esprits, et répandent la conviction qu’il faut êtrefou pour oser s’y frotter… Or le conseil scientifique d’Attac a changé de prési-dent : René Passet a cédé la place à DominiquePlihon. Le “sortant” est un économiste hors norme,dont nos lecteurs connaissent la rigueur scientifiqueet apprécient le courage : il est l’auteur d’un travailpuissant, dont la portée est à très long terme :“L’économique et le vivant” , d’une satire del’économie actuelle écrite avec humour pour unsujet a priori austère : “Une économie de rêve”, dedeux récents ouvrages : “L’illusion néolibérale” (voirGR 1001, juillet 2000) et “Éloge du mondialisme - par unanti présumé” (Voir GR 1011, juin 2001) qui apportenttous les arguments solides dont ceux qui contestentla mondialisation libérale et perverse peuvent avoirbesoin ; enfin son enthousiasme raisonné pour l’ini-tiative de Porto Alegre, l’an dernier, était manifeste,on l’a bien senti dans le rapport que nous avons

publié sous le titre “Porto Alegre, j’y étais” (GR 1008,de mars dernier). Son remplaçant est docteur del’Université de l’État de New York, il enseigne àl’Université Paris-Nord où il dirige le DESS“Banque, finance, gestion des risques”, il fut chargéde mission à la Banque de France (1974-1983), auCommissariat général au Plan (1983-1998) et con-sultant auprès de la Commission bancaire de 1995 à1998, il est co-rédacteur en chef de la revue Économieinternationale et également membre du Conseild’orientation économique de L. Jospin… Quellesconséquences pourrait avoir ce changement, à pro-pos duquel les membres d’Attac n’ont pas été con-sultés, sur l’orientation d’un si formidable mouve-ment citoyen ?

*LE NOUVEAU CAPITALISME

Bien entendu, c’est l’avenir qui répondra à cettequestion. J’avais déja lu “La monnaie et ses méca-nismes”2 de D. Plihon, c’est une excellente référencepour le travail de notre groupe d’étude cité ci-con-tre, et ses articles dans la revue Alternativeséconomiques sont utiles et très clairs. Mais pour mefaire une idée de ce que peuvent être les conseils dece conseiller, et conseillée moi-même par RenéPasset, j’ai entrepris de lire “Le nouveau capitalisme”qu’il vient de publier3. Il commence par décrire lebouleversement de l’économie par les nouvellestechniques, ce qu’il appelle la 3ème révolutionindustrielle : il s’agit en fait d’une révolution dans letraitement de l’information mais qui, comme l’adécrit Robert Reich4 nous a fait passer d’uneéconomie de production de masse de biens stan-dardisés à celle de services spécialisés, voire mêmeindividualisés : pour résumer, au lieu d’acheter desvoitures, on les louera. Ceci se traduit par une com-plète réorganisation des entreprises : leurs installa-tions physiques deviennent secondaires, c’est l’in-telligence et la flexibilité qui priment afin des’adapter le plus vite possible aux changements,c’est-à-dire aux nouveaux besoins créés chez lesclients. L’industrie du téléphone en est un bonexemple : l’instrument devient un gadget dont lecoût ne dépend pas de la quantité produite, ce quiimporte c’est que les clients l’utilisent le plus possi-ble. Il s’en suit évidemment une forte réduction dupersonnel de production, l’emploi se concentresurtout sur la chasse au client et sur la conceptionde nouveaux produits, mais celle-ci n’est pas le faitdes salariés de l’entreprise.

2 LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002

É D I T O R I A L

dont 1.000 refusés par les services de sécurité.

1.

Par D. Plihon,CollectionRepères, aux éditionsLa Découverte, septembre2000.

2.

chezFlammarion,CollectionDominos, octobre 2001.

3.

“L’économiemondialisée”,Dunod 1997.

4.

par M a r i e - L o u i s e D u b o i n

Se réapproprier l’avenir

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LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002 3

Dans ce nouveau marché, le plus gros fournisseurbénéficie d’un avantage immense, d’où la courseaux fusions-concentrations (ex. AOL-Time Warner,voir “10 01 00, naissance de Big Brother ?”)5.D.Plihon souligne clairement qu’on est donc auxantipodes de la concurrence pure et parfaite quesuppose la théorie libérale quand elle cherche àprouver les mérites qu’elle voit dans le “Marché” !De sorte que les NTIC6 et cette économie non plusde production de biens mais de la connaissance,remettent en question la thèse de la “main invisible”et posent, par conséquent, le problème de la régula-tion des marchés et du rôle des pouvoirs publics.L’auteur constate, d’autre part, que ces technologiesfont des progrès avec une accélération encore jamaisobservée dans l’histoire et que leurs produits n’ontjamais été aussi éphémères : il cite les produits del’électronique japonaise qui ont une durée moyennede vie de trois mois !

*SILENCE SUR LE PROBLÈME ESSENTIEL :

OÙ TROUVER DE NOUVEAUX “DÉBOUCHÉS”?

Après avoir bien rappelé que cette révolution tech-nologique est née des efforts de recherche suscitéspar la seconde guerre mondiale, notre économistene s’arrête pas sur le point de vue économique del’histoire. N’ayant pas rappelé que la remise enroute, rendue nécessaire par ces conflits, avait valuà l’économie une période glorieuse au cours delaquelle les causes de la crise dite de surproductiond’avant guerre paraissaient oubliées, puisqu’onl’avait provisoirement résolue par des destructionsmassives, il passe ainsi sous silence le problème defond que pose la transformation des méthodes deproduction, et qui est réapparu alors, et qui est tou-jours là, et qui est le véritable casse-tête deséconomistes classiques et des producteurs ditsmodernes : où trouver de nouveaux “débouchés” ?À qui vendre ce qu’on sait produire sans avoirbesoin pour cela de payer des employés (qui declients se transforment en chômeurs) ? En spécialiste des questions financières, notreProfesseur d’économie ne se demande pas sid’autres façons d’utiliser les nouvelles techniquesétaient possibles, il n’imagine pas, par exemple,qu’on aurait pu répartir les biens d’usage autrementque proportionnellement au travail humain fournipour les produire. En omettant de souligner qu’on acontinué à inventer de nouveaux besoinsmarchands pour les seuls clients solvables, il se dis-pense de remettre en cause cette façon de gérerl ’économie ! Ce qui revient à l’admettre et c’est cequi peut être lourd de conséquences pour Attac… Il se borne donc à constater que l’utilisation qui a étéfaite des NTIC a permis ces nouveaux débouchésrentables à une économie qui en manquait, puis ilexplique fort bien comment la finance interna-tionale a profité, à partir des années 70, de la révo-lution des techniques pour mettre le monde à samerci. Il reconnaît en passant qu’à cette époque

l’économie était en perte devitesse, que les entrepr i sessubissaient une baisse spectacu-laire de leurs profits et, le sys-tème monétaire internationals’effondrant, que les milieuxindustriels et financiers ont faitpression sur les gouvernementspour qu’ils sauvent le c a p i -t a lisme. C’est ainsi qu’au débutdes années 80 a été mise enœuvre la “révolution conserva-trice” de M. Thatcher et R.Reagan, conseillés par les moné-taristes. Le dogme désormaisproclamé est que les États nesont pas compétents pour gérerl’économie. Il faut laisser fairepartout le marché et pour celasupprimer toute réglementationfinancière. En donnant toutel a titude aux entreprises et enexaltant l’i n d i v i d u alisme, on est sûr, paraît-il,de déboucher sur un bien-être généralisé. C’est ainsique la doctrine libérale a entrepris de détruire l’État-providence et tout ce qui pourrait ressembler à de lasolidarité, en proclamant haut et fort, grâce à sesmoyens médiatiques, qu’il n’y a pas d’alternative :c’est comme ça. Pour protéger les détenteurs del’épargne et autres organisateurs du crédit, le motd’ordre a été d’éviter à tout prix l’inflation, et puisd’alléger le fardeau fiscal des entreprises, de sup-primer tout obstacle à la mobilité des capitaux outoute réglementation qui pourrait en altérer larentabilité, et enfin de permettre toute nouvellemise en valeur des capitaux, ce qui implique, maistant pis, la réduction des programmes sociaux etdes dépenses publiques, et la déréglementation dumarché du travail. D. Plihon retrace l’historique decette révolution “financière” qui a commencé auxÉtats-Unis par le “coup de 1979” assurant auxcréanciers des taux d’intérêt alors jamais atteints, etqui a valu à la finance internationale une croissancevertigineuse.

*LE CAPITALISME ACTIONNARIAL

Le processus est maintenant organisé à l’échelle dela planète : les “trop riches” (par rapport à leursbesoins immédiats) épargnent, ils confient leurépargne, pensant qu’elle leur rapportera desintérêts, aux investisseurs institutionnels (les“zinzins” : fonds de pensions, et autres banque-assurances) qui, bien évidemment en vivent, etprofitent de l’énorme pouvoir que ces capitaux leurconfèrent pour orienter l’économie suivant descritères qui sont générateurs de déséquilibre enfaveur de ce monde des actionnaires et au détrimentdes moins instruits. L’économie ne tirant plus profitde la production de biens de consommation de pre-mière nécessité s’en est détournée et c’est l’im-

éditorial demars 2000,GR N° 997.

5.

NTIC =Nouvellestechniques del’informationet de la communi-cation

6.

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4 LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002

matériel qui se développe, et, comme il n’estrentable que très peu de temps, il oblige à créer trèsvite de nouveaux besoins. C’est l’émergence du“capitalisme actionnarial” : D.Plihon décrit magis-tralement, avec force informations, schémas etréférences, les principes de la “gouvernance d’en-treprise” (qui consiste à attribuer le pouvoir auxgros actionnaires et les risques aux employés). Lelecteur pourra comparer ces “fondementsidéologiques de la nouvelle société” avec le pro-gramme défendu par le MEDEF7 pour la refonda-tion sociale, il verra qu’il s’agit plutôt de la mort detoute société au bénéfice de l’individualisme le plusforcené et exalté dans ses moindres retranchements :pas de conventions collectives, pas de syndicats, pasde fonds de répartition pour les retraites, c’est cha-cun pour soi, chacun négocie son propre salaire envantant son propre mérite puis place ce qu’il peut,quand il peut, pour se constituer éventuellementune retraite; bref, que chacun apprenne à sedéfendre contre tous et que le meilleur gagne !

*IL N’Y AURAIT QU’À CORRIGER LES ABUS ?

Que propose le nouveau président du conseil scien-tifique d’une association qui s’est formée contre lamarchandisation en affirmant qu’un autre mondeest possible ? Hélas, les quelques pages qui, pour

finir le livre, abordent cette “maîtrise de la mondi-alisation” risquent fort de décevoir beaucoup demonde : le capitalisme ayant évolué vers moins derégulation, il faut simplement se battre pour plus derégulations ! Il n’y a qu’à limiter l’emprise du capi-tal financier, il n’y a qu’à corriger les abus du nou-veau capitalisme, il n’y a qu’à domestiquer lafinance internationale. La situation, profondémentinégalitaire, ne pourra changer sans que de nou-velles règles soient imposées, permettant aux paysqui le souhaitent de se protéger contre les mouve-ments de capitaux. Il n’y a donc qu’à éliminer lesparadis fiscaux, puisqu’ils permettent à ces capitauxd’échapper aux lois nationales. Il faut annuler ladette des PPTE (ce sigle désigne les pays pauvres lesplus endettés). Il faut freiner le processus demarchandisation en créant un fonds commun mon-dial de connaissance, accessible gratuitement à toutle monde (ça, c’est une bonne idée). Il faut opterpour un développement durable réunissant troiscritères : justice sociale, prudence écologique et effi-cacité économique. Etc.Tout ceci «implique une nouvelle organisation del’économie mondiale»… Mais celle-ci ne peutque rester capitaliste ! C’est cette dernière remarque, qui transparaîtsous toute cette étude, qui la limite a priori, etc’est rudement dommage.

par J e a n - P i e r r e M o n

Enron, numéro un mondial du négoce del’énergie et septième compagnie américaine,est en faillite depuis le 2 décembre. C’est une

des faillites les plus importantes de l’histoire desÉtats-Unis. Les dettes d’Enron s’élèvent à 16 mil-liards de dollars et les principales agences de nota-tion financière (Standard & Poor’s, Moody’s,Fitch,…) ont abaissé la note attribuée à ses obliga-tions au rang de “juke bonds”, obligations à hautrisques, ce qui signifie en clair que les investisseursrisquent de ne jamais être remboursés de l’argentqu’ils ont prêté. Pourtant, en 2000, Enron réalisaitun chiffre d’affaires de plus de 100 milliards de dol-lars, un bénéfice de 979 millions et son action valait90 dollars. L’été dernier, son titre en Bourse étaitencore coté 40 dollars. Mais fin novembre, c’étaitl’effondrement : il ne valait plus que 30 cents. Que s’est-il donc passé ?

NA I S S A N C E D’U N E S TA R D E L A BO U R S EAu début des années 80, le patron d’une petitesociété de Houston (Texas) possédant quelquesgazoducs aux États-Unis, échappe de peu à uneOPA en Bourse. Convaincu que seuls les gros sur-vivent, il se vend en 1985 à la plus importante com-pagnie de pipelines du monde, Internorth ofNebraska, et en échange il en prend la présidence.C’est l’ère Reagan et le triomphe des idées“libérales”. Dans l’euphorie de la déréglementationgénérale, les villes et les États américains abandon-nent les entreprises, souvent publiques, qui produi-saient et fournissaient localement du gaz et del’électricité ; la production et la distribution del’énergie sont séparées et les gros clients sontautorisés à acheter leur énergie à des compagniesd’un autre État. Cette énergie, il faut la faire venirpar des fils et des tuyaux. Enron avec ses pipelines

L’actualité nous apporte à point nommé un exemple édifiant pour illustrer ce qui pré-cède. Il faudrait en tirer les enseignements, particulièrement en France où des cam-pagnes électorales vont amener quelques débats, et dans l’Union européenne avantque son libéralisem débridé ne l’entraîne à la catastrophe :

Un cas d’école

MEDEF = mouvementdes entreprisesde Francele syndicats dupatronat(ancien CNPF).

7.

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LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002 5

est incontournable. Mais elle ne se contente pas dela transporter, elle se met à l’acheter et à la vendreen gros. Elle est aussi insatiable et, pour suivre lamode, elle se débarrasse de son vieux (!) capitalphysique (les tuyaux) pour le remplacer par du capi-tal moderne (!) virtuel (l’information). Désormais,elle se consacre entièrement au commerce del’énergie et aux marchés dérivés. Enron “invente”un nouveau métier : elle transforme tout enmarchandises vendues au jour le jour sur internet :le gaz, l’électricité, la bande passante des réseauxde télécommunications, le temps d’antennepublicitaire à la télévision, l’assurance, etc. Et c’estainsi qu’Enron devint une idole de Wall Street…

LA CHUTEMais on sait combien les valeurs technologiques,ont été affectées depuis bientôt deux ans. La chutede leurs cours au Nasdaq s’est traduite par une“réduction” d’un peu plus d’un milliard de dollarsdu capital d’Enron. Le 16 octobre, il lui a suffi del’annonce d’un déficit de 638 millions de dollarspour s’écrouler. Il faut dire aussi qu’Enron s’étaitlancée dans une expansion internationale effrénéedans ses domaines favoris en multipliant lesalliances, les dettes et les prises de risques. Elleavait basé son développement sur une inventionfinancière de son cru : en créant1 des sociétés“partenaires” qu’elle “bourrait” de ses dettes grâceà des montages financiers complexes et opaques.Tellement complexes qu’un jour ça n’a plusmarché ! Le 28 novembre, Enron annonçait la sus-pension de «tous les paiements autres que ceux absolu-ment indispensables au fonctionnement de l’entreprise».«Bonne affaire, se dit l’un de ses concurrents,Dynegy, autre courtier en énergie dont le principalactionnaire est le pétrolier Chevron-Texaco, on vaacheter Enron pour pas grand chose !». Au cours de lanégociation, le prix demandé par Enron tombe de8,4 milliards de dollars à 4,2 milliards. Mais ce n’estpas suffisant pour Dynegy qui finalement renonceà acquérir un groupe cinq fois plus gros que lui…avec des dizaines de milliards de dollars de dettes,plus des pertes potentielles impossibles à chiffrer. C’est la fin d’Enron : elle est déclarée en faillite.

UN S C A N D A L E F I N A N C I E RL’affaire est devenue aux États-Unis un énormescandale financier. Non pas parce que Enron a étéle plus gros contributeur de la campagne présiden-tielle de G.W.Bush, mais parce que 29 de sesdirigeants, avertis des problèmes qui allaient seposer (par les notes internes d’une vice-présidente,qui, elle, était bien informée) ont vendu à l’au-tomne 17,3 millions d’actions qu’ils possédaient, cequi leur a permis d’empocher chacun, en moyenne,plus de 37 millions de dollars. Mais dans le mêmetemps, les 14.000 employés (sur les 20.000 quecompte la firme) qui possédaient des plans d’é-pargne-entreprise ont été empêchés de vendreleurs titres par les lois régissant l’épargne salariale.

Ils ont tout perdu : et leur emploi et leur retraite ! Le comble, c’est que personne, dit-on, n’aurait vuvenir le coup : ni les brillants commissaires auxcomptes de la société Andersen chargée d’auditerles bilans, ni les banques prêteuses et, encore moinsles analystes boursiers dont certains, en octobre,recommandaient encore à leurs clients d’acheterdes actions Enron ! Cependant, plus l’enquêteavance et plus il semble qu’Andersen aurait volon-tairement fermé les yeux sur les présentationscomptables d’Enron. Selon le Time du 14 janvier,Andersen aurait donné l’ordre à ses employés dedétruire tous les documents concernant Enronquelques jours avant sa faillite. Et nous sommesheureux d’apprendre que parmi les banques prê-teuses figurent le Crédit Lyonnais, engagé pour 250millions de dollar, BNP Paribas et la Sociétégénérale, qui n’ont pas voulu donner le montant deleurs engagements.C’est la crédibilité et le fonctionnement même deWall Street qui sont affectés : «si les employés et lesactionnaires d’une société ne sont pas raisonnablementsûrs que les bénéfices annoncés sont réels et que lesdirigeants ne profitent pas de leur position pour s’en-richir à leur détriment, il n’y a plus de capitalismepossible»2. Enfin, une bonne nouvelle !!!

D E S L E Ç O N S À T I R E RL’histoire de la montée et de la chute d’Enron illus-tre de façon parfaite ce que l’on a souvent dénoncéici : le capitalisme financier et les inégalités qu’ilengendre. Elle met à mal l’image qu’on n’arrête pasde nous donner de la “modernité” et du fonction-nement exemplaire (rigueur, transparence, compé-tence, efficacité…) des institutions financièresprivées, qu’on oppose toujours au “ringardisme” etau laxisme du secteur public… Elle révèle les dan-gers de la libéralisation débridée des marchés telleque continue à vouloir nous l’imposer l’Unioneuropéenne au nom d’une concurrence mythique :séparation de la production et de la distribution(l’énergie-marchandise et les tuyaux comme avecEnron ; les voies et les trains pour la SNCF, les cen-trales et les lignes ou les tuyaux pour EDF etGDF,…). Enfin, la mésaventure des salariésd’Enron qui, comme ceux de Morrison Knudsen en1996, de Lucent Technologies, ou de Texas, plusrécemment, ont perdu toutes leurs économies aprèsla faillite de leur entreprise, devrait inciter lesresponsables politiques français à ne pas favoriserle développement des plans d’épargne-retraite oud’épargne salariale auxquels ils semblent siattachés…Une question me préoccupe cependant : le “libéral”Madelin ou le Medef vont-ils continuer à suivrel’exemple américain alors que le président Bush sedit «préoccupé par la série de faillites qui a con-duit à la perte des retraites de nombreux tra-vailleurs»3 et attend les recommandations duSecrétaire au Trésor, au travail et au commerce surune réforme du système ?

Le groupe Enron avait construit une nébuleuse de près de 4.000 filiales et autres“joint-ventures”

1.

Ce n’est pas moiqui le dis, c’estRobert Litan, responsable des études économiques de la BrookingsInstitution.

2.

Le Monde, 23/01/2002

3.

Page 6: MENSUEL DE RÉFLEXION SOCIO-ÉCONOMIQUE VERS LA ...Or le conseil scientifique d’Attac a changé de prési-dent : René Passet a cédé la place à Dominique Plihon. Le “sortant”

R É F L E X I O N

6 LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002

Ceux qui fixent les prix.

2.

Ceux qui subissent les prix fixés.

3.

depuis son lancement en 1999, voyez labaisse-dévaluation,qui ne dit passon nom, de l’euro vis à vis du dollar !

1. Inspirée de Kipling et actualisée, la formule quiconcentre le mieux la mentalité “globalisée” danslaquelle nous baignons me semble être : «La

doctrine de Christ et les indications de Wall-Streetfont que la démocratie ne peut se désintéresser deces pays aussi prometteurs pour notre business.»

*DÉMOCRATIE PASSE-PARTOUT

Les dirigeants Occidentaux, nord-Américains en tête,n’ont, médiatiquement, que le mot démocratie à labouche. Depuis le 11 septembre, ils ne savent plus com-ment instrumenter à leur profit la culture et la civilisationdes autres. Leur incantation permanente à la démocratieest une inflation langagière qui, à la fin, déprécie ladémocratie. Bien qu’ils martèlent aux Africains, auxAsiatiques, aux Latinos-Américains et à certainsEuropéens : «Notre business sera votre développement»,on constate que l’horizon des pauvres change peu.Quelle contradiction entre l’attitude du monde occiden-tal, riche, qui veut faire “ami-ami” avec tout le monde,particulièrement aujourd’hui avec l’Islam sous la pres-sion des événements, et la quasi impossibilité, malgré leprogrès dont les riches bénéficient en priorité, dediminuer de façon concrète et durable, cet écart avec lespauvres. Ces derniers comprendront, encore une fois àleurs dépens, que lier leur sort aux décisions du monderiche va accroître, de façon peut-être irréversible, leurdépendance à son égard. Le contrôle financier, la gestionde la monnaie, en particulier le processus de la créationmonétaire, si ce n’est pas l’usage direct du dollar,décideront à leur place, vidant pour l’essentiel le contenud’un quelconque pouvoir politique. Celui-ci dans lespays pauvres est presque directement dépendant du pou-voir économique et financier mondial. Tout mode dedéveloppement autre que l’économie financière globalepour les régions dites en développement est déjà, auxyeux des “dominants”, hors de propos. Inutile d’insister.La globalisation/mondialisation, alias nord-américanisa-tion, car les trois termes se recouvrent presque entière-ment, sécrète toutes sortes de toxines, et des pires.L’actualité parle d’elle-même. On entend clamer, par lavoix du président nord-Américain, qu’il faut d’urgencefaire le ménage dans les paradis fiscaux !…Autantdemander à la crasse de s’auto-nettoyer !... Les incanta-tions à la démocratie banalisent le mensongeéconomique face à une situation socio-économique quiest affreuse pour les plus nombreux. Il n’y a jamais d’al-lusions et encore moins d’actes de démocratieéconomique de sorte que la démocratie purement poli-tique devient, on le voit bien, une dérisoire et dangereusecomédie de riches qui se rassurent entre eux par deseffets d’annonce. Qu’en pense la moitié de l’humanitédont le revenu moyen est d’environ 1,5 dollar par per-sonne et par jour ?Il faut que les États-Unis, dont le peuple est aussirespectable que tous les autres, cessent de nous leurrer

avec leur système économique et financier : il nuit auxintérêts du reste du monde. Il faut voir les transfert mas-sifs de matières premières, de capitaux1 et de matièregrise en direction des États-Unis. En toute chose laglobalisation est le résultat du diktat des price-fixers2,qui sont souchés principalement sur les deux rives del’Atlantique-Nord, sur les price-takers3, qui se trouventsurtout ailleurs dans le monde. Une très grande part del’enrichissement du Nord (le nôtre) s’est faite, et con-tinue à se faire, par l’appauvrissement de ces price-takers :ils sont obligés d’accepter “nos” conditions, “nos” prix,par l’entremise de “notre” système financier qui ne com-munique qu’à sens unique... De sorte que le résultatéconomique est bien “meilleur” pour nous qu’au tempsde la colonisation européenne, laquelle offrait, malgrétout, quelque chose qu’on ne trouve plus maintenantdans les régions pauvres du globe, la sécurité politique.Et ce n’est pas là le moindre échec du processus deglobalisation.Nos relations avec les pauvres sont, à l’évidence, empoi-sonnées. L’histoire au XXème siècle pullule d’exemplesoù, à leur convenance, les Occidentaux ont installé etfinancé, ici et là dans le monde, des régimes “durs”. Etquel chemin parcouru depuis la fin de l’URSS ! Parexemple on a entendu dire et répéter pendant les huit ans(1980-88) de la guerre entre l’Iran et l’Irak, que lerégime de Saddam Hussein était le «rempart de ladémocratie au Moyen-Orient»!... Plus tard, il s’est avéréque le régime des Talibans en Afghanistan était le pro-duit de compagnies pétrolières Nord-Américaines, parmilesquelles la Delta-Oil ! Nous, les pays riches, nous imposons nos conditionséconomiques et commerciales déloyales au reste dumonde où ces conditions maintiennent ou entraînent lapauvreté. Les dégâts sociaux ainsi engendrés y créentdes troubles d’une telle ampleur qu’ils nous exposent, ànotre tour, à la violence. Alors nous ripostons manumilitari contre les “hors-la-loi” qui nous ont agressés ouqui pourraient le faire. L’éclosion du terrorisme n’a pasd’autre cause que ce concentré d’injustice qu’est la pré-tendue “loi du marché” que nous imposons au reste dumonde. Mais nous, voulons-nous vraiment briser ce cer-cle vicieux, violent et pervers ??Rappelons très rapidement que, les marchés étant saturéschez nous, la globalisation consiste à aller en chercherchez les autres. Ainsi se sont développées des forcessupra-nationales qui, progressivement, ont procédé à la“neutralisation” des hommes politiques dans le monde.Même si beaucoup de ces derniers, très liés aux multina-tionales et autres groupes financiers, participent à cesforces, leur effacement politique est une réalité : ils sontdevenus, peu à peu, les “g a r d iens d’immeubles” desempires financiers mondiaux. Ne voulant évidemmentpas transformer leur système, qui est, disent-ils, con-damné à la sacro-sainte croissance4 et auquel la tech-nologie donne des ailes, les puissants ont poussé forte-

La paix par le commerce ? !!!d’après R e n a u d L a i l l i e r

Comme s’il n’yavait pas d’innombrablesautres possibilitéséconomiques etsociales ! Et quiseraient fécondes,salvatrices pour lesplus nombreuxplacés à l’arrière dece front inutiled’une croissanceartificielle, quidévoie le progrès,qui est un gouffresans fond d’effortsperdus, une véritablehécatombe des productifs et des“meilleurs”.

4.

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ment à cette globalisation en laissant croire que lesnations sont dépassées5 et qu’elles constituent descloisons qui gênent considérablement le commerce.

*COMMUNICATION-PROPAGANDE

Les slogans qui appuient cette idéologie sont dutype : «la paix et la démocratie par le commerce»6(sous entendu : “notre” commerce...), ou de celui rap-pelé plus haut et adressé aux pays émergents : «Notrebusiness sera votre développement», ils s’entendentpartout aux grands sommets mondiaux (OMC,ALENA, sommets européens, G7 et G8, Davos, FMI,Banque Mondiale, etc).Il faut savoir que les États-Unis consacrent plusieursmilliards de dollars, environ 5% de leur budget, à lacommunication. De tels moyens médiatiques permet-tent de “tenir” les opinions en travestissant les faits,par exemple l’actualité concernant la lutte qu’ilsmènent contre le terrorisme. Faut-il pour cela bom-barder les démunis, dont plus de 99% n’ont aucuneresponsabilité dans le développement du terrorismemais en sont, au contraire, doublement les victimes :d’abord vampirisés par les forces économiques etfinancières étrangères, puis subissant les représaillesmilitaires qui ripostent aux violences provoquées?Faut-il rappeler les centaines de milliers d’enfantsinnocents qui meurent en Irak à cause du blocus pra-tiqué par les États-Unis ? Faut-il rappeler quel’Afrique est la principale victime des méfaits de laglobalisation, à cause des ravages qu’y produit l’in-sécurité politique et des millions de malades qui ymeurent faute d’accès aux médicaments ? Faut-il rappeler la continuité de la stratégie et desméthodes des États-Unis qu’on pourrait résumer ainsi: «combattons les régimes durs que nous avons misen place au temps de la guerre froide car ils ne cor-respondent plus à nos intérêts actuels, consolidonspar la même occasion notre emprise financière sur lemonde et, faisant d’une pierre deux coups, apparais-sons comme les champions de la défense du droit etde la démocratie dans ces régions en punissant ces“méchants” qui nous ont contrarié en Irak, dans lesBalkans, maintenant en Afghanistan. Bombardonspour détruire le peu de potentiel que ces régions pos-sèdent encore et nous serons, c’est dans l’ordre deschoses, leurs bailleurs de fonds obligatoires pournotre plus grand bien. La communication ? On s’encharge !» Irak, Balkans, Afghanistan, à qui le tourdemain, puisque ce sont les peuples qui paient ?Les guerres modernes sont des guerres “révolution-naires” en ce sens que, la lutte des classes ayant étéjetée aux orties, leur prétexte affiché est la défensedes droits de l’Homme et de la démocratie. Mais laconfusion est si savamment entretenue qu’on ne peutpas savoir si les crédits alloués quasi i m m é d i a t e -m e n t 7 pour lancer une guerre sous ce prétexte nevont pas, en fait, à la lutte pour la défense du capi-talisme le plus pur, les droits de l’Homme servant deparavent... Ainsi des dollars qui, sous l ’ é tiquette“démocratique”, vont pleuvoir, comme dans lesBalkans, sur des trafiquants… qui se débrouilleront

pour être les premiers et les mieux servis. Lesinvestisseurs suivront quand, une fois de plus, lesforces (européennes ?) de l’OTAN, ou de l’ONUauront décanté le chaos, jusqu’à ce que la sécurité desintérêts Nord-américains soit assurée... Quelquechose de similaire ne s’est-il pas déjà produit enAfrique Noire ?Le modèle Nord-Américain, suivi par les Européens,avec pour moteur une technologie qui se développe àtrès grande vitesse, débouche sur le choc des cultureset des civilisations8 qui, partout dans le monde, sesentent directement menacées. Comment ne pas voirla perte de points de repère, y compris à l’intérieurdes pays riches ? Depuis le 11 septembre les direc-tions des marketings, politique et économique con-fondus, découvrent et s’inquiétent devant les limitesde leur connaissance des autres civilisations, toutefaite de clichés : ils ne peuvent plus les instrumenterà leur guise pour conduire leur “Realpolitik”. Carquelque chose vient de se produire, qui n’est passeulement économique.

*AU DELÀ DE L’ÉCONOMIQUE

À l’image des Européens du XIXème siècle, lesOccidentaux, Nord-Américains en tête, croientencore que les autres peuples doivent nécessairemententrer dans le champ historique de l’Occident et s’yconformer. Alors que l’inverse est aussi vrai, que celaleur plaise ou non. Nous aussi nous entrons dans lechamp historique et psychique d’autres peuples, asia-tiques notamment. D’une part les Occidentaux, con-quérants par nature, d’autre part les Asiatiques, dontle centre de gravité est la Chine qui construisit sagrande muraille pour se protéger de l’extérieur.Quiconque connaît bien la Chine sait que l’Empiredure encore aujourd’hui. Le Yi-King, le livre destransformations, vraie figure du Yang et du Yin ouT’ai Tchi, principes suprêmes de l’existence,enseignés dans le plus ancien livre chinois, est unexemple de structure extraordinairement riche eninterprétation, hautement pédagogique et à de nom-breux titres, pour connaître un peu des pensées desautres civilisations, ici la civilisation chinoise.

*RESPECTER TOUTES LES CIVILISATIONS

Il ne s’agit nullement de se renier, mais de remettre lesmarchés à leur place naturelle. L’économie n’étantqu’un système de moyens, elle doit rester à sa juste,féconde et obligatoire place seconde. Il s’agit de seressourcer, chacun et tous, à travers le monde, sansagressivité et en toute lucidité, dans la culture et lacivilisation. Faire apprécier aux uns les cultures et lescivilisations des autres et inversement, sans que per-sonne ne porte atteinte à celles de l’autre. Qu’importeque je fasse partie de l’une ou de l’autre, si la distinc-tion (dans tous les sens du mot) est faite entre les unset les autres, c’est ainsi que seront garantis le respectet l’intérêt mutuel. Concluons par cette citation, que je fais de mémoire,du grand poète portugais Miguel Torga :«plus je suiset me sens portugais, plus j’accède à l’universel» .

Bien oubliée cettephrase de Jean Jaurès:«La nation est la seulerichesse des pauvres» !

5.

NDLR. C’est pratiquement l’es-sentiel de l’article deBill Clinton dans LeMonde du 15 janvier2001.

6.

Aucun crédit n’estjamais aussi facilementet rapidement créé quepour la guerre. Parcontre, pour s’attaquerla pauvreté et la misère,c'est impossible.

7.

Voir l'excellent articlede Constantin VonBarloewen, Professeur d'anthropologie, intitulé: “La Culture, facteur de la Realpolitik”,Le Monde Diplomatique,n°572, novembre 2001.

8.

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8

Pour laisser l’empreinte de notre passage sur la Terre,comment s’y prendre ? Nous en voyons qui ont fondéune religion ou un empire, réussi une révolution, réal-

isé un canal, écrit une chanson à succès ou inventé lemoulin à légumes. Ce que tous ces créateurs célèbres onten commun, c’est d’avoir su inspirer confiance à quelques-uns autour deux, puis plus ou moins rapidement, enthousi-asmer les foules. Comment s’y sont-ils pris, en dehors d’avoir quelquechose de nouveau et a priori d’intéressant à proposer ? Ilsont dû mettre en œuvre des qualités de persuasion, unebonne compétence en communication et un sens de lapublicité. De ceux qui n’avaient pas ces dons, nous ne con-naîtrons sans doute jamais ce qu’ils pouvaient avoir d’in-téressant, parfois de plus intéressant peut-être, à nous pro-poser. À l’inverse, ces moyens de s’imposer, employés defaçon abusive, notamment dans les domaines commercialou politique, permettent l’émergence de produits qui nesont pas toujours de la meilleure qualité, ni même utiles.Ceux que l’on appelle les “grands hommes” ou les “grandscréateurs” ont souvent été naturellement doués des compé-tences nécessaires pour se mettre en valeur et avec euxleurs idées et pouvoir ainsi participer à l’évolution dumonde, mais elles ont aussi été enseignées depuisl’Antiquité à des fins diverses. Étant enfant de chœur, j’étais impressionné de ce quen’importe quel curé de campagne ou jeune vicaire trouvaità raconter dans ses sermons, et c’était à l’époque la princi-pale raison pour laquelle je me voyais inapte à exercer untel métier. J’aurais pourtant pu faire confiance aux talentsdes enseignants des séminaires, étant donné que la plupartde ces prêtres venaient dumême milieu que les genssimples devant lesquels ilsprêchaient et n’y avaient pasdavantage d’aptitude. Lespauvres, quant à eux, mendi-aient en silence aux portesdes églises, alors qu’à enten-dre les harangues de ceuxqui font la manche dans lemétro, beaucoup sem-bleraient maintenant capa-bles de monter en chaire,et je suis épaté de la forma-tion remarquable qu’euxaussi ont reçue, je medemande bien comment. Sans doute avez-vous déjàété confrontés au savoir-faire de ce que l’on appelledes “sectes ”, une qualifica-tion aussi difficile à établir qu’à accepter. Peut-être aussiavez-vous vu, sur le plateau de “Ciel, mon mardi”, tenirtête à Chr. Dechavanne un personnage très sûr de lui :

Christian Cotten, qui s’était fait remarquer comme candi-dat atypique lors des élections européennes (274 suffragesretenus, plus 2.365, qui n’auraient pas changé grand-choseaux résultats, annulés de façon un peu mesquine par laCommission nationale de recensement). Psychosocio-logue, enseignant-fondateur de l‘École Française deProgrammation Neuro-Linguistique Transpersonnelle (laPNLT pour les initiés), conseil de direction et formateur enmanagement (principales références : EDF,FranceTelecom, Renault, Société générale, Crédit agricoleet quantité d’autres), c’est un homme qui ne manque pasde qualités dans les domaines précédemment évoqués. Ilm’avait tout de suite séduit en m’adressant une invitationpour un colloque de deux jours sur ces thèmes :“Métamorphoser notre vision du travail et de l’argent ”,“Construire la prospérité collective grâce à de nouveauxsystèmes d’échanges économiques et monétaires”, où jevoyais une démarche allant dans le même sens que lanôtre. Avec plus de 30 intervenants, dont J.-L. Servan-Schreiber (groupe Expansion), un moine tibétain, le nonmoins bouddhiste Président du Groupe Tati, le coordina-teur des SEL, le Président d’une Association “NouvelleÉconomie Fraternelle” (quoi de plus beau ?) et d’autrespersonnages sans doute aussi intéressants à entendre, ilprésumait que le Palais des Congrès (seulement 2.500places !) serait trop petit et pressait de s’y inscrire.J’hésitai, en dépit d’un prix spécial de 1.050 F TTC pourles particuliers au lieu de 2.750F Hors Taxe pour lesentreprises et je me trouvai finalement d’autres occupa-tions pour ces deux jours-là. Je ne sais s’il put néanmoinsréaliser le chiffre d’affaires de l’ordre de 5 millions de

francs que visait pareilleentreprise et qui avait per-mis d’attirer tant d’inter-venants de qualité. J’ai con-tinué de recevoir avec ungrand intérêt sa revueStratégique, puis desbrochures telles Politique deVie (Réseau Européen),Motus (le journal qui dit cequi se tait), Intuitions (lemagazine de l’intelligencedu cœur), des pamphletsmettant nommément encause Charles Pasqua et nosservices secrets dans l’assas-sinat (et non le suicide) desmembres du Temple Solaire,tout cela portant sa marque.Je le découvris plus diffi-cilement dans Votre Santé,

une revue partant en guerre contre les OGM, l’Ordre desMédecins ou les laboratoires pharmaceutiques, avec sou-vent des arguments susceptibles d’emporter votre adhé-

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La vie : mode d’emploipar P a u l V i n c e n t

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sion, mais condamnant les vaccinations, et vous orientantvers des remèdes magiques. C’est quand même un beau palmarès, et si vous voulezessayer de faire aussi bien, apprenez la PNLT. Du stade“Initiation” à celui de “Master”, vous en avez seulementpour 5 mois, et avec des cours rien que deux jours parsemaine pendant les week-ends. Vous avez intérêt à con-tinuer de travailler le reste du temps car, pour un p a r -t i culier, le parcours complet revient à plus de 30.000 F.Pour les entreprises, même en hors taxes, c’est plus dedeux fois ce prix, mais, au titre de la formation, elles peu-vent en tirer des réductions d’impôts… Si elle ne vous permet peut-être pas de «savoir guiderautrui avec élégance et respect dans un processus de crois-sance » ou «sur le chemin des sept puissances de la guéri-son », ni «d’acquérir la compétence à choisir son vécuémotionnel», l’Éducation nationale dispense également, et,pour moins cher, un enseignement de la communication.C’est d’un genre un peu différent, mais ce n’est pas tristepour autant au vu d’un livre récemment publié par uneenseignante de Jussieu, Michèle Gabay, sur la communi-cation de crise, dans lequel1 elle analyse commentdirigeants ou responsables se dépatouillent quand il leurarrive une tuile du genre de celles-ci : — la proscription dubœuf pour la chaîne des restaurants Hippopotamus, - leboycott du groupe Danone après les licenciements chezLU, - le désarroi des clients EDF privés de courant pourune durée indéterminée aprèsune catastrophe, - l’accusa-tion d’avoir, pour préserverParis, inondé Abbeville endétournant les eaux de laSeine, - la chute des marchésfinanciers, - et autres événe-ments sur lesquels vous avezpu vous interroger dans unpassé récent. Quand on a acquis des com-pétences en communication,il est permis de jouer lesvedettes. Encore faut-il avoirquelque chose à communi-quer. Ou alors il faut se don-ner comme tâche d’aider lesautres à communiquer pourleurs idées auxquelles oncroit. À La Grande Relève, ily a un message qu’il vaut la peine certainement de fairepasser, mais peu de gens encore sont prêts à l’entendre.Pour la plupart c’est une utopie, d’où ma démarche qui estd’abord de faire campagne en disant que ce qui estutopique, c’est de croire que le système actuel est viable àlong terme, alors que cela se terminera comme une partiede Monopoly. Et par ailleurs il faut se trouver des alliés,présents ou passés, nos utopies devant paraître moinsutopiques si on démontre quelles sont finalement assezbien partagées, comme le bon sens. La Grande Relève a découvert, grâce à l’ancien PDG deGillette devenu auteur dramatique, Michel Vinaver, queson fondateur King C.Gillette fut un utopiste de notreespèce. J’ai eu la même surprise concernant le soixante-huitard américain Alan Watts. Et quels échos ne doit pas

éveiller en nous cette fable, pas seulement pour enfants,sur laquelle je suis tombé fortuitement dans le bulletin del’Association Culturelle Franco-Thaïlandaise :

Nous possédons tous un tel compte en banque et notre ban-quier s’appelle “le temps”. Tous les matins, il met à notredisposition 86.400 secondes et toutes les nuits il fait lebilan des secondes inutilisées pour les supprimer. Lelendemain 86.400 nouvelles s e c ondes vous sontcréditées et vous ne pouvez pas demander d’avances surles secondes de demain ni être déficitaire. Il vous fautvivre avec le nombre de secondes actuellement disponiblessur votre compte. Cette somme de secondes, vous pouvezbien sûr la placer pour la faire fructifier, soit dans le bon-heur, soit dans la santé, soit dans la réussite. Le sablier du temps continue cependant de s’écouler. Tirezd’aujourd’hui le meilleur. Pour les économistes politiquement corrects se référant

volontiers à des “loisnaturelles” qu’y aurait-il descandaleux à appliquer à l’ar-gent ce qui existe de façon“naturelle” pour le temps ? Quoi que j’entreprenne en cemoment pour faire diversionà la rédaction laborieuse decet article, tout me ramène àmon sujet. C’est dans un brefmoment d’éloignement demon écran que j’étais tombésur cette petite histoire thaï-landaise. Une incursion ducôté de Michel Houellebecqvient encore d’avoir le mêmeeffet. Voici ce que j’y ai trou-vé. Rendant compte d’un pas-sage de Flowers de MichelBulteau racontant sa rencon-

tre à New-York en 1976 avec Valérie Solanas, une viru-lente féministe d’après le contexte, il signale incidemmentà son propos : « La pétulante Valérie développaitd’ailleurs des idées sur les sujets les plus variés» ; j’ai notéau passage le «Nous exigeons l’abolition immédiate dusystème monétaire». Décidément, c’est le moment derééditer ce texte2. Une voix de plus (peut-être deux) àcomptabiliser ! N’ai-je pas dit souvent qu’il fallait savoirreconnaître ce que l’on devait aux autres ? On n’en est pastoujours conscient.J’étais content du titre que j’avais trouvé : La vie : moded’emploi, et je le suis encore, mais j’en suis moins fier. J’aien effet réalisé quelques heures plus tard que c’était le titred’un roman de Georges Pérec et que cela avait pu quelquepeu m’influencer !

9LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002

M. Gabay,La nouvelle communicationde crise, EditionsStratégies,(2001).

1.

Michel Houellebecq,Rester vivant,(1991), réédité en 1999aux Éditions Librio (livre à 10 F).

2.

LE T E M P S, I M P I TO YA B L E B A N Q U I E R

Supposez qu’une banque vous crédite tous lesmatins de la somme de 86.400 bahts.Tous les soirs la même banque vous débite tout ceque vous n’avez pas dépensé pendant la journée.Que feriez-vous ? Ne retireriez-vous pas la totalité des 86.400 bahtspour les dépenser ?

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Sont-ce les premiers froids, l’actualité morose,la conjoncture économique en berne ?Toujours est-il qu’au boulot, l’ambiance est

au stress. On oublie tous les problèmes du monde,en particulier que l’État le plus puissant au mondeest en guerre et risque d’embraser le MoyenOrient. On ne retient que les crashs d’avions, dontl’impact est plus concret qu’un conflit abstrait etrefoulé entre riches occidentaux et pauvresmusulmans. On se plonge dans le travail avec unerage quasi-masochiste et schizophrénique, pouroublier qu’on ne comprend rien au monde quinous entoure, voire même qu’on contribue à cequ’il marche à l’envers. Fabuleux pouvoir quecelui du travail, qui ôte aux gens leur pouvoir deréflexion, les rend neurasthéniques et les ramèneà la maison abrutis de fatigue, soumis devant lamanipulation médiatique par l’image et le bruit.Combien de temps de vie pour cette bulle d’hyperactivité économique, sans temps à soi, sans priseavec la réalité, avec pour seule valeur la servilitéau grand capital ? Un jour il faudra bien se rendrecompte de l’absurdité de ce système qui désintè-gre le lien social et isole l’individu, au mépris del’humanité la plus élémentaire.Des exemples ? Ils sont si nombreux qu’ils m’ontamené à dresser le profil type du cadre “à fortpotentiel“, le plus bel exemple de l’absurdité dusystème qui le produit. J’ai la faiblesse de croireque cet exemple est circonscrit à mon entreprisemais je vous l’envoie car je me demande si cer-tains lecteurs n’y reconnaîtront pas leur collègue !Car c’est dans ce conditionnement là qu’il mesemble déceler la force d’inertie phénoménale dusystème dans lequel nous vivons (pour combiende temps encore ?). J’ajoute qu’il ne faut pas y voirde la médisance, mais seulement une consterna-tion devant ce que le monde de l’entreprise estcapable de nous faire faire.Le cadre à fort potentiel :• se montre extrêmement volontaire, termine trèsvite les tâches qui lui ont été confiées pour montr-er «qu’il en veut», est même près à voler du tra-vail à son coéquipier, est dynamique, efficace etréactif (on dit maintenant: «pro actif»), au méprisde la qualité et du fond;• aime les télécoms s’il travaille dans les télécoms,la banque s’il travaille dans la banque, les assur-ances s’il travaille dans les assurances, etc., est entous les cas d’une adaptabilité «à tous crins», maistrouve sa compagne dans les écoles de commerceou d’ingénieurs;• montre une vision stratégique de la situation,une visibilité long terme, mais crée des planningsqui sont remis en question dès le lendemain(urgence du court terme oblige !); va en réunion

pour y rencontrer des gens, y gribouille son carnetde notes, parle de délais à tenir, d’impact client, dedécisions à «acter», approuvant d’un hochementde tête des décisions qu’il n’a pas à appliquer;• a une prédilection pour le «jargon», mélange desigles et de termes techniques empruntés àl’anglais; ne répond pas aux questions quidérangent: fait la sourde oreille et reste muet, ousourit et affiche une amabilité de façade, surtoutquand il y a du monde,pour paraître ouvert;• fait faire le boulot par les autres: s’ils setrompent, ce sera de leur faute; atteint sinon sespropres buts aux dépens d’autrui; dénigre parexemple le travail réel que doivent fournir lesentreprises extérieures (ce qu’on nomme la sous-traitance), mises en quasi esclavage;• fait mine de s’intéresser à ses collègues, enbuvant du café et en parlant à beaucoup demonde en même temps; se donne l’air intelligentet se sent important; ne plaisante pas, ne pratiquepas l’autodérision ou alors sans trop s’éloigner duthème sur lequel il «travaille»;• monte en compétence tous les jours un peu plus;veut impressionner sa hiérarchie par des connais-sances superficielles régulièrement assénées;passe un maximum de temps au téléphone: çadonne l’air de travailler; essaie de réfléchir lemoins souvent possible car ça fatigue, et malgréles apparences, est extraordinairement fainéant(mais ne doit jamais le montrer);• aime profiter du confort matériel que l’en-treprise peut lui offrir (repas de chez FLO gratos,bibelots souvenirs de tous styles, cahiers,gommes, lampes de bureau, ...); veut gagner tou-jours plus d’argent pour acheter des biens de con-sommation à la mode;• pense être éternel; a l’esprit d’équipe mais n’aqu’une religion: l’entreprise; aime les films améri-cains, les fast-food, les open-space, les road-map,... vote plutôt Madelin, à moins qu’il ne soit sansopinion.En résumé le cadre à fort potentiel est individual-iste, sûr de lui, zélé, manichéen, inculte, carriéristeet cupide. Voilà la quadrature du cercle: améliorernotre monde en confiant notre destin à des per-sonnes qu’on amène à se soucier comme de leurdernière chemise du monde qui crève autourd’eux. Je répète que cela n’est pas inéluctable: unsystème avec d’autres valeurs finirait par changerles mentalités et supprimer ces comportements.Pour finir, une question pour faire réfléchir surune servilité qui ne demande qu’à s’épanouir: lecadre à fort potentiel ose-t-il venir au travail avecdes chaussures rouges, même s’il est biendedans ?

E . H .

LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002

T É M O I G N A G E

Le cadre à “fort potentiel”

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T R I B U N E L I B R E

Un lecteur avisé – il a été un militant de lasection “JEUNES” du Mouvement Françaispour l’Abondance1 juste après la seconde

guerre mondiale – se tourne vers le passé,regrette que nos idées n’aient pas progressé dansle grand public et se demande si l’EconomieDistributive, telle que décrite par JacquesDuboin, «peut s’instaurer aujourd’hui brutalement,sans risques majeurs». Et il répond aussitôt à sapropre question : «Les esprits ne sont pas prêts à unsi grand changement» et «des intérêts puissants s’op-poseront à un tel changement». Aussi s’empresse-t-il d’ajouter «des mesures transitoires, raisonnables,réalistes et progressives, applicables de suite,s’avèrent nécessaires…» Et, prenant appui surmon article, il s’avoue intéressé par la «créationd’un revenu social réglé en monnaie de consomma-tion, destiné à l’acquisition de produits spécifiques,non achetables avec l’euro».Nous voilà propulsés au cœur du débat.Lorsque Jacques Duboin, dans les années trente,a développé ses thèses et créé le mouvementd’opinion que l’on sait, de nombreux citoyens,français et étrangers, ont pensé qu’il apportaitl’alternative à une économie capitaliste acculée àgérer “la misère dans l’abondance”. La crise de1929 avait fortement marqué les esprits et amenéirrésistiblement à assurer la survie par la mise enplace d’une économie de guerre.Paradoxalement, dans les dix années qui ontsuccédé au conflit mondial, donc encore enpleine période de rareté et de restrictions, l’ent-housiasme en faveur de l’instauration de cette“économie d’abondance” n’avait pas fléchi : jepuis en témoigner par ce que j’ai vu alors àDouai où Jacques Duboin, Jean Maillot, JacquesGuggenheim, Albert Ducros, Robert Laurent…remplissaient les salles. Force est de reconnaître qu’ensuite, au milieudes années soixante, le mouvement a perdu desa vigueur. Tâchons d’en déceler les raisons.Trois types de raisons se dégagent d’une pre-mière analyse, bien entendu non exhaustive.Certaines raisons sont directement liées auxhommes qui s’étaient donné pour missiond’animer ce mouvement. En 1963 JacquesDuboin avait en effet 85 ans. Sa successions’avéra difficile. De nombreux disciples tenaientdes discours enthousiastes mais parfois sans

nuance, et ils déconsidéraient des thèses qu’ilsavaient mal assimilées.D’autres raisons relèvent des thèses elles-mêmes. Poussées dans leurs ultimes con-séquences par Jacques Duboin – ce qui est le pro-pre d’un grand théoricien – elles sont apparues,d’année en année, comme relevant d’une appli-cation trop lointaine, voire irréaliste : on ne dirajamais assez le tort causé par l’obstination àréclamer, de suite, l’égalité économique, ce queDuboin ne faisait plus dans ses derniersouvrages. Ajoutons à cela l’usure du temps etl’impossibilité de “mise au banc d’essai” de cesthèses dans un pays, sachant que l’économie dis-tributive n’est pas conçue pour permettre à ungroupe de gens de vivre en marge des autres,mais pour toute une société humaine.Contrairement aux SEL, la monnaie que nousproposons n’est pas une monnaie parallèle maisbien une monnaie destinée à être la monnaielégale remplaçant la monnaie capitaliste.Mais l’essentiel n’est sans doute pas là. Lesvraies raisons tiennent, à mon sens, à la rapideévolution de nos sociétés occidentales. Nous en retiendrons deux.Tout d’abord l’évolution de l’économie libérale àpartir des années soixante : l’économie a changéde vitesse dans les pays supérieurementéquipés, ouvrant toutes grandes les portes de lasociété de consommation. Alors que la relancede la production à un rythme accéléré pouvaitconduire, pensait-on, au retour des difficultésque le capitalisme avait connues de 1929 à 1939– notamment ses crises de surproduction – onassistait à la mise en place, empirique sansdoute, d’une parade d’autant plus surprenantequ’elle était inattendue : l’abandon du seul ter-rain de la satisfaction des besoins au profit de lasurexcitation des désirs. Il faut relire, par exem-ple, “Les choses — une histoire des années 60”, deGeorges Pérec, et repenser aux évènements demai 1968 qui ont marqué le dernier (?) soubre-saut de l’être contre l’objet, contre la “chose”. Aulieu de réduire l’offre, on allait la multiplier, touten utilisant les moyens de séduction d’une pub-licité délirante. La plupart des femmes n’u-tilisent pas de parfum ? on saura le rendre indis-pensable, non par la création de cinq ou six pro-duits nouveaux mais de cent s’il le faut. La

LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002 11

par R o l a n d P o q u e t

Faisons le point

“Roland Poquet ayant fait allusion à une proposition de monnaie “affectée”dans son article intitulé Au gré du vent, de notre N°1015, un lecteur lui a écritqu’il voyait là une mesure transitoire vers l’économie distributive. Sa lettrea incité Roland à donner son point de vue à propos de nos réflexionsprésentes et des perspectives d’action :

L’impossible, nous nel’atteignons pas, ilnous sert de lanterne.

René Char.

L’association fondée,en même temps quele journal La GrandeRelève, par JacquesDuboin et ses amispour défendre sesthèses, s’appelait àl’origine le Droit autravail et au progrèssocial et son sigleétait DAT. Son activité, commela publication, fut interrompue pendant la guerre etl’occupation et repritdès la libérationsous le nom deMouvement françaispour l’abondance(sigle MFA), qu’ellegarda jusqu’à sa fin,à la mort de sonprésident-fondateur,en 1976. En Belgique, leMouvement belge pourl’abondance estdevenu le GroupeLiègeois pour l’ÉconomieDistributive.

1.

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12 LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002

nécessité d’acheter une voiture ne se fait passentir ? Le Président Pompidou promettra unevoiture dans chaque foyer pour 1970. Pour cefaire, on lancera sur le marché, pêle-mêle, d’an-ciens et de nouveaux produits en prenant biensoin de réduire les durées d’usage. Peu importel’énorme gaspillage de matière premières etd’heures de travail : la machine économiquedoit tourner de plus en plus vite au risque des’enrayer. Et le pari est gagné ! Le futile le dis-pute à l’utile, ce qui en soi n’est pas con-damnable, mais entraîne une production déli-rante d’objets-gadgets qu’on nous fait admettrecomme nécessaires et indispensables. Et si l’ondemande la justification d’une telle pratique, onnous répond que c’est le prix à payer pour con-server notre liberté de choix et d’action !L’autre raison essentielle est d’ordre sociologiqueet politique. Face à cette poussée fulgurante del’expression et de la satisfaction des désirs detout un chacun, le sens du collectif et de la soli-darité font place à un phénomène d’individua-lisation hostile à toute politique centralisée ouétatisée. Le modèle autoritaire soviétique estbrandi comme un épouvantail, la chute du Murde Berlin sonne le triomphe de l’économielibérale et le glas de toute réflexion sur l’or-gan-isation rationnelle de l’économie. L’applicationdes principes de l’économie distributive récla-mant un minimum de rationalité, il devient évi-dent pour beaucoup que cette perspective n’estplus envisageable. La mort de l’utopie a étécélébrée et proclamée : seuls demeurent accept-ables, nous dit-on, les mouvements de résis-tance citoyenne qui seront chargés d’apporterun peu d’ordre dans cette économie néo-libérale, certes turbulente, voire souventnéfaste, mais irremplaçable, car le marché a sesvertus, qu’hélas la vertu ne connaît pas : lesméfaits de l’économie de marché sont là pournous le rappeler.

*Où en sommes-nous en ce début de XXIème siè-cle ? Tâchons de faire le point.Nous venons d’évoquer l’émergence de lasociété de consommation dans les annéesd’après guerre, connues sous le nom des“Trente Glorieuses” ; nous assistons actuelle-ment au processus suivant, dit de mondialisa-tion. L’économie libérale est conséquente avecelle-même : elle va jusqu’au bout de sa trajec-toire et ce n’est pas sans causer, comme tou-jours, d’énormes dégâts :

• les inégalités se creusent dans chaquepays, quel que soit son degré de développe-ment, • ces inégalités risquent de nous faire assis-ter à des affrontements dont les événementsdu 11 septembre ne donnent qu’une faibleidée,

• la machine économique est structurée detelle sorte (concurrence, profit, spécula-tion…) qu’elle gangrène tous les secteurs del’activité, célébrant de façon inconsidérée latoute puissance de l’objet et s’ingéniant àaffaiblir tous les moyens propres à l’é-panouissement de la personne humaine. Onne dira jamais assez à quel point l’absencede perspectives et de projets pour lajeunesse se révèlera catastrophique pour ledevenir de l’humanité.

Face à ces mesures, des forces citoyennes selèvent, se rassemblent, interpellent l’opinion etles gouvernants, essaient d’amener ceux-ci àcorriger les inégalités et les errements de l’é-conomie libérale. Les plus conséquents d’entreeux ont lu Jacques Duboin et certaines de leurspropositions sont directement inspirées desprincipes de l’économie distributive : Réflexionsde Jacques Robin et de Patrick Viveret au sujetd’une monnaie affectée à certains achats (mon-naie non convertible et non thésaurisable).Reconnaissance par d’autres, tels René Passet etYoland Bresson, de l’inéluctable rupture du lienemploi/revenu et, en conséquence, souhait devoir qu’un revenu minimum soit garanti afin desupprimer l’extrême misère de nombreuxcitoyens. Défense enfin de «la distr ibutiond’une monnaie de consommation (Duboin) etl’assignation d’un prix politique à des produits sanscoût ni valeur d’échange mesurables» par lephilosophe et sociologue André Gorz, quiajoute : «il faut évoquer ce terme ultime dès àprésent en raison de sa valeur heuristique» car «ceterme ultime n’est pas très éloigné»2. Ces solidesappuis nous renforcent dans notre convictionque les principes de l’économie distributivesont plus que jamais pertinents :

• la réduction par moitié, en un siècle, dunombre d’heures travaillées ne permet plusà l’emploi d’être un support efficace à la for-mation des revenus. Ce fait entraîne la rup-ture du lien entre emploi et revenu si l’onveut éviter le développement d’une énormebureaucratie pour capter une part desrevenus et la redistribuer. L’attribution d’unrevenu à chacun et la répartition desemplois entre tous supprimeraient dumême coup et la misère et le chômage. • les usages monétaires sont devenus perni-cieux : argent sale, profits exorbitants,spéculation éhontée font bon ménage.L’argent est devenu une fin en soi. Seuleune monnaie qui s’annule à l’achat, nonthésaurisable et non spéculative, permet-trait d’y mettre fin.

Quelle doit être, dès lors, une action efficacedestinée à remettre l’homme au cœur du dis-positif économique ? — Elle ne peut que mettreen perspective les principes que nous venonsd’énoncer concernant l’emploi, le revenu et la

dans Transversales ScienceCulture, n° 47, dans un article intitulé Une autre ligne d’horizon.

2.

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monnaie, afin qu’ils nous servent de lanterne,selon la belle expression du poète René Charplacée en exergue de cet article, même si certainspensent que nous n’atteindrons jamais l’impos-sible. Si bien que :

• tout ce qui contribue à accentuer la distri-bution des revenus hors emploi doit êtreencouragé : l’attribution à chacun d’unrevenu minimum garanti relève d’un com-bat prioritaire à mener sans répit.• toutes les réflexions et tentatives visant àfaire de la monnaie non un instrument despéculation et d’exploitation, maisd’échange pur et simple, sont à accompag-ner (SEL, monnaies affectées à l’acquisitionde produits spécifiques et s’annulant aupremier achat…).

Ce sont là, à mon avis, des mesures transitoiressusceptibles de sensibiliser un large public etd’aller dans le sens d’une juste évolution de nospratiques économiques et monétaires.Ce qui n’empêche d’ailleurs pas, et dans lemême temps, la menée de combats parallèles,telles que les réflexions poussées de PatrickViveret, incitant à reconsidérer la richesse – maiscomment introduire de l’humain dans desmécanismes qui ne sont comptables que de l’ob-jet ? – ou les légitimes revendications liées à l’é-cologie — mais les Verts n’ont-ils pas récemmentdéfendu devant l’Assemblée un projet de loi surl’eau, «progressivement vidé de son contenu,sous la pression des lobbies industriels et agricoles»,selon l’expression du député Noël Mamère ?

*Enfin, et au-delà de ces considérationséconomiques et monétaires, une vaste réflexion,rarement menée, est à engager sur les structuresdémocratiques de tous ordres à renforcer ou àmettre en place pour que l’application des règlesdistributives ne soient pas un obstacle au butpoursuivi, à savoir le plein épanouissement dela personne humaine : liberté d’expression, libreinitiative, saine émulation, laissez-passeraccordé à la création dans tous les domaines,définition de projets (du local au planétaire)capables de réveiller les enthousiasmes et de

mobiliser les talents grâce à la concertation detoutes les forces vives. Le contrat civiqueimaginé par Marie-Louise Duboin va dans cesens.En un mot, cesser de s’en remettre aux forcesaveugles du marché pour faire confiance auxcapacités de régulation de la société par lescitoyens. Et une fois pour toutes, clamons-lebien fort, cela n’a rien à voir avec la gestion de larareté par un peuple “d’analphabètes et de mys-tiques” (selon l’expression pleine de causticitéde Fernando Pessoa) qu’a connue l’URSS en1917 ; quant aux règles démocratiques régissantnos pays, elles sont à mille lieues de l’héritageautoritariste des tsars et de ceux qui leur ontsuccédé.

*La rédaction de ces lignes ayant été déclenchéepar un abonné à la Grande Relève, je me dois defaire état de sa dernière proposition : peut-onenvisager la mise au point de mesures transi-toires par les abonnés et les sympathisants, oubien par des contacts divers (lettres, fax, e-mail…) ?Une première réflexion m’amène à répondre quedes réunions de travail, région par région, sontenvisageables et que La Grande Relève est toutedisposée à annoncer que tel ou tel abonné enprend l ’ init iat ive. Parallèlement, la corre-spondance entre abonnés me paraît efficace etcette Tribune libre permet de faire avancer ledébat. Les rédacteurs des articles étant tousbénévoles, rien ne s’oppose à ce qu’un lecteurpropose un article ou interpelle un autre rédac-teur. Tant il est vrai que l’écrit oblige à plus deréflexion et plus de concision que le débat oral.Enfin, ce qui me paraît indispensable actuelle-ment, c’est de confronter nos thèses auxréflexions des représentants de la société civilerompus aux mille et un détours de l’économie etde la finance : c’est la raison pour laquelle nousgardons un contact actif, que nous espéronsfructueux, avec ceux, et bien d’autres, que j’aicités dans cet article. Avec l’espoir que toutes cesforces se rassembleront enfin autour d’un mêmeprojet.

Faute de place, nous sommes désolés de n’avoir pas pu insérer dans ce numéroplusieurs des papiers reçus dans lesquels : — Henri Muller dénonçait “les cocoricos de l’euro” en remarquant : «L’Euro pour qui ?À quelles fins ? Sa légitimité démocratique ? Une monnaie commune impliquait un ali-gnement préalable des salaires, des prix, des charges sociales chez les partenaires; undétail oublié !… Une opération “monnaie de consommation”, infiniment plus simple, eûtrecueilli une adhésion quasi générale, ouvrant les plus étonnantes perspectives», — Pascale Delille rapportait sur un colloque qui s’est tenu à Québec pour débattre decertaines des monnaies parallèles qui existent dans le monde, — Jean Le Rigolleur montrait le lien entre l’insécurité, sur laquelle les prochaines cam-pagnes électorales risquent fort de surenchérir, et les bases de notre système économiquequi crée des “populations en trop”.

Mais notre prochain numéro, qui devrait faire place à un débat autour du“revenu garanti”, nous permettra de revenir sur ces sujets.

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C’est tou-j o u r s

avec grandintérêt que jelis et poursuis

au fil des mois lalecture des articles. Merci pour tout le tra-vail de compilations, de recherches, derecoupements d’articles et de textes quevous accomplissez. Nous en bénéficions etnous avons ainsi la chance de pouvoir êtreéclairés pour, à notre tour, offrir quand leterrain peut l’accueillir, ces textes sienrichissants pour l’avenir de notrehumanité, bien en péril ! Je rejoins la pen-sée de Patrick Viveret (voir son articledans Le Monde Initiatives de janvier2002 : “La monnaie, vecteur de paix ou deviolence”). L’ensemble de l ’édi f ice del’économie repose sur la confiance. Ildémontre avec l’exemple de l’Argentinel’importance politique de la monnaie et laréaction pacifique de la population (dontles médias ne se sont pas fait l’écho maisont uniquement insisté sur les pillagesdans les magasins) en créant un réseau detroc multiréciproque grâce aux creditos(monnaie locale). Cette confiance dans lamonnaie des Etats ne pourra pas perdureréternellement même en canalisant les éner-gies ou en falsifiant les informations (surle chômage, la croissance de la produc-tivité!). Il faudra passer, me semble-t-il,nécessairement par des monnaies localespour vraiment et concrètement ré-appren-dre la valeur de l’échange. Les réseauxlocaux ont la capacité d’humaniser le sys-tème économique et de le rendre accessibleà chacun. Nous verrions alors quels sontles véritables facteurs de richesses et lesbesoins réels de chacun d’entre nous. Lesrelations humaines semblent vouloir ten-dre vers des besoins de réciprocité et dereconnaissance mutuelle pour aboutir à unrésultat s a t isfaisant. Sinon, c’est le con-flit et la violence. Aucune autorité poli-tique ne semble actuellement capable decréer cette confiance globale, sinon par lamanipulation des informations, la public-ité ou l’illusion d’un débat démocratiquealors que tout se tient dans des conseilsd’administration souvent restreints.Aucune autorité ne semble être en mesurede mettre en œuvre l’éducation quimanque.Après une crise de confiance grave, il fau-dra, probablement partir à nouveau surdes bases existantes saines pour alorsfédérer toutes les monnaies locales dansune économie dite distributive comprise,car au préalable vécue humainement,

expérimentée en petits groupes où chacunaura trouvé sa place à la mesure de sesmoyens, de ses possibilités, de ses choix, etde son désir de progresser ou non.L’économie distributive reflètera alors l’èredu Verseau de l’Homme qui distribue etdéverse d’une amphore la connaissance etles moyens pour y accéder.Les articles d’Alain Lavie inspirés d’HenriLaborit illustrent ce vers quoi nous sem-blons nous diriger malgré les impulsionssuicidaires et les drames. L’éducation desoi-même au sein d’une petite structure estindispensable.L’instauration d’un secrétariat d’Etat àl’économie solidaire n’est-elle pas déjà unheureux signe ? Sachons l’apprécier. Despistes sont tracées, des expériences ontlieu (micro-crédit par exemple), des collo-ques se tiennent. La vie associative sepoursuit par delà les dérives et les éclatsmédiatiques. Il y a, par exemple, aujour-d’hui près de 330 SEL en France : 25.000personnes sont concernées ! La viedémocratique se poursuit malgré toutd’une manière discrète comme une eau desource souterraine prête à jaillir aumoment opportun ! L’exemple de l’Argentine est là pour leprouver ; près de 8.000 argentins sur-vivent grâce aux creditos émis par leréseau global de troc, qui permettent deséchanges évalués à 400 millions de dollarspar an, parallèlement aux 10 milliards depesos en circulation dans le pays. Si ceréseau global de troc ne s’était pas consti-tué et organisé quelques années avant cettecrise grave, que seraient devenues ces per-sonnes ? Lorsque le Titanic a coulé, n’yavait-il pas des canots de sauvetage, déjàprêts. Ils étaient déjà construits ? Et si lesmilliers d’associations de par le mondeétaient comme autant de petits canots !Bonne année de réflexions et d’actionsautour de ces pensées “distributives”.

M.T., Elétot.* * *C’est vrai, la Grande Relève aide à

nous donner un souffle d’opti-misme. «Aucun pessimiste nous a fait con-naître la magie des étoiles» et vous, c’estsur notre terre que vous nous laissezentrevoir une réalité possible, une fois queles mentalités évoluent dans le bon sens.Qui a écrit que les utopies d’aujourd’huipeuvent bien devenir les réalités dedemain? Merci encore de tout ce que vousfaites pour que ce soit ainsi pour lesgénérations futures. Que 2002 vousapporte l’énergie positive pour continuer à

la partager avec nous et les autres, tout lemonde, c’est mon plus grand souhait.Aussi que nous, les citoyens puissionscomprendre et puis participer à la réalisa-tion de tels idéaux. Si seulement en plus,les médias pouvaient les soutenir.

E. G. , Pornichet* * *Je viens de lire “La lettre des Ecologistes”

de décembre 01. En page 3, un article deFabien Maeder, qui dit avoir une forma-tion en économie, est intitulé “Vers uneéconomie plurielle”. Il y mentionne “lerevenu d’existence…”

E.B., Digne les Bains.RÉPONSE. Ces mots étant de plus en plusemployés, il faut voir dans quel contexte :s’agit-il d’un revenu garanti à tous oud’une société à plusieurs vitesses ?

* * *Je vous félicite pour votre action que jesouhaiterais plus dynamique, mais je

suis un peu plus sceptique sur la rédactiondes articles de la Grande Relève qui sontsouvent très “secondaires” dans leur style,on les verrait mieux dans le Monde de E.P.

J.B., Barcelone.* * *Différents articles parus dans la Grande

Relève (le dernier en date de AlainLavie, n° 1016) me remettent en mémoirequ’un Groupe d’Etudes philosophiques etsociales des années 30, intitulé “Justice etVérité” avait fait référence à l’analogie dela forme de Vie de l’être humain et celle dela société des hommes et souligné qu’ungroupement bien antérieur “LaFraternité” avait établi, à partir de cetteanalogie, l’esquisse d’un code social,naturel ou universel, dont l’applicationaurait permis de rétablir au sein de l’hu-manité, la santé prospère morale et spir-ituelle.Il est vrai qu’on ne peut être qu’impres-sionné par l’échange harmonieux des fonc-tions de direction (nerveuse), de vivifica-tion (respiration, circulation), et de nutri-tion, permettant à nos milliards de cellulesréunies en tissus, organes, appareils, devivre avec la sensation pour l’individu enbonne santé, d’une parfaite unité !Aussi le distributisme me paraît être unevoie heureuse vers la réalisation d’unenouvelle société, dans laquelle l’argentperdrait son pouvoir maléfique pourretrouver son rôle de seul moyen d’échangequi aurait toujours dû être le sien.Ceci pour dire aussi qu’il faudra encore un“certain temps” pour que se concrétisent

14 LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002

C O U R R I E R D E S L E C T E U R S

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LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 2002 15

toutes ces belles aspirations qui ont étéet sont l’apanage de beaucoup d’êtres etde nombreux groupes qui œuvrent dansle même sens, parfois avec une grandediscrétion.Pour répondre aussi à la nostalgie deMarie-Louise Duboin qui apparaît à lafin de son éditorial du n° 1015 : qu’ellese rassure, nous ne sommes pas tétaniséset ce qui doit se faire se fera. Peut-être eneffet, qu’avec plus de “conscience collec-tive”, la réalisation se ferait au moindrecoût (misères, douleurs, violences, etc.).Mais vous faites un bon travail et nousvous en remercions.Un relativement jeune lecteur de laGrande Relève, mais une vieille connais-sance de Jacques Duboin.

R.J., Palaiseau.* * *Votre travail de réflexion représente

pour moi l’une des rares lueursd’espoir de croire encore que la sociétécessera d’évoluer comme elle le faitdepuis des décennies malgré toutes lesparoles et les beaux sentiments expriméspar nos dirigeants et ceux du monde dit“libre”.

J-P. A., Thodure.* * *Cette nouvelle année s’annonce à la

fois très critique mais aussi pleinede promesses. En effet, de plus en plus devoix s’élèvent qui expriment des idéesparfois très proches de nos thèses.Malheureusement le commun des mor-tels que nous côtoyons journellement est

difficile à convaincre et je comprendsque certains de nos amis se découragent.Personnellement je pense qu’il faut con-tinuer à enfoncer le clou maintenant quel’on peut voir sa longueur apparentediminuer.Encore mes vœux à tous et bravo pourvotre travail.

R.S., Albert.* * *

L e s l e c t e u r s r é a g i s s e n t à l ’ e u r o :Voici l’Euro et les dithyrambes

insipides entendues ici et là, essen-tiellement dans les médias. Ce n’estnullement une révolution mais unchangement d’échelle. Je souhaite metromper, mais comment peut-on penserque l’argent puisse être un “démarreur”politique et un unificateur des hommesalors que sa création se fait par une faus-seté légalisée et amplifiée ? Ce type d’ar-gent est, et a toujours été, le principaldiviseur comme source artificielle etempoisonnée, ou frelatée, des relationshumaines.

R.L., Toulon* * *Après avoir joué l’Arlésienne pen-

dant trois ans, et une entrée enmatière pour le moins ludique (kits, cal-culettes, etc.), l’euro est arrivé. Maisdevant cette réalité sonnante ettrébuchante, il ne faudrait pas céder àl’euphorie ambiante sur cette monnaie.Pendant les trois ans que l’euro étaitvirtuel mais bien réel dans la sphère

économique, les suppres-sions d’emploi, les délo-calisations, les mini-mas d’augmentationde salaires, la pré-carité pour une largepart de la populationétaient bien réelles.Le cours de l’euro est entre les mainsd’une banque, la BCE, qui, privilègesuprême, n’a pas de compte à rendre auxpolitiques. Donc encore moins auxélecteurs ! Le seul rôle de cette banqueest de maintenir, comme un dogme, uncours à l’euro, en ayant pour tâche demaîtriser l’inflation…La présentation ludique de l’euro nepourra estomper longtemps la dure réal-ité monétaire, sauf que maintenant lesrevendications paraîtront minimales :comme les 2,29 euros réclamés par lesmédecins ! J. Le R., Hombourg

* * *L e s l e c t e u r s

e x i g e n t d e s c a n d i d a t s :Ce que je demande aux candidats:— que le gouvernement crée lui-

même ses euros et qu’il les distribue(1500 euros/mois, se détruisant àl’achat, c’est-à-dire le fisc à l’envers),— la retraite à 40 ans (après 20 ans deservice civil), — des excuses à propos de l’AMI,l’OMC et l’AGCS, accompagnées del’engagement qu’à l’avenir il y auratransparence et démocratie véritable.

J.P.P., Château-Renault.

SOUSCRIPTION PERMANENTE

POUR QUE VIVE LA GRANDE RELÈVER. Hanicot 9,15 – Le Troter 22,80 - C. Logre 24,26 – P. Magre 12,20 – J. Mercier 3,6 - B. Palier 53,35 – A. Ravinet 18,6– Mme Robier 18,53 – R. Saillard 18,53 – R. Savart 24,39 – G. Chauvin 9,15 – M. Delahaye 9,15 – M. Dosset 15,24 –Mme Grémion 7,21 – Mme G- Le Troter 26,1 – Ch. Bauny 7,62 – Mme Berger 9,53 – G.Carle 278,53 - Mme Beuret3,53 – M. Bourrelly 16,8 – Mme Davrainville 9,15 – A. Dejoux 1,6 – Mme Clopin 9 – J. Rocq 21,4 – P. Brunel 24,26 –J. Auclair 32.

Total 684,67 euros M e r c i à t o u s !Cette souscription nous permet de modérer le prix du journal et aussi d’en faire le service gratuit à ceux que

sa lecture intéresse mais qui n’ont pas les moyens d’en payer l’abonnement. Il leur suffit pour cela de se signaler aujournal en indiquant leur adresse (sachant que nous ne communiquons aucune adresse de lecteur à quiconque).

Rappelons à nos fidèles abonnés que la date d’échéance de leur abonnement est clairement portéesur la bande d’envoi de leur journal, sous leur adresse, en dernière ligne, à droite. Pour ne pas lesbousculer… et pour nous éviter l’envoi d’une lettre de rappel, nous continuons à leur faire le serviceplusieurs fois après cette échéance. Nous les remercions d’en tenir compte, soit pour nous régler àtemps, soit pour nous prévenir s’ils ne souhaitent plus recevoir le journal.

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LA GRANDE RELEVE - N° 1018 - FÉVRIER 200216

La Grande RelèveMENSUEL DE RÉFLEXION SOCIO-ÉCONOMIQUE

VERS LA DÉMOCRATIE EN ÉCONOMIE•

Foonnddéé eenn 11993355 ppaarr JJaaccqquuee ss DDUUBBOOIINNDDii rreecc tt rr ii ccee ddee llaa ppuubbll ii ccaatt iioonn :: Marie-Louise DUBOINRRééddaacc tt iioonn : les abonnés qui le souhaitent, tous bénévoles.

Les manuscrits sont choisis par le comité de lecture et ne sont pas retournés.GGrraapphhiissmmee : LASSERPE, Anne-Laure WITSCHGER

IImmpprree ss ss iioonn : ARTIS DDii ff ffuuss iioonn : NMPPCCoommmmii ss ss iioonn ppaarr ii ttaaii rree N° 57434 - II SS SS NN :: 0 3 9 8 - 2 0 7 6•Adresse postale B P 1 0 8 7 8 1 1 5 L e V é s i n e t C é d e x

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SUGGESTIONS D E L E C T U R E S • KOU, L'AHURIou LA MISÈRE DANS L'ABONDANCE.

Un livre plein d'humour, écrit par JacquesDuboin en 1934, mais d’une telle actualité qu’il aété mis en scène au théâtre belge en 1996.

(prix 65 F, franco).• LES AFFRANCHIS DE L'AN 2000 .

Écrit par Marie-Louise Duboin sous la formed’un roman pour expliquer à l’aide d’exemplesles mécanismes de l’économie proposée et pourmontrer ce qu’elle apporte à la société.

(110 F, franco).• UN SOCIALISME À VISAGE HUMAIN.

Texte d'une conférence, rédigé par André Prime.(25 F, franco).

• ET SI ON CHANGEAIT ?Résumé en bande dessinée par J.Vignes-Elie.

(25 F, franco).• quelques anciens numéros contiennent desdossiers toujours actuels, ce sont par exempleN°972 LA FIN DE QUEL TRAVAIL ?N°984 MAIS OÙ VA LE SERVICE PUBLIC ?N°989 RETRAITES : L’INTOX

POUR LES FONDS DE PENSION,N°992 L’ORGANISATION MONDIALE DU

COMMERCE (OMC).on peut les commander au journal,

BP 108, 78115 Le Vésinet cédex.

L’économie distributive, proposée par J.Duboin,est la conséquence logique des progrès de lascience : il s’agit de mettre fin au paradoxe del’homme inventant une machine pour travailler àsa place… mais qui ne travaille pas pour lui !

EN RÉSUMÉ :Tout ce qui est utile, matériellement et

écologiquement possible, l’est financièrement. Tous les citoyens reçoivent un pouvoir d’achat

dont la masse totale correspond aux biens et services disponibles. Ce “revenu social” est versé en

“monnaie de consommation” et permet au consommateur de choisir ses achats.

Cette réforme fiscale rend inutile tout impôt.La production n’est pas dirigée, mais les efforts sont orchestrés

en vue d’obtenir le plus grand rendement possible avec le minimum de peine.

Le travail humain nécessaire pour assurertant les services publics que la pérennité de la production (y compris l’entretien de

l’équipement, son extention et ses perfectionnements) revêt la forme

d’un “service social” accompli par roulement. Ce système économique ne fait disparaître

aucun de nos droits politiques, mais il les compléte de droits économiques

sans lesquels ils n’ont pas de sens, car ppoouurr vviivvrree ll iibbrree,, ii ll ffaauutt aavvooiirr ddee qquuooii vviivvrree

France (régime intérieur pour la Poste) 21,47 euros.ou abonnement de soutien (soit deux exemplaires) 38,20 euros.

DOM 23,45 euros.TOM 26,20 euros.

Extérieur, suivant les zones de la Poste :Zone 1 (Belgique, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Luxbg)25,27 euros.Zone 2 (Espagne, Grande-Bretagne, Suisse) 24,92 euros.Zone 3 (Canada, États-Unis) 27,12 euros.Zone 5 (Amérique du Sud) 28,97 euros.

RÈGLEMENTS :à l’ordre de La GrandeRelève

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